PRÉCIS DE L'HISTOIRE DU MOYEN ÂGE

SECONDE PARTIE. — DEPUIS LA PREMIÈRE CROISADE JUSQU'À LA PRISE DE CONSTANTINOPLE PAR LES TURCS OTTOMANS, 1095-1453

 

CHAPITRE TREIZIÈME.

 

 

DE LA FRANCE ET DE L'ANGLETERRE.

Troubles dans les deux royaumes. — Seconde période de la guerre de cent ans, terminée par l'expulsion des Anglais, 1380-1453.

 

CETTE période historique, semblable en tous points à celle qui précède, reproduit les mêmes phases de malheurs, de revers et de gloire. Des dissensions civiles en France et en Angleterre ; la rivalité de deux branches des maisons de Valois et de Plantagenet ; la guerre entre les deux nations, d'abord languissante, ensuite plus vive que jamais ; le danger de la France plus pressant et sa délivrance plus glorieuse ; enfin, au milieu de tant d'adversités communes, des réformes et des améliorations politiques dans les deux royaumes : tel est le tableau que présente cette triste époque.

 

§ I. — Minorité et démence de Charles VI ; minorité et tyrannie de Richard II.

 

A trois ans de distance, RICHARD II, roi d'Angleterre, et CHARLES VI, roi de France, avaient succédé, l'un à son aïeul, l'autre à son père (1377 et 1380). Dans les deux royaumes, les mêmes causes amènent les mêmes effets. En Angleterre, la régence est disputée par les trois oncles du jeune roi, les ducs d'York, de Lancastre et de Glocester ; en France, on voit pareillement trois oncles de Charles VI, empressés, à l'encontre les uns des autres, de gouverner le royaume dans leurs intérêts particuliers, sans égard pour la vertueuse résistance du duc de Bourbon. Les princes anglais dissipent les finances de l'État, déjà épuisées par les guerres du règne précédent ; les épargnes que Charles V avait amassées au milieu de ses triomphes sont dilapidées par le duc d'Anjou, qui les applique aux stériles préparatifs de l'expédition de Naples, où il devait laisser la vie (1384). La même année voit établir, en-deçà et au-delà de la Manche, des impôts odieux, qui doivent soulever les sujets des deux couronnés (1381).

Le rétablissement des Aides et Gabelles abolies par les États-généraux de l'année précédente, et les entreprises qu'on méditait contre les franchises du peuple, excitent à Paris la sédition des Maillotins, qui se répète à Rouen et dans les principales villes du royaume. Elle sert de prétexte aux princes du sang pour demander le supplice de l'avocat-général Jean Desmarets, le désarmement des bourgeois, et la suppression momentanée des charges municipales qui garantissaient les privilèges des Parisiens (1383).

La révolte des Tuchins ou Brigands dans le Languedoc, occasionnée par les mêmes causes que la sédition des Maillotins et conduite par Arnoul de Serval surnommé l'Archiprêtre, fut réprimée par le duc de Berry, dont les exactions l'avaient provoquée.

En Angleterre, l'impôt de la capitation (Poll-tax), voté par des Chambres corrompues, donne lieu à la révolte du forgeron Walt-Tyler, qui fait insurger les paysans du comté d'Essex, déjà préparés à la désobéissance par les prédications séditieuses du prêtre John Ball, disciple de l'hérésiarque Wicleff. Cent mille rebelles marchent sur Londres et s'en emparent (1381). Le meurtre de Walt-Tyler et la modération trompeuse du roi les ramènent à l'ordre. Mais l'amnistie promise par Richard et sa charte de liberté furent bientôt oubliées, et le peuple retomba sous une tyrannie qui n'avait pas, comme sous Édouard, Crécy et Poitiers pour excuses.

Les minorités de Charles VI et de Richard II ont pour dernière ressemblance le renouvellement des guerres de Flandre et d'Écosse, où les expéditions des deux jeunes monarques eurent des résultats pareils. Le roi de France marche au secours du comte Louis II de Marie, avec le brave Clisson, qui venait de recevoir l'épée de connétable, et bat les Flamands rebelles à la journée de Rosbeck, où périt leur chef Philippe d'Artevelle. Les mouvements populaires qui éclataient dans toutes les parties du royaume empêchent Charles de poursuivre ses succès.

