HISTOIRE GRECQUE

TOME QUATRIÈME

LIVRE SIXIÈME. — THÈBES AU RANG DE GRANDE PUISSANCE GRECQUE (379-362 AV. J.-C.).

CHAPITRE PREMIER. — SOULÈVEMENT ET RÉSISTANCE DE THÈBES.

 

 

§ II. — THÈBES ET ATHÈNES CONTRE SPARTE.

Peu de périodes de l'histoire grecque se sont ouvertes aussi subitement que celle qu'inaugure la délivrance de Thèbes[1]. Si la ville elle-même fut surprise des événements de la nuit, combien davantage les villes plus éloignées ! La première impression fut presque partout la même. Le peuple témoigna un sympathique intérêt pour ce coup d'audace, si vivement mené et tel qu'on n'en avait pas vu depuis longtemps. Cela rappelait les exploits du passé, les héros qui pénétraient dans la demeure paternelle pour la délivrer. A Sparte même, on ne put réprimer un certain assentiment, un certain intérêt, bien qu'on se vit obligé, suivant les vues du parti dominant, de considérer comme des rebelles les héros de la liberté. En tout cas, l'événement entraînait de toute nécessité d'importantes conséquences. Car une puissance dont le joug pesait lourdement sur toute la Grèce, mais qui en même temps passait pour inattaquable, venait d'être tout d'un coup ébranlée. Elle était humiliée de telle sorte qu'aucun Hellène ne pouvait méconnaître là le juste châtiment d'un insolent orgueil, et l'État qui avait infligé cette humiliation était sorti par là de sa condition d'infériorité. S'il parvenait à maintenir sa situation nouvelle, toute la hiérarchie des États de la Grèce était destinée à se modifier. Aussi tout le monde attendait avec curiosité la suite des événements, qui ne pouvait se faire longtemps attendre.

Le début avait brillamment réussi aux Thébains ; mais le plus difficile, sans contredit, de leur tâche ne faisait que commencer. En effet, une restauration durable de la puissance thébaine rencontrait partout des difficultés. Thèbes n'était qu'une des villes de la contrée ; sa domination en Béotie, qu'elle avait poursuivie à plusieurs reprises avec une constance opiniâtre, avait été complètement détruite par la paix d'Antalcidas. Platée était reconstruite, Orchomène indépendante ; les villes voisines veillaient avec un soin jaloux sur leur autonomie. Par conséquent, on était condamné à reprendre par le commencement, en face de l'ennemi extérieur, l'œuvre délicate de l'unification du pays. Car ce n'était pas Thèbes, mais la Béotie seule qui était en état de tenir tête avec quelque chance de succès aux forces supérieures de l'adversaire ; la cité qui avait si audacieusement inauguré la lutte devait se procurer d'abord les éléments d'une puissance suffisante. Il lui était impossible de se contenter de certains droits de prééminence et de demandes de contingents, mais il fallait fondre toute la contrée en un tout, en un empire dirigé par un gouvernement unitaire.

Naturellement, on avait déjà pris ses mesures dans ce but. Le parti de la Jeune-Béotie à Thèbes comptait des adhérents dans les autres villes, où l'opposition ne manquait pas contre les familles dirigeantes, qui en même temps étaient les véritables représentants de l'instinct autonomiste, poussant à l'indépendance communale. Mais ce qui montre le mieux avec quelle clarté et quelle décision les patriotes thébains avaient, même avant la délivrance, tracé leur programme politique, c'est que le lendemain ce ne furent pas des polémarques, mais des béotarques qu'on élut ; car les polémarques étaient des officiers municipaux, les béotarques, au contraire, des fonctionnaires du pays entier, des commandants fédéraux[2]. Ainsi l'ancienne confédération des villes béotiennes fut renouvelée à l'instant, mais dans un tout autre esprit qu'auparavant, parce que le parti démocratique sentait vivement la nécessité d'une ferme union. Ses adhérents travaillaient dans toute la contrée à surmonter l'aversion héréditaire des différentes villes entre elle s et contre Thèbes ; ils sommaient partout leurs compatriotes de répudier pour l'amour du but commun tous les intérêts particuliers ; ils offraient à tous les avantages qu'ils avaient conquis pour Thèbes, affranchissement de Sparte et du joug d'une oligarchie animée de sentiments spartiates, égalité devant la loi, égalité du droit d'élection et de suffrage. Les aspirations à la liberté régnaient aussi hors de Thèbes ; la chaleur de l'âme populaire facilita la fusion d'éléments d'ordinaire si réfractaires. Thèbes s'était conquis par son héroïsme une situation nouvelle dans le pays, et les premiers béotarques furent des hommes que le parti dirigeant dans toute la Béotie salua avec une cordiale confiance. Aussi, dès les premiers dangers de guerre, des volontaires se rassemblèrent de tous les districts du pays pour prendre part à la lutte, et l'on put espérer que la résurrection de Thèbes entraînerait celle de la province tout entière ; on voulait non seulement que Thèbes en devînt le chef-lieu, la ville dirigeante, mais que toute la province, fondue en un tout, fût représentée par Thèbes comme l'Attique par Athènes. Aussi les citoyens de la ville, dans les actes officiels, ne s'intitulèrent plus depuis lors Thébains, mais Béotiens de Thèbes[3].

Mais, pour atteindre ce but, un heureux élan qui enthousiasmait les esprits, qui faisait prédominer les meilleurs instincts et reléguait dans l'ombre les discordances, ne pouvait longtemps suffire. L'ancienne rudesse perçait toujours. Déjà la première victoire avait été souillée par des injures aux vivants et aux morts, lorsque le peuple, au moment de la retraite de la garnison, guetta au passage les citoyens qui avaient cherché protection auprès d'elle. Quelques-uns d'entre eux furent sauvés par les Athéniens ; d'autres furent victimes de la fureur populaire, qui n'épargna même pas les enfants de ces infortunés[4]. Au sein même du parti des patriotes, il ne manquait pas de divergences, car avec la démocratie apparurent du même coup tous les inconvénients du régime. Des ambitieux qui avaient coopéré à la délivrance se crurent dédaignés et se posèrent en adversaires acharnés de Pélopidas et d'Épaminondas, par exemple Ménéclidas[5]. D'autres voulaient profiter du bouleversement pour s'attaquer aux familles nobles et accomplir une révolution sanglante, comme Eumolpidas et Samidas[6].

Dans cet état de choses, c'était contre des difficultés infinies qu'avaient à lutter les nouveaux chefs du peuple, qui voyaient dans son relèvement moral et intellectuel la condition nécessaire à la Béotie pour prendre une place digne d'elle parmi les États grecs. Comme il n'y avait pas moyen d'infuser du premier coup un bon esprit à la masse de la population, si longtemps négligée et, sous un régime oligarchique égoïste, tenue éloignée de toute participation aux affaires publiques, les hommes qui fondaient dans leur pays l'œuvre de la renaissance cherchèrent d'abord à répandre et à acclimater dans des sphères plus restreintes les vertus civiques, sans lesquelles un relèvement durable était impossible ; ils formèrent une troupe d'élite, dont les membres furent le modèle des autres et comme la souche de la Béotie nouvelle.

C'était une institution qui se rattachait à de vieilles coutumes locales. Déjà lors de la bataille de Délion, on mentionne une troupe des Trois-Cents. Ils combattaient, comme les héros d'Homère, en avant de la masse de l'armée, unis par couples, et, par analogie avec les habitudes des guerriers de l'âge héroïque, on les appelait Hénioques et Parabates[7]. Cette ancienne institution, sous la direction d'Épaminondas et de Gorgidas, reçut une vie nouvelle. Ils avaient en silence rassemblé autour d'eux un cercle de jeunes gens et s'étaient présentés avec eux le jour de la délivrance, si bien qu'ils passèrent pour les fondateurs de la phalange sacrée de Thèbes. Désormais ce ne fut plus un privilège' de noblesse que de figurer parmi les Trois-Cents, mais les plus nobles de cœur et les plus généreux parmi les jeunes gens du pays, ceux qui déjà sous l'oppression des tyrans s'étaient préparés à la lutte pour la liberté, furent désormais les, guerriers d'élite et les combattants d'avant-garde. Ils étaient destinés à aiguillonner chez les autres le désir d'imiter leur bravoure et leur discipline ; ils étaient associés par les liens de l'amitié et par leur unanimité dans le désir de combattre pour les grands desseins de la patrie. C'était une création féconde, où le côté soldatesque se fondait heureusement avec des principes moraux et politiques, l'ancienne coutume locale avec les idées du présent et les maximes pythagoriciennes, un glorieux monument de la sagesse d'Épaminondas.

Mais quelle médiocre confiance pouvait inspirer la petite phalange dans la lutte que l'on affrontait ! En effet, bien que Sparte renfermât un parti qui avait énergiquement condamné le coup de main de Phœbidas et qui en voyait sans regret les funestes conséquences, il ne fallait pourtant pas supposer que le gouvernement spartiate céderait. Les Thébains n'étaient rien moins que prêts à la guerre ; ils se trouvaient dans une situation beaucoup plus fâcheuse que lorsque, dix-sept ans auparavant, ils avaient commencé la lutte. Il avaient alors des subsides perses et des alliés grecs, et les forces de l'ennemi étaient divisées. Aujourd'hui, les Thébains se levaient seuls ; car, si Athènes leur avait lors de la prise de la Cadmée prêté une assistance des plus efficaces, ce concours n'avait eu aucun caractère officiel. Lorsque Sparte demanda raison à Athènes, le peuple n'eut pas le courage de ratifier la conduite de ses généraux. Le parti anti-thébain profita de la timidité des citoyens ; on intenta un procès aux généraux, et tous deux furent condamnés à mort pour abus de pouvoir[8]. Sparte put ainsi disposer de toute sa puissance militaire contre Thèbes, et son armée était plus exercée et mieux organisée que par le passé, tandis que Thèbes, n'ayant pas l'habitude de faire la guerre pour son compte, n'était pas sûre de sa propre contrée ou était en querelle ouverte avec elle. L'accès de Thèbes était ouvert de tous côtés, les côtes sans défense, et l'ennemi possédait à Platée, Thespies et Orchomène, des places d'armes au sein même du pays béotien. Jamais État n'était entré en conflit avec Sparte dans une situation plus défavorable. Thèbes n'avait d'autre force que l'âme de ses grands capitaines, qui surent inspirer à une partie de la population un courage et un enthousiasme patriotiques. Mais les dispositions qu'ils avaient prises pour rendre la Béotie capable de résister étaient loin d'être achevées, e t personne ne songeait moins qu'Épaminondas à braver les Spartiates avec une assurance superbe ou à les provoquer à une lutte décisive. Toute effusion de sang entre Grecs lui apparaissait par principe comme un sacrilège, légitime seulement quand il s'agissait de défendre contre la violence les biens les plus sacrés d'une nation libre. Aussi est-ce une conjecture des plus plausibles que d'attribuer à son influence — car les idées directrices de la politique thébaine émanaient de lui, sans aucun doute, quoiqu'il ne siégeât pas dans le collège des généraux de la confédération — la démarche faite par les Thébains. Une ambassade se rendit à Sparte, y portant des propositions de paix, où l'on accordait certains droits d'hégémonie aux Spartiates et où l'on promettait l'exécution des anciens traités[9].

Pourtant ces négociations restèrent sans résultat. A Sparte, on jugea les harmostes qui avaient livré la Cadmée sans attendre le secours, et l'on se montra résolu à faire expier aussitôt à Thèbes ce revers. C'est sur la force que reposait la grandeur de Sparte ; elle était condamnée à s'écrouler si on laissait impunies les expulsions de garnisons lacédémoniennes ou si on y reconnaissait des insurrections légitimes. L'honneur de la cité était en jeu ; il ne fallait pas attendre que le nouvel ennemi qui avait surgi tout à coup du sol comme la moisson de guerriers issue du dragon de Cadmos se fortifiât et fit l'unité de la Béotie.

