HISTOIRE GRECQUE

TOME DEUXIÈME

LIVRE TROISIÈME. — DU DÉBUT DES GUERRES MÉDIQUES À LA GUERRE DU PÉLOPONNÈSE.

CHAPITRE PREMIER. — LES GUERRES DE L’INDÉPENDANCE.

 

 

§ IV. — CAMPAGNE DE XERXÈS.

Il s’agissait désormais avant tout, pour les Hellènes confédérés, d’organiser leurs forces militaires et de prendre une décision relativement à la défense du pays. Les États représentés à l’isthme par leurs députés étaient, après Sparte : l’Arcadie, Élis, Corinthe, Sicyone, Épidaure, Phlionte, Trœzène, Mycènes, Tirynthe et Hermione ; puis Athènes, peut-être aussi Mégare, Platée et Thespies. Égine aussi faisait alors cause commune avec eux. Toutes les tentatives d’entraîner d’autres États dans leur alliance avaient échoué. Les soixante trirèmes des Corcyréens, dont le concours avait été promis, demeurèrent sous de vains prétextes dans la mer occidentale[1] ; et les tyrans de Syracuse, qui auraient pu fournir aux confédérés le contingent le plus considérable, avaient trop d’orgueil pour prendre part à une guerre dont Sparte avait la direction[2]. D’ailleurs, ils étaient obligés de ne pas disperser leurs troupes pour tenir en respect les Carthaginois. En Grèce, Argos et Thèbes s’étaient exclues elles-mêmes de la Ligue : Argos attendant avec une joie maligne l’humiliation qui allait être infligée à Sparte, Thèbes épiant la chute d’Athènes. Dans ces deux villes, le gouvernement mettait tout son zèle à comprimer les tendances nationales.

Mais, dans aucun pays, les esprits n’étaient plus partagés et les rapports plus tendus qu’en Thessalie. Les Aleuades agissaient en apparence au nom de tout le pays, mais ils n’étaient rien moins que les organes du peuple ; leur dessein était, bien au contraire, d’étouffer avec l’aide des Perses le mouvement démocratique qu’ils ne pouvaient maîtriser seul. Ceux qui, parmi les Thessaliens, aspiraient à la liberté étaient donc intéressés à la guerre de la manière la plus immédiate. Ils envoyèrent des députés à l’isthme, déclarèrent entrer dans la confédération, et demandèrent qu’on les aidât à défendre leurs frontières.

Il était impossible d’éconduire ces hommes ; défendre les portes de l’Hellade était un devoir sacré et amphictyonique. Le défilé de Tempé était d’ailleurs le lieu où l’on pouvait le plus facilement résister avec succès à une armée supérieure en nombre. Mais, traverser la Béotie n’était pas sans danger. C’est pourquoi l’on fit pour la première fois usage de la flotte athénienne. Dix mille guerriers qui se trouvaient réunis à l’isthme furent embarqués sous le commandement en chef du général spartiate Evænétos et de Thémistocle : ils furent conduits par l’Euripe dans la Thessalie méridionale ; de là, réunis aux auxiliaires thessaliens, ils se rendirent à leur poste dans la vallée de Tempé[3].

Mais la joyeuse ardeur avec laquelle cette vaillante armée avait occupé la vallée, et l’espoir qui l’animait de voir de nouveau la Grèce s’étendre libre et unie jusqu’au sommet de l’Olympe, ne se maintinrent pas longtemps. On apprit qu’un défilé supérieur était praticable en été, et un message secret d’Alexandre de Macédoine informa le général qu’on y faisait déjà les préparatifs nécessaires pour le passage des Perses. L’occupation de Tempé devenait dès lors inutile. On se convainquit aussi qu’il serait très facile aux Perses de débarquer des troupes au sud de Tempé et d’attaquer les Grecs par derrière. Enfin, tout le pays qui s’étendait derrière eux était peu sûr. Déjà, les États de la Grèce centrale entamaient des négociations avec les Perses, et le parti dynastique en Thessalie prenait une attitude plus insolente à mesure que les Perses se rapprochaient. Dans ces circonstances, il aurait été insensé de sacrifier inutilement, et pour des alliés douteux, l’élite des troupes helléniques sur ces lointaines frontières. Les Grecs se replièrent donc sur l’isthme par le même chemin, et la conséquence immédiate de cette retraite fut la défection ouverte de toute la Thessalie. Bientôt les habitants des montagnes, les Perrhèbes, les Dolopes, les Ænianes et les Magnètes, ainsi que les Maliens et les Achéens de la Phthiotide, et même les Locriens, dont le territoire venait après, envoyèrent la terre et l’eau au Grand-Roi, qui campait encore dans le sud de la Macédoine.

Ainsi se réduisaient les forces des Grecs. Une prompte retraite avait suivi la première sortie, et ceux même qui restaient fidèles sentaient leur courage défaillir. Thémistocle se montra d’autant plus infatigable, à Athènes aussi bien qu’à l’isthme, payant de sa personne ou faisant agir ses partisans. Parmi ceux-ci, on comptait Timon à Delphes. Lorsque les prédictions funestes de la Pythie eurent augmenté le découragement général, Timon retint les théores qui allaient retourner désespérés à Athènes, et réussit à leur procurer un nouvel oracle, dans lequel brillait au moins une lueur d’espérance. Si tout tombe, avait dit en dernier lieu la Pythie, du moins, les murailles de bois des Cécropides ne tomberont pas[4]. Lorsque les députés rapportèrent cet oracle à Athènes, Thémistocle s’en empara pour prouver à ses concitoyens que les dieux eux-mêmes approuvaient sou plan, et que ces murailles inexpugnables ne désignaient pas autre chose que la flotte. Une circonstance nous montre quelles luttes incessantes il avait à soutenir dans sa ville natale. Lors de l’élection des généraux, qui eut lieu dans l’année la plus décisive de la guerre, Épicycle, orateur populaire d’un caractère pusillanime, osa se porter Candidat à côté de Thémistocle ; sans doute il était soutenu par le parti qui, même en ce moment-là, ne voulait pas qu’on en vînt aux mesures extrêmes. En pareil cas, un homme comme Aristide, fort de la conscience du devoir accompli, eût attendu tranquillement l’issue du vote ; Thémistocle, qui voyait tout l’avenir en jeu, ne se fit aucun scrupule d’acheter à prix d’or le désistement volontaire de son concurrent[5]

Dans le conseil, Thémistocle insista pour qu’on fit une seconde campagne contre l’ennemi, afin de lui fermer l’intérieur du pays. Le choix du poste à occuper ne pouvait être douteux, car il n’y avait qu’un seul chemin qui de la Thessalie conduisît en Grèce, celui qui longeait le golfe Maliaque. Au sud du Sperchios, la côte de ce golfe est resserrée de plus en plus par les contreforts de l’Œta, d’abord par les montagnes trachiniennes, puis par le Callidromos, de sorte qu’à la fin il ne reste plus qu’un étroit chemin entre la montagne et la mer. Du pied du Callidromos jaillissent en abondance des sources chaudes qui ont recouvert le rocher d’une croûte sulfureuse. C’est ce qu’on appelait les « Portes-Chaudes » de la Grèce, les Thermopyles ; en effet, comme une porte resserrée, ce passage conduit du territoire des Maliens dans celui des Locriens, et de là dans la Grèce centrale.