La guerre d'Ecosse s'était aussi annoncée sous d'heureux auspices ; mais Richard, désespérant avec raison de pouvoir dompter la fierté des montagnards, renonça -brusquement à son entreprise (1385), et Robert Stuart put transmettre à ses descendants la succession paisible d'un trône où ils devaient rencontrer tant d'infortunes (1390). Au retour de son expédition, Richard, comme Charles, affecta le pouvoir absolu, et, comme le roi de France, il tomba sous l'influence des princes ou des favoris qui opprimèrent le peuple en son nom.

Rupture avec l'Angleterre, 1385. — Après une suspension d'armes qui avait duré quatre ans, Charles VI projette une descente en Angleterre et fait préparer un grand armement à L'Écluse ; mais le duc de Bourgogne, au lieu de presser l'expédition, s'applique à soumettre la Flandre, qui lui était récemment dévolue par la mort de Louis Il de Marie, son beau-père. Le duc de Berry, de son côté, fait perdre, par ses lenteurs, le moment favorable, et pendant ce temps les Anglais brûlent dans le port les vaisseaux qu'avait épargnés la tempête (1386). De nouvelles trêves furent signées en 1389 et 1395. La dernière, qui devait durer dix-neuf ans, stipula le mariage de Richard II avec la fille de Charles VI et la restitution de Brest et de Cherbourg par les Anglais.

Démence de Charles VI, 1892. — Pierre de Craon, ayant attenté à la vie du connétable de Clisson, s'était réfugié en Bretagne, et le duc Jean V avait refusé de le livrer à la justice du roi. Charles, résolu de tirer vengeance de cette injure, marche contre son vassal à la tête d'une armée ; mais une rencontre mystérieuse dans la foret du Mans vient troubler sa raison, et l'expédition n'a pas de suite.

Le malheureux monarque, devenu incapable de gouverner l'Etat, est indignement délaissé par la reine Isabelle de Bavière et par les princes de sa famille ; les ducs de Berry et de Bourgogne s'emparent de la régence, à l'exclusion du jeune duc d'Orléans, frère du roi, destituent Clisson et proscrivent les autres ministres. Malgré ces actes d'une rigueur injuste, l'administration des deux régents donne à la France dix ans de repos, mais non de bonheur.

1396. — Les nombreux chevaliers, formés à l'école de Duguesclin, honteux de leur oisiveté et des excès d'une cour dissolue, vont combattre les Turcs, sous les ordres de Sigismond, roi de Hongrie ; mais la fortune trahit leur bravoure à la journée de Nicopolis, si funeste à la chrétienté. Malgré ce revers, le jeune Boucicaut, sorti des fers des Ottomans, va défendre Constantinople contre leur sultan Bajazet, et la valeur française sauve la capitale de l'empire grec.

Révolution d'Angleterre, 1899. — L'abandon de Brest et de Cherbourg par Richard II avait soulevé contre ce prince les Anglais fatigués de sa tyrannie. Des supplices réprimèrent les premiers troubles ; mais, pendant que le roi était occupé à soumettre l'Irlande, aussi révoltée, Henri de Lancastre, réfugié en France, fit une descente dans l'Yorkshire et se rendit bientôt maître de Londres. Richard, abandonné de son armée, fut forcé d'abdiquer la couronne, et sa captivité à Pomfret fut abrégée par une mort violente. Le parlement déféra la couronne à Henri de Lancastre.

HENRI V, chef de la branche royale de Lancastre, descendait du troisième fils d'Édouard III. Son élévation au trône eut lieu au préjudice de la maison d'York, qui avait pour elle le droit de proximité ; aussi ce ne fut pas sans danger et sans efforts qu'il réussit à se maintenir contre les entreprises des princes et de la noblesse — Défaite de Hotspur, chef des rebelles, à Shrewsbury, en 1403.

