HISTOIRE GRECQUE

TOME CINQUIÈME

LIVRE SEPTIÈME. — LA MACÉDOINE ET LA GRÈCE (362-337 Av. J.-C.).

CHAPITRE DEUXIÈME. — POLITIQUE ET VIE INTELLECTUELLE D'ATHÈNES JUSQU'AUX DÉBUTS DE DÉMOSTHÈNE.

 

 

§ IV. — LA POÉSIE ET L'ART À ATHÈNES.

Quant à l'art, ce temps ne lui fut pas favorable. La poésie, telle que nous l'avons vue florissante à Athènes, suppose un état de santé de la vie publique, une situation politique heureuse et sûre, aussi bien que le concours actif des meilleurs de la nation. Elle ne pouvait prospérer dans un temps où l'on était mal satisfait des habitudes traditionnelles. Quand tout tendait à la culture pratique de l'intelligence, le goût de la poésie ne pouvait manquer de s'affaiblir. Les esprits supérieurs n'y trouvaient point un aliment suffisant. Ils ne voulaient pas d'un agréable amusement, d'une émotion passagère, d'un jeu de l'imagination. Ils avaient en aversion la mythologie, dans laquelle la poésie a ses racines, parce qu'elle troublait et égarait l'idée du divin. Le sérieux de la science ébranla le pouvoir de l'art national, et entre le Vrai et le Beau s'éleva un conflit qui était impossible à l'époque où les poètes étaient les instituteurs du peuple. De là vient que le plus grand génie poétique de son temps se détourna de la poésie pour se consacrer tout à la philosophie. Isocrate lui-même n'estimait les poètes qu'en tant que l'on trouve dans leurs œuvres des sentences utiles. Quelle révolution dans les rapports des hommes cultivés avec la poésie, quel trouble devait se produire dans la conscience du peuple lorsqu'on voyait les poètes dramatiques exclus de la république de Platon, et des paroles d'Eschyle passer pour tellement immorales qu'il fallait les tenir loin de l'oreille de la jeunesse[1] !

Il ne manquait pas néanmoins de gens qui s'intéressaient aux œuvres poétiques. On voyait les rapsodes, entourés d'un cercle pressé d'auditeurs et solennellement drapés dans de longues robes, déclamer sur les places publiques les poèmes d'Homère[2]. L'art des rapsodes était très florissant ; il exigeait des tours de force de mémoire qui étaient très pratiqués chez les Athéniens. On apprenait par cœur l'Iliade et l'Odyssée, et la perfection du genre était de pouvoir continuer le récit à quelque endroit que ce fût[3]. Nous voyons même des jeunes gens de grande maison, comme Nicératos, le fils de Nicias, exercés dans cet art et suivant partout les rapsodes[4]. En général, leur considération était pourtant en baisse, et si quelques-uns d'entre eux se présentaient encore au Public da temps de Platon avec un grand contentement d'eux-mêmes, comme Ion d'Éphèse, on se fatiguait cependant de leur pathos vide et on regardait de haut ces chanteurs ambulants. En fait de nouvelles productions dans le genre épique, nous ne voyons que la Perséide de Chœrilos, qui trouva bon accueil à Athènes, ne fût-ce qu'à cause du sujet.

Le mouvement dramatique était plus considérable. Comme cela arrive fréquemment après l'époque des chefs-d'œuvre, ce devint une mode parmi les jeunes gens qui ne se sentaient pas de goût pour des études plus sérieuses que de s'essayer comme poètes. Platon lui-même, dit-on, après avoir brûlé les essais épiques de sa jeunesse, avait une tétralogie dramatique toute prête à être représentée lorsque Socrate l'appela à des études plus hautes. Ce fruit de son dilettantisme poétique fut détruit sans miséricorde comme les précédents. D'autres contemporains furent moins sévères pour eux-mêmes, et il ne manquait pas à Athènes, notamment dans les familles de poètes, d'hommes de talent qui fournirent à la scène des pièces nouvelles. Le programme des Dionysies célébrées à la ville comportait des jours de jeux, et il fallait alors comme autrefois des tragédies qui, selon l'ancien règlement, ne pouvaient être représentées que par groupe de quatre pièces[5]. Mais on ne vit pas paraître d'ouvrages d'une valeur originale, ou intéressants par le sujet. La production poétique devint une fabrication industrielle. A mesure que les auteurs de tragédies perdaient en considération, les acteurs accaparèrent pour eux-mêmes l'intérêt du public. Leur art se dégagea de sa subordination vis-à-vis des poètes[6] : ils formèrent une classe particulière, qui eut ses institutions spéciales et ses assemblées.

Ils se réunirent en 'compagnies, composées des artistes qui avaient coutume de représenter ensemble les mêmes pièces : le protagoniste en tête, au-dessous de lui les deuxièmes et troisièmes rôles[7]. Ceux d'entre eux qui avaient réussi à conquérir la faveur publique se faisaient une situation très brillante : l'État leur donnait un salaire élevé : ils gagnaient dans leurs tournées de gros honoraires, qui pour une seule représentation s'élevèrent, dit-on, jusqu'à un talent[8], et obtenaient en outre des prix. Des acteurs éprouvés prirent dans la direction des représentations la place du poète, et eurent les mains libres en face des autorités pour le choix des pièces et la distribution des rôles. Des acteurs gâtés par le succès ne permettaient pas qu'un autre parût en scène avant eux, afin de produire eux-mêmes sur le public tout l'effet de la première impression. Ils ne se gênaient pas non plus avec le texte des auteurs, et se permettaient des changements qui leur paraissaient de nature à faire briller davantage leur talent. Les acteurs comiques et les tragédiens se séparèrent en deux ordres distincts, et ces derniers prirent par là une importance toute particulière, jusqu'à empiéter sur l'enseignement de l'éloquence : ils devinrent des professeurs très recherchés pour l'instruction des jeunes rhéteurs. Ils passaient pour les vrais modèles en ce qui concerne le travail de la voix et du débit : leur art était lui-même une éloquence en action, et de même qu'Athènes était la vraie patrie de l'éloquence, l'art du comédien dans sa nouvelle phase devint un art essentiellement athénien. C'est à Athènes que brillèrent Satyros, Néoptolémos, Andronicos, qui étaient au temps de Démosthène au comble de leur renommée.

La comédie ne souffrit pas autant que la tragédie des circonstances défavorables à la poésie. Elle était de sa nature plus mobile : n'étant pas liée à des sujets déterminés, elle se trouvait mieux en état de s'accommoder aux changements du goût. Elle renonça à ce dont on ne voulait plus : d'abord au chœur. C'est par le chœur principalement que la comédie s'était affirmée comme un genre ayant ses racines dans la vie publique. En le perdant, elle changea peu à peu de caractère. Les poètes ne se mêlèrent plus à la lutte des partis ; ils n'osaient plus aborder des sujets aussi hardis et d'un si grand intérêt. L'esprit qui jaillissait de source commença à tarir ; le style se rapprocha de celui de la conversation ; l'élan de la fantaisie s'amortit, comme cela était naturel en un temps où dominaient les facultés de l'entendement et où l'on ne pouvait plus demander au grand public de s'élever dans des régions idéales. Les poètes se mirent au niveau de la petite vie bourgeoise et y cherchèrent des motifs de scènes plaisantes qui, passablement décousues mais assaisonnées d'aventures amoureuses, se groupèrent sous leur main habile en amusants tableaux vivants.

Il était dans l'esprit tout philosophique de l'époque de ne plus représenter des individus, mais des types génériques qui se répétaient dans les personnages de la même catégorie : ainsi l'on représenta l'usurier, le joueur, le parasite, le virtuose fat, l'esclave roué, le paysan lourdaud, le tuteur bourru, le soldat fanfaron, l'amoureux tout en flamme, les philosophes, les médecins, cuisiniers, etc. Ils portaient des noms imaginaires, qui prenaient de là une signification générale : ou bien on leur donnait des noms historiques, et l'on mettait en scène l'inconsistance sous le nom de Théramène, la misanthropie et la superstition sous ceux de Timon et de Lampon.

