HISTOIRE GRECQUE

TOME TROISIÈME

LIVRE QUATRIÈME. — LA GUERRE DU PÉLOPONNÈSE.

CHAPITRE TROISIÈME. — ITALIE ET SICILE.

 

 

§ II. — LA CIVILISATION GRECQUE EN SICILE.

En Italie, les Grecs ont rencontré plus de difficultés que dans la plupart de leurs colonies d’outre mer, surtout sur la côte occidentale de la péninsule ; là, en effet, ils eurent à lutter non seulement contre les peuplades de l’intérieur, mais contre une puissante nation maritime, les Tyrrhéniens, habitants des côtes de l’Étrurie méridionale. C’était le même peuple contre lequel les Phocéens avaient déjà soutenu cette lutte meurtrière par suite de laquelle ils durent abandonner l’île de Cyrnos (Corse) avec la ville d’Alalia. Ce peuple était d’autant plus dangereux qu’à des Grecs il opposait des forces grecques. Car, d’après d’anciennes traditions, il avait la même origine que ces Tyrrhéniens qui habitaient la vallée du Caystros, au-dessus d’Éphèse, et il n’y a pas de raison suffisante pour douter qu’a l’époque où le peuple pélasgo-ionien d’Asie-Mineure se répandit par les mers et, en suivant les voies ouvertes par les Phéniciens, atteignit dans ses courses errantes les côtes de la mer occidentale, la côte de l’Étrurie, le rivage qui s’étend au nord de l’embouchure du Tibre, ait reçu aussi des colonies qui y jetèrent les premiers fondements de la civilisation grecque. Toutefois, cette civilisation n’a jamais atteint un développement vraiment national, parce qu’elle ne put se défendre contre les influences étrangères. Bien que les relations avec la mère-patrie n’eussent jamais cessé, et que, vers le milieu du VIIe siècle av. J.-C., de nouvelles familles venues de Corinthe se hissent établies dans le pays après la chute des Bacchiades, la nationalité grecque ne put s’y maintenir librement et sans obstacles : ; les établissements de la côte tombèrent sous la dépendance des puissances de l’intérieur.

-Une d’elles était le peuple étrusque qui, au Vie siècle, étendit sa domination conquérante jusqu’en Campanie, fit entrer dans les ligues de ses cités les villes tyrrhéniennes et réduisit des populations grecques à mettre leur énergie à son service. La fusion, il est vrai, ne fut pas complète. Les villes de la côte, Pisæ, Alsion, Agylla, Pyrgi, n’ont jamais démenti leur origine grecque. Agylla, qui plus tard fut Cære, située à trois lieues au nord de l’embouchure du Tibre, la ville principale des Tyrrhéniens, avait son trésor particulier à Delphes[1] ; obéissante au dieu pythien, elle expia le crime dont elle s’était rendue coupable envers les Phocéens prisonniers[2] ; elle restait fidèle aux traditions nationales dans les lois qui gouvernaient la cité et se distinguait aussi des Barbares par son respect du. droit des gens. Les éléments civilisateurs les plus variés se répandirent de là dans les pays d’alentour.

Malgré cela, les villes de la côte devinrent peu à peu si étrangères à la -mère-patrie qu’elles prirent vis-à-vis d’elle une attitude hostile, comme les Élymes en Sicile ; et cette opposition était d’autant plus dangereuse que les Tyrrhéniens, pour se garantir, eux et leur domaine maritime, contre les empiètements des Grecs, s’étaient depuis longtemps alliés avec les Carthaginois. Par là, ils avaient été en état d’opposer une barrière aux progrès de la colonisation grecque dans l’Italie méridionale, surtout à l’essor des villes achéennes ; c’est ainsi que Cume, sur le golfe de Naples, était restée complètement isolée, parce qu’elle se trouvait séparée de toutes les colonies de même origine ; c’était comme un poste avancé de la civilisation grecque, laissé à l’abandon et exposé aux attaques des Barbares. Ceux-ci, en effet, s’efforçaient d’étendre leur puissance vers le sud. Leurs vaisseaux répandaient la terreur jusque dans les mers orientales, à tel point qu’Anaxilaos construisit un fort près du cap Scyllæon, pour y faire stationner les vaisseaux de guerre qui devaient fermer aux corsaires tyrrhéniens le détroit de Messine. En même temps, l’armée de terre des Étrusques s’avançait vers le sud, et Cume se vit de plus en plus menacée. Il est vrai que les habitants firent preuve d’une admirable force de résistance. Vers 524 (Ol. LXIV), ils repoussèrent l’invasion d’une puissante armée barbare qui, comme il arrive souvent dans les expéditions de ce genre, périt par sa propre masse ; ils soutinrent même les habitants d’Aricia contre l’ennemi commun. Mais de nouveaux dangers surgissaient sans cesse, et, en 475 (Ol. LXXXI, 3), les habitants de Cume durent chercher du secours au dehors. Ils s’adressèrent au plus puissant prince grec du voisinage, à Hiéron de Syracuse. La flotte sicilienne remporta une brillante victoire[3], et aujourd’hui encore il reste du butin tyrrhénien un casque d’airain que Hiéron consacra à Zeus en son temple d’Olympie[4].

Lorsque Hiéron eut étendu son bras puissant jusqu’au golfe de Naples, et que les deux seules puissances maritimes qui pussent menacer les Grecs furent complètement humiliées, l’influence du maître de Syracuse sur les affaires de la Grèce se fit de plus en plus sentir. Déjà avant l’expédition de Cume, il avait rétabli la paix dans la pointe méridionale de l’Italie, où Locres et Rhégion se faisaient la guerre. Le remuant Anaxilaos avait attaqué ses voisins pour étendre sa domination dans la péninsule, puisqu’il avait perdu tout espoir de pouvoir le faire en Sicile. Hiéron envoya sur le continent son beau-frère Chromios, et son ordre suffit pour arrêter l’ambitieux tyran : celui-ci céda sans résistance, et les Locriens conservèrent leur indépendance grâce au maître de Syracuse[5].

En Sicile, la mort de Théron en 472 (Ol. LXXVI, 4 ou LXXVII, 1), amena des changements. Théron, plein de sagesse et de modération, avait su rendre Agrigente grande et florissante tout en restant en paix avec Syracuse, cette concorde étant indispensable au salut de l'île. Son fils Thrasydæos était d’un caractère différent. Il ne voulut pas reconnaître l’hégémonie de Syracuse et leva dans les villes de l’ouest.de l’île une armée de vingt mille hommes ; mais Hiéron fut vainqueur, bien qu’on le portai malade dans une litière. Thrasydæos perdit le pouvoir et la vie, et la suprématie de Syracuse fut mieux reconnue que jamais en Italie et en Sicile[6].

Cependant Hiéron ne s’occupait pas exclusivement de la guerre. Il s’efforça aussi de rendre son nom immortel par les œuvres de la paix et des fondations d’une importance durable. C’est ainsi qu’il envoya des colons dans les îles situées sur la côte occidentale de l’Italie, en face du cap de Misène, et fit construire sur la plus grande d’entre elles, celle qui porte aujourd’hui le nom d’Ischia, une ville fortifiée[7] ; c’est une preuve de la victoire complète qu’il avait remportée sur les Tyrrhéniens, et de l’audace avec laquelle il pouvait pousser vers le nord les avant-postes de la puissance hellénique. C’étaient les mêmes îles d’où autrefois les Chalcidiens avaient passé sur la terre ferme pour fonder Cume. En Sicile aussi, Hiéron montra combien il tenait à affirmer la domination de l’élément dorien là où autrefois les Ioniens avaient donné des preuves de leur énergie, en fondant, selon le système dorien, une ville nouvelle dans une région occupée par une population de Chalcidiens et d’Ioniens.