Ainsi la politique d'Agésilas continuait à prédominer à Sparte, et, au dedans comme au dehors de la ville, on était persuadé qu'il se chargerait de la conduite des opérations contre Thèbes. Cependant, il déclina cette tâche et allégua qu'un roi, aussi bien que tout autre citoyen, après avoir servi plus de quarante ans, était dispensé de faire campagne à l'étranger. Mais ce n'était pas là le motif réel ; la vraie raison était l'impopularité au loin répandue qu'Agésilas s'était attirée par sa conduite à Phlionte, et sans doute aussi par ses relations avec Phœbidas, impopularité telle que, dès qu'il prenait part de sa personne à quelque entreprise, tout le monde en Grèce s'attendait aux pires excès. Or, il se trouvait à Sparte des réfugiés thébains qui s'étaient sauvés avec la garnison[10], et, comme les éphores se laissaient fréquemment dicter leurs mesures par les bannis des autres pays, il en fut ainsi cette fois encore. Les Thébains leur firent comprendre que l'apparition d'Agésilas en Béotie ne ferait que provoquer une plus vive résistance, parce qu'on était habitué à n'attendre de lui que les procédés les plus horribles de la guerre, la dévastation irréparable du pays, la traite d es hommes, les exécutions et l'installation de tyrannies. Les éphores cédèrent. Agésilas se retira avec dépit et ne voulut plus avoir rien de commun avec toute cette affaire[11]. A sa place, le commandement fut remis au jeune Cléombrote, frère et successeur du noble Agésipolis, et comme lui animé de sentiments tout grecs et favorables à l'union. Cléombrote aurait, à coup sûr, volontiers accueilli la paix offerte par Thèbes. Obéissant aux éphores, il se rendit dès le mois de janvier 378 en Béotie[12], s'avança avec son armée jusque dans les environs de Thèbes, dressa son camp sur les hauteurs de Cynocéphales et y demeura seize jours. Puis il rentra, sans avoir fait de dégât nulle part[13]. Toute l'expédition se borna à une simple démonstration, de sorte que les troupes péloponnésiennes, en s'en retournant, ne savaient plus du tout pourquoi elles avaient marché. Tout le parti d'Agésilas fit naturellement éclater son indignation. On avait perdu le moment le plus propice pour l'attaque ; on ne pouvait voir dans toute cette entreprise qu'un encouragement des plus dangereux donné aux rebelles. Mais le parti de la guerre ne fut pas assez fort pour renverser Cléombrote ; de son côté, le parti de la paix ne réussit pas davantage à prendre la haute main, et, au milieu de ces fluctuations, il ne pouvait être question d'une politique aboutissant à des résultats sérieux.

Cependant, cette courte campagne d'hiver ne laissa pas que d'amener des conséquences importantes. Cléombrote, en effet, avait laissé une partie considérable de ses troupes en Béotie, à Thespies qui, située à trois lieues de la capitale, était particulièrement propre à faire une place d'armes menaçante. en confia le commandement à Sphodrias, qui reçut en même temps des fonds pour lever de nouvelles troupes[14].

Ainsi les Thébains, en dépit de cette inoffensive campagne, se trouvaient dans une fort mauvaise situation. Ils avaient aux portes de leur ville une armée péloponnésienne, qui se renforçait à vue d'œil avec les recrues venues des villes qui leur étaient hostiles, et qui servait en même temps à intimider les Athéniens. Ceux-ci, de leur côté, faisaient leur possible pour donner satisfaction à Sparte ; ils reconnurent combien leur situation s'était modifiée depuis que les Spartiates réoccupaient les défilés de l'isthme. Car, au nord de l'isthme, il s'offrait tant de passages vers la Grèce centrale que la fermeture de quelques défilés était, en somme, absolument inutile.

Dans ces circonstances, il n'y a rien d'étonnant que les Thébains eussent recours à la ruse pour amener ce qui désormais leur devait importer avant tout, à savoir une rupture entre Athènes et Sparte et la victoire du parti thébain à Athènes. On connaissait Sphodrias, l'harmoste de Thespies, pour un homme de tempérament passionné ; on pouvait compter qu'il ne montrerait pas de répugnance pour exécuter un coup de main à la façon de Phœbidas, si on lui en offrait l'occasion. Aussi, à l'instigation de Pélopidas et de Mélon, — du moins, c'est ainsi qu'on raconte le fait[15], — un Béotien alla se présenter à l'harmoste comme fidèle partisan de Sparte, et l'informa sous main que le Pirée n'était pas encore complètement fortifié. C'était donc chose facile, en partant de Thespies, en traversant la plaine d'Éleusis et suivant la côte attique, de pénétrer presque dans le port, avant que dans la ville haute on ne s'en aperçût. Sphodrias donna dans le piège. Les Lacédémonien, pauvres d'idées personnelles, étaient d'autant plus accessibles aux suggestions étrangères, et il n'est pas surprenant qu'un Spartiate ambitieux se soit laissé enivrer à l'idée qu'il lui était possible de réduire en son pouvoir, par une marche de nuit, le port de l'Attique, les chantiers et la flotte, et de rendre à sa patrie un service qui allait en quelque sorte couronner toutes les entreprises de ce genre. La politique impitoyablement égoïste de la raison d'État était si bien passée dans les mœurs publiques à Sparte, que Sphodrias ne pouvait douter que son agression ne fût approuvée après coup, si elle réussissait. On connaissait du reste les dispositions d'Athènes ; on était en droit de supposer qu'elle ne guettait que la première mésaventure de Sparte pour relever la tête ; un coup de main hardi pouvait prévenir une série de combats dangereux, et, dans quelques jours peut-être, il ne serait plus possible de le tenter.

Sphodrias se mita l'œuvre sans retard, mais dans l'exécution il se montra hésitant et imprudent : les torches qui brûlaient autour des sanctuaires d'Éleusis l'effrayèrent, parce qu'il les prit pour des signaux allumés par les Athéniens. Ensuite, il n'avait pas exactement calculé la longueur de la route. Au point du jour, il n'était encore que sur la limite entre les plaines d'Éleusis et Athènes ; son plan d'une surprise de nuit était déjoué. Il lui fallut rebrousser chemin. Mais, ici encore, il agit avec une rare étourderie. Au lieu de se retirer en silence, il pilla différents villages et s'en retourna par le Cithéron, tandis que les citoyens d'Athènes sortaient pour venger cette infâme violation de la paix.

Le forfait était d'autant plus grand, qu'à ce moment les députés de Sparte séjournaient encore à Athènes, après avoir réclamé et obtenu satisfaction pour l'infraction à la neutralité commise lors de l'insurrection thébaine[16]. Le seul acte capable de calmer les Athéniens, c'était le châtiment immédiat de Sphodrias. Les éphores le destituèrent et le citèrent devant le tribunal, le Conseil des Anciens[17]. Personne ne doutait qu'il ne fût condamné à mort, puisque l'on ne pouvait produire en sa faveur aucun des arguments qui avaient sauvé Phœbidas. Lui-même n'avait pas osé comparaître. Pourtant, il fut acquitté, et le bruit courut qu'une tendre amitié qui existait entre les fils de Sphodrias et d'Agésilas y avait contribué[18]. Le roi, contre toute attente, prit le parti de l'accusé, alléguant pour raison que Sparte ne pouvait se passer de tels hommes[19].

On a diversement jugé dans les temps anciens et modernes l'acte de Sphodrias. On le connaissait pour un adhérent de Cléombrote, et c'est à ce dernier qu'on voulut faire remonter la véritable initiative de l'entreprise[20] : mais elle répugne trop à la politique du jeune roi et de sa famille. On a rejeté aussi comme invraisemblable, mais sans motifs suffisants[21], tout le récit, si dûment certifié, de l'artifice des Thébains. Les Thébains pouvaient avec de grandes chances de succès essayer de ce moyen, car au pis-aller, dans le cas, à leur sens fort improbable, où la surprise sur Munychie aurait réussi, les Athéniens auraient été entraînés aussitôt à une alliance avec Thèbes pour reconquérir la citadelle. Les Thébains sans doute ne pouvaient compter avec certitude sur l'acquittement de Sphodrias ; mais, à défaut de ce résultat, le coup de main devait fatalement seconder leurs desseins et accroître l'animosité contre Sparte. Ce qui demeure le plus obscur, ce sont les rapports de Sphodrias avec les rois. Tous deux paraissent avoir tenu pour lui contre les éphores[22], l'un, ce semble, par une vieille amitié ; mais il est difficile de croire que l'autre se soit mis en opposition avec l'opinion publique et ait rendu service à ses adversaires par pure complaisance paternelle. C'est par principe qu'il dut approuver l'acte, et dans le cas actuel, ce fut pour lui, comme il nous est permis de l'admettre, un triomphe que de voir l'ami de. Cléombrote embrasser sa politique et rendre hommage à cette théorie, qu'il faut employer tous les moyens pour agrandir la puissance de l'État. On n'avait pas le droit de sacrifier aux ennemis des hommes professant ces idées, quand même un de leurs plans aurait avorté. C'est ainsi que, des deux rois, l'un crut devoir protéger le partisan de la veille, l'autre, le nouveau converti.

L'acquittement de Sphodrias transforma son expédition, insignifiante en elle-même, en un événement d'une longue portée. A Sparte, le crédit d'Agésilas baissa, parce qu'on le rendit responsable de l'injuste sentence qui froissait le sentiment des meilleurs citoyens[23], d'autant plus qu'on croyait qu'il n'avait ébranlé l'empire de la loi que pour des considérations purement personnelles. Ce qui ressortit le plus clairement de cet incident, ce fut non seulement l'absence de scrupules, mais aussi le manque absolu d'habileté politique, dont pourtant une politique comme celle d'Agésilas pouvait le moins se passer.

A Athènes, on n'avait renvoyé les ambassadeurs lacédémoniens que sur l'assurance que Sphodrias, pour l'entreprise accomplie de son chef, serait condamné à mort. Par son acquittement, l'État se chargeait de son crime, et la satisfaction promise n'était pas accordée. Aussi s'opéra-t-il tout d'un coup un changement complet. Les Athéniens, qui venaient de se montrer si souples et condescendants, et de faciliter singulièrement par là aux Spartiates la soumission de Thèbes, les Athéniens se détachèrent de Sparte avec promptitude et résolution. Le parti thébain, récemment encore frappé de peines corporelles et pécuniaires, prit en main, avec l'assentiment général, le gouvernail de l'État. Une vive ardeur guerrière s'éveilla ; l'enceinte du Pirée fut achevée et le plan de restauration des forces navales pressé avec énergie[24]. On adressa aux autres États l'invitation de s'unir dans une lutte commune contre l'arbitraire lacédémonien, mais, avant tout, on conclut avec Thèbes une alliance offensive et défensive.

La situation se présentait donc pour Sparte sous un aspect sensiblement plus fâcheux quand, l'été suivant, elle se prépara pour une deuxième expédition. Il ne s'agissait plus du châtiment d'une ville isolée, mais les deux capitales de la Grèce centrale se levaient de concert pour repousser toute immixtion de Sparte ; Thèbes était relevée par cette alliance, car elle voyait ses frontières couvertes et pouvait être assurée, pour toute lutte décisive, d'un appui en temps voulu. Mais les Thébains ne songeaient pas à jouer leur fortune dans des batailles en rase campagne ; ils commencèrent par tout préparer pour une défense sérieuse. A la fin, ils transformèrent la banlieue de leur ville en un immense camp retranché[25]. Toutes les approches accessibles furent barrées par des fossés et des palissades ; les hauteurs voisines, les lacs et les cours d'eau leur facilitèrent ce travail, et ce fut certainement le coup d'œil militaire d'Épaminondas qui dirigea l'exécution méthodique de ces travaux. Les milices étaient en même temps soumises à des exercices ininterrompus ; c'était surtout sur la cavalerie et la promptitude de ses mouvements que l'on comptait pour empêcher une irruption dans les lignes fortifiées.