Mais on s'en prit aussi à des personnages vivants : poètes aux tournures prétentieuses, hommes d'État aux discours tapageurs, philosophes aux allures bizarres ; tantôt des Cyniques et des Pythagoriciens, qui s'obstinent à dédaigner les dons des dieux et traînent partout leur dégradation volontaire, gueux aux haillons sales et à mine renfrognée, pauvres fous dignes de compassion ; tantôt les grands seigneurs de l'Académie, qui se piquaient d'avoir la chevelure soignée et de porter des habits élégants. On visait de préférence Platon : les réformes proposées par lui, la communauté des biens, l'émancipation des femmes, etc., fournissaient une matière toute trouvée pour amuser le peuple[9]. Mais tous les philosophes en général étaient les souffre-douleurs de la comédie : on ne se lassait pas de les railler comme fainéants, cerveaux brûlés, ergoteurs occupés à discuter sur l'essence véritable des choses, fût-ce l'essence d'un concombre.

Tout cela était plein d'esprit piquant et de fine ironie, mais inoffensif et sans mordant, car l'art, moins vigoureux qu'autrefois, couvrait tout d'un vernis de politesse qui écartait tout danger de conflit sérieux. On ne voulait point changer les gens et les rendre meilleurs ; on relevait les travers des hommes sans y attacher d'importance, et l'on amusait le public avec ce qu'il aimait le plus entendre à l'époque d'Eubule.

On décrivait des festins somptueux avec un grand luxe d'érudition culinaire, ou des noces brillantes, comme celles d'Iphicrate au moment où il demanda la main de la princesse du Nord. On racontait comment la place du marché de la capitale était couverte jusqu'à la Grande-Ourse de tapis de pourpre ; des milliers de Thraces ébouriffés et gorgés de beurre entouraient la table du festin : les marmites étaient plus vastes que des citernes, et le potage était servi dans des soupières d'or pur par les mains augustes du beau-père Cotys lui-même[10]..., et autres histoires désopilantes du même genre empruntées à la chronique du jour. La comédie demandait aussi ses inspirations aux plaisirs les plus délicats de la société athénienne, à la conversation spirituelle et humoristique : les énigmes en vers notamment, dont les Athéniens s'amusaient en société, jouèrent aussi un grand rôle au théâtre[11].

Citons pour finir un thème favori de la nouvelle comédie : les récits mythologiques commentés dans le goût de l'époque. Il y avait deux manières de les traiter : ou bien d'une manière sèche, en cherchant à les expliquer par les données du bon sens, quand, par exemple, on donnait la métamorphose de Niobé en statue pour une simple métaphore exprimant son effroi muet : ou bien on se moquait des antiques légendes et on amusait le public avec des tableaux burlesques où l'on voyait Kronos dévorant ses enfants, les naissances miraculeuses de certains dieux, les Sept devant Thèbes et d'autres héros, assis sur le banc des écoliers, lisant des livres et passant par toutes les conditions de la vie bourgeoise.

Ces travestissements devinrent à Athènes un genre particulier d'amusement public pour lequel, comme pour la tragédie, la comédie, le dithyrambe et les rapsodies, on institua même des concours[12]. On avait commencé à le faire dès le temps de la guerre du Péloponnèse, et l'on cite Hégémon de Thasos comme le premier qui ait produit en public à Athènes des parodies de la légende des dieux d'Homère. On raconte que le public applaudissait sa Gigantomachie le jour même où Athènes reçut la première nouvelle du désastre de Sicile.

Tel était le caractère de la nouvelle comédie, comme on la vit s'épanouir en pleine floraison, avec son sous-genre, la parodie, depuis la fin de la guerre du Péloponnèse jusqu'au temps d'Alexandre. Antiphane, Alexis, Eubule, Anaxandride, s'y distinguèrent : on connaît par leur nom près de soixante maîtres, avec plus de huit cents pièces. Il y avait parmi eux de vrais Athéniens, comme les descendants d'Aristophane, et des étrangers de Rhodes, Thurii, Sinope, etc. Mais ces étrangers étaient devenus tout à fait Athéniens. Le théâtre était, en effet, le miroir de la vie mouvementée de la grande ville, où l'on rencontrait des gens de tout origine, même des Égyptiens et des Babyloniens. Antiphane pouvait répondre avec raison au roi de Macédoine, qui ne démêlait pas bien l'imbroglio d'une de ses comédies, que, pour prendre vraiment goût à la comédie athénienne, il fallait vivre dans la société d'Athènes, avoir pris part à ses pique-niques, et reçu ou donné des coups dans ses aventures galantes[13].

Le public athénien garda une prédilection pour le dithyrambe à la moderne. Ce mélange de drame et de poésie lyrique, qui, aux sons d'une musique bruyante, offrait au regard des scènes mimées de la mythologie ou de la vie bourgeoise, répondait singulièrement par son mépris des règles au goût du temps. Le peuple athénien se rencontrait là dans ses sympathies avec la cour des tyrans de Syracuse, et nous possédons encore le texte d'un décret qui décerne des honneurs d'abord à Denys et à ses deux frères, puis à Philoxénos[14]. Ce décret, rendu sur la proposition de Cinésias, est du commencement de l'année 393 (Ol. XCVI, 3). C'était donc immédiatement après la bataille de Cnide, au moment où l'on cherchait à établir des relations politiques avec Denys, et Cinésias semble avoir choisi cette occasion pour procurer un triomphe public à son genre dramatique et à ses confrères, parmi lesquels figuraient les trois princes, comme dilettantes de distinction.

Enfin, pour ce qui est des arts plastiques, la situation florissante dont ils avaient joui dans, la ville de Périclès ne pouvait survivre à sa décadence. Un art public, comme l'était celui d'Athènes, suppose la prospérité de l'État, la paix, la richesse du budget. Il faut que les citoyens soient unis entre eux et aient l'esprit libre, si l'on veut qu'ils aiment le beau et regardent le culte des arts comme un devoir d'honneur pour la république.

faut enfin qu'il y ait des hommes d'État jouissant de la confiance publique et en possession de pleins pouvoirs pour un temps assez considérable. Toutes ces conditions faisaient défaut. Les citoyens étaient divisés en partis ; la préoccupation de l'idéal s'en allait ; l'opinion était gouvernée par des surexcitations passagères ; la politique extérieure était capricieuse, flottante, malheureuse. Où les arts auraient-ils trouvé un terrain favorable ? On travailla encore, en pleine guerre du Péloponnèse, aux sanctuaires de l'Acropole. Dans les dernières années de la guerre, on s'était occupé de la frise de l'Érechthéion[15], et dans les premières années après l'archontat d'Euclide, on avait restauré ce même temple, qui avait souffert de l'incendie en 406 (Ol. XCII, 3)[16]. Néanmoins, Périclès une fois mort, le temps des grandes créations artistiques combinées d'après un plan d'ensemble était irrémédiablement passé.

L'art attique n'en était que plus actif, dans des ouvrages isolés et en dehors d'Athènes. L'art plastique, quand une fois il est arrivé à un développement vigoureux et qu'il a pris un caractère national, jouit à l'égard de l'État d'une plus grande indépendance, il a une tradition plus ferme que la musique et la poésie. Il peut même, après une crise comme celle qui se produisit après Périclès dans la société civile, recevoir de nouvelles excitations, s'assimiler de nouveaux germes de vie et les rendre féconds. A la place du calme sublime qui caractérisait les œuvres de Phidias et qui pouvait facilement dégénérer en monotonie, on déploya plus de variété : on osa davantage ; le dessin devint plus hardi, on tira les figures de leur repos équilibré et on chercha à saisir le mouvement dans ses manifestations les plus fugitives.