La cour de France ne réclama point contre une usurpation qui avait privé la fille de Charles V de son époux et de sa couronne ; mais la trêve de Lelinghem, conclue en 1395, fut un moment rompue 5 Bourbon assiégea, sans succès, il est vrai, les villes de Bordeaux et de Bayonne ; et le duc de Bourgogne, avec plus de bonheur, empêcha les Anglais de s'établir en Bretagne. Toutefois la guerre ne pouvait devenir sérieuse au milieu des ambitions qui divisaient les deux royaumes.

Assassinat du duc d'Orléans, 1407. — Louis d'Orléans et Philippe de Bourgogne avaient été ennemis toute leur vie ; mais, par les conseils du duc de Bourbon et les vertus conciliantes du prévôt Juvénal des Ursins, leur haine mutuelle ne s'était produite qu'en intrigues de cour et de pouvoir. Il en fut autrement après la mort de Philippe le Hardi, qui transmit à son fils Jean-sans-Peur, avec ses inimitiés, un vaste héritage de puissance et de crédit. Une offense faite à l'honneur du nouveau duc de Bourgogne amena entre les deux princes une rupture publique, et le Bourguignon aposta des assassins qui égorgèrent son rival. Ce crime resta impuni, et le coupable eut assez d'audace et d'autorité pour le faire justifier par un docteur de Sorbonne et approuver par le monarque.

Louis, duc d'Orléans, laissait quatre fils, trois légitimes, nés de Valentine de Milan, et le bâtard Dunois, qu'il avait eu de Marie d'Enghien. Le jeune Charles d'Orléans se prépara à venger son père.

Guerre des Bourguignons et des Armagnacs, 1410, etc. — La querelle de deux familles doit remplir la France d'horreurs, et la guerre civile va s'associer à -la guerre étrangère. Le parti orléanais ou armagnac aura d'abord pour lui Isabelle de Bavière et la cour, celui de Jean-sans-Peur, les bourgeois de Paris et l'Université.

1411. — Les princes du sang forment une confédération contre le duc de Bourgogne, sous le commandement du comte d'Armagnac, beau-père du jeune duc d'Orléans. On entre en campagne de part et d'autre, et les succès se balancent. Mais les Bourguignons dominent à Paris, où Jean-sans-Peur organise la milice des Cabochiens, qui se rend coupable des plus effroyables excès.

1412. — Les princes, désespérant de leur cause, sollicitent la protection du roi d'Angleterre, et lui offrent la pleine exécution du traité de Brétigny. Le duc de Bourgogne les fait déclarer ennemis de l'État, et les Cabochiens font main-basse sur les Armagnacs de Paris. Le sang coule sur les échafauds en même temps que dans les places publiques, et la populace garde à vue dans leur palais le roi, la reine et le dauphin. Cependant la crainte de l'intervention étrangère réconcilie un moment les deux partis, qui signent la paix de Pontoise (1413), dans le même temps où la mort d'Henri IV semblait devoir détourner la cour d'Angleterre des affaires de France.

 

§ II. — Guerre d'Azincourt, 1414-1422.

 

1412. — HENRI V, roi d'Angleterre, avait annoncé dès les premiers jours de son règne une sagesse et une ambition que ne promettait pas sa jeunesse licencieuse. L'occasion s'était offerte à lui de relever sur le continent la puissance de ses ancêtres ; il résolut de la saisir. Sur le refus fait par la cour de France d'exécuter, dans toute leur rigueur, les conditions du traité de Brétigny, il fit résoudre la guerre dans le parlement de Leicester, qui lui accorda des subsides pour l'entretien de cinquante mille hommes.

Bataille d'Azincourt, 1415. — Le roi d'Angleterre, ayant débarqué en Normandie, s'empare de Harfleur, et cherche à se rapprocher de Calais en traversant la Picardie. L'armée française atteint les Anglais près de Saint-Pol ; et l'imprudente précipitation du connétable d'Albret engage, dans la plaine d'Azincourt, une bataille aussi funeste que les journées de Crécy et de Poitiers. Plusieurs princes du sang et les plus braves guerriers de France y perdent la vie ou la liberté. Au nombre des prisonniers se trouve le duc d'Orléans, dont la longue captivité aurait été un grand bonheur pour le royaume, si le duc de Bourgogne l'avait partagée.