Les ennemis ne pouvaient éviter ce passage. Si l’armée de terre voulait rester dans le voisinage de la flotte. Tout près du défilé se trouvait l’antique sanctuaire fédéral de Déméter, où les députés des Amphictyons venaient, deux fois par an, faire des sacrifices solennels au nom de tout le peuple ; la religion faisait donc aussi aux Grecs une obligation de défendre ce lieu sacré. D’ailleurs, on ne pouvait trouver une position plus favorable à la défense : car on avait, pour s’appuyer à gauche, des pentes inaccessibles ; couvertes d’une épaisse végétation de chênes et de sapins, à droite, le rivage de la mer. De plus, la mer à cet endroit n’est pas une mer ouverte, mais un étroit chenal entre le continent et l’Eubée, une passe qui conduit dans les eaux méridionales. La flotte grecque pouvait donc, tout en barrant à la flotte perse l’entrée du canal, protéger aussi le liane de l’armée de terre et empêcher une descente de l’ennemi. Enfin, les Thermopyles étaient encore fortifiées par des murailles que les Phocidiens avaient élevées en travers de la plaine. Ceux-ci, en effet, habitant le Callidromos, s’étaient trouvés souvent dans la nécessité de défendre ces passages contre leurs ennemis héréditaires, les Thessaliens[6] ; depuis la défection de ces derniers, ils s’étaient ralliés avec plus d’ardeur encore à la cause nationale. Il ne fallait pas laisser refroidir ce zèle sans en profiter. Si l’on ne défendait pas les Thermopyles, tout, le pays situé au nord de l’isthme devenait la proie des ennemis.

C’était le cas où jamais pour les Spartiates de se mettre avec énergie à la tête de l’Hellade. Mais, cette fois encore, ils se montrèrent lents et insouciants. On consentit à envoyer aux Thermopyles Léonidas, qui, après la mort de Doriens, avait. succédé à Cléomène sur le trône de Sparte ; mais il n’emmenait avec lui que 300 Spartiates. Le gros de l’armée resta dans ses foyers ; et, tandis que la religion de leurs pères ne connaissait pas de devoir plus saint que de défendre la patrie et ses temples contre les envahisseurs, ils se retranchèrent de nouveau derrière des scrupules religieux, et déclarèrent qu’il ne leur était pas permis d’envoyer leur armée hors du pays pendant la fête Carnéenne. Les Péloponnésiens étaient d’accord pour approuver ce délai, car la fête d’Olympie devait commencer à la pleine lune suivante[7]. Il ne se trouva pour se joindre aux Spartiates que 1000 hoplites de Tégée et de Mantinée ; le reste de l’Arcadie, à l’exception d’Orchoménos qui voulut fournir à elle seule un contingent de 120 hommes, en envoya 1000 aussi ; 400 hommes vinrent de Corinthe, 200 de Phlionte, 80 de Mycènes ; 700 hoplites de Thespies et 400 Thébains les rejoignirent. Ces derniers étaient des otages qu’on s’était fait livrer par Thèbes, pour être sûr que cet État, dont le penchant à la défection n’était un secret pour personne, ne tenterait aucun acte hostile sur les derrières de l’armée[8].

L’expédition de Léonidas, sa personne, son attitude énergique, firent la meilleure impression. Les Locriens reprirent confiance, les Phocidiens fournirent des renforts ; on fit annoncer que ce n’était là que l’avant-garde de l’armée du Péloponnèse. On voyait donc enfin un roi de Lacédémone se mettre au premier rang des guerriers de l’Hellade, pour défendre, entouré des plus vaillants de la nation, le seuil sacré de la patrie. Léonidas prit ses mesures avec circonspection ; en bas, le mur fut restauré, et il fit occuper par les Phocidiens un sentier escarpé qui coupait la montagne appelée Anopæa. Il espérait aussi réussir à fermer le passage. Dans la pleine conscience de sa grande responsabilité, il attendit l’arrivée des Perses, qui avaient traversé sans accident le riche bassin du Pénée et qui, partis de Pagase, s’avançaient le long de la côte.

Xerxès, ayant passé le Sperchios, se dirigea vers le défilé et vint camper près de l’ancienne Trachis, à l’endroit où l’Asopos s’échappe des rochers trachiniens qui entourent de leur majestueux hémicycle le côté sud du golfe. Les deux camps n’étaient qu’à une heure de distance l’un de l’autre ; entre eux coulaient les sources thermales. Xerxès, ne voulant pas verser de sang inutilement, attendait que les Grecs se retirassent, ainsi qu’ils l’avaient fait à Tempé. Mais ils n’en firent rien ; ils s’avançaient même en dehors du rempart, se préparant au combat par des exercices de gymnastique et parant leur longue chevelure comme pour une fête.

Le cinquième jour enfin, Xerxès fit avancer des troupes pour punir ces hommes de leurs bravades insolentes. Deux jours durant on combattit du matin au soir sur cette petite plage. Toujours remplacés par de nouveaux combattants, les Mèdes, dont les premiers rangs étaient poussés en avant par les masses qui se pressaient derrière eux, venaient successivement chercher une mort certaine. On eût dit des assaillants devant la porte d’une forteresse ; car ils étaient sans défense contre les lances grecques dont tous les coups portaient, tandis que leurs traits rebondissaient sur les armures d’airain. Les troupes furent repoussées à plusieurs reprises, et Xerxès, qui de la hauteur assistait au combat, voyait le sang de ses meilleurs guerriers couler à flots sur le chemin. C’est en vain qu’on aurait lancé des masses nouvelles : il fallait songer à tourner le passage, et il ne manquait pour cela ni de chemins ni de guides.

Le Malien Éphialte s’offrit à conduire un détachement de Perses à travers les hauteurs qui dominent le défilé. Vers le soir, ils quittèrent le ravin de l’Asopos et montèrent à travers les forêts de chênes ; au point du jour, ils atteignaient le sommet. Le calme de l’heure matinale favorisait leur marche : les Phocidiens dormaient : ils ne s’éveillèrent qu’au bruit des pas de l’ennemi. Hors d’état d’improviser une résistance vigoureuse, ils vidèrent la place et se retirèrent sur le sommet du Callidromos, croyant l’attaque dirigée contre eux : mais les Perses ne songèrent pas à s’arrêter pour les combattre ; ils se Mitèrent de redescendre pour tomber sur les derrières des Spartiates.

Ceux-ci ne tardèrent pas à apprendre ce qui se passait. La position était perdue, et cela par la faute des Phocidiens, qui avaient négligé de placer des sentinelles. Hydarnès était encore dans la montagne : la retraite était possible encore. Mais Léonidas ne pouvait hésiter sur ce qu’if avait à faire, car il avait été envoyé là non pas comme général, ayant droit de modifier son plan de campagne d’après les circonstances et selon son propre jugement, mais simplement pour garder le défilé[9]. Si justes que fussent ses motifs d’en vouloir aux Spartiates qui l’abandonnaient ainsi, rester à son poste n’était pour lui que l’accomplissement de son devoir de citoyen, devoir qui pour tout vrai Spartiate était devenu une seconde nature.

Pour éviter une inutile effusion de sang, il congédia les autres contingents. Les Thespiens et les Thébains demeurèrent ; les premiers unis par un héroïsme unanimement apprécié et d’autant plus admirable qu’aucune obligation extérieure ne les enchaînait à cette place ; les autres, d’après Hérodote, furent retenus par Léonidas. Il savait que, s’ils survivaient à cette journée, ils ne serviraient qu’à grossir les rangs des Perses.

