JACQUES CŒUR ET CHARLES VII - OU LA FRANCE AU XVe SIÈCLE

TOME SECOND

 

CHAPITRE X.

 

 

Exécution de l'arrêt de condamnation de Jacques Cœur. — On procède à la vente de ses biens. — Criées faites dans la ville de Tours à ce sujet. — Détail sur la vente du mobilier de l'hôtel de Bourges. Vente aux enchères de deux prisonniers anglais. — Protestations des enfants de Jacques Cœur. — Ils réclament l'héritage de leur mère et de leur oncle. — Supplication isolée d'un des quatre frères. — Le roi lui accorde 500 livres. — Le procureur général du roi se rend à Aix et à Marseille pour l'exécution de l'arrêt. — Entrevues qu'il a avec le roi René. — Nouvelles oppositions des enfants de Jacques Cœur. Deux d'entre eux sont condamnés à faire amende honorable pour insulte à la justice. — Oppositions formées par des particuliers et rejetées. — Simulacre d'adjudication des plus belles terres de Jacques Cœur à Antoine de Chabannes, à Guillaume Gouffier, à Antoinette de Maignelais. — Jacques Cœur s'évade de prison, est reconnu et se réfugie dans un couvent de cordeliers à Beaucaire. — Lettre qu'il écrit à son neveu Jean de Village. — Celui-ci l'enlève de force du couvent des cordeliers et le conduit à Marseille. — Réclamation de Charles VII à ce sujet. — Jacques Cœur se rend à Rome. — Bon accueil qu'il reçoit du pape Nicolas V. — Calixte III, son successeur, nomme Jacques Cœur capitaine général d'une expédition contre les infidèles. — Il tombe malade à Chio. — Dernières supplications qu'il adresse au roi. — Il meurt le 25 novembre 1456, et est enterré dans l'île de Chio. — L'obituaire de Bourges.

 

Le lendemain du jour où Jacques Cœur avait fait amende honorable dans le prétoire de l'hôtel du parlement de Poitiers[1] et requis mercy à Dieu, au Roy, à Justice, le procureur général du roi et le comte de Dammartin se présentèrent dans sa prison. Le procureur général lui ayant notifié qu'il était chargé de le mettre en demeure de payer les quatre cent mille écus, montant de sa condamnation, Jacques Cœur répondit qu'il ne savoit que dire ; qu'il lui seroit impossible de payer si grata somme ; que ses biens ne pourvoient y fournir à beaucoup près, attendu qu'il devoit déjà de cent à cent vingt mille écus qu'il avoit empruntés de plusieurs personnes pour les affaires du Roy. En même temps, il pria le procureur général et Antoine de Chabannes de remontrer son pouvre fait au Roy et de le supplier d'avoir pitié et compassion de lui et de ses pouvres enfants[2]. Jacques Cœur voulait-il, en parlant ainsi, atténuer l'importance de sa fortune ? Il est certain, toutefois, qu'un témoin avait déclaré lui avoir prêté une première fois, durant la conqueste de Normandie, et pour la dite conqueste, d'après ce que disoit Jacques Cuer, seize mille florins ; une seconde fois, pour la conqueste de Guyenne, six mille florins, qu'il avoit empruntés à perte, de laquelle perte il n'avoit pas été rembourré par le dit Cuer[3]. Le procureur général lui répondit que s'il ne pouvait payer la somme de quatre cent mille écus, ses biens meubles et immeubles seraient immédiatement vendus ; en même temps, il l'engagea à ne rien négliger pour trouver sans délai l'argent nécessaire. Jacques Cœur proposa deux moyens pour arriver à ce but. Il demanda qu'on le mît en liberté sous la condition qu'il donnerait ses enfants en otage avec de bonnes cautions. Si tel n'était le bon plaisir du roi, il réclamait la faculté de se concerter avec son fils aîné, l'archevêque de Bourges, et avec quatre de ses anciens facteurs indiquait. A la vérité, deux de ceux-ci avaient quitté le royaume à cause de son procès, mais il espérait qu'on ne refuserait pas de leur donner des sûretés pour y rentrer. Aucune de ces deux demandes ne fut accueillie. On lui permit seulement de voir ses enfants deux jours de suite. Dans une de ces entrevues, Jacques Cœur remit au procureur général une note contenant l'indication de ses biens. Quelques jours après, celui-ci se rendit à Tours pour y mettre en vente les marchandises de toutes sortes que Jacques Cœur y possédait[4]. Le 19 du mois de juillet, le procureur général fit publier l'avis suivant, à son de trompe et par cry publique, dans toute la ville :

On fait assavoir, de par le Roy, à tous que, en procédant à l'exécution de l'arrest nagaires prononcié à Lezignan à l'encontre de Jacques Cuer, les biens meubles du dit Cuer estant à Tours, tant draps d'or, d'argent, de soye, de laine, pelleterie, joyaulx, vaisselle, toiles, tixus et autres bagues et biens meubles, sont et seront mis en vente aux plus offrans et derniers enchérisseurs par maistre Jehan Dauvet, conseiller et procureur général du Roy et commissaire du dit Seigneur en ceste partie ; et commencera la première vente et le premier ban le XIXe jour de ce présent mois de juing ; la seconde commencera le samedi XXIIIe jour du dit mois ; et la tierce et dernière le samedi dernier jour du dit mois. Et sont, les dits biens, en l'ostel de Jehan Briconnet ; esleu pour le Roy sur le fait des aides à Tours, et commis par le dit sieur à la recette des condempnations et amendes desclairées à l'encontre du dit Cuer en Languedoil ; et qui vouldra voir les dits biens vienne en l'ostel du dit Briconnet et on les lui montrent.