Chabrias, qui avait déjà fermé à Cléombrote l'entrée de la Béotie, commandait les auxiliaires athéniens. C'était un homme en qui l'on plaçait une entière confiance ; car, jusqu'à la paix d'Antalcidas, il avait conquis une grande gloire à Cypre, puis au service du roi Acoris[26], et amassé une grande expérience militaire. Il était sur les lieux avec 5.000 hommes d'infanterie et 200 cavaliers. On attendit tranquillement l'ennemi qui s'avançait.

Cette fois, Agésilas arriva en personne, et même avec un effectif de 18.000 hommes et 1.500 cavaliers. Surpris par les préparatifs si bien combinés des Thébains, il se vit hors d'état de faire usage de sa supériorité numérique. Comme un animal carnassier devant la porte d'une ferme bien gardée, il rôda le long des retranchements ; dès qu'il voulait y pénétrer, il rencontrait un corps prêt à combattre, et, quand il se retirait sans avoir rien fait, l'arrière-garde essuyait encore des pertes sensibles de la part des escadrons légers, qui savaient tirer parti de tout accident de terrain. Enfin il réussit à pénétrer : mais, même alors, il ne put que ravager le terroir de la ville ; l'ennemi resta en bataille[27] et, dans des positions bien choisies, tint si vaillamment tête aux attaques d' Agésilas, que celui-ci de son côté abandonna la lutte et rappela ses troupes déjà en marche pour l'assaut. Ce recul équivalait à une défaite : Agésilas se vit désarmé par le courage à froid de ses adversaires ; il se contenta de fortifier de nouveau Thespies, d'y mettre Phœbidas comme gouverneur, et il rentra chez lui avec ses troupes[28].

Encouragés par cet essai, les alliés sortirent de leur camp, assaillirent Thespies, battirent et tuèrent l'odieux Phœbidas[29] gagnèrent journellement des adhérents dans le pays béotien, et il ne resta plus aux Spartiates d'autre ressource que de procéder, au début du printemps suivant, à une nouvelle levée de troupes.

Mais les confédérés péloponnésiens devenaient aussi chaque année moins traitables. La guerre de Thèbes déplaisait au premier chef ; on en vint à des résistances ouvertes, et, bien que le roi, grâce à sa supériorité numérique, à des marches forcées employées à propos et autres artifices de tactique qu'il avait appris en Asie, remportât çà et là de petits avantages[30], l'objet essentiel ne fut pas atteint. Tandis que le courage des alliés croissait sans cesse, Agésilas sentait baisser son crédit aux yeux des amis et des ennemis ; l'ambitieux prince fut contraint de quitter pour la seconde fois la Béotie, sans avoir au fond obtenu d'autres résultats que l'abatage des arbres fruitiers, l'incendie des fermes et le fauchage des moissons. Au retour, il se blessa à Mégare et fut transporté malade à Sparte[31] : il dut reconnaître qu'une malédiction pesait sur cette guerre qu'il avait naguère provoquée lui-même. Lorsque, l'année suivante (376), Cléombrote marcha encore contre Thèbes, il ne franchit même pas le Cithéron : il trouva les passes occupées par les alliés[32] et se retira après un engagement malheureux.

Pendant les dernières campagnes avait éclaté une nouvelle guerre, qui menaçait d'un autre côté la puissance de Sparte. Athènes, tirée de son attitude indécise par l'attentat de Sphodrias, avait inauguré une politique toute nouvelle. On savait maintenant ce qu'on avait à attendre de Sparte ; on comprenait la nécessité d'être prêts contre un ennemi si rusé, et c'est ainsi que se réveilla pour la première fois dans la nation athénienne la conscience nette de sa mission politique. Ce fut un mouvement unanime et résolu. On ne se contenta donc pas d'appuyer les Thébains et de repousser de concert avec Thèbes les prétentions de Sparte à la domination sur la Grèce centrale, mais on se mit activement à la tâche pour relever sa propre puissance et reprendre son ancien rang parmi les Hellènes.

Sous ce rapport, l'année de l'archonte Nausinicos fit époque (378/7 : Ol. C, 3 ). Ce fut l'année pendant laquelle les hommes d'État les plus marquants d'Athènes s'unirent pour fonder à nouveau la grandeur de leur patrie. Leurs propositions, bien qu'imposant de nouveaux sacrifices, furent accueillies sans résistance par le peuple. On procéda à un nouveau recensement des habitants[33]. L'état de la fortune existante en Attique, en y comprenant le domaine public et les biens des mineurs, fut exactement dressé, et, en n'imposant plus comme par le passé les charges publiques aux capitalistes pris individuellement, mais en formant des groupes de contribuables où les plus pauvres contribuaient dans la proportion de leurs facultés, on ménagea une hase plus large et plus sûre aux revenus de l'État. On divisa la masse des contribuables, — d'où ne demeuraient exclus que les individus sans fortune (c'est-à-dire probablement ceux dont les biens étaient estimés au-dessous de 25 mines[34]), — en vingt corporations[35], dont chacune représentait un capital imposable de même valeur. Celles-ci garantissaient en bloc les prestations exigées par l'État. Les plus imposés dans les différentes associations, au nombre de trois cents, veillaient à la rentrée des contributions, en répondaient devant l'État, et, en cas de besoin, se chargeaient des avances. Ce système évitait l'intervention immédiate des autorités et donnait aux plus riches, en dédommagement des sacrifices considérables qu'on leur demandait, une influence correspondante.

Alors le Pirée se ranima, comme autrefois aux jours de Thémistocle. Les vaisseaux qui étaient encore bons depuis la guerre de Corinthe furent remis en service actif, cent nouvelles trirèmes construites, les chantiers réparés, les marins exercés. Les chefs capables ne manquaient pas aux Athéniens. Ils avaient l'ingénieux Iphicrate, Chabrias, guerrier éprouvé, le noble et magnanime Timothée, fils de Conon, désigné entre tous pour reprendre l'œuvre dont son père avait jeté les fondements par la reconstruction des murs. C'étaient là des généraux de race, doués d'un vrai tempérament militaire. Dans Callistratos d'Aphidna, on possédait un homme d'État que son éloquence, son expérience, sa connaissance du monde rendaient éminemment propre à consolider la nouvelle puissance d'Athènes. Tout dépendait en effet de l'habileté avec laquelle on tiendrait compte des circonstances. Mais c'est aux Spartiates qu'on devait la plus grande part du succès des nouveaux efforts. Ceux-ci, grâce à l'abus qu'ils avaient fait de leur prépondérance depuis l'anéantissement de la flotte athénienne, avaient provoqué une telle animosité, non seulement sur le continent, mais dans toutes les villes des îles et du littoral, et traitaient actuellement encore ces mêmes villes avec un si insolent orgueil, que les Athéniens eurent l'inappréciable avantage de se présenter aux places maritimes grecques, qui toutes avaient tâté plus ou moins du régime des harmostes, en sauveurs et en libérateurs, absolument comme jadis les Spartiates avaient invité ces mêmes places à secouer le joug d'Athènes.

Mais il importait à présent de convaincre les États maritimes qu'ils n'étaient pas destinés à échanger toujours un joug contre un autre. Aussi fallait-il des garanties solides pour prouver qu'on poursuivait une politique fédérale essentiellement différente de l'ancienne politique, celle qui visait à l'empire des mers. On montra qu'on s'était instruit aux leçons du passé, et l'on posa comme premier principe de la nouvelle association le respect scrupuleux des constitutions existantes. On ne voulait pas dominer dans les États confédérés au moyen des partis ; Athènes ne devait pas gouverner à titre de capitale, mais seulement diriger en qualité de chef-lieu, siège du conseil fédéral, où toutes les républiques, grandes et petites, devaient être représentées[36]. Callistratos fut, en un certain sens, l'Aristide de la nouvelle confédération et fit assurément beaucoup pour amener une entente. Ce fut son œuvre que, au lieu des tributs d'odieuse mémoire, on levât les sommes nécessaires à l'entretien de la confédération sous le nom adouci de contributions, où était exprimée la gratuité du don[37]. Un acte beaucoup plus sérieux fut le renoncement solennel d'Athènes à toute possession territoriale dans les États insulaires. Elle abandonna toute prétention sur ce qui y avait précédemment appartenu à l'État, et l'on arrêta qu'à l'avenir il serait interdit à tout citoyen d'Athènes d'acquérir des propriétés foncières à l'étranger[38]. Cette décision enleva aux insulaires l'appréhension de voir renaître les anciennes clérouchies. D'autre part, on se garda bien d'irriter la Perse, de peur de la pousser de nouveau du côté de Sparte. On maintint par une convention tacite la paix d'Antalcidas comme la base du nouveau système ; on voulut seulement faire une vérité de l'article du traité dont Sparte avait abominablement abusé et qu'elle avait à la fin si imprudemment violé, de façon cependant à ce que le rapprochement volontaire de confédérés égaux en droits ne fût pas interdit par là Leur association devait constituer une puissance hellénique décidée à faire résistance à toute injustice de la part de Sparte.

Jamais Athènes ne mit en avant une politique plus opportune et plus heureuse. Son idée trouva partout de l'écho et une cordiale adhésion. Les alliances extérieures, qui même pendant les temps de l'hégémonie absolue de Sparte avaient persisté sans bruit[39], furent alors officiellement renouvelées, notamment avec Chios, cette vieille et fidèle alliée, qui avait subi les plus dures épreuves sous l'empire maritime de Sparte, avec Mitylène, que Thrasybule avait affranchie des harmostes spartiates, et avec Byzance[40]. On renoua avec les Cyclades, avec Ténédos, Méthymne, Rhodes et Périnthe, et par conséquent l'ancienne coalition navale fut renouvelée sur une vaste échelle et avec une large extension[41]. On s'abstint de toutes déclarations hostiles, puisqu'on voulait s'unir non pour l'offensive, mais pour la défense d'intérêts communs, et que l'on tenait absolument à ne pas ranimer les anciennes dissensions des partis. Cependant les choses ne se passèrent point partout avec tant de calme et de régularité. Quand Chios accéda à la confédération restaurée des États maritimes, les anciens chefs de la démocratie relevèrent la tête, et les familles alliées à Sparte, comme celle de Théopompe, durent s'exiler[42]

La Ligue maritime renouvelée ouvrit aussi ses rangs à des États qui jusqu'alors n'avaient jamais figuré dans une confédération avec Athènes, surtout Thèbes[43], qui fut la première à profiter du relèvement de la puissance maritime athénienne. En effet, grâce à leur activité, qui revivait dans toute son énergie, les Athéniens réussirent, pendant les deux dernières campagnes de Béotie, à reparaître déjà dans la mer Égée avec des escadres de guerre. Chabrias, Timothée et Callistratos furent les premiers chefs de la nouvelle flotte fédérale.

Les Spartiates feignirent d'abord de ne pas même s'occuper de ces graves mouvements. Mais, dès leur première réunion, leurs alliés élevèrent une protestation très vive contre la politique de guerre exclusivement continentale, où les forces péloponnésiennes se consumaient inutilement : ce n'était là que l'ancienne tactique d'Archidamos. Ce furent sans doute les Corinthiens qui pressèrent surtout l'armement d'une flotte. On ne pouvait laisser s'affermir la nouvelle puissance maritime ; il fallait bloquer Athènes par eau et l'affamer. C'était là le seul genre d'attaque convenable : c'est sur mer aussi qu'on trouverait le moyen d'atteindre le plus aisément les Thébains. Le gouvernement spartiate se vit forcé d'acquiescer ; et il en résulta qu'on ajourna en premier lieu les expéditions en Béotie, tandis que toute l'attention se reportait sur la mer.