Aussitôt après le départ des alliés, la retraite fut coupée et des deux côtés s’avançaient menaçantes des multitudes innombrables. Vers dix heures du matin, la petite troupe des Grecs se-rangea pour le combat suprême. Léonidas les conduisit d’abord au milieu de l’ennemi, pour leur donner l’occasion de vendre chèrement leur vie ; puis, lorsqu’ils furent fatigués de combattre et que leurs lances commencèrent à se briser l’une après l’autre, ils se replièrent sur une petite colline qui s’élève à quelque trente pieds de, hauteur, tout près des sources, du côté du midi. C’est là qu’ils tombèrent l’un après l’autre, unis comme des frères, sous les traits des Mèdes. Leur sacrifice ne fut point inutile ; ce fut pour les Hellènes un modèle à suivre, pour les Spartiates un stimulant à la vengeance, pour les Perses un exemple de la valeur hellénique, exemple dont l’impression ne s’effaça plus. Leur tombe devint un monument impérissable du civisme héroïque qui se voue à une mort certaine plutôt que de manquer au serment ou au devoir[10], un champ d’honneur pour Sparte, mais en même temps un reproche sanglant pour ses magistrats, qui réussissaient, il est vrai, à élever des citoyens, niais qui ne savaient pas tirer parti de leur énergie pour vaincre.

Dans l’intervalle, les premières rencontres des Perses et des Grecs avaient aussi eu lieu sur mer. Onze jours après le départ de Xerxès, la flotte des Perses était sortie du golfe Thermaïque pour appuyer les opérations de l’armée de terre. Mais sa route offrait plus de dangers que celle que suivaient les troupes à travers les belles campagnes de la Thessalie. Elle devait longer la base du Pélion, une côte semée d’écueils et exposée au nord-est ; aussi, avant d’avoir pu atteindre les eaux plus tranquilles de l’Eubée, elle fut rudement assaillie par les tempêtes de l’Hellespont. Les petites baies formées par les rochers de la presqu’île de Magnésia ne pouvaient fournir un abri à un si grand nombre de navires. Après avoir subi de grandes pertes en vaisseaux et en hommes, la flotte réussit enfin à doubler la pointe méridionale de la presqu’île et atteignit, quatre jours après, l’entrée du golfe de Pagase[11], la rade d’Aphètes, d’où elle vit se dérouler en face d’elle la large côte septentrionale de l’Eubée, appelée, à cause d’un sanctuaire d’Artémis élevé dans ces parages, l’Artémision[12] : ce fut là aussi qu’elle aperçut les premiers vaisseaux grecs. C’étaient les 271 trirèmes qui, sous le commandement du Spartiate Eurybiade, gardaient l’Artémision, ce poste avancé de la Grèce centrale, et le canal de l’Euripe. Pour établir les communications avec l’armée de terre, ils avaient placé un vaisseau en sentinelle au promontoire Artémision et un autre aux Thermopyles. Un partisan de Thémistocle, l’Athénien Abronichos, commandait ce dernier.

Les commandants des vaisseaux grecs flottaient dans de déplorables indécisions, et Thémistocle avait une peine infinie à maintenir réunie la flotte de l’Euripe. Lorsque des nouvelles favorables arrivaient de la côte de Thessalie, on hasardait des sorties audacieuses ; puis, tout le monde revenait en hâte se réfugier dans le détroit et, l’angoisse au cœur, poussait à la retraite. L’Eubée elle-même courait un danger immédiat. C’est pourquoi les cités de l’île s’adressèrent à Thémistocle : elles envoyèrent trente talents, et, par un emploi habile de cette somme, le général athénien réussit à retenir les Spartiates et les Corinthiens, qui étaient les plus ardents à prêcher le retour dans la patrie. Il sut même profiter de l’impression que la nouvelle du désastre éprouvé sur mer par les Perses avait produite pour encourager la flotte à faire des sorties ; elle resta ferme à son poste lorsque les Perses vinrent prendre position en face d’elle, à une distance de trois lieues. Le courage qu’il avait fallu aux Grecs pour faire aussi bonne contenance fut immédiatement récompensé ; car une escadre de quinze vaisseaux, que la tempête avait rejetés vers le sud, tomba entre leurs mains sans coup férir. Ces premiers prisonniers furent envoyés à l’isthme.

Pendant ce temps, la flotte perse avait réparé ses avaries ; elle se préparait à exécuter son plan et à forcer, malgré les Grecs qui en défendaient l’accès, le passage de l’Euripe, ce détroit qui sépare l’Eubée du continent et qu’on pourrait appeler les Thermopyles maritimes de la Grèce. Lit aussi, les Perses songèrent à tirer parti de leur supériorité numérique pour tourner la position. Dans ce but, 200 vaisseaux furent détachés pour faire le tour de l’Eubée et aller occuper l’entrée du canal du côté du sud, de manière à enfermer les Grecs dans l’Euripe. Afin de masquer ce dessein, les vaisseaux reçurent l’ordre de faire un grand détour et de passer en dehors de Sciathos, comme s’ils voulaient reprendre la route de l’Hellespont. Mais les Grecs furent instruits de cette manœuvre, et, pensant avoir là l’occasion de tenter le combat avec un détachement qui n’aurait pas sur eux une grande supériorité numérique, ils décidèrent que, la nuit suivante, ils poursuivraient les vaisseaux du côté de Sciathos. Mais, comme pendant toute la journée l’ennemi ne tenta aucune attaque, ils s’enhardirent et, à la nuit tombante, ils s’élancèrent sur le gros de la flotte. Les Perses cinglèrent vers la haute mer pour cerner l’audacieuse escadre ; mais les vaisseaux grecs surent si habilement se former en cercle d’abord, puis assaillir l’ennemi d’un brusque élan, qu’ils capturèrent trente bâtiments. Ce fut Lycomède d’Athènes qui s’empara du premier vaisseau perse ; un vaisseau de Lemnos passa aux confédérés.

Les dieux eux-mêmes se montrèrent amis des braves, car la nuit suivante fut une nuit de tempête et de pluie comme on n’en voit que rarement à cette époque de l’année. Le désordre se mit de nouveau dans la flotte ralliée à Aphètes ; quant aux deux cents navires envoyés en pleine mer, ils furent complètement anéantis dans cette même nuit, au moment où ils s’apprêtaient à contourner l’Eubée. Les Grecs, par contre, reçurent un renfort de trirèmes attiques ; ils recommencèrent l’attaque le lendemain, également à une heure avancée, parce qu’ils ne voulaient pas livrer une bataille proprement dite. Ils eurent affaire cette fois aux vaisseaux ciliciens, et, après avoir vaillamment combattu, ils regagnèrent la côte d’Artémision.

Les Perses comprirent qu’il ne fallait pas permettre aux Grecs de prendre une troisième fois l’offensive. An milieu du jour ils s’avancèrent donc, formés en croissant, pour enfermer les Grecs entre eux et la côte. Cette disposition n’était pas heureuse, car, au centre de la ligne d’attaque, les vaisseaux, gênés dans leurs mouvements, s’embarrassaient et s’endommageaient les uns les autres. Les Grecs, et particulièrement les Athéniens, qui étaient toujours au premier rang, purent d’autant plus facilement, en leur portant des coups droits, leur causer de grandes avaries. La nuit mit fin à ce troisième combat qu’on peut déjà appeler une bataille navale.

Si les Grecs n’étaient pas vaincus, ils avaient néanmoins éprouvé des pertes sérieuses. Dix-neuf vaisseaux athéniens étaient hors de combat ; cinq autres, qui s’étaient avancés imprudemment, avaient été pris par les Égyptiens. Fallait-il continuer à combattre dans les mêmes conditions ? Thémistocle lui-même ne le jugeait pas prudent, caries Grecs avaient encore trop peu de chances de leur côté pour risquer en pleine mer une bataille décisive. Mais ces trois journées de combat ne furent pas perdues. On avait fait là des expériences d’une valeur incalculable ; la première frayeur avait été surmontée ; on avait exécuté avec plein succès, au milieu d’un combat sérieux, les mouvements stratégiques auxquels on s’était exercé pendant des années ; la flotte nationale avait reçu le baptême du sang ; elle préludait ainsi aux batailles navales qui allaient être pour les Hellènes autant de triomphes.

