LES MÉTÈQUES ATHÉNIENS

LIVRE TROISIÈME. — LES RÉSULTATS DE LA POLITIQUE D'ATHÈNES.

SECTION PREMIÈRE. — NOMBRE ET ORIGINE DES MÉTÈQUES ATHÉNIENS ; LEUR RÉPARTITION DANS LES DÈMES.

Texte mis en page par Marc Szwajcer

 

 

CHAPITRE PREMIER. — DU NOMBRE DES MÉTÈQUES ATHÉNIENS.

§ 1.

La meilleure preuve du succès de la politique suivie par les Athéniens vis-à-vis des métèques est le grand nombre des hommes qui composaient cette classe : tout le monde admet, et il ressort en effet de tous les textes que dans aucune autre ville de la Grèce ancienne les métèques n'ont été aussi nombreux qu'à Athènes.

On a essayé bien des fois de calculer le nombre des métèques, comme celui des citoyens athéniens ; malheureusement on se heurte, pour les calculs de ce genre, à des difficultés de toutes sortes, provenant du petit nombre des textes et de leur incertitude, et aussi de l'ignorance absolue où nous sommes des conditions matérielles de la vie humaine et de sa durée moyenne en Grèce il y a plus de deux mille ans. Nous allons essayer pourtant de refaire ces calculs pour le cinquième et le quatrième siècles, et nous pensons que l'on peut arriver à des résultats satisfaisants, sinon pour le nombre absolu des métèques, du moins pour leur nombre comparé à celui des citoyens, ce qui est en somme le plus intéressant.

Pour le cinquième siècle, nous commencerons par écarter les textes relatifs à la distribution du blé envoyé par Psammétik : ces textes, nous l'avons déjà dit, ne peuvent servir de rien pour calculer la population de l'Attique à cette époque, vu que les 14.000 hommes qui prirent part à la distribution et les 5.000 qui en furent exclus étaient loin de comprendre tous les citoyens et tous les métèques. Il ne nous reste plus alors-que les chiffres fournis par Thucydide dans les différentes énumérations qu'il fait des forces militaires d'Athènes pendant la guerre du Péloponnèse : seulement il n'y est jamais question que des métèques hoplites.

Au début de la guerre, d'après Thucydide,[1] Athènes disposait de 13.000 hoplites, sans compter ceux qui servaient de garnison à la ville, et qui étaient en nombre de 16.000 ; ces derniers se composaient des πρεσβύτατοι, des νεώτατοι et de tous ceux des métèques qui servaient comme hoplites, μετοίκων σοι ὁπλίται ἦσαν. Il n'y a pas lieu de douter de l'exactitude de ces chiffres : en effet, dans un autre passage, à propos de l'invasion de la Mégaride en 431, on constate que l'armée active comprenait réellement 13.000 hommes. Périclès, qui la conduisait, avait sous ses ordres 10.000 hoplites athéniens et 3.000 hoplites métèques ; et en même temps une autre armée, composée de 3.000 hoplites citoyens, assiégeait Potidée, ce qui fait bien au total 13.000 hoplites citoyens.[2] M. Müller-Strübing s'est pourtant efforcé de démontrer que le second chiffre donné par Thucydide dans le premier passage est inexact, en ce sens que les 16.000 soldats de l'armée territoriale ne pouvaient être tous des hoplites[3] : il nous semble que si l'on refuse d'ajouter foi à un texte aussi précis que celui-là, toute critique historique devient impossible. De quel droit admettre le premier chiffre et repousser le second ? et est-il croyable que, sur une chose aussi simple et aussi facile à constater, Thucydide ait pu se tromper ? S'il dit que ces 16.000 hommes étaient tous des hoplites, c'est qu'il en était réellement ainsi. Nous avons déjà démontré d'ailleurs que, quoi qu'en dise M. Müller-Strübing, les métèques n'étaient astreints qu'au service de garnison et non au service en campagne.

Nous devons donc partir de ces chiffres donnés par Thucydide, qui sont la seule base possible de tout calcul.[4]

L'embarrassant est de distinguer, dans ce total de 16.000 hoplites territoriaux, le contingent fourni par les citoyens du contingent fourni par les métèques : c'est là-dessus que les savants modernes sont en complet désaccord.[5] Il n'y a pourtant qu'un seul moyen de le faire, et l'on doit en adopter les résultats, quels qu'ils soient : il faut prendre pour point de départ le chiffre 13.000 représentant le total des hoplites citoyens, c'est-à-dire des hommes de 20 à 50 ans, et, au moyen des données modernes sur la durée moyenne de la vie humaine, reconstituer le total de chacune de ces trente classes, et le chiffre des naissances annuelles.[6] Nous ne prétendons pas que cette méthode donne des résultats certains, puisque nous ne savons pas si la durée moyenne de la vie était en Grèce ce qu'elle est chez nous ; nous l'employons parce que c'est notre seule ressource.

Voici les résultats qu'on obtient, d'après les tables de mortalité de Demonferrand[7] : 13.000 hoplites athéniens de 20 à 50 ans supposent 1.003 éphèbes de 18 à 20 ans, 3.240 hommes de 50 à 60 ans, et un total de naissances annuelles de 800. Ce dernier chiffre, comme les autres d'ailleurs, ne s'applique, naturellement, qu'aux citoyens destinés à servir comme hoplites, et ne tient pas compte non plus de ceux que leur mauvais état de santé pouvait faire dispenser du service militaire.

Si du total de 16.000 on défalque les 1.000 (en chiffres ronds) νεώτατοι et les 3, 240 πρεσβύτατοι, soit en tout 4.240, ou obtient pour le reste, c'est-à-dire pour le total des hoplites métèques, 11, 750, et un total de naissances annuelles de 545.