Pour mener à bonne fin cette œuvre qui lui était chère entre toutes, il procéda avec une rigueur impitoyable. Les cités de Naxos et de Catane cessèrent d’exister ; la population ionienne qui depuis des siècles y vivait heureuse et honorée sous les lois de Charondas fut resserrée dans Léontini, où Syracuse pouvait la surveiller ; puis, pour remplacer Catane détruite au pied de l’Etna, il construisit une ville nouvelle à laquelle il donna le nom de la montagne. Il y établit dix mille habitants de Syracuse, de Géla, de Mégare et du Péloponnèse, et en donna le gouvernement à son fils Dinomène, tandis qu’il s’intitulait lui-même citoyen d’Ætna, et était fier d’illustrer au delà des mers le nom de la ville nouvelle par les victoires brillantes que lui et ses parents remportaient en faisant courir des chevaux et des mulets.

Cette participation de Hiéron aux solennités des jeux helléniques n’eut pas lieu sans opposition : Thémistocle, nous le savons de source certaine, lui en contesta le droit avec passion. Nous voyons ici pour la première fois naître des difficultés entre Athènes et Syracuse, une susceptibilité réciproque dont les causes sont faciles à discerner. Les despotes siciliens voyaient de mauvais mil qu’on dit fait sans eux de grandes choses dans la mer Égée, tandis que les Athéniens, jaloux de leur gloire justement acquise, n’étaient nullement disposés à regarder comme égales aux leurs les victoires des Hellènes de Sicile. D’ailleurs, les princes de Syracuse suivaient une politique ouvertement hostile aux Ioniens, et, depuis que les rapports entre Sparte et les Athéniens se tendaient de plus en plus, ces derniers devaient voir dans les villes siciliennes, et notamment dans cette Ætna nouvellement fondée, des appuis dangereux pour la puissance dorienne.

Les mêmes raisons faisaient des Doriens les amis des potentats siciliens. Ils voyaient le nom dorien se couvrir en Sicile d’une gloire nouvelle. Par Olympie, ils avaient des rapports multiples et immédiats avec les villes siciliennes ; ils étaient enchantés de voir débarquer sur les bords de l’Alphée les magnifiques convois de chevaux et de mulets richement ornés qui allaient rehausser d’un éclat inconnu jusqu’alors les fêtes olympiques. On voyait aussi des fils de la mère-patrie, qui chassés par les discordes civiles ou poussés par leur esprit aventureux, avaient quitté leurs îles ou leurs montagnes, revenir riches de l’île fortunée pour conquérir les couronnes destinées aux vainqueurs ou offrir aux temples des présents magnifiques. Aussi Pindare dit en parlant du Crétois Ergotélès, qui comme citoyen d’Himère avait remporté tics victoires aux jeux publics ; que, s’il était resté au lieu de sa naissance, il serait resté, malgré sa valeur, inconnu des Hellènes, comme un coq domestique qui n’a pour théâtre de ses hauts faits que l’étroite enceinte d’une basse-cour[8]. Mais ce furent surtout les jeunes montagnards de l’Arcadie qui émigrèrent vers les grandes villes d’outre-mer pour y chercher l’honneur et la fortune, comme le Mænalien Phormis[9] et Praxitèle, fils de Crinis, qui à Olympie se fit proclamer citoyen de Syracuse et de Camarina, et orna le lieu destiné aux fêtes d’un monument splendide[10].

De véritables Sicéliotes arrivaient aussi en Grèce en nombre de plus en plus considérable. Le point le plus important, c’était, en somme, la grande valeur que les princes siciliens attachaient, à l’exemple des tyrans du Péloponnèse, à la bonne entente avec les sanctuaires nationaux et aux honneurs décernés à Olympie. C’est par là que le sanctuaire péloponnésien devint véritablement un centre du monde hellénique et de l’histoire de la Grèce. En souvenir de leur victoire sur la ville phénicienne de Motyé, les Agrigentins placèrent sur les murs de l’Altis une rangée de jeunes garçons dans l’attitude de la prière[11]. Anaxilaos, pour perpétuer le souvenir de sa victoire à Olympie, fit frapper des monnaies représentant son attelage de mules[12], et Hiéron, qui avait été vainqueur sur les bords de l’Alphée comme citoyen de Géla, de Syracuse et d’Ætna, fit fondre par Calmis et Onatas, pondes ériger à Olympie, des groupes en bronze reproduisant ses quadriges et ses chevaux de course[13]. A côté du stade, la ville de Géla avait son Trésor à elle, où l’on conservait les présents que les Dinoménides avaient offerts aux dieux. A l’occasion de la victoire d’Himère, on alla même jusqu’à construire à Olympie un édifice spécial, appelé le Trésor des Carthaginois, où l’on déposa à titre d’offrande une partie du butin enlevé aux Barbares. Les monnaies siciliennes montrent plus clairement que tout le reste combien les relations avec Olympie étaient fréquentes et importantes : en effet, la déesse ailée de la Victoire, dont l’image est tout à fait à sa place à Élis, associée à l’attelage victorieux, devint un des types favoris des villes de Sicile et se retrouve à Syracuse, à Agrigente, à Camarina, à Catane, à Géla, à Himère, à Léontini, a Messine et à Égeste[14]. Olympie était devenue, on le voit, un trait d’union entre la Grèce et les villes grecques de l’Occident.

Mais ce n’est pas seulement par des victoires et par de splendides objets d’art que les princes de Syracuse voulaient se faire connaître en Grèce ; ils s’efforçaient aussi de gagner les poètes les plus distingués de la mère-patrie, pour leur faire célébrer leurs exploits et se faire reconnaître la qualité de coopérateurs réguliers dans la grande lutte des Hellènes contre les Barbares. Ce rapprochement était d’autant plus facile que les colonies occidentales n’étaient jamais devenues complètement étrangères à leur patrie d’origine, et que leur étonnante prospérité favorisait singulièrement le développement de la vie intellectuelle sous toutes ses formes. Dès le début, d’ailleurs, elles s’étaient trouvées dans un tel courant de relations avec le monde entier que, même dans les villes doriennes, un dorisme exclusif n’avait pu prévaloir. Les poètes épiques de l’Ionie étaient aussi connus en Sicile que dans la mère-patrie. Cinæthos de Chios, auteur d’Hymnes homériques, avait initié Syracuse à l’art des rapsodes. Dans l’entourage du fondateur de Syracuse nous trouvons déjà un poète, le Bacchiade Eumélos ; et Arion, le contemporain de Périandre, le chantre lesbien qui trouva jusque dans les villes de la Sicile nu accueil enthousiaste, nous atteste la continuité des relations intellectuelles des Siciliens avec les rivages «outre-mer.

Mais la Sicile ne se contenta pas de vivre en communion spirituelle avec la mère-patrie ; elle ouvrit des voies nouvelles et créa de nouveaux procédés artistiques, comme on en voit d’ordinaire se produire là surtout où différentes tribus de race grecque se trouvaient mêlées dans les mêmes cités, et où les voyagés, le transfert d'une résidence dans une autre, provoquaient un vivant échange d’idées et d’inventions.