Item. On fait assavoir, de par le Roy, à tous ceulx qui auront ou sauront aucuns des biens de Jacques Cuer qu'ilz les viennent révéler et desclairer au dit maistre Jehan Dauvet dedans huit jours sur peine de pugnir ceulx qui feront le contraire de grandes pugnitions et amandes arbitraires[5].

En même temps, le procureur général fit procéder à une estimation sommaire des objets les plus précieux, parmi lesquels figuraient des salières d'or avec personnages et garnies de pierreries, des colliers d'or à boutons d'or émaillé, divers diamants, des saphirs, des perles, etc. La vente des biens meubles et marchandises que Jacques Cœur avait à Bourges eut lieu dans le mois d'octobre 1453. Elle fut précédée de la même déclaration publique qu'à Tours. Il en fut de même à Paris, à Lyon, à Poitiers, à Montpellier, partout enfin où Jacques Cœur avait, soit une maison, soit un entrepôt de marchandises. A Bourges, le procureur général procéda à divers interrogatoires dans l'espoir de retrouver six hanaps plains, dorez par dedans et goderonnez par dehors ; laquelle goderonneure estoit dorée et blanche ; et estoient esmaillés au fond de personnages. Il résulta de l'enquête que ces hanaps avaient été offerts par Macée de Léodepart à l'ambassadeur du pape, chargé de pourchasser la délivrance de Jacques Cuer. On a vu qu'au moment de son arrestation, l'hôtel qu'il faisait construire à Bourges n'était pas achevé. Le mobilier en fut estimé à 368 livres seulement. En outre, diverses tapisseries, dont l'une était faicte de cerfs voulans et aux armes du Roy,

une chambre en drap de damas de vermeil, brodé de l'histoire de Nabugot de Nozor, furent évaluées à 1475 écus. Le procès-verbal des ventes opérées à Bourges constate que Jacques Cœur et Dunois possédaient deux prisonniers anglais, les sires de Berquigny et d'Ormond[6] ; Jacques Cœur en avait les trois quarts, l'autre quart était à Dunois. On abandonna à ce dernier, d'Ormond ; puis, au mois de septembre 1456, on mit Berquigny aux enchères. Comme il pouvait y avoir danger de mort et autres inconvéniens et fortunes à garder plus longtemps le dit prisonnier, le procureur général se décida, après avoir pris les ordres du roi, à vendre Berquigny pour 24.000 écus[7].

Pendant que l'arrêt qui avait frappé Jacques Cœur recevait ainsi son exécution, ses enfants ne négligeaient rien pour sauver de ce grand naufrage quelques-uns des biens qui lui avaient appartenu. Ils avaient d'abord fait valoir leur droit à la moitié de ces biens, comme héritiers de leur mère, s'en rapportant d'ailleurs à la grâce, miséricorde et bénignité du Roy[8] ; mais leur requête trouva Charles VII inexorable, et treize de ses conseillers assemblés en la Grand'Chambre du Parlement à Paris, décidèrent, le 25 du mois d'août 1453, à l'unanimité, moins une voix, que veu que le dit Cuer avoit esté déclairé crimineulx de crime de lèze-maiesté et que les biens qu'il avoit estoient venuz des exactions par luy faictes sur le Roy et sur le peuple, et que, au temps de sa prinse et de son procès fait, sa dite femme vivoit encore, la requeste des dits enfans n'estoit recevable ne raisonnable, et qu'ils ne povoient ne devoient aucune chose demander ès meubles et conquestz du dit Cuer, comme héritiers de leur feue mère[9].

Le lendemain, 26 août, le procureur général fit connaître cette décision à l'archevêque de Bourges et il lui enjoignit en même temps, sous peine d'une amende de mille marcs d'argent, de restituer la somme de dix mille écus à laquelle était évalué l'héritage de feu l'évêque de Luçon, .frère de Jacques Cœur. L'archevêque de Bourges objecta qu'il avait pris possession des biens de son oncle parce qu'il était son héritier et exécuteur testamentaire ; mais le procureur général lui répondit qu'il ne pouvait hériter de l'évêque de Luçon, attendu que Jacques Cœur, son frère, était le plus proche parent[10].

Cependant, la division s'était glissée entre les enfants de Jacques Cœur, et ils n'étaient pas unanimes dans leurs protestations contre l'arrêt de sa condamnation. Quant à l'archevêque de Bourges, on a vu qu'il n'avait, depuis le commencement du procès, épargné aucunes démarches pour en soustraire la connaissance aux commissaires extraordinaires, et qu'il avait intéressé au sort de son père l'évêque de Poitiers, l'archevêque de Tours et le pape lui-même. Depuis l'arrêt, l'archevêque de Bourges avait repris son œuvre, en changeant de tactique ; après avoir vainement essayé des supplications, il en était venu aux voies judiciaires, et deux de ses autres frères faisaient cause commune avec lui. Un seul d'es quatre frères, Ravaut Cuer, ne voulut pas s'associer à eux. On ne sait pour quel motif il se sépara, dans ces graves circonstances, du reste de sa famille. Le fâcheux dissentiment qui la divisait est constaté officiellement par le procès-verbal du procureur général du roi. L'extrait suivant porte la date du 30 octobre 1453 :