Nous ne nous dissimulons pas que ce chiffre si considérable soulève des objections. Tout d'abord, il semble que d'autres textes de Thucydide concordent mal avec cette conclusion. Ainsi, dans le récit de l'expédition de 431 en Mégaride, expédition qui fut faite πανδημεί, Périclès commandait une armée de 10.000 hoplites athéniens et de 3.000 hoplites métèques. Or le contingent athénien comprenait certainement tous les hoplites de l'armée active, puisqu'il y en avait en même temps 3.000 autres devant Potidée, et que le total en était de 13.000. Par conséquent, il n'y avait plus dans la ville, comme garnison, que les éphèbes et les πρεσβύτατοι. Quant aux métèques, nous avons montré que la division en armée active et armée territoriale ne leur était pas applicable, ou pour mieux dire, qu'ils faisaient tous partie de la seconde. Il semble donc que Thucydide veuille dire que tous les métèques hoplites faisaient partie de l'armée de Périclès : 'Αθηναῖοι πανδημεὶ αὐτοὶ καὶ οἱ μέτοικοι, telle est l'expression dont il se sert, et qu'il emploie encore, et d'une façon plus précise, dans le récit de l'expédition d'Hippocratès[8] : 'Αθηναίους πανδημεὶ, ατος καὶ τος μετοίκους, καὶ ξένων σοι παρσαν ; par 'Αθηναίους πανδημεί, il faut entendre, ici comme plus haut, les Athéniens de l'armée active, à l'exclusion de ceux de l'armée territoriale, distinction qui n'est faite ni pour les métèques ni pour les étrangers, c'est-à-dire pour les alliés présents alors à Athènes ; et οἱ μέτοικοι semble l'équivalent de μετοίκων σοι ὁπλίται σαν du discours de Périclès ; de même que ξένων σοι παρσαν désigne tous les alliés présents.

Il faudrait donc en conclure que, si les métèques lors de l'expédition de 431 n'avaient fourni que 3.000 hoplites, c'est que leur contingent total d'hoplites ne dépassait pas ce chiffre. Et il n'y a pas lieu d'admettre, comme le veut M. Gilbert,[9] l'existence d'un second contingent d'hoplites territoriaux, puisque l'expression πανδημεί ne leur est jamais appliquée, mais seulement aux citoyens, et que Thucydide dit formellement, dans le discours de Périclès, qu'il n'y avait point d'hoplites métèques faisant le service actif.

C'est sans doute cette difficulté qui a fait admettre par M. Fränkel le chiffre de 3.000 hommes comme total du contingent fourni par les métèques. Seulement, si on ne défalque du total de l'armée territoriale, 16.000, que 3.000 métèques, il reste pour les douze classes de citoyens de dix-huit à vingt ans et de cinquante à soixante ans, 13.000 hommes, c'est-à-dire tout juste autant que de citoyens de vingt à cinquante ans, ou de trente classes, ce qui est évidemment inadmissible, quelle qu'ait pu être depuis l'antiquité la variation de la durée moyenne de la vie humaine.

Dans ces questions d'ailleurs, on s'est trop exclusivement préoccupé des textes, et pas assez de la vraisemblance matérielle : ainsi M. Gilbert n'a pas craint d'admettre le chiffre de 13.000 pour les hoplites νεώτατοι et πρεσβύτατοι, et celui de 10.000 pour ceux de vingt à cinquante ans : ce qui suppose que les générations de citoyens athéniens devenaient plus nombreuses au fur et à mesure qu'elles vieillissaient[10] ! Il est de même impossible, comme le veut encore M. Gilbert, qu'il y ait eu 3.000 métèques hoplites de première catégorie et aussi 3.000 de seconde : si la première catégorie avait réellement existé, et nous croyons avoir démontré le contraire, elle aurait dans tous les cas été plus nombreuse que la seconde.

Quanta l'explication de M. Müller-Strübing, qui, malgré les termes formels de Thucydide, fait entrer dans les 16.000 hommes de l'armée territoriale des citoyens et des métèques non hoplites, il n'y a pas lieu de s'y arrêter ; les chiffres en lesquels ce savant décompose le total de 16.000 sont absolument fantaisistes et ne reposent sur rien : il est inadmissible par exemple que 13.000 hommes de vingt à cinquante ans n'aient fourni que 2.000 πρεσβύτατοι, et le chiffre de 500 νεώτατοι est évidemment trop faible aussi.

Il faut donc renoncer à vouloir tirer des textes ce qui n'y est pas, et se contenter d'expliquer le texte essentiel, le passage du discours de Périclès, eu lui appliquant les données certaines de la démographie moderne. Nous admettrons donc que, l'armée active se composant de 13.000 hoplites citoyens, l'armée territoriale comprenait 1.000 νεώτατοι et 3.240 πρεσβύτατοι citoyens, et 11.750 hoplites métèques ; et enfin que le chiffre des naissances annuelles correspondant à ce total de citoyens était de 800, le chiffre des naissances correspondant au total des métèques étant de 545.

Au premier abord, ce chiffre de près de douze mille hoplites métèques semble énorme, et il a fort embarrassé les savants qui admettent deux catégories d'hoplites métèques : s'il en était ainsi en effet, le nombre total des hoplites métèques aurait été presque aussi considérable que celui des citoyens hoplites. Mais nous avons montré que ce chiffre comprend tous les hommes de dix-huit à soixante ans, puisque ni l'éphébie ni la division en deux catégories n'existaient pour les métèques. De sorte qu'il faut opposer ce total de 11.750 hoplites métèques, non pas aux 13.000 hoplites citoyens de l'armée active, mais à tous les hoplites citoyens, c'est-à-dire à 13.000 + 1.000 + 3.240 = 17.240.

Pour mettre d'accord avec ces résultats le passage de Thucydide qui semble les infirmer, il suffit en somme de ne pas prendre au sens strict l'expression οἱ μέτοικοι ; Thucydide a voulu dire simplement que les hoplites métèques avaient pris part, contre la coutume, à l'expédition ; il n'a pas voulu dire que tous les hoplites métèques y eussent pris part ; il s'est exprimé d'une façon vague et peu précise, plutôt qu'inexacte.