Pendant que les chefs de la flotte étaient encore à délibérer ensemble, arriva la fatale nouvelle des Thermopyles ; elle mit fin à toute hésitation. Il n’y avait plus de temps à perdre ; ils fallait protéger les côtes de la Grèce. Les Corinthiens formant la tête, les Athéniens l’arrière-garde, la petite flotte longea ]es rivages de l’Euripe. Ce qui put être emmené des troupeaux de l’Eubée fut embarqué sur les vaisseaux. Quant aux malheureux habitants, qui voyaient leur île perdue malgré les sacrifices pécuniaires qu’ils avaient faits pour elle, on en prit à bord le plus possible. Afin de gagner à la cause nationale les Grecs qui se trouvaient dans la flotte ennemie, Thémistocle, fit placer à tous les endroits où les Perses devaient faire de l’eau un avis en grec, destiné à rappeler ses compatriotes à leur devoir envers la mère-patrie[13].

La mort de Léonidas eut les conséquences les plus importantes. En effet, le deuxième plan de campagne n’avait pas eu plus de succès que le premier. Les lieux les plus sacrés du pays, les Thermopyles et Delphes, étaient abandonnés à l’ennemi. Les villes de la Doride, de la Phocide, de la Locride et de l’Eubée étaient perdues, celles qui hésitaient aussi bien que celles qui étaient demeurées fidèles, et Thèbes allait devenir le quartier-général des Barbares. L’Attique était sans défense, et s’il est vrai qu’au fond le plus ardent désir des Spartiates fût d’arriver à faire considérer le Péloponnèse comme le seul reste de la Grèce libre, ils touchaient au but de leur déloyale politique.

Le combat des Thermopyles n’eut d’autre effet sur Xerxès que d’exaspérer l’irritation qu’il éprouvait. Arrivé si près du but, il pressa ses troupes avec plus d’acharnement encore. Les pertes qu’elles avaient subies furent compensées et au-delà par les auxiliaires grecs qui vinrent les joindre. Les Thessaliens étaient enchantés de pouvoir tirer vengeance des Phocidiens qu’ils détestaient et qui, dans un élan de noble fierté, avaient refusé d’acheter leur médiation. Lorsque l’armée ennemie pénétra dans les défilés de Hyampolis et d’Élatée et inonda la Phocide, les habitants se refugièrent avec tout leur avoir sur les sommets et dans les cavernes du Parnasse, tandis que les Perses, conduits par les Thessaliens, dévastaient la vallée du Céphise[14]. Un détachement marcha sur Delphes ; mais le sanctuaire ne fut ni détruit ni pillé. Les dieux eux-mêmes étaient intervenus et avaient épouvanté les ennemis par des intempéries et des éboulements de rochers[15] : c’est là du moins ce que racontaient les prêtres ; mais il est probable qu’ils avaient réussi à sauver leur temple par d’habiles négociations avec les Perses. Alexandre de Macédoine occupa les petites villes de la Béotie pour le compte du Grand-Roi[16]. L’anxiété et la terreur marchaient devant les Perses, qui se concentraient en masse compacte sur les frontières de l’Attique.

Il n’était plus temps d’occuper les défilés de l’Attique : défendre l’acropole eût été une tentative puérile. Le moment était donc venu d’exécuter le plan que Thémistocle ne perdait pas de vue depuis dix ans. La flotte devait, comme une arche de salut, servir de refuge aux citoyens. Il fallait livrer la ville et le pays pour sauver l’État.

Pour diriger l’exécution de pareilles mesures, il fallait une autorité officielle investie de pouvoirs extraordinaires ; car il ne pouvait plus être question d’assemblées du peuple pour délibérer ou rendre des décrets. L’Aréopage reçut les pouvoirs nécessaires. Il ordonna et dirigea l’évacuation du pays, rembarquement et l’approvisionnement du peuple ; afin qu’aucun des :habitants valides ne fût tenté de chercher son salut ailleurs, il fit distribuer un présent de huit drachmes (7 fr. 85) à tous les citoyens pauvres qui montèrent à bord des trirèmes[17]. Les prêtres, de leur côté, firent tous leurs efforts pour persuader au peuple que, même hors d’Athènes, ses dieux ne l’abandonnaient pas. D’accord avec Thémistocle, ils annoncèrent que le serpent sacré de l’acropole avait disparu de la citadelle et qu’Athéna elle-même, avec Érichthonios qui était comme le gage de sa protection, s’était transportée sur les navires ; les citoyens pouvaient donc se l’assurer et la suivre avec confiance[18].

Malgré tous ces encouragements, ce fut un jour de lamentations et de terreur que celui où, chargés de tout ce qu’ils pouvaient transporter de leurs biens, les Athéniens se dirigèrent vers le rivage, disant adieu à leurs foyers, incertains s’ils reverraient jamais leur patrie. Beaucoup d’entre eux se rendirent à Salamine, qu’un bac reliait avec l’Attique, d’autres à Égine, d’autres encore dans le Péloponnèse, principalement à Trœzène. Salamine devint donc l’acropole de l’Attique ; c’est là qu’était le siège de l’Aréopage, là que fut rendu le décret qui rouvrait les portes de la patrie à tous les bannis. Aucun Athénien ne devait être empêché dans un pareil moment de prouver sa fidélité à sa ville natale. Cette décision fut prise surtout en vue d’Aristide. On voulait montrer par là qu’il ne pouvait plus être question de partis dans l’État. L’union et la fraternité se manifestèrent plus vivantes que jamais en dehors même des limites de la cité. Les habitants de Trœzène donnèrent l’hospitalité aux vieillards et aux femmes d’Athènes ; ils accordèrent. à tous les indigents l’entretien aux frais de l’État, permirent aux enfants de récolter les fruits des champs et des jardins, et se chargèrent de payer des maîtres pour instruire les jeunes garçons.

La mer de Salamine fut le point de ralliement de la flotte qui avait tenu tête à l’ennemi devant Artémision. C’est là que se dirigèrent les Athéniens pour protéger leurs côtes, les Éginètes pour être à portée de leur île, les Péloponnésiens pour appuyer les troupes qui défendaient les défilés de l’isthme. Dans l’intervalle, une nouvelle flotte s’était rassemblée dans la rade de Trœzène ; elle vint aussi les rejoindre. D’après Hérodote, le nombre des trirèmes réunies était de 378. Les Athéniens formaient le noyau de cette armée navale ; leurs vaisseaux étaient aussi nombreux que ceux de tous les autres ensemble ; sans eux, il n’y avait pas de bataille possible.

Les Perses avaient suivi les vaisseaux grecs par le canal de Euripe ; au moment où l’armée de terre pénétrait dans l’Attique, leur flotte jetait l’ancre devant la plage de Phalère ; après toutes les pertes qu’elle avait essuyées, elle comptait encore plus de mille voiles. Les deux flottes se trouvaient donc pour la seconde fois en présence, et tout dépendait des décisions qui allaient être prises dans les deux quartiers-généraux.