Et le dit jour vint vers moy Ravaut Citer qui me dist qu'il n'avoit de quoy vivre ne de quoy avoir des vestemens et autres habillemens de sa personne, et que, pour ce qu'il ne s'estoit pas voulu consentir à l'opposition que l'arcevesque de Bourges et autres ses frères vouloient faire à l'encontre des criées des héritages et biens immeubles du dit Cuer qui se faisaient, ilz l'avoient chassé et chassoient, et ne le vouloient veoir ne rancontrer et ne savoit où aler ; et me requist, en plorant et gémissant, que je voulsisse avoir regard à son pouvre fait, et le remonstrer ati Roy par manière qu'il eust aucune chose de quoy vivre, et que se jamais il n'en devoit amender, et deust-il mendier, il ne se opposeroit contre les criées, ne demanderoit autre chose que le bon plaisir et la bonne grâce du Roy. A quoy je luy dis et respondis qu'il ne se desconfortast point, et que je ne faisoye doubte que le Roy n'eust pitié de luy, et que je luy pourvoiroye d'aucune chose, et luy feroye le mieulx que je pourroye[11].

Cet acte de, faiblesse fut récompensé par une indemnité de cinq cents livres. Quelques jours après, le 6 novembre, le procureur général fit faire pour Ravaut Cœur deux robes noires fourrées d'agneau, l'une courte, l'autre longue, un chaperon, un pourpoint et divers autres habillements, estimés vingt-huit livres tournois, à déduire des cinq cents livres que le roi avait accordées. Deux jours plus tard, on remit à Ravaut Cœur vingt-cinq livres, après qu'il eut juré et affirmé qu'il n'avoit un seul denier pour vivre[12].

Lorsque Je procureur général eut fait les dispositions nécessaires pour la vente des biens de Jacques Cœur à Tours, à Bourges, à Paris, à Lyon, à Poitiers, à Montpellier, il se rendit en Provence. Son principal but était de décider le roi René à livrer au roi de France Jean de Village, ce neveu de Jacques Cœur qui l'avait autrefois fait envoyer en ambassade auprès du soudan. Jean de Village avait, d'ailleurs, été fort mêlé dans le procès ; aussi, malgré les lettres de sûreté qu'on lui avait envoyées, il refusait d'aller à Montpellier pour y rendre ses comptes, sur les terres du roi. Le procureur général arriva le 24 juin 1454 à Aix où le roi de Sicile faisait alors sa résidence. A peine descendu de cheval, il se rendit auprès de lui ; mais, le jour étant avancé, René lui donna rendez-vous pour le lendemain après sa messe. Le roi de Sicile s'attendait à la .demande que Jean Dauvet était chargé de lui faire. Il y répondit qu'elle lui semblait bien estrange, qu'il ne demandait pas mieux que d'être agréable au roi de corps et de biens, mais que son pays de Provence n'était sujet du roi ni du royaume ; qu'au surplus, Jean de Village étant citoyen de Marseille, il ne pourrait le faire enlever sans enfreindre les privilèges de cette ville, ce qui aurait les plus grands inconvénients pour lui et pour la prospérité de ses sujets. Le procureur général ayant insisté, René appela à son aide son chancelier et messire Vidal de Caban ne. Quoi qu'il en soit, le droit fut intégralement maintenu, et, malgré son habileté, Jean Dauvet échoua complètement dans sa mission. Il quitta Aix, se rendit à la Sainte-Baume pour y faire un pèlerinage à la benoiste Magdeleine, et arriva à Marseille deux jours après[13].

Des difficultés d'une autre nature l'y attendaient. Le viguier et les syndics de Marseille avaient mis opposition à la vente d'une maison que Jacques Cœur y possédait. Dans l'opinion du procureur général, cette opposition était mal fondée. De leur côté, le viguier et les syndics objectèrent qu'à l'époque où Jacques Cœur avait obtenu le droit de bourgeoisie à Marseille, il s'était engagé à y faire construire une belle et bonne maison. Par suite, il avait été dispensé de taxes évaluées à dix mille florins. La maison n'ayant pas été bâtie, la ville demandait le remboursement de ces taxes, et c'est pour ce motif qu'elle avait mis opposition à la vente d'une autre maison et d'un terrain appartenant à Jacques Cœur. Le procureur général répondait à cela qu'en admettant que celui-ci eût pris l'engagement dont on parlait, il y avait pleinement satisfait en achetant une belle maison qu'il avait fait grandement édifier et réparer ; que, d'ailleurs, lui et ses gens avaient fait de grandes dépenses à Marseille. Après de nombreux pourparlers, le viguier et les syndics consentirent à donner trois cents écus au roi, à la condition qu'il abandonnerait tous ses droits sur les biens de Jacques Cœur dans leur cité. Le procureur général trouvant que les officiers de Marseille estoient gens sans gaires de raison et très-difficiles, accepta cette offre, valant mieulx, dit-il, prendre les dits IIIc escuz que s'en retourner ainsy sans rien faire et en danger de tout perdre. Il vit, en outre, Jean de Village et insista pour le décider à venir rendre ses comptes à Montpellier. Mais vainement il l'assura que sa liberté ne courait aucun danger ; Jean de Village n'en crut rien, avec raison, et s'obstina à répondre qu'il n'irait à Montpellier qu'autant que Charles VII lui aurait auparavant fait délivrer des lettres d'absolution en bonne et due forme. Enfin, le Ier juillet, Jean Dauvet revit à Aix, avant de partir, le roi de Sicile qu'il trouva et laissa, au sujet de l'extradition qu'il était venu lui demander, dans les mêmes dispositions[14]. En définitive, le voyage de Jean Dauvet en Provence n'avait produit que les trois cents écus qu'il était parvenu à arracher, non sans peine, à la ténacité des Marseillais.