D'ailleurs, les choses sont beaucoup plus vraisemblables, présentées de cette façon : Périclès emmenant en campagne tous les hoplites citoyens de l'armée active, la garnison d'Athènes se trouvait réduite aux 5.240 νεώτατοι et πρεσβύτατοι, ce qui était bien peu, étant donné qu'ils avaient à défendre non seulement Athènes, mais le Pirée et les Longs-Murs. Il est donc vraisemblable qu'on leur ait adjoint le gros des hoplites métèques. Quant aux 3.000 hoplites métèques que Périclès incorpora à l'armée active, ils devaient former des bataillons de marche organisés pour la circonstance, et recrutés parmi les hommes les plus propres au service actif : ils remplaçaient les 3.000 citoyens retenus devant Potidée. Et il a dû on être de même dans toutes les occasions où l'on jugea nécessaire de recourir aux métèques pour renforcer l'armée active.

Ces résultats, qui nous paraissent certains, au moins dans leur ensemble, sont d'ailleurs les seuls auxquels on puisse arriver : c'est le nombre seul des hoplites que nous pouvons connaître, et non le nombre total des métèques astreints au service militaire, et encore moins le total de la population métèque.

Il est en effet impossible de déterminer la force relative du contingent fourni par les métèques à l'infanterie pesamment armée et de celui qu'ils fournissaient à l'infanterie légère, vu notre ignorance des bases sur lesquelles se fondait leur répartition.[11]

Tout ce que nous pouvons dire, c'est que les métèques non hoplites devaient être fort nombreux ; nous verrons en effet que, si beaucoup de métèques étaient riches, beaucoup d'autres, exerçant des professions manuelles, devaient être pauvres, et hors d'état de s'armer à leurs frais ; et, d'autre part, il n'est pas douteux que la nombreuse infanterie légère (μιλος ψιλῶν οὐκ ὀλίγος) qui prit part à l'expédition de 431 comprît beaucoup de métèques. De même, les 20.000 soldats qui construisirent sous Hippocratès le fort de Délion devaient se composer en grande partie de métèques.

Enfin les métèques trouvaient encore, en cas de guerre, un autre emploi : comme nous l'avons vu, ils constituaient pour les équipages de la flotte athénienne un contingent indispensable.

On peut donc affirmer, malgré l'absence de textes précis, que les métèques que nous appellerons, pour plus de commodité, les métèques thètes, étaient aussi ou plus nombreux que les métèques hoplites. On ne peut s'expliquer les paroles si flatteuses de Nicias en Sicile aux matelots métèques que s'ils formaient une partie très considérable des équipages, autrement dit, que si les métèques thètes étaient aussi nombreux, plus nombreux peut-être que les thètes citoyens.

On admet généralement que, pour obtenir le chiffre total d'une population d'après le chiffre des hommes en état de porter les armes, il faut multiplier ce dernier chiffre par 4.[12] En doublant le nombre des hoplites métèques pour avoir le total de la population métèque en hommes, et en multipliant ce total (24.000) par 4, on obtient le chiffre de 96.000 pour toute la population métèque au moment de la guerre du Péloponnèse.

Or il est généralement admis[13] que les citoyens étaient alors au nombre de 30.000, soit un total de 120.000 personnes : les métèques auraient donc été vis-à-vis des citoyens dans la proportion de 4 à 5. Et encore est-ce là, à notre avis, un minimum : nous pensons que le nombre des métèques non soumis au service d'hoplites a dû être supérieur à celui des hoplites ; de sorte qu'on peut admettre que les métèques formaient près de la moitié de la population libre.[14]

Nous obtenons ainsi pour la population totale de l'Attique un chiffre plus élevé que celui que l'on admet généralement : et nous pensons en effet que la vitalité extraordinaire d'Athènes au cinquième siècle ne peut s'expliquer que par l'existence d'une très nombreuse population. Thucydide dit formellement que la population de l'Attique, au début de la guerre du Péloponnèse, était plus nombreuse que celle d'aucune autre cité grecque[15] ; et Xénophon fait dire encore à Critias, après les désastres de cette guerre, qu'Athènes est la plus peuplée des cités de la Grèce.[16] Il est possible d'ailleurs qu'à ce moment Critias exagère, et feigne de croire qu'Athènes est encore ce qu'elle était au début de la guerre. Quoi qu'il en soit, il nous semble qu'on n'a pas attaché à ces textes suffisamment d'importance. Eu fait, on ne peut s'expliquer la double expédition de Sicile, et la longue résistance d'Athènes après l'échec de cette tentative, que par l'hypothèse d'une très nombreuse population. Il y a eu là, toutes proportions gardées, entre Athènes et ses ennemis, la différence de population qui a permis à la France de Louis XIV de lutter longtemps avec succès contre l'Europe coalisée.[17]

§ 2.

Il n'est pas douteux que le nombre des métèques ait singulièrement diminué après les désastres de la guerre du Péloponnèse. Outre que beaucoup avaient dû périr dans les diverses expéditions navales, dans l'expédition de Sicile surtout, le renversement du régime démocratique, la ruine du commerce du Pirée et la persécution dirigée contre les principaux d'entre eux par les Trente durent en éloigner d'Athènes beaucoup d'autres.

Il n'est pas moins certain qu'ils y revinrent en foule après la Restauration, à laquelle plusieurs d'entre eux avaient contribué. Malheureusement nous n'avons pour toute cette période aucun document précis sur lequel on puisse fonder une tentative de statistique. Il en est de même pour toute la période qui comprend le second empire maritime, la Guerre Sociale, et la lutte contre la Macédoine. Tout ce que nous savons, c'est que la Guerre Sociale et ses conséquences décimèrent de nouveau la population métèque ; c'est alors qu'Isocrate se plaint, avec quelque exagération sans doute, que les métèques aient disparu, et que Xénophon enseigne à ses compatriotes les moyens de les ramener.

Il faut descendre jusqu'à l'année 309, sous le gouvernement de Démétrios de Phalère, pour trouver des chiffres précis : il s'agit cette fois d'un recensement officiel de tous les habitants de l'Attique, fait en cette année par ordre de Démétrios.[18] On trouva qu'il y avait alors en Attique 21.000 citoyens, 10.000 métèques, et 400.000 esclaves, soit un total de 84.000 âmes pour la population citoyenne et de 40.000 pour la population métèque. Si l'on rapproche ces chiffres de ceux que nous avons donnés pour l'année 431, 122 ans auparavant, on voit que les citoyens avaient diminué de près d'un tiers, et les métèques de plus de la moitié, c'est-à-dire dans une proportion beaucoup plus forte.