Pour ce qui est du mouvement du corps, les Éginètes et Myron avaient fait le possible, mais la vie de l'âme n'avait pas conquis ses droits ; les visages avaient l'air froid et indifférent ; la noble simplicité des figures du ;Parthénon ne suffisait plus à la jeune génération, cette génération inquiète qui cherchait des excitations et demandait à l'art des charmes nouveaux pour s'intéresser à ses créations. La transition à cette nouvelle école se voit très nettement dans la frise du temple d'Apollon qu'Ictinos, l'architecte du Parthénon, éleva à Bass pour les Phigaliens. Dans les groupes d'Amazones et de Centaures combattants, il y a déjà une plus grande agitation, une violence dans les mouvements qui se voit aux draperies flottantes, une accumulation de motifs qui vise à l'effet. Ces bas-reliefs sont à la frise du Parthénon ce que la langue d'Euripide est au noble style de Sophocle. A l'imitation du théâtre, l'art plastique chercha à donner une expression à la vie du sentiment : il laissa là le vieux cénacle des types divins, et rechercha de préférence un ordre d'idées qui permît de produire de l'effet avec les mouvements de l'âme et de la passion ; il montra fixes Aphrodite la puissance de l'amour, dans Dionysos la béatitude de l'ivresse. Des perspectives toutes nouvelles s'ouvrirent ainsi devant lui : toute la gamme des sentiments humains, douleur, désir, tendresse, égarement, fureur, voilà ce qu'il chercha à rendre avec les nuances délicates d'une psychologie ingénieuse. Ce n'est qu'alors que l'homme devint réellement l'objet de l'art, l'homme du temps, débarrassé de la discipline morale de l'antiquité, dans une société où les liens de la famille s'étaient relâchés et où la puissance des passions était déchaînée. La sophistique avait aiguisé le sens de l'observation des caractères et des tempéraments : la sculpture imita même des descriptions célèbres de sophistes, comme Héraclès entre le vice et la vertu[17]. Tout poussait à l'étude des passions, aussi bien la rhétorique que la musique nouvelle et le dithyrambe : partout nous rencontrons un goût pour les sentiments impétueux qui fait oublier la réserve d'autrefois et suscite une plus grande liberté de mouvement.

L'architecture nous montre, elle aussi, que nous sommes dans l'âge de la rhétorique. La simplicité ne suffit plus : on veut de plus riches ornements, des motifs nouveaux à grand effet. C'est la voie que suivit Callimachos, un contemporain plus jeune d'Ictinos, véritable Athénien par la variété de ses aptitudes et l'ambition de son art, mais à qui manquait le calme et la possession de soi qu'avaient les grands architectes de Périclès[18]. Porté par l'esprit du temps, il chercha du nouveau et voulut faire mieux que ses prédécesseurs ; mais il ne trouva pas toute la satisfaction qu'il cherchait. La force créatrice lui manquait, et par conséquent aussi la sereine confiance qu'ont en eux-mêmes les artistes d'un véritable génie. Mais pour l'habileté et l'esprit inventif, il l'emporta sur tous, comme architecte, comme sculpteur et comme ingénieur. C'était son œuvre, ce palmier d'airain tant vanté qui, dressé au-dessus du lampadaire dans le temple d'Athéna Polias, servait à conduire hors du sanctuaire la fumée de la flamme : il inventa la boucharde, cet ingénieux outil qui permettait de donner au travail du marbre une délicatesse inconnue jusqu'alors. On lui doit enfin une découverte féconde, une forme nouvelle de chapiteau, une sorte de corbeille de feuilles d'acanthe qui, posée sur le fût, modifia d'une manière charmante les formes sévères de l'ancienne architecture. Cette invention eut un succès extraordinaire, car elle répondait admirablement au besoin de variété et de richesse dans l'ornementation. Elle devint bientôt la propriété de l'art hellénique. Le premier temple où nous savons de source certaine que les trois ordres de colonnes furent appliqués est le temple d'Athéna à Tégée, qui fut construit après l'incendie de l'ancien sanctuaire (395 : Ol. XCVI, 3). C'est l'œuvre la plus splendide que la Grèce ait vu élever après le Parthénon : l'extérieur était ionien, comme le temple d'Athéna construit dans le vieux style attique, l'intérieur dorien, l'étage supérieur corinthien[19] ; c'est le nom qu'on donna au nouveau style de Callimachos, qui avait, dit-on, emprunté son motif principal à une colonne funéraire de Corinthe.

De même que les Phigaliens avaient appelé Ictinos, et les Éléens Phidias, les Tégéates avait fait venir d'Athènes Scopas[20]. C'est lui qui eut le bonheur de construire, dans le style ancien, un grand sanctuaire d'une importance nationale, car la déesse Athéna Alea avait un, culte qui s'étendait bien au delà de Tégée et de l'Arcadie. Il orna les frontons de gigantesques groupes de statues, dont le sujet était emprunté à la légende populaire de la chasse de Calydon et aux combats de Téléphos, le héros de l'Arcadie. Praxitèle travailla aussi pour l'architecture : il orna les frontons de l'Héracleion de Thèbes de scènes tirées des travaux d'Héraclès. Néanmoins, en thèse générale, l'ancienne union de la sculpture et de l'architecture devint moins intime : elles se séparèrent comme l'avaient fait la musique et la poésie, le drame et l'art du comédien. Tous les arts cherchaient l'indépendance, afin de mieux faire valoir leur virtuosité particulière : la sculpture notamment, dans sa tendance à représenter la vie de l'âme, dut supporter impatiemment toute subordination aux besoins de l'architecture.

Parmi les maîtres de la sculpture, ce fut Alcamène qui continua l'école de Phidias. A cette école appartenait Céphisodotos, qui eut la belle mission de glorifier les victoires d'Athènes par des monuments publics, la victoire de Conon, par exemple, avec une statue en bronze d'Athéna et un splendide autel de Zeus Soter au Pirée[21], et la victoire de Leucade, remportée par le fils de Conon, avec le merveilleux groupe d'Irêné et de Ploutos, qui montrait l'allégorie essentiellement attique de la Paix considérée comme recueillant le fruit de la victoire[22].

Plus tard, Athènes ne trouva plus ni l'occasion ni la volonté d'exécuter des ouvrages publics, et les artistes, notamment ceux qui étaient venus du dehors, acceptèrent volontiers toutes les invitations qui leur fournissaient l'occasion de déployer leurs talents dans d'autres parties de la Grèce. Ainsi Aristandros, qui appartenait à la colonie d'artistes de Paros établie à Athènes, travailla déjà pour la gloire de Sparte victorieuse, et exécuta pour l'un des trépieds d'Amyclæ la joueuse de lyre qui représentait la ville de Sparte[23].

Scopas est un exemple encore plus frappant de la vie errante des artistes de ce temps. C'était, selon toute vraisemblance, un fils d'Aristandros : il revint de Tégée à Athènes, y vécut et y travailla dans le temps où la nouvelle confédération maritime donnait un nouveau lustre à la puissance de la cité. Pendant la guerre Sociale il se rendit en Asie, où il exécuta des travaux pour les illustres sanctuaires d'Éphèse, de Cnide et autres lieux ; il mit notamment son art au service de la dynastie qui régnait à Halicarnasse.

Scopas est le plus ingénieux des représentants de la nouvelle sculpture athénienne. Il résumait en lui tous les progrès réalisés par les vieux maîtres ; dans son Asclépios, type de beauté juvénile et de santé, il se rattacha au genre de Polyclète[24] : il fit dans le goût attique des Hermès d'une perfection idéale et sut, comme Phidias, donner une âme au marbre. Mais il dépassa de beaucoup tout ce qui avait été fait avant lui. Il fit un Bacchante pareille à celles qu'Euripide avait représentées sur la scène, au comble de l'extase, la tête renversée et les cheveux flottants ; on voyait battre dans le marbre la surexcitation de la vie[25]. Par contre, il représenta la douce puissance de l'inspiration poétique dans Apollon joueur de cithare : un élan divin animait cette sublime figure depuis la plante des pieds jusqu'à la chevelure ondulée ; tout le corps n'était que l'instrument transfiguré d'un enthousiasme surnaturel. Mais l'œuvre capitale de Scopas est la transformation du type d'Aphrodite. L'art antique déjà avait vu en elle la déesse de la beauté, et avait représenté son buste sans voiles. Telle nous la voyons dans la statue de Milo, qui a encore le caractère sévère d'une Pallas et la haute dignité d'une œuvre de l'école de Phidias[26]. L'idée mythologique, qui mettait la déesse en relation avec l'élément aqueux, conduisit les artistes plus loin. La célèbre Phryné de Thespies n'osa-t-elle pas, à une fête d'Éleusis, sortir de la mer en Aphrodite Anadyomène ! Les artistes entreprirent, à son exemple, de laisser tomber le vêtement et de représenter la déesse de l'amour dans la perfection pleinement révélée de sa beauté. Des maîtres comme Scopas et Praxitèle n'en restèrent pas moins fidèles aux vrais principes de l'art : ils ne cherchaient pas à séduire et à exciter les sens et ne faisaient pas de la déesse une hétaïre effrontée ; ils la représentèrent chaste et pudique, effarouchée et craintive jusque dans la solitude du bain. Mais de la déesse ils faisaient une femme ; la divinité qui inspire l'amour devenait un être qui éprouve et appelle l'amour, absolument comme dans Apollon on représentait l'inspiration des Muses et dans Dionysos celle des Bacchantes.