C’est ce que l’on voit bien clairement par l’exemple du premier et du plus grand de tous les poètes siciliens, Stésichore, dont les parents étaient venus de Mataure en Sicile. Mataure était une colonie de Locriens, et c’est ainsi que sa famille tenait à ces régions de la mère-patrie qui étaient le berceau de la poésie éolienne représentée par Hésiode, taudis que Himère, où naquit le poète, était moitié ionienne, moitié dorienne. Dans ces circonstances, Stésichore réussit mieux encore que son contemporain Arion à poser les lois du développement de la poésie grecque ; il garda le fonds, la matière de l’épopée, mais ce ne fut pas pour l’étirer en une trame continue, pleine et égale : au contraire, il en tira des sujets de composition et s’en servit pour créer des poésies propres à être chantées en public à plusieurs voix, avec accompagnement de cithare et de danse.

Ce passage de l’épopée à la poésie lyrique, de l’art ionien à l’art dorien, fut un progrès qui exerça une influence des plus fécondes sur le développement de la poésie nationale ; la légende homérique reçut ainsi une vie nouvelle, et en même temps la poésie chorale, notamment la construction des strophes avec des rythmes agencés, fut établie sur des hases solides dont les Grecs ne s’écartèrent plus par la suite. On reconnaît, dans tout ce que la tradition nous a conservé de Stésichore, un esprit d’une puissance créatrice extraordinaire, qui possédait une foule de connaissances et une grande expérience de la vie. Il connaissait la lointaine Tartessos et avait parcouru la Grèce et l’Ionie.

Comme Himère, Rhégion sa voisine était à moitié dorienne, à moitié ionienne. L’aède Ibycos, que ses voyages avaient conduit jusqu’à la cour de Polycrate, était originaire de Rhégion. Il marcha sur les traces de Stésichore ; niais le sérieux solennel du chœur dorien s’est adouci chez lui, et il réussit tout particulièrement à donner une expression enthousiaste aux passions de l’amour.

Les Grecs d’Occident déployèrent surtout un génie original dans les jeux et les danses mimiques qui accompagnaient les fêtes de Dionysos et les solennités joyeuses dont le culte de Déméter, une des religions du passé, égayait le temps de la moisson. Là comme dans la mère-patrie, ces ébats firent naître une poésie narquoise et populaire affectant la forme dramatique. Les Sicéliotes étaient particulièrement faits pour assaisonner ces fêtes de spirituelles saillies : ils avaient l’occasion d’observer dans leur île bien des mœurs et des habitudes diverses, et la nature leur avait donné cet esprit pétillant qui sait découvrir dans toute chose le trait caractéristique et le côté risible. A Sélinonte, où les mœurs des Barbares et celles des Hellènes se confondaient plus que partout ailleurs, Aristoxène composa le premier des ïambes sur ce ton facétieux que conserva plus tard la comédie en Sicile[15] ; et l’esprit de cette poésie semble si bien ne faire qu’un avec le sol et le genre de vie des habitants de l'île, que même les poètes venus du dehors s’en inspirèrent avec une facilité remarquable, comme nous le voyons par l’exemple d’Épicharme.

Si maintenant nous nous rappelons que la philosophie naissante trouva une patrie dans la Grèce occidentale, grâce Pythagore de Samos et à Xénophane de Colophon, que les tendances critiques de l’école éléatique y jetèrent de profondes racines et y éveillèrent la libre pensée bien plus tôt que dans la mère-patrie, en ébranlant le dogme traditionnel ; si nous considérons en outre comment la politique pratique et la législation écrite se sont développées dans les villes chalcidiennes, comment les arts plastiques ont de tout temps été florissants dans ces contrées, et l’architecture en particulier à Agrigente, à Sélinonte et à Syracuse : nous pourrons nous faire une idée de la riche expansion des facultés de ce peuple après que les tyrans de Gela et d’Agrigente eurent ajouté une page glorieuse à son histoire, et lui eurent donné cette importance qui fit prendre à la vie de l’esprit un nouvel essor.

Bans les États grecs, la. domination d’un seul a toujours été favorable à l’art et à la science, comme le démontre l’histoire de l’ancienne tyrannie. Or la tyrannie en Sicile était d’une espèce toute particulière ; elle y disposait de ressources bien plus considérables qu’ailleurs, et les forces de la nation y étaient bien plus développées. Les tyrans étaient des hommes de vieille race, des aristocrates de naissance, qui gouvernaient en rois ; doués des vertus qui font les souverains, pleins de noblesse et de douceur, ils se mirent à la tête du mouvement national, et ce fut leur politique de réunir autour d’eux les esprits les plus éminents. Sans doute, Gélon n’était pas par lui-même un connaisseur en fait d’art ; c’était, comme son père, un général de cavalerie ; et l’on raconte que, pendant une fête, lorsque son tour fut venu de chanter en s’accompagnant de la lyre, il se fit amener son cheval pour se montrer dans l’exercice de l’art qui lui était familier. Mais il savait apprécier le talent ; il attira à sa cour des hommes comme le sage Phormis (ou Phormos), et le chargea de l’éducation de ses enfants[16]. Phormis faisait des comédies, et l’invitation dont il fut l’objet prouve combien était en honneur ce genre de poésie, qui doit surtout à Épicharme la faveur dont il jouit à Syracuse.

Épicharme, fils d’Hélothalès, était né dans l’île de Cos[17], mais il avait passé la mer de si bonne heure qu’on pouvait le regarder comme un véritable Sicilien ; et, s’il apporta de son pays natal certains goûts et certains penchants, comme, par exemple, sa prédilection pour la médecine, ce fut sa nouvelle patrie qui lui imprima la direction à laquelle il doit sa place dans l’histoire littéraire. Il passa en effet sa jeunesse et la plus grande partie de sa vie à Mégara en Sicile ; là, comme dans la mère-patrie, la petite population mégarienne fit preuve d’aptitudes spéciales pour les inventions plaisantes et les représentations mimiques, et l’aristocratie qui régnait à Mégare doit avoir favorisé ces jeux populaires, de sorte qu’ils arrivèrent à une certaine considération, augmentée encore par l’addition d’un chœur, par des représentations publiques et des concours. Épicharme reconnut qu’on pouvait développer les germes contenus dans ces pièces populaires ; après avoir enrichi son esprit par des éludes variées et avoir appris en Italie, grâce surtout à Pythagore, à comprendre la vie d’une façon plus sérieuse et à lui assigner un but plus élevé, il revint en Sicile et chercha à changer la farce populaire en un genre auquel il pensait donner une véritable valeur poétique et une portée morale importante. Il réussit ; et cela, longtemps avant qu’Athènes reçût chez elle et anoblît la farce mégarienne. Il est probable que les comédies d’Épicharme furent représentées à Mégara dès la LXVIIIe Olympiade (après 508) ; mais, lorsque Mégara cessa d’exister et fut transportée à Syracuse avec ce qu’elle contenait de meilleur Épicharme alla, lui aussi, s’établir avec sa comédie dans la nouvelle capitale, qui, comme Athènes, attira peu à peu à elle tout ce qui avait germé et grandi dans les pays d’alentour.