Seulement on doit ajouter que, s'il faut en croire Diodore, beaucoup d'entre eux avaient été faits citoyens après le désastre de Sicile, pour, combler les vides creusés dans les rangs des anciens citoyens : cela peut expliquer jusqu'à un certain point l'écart entre les deux catégories de la population. La diminution des métèques néanmoins reste considérable : nous ne croyons pas cependant qu'il faille en conclure que nous avons porté trop haut le nombre des métèques en 431 ; nous croyons au contraire que c'est là un des signes les plus visibles de la décadence définitive d'Athènes. Il est certain que les étrangers avaient dû, entre l'archontat d'Euclide et l'explosion de la Guerre Sociale, affluer de nouveau à Athènes et au Pirée ; nous ne pensons pas toutefois qu'ils aient jamais atteint alors le chiffre considérable du cinquième siècle. Dans tous les cas, l'issue malheureuse de la Guerre Sociale les éloigna de nouveau. Il aurait fallu, pour réparer les pertes causées par cette guerre, une longue période de paix et de prospérité : or dix-sept années seulement séparent la fin de cette guerre du désastre de Chéronée. Il y a tout lieu de croire que l'habile administration de Lycurgue contribua à reconstituer une fois encore la classe des métèques ; mais la puissance d'Athènes n'en avait pas moins reçu le coup mortel, et déjà le centre de gravité du monde hellénique se déplaçait. En un mot, à partir de la fin du cinquième siècle, le nombre des métèques est allé décroissant constamment, bien qu'il se soit relevé à plusieurs reprises, et jamais plus il n'a atteint le total auquel il était arrivé sous. Périclès.

Le recensement de Démétrios de Phalère est d'ailleurs le dernier document que nous possédions sur le mouvement de la population métèque à Athènes ; il est certain seulement qu'à partir de cette époque elle ne dut plus augmenter, et qu'elle diminua peu à peu.

C'est d'après les données de ce recensement que Böckh a calculé le rendement de la taxe du metoikion.[19] Il porte ce rendement à 21 talents, en ajoutant aux 10.000 métèques du recensement 1.000 femmes sans mari ni fils majeur ; ce dernier chiffre nous paraît beaucoup trop fort, et nous pensons au contraire que ces femmes assujetties à la taxe devaient former une infime minorité. Nous ne pensons pas non plus que, comme le veut M. Fränkel,[20] ces femmes aient été comprises dans les 10.000 métèques : ceux-ci, dans la phrase d'Athénée, s'opposent évidemment aux 21.000 citoyens, et par conséquent ne comprennent que des hommes.

On peut en somme ne pas tenir compte des femmes, et estimer à 20 talents le rendement du metoikion en 309. Pour l'année 431, en admettant, comme nous l'avons fait, une population mâle de 24.000 âmes, le produit de cet impôt (toujours sans tenir compte des femmes) aurait été de 48 talents. Seulement c'était là le rendement brut de l'impôt, et, eu réalité, l'État devait ne toucher qu'une somme sensiblement inférieure, puisque cet impôt était affermé, et qu'il fallait bien que les fermiers y trouvassent leur bénéfice. Et il ne faut pas oublier que, dans cette période de prospérité, les revenus totaux de la cité ont dû s'élever à plus de 1.200 talents.[21] Cet impôt ne devait donc, comme nous l'avons dit, ni coûter beaucoup à ceux qui le payaient, ni même rapporter beaucoup à l'État, et l'importance qu'y attachaient les Athéniens provenait d'une autre cause, que nous avons montrée.

§ 3.

Il reste, semble-t-il, un dernier moyen, en dehors des données fournies par les auteurs anciens, de calculer, non pas le chiffre absolu de la population métèque, mais son importance relativement au nombre des citoyens : c'est de faire le total des inscriptions funéraires attiques par catégories. Malheureusement on se heurte là à une difficulté insoluble : près du tiers de ces inscriptions ne comportent aucune indication d'origine, et se composent simplement du nom du mort, avec ou sans patronymique, mais sans démotique ni ethnique. Il est certain que la plupart de ces inscriptions ne sont pas des épitaphes de citoyens : par exemple, toutes celles où le nom du mort est suivi de χρηστός [22] ; bien plus, comme à partir d'Euclide les épitaphes des citoyens portent régulièrement le démotique, nous croyons qu'on peut, sans se hasarder beaucoup, affirmer qu'aucune des inscriptions funéraires en question n'émane d'un citoyen, mais qu'elles émanent toutes d'étrangers ou d'esclaves.

Seulement nous ne pouvons reconnaître si parmi ces étrangers figurent ou non des métèques. Nous avons déjà dit que, tandis que les épitaphes des isotèles mentionnent toujours leur titre, rien n'indique la qualité des simples métèques. Si l'on adoptait la théorie de M. de Wilamowitz, qui veut que les métèques n'aient pas conservé leur ancien droit de cité, il faudrait admettre que toutes les épitaphes où figure un ethnique sont des épitaphes d'étrangers proprement dits et non de métèques, ce qui est inadmissible, vu leur nombre considérable, et il faudrait chercher les épitaphes des métèques dans ces inscriptions dépourvues de toute indication.

Nous croyons au contraire qu'il faut renoncer à distinguer les métèques des étrangers ; que les épitaphes où figure l'ethnique émanent également des uns et des autres ; que la dernière catégorie d'inscriptions comprend également des étrangers et des métèques, mais aussi et peut-être surtout des esclaves ; et enfin que même dans la première catégorie peuvent figurer aussi des esclaves ou des affranchis, par exemple ceux qui portent comme ethnique un nom de pays, et non pas un nom de ville, comme Διονύσιος Σύρος et autres.[23]

Ce n'est que sous ces réserves que l'on peut faire usage des inscriptions funéraires : autrement dit, elles ne peuvent servir qu'à déterminer le chiffre probable de l'élément étranger en Attique, le mot étranger étant pris dans l'acception la plus large.