Tandis que le procureur général du roi s'en allait ainsi, à cheval, de ville en ville, pour activer la vente des dépouilles de Jacques Cœur et faire rentrer dans les coffres du trésor le prix des lambeaux partout éparpillés de cette immense fortune, les protestations de la famille continuaient et prenaient Un caractère plus grave. On a vu que Jean Cœur, archevêque de Bourges, avait, peu de temps après l'arrêt, soutenu, mais sans succès, ses droits à l'héritage de sa mère et de son oncle, l'évêque de Luçon. Plus tard, deux de ses frères, Henri, chancelier de l'église de Bourges, et Geoffroy appelèrent des gens du Grand Conseil à la Cour du Parlement et mirent opposition à la vente des biens de leur père. Ils alléguaient qu'il avoit toujours esté détenu si étroictement que nul n'avoit osé parler à luy, que l'on n'avoit voulu permettre qu'il eust du conseil ni qu'il fust ouï en justice,- que le crime de lèze-majesté n'avoit pas esté prouvé, que la sentence ayant esté rendue en son absence, était nulle. Ils disoient enfin que leur père estoit clerc, longtemps par avant son mariage ; mesmement, au temps de la dicte sentence donnée estoit clerc, non marié, car la dicte feue Macée (sa femme) estoit allée de vie à trespas...

Le procureur général répondit que Jacques Cœur estoit crimineulx de plusieurs grands crimes et mesmes de lèze-rnajesté ; qu'il estoit, au temps de sa prinse, marié, et n'estoit en habit ne tonsuré ; qu'il avoit esté ouï par voye extraordinaire, qu'il n'estoit besoin de prononcer l'arrest en sa présence, et enfin qu'il avoit bien su le dit arrest puisqu'il avoit fait amende honorable. Quoi qu'il en soit, cette persistance à attaquer l'arrêt du 29 mai 1453 excita sans doute les réclamations de ceux qui l'avaient rendu, et l'on résolut de prévenir, par les voies de rigueur, toute nouvelle protestation. Henri Cœur et le mandataire de Geoffroy Cœur furent jetés en prison. On instruisit contre eux, et des lettres de Charles VII du 27 octobre 1455 les condamnèrent à faire amende honorable en la personne du procureur général, à genoux, sans chaperon et sans ceinture, tenant une torche de six livres de cire ardent en la main, et à crier mercy au Roy et aux gens du Grand Conseil, en disant que faulsement et mauvaisement ils avoient appellé et baillé la dite cédule, et en amende profitable de deux mille écus. A la vérité, l'amende fut ensuite réduite à trente livres. De leur côté, deux notaires de Bourges, qui avaient dressé la cédule d'appel, subirent une condamnation.

Indépendamment des oppositions formées par la famille de Jacques Cœur, il y avait aussi celles des particuliers, et elles étaient nombreuses. On remarquait parmi eux Louis de la Trémouille, en sa qualité d'ancien propriétaire de diverses terres que Jacques Cœur avoit achetées, les évêques de Carcassonne, de Nevers, de Montauban et le sénéchal du Bourbonnais, Jean d'Étampes, Jean de Courtenay, Guillaume de Coligny, Jean de Chaumont, Guillaume Lallemant de Bourges, et un grand nombre d'autres. Toutes les oppositions furent d'ailleurs repoussées. Les créanciers de Bourges avaient espéré être mieux traités que les autres ; ils se fondaient sur ce que, d'après un ancien privilège de la province, les biens des bourgeois et habitants de la ville ne pouvaient être confisqués, si leurs dettes n'avaient été payées. On nia ce privilège qui, au surplus, dirent les commissaires, aurait été sans force contre les droits du roi[15].

L'adjudication des propriétés immobilières traîna néanmoins en longueur, à raison des oppositions spéciales dont la plupart d'entre elles furent l'objet. Lorsque Jacques Cœur avait été arrêté, le roi s'était emparé de tous ses biens, et, se réservant seulement cent mille francs pour la guerre de Guyenne, il avait distribué tout le reste au comte de Dammartin et aultres qui estoient autour de luy[16]. Le don fait au comte de Dammartin se composait :

1° Des terres et seigneuries de Saint-Fargeau, de La Couldre, de Perreuse, de Champignolles, de Mezilles, de Villeneuve-les-Genêts et leurs dépendances ;

2° De Saint-Morise sur l'Aveyron, la Frénaye, Fontenelles et leurs dépendances ;

3° De la baronnie de Toucy avec ses appartenances et dépendances.

Le comte de Dammartin prit immédiatement possession de ces vastes domaines, et s'empressa d'y faire acte de propriétaire. Des réparations furent ordonnées et exécutées. En même temps, il restait chargé de la direction du procès de Jacques Cœur. Plus tard peut-être on pensa que c'était un spectacle peu moral que celui de ce juge à qui l'on avait commencé par livrer une grande partie des biens de l'accusé, et il fut décidé que les propriétés immobilières de Jacques Cœur seraient, comme ses meubles, vendues par adjudication[17]. Le 5 avril 1453, les terres que Charles VII avait d'abord données au comte de Dammartin ayant été mises aux enchères, celui-ci en offrit douze mille écus d'or. Le lendemain, 6 avril, Jean d'Aunoy, dit le Galois, chevalier et seigneur d'Orville, surenchérit de mille écus d'or. Le 9 avril, Antoine de Chabannes offrit mille écus d'or en sus. Plusieurs mois s'écoulèrent après lesquels Jean d'Aunoy porta l'enchère à dix-sept mille écus d'or. Le résultat de cette lutte était d'ailleurs prévu ; peut-être même avait-elle été organisée à l'avance afin de donner une apparence de réalité aux enchères. L'adjudication définitive eut lieu, le 30 janvier 1455, au profit d'Antoine de Chabannes ; au prix de vingt mille écus d'or, outre l'obligation de servir diverses petites rentes n'atteignant pas la valeur annuelle de cent livres[18]. Quant aux vingt mille écus, on sut plus tard que le roi lui en avait fait don[19].