En un délai très court, Pollis, l'amiral lacédémonien, put mettre à la voile avec soixante navires, et il se montra si inopinément dans les eaux de Céos et d'Andros, que toute une flotte chargée de grains venant de l'Hellespont eut peine à lui échapper. Les bâtiments se sauvèrent dans le port de Géræstos en Eubée, mais ne purent continuer leur route. Le Pirée resta en état de siège, sous la menace d'une nouvelle famine[44].

Alors le peuple prit une résolution virile et équipa sans retard tant de vaisseaux de guerre qu'ils parvinrent à rompre le blocus et à ramener le convoi. Chabrias commandait la flotte. Il ne s'en tint pas à ce premier succès, mais se rendit à Naxos pour assiéger la capitale de l'île. Pollis le suivit, et, dans le large canal qui sépare Naxos de Paros, les flottes se rencontrèrent : celle d'Athènes était plus forte de vingt bâtiments. C'était au milieu de Boédromion, le mois triomphal des Athéniens, et Chabrias choisit le seizième jour du mois (9 septembre 376) pour la bataille[45] : c'était la première journée des fêtes d'Éleusis, qui s'ouvraient par le cri : A la mer, les initiés ![46] Pollis attaqua l'aile gauche des Athéniens avec succès, jusqu'au moment où Chabrias s'y porta avec le noyau de la flotte et, puissamment secondé par la bravoure de son lieutenant le jeune Phocion, coula plus de la moitié des navires ennemis, en captura huit, et gagna une victoire si éclatante, qu'il eût pu anéantir les faibles forces de l'ennemi si le souvenir du sort encouru par les généraux des Arginuses ne l'avait rendu circonspect dans l'usage de sa fortune[47]. Il rentra avec 3.000 prisonniers et procura à la ville un butin de 110 talents[48].

Ce fut la première victoire dont Athènes fût de nouveau redevable à elle-même, une véritable victoire nationale, le juste châtiment de la trahison de Sphodrias, la pleine justification des prétentions avec lesquelles Athènes reparut parmi les États maritimes de la Grèce.

Avec quelle promptitude la situation des États s'était modifiée en quelques années ! Sparte, qui naguère encore croyait dans sa présomption illimitée avoir asservi toute la Grèce, était abaissée sur terre et sur mer. Elle s'était, malgré la levée de toutes ses forces, montrée incapable dans des campagnes répétées de réduire une seule ville qui avait rejeté sa domination, puis elle avait essuyé, de la part d'une seconde puissance qui avait surgi non moins soudainement, une défaite qui la contraignait à abandonner les parages de l'Archipe et à se tenir timidement avec ses vaisseaux derrière le cap Malée.

Pour Thèbes, les succès d'Athènes constituaient un inappréciable avantage : il lui fut loisible, pendant ces années, de se consacrer tranquillement à sa tâche la plus pressée 'et de consolider sa situation en Béotie. Elle se mit à l'œuvre avec une habile modération, qui était due sans doute à une politique dirigée par Épaminondas. On s'abstint de toute violence, pour ne pas souiller l'œuvre de l'unification par de sanglantes querelles de parti. On comptait sur le renforcement, d'année en année plus sensible, du parti national, sur l'éclosion d'une jeunesse patriote, sur l'effet des défaites de Sparte, qui allaient fatalement décourager ses adhérents. D'ailleurs la position des gouvernements oligarchiques s'aggravait tous les jours. A Thespies, la situation était si critique que les oligarques, pour se sauver, conçurent le plan désespéré d'assaillir leurs adversaires dans la ville avec le secours d'un corps lacédémonien et de les massacrer d'un seul coup. Cet attentat aurait donné le signal d'une série de scènes sanglantes dont le résultat final n'aurait guère pu être favorable aux Spartiates. Aussi ce fut un des derniers actes d'Agésilas en Béotie que d'empêcher la guerre civile à Thespies[49].

Mais, plus le parti lacédémonien à Tanagra, à Thespies, à Orchomène et à Platée, persévérait dans sa fidélité, plus instamment il réclamait un appui efficace. Aussi, immédiatement après la bataille de Naxos, on résolut une campagne nouvelle : Sparte espérait, après avoir abandonné la mer Égée aux Athéniens, obtenir du répit de leur côté, et elle se tourna avec une ardeur nouvelle contre Thèbes. Mais les Thébains tâchèrent de nouveau, par d'adroites négociations, d'échapper à ce danger menaçant, et, entre autres mesures de précaution, ils remirent en mouvement leurs amis d'Athènes. Ceux-ci insistèrent pour qu'on ne s'arrêtât pas à moitié chemin et qu'on ne laissât pas stériles les victoires remportées. Il fallait rétablir dans toute son étendue l'empire maritime, si l'on voulait jouir en sûreté des avantages acquis. On savait que les États maritimes de la mer d'Occident souhaitaient l'accession à la confédération nouvelle, et, au grand effroi des Spartiates, on expédia au printemps 375 une escadre de 50 bâtiments sous la conduite de Timothée, qui d'abord opéra des descentes dévastatrices sur la côté de Laconie, puis cingla en contournant le Péloponnèse vers la mer Ionienne, pour y éprouver la fortune de la flotte réorganisée[50].

Le résultat fut extraordinairement favorable. La république de Palé à Céphallénie fut la première à faire adhésion ; puis ce fut le tour de Corcyre[51], et aujourd'hui encore on voit devant le Dipylon le monument que les Athéniens érigèrent en l'honneur des ambassadeurs corcyréens Thersandros et Simylos. Ils appartenaient probablement à l'ambassade qui négocia l'accession au nom des îles Ioniennes et de l'Acarnanie[52].

La noble conduite du général athénien lui gagna tous les cœurs, car il ménagea partout les constitutions existantes et s'abstint scrupuleusement de tout abus de pouvoir. La confédération attique s'étendit rapidement dans la mer d'Occident ; les princes d'Épire s'y joignirent[53]. Par suite, la crainte qui avait le plus contribué à l'explosion de la guerre du Péloponnèse, à savoir, que le Péloponnèse ne fût cerné et en quelque sorte enlacé par la puissance maritime d'Athènes, cette même crainte ressaisit les Spartiates et leurs alliés. Les États demeurés fidèles, surtout Leucade et Ambracie, demandèrent instamment du secours. Aussi, suivant les souhaits des Thébains, guerre continentale déjà résolue fut de nouveau différée, et l'on envoya une flotte de 55 navires, sous Nicolochos, pour maintenir la puissance péloponnésienne dans la mer Ionienne[54]

En juin, les flottes se rencontrèrent devant la côte d'Acarnanie, en face de l'île de Leucade, à la hauteur d'Alyzia[55]. Timothée, à l'exemple de Chabrias avant la bataille de Naxos, se souvint de la fête qu'en ce jour de combat on célébrait à Athènes en l'honneur d'Athéna Skiras, et se porta au devant de l'ennemi avec ses vaisseaux couronnés de myrte[56]. Il employa une escadrille pour le fatiguer par de rapides mouvements ; ensuite seulement il s'avança au combat avec le reste de ses navires, et il remporta une victoire qui, sans être aussi décisive que celle de l'année précédente, affirma pourtant d'une manière indubitable la supériorité des Athéniens. Timothée, renforcé par l'appoint des Corcyréens, resta le maître incontesté de la mer. En un temps très court et avec de faibles ressources, on avait enlevé des succès qui jadis auraient coûté les plus grands et les plus longs efforts ; cette fois, ils n'étaient achetés par aucune révolution sanglante ; les mains du vainqueur étaient pures, sa gloire sans tache, et l'autorité morale des Athéniens plus grande que jamais.

Mais Athènes elle-même n'était plus l'ancienne Athènes ; il y manquait l'abnégation des citoyens, la volonté énergique de tout consacrer à la restauration de leur puissance. Les brillants succès de Timothée n'eurent pas le don de provoquer une ardeur guerrière durable ; la joie que causaient ses messages triomphants était gâtée et changée en dépit par les demandes d'argent qui les accompagnaient[57]. C'est qu'il n'y avait pas de Trésor pour faire face aux besoins de la guerre. Les contributions fournissaient un rendement médiocre ; pour ramasser les sommes nécessaires à la flotte, il fallait avoir recours à l'impôt sur le revenu, dont chacun se ressentait. Enfin, l'on avait le sentiment pénible que ces lourds sacrifices profitaient surtout aux Thébains. Ils étaient les seuls qui en retirassent un bénéfice sûr et incontestable, tandis que la solidité des succès d'Athènes était sujette à des doutes légitimes.

On croyait à Athènes avoir fait plus que le nécessaire pour relever l'honneur de l'État, et, comme Sparte d'ailleurs avait rabattu ses prétentions, comme elle était lasse de la guerre sur mer et souhaitait avoir les mains libres pour des desseins plus importants, on pouvait ouvrir les négociations pour la paix sous les meilleurs auspices[58]. Aussi les deux grandes puissances tombèrent bien vite d'accord, et cela, sur la base du traité d'Antalcidas : il fut convenu que toutes les garnisons seraient retirées des territoires étrangers[59], et que Sparte et Athènes se reconnaîtraient mutuellement comme chefs-lieux, l'une, des États du Péloponnèse, l'autre, d'une confédération maritime[60]. La convention débattue à Sparte fut soumise à Athènes à la ratification des députés de la confédération maritime[61]. Aucun des États, à l'exception de Thèbes, n'avait d'intérêt à la continuation de la guerre. Athènes était pleinement satisfaite des concessions de Sparte ; les autres États étaient contents d'avoir secoué avec de légers sacrifices la tyrannie de Sparte. Les Thébains ne pouvaient faire prévaloir leurs intérêts particuliers en opposition avec le désir général de la paix, mais ils avaient prescrit à leur député de ne signer la paix qu'au nom de la Béotie. Ce député était Épaminondas.

C'est avec étonnement qu'on entendit l'envoyé de Thèbes plaider sa cause contre le plus grand orateur d'Athènes, Callistratos, avec une égale supériorité[62]. Il prouvait par sa personne comme par son discours qu'en réalité une ère nouvelle s'était levée pour Thèbes, et qu'elle était justement appelée à occuper un autre rang que celui qu'elle avait tenu jusqu'alors. Cependant, personne n'était disposé à retarder encore pour l'amour de Thèbes cette paix tant désirée ; il aurait fallu sur ce point reprendre les négociations avec Sparte ; or, l'on savait que Sparte ne céderait pas sur cet article, et au fond Athènes était absolument d'accord là-dessus avec Sparte. C'est avec un déplaisir croissant qu'on voyait les efforts des Thébains pour se pousser au rang des grandes puissances grecques. Aussitôt le despotisme de Sparte brisé, s'évanouit le sentiment de fraternité qui s'était formé entre Athènes et Thèbes dans la lutte contre l'ennemi commun, et l'ancienne aversion reparut, renforcée par des craintes défiantes, auxquelles la présence d'un homme comme Épaminondas pouvait fournir des motifs fondés aux yeux d'une cité voisine aussi mal disposée. Callistratos défendit le traité concerté à Sparte, et, dans tout le congrès, Épaminondas ne compta pas une voix pour lui. Il restait tout seul : il n'en agit pas moins conformément à ses instructions, et le résultat fut que Thèbes se vit exclue de la participation au traité. A son retour, la question fut encore une fois examinée ; on ne trouva pas à Thèbes les circonstances assez mûres pour faire le pas décisif ; on recula, et une seconde ambassade signa le traité dans les termes que réclamaient les autres États[63].