Or, avec le premier volume du Corpus attique, c'est-à-dire pour l'époque la plus intéressante, le cinquième siècle jusqu'à l’archontat d'Euclide, on ne peut arriver à aucun résultat certain : les inscriptions funéraires sont fort peu nombreuses, et surtout, il n'est pas possible de distinguer avec certitude celles des citoyens de celles des étrangers, les premières ne portant généralement pas le démotique.

Ces inscriptions sont au nombre de 89,[24] qui se répartissent ainsi : 2 seulement peuvent être attribuées avec certitude à des citoyens athéniens, désignés par le démotique[25] ; 24 émanent d'étrangers, désignés par l'ethnique ; les 63 autres ne comportent aucune indication.

Nous admettrions volontiers que ces dernières sont toutes ou presque toutes des épitaphes de citoyens, puisque les étrangers avaient pris l'habitude de se désigner par leur ethnique avant que les citoyens prissent celle d'employer de la même façon leur démotique ; de plus, il serait bien surprenant qu'il ne nous fut point parvenu de cette époque d'épitaphes de citoyens, sauf deux.

S'il en est ainsi, on aurait 65 épitaphes de citoyens contre 21 d'étrangers, et ceux-ci auraient formé le quart seulement de la population totale. Mais le nombre de ces inscriptions est évidemment trop peu considérable pour qu'on eu puisse tirer aucune conclusion, et nous ne croyons pas qu'elles infirment l'opinion que nous avons émise sur le nombre des métèques au cinquième siècle.

A partir du quatrième siècle au contraire, et jusqu'à l'époque romaine, les inscriptions funéraires sont relativement assez nombreuses en Attique. Seulement, faute de points de repère autres que la forme des lettres, sur la date de laquelle il est si facile de se tromper,[26] il est impossible d'en faire le départ par siècles, et il faut se résigner à les prendre toutes en bloc depuis le commencement du quatrième siècle jusqu'à l'Empire ; on ne peut donc constater les variations dans le nombre et la proportion des citoyens et des étrangers. Voici quels résultats on obtient.

Les épitaphes de citoyens désignés par le démotique sont au nombre de 1.050[27] ; les épitaphes d'étrangers désignés par l'ethnique, au nombre de 699[28] ; les épitaphes d'isotèles, désignés par leur titre, au nombre de 12 seulement[29] ; enfin 902 épitaphes ne comportent aucune indication, mais doivent se rapporter à des étrangers, l'usage du démotique pour les citoyens paraissant alors être devenu régulier.[30]

Si l'on admet que les inscriptions de cette dernière catégorie émanent d'étrangers, on a, sur ce total de 2.663 personnes, 1.613 étrangers contre 1.050 citoyens, si au contraire on renonce à se servir de ces inscriptions, pour ne tenir compte que de celles dont l'attribution est certaine, le nombre des étrangers (y compris les isotèles) n'est plus que de 711, en face des 1.050 citoyens.

Nous pensons que c'est ce dernier chiffre qu'il faut retenir, en le grossissant toutefois : parmi les inscriptions de la dernière catégorie, la plupart, mais non toutes, doivent émaner d'esclaves, le reste devant s'ajouter, dans une proportion impossible à déterminer, à celles des étrangers proprement dits.

En somme, on ne peut arriver par cette méthode, à aucun résultat certain. En admettant que les 711 étrangers de la première catégorie soient tous des métèques, on obtient encore une proportion de métèques bien moindre que celle que nous avons admise pour le cinquième siècle, puisqu'elle n'est que d'un peu plus du tiers, et cela confirmerait nos calculs précédents. Mais ce n'est là qu'une proportion moyenne pour quatre siècles, et il n'est pas douteux qu'il faille l'admettre plus forte pour le quatrième siècle, et diminuant sans cesse à partir de la décadence d'Athènes.

Tout ce qu'il faut retenir de ces chiffres, c'est que l'affluence des étrangers à Athènes était considérable, même après le quatrième siècle, plus considérable certainement que dans aucune autre ville grecque, au moins avant la fondation des grandes villes cosmopolites, capitales des successeurs d'Alexandre.

 

CHAPITRE II. — ORIGINE DES MÉTÈQUES ATHÉNIENS.

D'après Xénophon, beaucoup de métèques athéniens étaient des barbares, venus de Lydie, de Phrygie, de Syrie, etc.[31] ; il semble même dire que telle était l'origine de la majorité d'entre eux. Nous ne croyons pas que cela soit exact.

Dans le passage en question, Xénophon, qui veut qu'on exempte complètement les métèques du service d'hoplites, affecte de les dénigrer, et prétend qu'il est déshonorant pour les citoyens de servir à côté de ces barbares : il a donc intérêt à exagérer.

Que les métèques venus de ces pays fussent nombreux, c'est ce qui n'est pas douteux : nous avons vu combien étaient nombreux les cultes orientaux qu'ils avaient apportés au Pirée et à Athènes. La colonie égyptienne notamment, et la colonie, ou plutôt les colonies phéniciennes, devaient être considérables, puisqu'elles avaient obtenu l'autorisation officielle d'élever des temples à leurs dieux nationaux. Il reste d'ailleurs des colonies phéniciennes des traces relativement importantes, dans les huit inscriptions phéniciennes ou bilingues trouvées à Athènes et au Pirée,[32] et dans les vingt-deux épitaphes en langue grecque qui figurent parmi celles que nous allons énumérer.

Malgré cela, les inscriptions funéraires d'étrangers où figure l'ethnique paraissent démontrer que les métèques venus de tous les points du monde grec étaient encore plus nombreux que les barbares.