Xerxès réunit son conseil en séance solennelle sur les grèves de la baie de Phalère. Au premier rang siégeait le roi de Sidon, puis celui de Tyr, puis, rangés d’après l’étiquette la plus sévère, les princes de l’empire et les autres chefs de l’armée et de la flotte[19]. Rempli d’orgueil à la vue des forces qu’il avait su réunir au cœur du pays ennemi, s’attendant à chaque instant à la prise de l’acropole, le Grand-Roi mit en discussion le plan de campagne à suivre, et envoya Mardonius recueillir les avis à la ronde. Tous savaient que le roi comptait sur une victoire certaine, et personne n’osa déconseiller une bataille navale. Seule, Artémise, la prudente reine d’Halicarnasse, déclara avec franchise qu’il n’y avait qu’un plan de campagne raisonnable : c’était de marcher sur l’isthme par la route de terre ; de cette façon, la flotte ennemie se disperserait sans combat, et on en aurait fini, une fois pour toutes, avec la résistance. Cette opinion était d’une justesse si incontestable qu’il est difficile de s’expliquer l’aveuglement des Perses : en effet, ils allaient s’engager de leur plein gré, avec une flotte si lourde à manœuvrer, dans les eaux les plus dangereuses que pût leur offrir la mer Égée. Mais Xerxès ne pensait même pas avoir à combattre la flotte ennemie : il comptait l’anéantir au premier choc ; et peut-être le bassin resserré de la mer de Salamine, que le regard embrasse aisément, lui paraissait-il un théâtre admirablement choisi pour assister en personne à ce spectacle.

L’île de Salamine est un rocher de forme allongée, au contour merveilleusement découpé ; du côté du sud, elle s’étend sur une bonne longueur dans la mer d’Égine, tandis que sa partie septentrionale s’engage si avant entre les côtes montagneuses de l’Attique et de la Mégaride qu’elle fait du golfe d’Éleusis une sorte de mer intérieure ; deux détroits resserrés donnent accès dans cette baie ; l’un longe la côte de la Mégaride, l’autre, qui commence au Pirée, est tellement rétréci par des promontoires, des écueils et des îlots qu’il n’offre guère à son entrée que sept stades de largeur. Grâce à cette disposition, ce golfe abrité forme une excellente rade aux eaux profondes. En face des montagnes de l’Attique se creuse sur le rivage de l’île une baie semi-circulaire, bordée d’une plage unie et basse, au-dessous de la ville de Salamine bâtie sur l’isthme qui relie les deux moitiés de l’île. C’est là que s’étaient arrêtés les vaisseaux grecs. C’est là qu’allait être décidé dans quels lieux et par quels moyens on défendrait ce qui restait encore de la Grèce libre. Son sort dépendait d’une résolution prompte et unanime ; et cependant, jamais le conseil de guerre des confédérés ne fut plus divisé et plus indécis.

Aucun de ses membres ne se trouvait dans une position plus fâcheuse qu’Eurybiade, le général en chef des alliés. Sparte le laissait sans instructions d’aucune sorte ; de plus, c’était un homme d’un caractère faible et incapable d’avoir sur la situation une opinion personnelle. A côté de lui, il y avait d’une part Thémistocle, dont l’irrésistible ascendant lui était antipathique et dont l’insistance l’inquiétait ; de l’autre, Adimantos de Corinthe.

La position des Corinthiens vis-à-vis d’Athènes avait complètement changé. Avant la bataille de Marathon, ils avaient été ses alliés les plus actifs, parce qu’ils voyaient en elle un contrepoids à la puissance de Sparte, une garantie d’indépendance pour les États moyens, et qu’elle avait puissamment coopéré à l’abaissement d’Égine. Mais lorsqu’Athènes, sous l’habile direction de Thémistocle, fut devenue en peu d’années la première puissance maritime, les choses changèrent tout à fait. Athènes devint pour Corinthe l’État le plus redoutable, et Thémistocle, l’homme le plus détesté. Aussi Adimantos était-il son adversaire déclaré, et, bien qu’il dût reconnaître mieux que personne les chances de succès qu’offrait un combat naval à Salamine, il se mit à la tête du parti qui opinait pour la retraite. La frayeur des Péloponnésiens, l’imprévoyance et l’égoïsme de Sparte., secondèrent ‘ses desseins ; il leur représenta le cas où la bataille aurait une issue fâcheuse : ils seraient tous perdus infailliblement, et, serrés de près de tous les côtés, ils n’auraient plus qu’à attendre une mort certaine. Déjà le ban et l’arrière-ban des Péloponnésiens, qui s’étaient mis en route à la nouvelle de la mort de Léonidas, était réuni à l’isthme. On travaillait jour et nuit à y élever une muraille, tandis qu’un autre détachement s’occupait à combler le passage des roches scironiennes[20]. C’était donc à l’isthme qu’était la porte de l’Hellade proprement dite.

Pendant la délibération, on annonça la prise de l’acropole d’Athènes. Les Perses, placés sur la colline de l’Aréopage, avaient d’abord fait pleuvoir sur elle des traits enflammés, puis ils l’avaient escaladée du côté du nord par un sentier secret. La vaillante troupe qui n’avait pas voulu livrer les sanctuaires de ses pères fut massacrée au pied des autels et dans les temples, et toute l’acropole dévastée par le fer et le feu[21] C’étaient-là des actes d’un fanatisme sauvage et tels que ne les mit pas soufferts le cœur plus noble de Darius.

Bien que ce désastre inévitable ne pût exercer une influence décisive sur la marche des événements, il n’en produisit pas moins un grand effet. Une partie des triérarques coururent en hâte pour préparer le départ, ceux qui restèrent votèrent avec Corinthe. L’assemblée se sépara à la nuit, et Thémistocle regagna son vaisseau, découragé et lassé pal’ tant de vains efforts. A ce moment entra chez lui Mnésiphilos, son vieil ami, qui l’aimait d’une tendresse paternelle. C’est dans la société de Solon que s’étaient formées les vues politiques du vieillard et qu’il avait puisé sa foi dans la grandeur future d’Athènes. Esprit philosophique, dénué d’ambition, il n’avait pas, à ce qu’il semble, recherché une situation éminente dans l’État ; mais, par ses conseils et sou enseignement, il avait acquis une grande autorité sur la jeunesse et en particulier sur Thémistocle. Il maintenait vivantes autour de lui les idées de Solon sur le développement de sa ville natale, et formait ainsi le lien entre la vieille génération et la nouvelle. A cette heure décisive, il intervint directement dans le cours des événements. Il s’informa de ce qui s’était passé au conseil, et, lorsqu’il apprit que la retraite était décidée, il dit à Thémistocle : S’il en est ainsi, tu ne combattras plus pour une patrie[22].

Cette parole porta coup. L’irrévocable opportunité du moment présent s’imposa avec une évidence nouvelle à l’esprit de Thémistocle et ne lui laissa plus de répit ; sans tarder davantage, il sauta de nouveau dans sa barque et se fit conduire au vaisseau du général spartiate. Il se trouvait cette fois seul en présence d’Eurybiade ; il lui démontra que c’était renoncer à toute espèce de combat naval. Les Éginètes et les Mégariens, pas plus que les Athéniens, n’iraient reprendre position derrière Salamine. Pouvait-il, lui, le général en chef, laisser se disperser sans gloire l’imposante escadre qui lui était confiée ?