Cet effort sur eux-mêmes, auquel se résignèrent encore une fois les Thébains, fut une démarche pleine d'habile modération, et qui porta les meilleurs fruits. Car au lieu que l'indignation générale se tournât contre eux, comme étant les seuls perturbateurs de la paix, ou que Sparte pût exploiter ce mouvement de l'opinion pour entreprendre une nouvelle guerre de revanche, tout sujet de querelle était pour le moment évité.

Ainsi l'on put en Grèce s'abandonner avec bonheur au sentiment d'une tranquillité générale, et nulle part on ne le fit avec plus de vivacité qu'à Athènes. A un court effort avait succédé une victoire brillante, à une prompte guerre une heureuse paix. Athènes avait parmi ses alliés une prépondérance nouvelle reconnue par tous et qui devait, on l'espérait du moins, être très utile au commerce et à l'industrie sans entraîner d'obligations onéreuses. On se croyait soustrait à la nécessité de faire jamais de nouveaux efforts et de nouveaux sacrifices, et en droit de se livrer avec un plaisir sans mélange aux jouissances ineffables de la paix. Ces dispositions de la nation trouvèrent leur expression publique dans la fondation d'un sacrifice annuel, destiné à ériger en jour de fête pour la république l'anniversaire de la conclusion de la paix[64]. L'opinion du jour trouva de même son expression dans l'art plastique. Céphisodote représenta la déesse de la Paix tenant dans ses bras l'enfant avec la corne d'abondance, attribut du Génie de la richesse[65].

Cette allégresse pacifique ne fut qu'une courte ivresse, car l'accord des deux grandes puissances, comme pouvaient le prévoir les hommes d'État de Thèbes, reposait sur une base fragile. Comme aux époques de guerres antérieures, les généraux, après la proclamation de la paix, ne purent se retenir d'usurper quelques petits avantages, là où une occasion propice se présentait. Timothée était maître de lamer d'Occident. Avant de la quitter, il débarqua encore une troupe de Zacynthiens dans leur île et les appuya dans les efforts qu'ils firent pour s'emparer du gouvernement[66]. Cette infraction au traité révolta les Spartiates, et, comme ils n'obtinrent pas satisfaction à Athènes, ils envoyèrent sur le champ une flotte à Zacynthe. Ils profitèrent en même temps d'une invitation faite par le parti qui leur était favorable à Corcyre pour attaquer cette île, qu'ils tenaient tout particulièrement à ne pas laisser sous l'influence athénienne, parce qu'elle était d'une trop grande importance pour leurs communications avec la Sicile[67]. Pour cette affaire, ils trouvèrent l'appui le plus énergique chez les États du Péloponnèse, et, comme Timothée dans l'intervalle avait quitté ces parages, ils se mirent, après avoir échoué dans un premier coup de main, à resserrer de très près, avec 60navires et 1.500 hommes, la ville des Corcyréens par terre et par mer. Mais les Athéniens ne se firent pas attendre : ils expédièrent par la route de terre des troupes auxiliaires en Épire. De là, avec le concours d'un gouvernement ami, elles furent transportées à Corcyre, où elles arrivèrent à temps pour écarter le premier danger[68]. Simultanément ils équipèrent 60 vaisseaux de guerre, pour les envoyer à la suite sous Timothée.

Ainsi, après un semblant de paix de quelques semaines, la guerre se rallumait de nouveau ; maintenant le devoir des Thébains consistait à utiliser de toutes leurs forces ce nouveau répit, qui s'offrait à eux par une fortune inattendue, pour régler enfin les affaires de leur propre pays et se préparer en vue du jour décisif qui ne pouvait tarder.

La fusion pacifique des territoires de Béotie, qu'avaient espérée Épaminondas et ses amis, était impossible à réaliser, bien qu'il fût évident que tout l'avenir du pays dépendait de son groupement autour d'un point central. Les Orchoméniens répugnaient toujours à l'idée que leur ville, avec son antique illustration, tomberait au rang d'une obscure bourgade dans la contrée gouvernée par Thèbes ; les classes inférieures étaient trop peu cultivées encore pour apprécier les avantages dont la renaissance politique du pays leur offrait la perspective, et les familles dirigeantes ne voulaient pas plier, bien qu'il leur fallût reconnaître que leur position devenait plus intenable chaque jour. Quant aux Platéens, pouvait-on les blâmer de l'insurmontable haine qu'ils nourrissaient contre les auteurs de leur terrible destinée ? Les hommes éminents qui menaient alors la politique thébaine durent expier la conduite passée de leur ville natale.

Force était donc de procéder par la voie des armes, et on avait d'autant moins à s'en faire un scrupule, que c'étaient des garnisons ennemies qui empêchaient l'unification du pays. Car la nouvelle Thèbes avait adopté de l'ancienne ce principe, que toute alliance d'une ville béotienne avec des puissances étrangères constituait une félonie punissable, une trahison nationale ; principe que les Thébains avaient fait valoir à propos de Platée devant les Spartiates, et que ceux-ci regardaient comme abrogé par la paix d'Antalcidas.

Pélopidas était le champion de Thèbes. Après plusieurs attaques sans résultat contre Orchomène, il profita du moment où le corps lacédémonien qui en gardait la citadelle s'était mis en marche vers la Locride. A la tête de la phalange sacrée et d'un escadron de cavalerie, il s'avance sous la ville. Mais, contre toute attente, un autre corps y était déjà entré ; preuve du soin avec lequel les Spartiates cherchaient à garder leurs positions en Béotie, bien qu'occupés provisoirement à d'autres affaires. Pélopidas se retira par la route de Tégyre, ville située de l'autre côté du lac Copaïs, en face d'Orchomène, dans la direction de la Locride. Il donna subitement sur les Lacédémoniens qui revenaient de leur expédition. Aucun moyen pour eux d'échapper[69]. Il les attaque avec ses cavaliers, malgré leurs forces deux fois supérieures, pour rompre ensuite avec les Trois-Cents la ligne ennemie. Les chefs ennemis tombent, et les rangs s'ouvrent pour laisser passer Pélopidas. Mais lui, ne se contentant plus de ce succès, attaque les troupes une seconde fois et les met en fuite, de sorte qu'elles ne se sauvent à Orchomène qu'à la faveur de la nuit[70].

Ainsi ce pressant danger se changea en un éclatant triomphe, et cette journée, jour de gloire pour la phalange sacrée, produisit une grande impression dans tout le pays. Probablement ce résultat entraîna l'annexion des villes béotiennes, sans qu'il fût besoin d'en détruire aucune. Vers le même temps, aussitôt après l'explosion de la nouvelle querelle entre Athènes et Sparte, on noua déjà des relations avec Jason, tyran de Phères, et l'on fit des tentatives pour attirer la Phocide à l'alliance avec la Béotie[71]. C'étaient les premiers efforts pour la fondation d'une confédération dans la Grèce centrale.

Tandis que la politique de Thèbes s'aventurait déjà au delà des frontières du pays, les derniers événements décisifs s'accomplissaient au sein même de la Béotie. La perspective certaine d'une guerre nouvelle ne permettait pas de laisser subsister des places fortes dont Sparte pouvait se servir comme de places d'armes. Platée notamment était depuis longtemps une épine dans l'œil des Thébains. Or ils apprirent que la ville se disposait à se confier à la protection d'Athènes. Aussi fut-elle, malgré la paix, emportée par une attaque de cavalerie et démolie après qu'on eut permis à la population de se retirer librement, à la condition pourtant qu'ils ne s'aviseraient plus de fouler le sol de la Béotie[72]. Bientôt après, Tanagra et Thespies se virent aussi entièrement réduites et sans doute démantelées. Enfin l'on avait fait maison nette : le but de longs efforts était atteint ; Thèbes restait la première et la seule ville de Béotie.

Cependant la guerre maritime s'était poursuivie avec des alternatives diverses. Les Corcyréens attendaient dans la désolation la flotte promise. La bonne volonté ne manquait pas à Athènes, quelque sensible que fût aux citoyens le brusque renversement de leur bienheureuse paix ; mais la pénurie financière s'était fait sentir déjà avant le départ, et paralysait toutes les mesures[73]. Timothée fit son possible. Il donna l'exemple des plus grands sacrifices ; les triérarques fournirent de leur propre bourse des fonds pour l'entretien des équipages, et c'est ainsi qu'en avril 373 la flotte prit la mer : mais, au lieu de se rendre à Corcyre, où la détresse des assiégés allait grandissant chaque jour, Timothée se dirigea vers le nord, vers les côtes de Thessalie et de Macédoine[74]. Il avait manifestement en vue une guerre longue et décisive, et songeait, conformément à son devoir qui était de créer avant tout de nouvelles ressources, à gagner de nouveaux alliés ; et, comme tout homme est porté à considérer comme l'œuvre la plus importante celle pour laquelle il possède personnellement le plus d'aptitude, il ne se fit aucun scrupule de faire attendre les Corcyréens, tandis qu'il réussissait, grâce aux séductions de sa personne, à entraîner le prince Jason de Phères[75] et Amyntas de Macédoine[76], ainsi qu'une série d'États insulaires et de villes maritimes, à se joindre à la confédération attique[77] L'été s'écoula pendant que Timothée parcourait la mer Égée en vainqueur pacifique et en recruteur heureux de la Ligue maritime. Son brillant retour à la tête d'une flotte augmentée de trente vaisseaux alliés, avec un grand nombre d'ambassadeurs munis de pleins pouvoirs pour la conclusion du pacte fédéral, réconcilia encore une fois les Athéniens déjà mécontents avec leur général, en sorte qu'ils lui confièrent de nouveau la conduite de la flotte.

Mais la deuxième croisière n'aboutit non plus à aucun résultat[78] A quoi servait la flotte, sans les moyens de l'entretenir ? Timothée ne manquait ni d'activité ni de dévouement patriotique. Il engagea aux triérarques, pour les avances qu'ils firent à l'État, ses propres biens : mais ce n'était là qu'un remède momentané ; il était impossible, dans de pareilles circonstances, d'inaugurer une véritable campagne et de se porter loin de la patrie à la rencontre d'une flotte bien équipée. Il ne put donc rien faire en attendant que croiser en tous sens dans la mer Égée, pour compléter ses équipages et ses ressources pécuniaires ; puis il demeura quelque temps inactif dans la rade de Calaurie. Assurément, cette inaction n'était à personne plus pénible qu'au général. Et pourtant, on rejeta sur lui la faute de ce que la guerre traînait ainsi en longueur et que l'on perdait un temps précieux. Il était plus aimé hors d'Athènes que parmi ses concitoyens. Ses plus dangereux adversaires étaient Iphicrate et Callistratos qui, sans être autrement amis entre eux, s'étaient associés pour l'attaquer. Iphicrate était revenu d'Égypte, où il avait conduit sous les ordres de Pharnabaze des mercenaires grecs[79], et cherchait un nouveau théâtre pour de glorieuses entreprises ; Callistratos comptait parmi ceux qui se sentaient blessés et tenus à l'écart par l'orgueil de Timothée. Aussi le général fut accusé de mensonge envers le peuple et de haute trahison, et déposé de son commandement ; Iphicrate lui succéda, et même, parait-il, avec des pouvoirs spéciaux, puisqu'on lui abandonna le libre choix de ses collègues. Il faut qu'il ait su à ce moment acquérir une grande confiance. Probablement, c'est à cette date que se placent ses efforts pour ouvrir aux Athéniens de nouvelles sources de revenus ; car une loi, due à son initiative, prescrivait d'enlever toutes les saillies des maisons entravant la circulation des rues ou les frappait d'une taxe particulière ; par là, les citoyens aisés, qui tenaient à conserver les aménagements de leurs domiciles, versèrent au Trésor une contribution assez forte[80].