Sans doute, Syracuse n’était pas une république, et la corné-die entendue à la mode athénienne y était impossible. Mais la comédie Mégarienne avait l’avantage de plaire en même temps au peuple et à la cour ; car, au point de vue des sujets traités, elle se développa dans deux directions qui devaient l’une et l’autre paraître inoffensives aux tyrans. D’un côté, elle faisait en quelques traits vigoureux le portrait de certains types populaires ; elle mettait sur la scène les diverses professions, le paysan, le matelot, le devin, le parasite, en les montrant surtout par le côté ridicule ; d’autre part, elle faisait descendre sur les planches les dieux de l’Olympe et retraçait au peuple, sous la forme de farces divertissantes, l’histoire des héros et des dieux. Parfois les deux genres, la comédie de caractère et la parodie mythologique, se confondaient ; car Zeus, tel qu’on le représentait aux noces célébrées dans l’Olympe, n’était pas autre chose, en fin de compte, que le type des gourmets siciliens. Mais un homme comme Épicharme, un chercheur et un penseur, voulait offrir à la foule autre chose qu’un vain amusement. Il y a au fond de ses œuvres un sérieux profond, et les maximes pleines de noblesse, les leçons de vraie sagesse qu’il sait exprimer en mots justes et bien frappés, nous donnent une idée du contenu philosophique de ses pièces, de cette veine délicate qui, comme tin filon d’argent, courait à travers la masse plus grossière de l’œuvre. Pour l’énergie de l’expression gnomique, il rappelle vivement son contemporain, Théognis, le grand poète de Mégare la métropole, lequel, dit-on, est venu aussi en Sicile. Les deux poètes portent un témoignage éclatant de l’esprit des habitants de Mégare, qui ne réussirent pas mieux dans la mère-patrie que dans la colonie à diriger heureusement leurs affaires politiques, mais qui atteignirent un degré étonnant de culture intellectuelle. Leur contact immédiat avec une population non dorienne peut bien avoir contribué à développer leur génie.

Épicharme resta à la cour d’Hiéron, dont il sut rappeler dans ses pièces les hauts faits et notamment la délivrance des Locriens ; quant au tyran, il ne négligea rien pour satisfaire le goût du public d’une grande ville pour le théâtre et la prédilection innée des Sicéliotes pour les divertissements dramatiques. Démocopos construisit à Syracuse un vaste théâtre, probablement déjà à l’époque des deux premiers tyrans[18], et nous pouvons admettre que, sous bien des rapports, les représentations scéniques y furent régulièrement constituées avant de l’être à Athènes. Phormis, Dinolochos et autres rivalisèrent dans cette branche de l’art, el le glorieux développement qui en fut la suite explique facilement l’imitation dont ce genre fut l’objet au dehors. A Athènes notamment, on savait apprécier l’invention sicilienne, et Cratès[19] y donna, dit-on, le premier l’exemple de prendre pour sujets de sa comédie des classes d’hommes tout entières au lieu de personnages politiques isolés ; à côté de la comédie de caractère, les parodies mythologiques de Syracuse furent également introduites à Athènes, comme on le voit par Cratinos et ses contemporains.

Épicharme rencontra un esprit de même trempe que le sien dans son contemporain Sophron de Syracuse, qui n’écrivit pas en vers, ni, à ce qu’il paraît, pour la scène, et qui néanmoins fut un auteur dramatique de premier ordre[20]. Car il savait représenter, en leur conservant toute leur fraîcheur, des scènes de la vie sicilienne dans ses Mimes qui, grâce à d’habiles interprètes, produisaient l’effet de scènes dramatiques ; sa langue était populaire, pleine d’énergie, semée de proverbes. Dans ses caractères d’hommes et de femmes, il fit preuve non seulement de la plus grande finesse d’observation, mais encore d’un art consommé dans la mise en scène ; et, par l’originalité puissante qui animait ses ouvrages, il a exercé une influence considérable sur les poètes et les philosophes de la Grèce et de home.

Tandis qu’Épicharme s’appliquait à cultiver un genre poétique qu’il avait trouvé florissant en Sicile, et le perfectionnait de manière à le faire goûter à Athènes même, d’autres maîtres apportèrent dans file les arts mûris dans la mère-patrie, et c’est ainsi que se produisit entre les deux rivages l’échange le plus fécond. Les artistes grecs, surtout les aèdes, ont de tout temps aimé les voyages ; et ce qui attira en Sicile des hommes comme Pindare, Eschyle, Simonide et Bacchylide, ce ne fut pas seulement la perspective des honneurs et des avantages extraordinaires qui les attendaient à la cour d’Agrigente et à celle de Syracuse ; ce fut aussi le renom de culture intellectuelle, large et variée, dont jouissait l'île, la splendeur et la rare fortune de ses princes, le charme d’un repos profond succédant à des actions d’éclat et tel que ne le connaissait pas la mère-patrie, enfin, ce grand nombre de choses remarquables, que vantaient tous ceux qui avaient vu et admiré cette île riche en cités. Mais rien n’occupait plus l’imagination des Grecs que l’Etna, qui, précisément à l’époque de l’avènement d’Hiéron, avait recommencé, après une longue interruption, à éclairer des lueurs de ses hautes colonnes de feu la mer occidentale[21]  ; Pindare et Eschyle font foi de l’impression que fit ce phénomène sur leurs contemporains.

Hiéron, qui s’intéressait personnellement aux sciences et aux beaux-arts et qui faisait lui-même des vers, cherchait à tirer le meilleur parti possible de cet attrait qu’avait la Sicile pour les Grecs de la mère-patrie. Déjà il avait réuni autour de lui les hommes éminents que possédait la Sicile. Corax, le fondateur de l’éloquence sicilienne, le premier Grec qui traita scientifiquement l’art oratoire, était fort estimé d’Hiéron ; à la même époque, la philosophie et les sciences naturelles, les mathématiques et la médecine, étaient très florissantes ; et, chose remarquable, l’art et la science marchaient de pair et se prêtaient un mutuel appui. Épicharme, par exemple, écrivit des traités sur les maladies des hommes et même sur celle des animaux. En un mot, dans la vie intellectuelle des Sicéliotes se manifestaient avec évidence des aspirations universelles, un ardent esprit philosophique, qui s’efforçait de tout comprendre et d’embrasser dans leur ensemble toutes les choses humaines. A tout cela vinrent se joindre les maîtres étrangers, de sorte qu’on vit se réunir autour du foyer hospitalier d’Hiéron un cercle choisi de sages et de philosophes, tel que la Grèce n’en possédait pas de pareil. Et ces hommes ne servaient pas seulement à satisfaire la vanité d’Hiéron en glorifiant sa cour, l’asile des Muses, et en donnant à la résidence du maître la meilleure part de sa splendeur, mais les maîtres étrangers surtout exercèrent un pouvoir salutaire, comme Simonide, par exemple, qui rétablit la paix entre Hiéron et Théron ; leur position indépendante leur permettait de parler plus librement au prince ; ils étaient enfin les meilleurs garants de la gloire des princes siciliens. C’est pour cette raison que Hiéron, bientôt après son avènement, invita Eschyle à se rendre auprès de lui. Le poète passa à sa cour plusieurs années, années heureuses et des plus fécondes pour son talent[22]. Il célébra l’œuvre de prédilection d’Hiéron dans ses Ætnéennes, panégyrique grandiose de la ville nouvelle. Il y rattachait l’histoire de la Sicile à celle de la mère-patrie ; et qu’est-ce qu’un prince avide de gloire pouvait désirer plus vivement que de voir associer et célébrer comme des exploits nationaux de valeur égale les victoires des armées siciliennes et celles de Platée et de Salamine ?

La représentation des Perses à Syracuse est une époque brillante dans l’histoire du théâtre local, et on ne peut guère douter que l’œuvre entière ne soit née sur le sol sicilien et d’inspirations reçues en Sicile. Eschyle s’accoutuma si bien à la vie qu’il menait en Sicile, qu’on crut remarquer dans ses dernières tragédies l’influence de son séjour dans cette île si pleine de charme, et l’amour qu’il lui portait y ramena une dernière fois le poète fatigué de l’existence.