Nous trouvons une preuve de la fidélité avec laquelle l'art grec de ce temps suivait encore la loi de son développement normal dans ce fait, que les deux artistes contemporains, Scopas et Praxitèle, malgré la différence de leur manière, avaient encore assez de ressemblances pour que, devant certaines œuvres, on se demandât lequel des deux en était l'auteur. C'est pour cette raison aussi qu'il est impossible de les étudier séparément.

Praxitèle, probablement fils de Céphisodotos[27], était né à Athènes. II fut plus sédentaire que Scopas, moins fécond dans sa carrière artistique, mais encore plus apprécié dans son genre. Il travaillait de préférence le marbre, et il excellait surtout dans l'exécution de la tète, dans laquelle il savait rendre les mystérieux rapports de l'âme et du corps. Il était donc bien sur son terrain lorsqu'il fit une statue d'Éros, qu'il représenta sous la figure d'un adolescent, la tête penchée, suivant comme dans un rêve les pensées encore mystérieuses pour lui qui traversent son âme. L'art de cette époque avait en général une grande préférence pour les formes délicates et arrondies de la première jeunesse, bien différent en cela de l'art ancien, qui, en un temps où la gymnastique était florissante, prenait pour modèles les formes nerveuses et puissantes que les artistes rencontraient dans les palestres. D'Apollon aussi on fit un adolescent, et le vieux Dionysos devint un éphèbe aux formes molles, dont le regard exprimait le désir languissant et le ravissement produit par le vin. Seulement, pour ne pas laisser oublier sa dignité de dieu, on l'entourait d'un cortège de Satyres et de Ménades, destiné à symboliser sa puissance. Mais ces satyres eux-mêmes furent rajeunis et idéalisés : on s'en servait pour exprimer d'une manière charmante la vie naïve de la nature, une existence insouciante promenée au crépuscule dans les bois et les champs, tandis que dans leurs compagnes on cherchait à rendre toutes les manifestations et tous les degrés de l'extase bachique. C'est ainsi qu'on vit naître tout un monde de figures étalant en plein jour une vitalité palpitante, dont l'art plus solennel et plus sérieux des temps anciens n'avait pas eu le moindre pressentiment.

Ce tumulte joyeux, que Scopas avait représenté autour de Dionysos, il le transporta aussi sur la mer, en réunissant les Néréides et les Tritons, avec des dauphins, des chevaux marins et autres animaux fabuleux, en un grand cortège destiné, ce semble, à célébrer la réunion définitive de Thétis et d'Achille, et à apporter l'hommage de la mer à son fils divinisé[28]. Dans ce groupe, la pierre s'animait de tout l'enthousiasme de la poésie, et le sculpteur avait saisi l'occasion de faire preuve à la fois de la plus riche imagination et de la science la plus exacte des formes naturelles.

Les anciens regardaient comme le chef-d'œuvre de cette école le groupe de Niobé et de ses enfants, sans savoir auquel des deux maîtres il fallait l'attribuer[29]. Il représente un grand châtiment divin, et la scène est disposée de telle sorte que nous ne voyons pas qui l'inflige, mais seulement qui l'endure, c'est-à-dire la mère, la seule coupable, et ses enfants à la fleur de l'âge. Ce sombre drame est adouci par la grandeur d'âme et l'amour empressé des victimes : c'est une tragédie en marbre, qui conserve au milieu des assauts désordonnés de la souffrance une grande unité et qui prend, grâce à la disposition rythmique du groupe, semblable à celle d'un fronton, une certaine expression de calme et de sérénité.

A côté de Scopas et de Praxitèle, Léocharès éleva, à la façon des anciens maîtres, une série de monuments publics : un Zeus sur l'Acropole, un groupe do Zeus et du Peuple d'Athènes au Pirée, ainsi qu'une statue d'Apollon sur l'agora d'Athènes[30]. Mais il savait aussi travailler dans l'esprit de la nouvelle école, comme le prouve notamment son ouvrage le plus célèbre, un Ganymède, groupe d'airain dans lequel il semblait avoir complètement triomphé de l'inerte pesanteur de la matière : l'enfant, transporté avec sollicitude par l'aigle, montait dans les airs non pas comme une proie, mais comme un aspirant passionné aux honneurs du ciel[31]. C'était une œuvre pleine d'une haute poésie. Un autre groupe renommé de Léocharès, un marchand d'esclaves à côté d'un esclave à la figure rusée[32], répond tout à fait au caractère de la comédie nouvelle.

Un fait caractéristique, qui montre bien la manière dont on pratiquait l'art à cette époque, c'est que fréquemment à côté d'un ouvrage ancien on en élevait un nouveau, comme pour avoir en quelque sorte une répétition de la même idée accommodée au goût du temps. Ainsi l'Apollon de Léocharès, l'Artémis Brauronia de Praxitèle étaient placés à côté de statues plus anciennes des mêmes divinités : dans le sanctuaire des Déesses vénérables, c'est-à-dire des Érinyes, à Athènes, l'antique ouvrage de Calmis se dressait entre deux autres de Scopas[33].

C'était surtout l'époque des groupements nouveaux et ingénieux : on ne rassemblait pas seulement comme autrefois des personnages qui, comme témoins ou acteurs, prenaient part à une action commune, mais on expliquait la nature d'une personne divine en entourant la figure principale de figures accessoires, le Zeus Sauveur, par exemple, des figures d'Asclépios et d'Hygia. Qu'elle était délicate et ingénieuse l'idée de Scopas plaçant à côté de l'Aphrodite du temple de Mégare les trois statues d'Éros, de Pothos et d'Himeros[34] ! Ce groupe était comme un accord parfait frappé sur la note fondamentale.

Enfin le goût de l'époque demanda à l'art, si curieux des fines analyses psychologiques, de représenter fidèlement les traits et le caractère des personnages remarquables. Cette tâche était de double nature. Il s'agissait ou bien de représenter des Hellènes illustres dans le style monumental, comme par exemple les maîtres de la tragédie dans le Théâtre[35], ou bien de faire en style plus bourgeois le portrait de personnes contemporaines, afin de conserver leur mémoire dans un cercle d'amis. C'est ainsi que Léocharès fit la statue d'Isocrate, monument de la piété de Timothée[36]. Silanion représenta Platon assis, penché en avant et absorbé par sa conversation avec ses amis[37] ; ce portrait, pris sur le vif, était un souvenir précieux pour les disciples reconnaissants. Même dans ces portraits se révèle le goût de l'époque pour les types généraux, absolument comme dans la comédie. On choisissait de préférence les individualités qui représentaient une espèce. Ainsi, le portrait que Silanion fit d'Apollodore pouvait passer en même temps pour l'image du fâcheux, du caractère mécontent qui se torture lui-même[38].

En général, nous ne pouvons nous faire une idée trop grandiose de l'activité qui régnait dans les ateliers des sculpteurs athéniens. Lorsque les grandes commandes de l'État faisaient défaut, les petits ouvrages n'en étaient que plus nombreux : c'étaient des œuvres de circonstance ; ou bien des monuments de familles, comme des bas-reliefs pour tombeaux, ou des objets allant au culte, comme des ex-votos, ou des souvenirs de la vie publique, comme les décrets et autres documents que les intéressés faisaient graver et orner de bas-reliefs explicatifs. Sur les pierres tombales, nous trouvons, outre le groupe de famille traditionnel, des figures caractéristiques ou des allusions à la profession du défunt : par exemple, l'image d'un poète mort jeune au milieu :de ses maîtres et de ses modèles, comme Théodecte est représenté entre Isocrate et Homère sur son tombeau au bord du chemin d'Éleusis[39]. Sur les tombeaux on fait presque de la sculpture détachée, tandis que les bas-reliefs des pierres votives et des documents ont très peu de saillie. Nous y trouvons des renseignements immédiats sur la vie des Athéniens, la part qu'ils prennent aux jeux solennels, leurs rapports avec les divinités, notamment avec Athéna, qui est représentée d'après la Vierge de Phidias comme la déesse pacifique et maternelle, vivant avec les citoyens dans les rapports les plus familiers[40]. C'est là plutôt du métier que de l'art : mais ces ouvrages sont intéressants parce qu'ils donnent de nombreux témoignages de la vie et des sentiments des Athéniens ainsi que de l'esprit artistique qui, dans le siècle qui suivit la guerre du Péloponnèse, pénétrait toutes les couches de la population.