Dans ses fonctions de général, Iphicrate déploya une énergie peu commune. Né pour commander des mercenaires, il était habitué à faire peu de façons ; il contraignit impitoyablement les citoyens à fournir leurs prestations pour la flotte, et rassembla en un court délai soixante-dix navires. Il fut assez habile pour choisir comme collègue l'homme le plus capable de lui nuire, Callistratos, et avec lui Chabrias[81]. Ces mesures réveillèrent la confiance, car l'homme qui demandait le concours de tels personnages témoignait par là qu'il ne redoutait aucun contrôle pour ses opérations militaires. Ce n'est pas sans quelque ostentation qu'il se complut à humilier son prédécesseur. Il laissa les grandes voiles à Athènes, pour montrer que ses vaisseaux n'étaient pas destinés à des promenades dans l'Archipel, mais que dès le début ils n'étaient que des machines de guerre. Les courses rapides qu'il entreprit autour du Péloponnèse[82] devaient être déjà une école de guerre. Il avait l'art de maintenir ses hommes alertes et actifs au milieu des plus grandes fatigues, de ranimer l'émulation, d'exciter l'ambition. On admirait l'esprit qui régnait sur la flotte, la discipline et l'apprentissage qu'on y faisait de la guerre.

Au moment où il arriva sur le théâtre de la guerre[83] la situation s'était déjà considérablement modifiée. Les citoyens de Corcyre s'étaient eux-mêmes délivrés par une sortie désespérée des dernières rigueurs de l'investissement ; ils avaient tué le général spartiate Mnasippos et tellement découragé l'armée assiégeante, qu'à la nouvelle de l'approche d'une flotte athénienne le siège fut complètement levé[84]. C'est ainsi que l'heureux Iphicrate fut vainqueur avant même d'être arrivé et qu'il surprit une escadre de secours venant de Syracuse, escadre que les Spartiates, dans la précipitation de leur départ, avaient négligé d'attendre. Sur dix trirèmes siciliennes, chargées aussi des offrandes les plus précieuses pour Delphes et Olympie, neuf tombèrent aux mains des Athéniens[85]. Les rançons des Syracusains prisonniers, le bénéfice des offrandes qu'Iphicrate, autorisé par le consentement assez clairement exprimé du peuple[86], convertit sans façon en argent, tout cela procura pour quelque temps des ressources à la flotte. En outre, avec les quatre-vingt-dix vaisseaux de la flotte réunie d'Athènes et de Corcyre, il entreprit une guerre de flibustier fort lucrative, en rançonnant les côtes du Péloponnèse et de la Grèce centrale et en levant aussi les subsides fournis volontairement par les alliés[87].

Cette guerre, en somme peu honorable, ne pouvait se continuer longtemps. C'est ce que vit Iphicrate, et là-dessus il dut donner pleinement raison à Callistratos. Il l'invita en conséquence à se rendre à Athènes, pour obtenir soit des ressources pour une guerre régulière, soit la paix[88]. Callistratos ne songeait qu'à ce dernier objet. Il était des mieux placés pour apprécier la situation ; il ne pouvait douter que Sparte ne se montrât plus disposée encore que trois ans auparavant à reconnaître l'empire maritime d'Athènes. Quant aux Athéniens, ils n'avaient pas de motif particulier qui les poussât à poursuivre la guerre. En outre, Antalcidas venait d'être renvoyé à Suse[89] ; il était de l'intérêt d'Athènes de prévenir une immixtion nouvelle de la part de la Perse. Mais c'étaient surtout les affaires de Béotie qui devaient incliner à la paix les deux États. La destruction inattendue de Platée avait provoqué chez les Athéniens la plus grande irritation, et les citoyens expulsés, qui trouvèrent chez eux un accueil hospitalier, attisèrent l'ancienne aversion contre Thèbes ; ils leur dépeignirent sous les couleurs les plus vives l'arrogance de la nouvelle capitale, pour laquelle la Béotie serait bientôt trop étroite. Sans doute, il ne manquait pas de gens pour justifier la conduite des Thébains et la représenter comme une nécessité politique, mais la majorité des citoyens tenait résolument pour les Platéens, en faveur desquels Isocrate écrivit son discours plataïque. Aussi Callistratos trouva-t-il pour ses propositions un public disposé à l'entendre, et l'on décréta l'envoi d'une ambassade pacifique de paix à Sparte, en même temps qu'on invitait les confédérés et notamment les Thébains à prendre part aux négociations.

Ce fut un jour mémorable pour la Grèce lorsqu'en juin 371 le congrès se réunit à Sparte[90]. Le besoin général s'imposait de sortir de cet état de trouble et d'incertitude : on sentait qu'il s'agissait de grandes résolutions. Outre les États grecs, la Macédoine et la Perse[91] étaient aussi représentées. Les Perses regardaient comme leur intérêt de hâter l'accommodement des querelles en Grèce ; car, instruits par une longue expérience, ils savaient qu'ils devaient favoriser surtout le maintien de l'équilibre entre les deux grandes puissances ; de plus, quand les querelles intestines étaient assoupies en Grèce, ils avaient d'autant plus de facilité à recruter des mercenaires pour leur propre usage. Pour Sparte, c'est Agésilas qui mena les négociations. Athènes était représentée par une série d'hommes remarquables. Parmi eux figurait Callias, fils de Hipponicos[92], qui ne conservait que des débris de sa fortune patrimoniale, mais qui restait d'autant plus obstinément attaché à la gloire antique de sa maison et que les anciennes relations de sa famille avec Sparte comme sa qualité personnelle de proxène (hôte public) des Lacédémoniens n'avaient pas permis de laisser de côté ; puis l'orateur Autoclès, fils de Strombichidès, Mélanopos et autres. Mais l'âme de la députation était Callistratos. Épaminondas représentait Thèbes, mais investi cette fois de pouvoirs très précis.

Les négociations commencèrent devant la Délégation du peuple laconien, et ce furent les Athéniens qui, à titre de promoteurs, les ouvrirent. Callias, le diplomate figurant, parla avec force détails de son aïeul Triptolème, qui avait initié aux mystères de Démêler Héraclès, premier ancêtre des rois de Lacédémone ; d'après quoi il était fort messéant que les descendants de héros unis par ces liens d'amitié vécussent en mésintelligence les uns avec les autres, et que les Péloponnésiens voulussent couper les vivres à ceux dont ils avaient reçu jadis le blé en présent[93]. Après ces phrases doucereuses vint le discours d' Autoclès qui, comme un vent âpre, cingla les Spartiates en plein visage. Avec une franchise sans ménagements, il leur mit sous les yeux la politique suivie par eux depuis la fin de la grande guerre qui avait mis aux prises les États de la Grèce. Spartiates, dit-il, vous avez toujours affirmé l'indépendance des différentes républiques comme le principe qui devait régler les affaires de la patrie ; or, aucun État n'a plus grossièrement violé ce principe que vous. Premièrement, vous exigez des Péloponnésiens leur contingent sans condition et ne leur demandez même pas si la guerre leur convient ou non ; en second lieu, ce qui est pire encore, vous instituez hors de la Péninsule des gouvernements qui ont pour mission de tenir les cités opprimées par tous les moyens de violence. Vous vous irritez contre les Thébains parce qu'ils veulent réduire sous leur domination les villes de leur contrée, tandis que vous-mêmes occupez des citadelles étrangères. Comment la pacification de la Grèce est- elle possible, si les clauses de la paix d'Antalcidas vous servent d'entraves à l'usage des autres, tandis qu'elles ouvrent une carrière illimitée à votre propre ambition ?[94]

Les Lacédémoniens durent accepter tranquillement ces reproches, et ce fut pour un grand nombre d'États autrefois mortifiés une sensible satisfaction que d'entendre dire une bonne fois aussi ouvertement la vérité aux Spartiates, dans leur propre ville et en présence d'une grande assemblée. C'est à Callistratos qu'était réservée la tâche de prononcer le véritable discours pour la paix. Il s'interposa en homme d'État pour adoucir les dures paroles du précédent orateur, en accordant volontiers que des deux côtés toutes sortes de fautes avaient été commises. La question n'était pas d'en faire le compte respectivement, mais de tirer profit des leçons et des corrections qu'on avait reçues par suite de fausses mesures, de manière que la nation tout entière en ressentît les avantages. Les Spartiates devaient avoir conscience aujourd'hui des résultats qu'avait produits la façon dont jusqu'alors ils avaient appliqué la paix d'Antalcidas. Thèbes aurait dû être abaissée, et maintenant elle était plus puissante que jamais. Ce devrait être pour eux une raison de se montrer disposés à suivre une politique modérée. Les Athéniens, dit-il, sont animés d'un véritable amour de la paix : mais ce n'est pas, comme quelques-uns le pensent, l'ambassade que vous venez d'envoyer à Suse qui leur a inspiré leurs propositions actuelles : qu'ont-ils à craindre du roi de Perse, puisque ce qu'il veut, ils le veulent aussi ? fous ne sommes pas davantage en proie à aucun embarras dont nous désirions nous délivrer par une paix précipitée. C'est bien plutôt la considération de la situation générale de la Grèce, c'est la similitude des intérêts, qui rendent désirable une étroite union des deux États. Car tant qu'ils garderont l'un vis-à-vis de l'autre une attitude hostile, la scission entre le parti athénien et le lacédémonien persistera dans toutes les républiques. Ce mal ancien ne peut être guéri que par une loyale entente entre les deux États ; car ainsi ces antagonismes perdent leur sens, et le rétablissement réel de la paix dans le monde grec devient possible sans intervention étrangère. De même, la conduite de certains alliés, conduite qui ne nous plaît pas plus qu'à vous, est un motif qui nous pousse à unir nos intérêts avec les vôtres. Comme votre puissance continentale est affermie et notre puissance maritime restaurée, il n'y a pas pour nous deux de politique plus raisonnable que celle qui consiste à nous assurer, par une alliance sincère, contre tout danger sur terre et sur mer ; à condition que chaque État se contente de l'heureuse situation qu'il a conquise, et n'agisse pas comme un joueur passionné qui, après avoir fait un coup heureux, double l'enjeu pour tout gagner, car c'est là généralement le moyen de tout perdre[95].

C'est d'après les principes développés dans ces discours que le traité de paix fut conclu. Dans ses traits essentiels, c'était un renouvellement de la paix d'Antalcidas, avec cette seule différence que Sparte n'était pas chargée de l'exécution. On ne voulut pas voir replacer entre ses mains une autorité dont elle avait fait un si criant abus. Le plus naturel eût été que les deux grands États se chargeassent en commun de garantir le maintien de la paix ; car, celle-ci n'ayant d'autre but que la pacification générale de la Grèce, une clause prévoyant ce qu'il y aurait à faire au cas où il se produirait une infraction venant d'un côté quelconque était, au fond, indispensable. Mais d'abord, on répugnait à exclure purement et simplement la Perse, qui était aussi représentée à Sparte et qui avait garanti la paix antérieure ; et secondement, Athènes ne pouvait se résoudre à prendre des engagements précis de cette nature. Car tout le monde prévoyait un cas imminent, qui donnerait lieu à l'exécution par la force des conditions de la paix ; or, dans cette prévision, Athènes ne se sentait nulle envie de se lier les mains par avance. Mais, comme il fallait cependant prendre une détermination, les garanties contenues dans le troisième paragraphe du traité de 387 furent purement et simplement abrogées : on formula en termes exprès cette disposition, qu'à aucun État isolé ni à aucune ligue n'incomberait l'obligation de veiller au maintien des traités, mais que tout État restait libre de secourir à son gré la cité lésée dans ses droits[96].