La liaison de Pindare avec les familles régnantes de Sicile est plus étroite encore. Lui aussi aime cette île que Zeus, dit-il, a donnée à Perséphone comme présent honorifique ; c’est avec enthousiasme qu’il parle de ses champs de blé et supplie les dieux de conserver à jamais sa gloire à cette terre admirable et fertile, ornée d’une couronne de villes splendides et habitée par un peuple qui aime la guerre et le bruit des armes, qui combat monté sur ses coursiers, et que couronne souvent la branche d’olivier des luttes olympiques. Pour lui, le fidèle admirateur des préceptes émanés de Delphes et des anciennes familles, c’est un véritable triomphe que de voir les institutions doriennes se couvrir d’une gloire nouvelle dans cette île lointaine, et de nouveaux rejetons d’antiques et illustres familles grecques y devenir si florissants.

Aussi le poète s’attache-t-il tout particulièrement aux Emménides qui, comme lui-même, descendaient de Cadmos et justifiaient si brillamment sa foi aux vertus héréditaires des grandes races. C’est avec chaleur et émotion qu’il célèbre les vertus de Théron, son hospitalité, sa philanthropie, la joie qu’il éprouve à secourir les autres ; et, lorsque les deux maisons souveraines eurent pris l’une vis-à-vis de l’autre une attitude hostile, Pindare embrassa le parti des Emménides, tandis que Simonide et Bacchylide penchaient plutôt vers Hiéron. Pourtant, à Syracuse aussi, Pindare était considéré ; il savait reconnaître et louer les mérites d’Hiéron ; il rivalisait de zèle avec Eschyle pour faire connaître au monde grec tout entier le fondateur d’Ætna ; mais ses chants élogieux se tournent en sérieux avertissements. Il cherche à calmer l’âme passionnée du prince et à lui inspirer la modération, l’humeur sereine et pacifique. Il confirme ses propres paroles : que l’homme droit et sincère, sous n’importe quel gouvernement, même sous un tyran, est le meilleur de tous, et, à propos de l’indigne système d’espionnage introduit par Hiéron pour se tenir au courant de tous les mouvements de la capitale, il ne craint pas d’attaquer par les plus amers sarcasmes les courtisans et les délateurs qui rendent le roi infidèle à sa nature généreuse.

C’est ainsi que Syracuse, à l’époque de ses tyrans, était le centre d’une vie intellectuelle des plus variées, le séjour préféré de la puissance et de la civilisation helléniques. Aussi la ville elle-même s’était-elle profondément modifiée. Depuis longtemps, elle avait passé de l'île d’Ortygie sur la terre ferme, et elle ne s’était pas étendue, comme cela paraissait naturel, de l’isthme vers l’ouest, autour de la rade spacieuse du port, mais vers le nord, sur le plateau calcaire d’Achradina, On s’était éloigné du port et on avait préféré un terrain incommode, parce que là seulement le sol était sec et l’air salubre. Gélon avait fait entourer d’un mur la partie du haut plateau la plus voisine, le quartier d’Achradina, qui à lui seul est cinq fois plus grand que la ville bâtie sur file, ainsi que Tyché, située vers l’ouest à côté d’Achradina. C’était-là la triple ville de Gélon, avec ses ports et ses chantiers, ses palais, ses sanctuaires, ses édifices publics, la ville la plus imposante du monde hellénique. Le château du prince avec les sanctuaires les plus anciens se trouvaient dans l'île ; là aussi, non loin de l’isthme, était le temple d’Apollon, dont le soubassement oriental porte une inscription qui appartient à la même époque que celle du casque consacré par Hiéron[23]. Devant les murs d’Achradina, Gélon, après la victoire d’Himère, éleva un temple magnifique aux grandes déesses, grâce auxquelles sa race était arrivée aux honneurs. Au delà de l’Anapos, qui déverse ses eaux au milieu du grand port, s’était élevé un faubourg qui avait pour centre le temple de Zeus Olympien. De Corinthe, cette antique école des constructeurs de temples, l’architecture sacrée avait été transportée en Sicile, et là aussi les colonies s’efforcèrent de surpasser en grandeur et en magnificence toutes les constructions contemporaines de la mère-patrie.

La victoire d’Himère fait époque dans l’histoire de l’architecture des villes siciliennes, comme les guerres médiques dans celle des Athéniens. Non seulement les temples se remplirent d’offrandes et d’objets précieux, comme le temple suburbain de Zeus près de Syracuse — le butin fait sur les Carthaginois permit à Gélon de couvrir d’un manteau d’or massif la statue du dieu —, mais on se servit aussi de la masse d’esclaves qu’on avait pour élever des édifices qui surpassaient en grandeur tout ce qu’on avait vu jusqu’alors. Le marbre faisait défaut dans le pays ; mais les carrières situées dans les montagnes de l’île fournissaient en abondance une pierre calcaire à laquelle, au moyen d’un enduit, on donnait le brillant du marbre. Un temple fut élevé près d’Himère en guise de trophée ; ses restes ont été retrouvés récemment[24]. Mais la plus imposante de toutes les constructions siciliennes était l’Olympiéon des Agrigentins, sur le chemin du port. Là comme à Syracuse, le culte de Zeus dispensateur de la victoire était une imitation du culte péloponnésien ; mais les proportions du temple étaient telles qu’il ne le cédait en grandeur qu’à celui d’Artémis à Éphèse. Sa hauteur était double de celle du Parthénon. Des œuvres d’art plastiques ornaient à profusion le dehors de l’édifice ; à l’intérieur se dressaient, au-dessus de la rangée des piliers inférieurs, des géants de forme colossale, dont les avant-bras et la tête penchée en avant soutenaient la charpente de la cella, où se trouvait placée l’image de Zeus Olympien, le vainqueur des Géants[25].

Il est vrai que ces édifices manquaient de cette grandeur intrinsèque et de ce fini artistique qui à Athènes sont le caractère de l’architecture sacrée ; le désir de produire de l’effet nuisait à l’art véritable. D’autant plus originale et plus admirable était l’architecture civile, dont les princes siciliens favorisèrent tout particulièrement l’essor. De nos jours encore, le sol de l'île est couvert de ruines de cette époque qui témoignent d’une entente remarquable de rai’’, de construire. Il faut citer surtout les aqueducs de Syracuse, qui distribuaient l’eau des montagnes sur la surface du rocher où était bâtie la ville et l’amenaient sous mer à Ortygie, où elle jaillissait dans la fontaine Aréthuse, et qui conduisaient d’autre part à la ville un bras de l’Anapos détourné dans un lit artificiel. Des puits nombreux permettaient d’utiliser partout les courants d’eau souterrains, comme cela avait lieu en Attique, et ici comme là on se sert de nos jours encore d’une partie de ces aqueducs[26]. Ceux d’Agrigente étaient plus célèbres encore ; c’étaient les conduites d’eau qu’on appelait dans le pays les Phéaciens : elles avaient été construites, de même qu’une partie de celles de Syracuse, par des prisonniers de guerre carthaginois. Citons encore les viviers construits pour le luxe des festins ; animés par des cygnes et d’autres volatiles, ils étaient un ornement pour la ville. Les maisons enfin, surtout à Agrigente, étaient construites avec plus de luxe que dans le reste de la Grèce. Les demeures des riches étaient des palais, dont l’aménagement spacieux dépassait de beaucoup les besoins d’une famille. On mettait son amour-propre à pouvoir y héberger le plus grand nombre possible d’invités. Eu général, les tyrans trouvaient bon que leurs populeuses résidences se distinguassent à la fois par la propreté et par le bon ordre ; aussi cherchaient-ils à y attirer des familles nobles ou aisées, et à empêcher autant que possible l’agglomération d’une populace indigente.