Les œuvres des artistes athéniens étaient demandées au loin[41]. Euclide, un sculpteur de l'entourage de Platon, travailla pour le temple de Boura, reconstruit après sa destruction, et pour Ægira en Achaïe[42]. Des ouvrages de Léocharès s'en allèrent à Syracuse : le même artiste se rendit ensuite avec Scopas, Bryaxis et Timothéos à Halicarnasse, où Mausole avait inauguré une politique athénienne, fondé une hégémonie maritime à l'athénienne, implanté l'art athénien en pleine floraison, et où, quand il s'agit d'élever un monument à sa mémoire, les artistes d'Athènes travaillèrent à l'envi sous la direction de Scopas[43].

La peinture est plus indépendante encore que la sculpture de la situation politique, et bien qu'avec Polygnote elle eût atteint une perfection qui, à certains égards, n'a pas été dépassée, elle trouvait néanmoins des voies toutes nouvelles ouvertes devant elle. Elle était restée essentiellement l'art du dessin, recherchant surtout les formes plastiques. Elle n'avait pas encore eu conscience de ses moyens. particuliers et n'avait pas développé encore les côtés qui font sa puissance propre, notamment la magie de la lumière et de la couleur, la liberté qu'elle doit à ses procédés plus immatériels, la faculté qu'elle possède de saisir plus immédiatement ce qu'il y a d'intellectuel dans l'homme et de le faire parler aux yeux. Mais le moment favorable était arrivé : le temps était au plus haut point propre à un perfectionnement en ce sens de l'ancienne peinture.

Apollodoros d'Athènes, qui fonda sa réputation vers la fin de la grande guerre, fut le premier qui sut donner à ses tableaux un charme particulier par le jeu de la lumière et de l'ombre, et qui produisit un grand effet par sa couleur[44]. Mais ce n'est que timidement qu'il avança dans cette voie nouvelle, où il fut aussitôt dépassé de beaucoup par Zeuxis d'Héraclée, le maître de l'illusion et du coloris[45]. Mais l'art ne se perdit pas dans la recherche des effets sensibles : nous en avons la preuve dans l'ingénieux Parrhasios d'Éphèse, qui sut représenter le Démos d'Athènes de façon que l'on croyait lire sur son portrait toutes ses habitudes capricieuses[46], et dans Timanthe de Cythnos, qui indiqua admirablement dans le sacrifice d'Iphigénie les différentes manières dont les assistants y prenaient part[47].

La raillerie spirituelle appliquée aux événements du jour, qui faisait plus que jamais les délices des Athéniens, trouva aussi son expression dans la peinture, comme le prouve un portrait célèbre de Timothée. Comme ce général victorieux se montrait assez modeste pour attribuer tous ses succès uniquement à la chance, on le prit au mot et on le représenta dormant dans sa tente, pendant que la déesse Tyché planait au-dessus de sa tête et traînait après elle dans un immense filet les villes acquises par lui à la Ligue, comme si c'étaient des poissons pris à la pêche[48].

Athènes sut encore moins retenir ses peintres que ses sculpteurs. Il se forma des écoles indépendantes à Thèbes et à Sicyone. L'école de Sicyone perfectionna la partie technique de l'art, et osa même s'attaquer aux grands sujets historiques. Nous en avons la preuve dans le tableau d'Euphranor représentant la bataille de Mantinée, ou plus exactement le combat de cavalerie si honorable pour Athènes qui précéda la bataille : aussi ce tableau fut-il exposé au Céramique d'Athènes[49]. Elle chercha enfin à établir des liens féconds entre l'art et les études scientifiques, notamment les mathématiques. Ces tendances nouvelles, unies à la perfection de la couleur qui était le lot des artistes d'Asie-Mineure, produisirent enfin, au temps d'Alexandre, la peinture que l'on put considérer comme le dernier degré de perfection de l'art national, celle d'Apelle.

La part que les Athéniens ont prise à tous ces progrès de l'art, nous ne pouvons la constater que sur leurs poteries. La peinture des vases n'était pas seulement une préparation au grand art, et même une préparation importante — car c'est sur l'argile que les Hellènes apprirent à peindre avec rapidité et sûreté, au lieu que d'autres matières, permettant d'effacer et de retoucher plus aisément, risquent d'habituer l'artiste à une manière hésitante et irrésolue — : elle a encore accompagné l'art à tous les stades de son développement, car les Grecs, loin de dédaigner une si humble matière et des surfaces si incommodes, se sont attachés avec un zèle infatigable à y reproduire des scènes pleines de naturel et de vie.

Sans doute, la peinture sur vases était mieux en état de rendre la grandiose simplicité du style de Polygnote que de suivre les progrès des temps postérieurs, qui consistaient en effets de couleur. On voit pourtant très bien les contours, d'abord durs et heurtés, s'adoucir peu à peu, le groupement devenir plus libre, les visages plus expressifs et les mouvements plus naturels. Comme dans tous les arts contemporains, il y a une tendance à la grâce sensuelle, à la délicatesse et à la mollesse. On représente de préférence Dionysos avec ses compagnons. Aphrodite et Éros, Apollon avec les Muses, et autres motifs analogues, de ceux que Scopas et Praxitèle affectionnaient. La vie sociale est reproduite, comme dans la comédie nouvelle, avec ses joies et ses gracieuses images. Les figures allégoriques ne manquent pas, tantôt accompagnant des divinités dont elles complètent et expliquent le caractère, comme Peitho, Himéros, Pothos à côté d'Aphrodite, tantôt comme personnages abstraits tirant leur origine de la réflexion, comme Ploutos symbole de la richesse, Chrysos de l'or, Pædia de la plaisanterie, Eudæmonia du bien-être, Pandæsia du plaisir de la table, etc. Les sujets sérieux deviennent rares ; le dessin perd sa correction : on recherche les formes de vases élégantes et maniérées, des figures nombreuses et de couleurs variées, des costumes fantastiques, des ornements brillants. On ne se contente plus de l'antique noir et rouge : on applique des couleurs bariolées sur le fond blanc de craie des urnes à onguents, et l'on ajoute de l'or pour donner aux vases un charme nouveau[50]. Nous pouvons donc, même dans ces débris insignifiants de l'antiquité, reconnaître les changements du goût public, le passage de la simplicité à la recherche, de l'être au paraître, de l'antique foi à la discussion sophistique des idées morales. Ce temps de transition fut néanmoins une époque de grand mouvement dans l'art ; elle exigea de lui des efforts qui le rendirent capable de nouvelles transformations.

Athènes n'avait donc réellement pas cessé d'être le foyer d'une vie intellectuelle des plus variées et des plus florissantes : malgré la concurrence de Syracuse sous Denys et d'Halicarnasse sous les dynastes cariens, elle était toujours la capitale intellectuelle des Hellènes, la seule ville où l'on observât un développement ininterrompu depuis des siècles, rattachant le présent au passé, un progrès constant et une affluence des plus nobles talents. Toute nouvelle conquête de la civilisation ne devenait le bien commun de la nation que lorsqu'elle s'était fait accepter à Athènes : c'est d'Athènes que les autres cités faisaient venir les hommes qui devaient les faire participer à la gloire attachée à la culture de la science et de l'art.

Il est évident aussi qu'il y avait dans la décadence de l'antique religion et des vieilles mœurs un aiguillon puissant pour ceux qui cherchaient à trouver par le libre examen une certitude nouvelle applicable à la vie et à la pensée : de même, la dissolution des anciennes coutumes, le mouvement plus libre de la pensée et l'excitation plus passionnée des esprits profita aux arts et les mit en mesure de donner des résultats qu'on n'aurait jamais obtenus aux temps de plus grande simplicité, de calme et de mesure.

Mais la vie intellectuelle à Athènes n'était plus une vie collective, et l'unité d'un organisme sain, où toutes les forces concourent à un seul but final, était perdue. La sophistique était vaincue sur le terrain de la science, mais la marche de la dissolution qu'elle avait inaugurée continua sans s'arrêter, et Socrate lui-même ne put que contribuer à agrandir les lézardes qui menaçaient de ruiner l'édifice de la société.