De son côté, le premier chambellan du roi, Guillaume Gouffier, qui avait aussi joué un grand rôle dans le procès de Jacques Cœur, eut, sans doute au même prix que le comte de Dammartin avait payé les siennes, la terre et la seigneurie de la Motte, celles de Boissi, la moitié de celles de Roanne et de Saint-Aon. Elles lui avaient été adjugées pour dix mille écus. La nouvelle maîtresse en titre du roi, Antoinette de Maignelais, devenue dame de Villequier, obtint, pour huit mille écus d'or, la terre de Menetou-Salon, dans le Berry. Il est permis de croire que le payement de cette somme ne lui fut pas non plus très-onéreux Enfin, les terres et seigneuries de Lavau, de Villebon et de Beauplessis, furent vendues, ou plutôt données, la première pour vingt livres tournois de rente, les deux dernières ensemble pour une rente de dix-sept livres tournois seulement[20]. D'autres terres et maisons restaient d'ailleurs encore à adjuger.

Cependant, près de trois années s'étaient passées depuis que Jacques Cœur avait été condamné au bannissement perpétuel, indépendamment des quatre cent mille écus d'amende et de la confiscation de ses biens, et Charles VII, aggravant encore la sentence, le retenait toujours prisonnier. Aucun document ne fait connaître ce qu'il était devenu depuis le jour où il avait fait amende honorable à Poitiers. Était-il resté renfermé dans le château de cette ville ? avait-il été de nouveau transféré à Lusignan ou dans une autre prison ? Rien ne l'indique. Quelle que fût cette prison, il parvint à se sauver et il se dirigea vers la Provence. Arrivé à Beaucaire, il fut reconnu et se réfugia dans un couvent de Cordeliers. Sans doute, Charles VII le réclama, mais le couvent était lieu d'asile, et les Cordeliers firent prévaloir leurs prérogatives. En attendant, Jacques Cœur était gardé à vue[21]. Il ne tarda pas à intéresser à son sort un frère cordelier. Celui4ci consentit à porter à Jean de Village, alors à Marseille, une lettre dans laquelle Jacques Cœur le suppliait d'avoir pitié de lui et de trouver le moyen de le tirer de cette franchise, ajoutant que ce serait lui sauver la vie. La lettre que Jacques Cœur écrivit dans cette extrémité a, par un rare bonheur, été conservée[22]. On va juger, par le cri de détresse qui lui échappa et par les détails que cette lettre contient, des dangers dont il était entouré et de l'acharnement de ses ennemis que sa mort seule pouvait, à ce qu'il paraît, satisfaire.

Jehan mon bon nepveu, chier fils, pour tant qu'avès à moy affinité d'amour, et que vous est à tuer ma vie, à vous et à toute dilligence me recommande, et pour Dieu, chier fils, ne tardiez plus de me venyr tirer hors de ceste franchise, estant que dedans cinq jours ils m'en tireront eus-mesmes pour me mettre à mort ou me occiront dedans, debvans jà estre parvenus à tèle fin se n'eust esté ce bon frère Hugault bon frère ; et jà ont tasehé à m'occir en violence, m'estant sailli sus emmi (du milieu de) la nuit ung despéchié d'Otto, et m'eust de faict occis se n'eust esté un maillet de pion que m'avoit baillé le dit bon frère, duquel me suys mys en deffense, et aiant esté au couvent grant murmure de ce, se sont entremis de poison duquel m'a esté secrètement baillé ad-vis et que l'on me bailleroit pouldre de Reaigal idaitenay[23] en du vin, lequel hier, aiant failly à desseing au souper, me en a-t-on apporté ung gobelet auquel estoient les dictes pouldres, lequel ay faint boire, ains (mais) l'ay pu gecter, et depuis me faint mallade en langueur, pour ce que dedans six jours en debvois mourir, et ne est plus possible que dure tèle faintise plus que les dits cinq jours, après quoi me occiront par force, se voyent tel malsuccès de la dicte traytrise. Et pour Dieu, chier fils, hastez-vous me venir en ayde ou ne me troverés vivant. Et tient encore G. D. V.[24] mes deniers [25] que adcerte (certainement) vous remettra pour ceste entreprinse de salut, et ny espargnés rien ; faictes en toute haste. Pour moy me demore suffisance d'argent pour nécessités si est du dedans des joyaux que avois en ma seinture que le dict bon frère me a faict porter en (un mot illisible). Et pour Dieu, chier fils, ne me lairrez succomber pour tant que vous suis chier et faictes tôt régal à ce bon frère auquel ayés toute foy comme proprement avés à

Votre pouvre bon maistre et père,

J. C.

Celui à qui cette lettre poignante était adressée, Jean de Village, n'était pas seulement le neveu de Jacques Cœur ; il lui devait aussi sa fortune. Il n'hésita pas à tout risquer pour le sauver. On sait que le Rhône sépare Beaucaire de Tarascon. Jean de Village se rendit dans cette dernière ville, descendit dans un couvent de Cordeliers, et par l'entremise de l'un d'eux, se mit en rapport avec Jacques Cœur, auquel il fit dire d'avoir bon espoir et qu'il le tirerait de là[26].