Par cette clause, la paix que l'on venait de conclure avec les formalités les plus solennelles et pour toute la Grèce se trouvait réduite dans la pratique à un semblant de paix, à un vain trompe-l'œil. Car les différentes dispositions qu'on avait arrêtées, à savoir, que Sparte retirerait ses gouverneurs et ses garnisons des places étrangères et cesserait sur terre et sur mer ses menaçants armements, ne signifiaient plus rien, puisque personne n'était là pour surveiller l'accomplissement des conventions. Ce fut sans doute une dure humiliation que subit la ville quand elle dut entendre la vérité dans l'assemblée publique, reconnaître Athènes comme grande puissance à côté d'elle et accepter sans réserve les conditions proposées ; toute sa conduite était condamnée impitoyablement par la voix publique et son arrogance châtiée sans ménagement. Les Spartiates se virent forcés d'entrer en apparence dans une autre voie et d'abandonner pour la forme la politique d'Agésilas. Mais, en réalité, ils avaient atteint ce qu'ils convoitaient avant tout : ils n'avaient pas l'obligation, mais bien le droit d'attaquer les États opposés au traité ; ils obtenaient leur, liberté d'action contre Thèbes, et cela, dans les conditions les plus favorables, du moment que cet État pouvait être représenté comme le perturbateur de la paix générale. Mais le paragraphe le plus important du traité était pour eux celui qui avait l'air le plus dépourvu de portée : la stipulation que, en raison de l'autonomie générale, aucun État n'était obligé à prêter son concours armé contre un autre. Cette clause semblait annuler tous les engagements antérieurs relatifs aux contingents, par conséquent aussi dans le Péloponnèse, et Sparte n'avait plus le droit, comme par le passé, d'appeler en campagne les villes de la Péninsule dans l'intérêt de sa politique. Mais en fait, tout demeura sur l'ancien pied, et, tandis que les alliés d'Athènes étaient considérés comme des membres indépendants du congrès, Sparte conserva sans conteste son rang à la tête de la confédération péloponnésienne et sortit heureusement de cette crise comme l'ancien et l'unique grand État de la Grèce.

Le point le plus sérieux et le plus litigieux, les rapports de Thèbes avec les pays voisins, n'avait pas même été abordé pendant les conférences. On l'omit des-deux côtés avec intention. Épaminondas s'était énergiquement prononcé contre la politique spartiate, dans le sens d'Autoclès ; ce fut pour lui une satisfaction que de la voir condamner si publiquement : d'autre part, il pouvait se trouver pleinement satisfait des articles du traité, à les prendre dans leur teneur ; il ne s'agissait plus que de savoir quelle application en serait faite à l'égard de Thèbes, et la lumière ne se fit sur ce point que lors de la clôture du congrès.

Le 14 Scirophorion (16 juin)[97], le traité fut signé et juré par les représentants des grands États : la Perse, Sparte, Athènes, Thèbes. Ensuite signèrent les alliés d'Athènes, chacun en son nom. Le lendemain, à ce qu'on rapporte, les Thébains vinrent demander que leur signature fût modifiée, et qu'au lieu de Thébains on écrivît Béotiens[98]. Cette réclamation doit avoir été provoquée par un incident particulier survenu dans l'intervalle ; il est probable que le protocole demeura ouvert à des souscriptions additionnelles, et que des députés des cités béotiennes se concertèrent par une entente secrète avec les deux grandes puissances pour acquérir, par l'apposition de leur signature particulière, un droit authentique à l'indépendance. Cette-fois, Épaminondas était décidé à ne pas céder. Sa signature, déclara-t-il, était valable pour toute la Béotie ; il avait signé non comme magistrat de la ville de Thèbes, mais comme béotarque ; il n'existait pas de Béotie hors de Thèbes. Aussi réclamait-il la modification de la signature, afin de couper court une fois pour toutes à toute participation indépendante des localités béotiennes à la conclusion de la paix. Pourquoi donc la Béotie seule renoncerait-elle au droit de constituer à l'intérieur de ses limites son unité territoriale ? Si l'on prétendait appliquer la paix d'Antalcidas dans le sens de la politique spartiate, on était autorisé à demander le démembrement de tous les États de la Grèce. Lacédémone aussi était constituée par un groupe de localités qu'une violence brutale avait réunies en un tout, et la paix négociée en ce moment ne reconnaissait nulle part comme existant en droit des relations comportant le service militaire obligatoire. Aussi Thèbes persistait-elle inébranlablement dans son bon droit, et était résolue à le défendre contre toutes les protestations des puissances étrangères.

Ainsi les antipathies qui s'amassaient depuis longtemps éclatèrent ouvertement au jour ; il n'y avait rien à attendre, dans le cas présent, des négociations. Agésilas posa donc à son adversaire la question décisive en lui demandant catégoriquement si, prenant pour base la paix d'Antalcidas renouvelée, il voulait reconnaître l'indépendance des villes béotiennes. Dans le cas seulement, répliqua Épaminondas, où vous reconnaîtriez les villes de votre propre pays comme des républiques libres. La fière assurance du Thébain irrita la fureur du roi. Au comble de la colère, il bondit du siège qu'il occupait en qualité de président du congrès, et donna sa réponse définitive en effaçant du traité de paix le nom des Thébains[99] C'était là déclarer la guerre à Thèbes, et la fin du congrès pour la paix marqua l'explosion d'une lutte destinée à décider de tout l'ensemble des rapports internationaux en Grèce.

 

 

 



[1] La principale source à consulter pour l'époque de l'hégémonie de Thèbes était jadis Éphore, dont le patriotisme éolien étendait sa sympathie jusqu'à la Béotie : quiconque lisait ses livres était saisi d'admiration pour Épaminondas (PLUTARQUE, De garrul., 22). Polybe (XII, 25) lui reproche son ignorance en fait d'art militaire. C'est dans Éphore que puise Diodore ; son histoire est, pour bien des faits, notre seul garant, garant suspect, car elle contient des assertions tout à fait erronées (par exemple, XV, 82). Théopompe, qui dans son histoire de Philippe avait fait maintes digressions sur l'époque immédiatement antérieure, n'a pas été mis à contribution par Diodore (VOLQUARDSEN, Untersuch. über die Quellen des Diodor, p. 67 sqq). Pour contrôler Diodore, on se sert de Xénophon, laissé de côté, lui aussi, par Diodore : mais, à cause de sa partialité, Xénophon n'inspire aucune confiance. Il défigure l'histoire : pour lui, tous les succès de Thèbes sont dus au hasard et ceux d'Agésilas au talent ; il ne rend justice à Épaminondas que dans sa dernière campagne. Tout récemment, quelques critiques (CAMPE, KYPRIANOS, et surtout GROSSER, N. Jahrbb. f. Philol., 1866, p. 721 sqq., 1871, p. 723 sqq.), s'inspirant d'une remarque de Lobeck (Ajax, p. 3663) ont essayé de présenter ses Hellenica, qui se restreignent de plus en plus, à mesure qu'on avance, à l'histoire du Péloponnèse, comme un extrait d'un ouvrage plus ample de Xénophon ; et ils ont cru retrouver, principalement dans les biographies de Plutarque, des débris de cet ouvrage. Mais, même en admettant l'exactitude de l'hypothèse, fort contestée d'ailleurs (Cf. BÜCHSENSCHÜTZ, N. Jahrbb., 1871, p. 218 ; BREITENBACH, Rhein. Mus., 1872, p. 497 sqq., etc.), il n'en reste pas moins avéré que le ton général de l'œuvre et le point de vue partial de Xénophon a été conservé très exactement dans la rédaction que nous avons aujourd'hui sous les yeux. L'authenticité de l'Agésilas est plus que douteuse ; l'auteur prête de son propre fonds à son héros une haine du Barbare qu'Agésilas n'a réellement montrée que durant son expédition d'Asie. D'après CAUER (Quæst. de fontt. ad Xenoph. Agesil. pertinentibus, 1847, p. 30), c'est l'esprit d'Alexandre, rendu par Théopompe, que l'auteur de l'Agésilas a transporté à son héros. Du reste, le jugement de Théopompe sur Agésilas ressemblait fort à un panégyrique (PLUTARQUE, Agesil., 10). Plutarque s'est servi, pour sa Vie d'Agésilas, de bonnes sources (ibid. 19). Dans sa Vie de Pélopidas et dans le dialogue Sur le démon de Socrate, il a réuni d'excellents matériaux empruntés aux traditions du pays même. Il est possible que quelques fragments de sa Vie d'Épaminondas se soient conservés dans ses Apophthegmes. Pausanias fournit dans son IXe livre de très bonnes informations, surtout au chapitre 14 : il montre pour Épaminondas une sympathie qui lui fait blâmer l'ingratitude des Mantinéens (VIII, 8, 6), et il s'intéresse particulièrement aussi aux Messéniens. Cornélius Nepos, si bref qu'il soit, est seul à parler de certains événements dignes de foi. On rencontre des indications données en passant dans les orateurs, Isocrate (qui se montre dur pour les Thébains, Plataïc., § 12 sqq.), Démosthène, Eschine, Dinarque. Les historiens béotiens Anaxis et Dionysodoros, dont les ouvrages allaient jusqu'à l'avènement de Philippe (DIODOR., XV, 95), ont été utilisés par Diodore et Plutarque, sans qu'on puisse préciser ce qui leur a été emprunté. La chronologie est ici aussi très incertaine, surtout jusqu'à la bataille de Mantinée. En fait de points de repère fixes, on n'a que les Jeux Olympiques de l'an 364 (Ol. CIV, 1), et l'éclipse de soleil qui a précédé la dernière expédition de Pélopidas. On a une étude d'ensemble sur cette époque dans l'excellent livre de SIEVERS, Geschichte Griechenlands von Ende des peloponn. Krieges bis zur Schlacht von Mantineia, 1840, et plusieurs monographies, VATER, Leben des Pelopidas (in Jahns Jahrbb., Suppl. VIII, p. 328 sqq.) : HERTZBERG, Das Leben des Königs Agesilaos, 1856. DU MESNIL, Politik des Epameinondas, (in Sybels Zeitschrift, 1863, p. 292 sqq.). POMTOW, Epameinondas, Berlin, 1870.

[2] Βοιωτάρχαι, autorités fédérales de la Béotie : leur nombre était variable. Cf. SCHÖMANN, Griech. Alterth., II2, p. 78.

[3] ÆSCHINE, In Ctesiph., § 142. On a vu que les Thébains avaient déjà affiché cette prétention lors de la conclusion de la paix d'Antalcidas, et précédemment, dans le traité d'alliance de l'an 395. Ils la reproduisirent en 372 au cours des négociations ouvertes à Sparte en vue de la paix (XENOPH., Hellen., VI, 3, 19).

[4] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 12.

[5] PLUTARQUE, Pelopid., 25. CORN. NEPOS, Epamin., 5.

[6] PLUTARQUE, De gen. Socrat., 3.

[7] DIODORE, XII, 70, en souvenir de l'âge homérique, où les guerriers montés sur des chars combattaient en avant des fantassins et étaient associés deux à deux. L'usage du char de guerre doit s'être conservé longtemps en Béotie, de sorte que l'appellation a subsisté après que la vieille manière de combattre fut tombée en désuétude. Quant au chiffre de 300, c'est le nombre normal pour une troupe d'élite, et on le rencontre à Sparte, à Cyrène, etc.

[8] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 19.

[9] ISOCRATE, Orat., XIV, § 29.

[10] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 94.

[11] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 13. PLUTARQUE, Agesil., 24.

[12] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 14.

[13] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 14-18.

[14] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 15.

[15] PLUTARQUE, Agesil., 24. On soupçonna même Sphodrias d'avoir reçu de l'argent des Thébains (XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 20).

[16] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 22.

[17] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 24.

[18] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 25-33. Le fils d'Agésilas, Archidamos, était l'ami intime de Cléonymos, fils de Sphodrias (XÉNOPHON, ibid., 25).

[19] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 32.

[20] DIODORE, XV, 29.