Socrate était resté fidèle à la manière de voir des vieux Hellènes, en ne séparant pas la politique de la morale. Il ne voulait pas rompre avec l'antique histoire d'Athènes, et il était plein de reconnaissance pour les hommes qui, comme Solon et Thémistocle, avaient donné des lois à la république et fondé sa grandeur. Mais il avait des exigences qui ne pouvaient être satisfaites ; il attaquait dans la Constitution des vices qui étaient inséparables de la situation présente. Il voulait conserver et renouveler les bons éléments légués par le passé, et pourtant c'était un idéal tout nouveau de vertu civique qu'il prêchait : c'était un principe essentiellement nouveau qu'il introduisait dans la vie de l'État quand il recommandait la souveraineté des savants comme la seule raisonnable.

Il y eut dès lors deux espèces d'hommes : les penseurs et ceux qui ne pensent pas. Les uns voguent avec le flot et s'en, foncent de plus en plus, puisque tout ce qui pouvait leur fournir un point d'appui a perdu son énergie. Les autres forment une aristocratie intellectuelle : ils se sentent membres d'une société plus élevée, et les écoles des philosophes deviennent en quelque sorte des communautés nouvelles, qui obéissent à des principes et à des idées en contradiction absolue avec ce qui est.

Socrate avait encore vécu dans l'État et pour l'État. Mais ses disciples, voyant l'homme qu'ils considéraient comme le plus grand bienfaiteur de ses concitoyens repoussé et condamné comme un homme nuisible à la société, se sentent séparés par un abîme de l'État des Athéniens. Ils renoncent à se rendre utiles à la république actuelle et se soustraient à ses exigences. Sur ce point, les différentes écoles socratiques obéissent à des vues très différentes. Les uns, ceux qui sont le plus près de la pensée de Socrate[51], construisent un État hellénique idéal : les autres suppriment complètement la notion de l'État, soit comme les Cyrénaïques, pour assurer à l'individu la liberté la plus illimitée dans la jouissance du présent, soit, comme les Cyniques, parce qu'ils voient dans n'importe quel État ou nationalité une barrière inconciliable avec l'idée même de la vertu humaine[52]. Les Socratiques ne s'entendent, en définitive, que sur un point : à savoir, qu'ils se dérobent à l'État, dans lequel ils se sentent étrangers et mal à l'aise, et tout le mouvement dont ils sont le point de départ n'aboutit par conséquent qu'à ébranler jusque dans le grand public la tradition et à dissoudre tous les liens sociaux.

On surprend cet esprit même dans l'agitation croissante de la vie extérieure. Le pays natal perd sa force d'attraction, et le nombre grandit toujours de ceux qui, comme Aristophane et Nicophémos, cherchent fortune à l'étranger ; la ville natale devient indifférente aux citoyens, et on voit se développer un esprit de cosmopolitisme que Lysias combattait déjà énergiquement comme la mort de tout sentiment patriotique[53].

L'antithèse entre Hellènes et Barbares, cette idée qui avait dominé souverainement à Athènes, c'est à Athènes qu'elle perdit sa valeur et fut oubliée d'abord. Plus la science de la nature s'efforçait d'embrasser le monde entier, moins on pouvait donner à une petite région un rang exceptionnel. Cette antithèse traditionnelle était aussi en opposition avec l'idée hellénique de la vertu : devant les exigences de la morale, tous les hommes sont égaux ; et les mêmes motifs qui poussaient les philosophes à s'élever contre le délaissement de la femme et à revendiquer pour les esclaves les droits de l'être humain[54] devaient aussi les amener à supprimer les barrières nationales, à reconnaître que l'homme sage et juste, quels que fussent son pays et sa condition, était l'ami de la Divinité et avait par conséquent des droits absolus à la considération des autres hommes.

Sans doute, Isocrate plaida avec une grande chaleur pour la guerre contre les Perses, qui était pour lui un devoir national ; mais l'ancienne inimitié entre l'Asie et l'Europe n'était plus qu'une phrase, que l'on réchauffait en vue de certains intérêts. Isocrate lui-même est déjà le représentant d'un nouvel hellénisme, qui n'est pas dans le sang, mais dans le sentiment : et ce sentiment peut être acquis par tous ceux qui le désirent sérieusement[55].

Cet hellénisme idéal, que les hommes les plus éminents de ce temps, Épaminondas, Timothée et autres, cherchaient à incarner dans leur personne, s'est surtout développé à Athènes : Athènes, en effet, était une ville universelle, dans laquelle se trouvaient réunies les nationalités les plus différentes : Grecs de toutes les colonies, demi-Grecs et Barbares, Thraces, Babyloniens et Égyptiens, toutes nations représentées là par les plus distingués de leurs membres. Dès le temps de Solon, les étrangers y affluaient pour y prendre une teinture de la civilisation hellénique. C'est à Athènes que cette civilisation perdit d'abord sa couleur locale et qu'on put la considérer comme une culture faite pour le monde entier ; c'est là qu'on vit un prince persan, Mithradate, fils de Rhodobate, dans sa vénération enthousiaste pour Platon, élever et consacrer aux Muses dans l'Académie la statue de son maître[56]. C'était le lieu du monde où il était le moins possible de rester enfermé dans les idées d'un patriotisme borné, et où l'on arriva le plus vite à reconnaître sans réserves les défauts des institutions locales et les avantages des institutions étrangères : on en vint même à admirer souvent de préférence tout ce qui était autrement qu'à Athènes.

En dépit de toutes les expériences, on célébrait toujours encore Sparte comme le séjour de la discipline et de l'amour des lois, et l'on s'enthousiasmait pour la simplicité des mœurs des pays du Nord. Mais c'est surtout la constitution monarchique des pays étrangers que l'on admirait sans détour, non seulement quand elle reposait sur la base légitime d'institutions nationales, mais même quand elle était issue de la violence. Dans le dialogue intitulé Hiéron, qu'on attribue à Xénophon, le tyran s'entretient avec le poète Simonide ; car c'est un grand homme que choisit l'auteur pour exposer l'opinion accréditée sur le bonheur enviable que donne la souveraineté. Le tyran en montre avec éloquence et d'après sa propre expérience les mauvais côtés ; il peint les privations au sein de l'abondance, les angoisses perpétuelles, et l'esclavage qui accompagnent la possession du pouvoir absolu. Mais Simonide n'est nullement converti à la république ; il persiste à soutenir que ces maux ne sont pas inhérents à la puissance absolue, et que le despote peut nonobstant être le bienfaiteur du peuple et jouir de son amour et de sa confiance.

Le véritable art de gouverner d'après les idées socratiques semblait, en définitive, pouvoir être plus aisément réalisé par l'autorité d'un seul. C'est pour cela que Xénophon esquisse dans Cyrus l'idéal du souverain[57] ; et lors même qu'Isocrate reconnaît que la monarchie est inconciliable avec les idées grecques, il la recommande néanmoins aux sujets de Nicoclès comme étant, absolument parlant, la forme de gouvernement la plus parfaite[58].

La cour de Perdiccas et d'Archélaos, le prestige magique attaché à la personne de Cyrus le Jeune, la gloire d'Évagoras, nous montrent quelle attraction la monarchie exerçait sur les Grecs d'alors. Quand Isocrate parle d'Évagoras, il déclare que la monarchie est le bien suprême chez les dieux et les hommes. et que tout l'art des rhéteurs et des poètes est impuissant à célébrer dignement le vrai souverain. Ce même Isocrate, dans ses discours et ses lettres, s'adresse de préférence à des personnages princiers, à Archidamos, à Denys, à Philippe, à Timothéos, le fils et le successeur du tyran Cléarchos, etc. On voit, d'après tout cela, combien on était disposé alors à attendre le salut des États non pas des assemblées populaires et des lois votées par elles, mais de l'énergique action de certaines individualités puissantes.