L'entreprise était difficile. Jean de Village confia le projet qu'il avait formé à deux anciens facteurs de Jacques Cœur, Guillaume Gimart et Gaillardet, tous deux natifs de Bourges. Ceux-ci acceptèrent avec empressement l'offre qu'il leur fit de le seconder. Ils s'adjoignirent dix-huit à vingt compagnons de guerre, et au jour fixé, se rendirent de Marseille à Tarascon. Là, ils prirent une barque et passèrent le Rhône. Vers minuit, ils se trouvaient sous les murs de Beaucaire. Un des hommes faisant partie de l'expédition connaissait un endroit des remparts où existait une ouverture ; ils l'agrandirent, pénétrèrent dans la ville et se dirigèrent vers l'église des Cordeliers. C'était le moment des matines ; Jacques Cœur y assistait, mais il était gardé à vue. Une lutte violente s'engagea dans laquelle quelques-uns de ses gardiens furent blessés à mort[27]. Enfin, on parvint à l'enlever. Il suivit ses amis dont on peut se figurer la joie. Ils arrivèrent bientôt par le même chemin dans la barque qui les attendait au pied des remparts ; un instant après, Jacques Cœur n'était plus sur les terres du roi de France. De Tarascon, il se rendit à travers la plaine de la Crau au port de Bouc, situé à l'entrée de l'étang de Berre qui communique avec la Méditerranée. Une barque, préparée par les soins de Jean de Village, attendait le fugitif et le conduisit près de Marseille. Ne s'y croyant pas encore en sûreté, il se rendit immédiatement par terre jusqu'à Nice. Un navire armé y était à ses ordres ; il s'y embarqua, fit voile vers Pise, et arriva bientôt à Rome où le pape Nicolas V l'accueillit avec les marques de la plus vive satisfaction.

Jacques Cœur avait sagement fait de ne pas s'arrêter même un seul jour dans les États du roi René, et de chercher un refuge auprès du pape. Dès que Charles VII connut cette évasion et les circonstances qui l'avaient accompagnée, il chargea deux de ses conseillers et un de ses écuyers de se rendre à Arles pour se plaindre au viguier et aux syndics de cette ville de ce qu'en apprenant les violences qui avaient été commises à Beaucaire, ils n'avaient pas pris immédiatement des mesures pour en arrêter les auteurs. Le viguier et les syndics d'Arles répondirent qu'aussitôt qu'ils avaient su l'enlèvement de Jacques Cœur, ils avaient envoyé de tous les côtés pour le faire arrêter, lui et ses complices ; ils ignoraient, du reste, ajoutèrent-ils, qu'aucun de leurs concitoyens lui eût prêté secours dans cette circonstance[28]. Les délégués de Charles VII parurent se contenter de ces excuses. Cependant, peu de temps après, trois de ces compagnons qui avaient secondé Jean de Village dans son expédition furent arrêtés, jetés dans les prisons de Tarascon et transférés ensuite dans celles de Beaucaire. Mais Charles VII leur fit grâce au mois d'avril 1456[29]. La femme et les enfants de Jean de Village avaient aussi été arrêtés à Marseille. Un peu plus tard, la liberté leur fut rendue, mais sous caution, et avec défense expresse de sortir de la ville[30].

Quant à Jean de Village, il avait rejoint Jacques Cœur à Rome. Là, il lui rendit ses comptes et besoigna avec luy de toutes les charges et administrations des galées et faicts qu'ils avaient eu, tellement que l'on resta content l'un de l'autre[31].

Ainsi, la fortune de Jacques Cœur n'avait pas été complètement engloutie dans son naufrage. Pendant que le comte de Dammartin, la dame de Villequier, Guillaume Gouffier et beaucoup d'autres se partageaient ses terres et ses châteaux, quelques agents dévoués, les seuls qui lui fussent restés fidèles, lui restituaient loyalement ce qu'ils avaient pu sauver de ses marchandises et de ses navires. Quand cette liquidation fut terminée, quand la joie qu'avait dû lui causer sa délivrance se fut un peu calmée, Jacques Cœur ressentit sans doute avec force les tristesses de l'exil. Qu'allait-il devenir désormais ? Où se porterait cette activité puissante qui, en France, avait, dans l'espace de quelques années, accompli des prodiges ? Peu de temps après son arrivée à Rome, la mort lui avait enlevé Nicolas V, son protecteur. L'Europe entière était encore sous l'impression qu'y avait causée, trois mis auparavant, la prise de Constantinople par les Turcs. Cette impression avait été, comme on pense bien, plus profonde à Rome que partout ailleurs. Au moment de sa mort, Nicolas V préparait une expédition contre les Turcs. Calixte III, son successeur, reprit l'œuvre commencée, et envoya des ambassadeurs auprès des princes chrétiens pour en obtenir des subsides ou des auxiliaires ; mais l'enthousiasme qui avait armé l'Europe à l'époque des premières croisades était éteint. Il y avait alors dans le trésor de l'Église deux cent mille écus d'or que Nicolas V destinait aux frais d'une nouvelle croisade. Grâce à cette somme, augmentée de décimes qui furent imposés sur le clergé, de quelques aumônes, d'offrandes recueillies par des prédicateurs qui parcouraient sans cesse les divers États de la chrétienté, Calixte III arma une flotté de seize galères dont il donna le commandement supérieur au patriarche d'Aquilée. Cependant, il fallait à cette flotte un chef actif, énergique, dont le nom et les services inspirassent confiance aux soldats. Jacques Cœur avait, dans de nombreuses rencontres, combattu à côté de Charles VII, de Dunois, de Xaintrailles, de La Hire et des plus célèbres capitaines français. Calixte Hile nomma capitaine général de l'expédition.