Le vainqueur d'Azincourt ne profita pas de sa victoire. Il espérait venir à bout de ses desseins en s'alliant avec le duc de Bourgogne et avec l'empereur Sigismond pour opérer le démembrement de la France.

La prison du duc d'Orléans n'avait point affaibli son parti, et la mort du dauphin Louis, gendre de Jean-sans-Peur, fut un échec pour la faction bourguignonne. L'épée de connétable et les finances furent données au comte d'Armagnac, qui instruisit le roi des déportements de la reine, et fit exiler cette princesse à Tours (1417) ; mais le triomphe des Armagnacs ne fut pas de longue durée.

Massacre des Armagnacs, 1418. — Le duc de Bourgogne se réunit à Isabelle de Bavière, et s'allie avec Henri V. Pendant que les Anglais, de nouveau descendus en Normandie, font des progrès dans cette province, l'Île-Adam s'introduit dans Paris avec une troupe de Bourguignons. Le roi, tombé sous la tutelle de cette faction, doit prêter son nom à tous les attentats qui vont se commettre contre la couronne et contre la nation. Une première émeute force les prisons de Paris pleines d'Armagnacs. Des milliers de victimes tombent sous les coups d'une populace ivre de sang, qui égorge avec une féroce joie le connétable, le chancelier, six évêques, les magistrats les plus honorables et les plus vertueux citoyens. Ces horreurs devaient se renouveler l'année suivante, sous les yeux même de la reine, qui soudoyait les bourreaux. Dans l'intervalle de ces deux boucheries, on fait rendre à Charles VI des lettres-patentes qui révoquent tous les offices de magistrature et autres, pour les donner aux Bourguignons, à l'exclusion des Armagnacs.

Le Dauphin régent, 1418. — Cependant le dauphin Charles, sauvé des mains des Bourguignons par le dévouement de Tanneguy-Duchâtel, se rend de l'autre côté de la Loire pour se mettre à la tête du parti d'Orléans, devenu celui de la royauté. Il prend le titre de régent, et, des fidèles débris des corps de, l'État, il forme un parlement et une université à Poitiers.

1419. — Le roi d'Angleterre, après avoir pris Rouen, s'avance jusqu'à Meulan, où devaient s'ouvrir des négociations entre ce prince et la reine de France, le duc de Bourgogne et le dauphin. Ce dernier ayant manqué à l'entrevue, on se sépare sans rien conclure. Un mois après, Jean-sans-Peur et le dauphin se réunissent dans une conférence près de Melun, jurent de s'aimer comme frères, et promettent de se revoir bientôt.

Assassinat de Jean-sans-Peur, 1419. — On espérait la paix de l'entrevue de Montereau ; mais, le meurtre du duc de Bourgogne, commis par Tanneguy-Duchâtel, devait rendre les haines implacables et compromettre l'avenir de la France.

Traité de Troyes, 1420. — Philippe II, fils de Jean-sans-Peur, jura de venger son père, et s'unit plus étroitement à Isabelle et à Henri V. On fit signer à Charles VI un traité qui donnait au roi d'Angleterre, avec la main de Catherine de France, le titre de régent du royaume et d'héritier de la couronne. Le dauphin, dépouillé de ses droits par un père en démence, une mère dénaturée et un prince étranger, en appela à Dieu et à son épée. Alors, plus que jamais, la nation et les grands corps de l'Etat se trouvèrent partagés entre l'usurpateur anglais et le légitime héritier du trône.

1422. — La mort d'Henri V et de Charles VI ne laisse pas le temps à la domination anglaise de prendre racine en France. Cependant le traité de Troyes doit porter ses fruits.

 

§ III. — Guerre d'Orléans, 1422-1436.

 

CHARLES VII et HENRI VI, 1422. — Le dauphin Charles se fait couronner à Poitiers et reconnaître au midi de la Loire, pendant que le fils d'Henri V est proclamé roi de France et d'Angleterre à Paris et à Londres. Ce prince, à peine âgé de dix mois, a pour tuteurs ses oncles les ducs de Bedford et de Glocester. C'est entre Charles VII et Bedford que va commencer une lutte dont la France devait être le prix.