[21] Voir les raisons qu'oppose GROTE (XIV, p. 249, trad. Sadous) à l'assertion de Xénophon. D'après lui, Sphodrias aurait agi à l'instigation d'Agésilas : le bruit rapporté par Xénophon et Plutarque aurait été répandu par les Spartiates, comme dit SCHÄFER (Demosthenes, I, p. 16). Mais alors, pourquoi les Spartiates auraient-ils mis cette histoire en circulation ? Gagnaient-ils quelque chose, eux ou Sphodrias, à ce que ce dernier fût représenté comme un homme capable de se laisser entraîner par les bavardages d'un voyageur de commerce béotien à violer les traités de paix ?

[22] Cléombrote et ses amis étaient pour Sphodrias (XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 25).

[23] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 24.

[24] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 34.

[25] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 38.

[26] Sur les hauts faits de Chabrias, voyez DEMOSTH., In Leptin., § 75 sqq.

[27] DIODORE, XV, 32. Cf. CORN. NEPOS, Chabrias, 1. DEMOSTH., In Leptin., § 76. REHDANTZ, Vitæ Iphicat., Chabr., etc., p. 53.

[28] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 39-41.

[29] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 42-46.

[30] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 47-55.

[31] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 58.

[32] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 59.

[33] Sur ce nouveau recensement, voyez BÖCKH, Staatshaushaltung, I, p. 667-693.

[34] Soit environ 2.460 francs.

[35] Cf. PHILOCHOR., Atthid. V (fragm. 126. C. Müller). HARPOCRAT., s. v. συμμορία.

[36] DIODORE, XV, 28. L'original des statuts de la Ligue, trouvé en 1851, a été publié par EUSTRATIADES, RANGABÉ, M. H. E. MEIER et A. SCHÄFER (Cf. Demosthenes, I, p. 25).

[37] HARPOCRATION, s. v. σύνταξις.

[38] DIODORE, XV, 29.

[39] Xénophon dit bien que les Athéniens étaient isolés (Hellen., V, 3, 27) mais Isocrate (Plat., § 28) atteste la persistance de l'alliance avec Chios, Mitylène et Byzance. C'est le noyau de l'association qui maintenant s'élargit (DIODORE, XV, 28). Même après la paix d'Antalcidas, Athènes a cherché à maintenir ses relations avec les villes d'Ionie. Le décret de l'an 387/6 (C. I. ATT., II, 4, n. 1.4 b, p. 397 et 423) a trait à Clazomènes, laquelle, bâtie sur une île, s'était brouillée avec la commune de Chyton, située sur la côte en face. Le décret vante l'attachement que Clazomènes a toujours montré pour Athènes. C'est à peu près vers le même temps que s'est conclue une alliance offensive et défensive entre Athènes et Chios. Le document rédigé à cet effet (publié par KOUMANOUDIS, Άθηναΐον, V, p. 520, et par KÖHLER, Mittheilungen, II, p. 138 sqq.) reconnaît expressément la validité de la paix d'Antalcidas et se conforme aux dispositions du traité, car les deux États sont mis sur le même plan et considérés comme ayant mêmes droits (lig. 45). La présence parmi les ambassadeurs envoyés à Chios pour la conclusion du traité de ce même Céphalos de Collytos (KÖHLER, Mittheil., p. 441) qui plus tard coopère à l'organisation de la nouvelle Ligue maritime, montre que, bientôt après la conclusion de la paix avec le Grand-Roi, on avait compris à Athènes qu'il était possible encore d'arriver à former une confédération, même en se conformant aux nouvelles mesures, à condition de procéder avec prudence pour ne pas heurter la lettre du traité.

[40] C'est à un renouvellement opéré alors du traité avec Byzance que se rapporte l'inscription publiée par KÖHLER (Hermes, V, p. 10 sqq.).

[41] En fait de documents relatifs à l'admission dans la nouvelle Ligue maritime, on possède aujourd'hui, plus ou moins bien conservés, ceux qui concernent la Chalcidique (C. I. ATT., II, n. 17 b), Mitylène, décret rendu sur la proposition de Céphalos (ibid., n. 18), Byzance (ibid., n. 19). Ces trois actes datent de 378/7 (Ol. C, 3). Puis viennent Icos (ibid., n. 22 : dans l'épigraphe du bas-relief, il faut lire non pas Κίος, mais — comme le veut KÖHLER, d'après C. I. ATT., II, n. 17, lig. 84, — Ί]κιος), entrée en 377/6 (Ol. C, 4), Corcyre, l'Acarnanie et Céphallénie (ibid., n. 49) en 375/4 (Ol. CI, 2).

[42] PHOTIUS, cod. 176, p. 120. SCHÄFER, Quellenkunde, p. 55.

[43] DIODORE, XV, 29.

[44] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 61.

[45] PLUTARQUE, Phocion, 6. La date résulte du calcul de BÖCKH, Mondcyclen, p. 4.

[46] Cf. A. MOMMSEN, Heortologie, p. 246.

[47] DIODORE, XV, 35.

[48] DEMOSTH., In Leptin., § 77 . La somme équivaut environ à 648.310 fr.

[49] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 55.

[50] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 62-65. DIODORE, XV, 36.

[51] Le texte du traité d'alliance nomme les Παλαιής et Κερκυραίων ό δήμος (SCHÄFER, Comment. de sociis Athen., Chabriæ et Timothei ætate, p. 11).

[52] RANGABÉ, II, p. 382. Sur le tombeau élevé au Céramique, voyez C. CURTIUS, Archäol. Zeitung, 1871, p. 28.

[53] Alcétas le Molosse et son fils Néoptolème sont nommés dans le traité d'alliance.

[54] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 65.

[55] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 65. DIODORE, XV, 36. POLYÆN., III, 10, 4.

[56] POLYÆN., ibid. La fête des Skira, qui se célébrait à la fin de l'automne, est facile à confondre avec celle des Skirophoria (Cf. SCHÖMANN, Griech. Alterthumer, II2, p. 466). On a admis avec quelque vraisemblance, à cause de la saison, que la confusion a eu lieu ici. En ce cas, la bataille tombe le 12 du mois Skirophorion, correspondant au 27 juin (SCHÄFER, Demosthenes, I, p. 43).

[57] XÉNOPHON, Hellen., V, 4, 66.

[58] XÉNOPHON, Hellen., VI, 2, 4. MANSO, VÖMEL et autres mettent en doute la paix de 374 : SIEVERS (op. cit., p. 220) dit qu'elle n'a jamais été mise à exécution. La vérité est du côté de REHDANTZ (op. cit., p. 71 sqq.), qui a distingué dans les négociations pour la paix deux actes différents, indiqués presque dans les mêmes termes par Diodore (XV, 38 et 50). Callias a fait deux fois la paix, en 387 et en 374 (XÉNOPHON, Hellen., VI, 3, 4).

[59] On désigne des έξαγωγεϊς pour emmener les garnisons étrangères (DIODORE, XV, 38).

[60] DIODORE, XV, 38.

[61] DIODORE, XV, 38.

[62] DIODORE, XV, 38.

[63] Il faut bien que Thèbes ait cédé après coup, d'après Isocrate (Plat., § 14). Cf. WEISSENBORN, Zeitschrift für Alterthumswissenschaft, 1847, p. 921.

[64] ISOCRATE, Antidosis, § 110. — CORN. NEPOS, Timoth., 2.

[65] PAUSANIAS, IX, 16, 2. I, 8, 2. Cf. BRUNN, Ueber die sogenannte Leukothea, 1867.

[66] XENOPHON, Hellen., VI, 2, 2.

[67] DIODORE, XV, 46, XÉNOPHON, Hellen., VI, 2, 5 sqq.

[68] Ce corps était commandé par Ctésiclès (XÉNOPHON, Hellen., VI, 2, 10).

[69] La route entre Orchomène et Tégyre était impraticable (ULRICHS, Reisen, I, p. 202).

[70] PLUTARQUE, Pelopidas, 16-17. DIODORE, XV, 37.

[71] XÉNOPHON, Hellen., VI, 1, 1.

[72] D'après Pausanias (IX, 1, 8), Platée a été détruite sous l'archontat d'Asteios (373/2) ; d'après Diodore (XV, 46), sous l'archontat de Socratide (374/3) ; d'après CLINTON-KRÜGER, dans l'été 374, par conséquent avant la paix : mais Isocrate parle de συνθήκαι (Plat., § 10), de είρήνης οΰσης (ibid., § 14. Cf. § 44), ce qui ne peut s'appliquer à la paix d'Antalcidas (Cf. WEISSENBORN, Zeitschrift fur Alterthumswissenschaft, 1847, p. 921).

[73] APOLLOD. [DEMOSTH., XLIX], In Timoth., § 26 sqq.

[74] DIODORE, XV, 47.

[75] Traité d'alliance avec la Thessalie représentée par Jason (U. KÖHLER, in Hermes, V, p. 8).

[76] APOLLOD. [DEMOSTH., XLIX], In Timoth., § 26 sqq.

[77] Le total des villes gagnées à la Ligue maritime se monte à 75 (ÆSCHINE, De fals. leg., § 70). Cf. CORN. NEPOS, Timoth., 2.

[78] XÉNOPHON, Hellen., VI, 2, 12 sqq. APOLLOD. [DEMOSTH., XLIX], In Timoth., § 8.

[79] DIODORE, XV, 43.

[80] POLYÆN., III, 9, 30. Cf. BÖCKH, Staatshaushaltung, I, p. 92. REHDANTZ, op. cit., p. 92 sqq.

[81] Iphicrate choisit de lui-même Callistratos (XENOPHON, Hellen., VI. 2, 39 : texte qu'il ne faut pas corriger comme le fait BÖCKH, Staatshaushaltung, I, p. 550). THIRLWALL (History of Greece, V, p. 81) y voit a proof of magnanimous selfconfidence.

[82] XÉNOPHON, Hellen., VI, 2, 27-32.

[83] Voici la chronologie de ces événements. Attaque de Sparte contre Corcyre (printemps 373) : envoi de Mnasippos (automne). Destitution de Timothée au mois de Mæmactérion (novembre) : traversée d'Iphicrate (printemps 372 ou fin 373, suivant WEISSENBORN, op. cit., p. 924).

[84] XÉNOPHON, Hellen., VI, 2, 15-26.

[85] XÉNOPHON, Hellen., VI, 2, 33-36. DIODORE, XV, 47. POLYÆN., III, 9, 55.

[86] DIODORE, XVI, 57.

[87] XÉNOPHON, Hellen., VI, 2, 37 sqq.

[88] XÉNOPHON, Hellen., VI, 3, 3.

[89] XÉNOPHON, Hellen., VI, 3, 12.

[90] DIODORE, XV, 50. XÉNOPHON, Hellen., VI, 3.

[91] Macédoine (ÆSCHINE, De falsa leg., § 32). Perse (DIODORE, XV, 50).

[92] C'est le troisième Callias.

[93] Le discours du δαδοΰχος Callias dans XÉNOPHON, Hellen., VI, 3, 4-6.

[94] XÉNOPHON, Hellen., VI, 3, 7-9.

[95] XÉNOPHON, Hellen., VI, 3, 10-17.

[96] XÉNOPHON, Hellen., VI, 3, 18.

[97] PLUTARQUE, Agesil., 28.

[98] XÉNOPHON, Hellen., VI, 3, 19. La manière dont Xénophon présente les faits est décidément défavorable aux Thébains et à Épaminondas, dont la présence n'est pas même mentionnée. Cf. HERTZBERG, op. cit., p. 374. HERBST in N. Jahrbb. für Philologie, LXXVII, p. 701. W. VISCHER in N. Schweiz. Museum, 1864, p. 23.

[99] PLUTARQUE, Agesil., 28. PAUSAN., IX, 13, 2.