La flotte était destinée à secourir Rhodes, Chio, Lesbos, Lemnos et d'autres îles de l'archipel grec. Des pirates catalans et de quelques autres nations se joignirent à elle. Faute de pouvoir tenter de plus grandes entreprises, elle ravagea, dit un historien contemporain, les côtes de l'Asie mineure et les îles qui étaient tombées en la possession des Turcs. En quittant l'Italie, elle s'était dirigée sur Rhodes où elle séjourna quelque temps. De là, elle fit voile pour Chio où elle s'arrêta également. Jacques Cœur y tomba malade, et tout porte à croire que ce fut à la suite d'une blessure qu'il avait reçue dans quelque engagement[32]. C'était au mois de novembre 1456. Sentant sa fin approcher, il écrivit au roi pour lui recommander ses enfants et le supplier humblement qu'eu esgard aux grands biens et honneurs qu'il avoit eus en son temps autour de luy, ce fut son bon plaisir de donner aucune chose à ses enfants, afin qu'ils pussent, mesmement ceux qui estoient séculiers, honnestement vivre sans nécessité[33].

Jacques Cœur mourut le 25 novembre 1456[34], loin de la France, et sans doute aussi loin de tous les siens. Un historien contemporain rapporte qu'au moment de trépasser, l'illustre proscrit protesta de son innocence par un serment solennel, pardonna à ses délateurs, au roi, et supplia Dieu de leur pardonner à son tour[35]. Enfin, le passage suivant d'un historien du XVIe siècle a fait cesser l'incertitude où l'on avait longtemps été sur le lieu où était mort l'ancien argentier de Charles VII. Après avoir raconté une descente que les Français firent, en 1501, dans l'île de Chio, où plusieurs hommes moururent de maladie, cet historien ajoute : qu'ils furent enterrés dedans l'église des Cordeliers, auquel lieu est pareillement ensépulturé feu Jacques Cueur dedans le milieu du chœur de la dite église[36].

 

 

 



[1] D'après M. Raynal, loc. cit., p. 85, l'amende honorable aurait eu lieu sur un échafaud dressé sur la grand'place de Poitiers. Je ne trouve nulle part trace de cette circonstance, qui est d'ailleurs en opposition 1° avec le texte du procès verbal cité plus haut des protestations de l'évêque de Poitiers ; 2° avec les détails mêmes de la miniature des chroniques de Monstrelet.

[2] Archives Nat., Mss. Vente des biens de Jacques Cœur, registre K, 328. Voir pièces justificatives, n° 3, extrait B.

[3] Procès, etc., p. 353 et 354.

[4] C'est à Tours, sans doute, qu'il avait son principal entrepôt, à cause du voisinage de la cour, qui résidait principalement à Loches, à Chinon, à Blois et dans les environs.

[5] Vente des biens, etc. Pièces justificatives, n° 3, extrait B.

[6] Un Jean Dormont, fils du comte Dormont d'Irlande, commandait Vernon peur les Anglais, en 1449. Dunois ayant fait sommer la ville de se rendre, Dormont lui envoya, dit Monstrelet, en signe de dérision et de moquerie, toutes les vieilles clefs qu'il put trouver chez les serruriers de la ville. Les canons de Dunois le firent bientôt changer de langage, et il fut obligé de rendre la ville quelques jours après. (Histoire de la ville et du canton de Vernon, par M. Théodore Michel, p. 97.) Il est probable que le sire Dormond, qui appartenait par indivis à Jacques Cœur et à Dunois, est le même qui avait commandé à Vernon.

[7] Vente des biens, etc. Voir pièces justificatives, n° 3, extrait I (pour les hanaps) et M. Raynal, loc. cit., p. 88 (pour les prisonniers). — La rançon du duc d'Orléans, qui avait été, comme l'on sait, longtemps prisonnier en Angleterre, s'était élevée à cent vingt mille écus.

[8] Vente des biens, etc., pièces justificatives, n° 3, extrait C.

[9] Vente des biens, etc., n° 3, extrait F.

[10] Vente des biens, etc., n° 3, extrait G.

[11] Vente des biens, etc., folio 106, recto.

[12] Vente des biens, etc. Cette circonstance est aussi mentionnée par M. Raynal, loc. cit., p. 87.

[13] Vente des biens, etc., voir pièces justificatives, n° 3, extrait L.

[14] Vente des biens, etc., voir pièces justificatives, n° 3, extrait L.

[15] Actes judiciaires relatifs à la vente des biens de Jacques Cœur, pièces existant dans les archives du château de Saint-Fargeau, publiées par M. Buchon, à la suite des Mémoires de Du Clerc et de Lefebvre Saint Rémy (Panthéon littéraire), p. 582 à 653.

[16] Procès, etc., Mémoire pour avoir consultation, etc., p. 640 ; voir pièces justificatives, n° 46.

[17] Procès, etc. Lettres de Louis XI, etc., p. 1192 et suivantes. Voir pièces justificatives, n° 21.