Bedford commence par détacher le duc de Bretagne de la cause royale, et le roi de France remplace l'alliance de ce vassal par celle de l'Ecosse. La Régence de ce royaume avait déjà envoyé des renforts à Charles dauphin, sous le commandement du comte de Buchan, qui, de concert avec le maréchal de Lafayette, vainquit les Anglais à Baugé (1421). Les troupes écossaises qui arrivèrent au secours de Charles VII avec le connétable Stuart furent battues à Crévant, et un troisième corps ne put empêcher la défaite de l'armée royale à la bataille de Verneuil (1424). Ces revers semblaient d'autant plus accablants, que le roi ne faisait aucun effort pour les réparer. Indifférent à tout, hormis aux plaisirs, il perdait joyeusement son royaume, comme le lui reprochait le brave Lahire.

1424-1425. Pendant que le roi de Bourges paraît oublier l'honneur de sa couronne, le dévouement de sa noblesse et la détresse du peuple, quatre principales circonstances viennent relever les espérances de la nation : 1° les prétentions du duc de Glocester sur le Hainaut refroidissent le duc de Bourgogne, et lui inspirent des senti mens plus pacifiques et plus français ; 2° Arthur de Richemont, nommé connétable, ramène pour un temps l'inconstance de son frère Jean, duc de Bretagne ; 3° la fleur de la chevalerie française vient se ranger sous la bannière royale ; Dunois, La Trémouille, Lahire, Xaintrailles, Barbazan, etc., en faisant revivre les vertus guerrières des anciens preux, impriment une couleur héroïque à cette époque désastreuse ; 4° la Providence suscite pour le salut de la monarchie la fille du laboureur de Domremy : Jeanne d'Arc annonce sa mystérieuse mission, et la France va être sauvée par cette héroïne.

Siège d'Orléans, 1428. — Orléans assiégé par les Anglais allait succomber, et ce boulevard de la royauté devait entraîner dans sa chute le trône des Valois. Jeanne d'Arc, unissant sa valeur à celle de Richemont et de Dunois, délivre cette ville, fait prisonnier le duc de Suffolk, s'empare de Beaugency, bat et prend Talbot à Patay, et va faire sacrer le roi à Reims à travers mille obstacles et mille dangers (1429).

1431. — Une fois Charles VII couronné, la mission de Jeanne était finie. Retenue malgré elle sous les drapeaux, elle va défendre Compiègne, où elle tombe au pouvoir des Bourguignons, qui la livrent aux Anglais. Bedford l'abandonne à la justice ecclésiastique, et un tribunal assemblé à Rouen la condamne comme hérétique et magicienne. L'infâme sentence fut exécutée, dit un célèbre historien anglais. Cette héroïne, a qui la généreuse superstition des anciens aurait érigé des autels, fut livrée aux flammes dévorantes, et expia par ce supplice horrible les services signalés qu'elle avait rendus à son prince et à sa patrie. (Hume).

Cette lâche et monstrueuse vengeance ternit à jamais la gloire de Bedford, sans rétablir l'honneur de ses armes. Les Anglais laissent prendre Chartres, et sont battus à Gerberoy. Richement prépare leur ruine en disposant le duc de Bourgogne à un accommodement avec la cour.

Paix d'Arras, 1435. — La plupart des princes de la chrétienté s'intéressaient aux malheurs de la France, et le concile de Bâle sollicitait le rétablissement de la paix. Elle fut conclue au congrès d'Arras entre Charles VII et Philippe le Bon. Le Bourguignon dicta les conditions du traité, exigea du roi le désaveu solennel du meurtre de son père, et se fit céder l'Auxerrois, les villes de la Somme, le Boulonnais, etc.

Les plénipotentiaires anglais avaient élevé des prétentions exorbitantes que l'honneur de la couronne ne permettait pas d'accepter. La sagesse de Bedford se démentit en cette occasion ; mais la mort, qui le surprit en 1436, ne lui laissa pas voir les suites de son imprudence. Cet étranger n'emportait dans la tombe que la haine de la France ; mais Isabeau de Bavière y descendit la même année, chargée de mépris et d'exécration. De toutes parts la fortune souriait à Charles, qui put croire sa couronne bien affermie lorsque la mort l'eut délivré de Bedford, et que Richemont lui eut fait ouvrir les portes de sa capitale (1436).