Toutes les épitaphes d'étrangers du premier volume du Corpus attique sont des épitaphes de Grecs ; et dans celles du second volume, les barbares ne forment qu'une faible minorité, et se répartissent ainsi : 2 Égyptiens[33] ; 2 Arabes[34] ; 7 d'Ancyre[35] ; 1 Arménien[36] ; 1 Ascalonite[37] ; 1 d'Aspendos en Pamphylie[38] ; 1 Assyrien[39] ; 3 Galates[40] ; 20 Thraces[41] ; 1 Carthaginois[42] ; 1 Cilicien[43] ; 6 Phéniciens de Kition[44] ; 1 Lycien[45] ; 3 Mèdes[46] ; 3 Mysiens[47] ; 2 Paphlagoniens[48] ; 1 Perse[49] ; 1 Pisidien[50] ; 1 du Pont[51] ; 2 Cypriotes, dont 1 de Salamine[52] ; 9 Phéniciens de Sidon[53] ; 2 de Synnada en Phrygie[54] ; 3 Syriens[55] ; 4 Phrygiens[56] ; en tout 78, sur un total de 699 inscriptions, soit un peu plus d'un neuvième seulement.

Cette énumération montre en même temps combien était grande la diversité d'origine des étrangers qui vivaient à Athènes, puisque ces 78 individus ne représentent pas moins de 20 contrées différentes. Or il en est de même pour les étrangers d'origine hellénique : sur les 621 épitaphes qui les représentent figurent 185 ethniques différents. C'est dire que la plupart des cités grecques y sont représentées, et qu'elles ne fournissent chacune qu'un très petit nombre de représentants : 60 cités par exemple ne fournissent chacune qu'un seul nom, et celles qui en fournissent plus de 10 sont très rares.

En tête vient Héraclée, avec 74 noms[57] ; mais il est évident que tous ces Héracléotes doivent se répartir entre les nombreuses villes de ce nom. Il doit en être de même pour les 27 étrangers originaires d'Antioche.[58] De sorte qu'en réalité c'est Milet qui tient la tête, avec 29 noms[59] ; puis viennent Sinope avec 21 noms[60] ; Thèbes avec 20[61] ; Corinthe avec 16[62] ; Sicyone avec 13[63] ; Olynthe avec 11[64] ; enfin Égine, Éphèse et Byzance, chacune avec 10.[65]

On voit que ces villes sont toutes, ou des voisines d'Athènes, ou, comme Byzance et Éphèse, des centres commerciaux importants.

Enfin, dans les inscriptions funéraires où l'origine du mort n'est pas indiquée, on rencontre fort peu de noms barbares ; seulement on ne peut rien en conclure, parce que les étrangers d'origine non hellénique fixés en Attique avaient l'habitude de traduire leur nom en grec : on le constate notamment dans les inscriptions bilingues, comme les inscriptions gréco-phéniciennes trouvées au Pirée.

Ces renseignements si incomplets et si vagues sont les seuls que l'on puisse tirer des inscriptions funéraires, et il serait hasardeux, étant donné le nombre relativement minime de ces documents, de vouloir eu induire des conclusions absolues. Ils semblent pourtant démontrer que l'assertion de Xénophon est au moins exagérée, et que les métèques athéniens étaient en majorité d'origine hellénique. D'ailleurs, s'il en eût été autrement, on s'expliquerait moins facilement que les Athéniens eussent ouvert aussi largement les portes de leur cité aux métèques et les eussent admis à participer à leurs cultes nationaux. Il est possible que la classe des affranchis, c'est-à-dire en somme des esclaves, se recrutât parmi les barbares ; mais les véritables métèques, les métèques d'origine libre, étaient en majorité des Hellènes.

 

CHAPITRE III. — DE LA RÉPARTITION DES MÉTÈQUES DANS LES DÈMES ATHÉNIENS.

La population métèque paraît s'âtre très inégalement répartie entre les différents dèmes de l'Attique ; à défaut des auteurs, qui ne nous fournissent sur cette question aucun renseignement précis, les inscriptions de diverse nature où figurent des noms de métèques suivis du démotique nous en fournissent une assez grande quantité. C'est à cet unique point de vue que M. de Wilamowitz a étudié ces inscriptions dans la première partie de son étude sur les métèques, et il en a tiré des conclusions fort intéressantes sur les dèmes athéniens et sur le caractère particulier de la population de chacun d'eux.[66]

Ce qui ajoute à l'intérêt de ces documents, c'est qu'ils appartiennent tous à une des périodes les plus importantes de l'histoire d'Athènes, le plus ancien étant de la fin du cinquième siècle, et les plus récents ne dépassant pas les premières années du troisième. Seulement il faut se garder d'en tirer des conclusions trop absolues : ils ne nous fournissent en somme, pour plus d'un siècle, qu'environ 250 noms de métèques, et l'on peut affirmer que certains dèmes qui n'y figurent pas avaient cependant une nombreuse population de métèques : par exemple, le Céramique n'est représenté que par deux noms, alors qu'il est certain, comme le fait remarquer M. de Wilamowitz,[67] que beaucoup de métèques figuraient parmi les fabricants de vases peints à qui ce quartier devait son nom. Néanmoins, d'une façon générale, la répartition des métèques dans les dèmes répond bien à l'idée que l'on se fait de leur rôle.

Pour plus de commodité, nous avons réuni en un tableau que l'on trouvera en Appendice, tous les renseignements que nous fournissent sur les métèques ces inscriptions, en rangeant les dèmes par ordre alphabétique, et en indiquant le total de la population métèque de chacun.[68]

Sur ce tableau sont représentés seulement 31 dèmes, sur les 182 dont M. Gelzer admet l'existence[69] ; le hasard y est évidemment pour beaucoup : toutes les inscriptions contenant des comptes de constructions ne nous font connaître qu'une catégorie assez restreinte de métèques, des artisans, maçons, menuisiers, etc., qui devaient habiter à peu près tous les mêmes quartiers. Quant aux inscriptions dites des phiales des affranchis, les métèques de professions très diverses qui y figurent se répartissent sur un plus grand nombre de dèmes ; il est d'autant plus regrettable que ces inscriptions ne nous soient pas parvenues plus complètes.