Ils s’occupaient aussi très activement de la renommée de leurs villes au dehors, en faisant frapper leur monnaie avec un soin tout particulier ; sous aucun autre rapport l’art sicilien n’a fourni de plus brillants résultats. Car, tandis que dans la mère-patrie on ne considérait les monnaies que comme des pièces d’argent et qu’on n’attirait l’attention publique que sur leur poids légal, en Sicile pour la première fois la beauté de l’empreinte devint une question d’intérêt public. On y franchit rapidement les premiers degrés de cette enfance de l’art où les monnaies d’autres villes s’arrêtèrent pendant longtemps. Vers 480 av. J.-C., nous trouvons déjà l’empreinte double parfaitement exécutée. Après avoir vaincu les difficultés techniques, les graveurs deviennent artistes, et de là vient aussi qu’on leur permettait ordinairement d’inscrire leur nom sur les monnaies[27].

En effet, nous possédons de toutes les villes importantes de file des monnaies qui, grâce à l’habile disposition des symboles, à leur exécution irréprochable et à l’expression vivante des effigies, peuvent prétendre au nom de véritables œuvres d’art. Ce ne sont pas seulement des monuments du culte national, mais aussi des monuments historiques ; ils n’annoncent pas seulement la gloire des tyrans vainqueurs aux courses, mais savent aussi rappeler, avec la brièveté de l’épigramme, des époques importantes de l’histoire des cités. C’est ainsi qu’on voit, sur les didrachmes de Sélinonte, le fleuve Hypsas sacrifier sur l’autel d’Asclépios. C’est un sacrifice d’actions de grâces pour l'assainissement d’un terrain bas et marécageux entrepris sur l’avis d’Empédocle ; un oiseau aquatique qui s’envole comme à regret fait comprendre, d’une façon aussi spirituelle que frappante, le changement salutaire opéré dans le territoire de la ville[28].

Mais les plus beaux des objets d’art de cette espèce sont les grandes monnaies d’argent de Syracuse (pièces de dix drachmes) semblables à des médailles, qui portent au revers un attelage victorieux et qu’on distribuait peut-être comme récompense aux vainqueurs ; du côté opposé, on voit une gracieuse tête de femme, entourée de dauphins et représentant la déesse de la fontaine Aréthuse, qui jaillissait à Ortygie et nourrissait quantité de poissons consacrés à cette divinité[29]. A cette série plus ancienne de monnaies appartient probablement aussi la pièce qui portait le nom de Damarétion, en mémoire de la fille de Théron[30]. Damarète cimenta l’union entre les deux maisons régnantes, dont l’accord fraternel marque l’époque la plus glorieuse de l’histoire de la Sicile ; elle reçut, dit-on, de Carthage, après la conclusion de la paix, une couronne d’or, et la fit convertir en monnaie pour servir de son mieux l’intérêt général. Son souvenir se rattache aussi à une offrande consacrée à Delphes, au trépied d’or damarétique, et le même Simonide qui rédigea les épigrammes dédicatoires pour les monuments des victoires de la mère-patrie là aussi l’inscription gravée sur celui des Dinoménides ; il leur rend le témoignage d’avoir aidé fraternellement les Hellènes à sauvegarder leur indépendance en terrassant les Barbares.

Ce sont là les œuvres et les monuments de ces années de paix qui suivirent la glorieuse victoire, et qui eurent pour l'île des résultats analogues à ceux de cette période de paix dont jouit la mère-patrie, et surtout Athènes, après les guerres médiques. Sans doute, ce ne sont pas des cités libres qui remportèrent et célébrèrent ces victoires ; mais nulle part autant qu’ici la gloire et le bonheur des tyrans ne s’allia à la prospérité des citoyens ; nulle part les détenteurs de la puissance ne surent exercer leur autorité avec autant de modération et associes’ aussi heureusement pendant quelque temps deux choses qui semblent s’exclure, un pouvoir usurpé et l’ordre légal.

Mais, quelle que soit la différence entre les tyrans siciliens et ceux qui les avaient précédés, leur domination eut le sort de toutes les autres ; elle ne dura pas, parce que le pouvoir royal, tel que Gélon et Théron l’avaient exercé, dégénéra en despotisme et en gouvernement de parti, et que la jeune génération, élevée dans l’opulence et le luxe, n’avait pas les vertus au moyen desquelles ses prédécesseurs avaient fondé la puissance de leur maison. C’est ainsi que la fortune des Emménides s’écroula déjà avec le fils du grand Théron ; quant au fils de Gélon, il eut le sort le plus triste que puisse éprouver l’héritier d’un trône. Il tomba, probablement après la mort de son beau-père, entre les mains de son oncle Thrasybule, le plus jeune des quatre fils de Dinomène ; et celui-ci, poussé par une criminelle ambition, imagina d’entraîner son neveu dans une vie dissolue, si bien qu’il le ruina de corps et d’esprit. Thrasybule était soutenu par un parti qui désirait le porter au pouvoir. Mais en même temps surgit un parti républicain, qui hâta la dislocation intérieure de la maison du tyran pour pouvoir s’en débarrasser d’autant plus facilement ; c’est ainsi que Thrasybule arriva, il est vrai, au pouvoir après la mort d’Hiéron, mais ne put s’y maintenir même une année, tout en se rendant coupable des plus grandes violences[31]. Syracuse fut le théâtre d’une lutte ouverte entre les citoyens et les mercenaires, entre la tyrannie et la république ; les autres cités de l'île, Agrigente, Gela, Sélinonte, etc., prirent part à la lutte, et Thrasybule à la fin dut s’estimer heureux de pouvoir se retirer librement.et de trouver un refuge à Loues en Italie.

Telle fut la fin des dix-huit années de domination des Dinoménides à Syracuse. A l’exemple d’Agrigente, Gela et Syracuse rétablirent la république[32] ; et, pour caractériser le. commencement d’une ère nouvelle et plus heureuse, les Syracusains instituèrent en l’honneur de Zens Libérateur la fête des Éleuthéries[33]. Ces changements cependant ne s’accomplirent pas sans amener des combats meurtriers et de graves embarras. Les grandes villes sont, par tempérament, peu aptes à la pratique de la solidarité républicaine, et de plus, les tyrans avaient modifié trop brutalement, les habitudes de la vie civique : quant aux populations, elles étaient trop désagrégées par la présence d’éléments étrangers pour qu’il fût possible de créer, par des moyens pacifiques, une vie publique nouvelle. On essaya. il est vrai, de réunir en un seul corps les anciens et les nouveaux citoyens ; mais on blessa profondément ces derniers en les excluant des honneurs, et on causa une scission qui amena des luttes sanglantes dans l’intérieur de la ville. Les différents quartiers devinrent des forteresses d’où les partis se faisaient la guerre. Il restait encore sept mille soldats et citoyens nouveaux, de ceux que Gélon avait reçus dans la ville ; ils s’emparèrent des deux quartiers intérieurs, Ortygie et Achradina, de sorte que les citoyens d’ancienne famille furent repoussés dans les faubourgs. Les vaincus se retranchèrent à Epipolæ, sur la partie occidentale du vaste plateau où se prolonge la ville, pour couper les vivres à celle-ci du côté de la terre. Par ce moyen, ils réussirent enfin à forcer leurs adversaires à la retraite.