 

§ IV. — Dernières hostilités ; expulsion des Anglais.

 

Le duc d'York, qui succéda à Bedford dans le gouvernement des provinces anglaises de France, n'avait ni les mêmes talents ni les mêmes ressources. Les divisions du duc de Glocester et du cardinal de Winchester en Angleterre laissaient languir la guerre sur le continent. D'autre part, l'épuisement des provinces et les divisions des princes français ralentissaient les succès de Charles VII.

1440. — Ces divisions, qui avaient pour cause ou pour prétexte le despotisme du connétable, donnent lieu à la sédition connue sous le nom de Praguerie. Le dauphin Louis, excité par La Trémouille et soutenu par les ducs de Bourbon et d'Alençon, les comtes de Vendôme et de Dunois, se met en pleine révolte contre son père. Charles VII réduit les rebelles ; mais sa clémence ne corrige pas les mécontents, qui, deux ans après, entreprirent encore sur l'autorité royale.

1441-1443. — La paix une fois rétablie dans les provinces de l'obéissance du roi, les hostilités recommencent avec les Anglais, qui perdent Creil, Pontoise et plusieurs autres places voisines de Paris. Charles porte la guerre en Guienne et en Gascogne, où il se rend maître d'un grand nombre de villes. Mais le siège de Dieppe, par Talbot, oblige le roi de diviser ses forces, et de consentir à une trêve, qui est conclue à Tours (1443) pour un an, et se prolonge jusqu'en 1448.

Trêve, 1443-1448. — Dès les premiers jours de cet armistice, Charles VII se rend en Lorraine pour presser la conclusion de deux mariages qui devaient réconcilier plusieurs maisons souveraines et deux grandes nations. Le roi René d'Anjou, duc de Lorraine, donne ses deux filles pour gages de la paix : Marguerite épouse Henri VI ; roi d'Angleterre ; Yolande donne sa main à Ferry de Vaudemont, et cette union doit terminer les différends qui s'étaient élevés entre les pères des deux époux, au sujet de la succession de Lorraine, ouverte, en 1431, par la mort de Charles le Hardi. C'est de Ferry et d'Yolande que -descend la maison impériale de Lorraine-Autriche.

Pendant que Charles VII négocie à Nancy, son fils fait la guerre aux Cantons helvétiques, comme alliés de l'empereur Frédéric III. Il remporte sur les Suisses la victoire de Bottelem, si glorieuse pour les vaincus, et vient ensuite se joindre à son père pour assiéger Metz, qui se rachète et rentre dans l'obéissance de René.

Expulsion des Anglais, 1448-1453. — Les Anglais ayant violé la trêve par la surprise de Fougères, Charles se met en devoir de reconquérir la Normandie : Rouen lui ouvre ses portes ; Harfleur se défend et succombe ; la bataille de Formigny, gagnée par Richemont, anéantit l'armée anglaise, et la prise de Cherbourg achève la conquête de la Normandie, qui est pour toujours réunie à la couronne (1450).

En Guienne, Dunois, pour premier succès, s'empare de Bayonne, dont la soumission entraîne celle des Basques, qui se donnent à la France, sous la réserve de leurs anciennes franchises (1451). Bordeaux, qui avait aussi ouvert ses portes aux Français, reçoit bientôt après les Anglais dans ses murs ; mais la défaite et la mort de Talbot, au combat de Castillon, ne laissent plus d'espoir aux partisans de l'étranger, et deux citadelles, dont le roi flanqua la capitale de la Guienne, répondent désormais de la fidélité de ses habitans.

Par la prise de Bordeaux fut terminée cette longue et sanglante lutte qui fut tour à tour si glorieuse pour les deux nations, et dont les deux grands résultats furent l'agrandissement de la France royale par l'expulsion des Anglais, et l'accroissement du pouvoir royal par la ruine de l'indépendance féodale et des franchises de la nation.

 

§ V. — Réformes et institutions dans les deux royaumes.

 

FRANCE.

Sous Charles VI, le parlement de Paris devient permanent, et acquiert une part dans la puissance législative par l'introduction insensible du l'enregistrement, et par l'extension donnée aux arrêts de règlement, qui avaient force de loi dans tout le ressort judiciaire.