Sur ces 31 dèmes, 12 ne sont représentés que par un seul nom, 5 par deux, et 2 par trois. Enfin ce n'est pas le Pirée qui tient la première place, mais Mélité avec 50 noms, le Pirée venant eu seconde ligne avec 41 : cela s'explique, encore une fois, par la nature des inscriptions en question, et il n'est pas douteux que le Pirée renfermât plus de métèques qu'aucun autre dème.[70] Sur les dix autres dèmes, trois sont, comme Mélité, des dèmes urbains : c'est Kollytos avec 26 métèques, Scambonides avec 18,[71] Kydathéné avec 22. Agrylé, Koilé et Salamine en ont chacun 5, Éleusis 6, et enfin Alopécé 26. Ce dernier dème est le seul des dèmes ruraux qui paraisse avoir eu une nombreuse population de métèques : or c'était un des plus rapprochés de la ville, un dème suburbain. C'est donc surtout la ville et le Pirée qu'habitaient les métèques, ce qui s'explique facilement par les métiers qu'exerçaient la plupart d'entre eux. Sur un total de 246 métèques dont le dème est connu, 159 habitent la ville et le Pirée, les 87 autres se répartissant dans 26 dèmes différents. Enfin beaucoup de ces derniers dèmes, Agrylé, Alopécé, Korydallos, Thymœtadai, Xypété, sont dans le voisinage immédiat de la ville.

Les métèques que nous font connaître ces inscriptions sont presque tous des artisans ou des industriels : nous allons voir en effet dans les chapitres suivants que l'immense majorité des étrangers domiciliés à Athènes appartenaient soit à cette catégorie, soit à celle des commerçants : on peut, à l'aide surtout des inscriptions pour les premiers, des auteurs pour les seconds, reconstituer jusqu'à un certain point la vie des métèques athéniens, et se rendre compte de la place qu'ils ont occupée dans l'industrie et le commerce d'Athènes.

 

 

 



[1] II, 13, 7 ; cf. Diodore, XII, 40.

[2] Thucydide, II, 31.

[3] Aristophane, 653 et suiv. ; M. Müller-Strübing croit aussi que les πρεσβύτατοι sont les hommes de plus de 60 ans, ce qui est inadmissible ; comment veut-on que des hommes de 70 et 80 ans aient régulièrement figuré parmi les combattants ?

[4] M. J. Beloch (Bevölkerung, p. 60-66), après avoir émis plusieurs hypothèses pour expliquer le chiffre de 16.000 hoplites territoriaux, finit par déclarer qu'il faut lire 6.000 et non 16.000, et que le texte de Thucydide a dû être altéré de bonne heure : de bonne heure en effet, puisque, comme il le reconnaît lui-même, Diodore, c'est-à-dire Ephore, le reproduit à peu près tel qu'il nous est parvenu !

[5] M. Schenkl admet 11.000 hoplites métèques ; M. Müller-Strübing 8.700, dont 3.000 de l'armée active ; M. Fränkel (Attische Geschworenengerichte, 5) 3.000 ; M. Gilbert, 6.000, dont 3.000 de l'armée active (I, 301, note 2).

[6] C'est ce qu'a fait M. Schenkl ; seulement, par une contradiction inexplicable, il porte en trois endroits différents le nombre des hoplites métèques à 11 ; 000 (p. 168), puis à 7.000 (p. 203), et enfin à 13.000 (p. 174) !

[7] Ces tables ont été dressées d'après le mouvement de la population en France de 1817 à 1832 ; on les trouve dans l'ouvrage intitulé : Un million de faits, aide-mémoire universel, Paris, Garnier, 1850, 1 vol. in-12.

[8] IV. 90.

[9] On se demande d'ailleurs comment ce contingent aurait pu être de la même force que le contingent actif, ainsi que le veut M. Gilbert.

[10] M. Am. Hauvette (Daremberg-Saglio, Dilectus, p. 209) a reproduit ces chiffres d'après Gilbert, de confiance évidemment et sans songer à les vérifier.

[11] On peut le faire, sinon avec certitude, du moins avec vraisemblance, pour les citoyens. M. Beloch prétend que, sur les 30.000 citoyens dont on constate l'existence en 431, la moitié appartenait à la classe des thètes (Hermes, XX, 258, et Bevölkerung, p. 73). Les chiffres de Thucydide nous paraissent conduire à une conclusion toute différente : les 13.000 hoplites de l'armée active, les 3.240 de l'armée territoriale et les 1.000 cavaliers donnent déjà un total de 17.240 citoyens des trois premières classes (nous laissons de côté à dessein les νεώτατοι, qu'on peut ne pas compter parmi les citoyens proprement dits) ; il faut leur ajouter nu moins 2.000 hommes âgés de plus de 60 ans, les 500 Boulentes et tous les dispensés. On a ainsi un total de 21 ou 22.000 hommes pour les trois premières classes, et par conséquent de 8.000 seulement environ pour la quatrième.

[12] Nous jugeons inutile de revenir sur des calculs faits tant de fois à propos de la population de l'Attique, et nous nous contentons de renvoyer, en dehors des ouvrages déjà cités, à Sainte-Croix, Recherches sur la population de l’Attique (Mém. de l’Acad. des Inscr., XLVIII (1808), p. 147 et suiv.) : à Böckh, I, 42 et suiv., avec les notes de Fränkel ; et surtout à J. Beloch, Die Bevölkerung, p. 57 et suiv.

[13] Voir les textes dans Böckh, I, 145 ; cf. Busolt (Sybels histor. Zeitsch., XLVIII, 40). Nous pensons qu'on doit jusqu'à nouvel ordre s'abstenir de tirer aucune conclusion des chiffres donnés dans le § 24 de la République des Athéniens d'Aristote, qui paraissent fort sujets à caution ; voir la note de l'édition Herwerden-Leeuwen sur ce passage.

[14] A Marseille, d'après le recensement de 1891, les étrangers forment le quart du total de la population : 79.816 (dont 70.328 Italiens) sur 406.919 habitants.

[15] I, 80.

[16] Hell., II, 3, 24 ; cf. Beloch, Bevölkerung, p. 100 et suiv.