Cependant les effets de la chute des tyrans se firent sentir bien au delà de Syracuse. Car les Sicules, resserrés par la domination des Dinoménides, se soulevèrent de nouveau, et comme ils trouvèrent dans Doucétios un chef audacieux, ils cherchèrent sous sa conduite à se liguer plus étroitement entre eux, pour pouvoir se créer une situation égale à celle des Hellènes. La haine qu’inspiraient les tyrans et tout ce qui venait d’eux décida les Syracusains à s’allier aux Sicules ; ils entreprirent en commun une expédition contre la ville créée par les tyrans, /Etna, qui était odieuse aux uns et aux autres. La population, fidèle à la mémoire d’Hiéron, se défendit vaillamment ; mais à la fin elle fut obligée de céder, et, après une courte existence, cette orgueilleuse et royale cité que Hiéron avait fondée au milieu des fêtes les plus brillantes, fut dispersée et le monument élevé en l’honneur du fondateur détruit ; les Catanéens revinrent dans leurs anciennes demeures, les Sicules rentrèrent en possession de leurs terres, et les habitants d’Ætna furent transportés au pied du volcan, à blessa, où ils continuèrent à porter le nom de leur cité[34].

Plus longtemps que partout ailleurs la tyrannie se maintint dans les deux villes du détroit sicilien, qu’Anaxilaos avait réunies en un royaume. Depuis la LXXVIe olympiade (476), Micythos gouvernait cet État ; d’abord esclave, il était devenu, grâce à la confiance d’Anaxilaos, tuteur de ses fils et régent de Rhégion et de Zancle. Il gouverna en cette qualité avec prudence et modération, en cherchant à concilier le pouvoir absolu et la constitution civile ; mais il fit preuve en même temps d’activité et d’énergie, par exemple en secourant les Tarentins menacés et en envoyant des colonies sur la côte occidentale de l’Italie. Il arriva même que Hiéron devint jaloux de lui et excita les fils du tyran à revendiquer leur patrimoine. Micythos y consentit, et rendit publiquement compte de son administration de la manière lapins satisfaisante. Ses pupilles, qui se repentaient de leur conduite, ne purent le décider à modifier sa résolution ; il s’embarqua avec sa fortune privée et se rendit, suivi des bénédictions d’une population reconnaissante, à Tégée en Arcadie, pour y terminer dans la retraite une existence pleine de vicissitudes. Le fait arriva en 467 (Ol. LXXVII, 2). Les offrandes déposées à Olympie perpétuèrent sa brillante renommée[35]. Les fils d’Anaxilaos réussirent à se maintenir pendant environ six années encore ; puis eux aussi furent chassés.

Un état de choses uniforme régnait donc enfin dans toute la Sicile grecque. Les cités s’étaient purifiées en expulsant de leur sein tous ceux qui devaient aux tyrans leurs droits civiques ; les exilés étaient revenus, les domaines des familles princières étaient convertis en propriétés publiques, les constitutions libres partout remises en vigueur. Après l’époque des tyrans, toutes les cités prirent un joyeux essor, comme Athènes après la chute des Pisistratides.

Il y avait bien sans doute encore d’ambitieux chefs de partis, qui mirent à profit les troubles de l’époque de transition et firent des tentatives pour rétablir la monarchie. C’est ce qui arriva notamment à Syracuse, où un certain Tyndaréon distribua de l’argent à la foule ; déjà il se voyait entouré d’une troupe prête à le porter au pouvoir. Mais, avant qu’il fût assez fort pour braver les tribunaux, il fut mis en jugement et condamné à mort. Pour prévenir de pareilles tentatives, on mit en usage à Syracuse un procédé semblable à l’ostracisme athénien, qui, comme l’on sait, dut son origine à des circonstances analogues. A Syracuse on l’appelait jugement par feuilles[36], parce que ce n’était pas sur des tessons d’argile, mais sur des feuilles d’olivier qu’on inscrivait le nom de celui qui paraissait un danger pour la constitution. On reconnaît là la victoire complète remportée par le mouvement démocratique qui courut d’un bout à l’autre de l'île ; dans quelques-unes de ses institutions politiques, il semble avoir pris pour modèle Athènes, et il a certainement réagi à son tour sur les luttes que se livraient alors les partis à Athènes, en contribuant à assurer la victoire aux partisans des réformes.

Pour bien des villes de la Sicile, et notamment pour Syracuse, la victoire complète de la démocratie fit époque aussi au point de vue du développement de la vie intellectuelle. Car le grand nombre de procès particuliers, dont furent cause les perturbations économiques et les déplacements de la propriété, fit naître l’éloquence judiciaire, et les assemblées du peuple, où furent prises désormais les décisions concernant les affaires publiques, devinrent une école d’éloquence politique. Les Sicéliotes avaient un talent naturel pour le maniement de la parole ; on trouve jusque dans les comédies d’Épicharme la preuve que ce talent se développa de bonne heure. Ce fut à cette époque que Corax se distingua comme avocat et put composer, grâce à sa longue expérience, une théorie de l’éloquence dans laquelle il enseignait la manière de traiter différentes questions de droit. Il eut pour élève Tisias, dont Gorgias fut à son tour le disciple, de sorte qu’on vit un nouveau genre d’éloquence, tout particulier à la Sicile, prendre un rapide et puissant essor[37]. Des circonstances semblables développèrent aussi l’éloquence à Agrigente, où le philosophe Empédocle se fit tellement apprécier comme orateur populaire qu’Aristote put le considérer comme le fondateur de la rhétorique[38] ; il sut combattre victorieusement les menées des partis qui avaient pour but le rétablissement de la tyrannie, et, comme Solon, il résista lui-même à la tentation de s’élever dans sa ville natale au rang suprême.

Les études historiques profitèrent aussi du mouvement, général. Des hommes avides de s’instruire rassemblèrent les riches matériaux de l’histoire nationale et les mirent en œuvre. C’est ainsi que, pendant les anisées qui suivirent l’expulsion des tyrans, le Syracusain Antiochos, fils de Xénophane, écrivit un ouvrage considérable sur les villes d’Italie et de Sicile, ouvrage que Thucydide déjà parait avoir consulté[39], et dont nous déplorons la perte lorsque nous cherchons à reconstruire l’histoire de la Grèce occidentale.

Quant à la constitution générale de l'île, toutes les villes, soit doriennes soit ioniennes, envoyèrent d’abord, d’un commun accord, des députés à des assemblées communes, afin d’agir suivant une politique uniforme et nationale. Avec les Sicules aussi, les villes grecques vécurent en bonne intelligence, et l’on fut assez généreux pour accorder même aux mercenaires, désormais sans patrie, un endroit sur le territoire de Zancle, où ils fondèrent une colonie[40]. Cependant, cette époque de relèvement de l’esprit national et de concorde ne fut pas de longue durée. Les inconvénients de la tyrannie se trouvaient heureusement écartés ; mais il ne fut plus possible d’atteindre le but élevé qu’avaient poursuivi les tyrans d’Agrigente et de Syracuse, c’est-à-dire l’effacement des différences de race, la fusion des Grecs siciliens en un seul peuple, l’union de leurs forces en une armée nationale qui pût braver tous les ennemis du dehors et empêcher toute intervention étrangère. L’ile fut de nouveau divisée en États particuliers moins capables de se défendre ; les plus grands troubles accompagnèrent le gouvernement populaire, car les cités n’avaient pas eu le temps de s’habituer peu à peu à la liberté ; on vit se produire rapidement tous les inconvénients de la démocratie, l’esprit de parti, l’anarchie, les agressions haineuses contre les riches, et se consumer à ce jeu les forces des cités qui n’avaient plus d’idéal à poursuivre. La jalousie des Doriens et des Ioniens se réveilla ; les Sicules élevèrent des prétentions de plus en plus audacieuses ; et, après la suspension violente du droit commun, amenée par la tyrannie, il était devenu très difficile d’établir une constitution durable.