1439. Sur les remontrances des États d'Orléans, Charles VII voulant faire cesser les grands excez et pilleries des gens de guerre institue des compagnies de Gens d'Armes, par un édit perpétuel. Plus tard, en 1148, il organisa la milice des Francs Archers, qui, réunis aux gens d'armes, formaient une armée permanente de 18.000 hommes, indépendamment de la Gardée Écossaise établie en 1421.

Les trois Ordres, en demandant l'établissement d'une force publique régulière, avaient consenti implicitement à l'assiette d'une taille perpétuelle que le roi fit de sa pleine autorité, et contre laquelle les États réclamèrent en vain, L'édit de 1441 porte que : Il n'est jà nul besoin d'assembler les trois États pour mettre sus lesdites tailles. Toutefois il ne leur conteste pas le droit de voter les aides et autres impôts.

Ces deux établissements tirent la France de l'anarchie, et préparent la ruine de la féodalité ; mais ils portent atteinte aux franchises publiques, et doivent arrêter les progrès des institutions nationales.

1443. Création du parlement de Toulouse, qui fait partie intégrante de celui de Paris, avec les mêmes honneurs et les mêmes droits.

Les offices commencent à être tenus à vie, et les cours de justice acquièrent par-là une salutaire indépendance. (Édit de 1446.)

1454. Édit de Montil-lès-Tours, sur le fait de la justice. Ce précieux monument de la législation civile forme un code complet de procédure, remarquable par l'esprit de sagesse qui l'a dicté. L'article 125 prescrit la rédaction des différentes coutumes du, royaume.

1465. Les États de Languedoc accordent des subsides et obtiennent la réforme de divers abus.

1458. Pragmatique-Sanction de Bourges, qui, conformément aux décrets du concile de Bâte, rétablit les élections canoniques, et abolit les annates, réserves, expectatives, et autres exactions.

Réforme de l'Université par le cardinal d'Estouteville. Elle comptait alors 25.000 étudiants.

L'agriculture et le commerce commencent à refleurir. Jacques Cœur entretient des relations avec toutes les parties du monde, et vient au secours de l'État. Mais la jalousie des grands réussit à le faire condamner comme concussionnaire, par arrêt de 1453.

ANGLETERRE.

Sous Richard II, le parlement est tour à tour séditieux et servile.

Sous Henri IV, ce corps prend plus de consistance, et exerce une grande influence dans le gouvernement. Le concours des deux Chambres devient nécessaire pour les a flaires importantes, et l'initiative des bills de finance est attribuée aux Communes (1408).

1407. Le droit de pétition et de remontrance entre dans les éléments de la constitution.

1406. Statut de Henri IV, qui donne une extension trop démocratique au suffrage électoral.

1430. Statut de Henri VI, qui n'accorde le droit de voter dans les élections qu'aux francs tenanciers jouissant de quarante shillings de revenu. — Cette somme, équivalente à 600 fr. environ, supposait alors une garantie suffisante ; mais la dépréciation successive des monnaies a livré depuis le vote électoral à une foule de prolétaires.

La Chambre des Communes se composait de députés élus au nombre de deux dans chaque comté, dans chaque ville du domaine royal, et dans chaque bourg incorporé par charte ou par prescription.

En Angleterre comme en France, les corps judiciaires deviennent indépendants de la couronne.

Tandis que l'Église de France faisait tous ses efforts pour mettre fin au schisme, le clergé anglais ne songeait qu'à extirper l'hérésie. Les erreurs Wicleff avaient beaucoup de partisans dans la Chambre des Communes. Mais Henri IV, qui voulait s'attacher les pairs ecclésiastiques, alors très-nombreux et très-puissants, fit rendre une loi qui condamnait au feu. les personnes atteintes d'hérésie (1400). William Sa titre et Old Castel furent les premières victimes. La réforme wicleffite fut étouffée en Écosse par les mêmes moyens, de rigueur.

Le commerce, encouragé par Édouard III, languit pendant les guerres avec la France. Malgré l'acte de navigation publié sous Richard II, il devait-être anéanti par la guerre civile, des deux Roses.