Cette tendance du temps, que nous trouvons si clairement exprimée chez les rhéteurs comme chez les historiens, Théopompe et Xénophon, nous la trouvons chez les philosophes formulée en doctrine nettement arrêtée. Sans doute les Académiciens s'occupent aussi d'organiser des constitutions républicaines, et l'on cite plusieurs disciples de Platon qui firent œuvre de législateurs, comme Ménédémos à Pyrrha, Phormion en Élide, Aristonymos en Arcadie, Eudoxe à Cnide[59] : mais ces législations issues de la réflexion philosophique ne prouvent qu'une chose, à savoir, combien on se rendait mal compte de la vitalité inhérente aux gouvernements. républicains. Platon lui-même n'a jamais pu se faire à l'idée que la libre activité d'une république soit un fondement capable de porter l'édifice de l'État véritable. Même pour lui, l'idéal de l'État ne peut être réalisé que par un homme éminent qui domine l'ensemble avec toute l'énergie d'une volonté absolue, qui contient les velléités égoïstes et donne, avec la sûreté de main d'un artiste, une forme harmonique à la société.

Quelque claires et conséquentes que fussent ces doctrines, leur application à la situation actuelle n'en était pas moins infiniment difficile ; et pourtant les Platoniciens n'avaient pas renoncé à y réussir : ils voulaient être aussi des politiques pratiques, et ils tombaient à ce propos dans les contradictions les plus grossières. En effet, du point de vue moral auquel ils s'étaient placés, ils devaient, d'accord en cela avec la conscience unanime du peuple hellénique, réprouver tout acte de violence dans l'État ; et cependant la réalisation de leur idéal politique n'était possible que par les plus criminels attentats. Platon représente la tyrannie comme la plus méprisable des constitutions, et pourtant il entre en relations intimes avec le tyran Denys.

Il y eut même des tyrans qui eurent quelque droit à se donner comme disciples de Platon, notamment Cléarchos, qui régna pendant douze ans (363-352) à Héraclée sur le Pont, un type de perfidie et de duplicité despotique, et avec cela un ami et un protecteur des sciences. Il faut dire pourtant d'autre part que les deux meurtriers de Cléarchos, Chion et Léonide, étaient aussi des élèves de l'Académie[60], de même que les frères Python et Héraclide, les meurtriers de Cotys[61] ; ils croyaient agir conformément à l'esprit du maître en exposant leur vie pour débarrasser la Liberté de ses ennemis.

Il serait sans aucun doute entièrement injuste de rendre Platon et sa philosophie responsables des actes de certains platoniciens : il n'en faut pas moins convenir qu'il était impossible de tirer des leçons de l'Académie des principes solides pour résoudre les questions politiques du temps. Platon lui-même en est la meilleure preuve. Lorsque Denys le Jeune, avec des qualités qui permettaient de beaucoup espérer de lui, prit le gouvernement de Syracuse et l'appela auprès de lui, Platon le jugea capable de remplir la haute mission d'un législateur philosophe ; mais il ne tarda pas à voir ses espérances trompées de la façon la plus complète. On ne renonça pas pour cela à l'idée de fonder à Syracuse un État philosophique[62]. Mais ce même prince, sur lequel les platoniciens avaient compté, devint leur ennemi le plus acharné. L'entreprise que fit Dion pour renverser Denys (357) fut un acte collectif de l'Académie, que nous voyons à cette occasion faire son apparition comme puissance politique. Tous ces efforts restèrent cependant stériles ; la politique idéaliste des platoniciens était sans doute capable d'enflammer les esprits, mais impuissante à prendre une forte situation au milieu des luttes du temps, et encore moins en état de guérir les maux du présent.

A mesure que les philosophes eux-mêmes s'en convainquirent, ils se retirèrent profondément écœurés de la vie publique. Autrefois les hommes les mieux doués étaient les agents les plus actifs de la vie politique : même ceux qui étaient hostiles au parti régnant servaient encore le pays avec une abnégation toute patriotique, comme Nicias par exemple. Aujourd'hui les hommes du plus grand mérite sont ceux qui se détournent le plus des affaires : l'État pour eux est chose indifférente, ou ridicule ou odieuse. Plus leur esprit est élevé, plus ils voient clair, plus ils désespèrent de l'ordre établi. Ils méprisent l'esprit étroit des petits États de la Grèce, dans lesquels le plus vil égoïsme fait la loi, et raillent une société où la fève désigne celui qui doit gouverner. On a même perdu l'intelligence du passé d'Athènes. Platon condamne les hommes d'État les plus glorieux de sa patrie ; il considère l'hégémonie maritime comme son plus grand malheur, et quand il prononce seulement le mot de démocratie, il est entendu d'avance que les hommes raisonnables sont unanimes à la réprouver. Or, comme les sophistes, en partant de leur point de vue à eux, travaillaient aussi à miner la notion de l'État en faisant l'individu juge souverain de ses institutions et en regardant toutes les lois comme des règles arbitraires, issues de contrats ou de la violence, auxquelles il leur était impossible de reconnaître une force obligatoire, il arriva que les deux grands courants du temps, si différents pourtant, la sophistique et la philosophie socratique, se rencontrèrent sur ce point, que toutes deux travaillèrent à la ruine de la Constitution existante et ébranlèrent le vieil édifice de l'État, lequel reposait sur l'accord des lois et des sentiments de tous les citoyens.

Il n'y a plus maintenant à Athènes qu'un petit nombre d'hommes qui, comme Timothée, cherchent à concilier l'activité publique avec la culture philosophique. En général, les deux mondes se séparent, et ce qu'il reste encore à la république de forces vives se partage en deux camps. Le sage croirait se souiller en touchant aux affaires de la cité, et les intérêts d'ordre intellectuel sont transportés dans un tout autre domaine. On trouve tout naturel que la conduite de l'État soit abandonnée à des hommes de valeur inférieure, à des égoïstes qui mènent le peuple en caressant les faibles et en flattant sa paresse irréfléchie.

Cependant, la masse des Athéniens croit n'avoir pas besoin d'efforts pour conserver sa liberté et sa prospérité : dans l'apparente immobilité des choses, ils ne voient pas qu'on recule à mesure que s'émousse le sentiment de l'honneur et du devoir. Comme on a honteusement sacrifié les derniers restes de l'hégémonie maritime, on ne sait même plus veiller sur la sécurité de la cité, et on ferme les yeux devant les dangers que l'on ne peut écarter qu'au prix de quelques sacrifices. D'un côté, une riche vie intellectuelle, planant à dès hauteurs idéales, ne voyant dans l'État athénien qu'une chose sans valeur ; de l'autre une vie routinière, paresseuse et égoïste, qu'aucun effort ne trouble dans sa mollesse : voilà l'Athènes d'Eubule, esquif sans pilote, lancé sur le courant du temps.

Et pourtant l'ennemi était là, un ennemi plus dangereux mille fois que tous ceux qu'Athènes avait eu à combattre quand elle était au comble de sa puissance : un grand empire en plein progrès, aux ressources inépuisables, dirigé par la main sûre d'un roi prévoyant et habile qui avait profité de toutes les occasions, sur terre et sur mer, pour dompter l'un après l'autre les petits États de la Grèce, et qui guettait surtout les Athéniens. Pour que la république ne tombât pas entre ses mains comme une proie sans défense et ne périt pas sans honneur, il fallait un Athénien qui, tout en connaissant à fond les vices de sa patrie, ne désespérât pas d'elle ; qui réunît en lui la puissance du génie et le sens de l'idéal avec le patriotisme le plus dévoué ; qui eût le courage d'accepter la difficile mission de rassembler encore une fois toutes les forces vives, de réveiller le sentiment éteint de l'honneur, de ressusciter l'État athénien, et de le replacer à la tête des Hellènes combattant pour les biens les plus précieux de la nation. Cet homme fut Démosthène : avec lui commence une nouvelle histoire d'Athènes.

 

 

 



[1] Platon (Rep., p. 380) flétrit cette pensée d'Eschyle : θεός μέν αίτίαν φύει βρότοις, όταν κακώσαι δώμα παμπήδην θέλη. Cf. STARK, Niobe, p. 38. 92.

[2] Sur les rapsodes, voyez l'Ion de Platon.

[3] Cf. G. CURTIUS, Ueber den άγών ύποβολής (in Bericht. der Sächs. Ges. der Wiss., 1868, p. 153).

[4] XÉNOPHON, Sympos., 4, 6. COBET, Prosop. Xenoph., p. 70.

[5] Exemples de tétralogies : Les Crétoises, Alcmæon, Alceste (représentées en 439 [Ol. LXXXV, 2], d'après l'argument de l'Alceste) : Médée, Philoctète, Dictys, Theristæ (en 432 [Ol. LXXXVII, 1], d'après l'argument de Médée) : Alexandre, les Trœzéniennes, Palamède, Sisyphe (en 420 [Ol. XC, 1] d'après ÆLIAN., Var. hist., II, 8). Les notices données sous forme de didascalies vont jusqu'en 346 (WELCKER, Griech. Trag., p. 893 sqq. USENER, Symb. philol. Bonn., p. 583).