Eurybiade rappelle les généraux au conseil, et Thémistocle prend pour leur exposer son avis le ton le plus doux et le plus insinuant : Mégare et Égine l’approuvent. L’irritation d’Adimantos redouble : Thémistocle, dit-il d’un ton méprisant, n’a pas même le droit de prendre ici la parole, lui, un homme qui n’a plus ni patrie, ni cité. Voici Athènes, lui répondit Thémistocle en montrant les 200 trirèmes ; et, bien qu’elle n’ait plus ni maisons ni territoire, elle est encore plus puissante que vous tous. Il dévoile alors sans ménagement la malveillance de Corinthe, la joie maligne qu’elle éprouve d’assister au désastre d’une ville confédérée ; puis, s’adressant en termes brefs et résolus à Eurybiade, il le somme de choisir entre l’honneur et la honte. Nous autres Athéniens, dit-il en terminant, nous ne retournerons pas à l’isthme. Si vous ne voulez pas combattre, eh bien ! nous partirons avec tous nos vaisseaux, et nous irons en Italie fonder une nouvelle Athènes. Quant à vous, vous verrez si vous pourrez défendre votre pays sans nous !

L’attitude énergique de Thémistocle ne manqua pas son effet ; car, si les Athéniens faisaient défection, toute résistance devenait impossible. Vers le matin, il fut donc décidé qu’on tiendrait bon. Au point du jour, on vit la flotte ennemie quitter la rade de Phalère pour venir se ranger le long de la côte d’Éleusis en face des Grecs. En même temps les fantassins, les cavaliers et les chariots des Perses descendirent vers le rivage. De quelque côté que le regard se portât, la terre et la mer étaient couvertes à perte de vue d’ennemis qui s’avançaient comme des nuées d’orage autour du petit groupe formé par les Grecs. Bientôt il n’y eut plus de retraite possible, et plus d’autre refuge que les rochers nus de file encombrée déjà de fugitifs désolés.

Encore une fois, les Grecs perdirent courage. Les Péloponnésiens voyaient déjà l’ennemi marchant sur l’isthme[23], et prêt à attaquer leur patrie qu’ils avaient abandonnée ; ils se sentaient sacrifiés inutilement, et cela pour les Athéniens qui étaient eux-mêmes déjà perdus. Le découragement dégénéra bientôt en murmures et en résistance ouverte, et Thémistocle ne vit désormais qu’une chance de salut : contraindre les Grecs à se défendre. Il résolut donc d’entrer en négociations avec le roi de Perse. Il lui fit savoir — et ceci était conforme à la vérité — que les Hellènes avaient l’intention de fuir, qu’il ne devait pas négliger une aussi bonne occasion de s’emparer de toute la flotte, mais se hâter d’occuper les issues de l’un et de l’autre côté. Xerxès n’hésita pas à suivre cet avis ; tourner et envelopper l’ennemi, n’était-ce pas le programme constant de la tactique peu inventive du roi des Perses ? A l’entrée de la nuit, on avança l’aile occidentale vers Salamine ; à l’est, on barra la mer vers Munychie, et Psyttalie fut occupée[24].

Telle était la situation pendant que dans le conseil de guerre on discutait toujours, comme si l’on avait encore le choix entre la bataille et la retraite, et que Thémistocle pressait en vain les alliés de se préparer au combat. En ce moment, on vint l’appeler ; Aristide était devant lui. Il était accouru d’Égine, car, dans cette détresse, il ne voulait pas rester éloigné de sa patrie. Il tendit la main à Thémistocle, lui disant que désormais ils ne devaient plus rivaliser que de zèle pour le bien de la patrie. Il lui confia ensuite qu’il n’avait pu arriver qu’à grand’peine jusqu’à la flotte et que tous les abords étaient gardés. Sans s’en douter, il annonçait ainsi à son rival le succès de sa ruse. Thémistocle ravi l’introduit dans le conseil ; il l’invite à faire son rapport. Des transfuges de Ténos sons amenés qui mettent hors de doute le fait d’un blocus complet. On comprit alors qu’il n’y avait plus de choix.

On se hâta de profiter du reste de la nuit pour ranger les vaisseaux en bataille. On plaça les Athéniens à l’ouest, en face des Phéniciens et des Cypriotes, les Péloponnésiens à l’est, en face des Ioniens : au centre étaient les vaisseaux d’Eubée et d’Égine, vis-à-vis des Ciliciens et des Pamphyliens. Les alliés furent rejoints par le vaisseau de Phayllos de Crotone, que ce dernier avait équipé à ses frais : deux vaisseaux de Ténos et de Lemnos, qui avaient déserté la flotte ennemie, vinrent encore s’y ajouter. La position de la flotte était extrêmement favorable, parce que les promontoires du rivage de Salamine la garantissaient du péril d’être tournée et enveloppée.

Tel était l’état des choses lorsque se leva le jour décisif, le 20 septembre (19 Boédromion). C’était pour les Athéniens un jour sacré, car au soir de ce jour commençait la fête d’Iacchos, où l’on portait en grande pompe l’image du dieu à Éleusis, et où toute la baie sainte brillait de l’éclat des flambeaux. Pendant que Thémistocle enflammait les siens pour la lutte décisive, le navire portant les images saintes des Æacides revenait d’Égine. La flamme du sacrifice monta vers le ciel, présage de bonheur justement, on amenait trois prisonniers : l’armée, docile au conseil du voyant Euphrantide, demanda qu’ils fussent sacrifiés aux dieux[25]. L’ardeur guerrière s’exalta jusqu’à la fureur sauvage, et, lorsque les Perses aperçurent leurs adversaires, ils constatèrent, contrairement à leur attente, qu’ils avaient devant eux une armée prête à combattre : les échos de l’île retentissaient du son des trompettes et des chants de guerre.

Des deux côtés on était prêt pour le combat le plus acharné, car les Hellènes n’avaient d’espoir que dans la destruction de l’ennemi, et derrière eux, sur les hauteurs de Salamine, ils pouvaient voir leurs femmes et leurs enfants qu’attendait l’esclavage, s’ils ne remportaient pas une victoire complète. Derrière la flotte des Perses s’élevait, sur la saillie formée par le mont Ægaléos, le trône aux pieds d’argent du Grand-Roi. C’est là qu’il était assis au milieu de son armée, entouré de ses conseillers et de ses scribes, pouvant parcourir de son regard ces eaux, dans le domaine étroit desquelles se pressaient des centaines de milliers de combattants, prêt à accorder sur-le-champ les récompenses les plus brillantes comme à prononcer les peines les plus terribles[26]. Chaque capitaine de vaisseau croyait voir fixé sur lui l’œil du roi : leur amour-propre en était exalté, particulièrement parmi les Ioniens, dont un petit nombre seulement restait de propos délibéré en arrière. Aussi les Perses commencèrent-ils l’attaque sur toute la ligne avec une violence extrême, et les Hellènes battirent en retraite vers Salamine, toutefois dans le plus grand ordre, laissant les proues tournées vers l’ennemi. Peu après, ils avancèrent lentement, les Athéniens et les Éginètes en tête.

Comme dans les batailles homériques, le combat commença par des attaques partielles : les capitaines les plus téméraires se hasardèrent les premiers à avancer et entraînèrent les autres dans la mêlée. Peu à peu la lutte devint générale, et le succès des Grecs se dessina de plus en plus. Car les Barbares, qui se liaient à leur nombre, combattaient sans ordre et sans plan, tandis que les Hellènes, surtout les Éginètes et les Athéniens, se groupaient en escadres compactes. Les vaisseaux des Barbares étaient des maisons flottantes remplies de troupes ; pour les Grecs, le vaisseau était lui-même une arme qu’ils savaient lancer contre l’ennemi avec une force irrésistible. Leur courage croissait à chaque coup qui coulait un navire ennemi, à chaque mouvement rasant qui mettait en pièces les rames des adversaires. Vers midi, le vent fraîchit et la mer s’agita, ce qui augmenta la détresse de l’ennemi. Rangés sur trois lignes, leurs lourds bâtiments n’avaient pas le jeu libre ; les navires avariés ne pouvaient reculer pour faire place à d’autres. En outre, les équipages de nationalités diverses se regardaient d’un mil jaloux et défiant. Les Phéniciens accusaient les Ioniens de trahison : les uns faisaient chavirer les autres pour se sauver eux-mêmes. La terreur des Asiatiques était d’au tant plus grande qu’ils regardaient les flots comme leur tombe assurée, tandis que les Grecs, agiles et dispos, tiraient d’autant plus de parti de leur adresse à la lutte corps à corps, au saut, à la nage, que la mêlée était plus compacte. L’amiral Ariabignès, frère du roi, et d’autres hommes considérables, périrent dans la lutte. La flotte perdit sa cohésion, et les vaisseaux, pour échapper à la déroute générale, commencèrent à reculer vers Phalère. Le vent d’ouest favorisait ce mouvement mais dans leur retraite les attendait un nouveau malheur. Car, pendant que les Athéniens poursuivaient les fuyards, une croisière d’Éginètes, postée au dehors, les attaqua de front et leur fit éprouver de grands dommages[27].