 

 

 



[1] STRABON, p. 220.

[2] HÉRODOTE, I, 167.

[3] DIODORE, XI, 51. STRABON, p, 248. PINDARE, Pyth., I.

[4] C. I. GRÆC., n. 16. KIRCHHOFF, Studien. zur Geschichte des griechischen Alphabets, p. 96 (3e édition).

[5] SCHOL. PINDAR., II, p. 35.

[6] DIODORE, XI, 53.

[7] Λίναρία (STRABON, p. 248) aujourd’hui Ischia.

[8] PINDARE, Olymp., XII, 14. Cf. Archäol. Zeitung, XXXVI, p. 159.

[9] PAUSANIAS, V, 27, 1.

[10] L'inscription du monument de Praxitèle à Olympie dans l’Archäol. Zeitung, XXXIV, p. 40, et XXXVII, p. 43. D’après HOLM (Archivio storico Siciliano, N. S. r., III. p. 341), Praxitèle aurait vécu jusqu’en 484 à Camarina comme mercenaire au service de Glaucos, et aurait ensuite dédié son ex-voto comme Syracusain, avant 464.

[11] PAUSANIAS, V, 23, 5.

[12] FRIEDLÆNDER-SALLET, Königl. Münzkabinet (2e édition), p. 184, n. 684.

[13] PAUSANIAS, VI, 12, 1.

[14] Sur la Nikê et ses rapports avec l’agonistique en général, voyez IMHOOF-BLUMER, Flügelgestalten der Athena Nike (in Wiener Numism. Zeitschrift, III [1871], p. 22). Sur les victoires des Siciliens (ibid., p. 24). Cf. A. VON SALLET, Zeitschrift für Numismatik, I [1873], p, 228 sqq.

[15] Aristoxène de Sélinonte est le précurseur d’Épicharme, SCHOL. ARISTOPH. (Plutus, 487) : d’après Eusèbe, il était contemporain d’Archiloque.

[16] ARISTOTE, Poet., V, 5.

[17] Sur Épicharme, voyez l’article de SUIDAS, s. v. Έπιχάρμος, et LORENZ, Leben und Schriften des Koers Epicharmos, 1864.

[18] Cf. LORENZ, op. cit., p. 91. SCHUBRING, in Philologus, XXII, p. 620.

[19] Sur les rapports entre Cratès et Épicharme, voyez LORENZ, op. cit., p. 191, 208. SUSEMIHL, Aristoteles’ Poetik, p. 168.

[20] Cf. SUIDAS, s. v. Σωφρών.

[21] D’après les marbres de Paros (voyez BÖCKH, Corp. Inscr. grec., III, p. 330), l’éruption de l’Etna aurait eu lieu en 470 (Ol. LXXV, 3). Thucydide (III, 116) la place en 475 (Ol. LXXVI, I), parce qu’il n’a pu avoir de renseignements précis sur une éruption antérieure.

[22] Eschyle a séjourné à deux reprises en Sicile. Il s’y rend, la première fois, sur l’invitation d’Hiéron, vers 478. En 476, représentation des Αίτναΐαι et peut-être du Prométhée. Première représentation des Perses. Retour du poète avant 472. Représentation des Perses à Athènes en 472, et de l’Orestie en 458. Deuxième voyage de Sicile après la déchéance de l’Aréopage. Eschyle meurt à Géla en 455. Cf. KIEHL, in Mnemosyne, I, p. 364 : LORENZ, op. cit., p. 83.

[23] Sur le temple d’Apollon à Syracuse avec l’inscription, voyez Philologus, XXII, p. 361. XXVI, p. 567.

[24] Relation sur les découvertes de Cavallari à Himère dans le Giornale di Sicilia (13 giugno 1864).

[25] Voyez SIEFERT, Akragas, p. 31 sqq.

[26] Sur les aqueducs de Syracuse, voyez J. SCHUBRING, Philologus, XXII, p. 577-638.

[27] Sur les noms des graveurs en médailles, nous avons aujourd’hui un travail complet de A. VON SALLET, Künstlerinschriften, Berlin, 1871.

[28] Archäol. Zeitung, 1860, p. 38. Cf. IMHOOF-BLUMER in Benndorf's Metopen von Selinunt, Anhang, p. 10.

[29] STUART POOLE, in Transactions of the Royal Society of Litterat., X, p. 3. BARCLAY V. HEAD, Chronologie Sequence of the coins of Syracuse, London, 1874.

[30] POLLUX, IX, 85. D’après Diodore (XI, 26), on l’avait frappé avec l’or d’une couronne envoyée en présent de Carthage à Démarète. Simonide (fragm., 142 Bergk) parle aussi de χρυσός Δαμαρέτιος (Λαρέτιος d’après MEINEKE, Œdip. Col., p. 316). C’est pour cette raison que BÖCKH (Metrolog. Untersuch., p. 305) avait pris le Démarétion pour une monnaie d’or, équivalant à un demi-statère. Son opinion a été combattue d’abord par le duc DE LUYNES (Revue Numism., 1843) et après lui par TH. MOMMSEN (Geschichte des röm. Münzwesens, p. 70) ainsi que par tous les numismates contemporains, qui placent le Démarétion dans la série des décadrachmes en argent. Cf. HULTSCH, De Demareteo argenteo Syracusanorum nummo, Dresd., 1862, et Verhandl. der Hall. Philologen. versammlung, 1868, p. 40.

[31] DIODORE, XI, 66.

[32] Fin de la tyrannie en Sicile (ARISTOT., Polit., p. 222 (1312 b 12) et 230 (1315 b 38).

[33] DIODORE, XI, 72. Le type de Zeus Eleuthérios n’apparaît sur les monnaies qu’au temps de Timoléon (LEAKE, Numism. Hell. Insul., 79. HEAD, Coins of Syracuse, p. 26 sqq.

[34] DIODORE, XI, 76. On a des monnaies de cette seconde Ætna ou Ætna-Inessa, portant des types catanéens et la légende ΑΙΤΝΑ, ΑΙΤΝΑΙΩΝ (LEAKE, Num. Hellen. Sic., 59).

[35] HEROD., VII, 170. DIODOR., XI, 45, 66. Sur les ex-votos consacrés à Olympie, voyez PAUSAN., V, 26. On considère comme en ayant fait partie deux bathra avec inscriptions dédicatoires (Archäol. Zeitung, XXXVI, p. 138. n. 173. XXXVII, p. 150, n. 300).

[36] DIODORE, XI, 87 sqq.

[37] Sur Corax et Tisias, voyez ARISTOT. ap. CIC., Brutus, 46. Cf. BLASS, Attische Beredsamkeit, p. 18 sqq.

[38] DIOGÈNE LAËRCE, VIII, 54.

[39] Περί Ίταλίας et Σικελιώτις συγγραφή (Fragm. Histor. Græc., I, p. 181), ouvrage utilisé par Thucydide, d’après Wölflin.

[40] DIODORE, XI, 76. SIEFERT, Zankle-Messina, p. 12. Sur la Sicile après l’expulsion des tyrans, voyez DIODORE, ibid.