[17] Ce qui a induit en erreur la plupart des savants qui ont traité ces questions, c'est la fausse interprétation du passage de Philochore, et aussi qu'ils ont confondu et mêlé les textes relatifs au cinquième siècle et ceux qui se rapportent au quatrième.

[18] Athénée, VI, 272 b. Les chiffres donnes par Athénée sont généralement acceptés : en fait, nous n'avons aucun moyen de les contrôler ; d'ailleurs ils sont très vraisemblables. Il faut excepter pourtant le chiffre des esclaves, qu'on s'accorde en général aujourd'hui à trouver beaucoup trop élevé ; cf. Lécrivain (Daremberg-Saglio, Eisphora, p. 509, note 106).

[19] I, 402.

[20] Ibid., II, note 545.

[21] Ibid., I, 509 et suiv.

[22] S. Reinach, Epigraphie grecque, 424.

[23] C. I. Α., II, 3, 3378.

[24] Nous ne faisons entrer on ligne de compte que les monuments privés, et nous laissons aussi de côté les inscriptions trop mutilées. — C. I. Α., Ι, nos 463-402 ; et n° 548 : cf. C. I. Α., IV, 1, p. 54, à ce n° ; — IV, 1, p. 47 à 50 ; — IV, 2, p. 112 a 119 ; — IV, 3, p. 156 et p. 190. — I. G. Α., nos 13. 511 a. 562.

[25] C. I. Α., Ι, 518 (cf. IV, 1, p. 54) ; — IV, 2, 49135.

[26] Nous nous bornerons à citer comme exemple les nos 3102 et 3291 du C. I. Α., III, 2, que M. Köhler a attribués depuis au cinquième siècle (Mittheil., X, 366 et 369, sous les nos 12 et 23).

[27] C. Ι. Α., II, 3, n° 1682 à 2722, plus 9 nos aux Addenda.

[28] C. I. Α., II, 3, n° 2735 à 3424, plus 10 nos aux Addenda.

[29] C. I. Α., II, 3, nos 2723 à 2734.

[30] C. Ι. A., II, 3, nos 3425 à 4320, plus 6 nos aux Addenda.

[31] Rev., II, 3 : « Aυδο καὶ Φρύγες καὶ Σύροι καὶ λλοι καντόδαποι βάρβαροι * πολλο γὰρ τοιοτοι τῶν μετοίκον. »

[32] C. I. S., Ι, 115-121 ; Rev. archéol., 1886, Ι, p. 5.

[33] C. I. Α., II, 3, 2754. 2755 ; la première est suspecte. — Il est possible que plusieurs de ces inscriptions se rapportent à des esclaves ; mais nous ne pouvons l'affirmer avec certitude. D'ailleurs cela importe peu pour le but que nous poursuivons.

[34] C. I. Α., II, 3, 2727. 2728.

[35] Ibid., 2735-2741.

[36] Ibid., 2835.

[37] Ibid., 2836. Nous soulignons les vingt-deux épitaphes de Phéniciens.

[38] Ibid., 2837.

[39] Ibid., 2838.

[40] Ibid., 2863-2865.

[41] Ibid., 3016-3035.

[42] Ibid., 3054.

[43] Ibid., 3070.

[44] Ibid., 3071-3076.

[45] Ibid., 3144.

[46] Ibid., 3197-3199.

[47] Ibid., 3232-3235.

[48] Ibid., 3200. 3260 b. add.

[49] Ibid., 3269.

[50] Ibid., 3271.

[51] Ibid., 3277.

[52] Ibid., 3115. 3295.

[53] Ibid., 3316-3324.

[54] Ibid., 3368. 3369.

[55] Ibid., 3378. 3379. 3777 b. add.

[56] Ibid., 3403-3405.

[57] C. I. Α., II, 3, 2009-2981.

[58] Ibid., 2793-2819.

[59] Ibid., 3201-3229. Böckh (C. I. G., 692) étonné de cette abondance d'épitaphes de Milésiens, pensait qu'il y avait en Attique un dème du nom de Milet. Cette abondance s'explique pourtant facilement par l'origine de Milet et ses relations avec Athènes.

[60] Ibid., 3339-3359.

[61] Ibid., 2995-3014.

[62] Ibid., 3084-3099.

[63] Ibid.. 3327-3338. 337 6, add.

[64] Ibid., 3242-3252.

[65] Ibid., 2744-2753 ; — 2884-2892 ; 2892 b, add. ; — 2853-2862.

[66] Op. cit., 107 et suiv. ; cf. Wachsmuth, II, 151 et suiv. ; 253 et suiv.

[67] Op. cit., 117.

[68] M. de Wilamowitz a déjà dressé un tableau de ce genre, mais dans un but un peu différent ; il classe les métèques par dèmes et par catégories d'inscriptions, de sorte que l'on n'a pas sous les yeux un tableau d'ensemble de chaque dème. Nous avons d'ailleurs accepté la plupart de ses conjectures ou restitutions de détail, sauf sur quelques points qu'il est inutile d'indiquer. Enfin nous avons ajouté les textes assez nombreux parus depuis 1887.

[69] Hermann, Staatsalt., 6, Anhang. M. Haussoullier réduit, il est vrai, cette liste à 164 (Daremberg-Saglio, Démos) ; on voit qu'il faut, dans tous les cas, ajouter à la sienne Salamine.

[70] Il est à remarquer pourtant que la proportion entre le Pirée et le reste de l'Attique à ce point de vue se retrouve à peu près la même dans les inscriptions funéraires : les 41 métèques du Pirée, comparés au total 246, forment juste le sixième du total de la population métèque ; et parmi les épitaphes d'étrangers publiées au Corpus Attique, 104 sur 699 proviennent du Pirée, soit le septième. Mais, nous le répétons, ces statistiques portent sur des chiffres trop faibles pour qu'on puisse les considérer comme satisfaisantes.

[71] Nous admettons avec M. de Wilamowitz que Scambonides était un dème urbain ; il n'entre pas d'ailleurs dans notre plan de discuter sa théorie sur les dèmes urbains, théorie renouvelée de Sauppe (De demis urbanis) et combattue par Wachsmuth, II, 239 et suiv.