Dans un tel désarroi, on n’eut pas le temps de recueillir les troupes qu’on avait débarquées à Psyttalie pour empêcher les Grecs de sortir du golfe. Aristide profita de cette circonstance pour prendre une part active à la journée. Il réunit à la hâte une troupe de citoyens armés, qui assistaient de Salamine à la bataille ; il débarqua avec eux dans l'île, dont les broussailles à ras de terre ne pouvaient servir d’abri aux ennemis effrayés. Ainsi tout le détachement, composé de Perses d’élite, tomba sous le glaive des Athéniens[28]. Deux heures après le coucher du soleil, la lune se leva : sa lumière favorisa la fin de la poursuite et montra aux Grecs le golfe libre d’ennemis, couvert de débris et de cadavres flottants. En reconnaissance de ses services, la déesse de la lune, Artémis Munychia, eut sa fête associée avec l’anniversaire de la victoire[29].

Quelque brillante et incontestable que fût la victoire des Grecs, elle n’avait pas, au fond, été décisive. La marine cime-mie n’était rien moins qu’anéantie. En tout, elle n’avait peut-être pas perdu le quart de ses vaisseaux, et la perte des Grecs n’était pas beaucoup moindre. La proportion des forces respectives n’était pas essentiellement modifiée ; l’armée de terre des ennemis était intacte. Les Grecs devaient donc s’attendre à une reprise des hostilités. Heureusement, leur adversaire n’était pas de ceux qu’une défaite enflamme pour de nouveaux efforts : ce fut, au contraire, la lâcheté personnelle du Grand-Roi qui rendit leur victoire complète. Son orgueil fanfaron, son assurance reposant sur un aveuglement vaniteux, étaient brisés ; il n’avait jamais songé qu’à célébrer des victoires et non à les remporter. Maintenant, sa confiance en ses troupes avait disparu : il craignait la lâcheté des unes, la trahison des autres et, lui qui naguère songeait à fonder un empire sans limites, il se vit tout à coup réduit à trembler pour sa propre sûreté. La pensée d’être enfermé en pays ennemi l’épouvantait, et la crainte d’apprendre la destruction du pont jeté sur l’Hellespont fut chez lui si grande qu’il se décida à un prompt retour[30]. Il désirait pourtant sauvegarder, autant que possible, la dignité royale.

Mardonius lui vint en aide sur ce point. Celui-ci avait tout à craindre pour sa personne, si toutes les forces des Perses reprenaient immédiatement le chemin de l’Asie. C’eût été avouer ouvertement la défaite, et ses adversaires l’eussent rendu responsable de tontes les conséquences d’une guerre malheureuse. Du reste, il n’avait pas encore renoncé à tous les plans de son ambition ; il espérait, s’il restait seul chef de l’armée, atteindre plus sûrement son but, la création d’une satrapie grecque d’Europe. Il conseilla donc an roi de considérer la campagne actuelle comme terminée par la conquête de l’Attique, de retourner en Asie avec la flotte et une partie de ses troupes, mais de le laisser lui-même en Grèce avec le gros de l’armée, afin qu’il pût achever la soumission du continent et l’organisation de sa nouvelle satrapie. De cette façon, disait-il, la personne du Grand-Roi échappait à tout danger[31]. Mais, pour que le départ du roi ne fût pas considéré comme la conséquence immédiate de la bataille de Salamine, on résolut de garder la position qu’on avait prise sur le rivage de l’Attique, et de construire mie digue dans la direction de Salamine, comme si l’on voulait s’emparer de cette île à bout prix[32]. Cependant on préparait tout pour le départ, et la flotte reçut l’ordre de partir pour l’Hellespont.

Les Hellènes la suivirent jusqu’à Andros, où l’on tint un nouveau conseil de guerre. Thémistocle voulait aller droit à l’Hellespont, pour attaquer la flotte en retraite et détruire le pont de bateaux. Il lui semblait que c’était ainsi qu’on devait tirer parti de la victoire de Salamine : c’était, au fond, le même plan que celui de Miltiade, qui avait proposé autrefois de détruire le pont du Danube ; on couperait ainsi la retraite au Grand-Roi, on détruirait toute son armée en pays ennemi, et l’on pourrait dès lors procéder à la délivrance de l’Ionie, qui ne présenterait plus aucune difficulté. Les marins athéniens brûlaient du désir de tirer de Xerxès une éclatante vengeance, et polissaient avec impatience vers l’Hellespont. Cependant, les autres capitaines étaient absolument décidés à ne pas suivre le vol hardi des plans de Thémistocle. Ils trouvèrent que l’entreprise était téméraire et que le succès en était plus que douteux, eu égard aux immenses ressources des pays du nord et aux partisans que Xerxès y comptait. Ils trouvaient absurde de retenir dans leur patrie l’armée fugitive, et de la forcer à une lutte désespérée. Thémistocle dut se rendre : il fit même son possible pour calmer les Athéniens qui voulaient aller seuls en avant. Il les engagea. à se contenter pour le moment du châtiment céleste qui avait frappé la criminelle témérité des ennemis ; au printemps, disait-il, on irait à l’Hellespont et en Ionie. En attendant, on se contenta de rançonner les îles qui s’étaient soumises aux Perses[33]. Sous le prétexte d’exécuter les résolutions prises à l’isthme, Thémistocle donnait déjà clairement à entendre qu’il n’avait pas créé la flotte athénienne seulement pour se défendre contre l’ennemi, mais aussi pour assurer la prépondérance de sa patrie.

Cependant, en Thessalie. l’armée ennemie se divisa. Mardonius, qui en sa qualité de lieutenant de Xerxès avait reçu la tente du roi avec tout son ameublement, garda les dix mille Immortels, le noyau des milices iraniennes, et les meilleurs guerriers des autres corps. Avec le reste de l’armée, Xerxès continua son chemin, sous la conduite de Thorax, et se dirigea en toute hâte vers le pont : Artabaze, à la tête de 50.000 hommes, lui servit d’escorte jusqu’à l’Hellespont. Les difficultés augmentaient de jour en jour : la mauvaise saison survint prématurément, avec des neiges et des froids ; les rivières de la Thrace étaient couvertes d’une glace trompeuse : les populations, voyant que la fortune avait tourné, se montraient peu sûres. Les vivres manquaient souvent, les dispositions les plus nécessaires au salut de l’armée étaient prises avec négligence. La faim et les maladies enlevaient les hommes et les bêtes. C’est ainsi que Xerxès ne put franchir l’Hellespont qu’avec les misérables débris d’une armée en dissolution. Du reste, la tempête avait rompu les ponts, et, même au delà du détroit, beaucoup d’hommes périrent par suite de la fatigue et des privations[34].