[6] ARISTOTE, Rhet., I, 3 [p. 111, 11]. Sur l'importance que prennent les acteurs et les χοροδιδάσκαλοι, voyez HELBIG, Zeitschr. für Gymnas., 1862, p. 10r. BÖCKH, Trag. græc. princ., p. 178. LÜDERS, Die dionysischen Techniten, 1874, p. 53 sqq. Au lieu d'appeler comme autrefois les acteurs ύποκριταί, on emploie alors pour désigner tous les artistes qui montent sur la scène οί περί τόν Διόνυσον τεχνίται, expression qui se trouve déjà dans Aristote (Problem., XXX, 11).

[7] Ces associations ont été étudiées en détail par P. FOUCART, De collegiis scenicorum artificum apud Græcos, Paris, 1873 et par LÜDERS, op. cit. D'après ce dernier (ibid., p. 65 sqq.) les grandes associations ne datent que du IIIe siècle.

[8] Environ 5.895 fr.

[9] ALEX., ap. ATHEN., p. 226. BECKER, Charikles, II, p. 154.

[10] MEINEKE, Fragm. Com. Græc., III, p. 182. REHDANTZ, Vit. Iphicrat, etc., p. 30.

[11] MEINEKE, Hist. crit. com., p. 277. PAUL, De symposii ænigmatis, p. 2. O. RIBBECK, Mittlere und neuere Komödie, 1857, p. 19. LÜDERS, op. cit., p. 98.

[12] Cf. SCHRADER, in Rhein. Museum, XX, p. 186.

[13] ATHEN., p. 555.

[14] KÖHLER, in Hermes, III, p. 157. SCHÖNE, Attische Reliefs, p. 5. 24.

[15] L'époque où fut achevée la frise de l'Érechthéion ne saurait être précisée.

[16] Cf. KÖHLER in Hermes, II, p. 22. Quant aux bas-reliefs qui ornent la balustrade du temple de la Victoire (Nikê), KEKULÉ les place en 407 (après les victoires de Byzance et de Cyzique), OVERBECK, entre 390 et 388.

[17] WELCKER, Alte Denkmäler, III, p. 310. OVERBECK, Ber. der Sachs. Ges. der Wiss., 1865, p. 48.

[18] Sur Callimachos, voyez BRUNN, Gesch. der griechischen Künstler, I, p. 251. LOHDE, Architectonik der Hellenen, p. 40.

[19] Cf. E. CURTIUS, Peloponnesos, I, p. 255.

[20] PAUSANIAS, VIII, 45, 4 sqq. Cf. URLICHS, Skopas Leben und Werke, 1863, p. 18.

[21] BRUNN, Gesch. der griech. Künstler, I, p. 269.

[22] BRUNN, Eirene und Plutos, München, 1868.

[23] PAUSANIAS, III, 18, 8.

[24] PAUSANIAS, VIII, 28, 1.

[25] CALLISTRAT., Statuæ, 2.

[26] URLICHS, op. cit., p. 122.

[27] Sur Praxitèle, voyez FRIEDRICHS, Praxiteles und die Niobegruppe, 1855, spécialement p. 50 sqq. E. GEBHART, Essai sur Praxitèle, Paris, 1864.

[28] PLINE, XXXVI, 26. O. JAHN, Ber. der Sachs. Ges. der Wiss., 1854, p. 163.

[29] PLINE, XXXVI, 28. STARK, Niobe, p. 331.

[30] BRUNN, op. cit., p. 387.

[31] Aquilam sentientem quid rapiat in Ganymede et cui ferat (PLINE, XXXIV, 79).

[32] Lyciscum mangonem, puerum subdolæ ac fucatæ vernilitatit (PLINE, ibid.).

[33] O. JAHN, Zeus Polieus (in Nuove Memorie dell' Instituto di Corr. arch., p. 22).

[34] PAUSANIAS, I, 43, 6. Έρως est l'amour, Πόθος le désir, et Ίμερος l'attraction passionnée (cupido).

[35] Vit. X Orat. (Lycurg.).

[36] Vit. X Orat. (Isocrat. 27).

[37] DIOG. LAERT., III, 25. O. JAHN, Darstellungen griech. Dichter, 1861, p. 719.

[38] Non hominem ex ære fecit, sed iracundiam (PLINE, XXXIV, 81). M. HERTZ, De Apollodoro statuario et philosopho, Vratisl., 1867.

[39] Vit. X Orat. (Isocrat., 10). Sur les scènes littéraires représentées sur les tombeaux, voyez STARK, Archäol. Zeitung, 1870, p. 73.

[40] Sur les bas-reliefs athéniens du IVe siècle, cf., d'une manière générale, SCHÖNE, Griech. Reliefs, 1872.

[41] Sur les commandes pour l'étranger, voyez STARK, Archäol. Zeitung, 1865, p. 111.

[42] PAUSANIAS, VII, 25, 9.

[43] Sur le Mausolée, voyez PLINE, XXXVI, 30. Philologus, XXI, p. 543.

[44] BRUNN, Gesch. der griech. Künstler, II, p. 71 sqq.

[45] BRUNN, op. cit., p. 75.

[46] PLINE, XXXV, 69. Sur Zeuxis et Parrhasios, voyez HELBIG, N. Jahrbb. für Philol., 1867, p. 649-675.

[47] BRUNN, op. cit., II, p. 120.

[48] ÆLIAN., Var. Hist., XIII, 43. RENDANTZ, Vit. Iphicrat., Timoth., etc., p. 188.

[49] SCHÄFER, Demosthenes, III2, p. 11.

[50] O. JAHN, Vasen mit Goldschmuck, 26. L'or se rencontre déjà, mais employé avec parcimonie, sur des vases plus anciens (HEYDEMANN, Iliupersis, p. 10).

[51] Socrates mundanus (HERMANN, Plato, p. 70).

[52] HENKEL, Studien zur Gesch. der griech. Lehre vom Staat, p. 42. 135.

[53] LYSIAS, In Philon., § 6. Cf. RAUCHENSTEIN, Lysias.

[54] On rencontre des paroles de bienveillance pour les esclaves dans Euripide (cf. SCHENKL, Politische Ansichten des Euripides, p. 15) et dans Xénophon (Cf. ZELLER, Philos. der Griechen, II3, p. 203). A l'égard des femmes, Platon laisse sa pensée indécise (ZELLER, ibid., p. 753) ; pour les esclaves, il est plus dur que Xénophon, chez qui l'idée de la famille est plus profondément ancrée. Cf. STRUMPELL, Prakt. Philos. der Griechen, p. 505.

[55] ISOCRATE, Panegyr., § 50. Cf. RAUCHENSTEIN, ad Isocrate, p. 12.

[56] DIOG. LAERT., III, 25. Malheureusement on ne sait rien de précis sur l'auteur de cet ex-voto : cependant, il est toujours vraisemblable que Mithradate était un contemporain de Platon et de Silanion (que Pline place dans la CXIIIe Ol., mais qui doit avoir commencé plus tôt sa carrière : cf. BRUNN, op. cit., I, p. 394), et qu'il a connu personnellement Platon. VAILLANT (Ach. imp., p. 14) le donne pour Mithradate IV et l'identifie avec l'ami de Cyrus (XENOPH., Anab., II, 5, 35. III, 3, 4) et le satrape de Lycaonie (Anab., VII, 8, 25).

[57] Sur la Cyropédie, voyez HENKEL, op. cit., p. 142.

[58] Sur le Nicoclès (Orat., III) et l'Évagoras (Orat., IX de Lysias), voyez HENKEL, op. cit., p. 155.

[59] Sur les législateurs platoniciens, voyez PLUTARQUE, Adv. Colot., p. 1125. ZELLER, op. cit., II3, p. 365, 2.

[60] MEMNON, fragm. 1. E. EGGER, Sur le meurtre politique (Études d'histoire et de morale), 1866, p. 19.

[61] PLUTARQUE, Adv. Colot., p. 1126.

[62] Sur Euphræos et la politique platonicienne en Sicile, voyez BERNAYS, Dial. des Aristoteles, p. 21.