La retraite de Xerxès donnait aux Grecs le droit de célébrer vraiment la fête de la Victoire. Les premières trirèmes qui avaient été capturées furent consacrées aux dieux à l’Isthme, à Sounion, à Salamine ; on voua des offrandes à frais communs aux dieux sauveurs à Olympie et à Delphes ; puis, on procéda à la distribution des prix. On devine quel était alors l’état des esprits et quelles susceptibilités étaient en jeu, en voyant que le prix des généraux ne fut pas décerné, quoique jamais le mérite de l’un d’entre eux n’eût été plus incontestable. Le second prix même, que tous les chefs étaient d’accord pour donner à Thémistocle, ne lui fut pas accordé. Le prix de la valeur fut donné aux Éginètes et, après eux seulement, à deux Athéniens[35].

L’envie qui poursuivait Thémistocle était entretenue à Delphes. lin fait fera comprendre l’esprit qui y régnait. Lorsqu’il s’agit plus tard de placer à Delphes les offrandes des vainqueurs, on demanda aux Éginètes une offrande particulière, pour bien les désigner par là comme les vrais vainqueurs de Salamine : on la plaça (c’était un mât de vaisseau en bronze, avec trois étoiles d’or[36]) dans le vestibule, du temple, à côté du cratère de Crésus. Quant aux dons que Thémistocle avait choisis dans sa part du butin, ils furent outrageusement refusés[37]. Sparte ne lui en rendit que plus d’honneurs. Elle le couronna publiquement avec Eurybiade, lui fit don d’un char magnifique, et le fit accompagner par ses trois cents chevaliers jusqu’à la frontière[38]. De tels honneurs n’avaient jamais été rendus à un étranger. Si ces honneurs étaient propres à consoler Thémistocle de l’humiliation éprouvée à l’Isthme, ils ne pouvaient faire une bonne impression sur les Athéniens. Du moins vit-on tout de suite, après la victoire de Salamine, l’influence d’Aristide devenir prédominante. Au printemps, il fut élu général en chef de l’armée avec des pouvoirs extraordinaires, tandis que Xanthippos recevait le commandement supérieur de la flotte[39].

 

 

 



[1] HEROD., VII, 168.

[2] HEROD., VII, 157.

[3] HEROD., VII, 173.

[4] HEROD., VII, 141.

[5] PLUTARCH., Themistocl., 6.

[6] HEROD., VII, 175.

[7] HEROD., VII, 206.

[8] COX (History of Greece, I, p. 501) a des doutes sur l’authenticité de ]a tradition suivie par Hérodote, parce qu’on ne trouve pas d’Athéniens mentionnés parmi les Grecs campés aux Thermopyles : mais on rencontre au même moment, dans la flotte mouillée à l’Artémision, 127 et même 180 vaisseaux athéniens.

[9] On ne peut guère expliquer la mission de Léonidas autrement qu’en admettant que le roi a insisté, contre le gré des autorités, pour marcher, et a fini par prendre les devants avec une troupe d’élite, pour obliger ainsi les autres à sortir enfin de derrière leurs retranchements. Une preuve que les hommes de Léonidas étaient, dès le commencement, prêts à sacrifier leur vie, c’est qu’on choisit, pour composer le bataillon des 300, des hommes qui laissaient chez eux des héritiers (HEROD., VII, 205). Il ne saurait donc être question des chevaliers de Sparte, et on ne peut pas non plus traduire avec Bähr οί κατεστεώτες par justæ ætatis viri. Il est probable que le nombre de 300 était de tradition pour ces sortes d’entreprises, et que le roi choisit librement ses hommes, en tenant compte peut-être des demandes de ceux qui s’offraient comme volontaires (Literat. Cantralblatt, 1867, p. 1167).

[10] Sur les monuments des Thermopyles, voyez Monatsber., 1879, p. 3.

[11] Aujourd’hui le golfe de Volo.

[12] KAIBEL, Epigraph., 46.

[13] Sur les combats d’Artémision, voyez HEROD., VIII, 1-22.

[14] HEROD., VIII, 27-32.

[15] HEROD., VIII, 35-39. CTESIAS, De rebus Persarum, 27. Ctésias croit savoir que cette expédition a réussi, ce qu’on peut rater tout d’abord par un passage d’Hérodote (IX, 42). WECKLEIN (Sitzungsber. der Bair. Akad., 1876, p. 263-268) pense que les Perses ont suivi docilement leurs guides thessaliens et que ceux-ci ne les ont pas conduits à Delphes.

[16] HEROD., VIII, 34.

[17] Cf. ARISTOT., Polit., p. 1204 (p. 201. 5e édit. 1855). PLUT., Themist., 10. SCHÖLL, ad Herod., IX, 5, WACHSMUTH, p. 543.

[18] HEROD., VIII, 41.

[19] HEROD., VIII, 67.

[20] HEROD., VIII, 71.

[21] HEROD., VIII, 53.

[22] HEROD., VIII, 57.

[23] HEROD., VIII, 71.

[24] Un détachement de la flotte perse contourne Salamine par le sud pour prendre position au détroit de Mégare (DIOD., XI, 17. Cf. ÆSCHYL, Pers. 368)

[25] D’après Phanias d’Érésos (ap. PLUT., Themist., 13. Aristid., 9). Euphrantide réclame des sacrifices humains pour Dionysos Omestès.

[26] HEROD., VIII, 90.

[27] Le combat resta limité à la partie orientale du détroit de Salamine : le passage resta libre du côté de Skaramanga. C’est par là que, dit-on, Adimantos s’enfuit avec les Corinthiens jusqu’au Sciradion et, une fois là, revint sur le lieu du combat (HEROD., VIII, 91. H. LOLLING, Mittheil. des Deutschen Archäol. Instit. in Athen, I, p. 135 sqq.). Cf. LÖSCHKE, ap. Jahrbb. für Philol., 1877, p. 25 sqq. A. DU SEIN, Histoire de la marine, Paris, 1879, I, p. 112.

[28] HEROD., VIII, 76. ÆSCHYL., Pers., 1153.

[29] C’est la raison pour laquelle Plutarque, à deux reprises, assigne à la bataille elle-même la date du 16 Munychion. Il y a là une induction fausse, tirée de la date de la fête d’action de grâces. La procession d'Iacchos commençait le 19 Boédromion : à la tombée du jour commençait la nuit sainte sur le rivage d’Éleusis. La bataille eut lieu περί τάς είκάδας, selon l’expression prudente de Plutarque (Camill., 10), par conséquent vers le 20 septembre ; deux jours après la pleine lune (BÖCKH, Mondcyklen, p. 7.1). C’est en ce sens qu’on peut accepter ce que dit ailleurs Plutarque (PLUT., De glor. Athen., 7).

[30] HEROD., VIII, 97.

[31] HEROD., VIII, 100.

[32] HEROD., VIII, 97. D’autres auteurs (STRAB., p. 395. CTESIAS, Pers., 26) mettent la construction de cette digue avant la bataille.

[33] HEROD., VIII, 108-109.

[34] Sur le retour de Xerxès et les anecdotes qui couraient à ce sujet, voyez HEROD., VIII, 117-120.

[35] HEROD., VIII, 124.

[36] Il n’y avait que deux étoiles d’après BÜTTICHER, Tektonik, II, p. 44.

[37] HEROD., VIII. 122. Cf. ÆLIAN, Var. Hist., XII, 10, DIODOR., XI, 27.

[38] HEROD., VIII, 124. PLUT., Themist., 17.

[39] PLUT., Aristid., 11. HEROD., VIII, 131.