[18] Actes judiciaires, etc., publiés par M. Buchon ; ubi supra.

[19] Lettres de Louis XI, etc. ; pièces justificatives, n° 21.

[20] 1ers Mémoires de Bonamy. Voir pièces justificatives, n° 22 ; M. Raynal, loc. cit., p. 89.

[21] Papon, Histoire générale de Provence, t. III, p. 373, note. Jacques Cœur ayant été reconnu à Beaucaire, lorsqu'il cherchait à sortir du royaume, se réfugia dans une église.... Papon parait s'appuyer sur une pièce contemporaine que je publie aux pièces justificatives, n° 14, et qui est loin d'être aussi explicite sur ce point ; sa version semble néanmoins tout à fait probable.

[22] J'ai tenu entre les mains, non sans un vif intérêt, je dois le dire, cette précieuse lettre que je crois inédite ; elle faisait partie de la belle collection d'autographes de M. le baron de Trémont, qui l'avait payée deux cent dix francs. Mise en vente tout récemment, elle a été adjugée à deux cent un francs. J'ajoute que l'authenticité de cette pièce me parait incontestable. La lettre ne porte ni date ni indication de lieu. Dans le coin supérieur de gauche se trouve un signe convenu, sans doute, entre Jean de Village et Jacques Cœur. Elle est signée des deux initiales J. C. et du paraphe de Jacques Cœur. Enfin, la suscription porte ces trois initiales J. D. V. (Jean de Village).

[23] Je crois que j'ai bien lu ces mots, qui se trouvent dans un des plis de la lettre, dont le papier est légèrement cassé en cet endroit ; toutefois, je n'oserais l'affirmer. Jacques Cœur voulait-il parler d'un poison qu'on aurait appelé poudre royale, ou bien poudre régal ? Dans ce cas, que signifie le mot idaitenay ? C'est un point que je n'ai pu éclaircir. Enfin, on se servait, m'a-t-on assuré, au moyen âge, d'un poison nommé realgar, qui ne serait autre que le sulfure de mercure.

[24] Guillaume de Varye, le principal associé de Jacques Cœur.

[25] Ces signes indiquaient une somme en langage convenu, sans doute, entre Jacques Cœur et ses associés.

[26] Ces détails, et quelques-uns de ceux qui suivent, sont tirés des lettres d'absolution rendues par Charles VII, au mois de février 1456, en faveur de Jean de Village (voir pièce justificative, n° 16). Ils sont confirmés par la relation également authentique des démarches faites, d'après les ordres de Charles VII, auprès du viguier et des consuls d'Arles, pour obtenir la punition des citoyens de cette ville qui avaient participé à l'évasion ile Jacques Cœur : Expositio, requisitioque, etc., pièce justificative, n° 14.

[27] Invitisque eis qui custodiœ suœ preerant, ac eis invasis, atrociterque et lethaliter vulneratis... Pièce n° 14.

[28] Expositio, requisitioque, etc., pièce justificative, n° 14.

[29] Bibl. Nat., Mss. Histoire de Louis XI, par l'abbé Legrand, t. VIII. Lettres de rémission, etc. On lit dans ces Lettres que l'expédition se composait de dix-sept compagnons, lesquels s'étaient rendus bien armés aux Cordeliers de Beaucaire, où Jacques Cœur, s'estant sauvé des prisons, s'estoit mis en franchise.

[30] Lettres de rémission en faveur de Jean de Village ; pièce justificative, n° 15.

[31] Lettres de rémission en faveur de Jean de Village ; pièce justificative, n° 15.

[32] Amelgard, pièce justificative, n° 1 ; extrait G. Voici le passage : Qui postea, a summo pontifice Nicolao, quibusdam galeis prepositus quos contra infideles armaverat, cum strenuum se aliquanta tempore in hujusmodi navali prœbuisset exercitio, MORS INDE CONTRACTA eum ad feliciorem vitam ex hac instabili luce evocavit. Il y a lieu de remarquer toutefois que ce n'est pas Nicolas V, mais Calixte III qui donna à Jacques Cœur le commandement de l'expédition contre les infidèles.

[33] Lettres de Charles VII en faveur des enfants de Jacques Cœur, du 5 août 1457. Voir pièce justificative, n° 15.

[34] La date exacte de sa mort est fixée par ce passage de l'obituaire de l'église Saint-Étienne de Bourges, dont il avait été l'un des bienfaiteurs, et qui ne l'oublia pas : XXV NOVEMBRIS. — Obiit generosi animi dominus Jacobus Cordis, miles, ECCLESIE CAPITANEUS GENERALIS CONTRA INFIDELES, qui sacristiam nostram penitus extruxit et ornamentis decoravit, aliaque plurima ecclesie nostre procuravit bona. Ea propter precibus et suffragiis complectendum duximus, et in perpetuum solernne anniversarium illius celebrandum ordinavimus..... — M. Raynal, loc. cit., p. 94, note. — L'obituaire n'indique pas l'année où mourut Jacques Cœur ; mais ce ne peut être qu'en 9456. En effet, l'aventure de Beaucaire avait eu lieu au commencement de la même année, et les lettres de Charles VII où il est question de Jacques Cœur comme estant allé de vie à trespassement, à l'encontre des ennemis de la foy catholique, sont du 5 août 1457.

[35] Amelgard, voir la préface et les pièces justificatives, n° 1, extrait G.

[36] Jean d'Auton, Histoire de Louis XII, édit. de Th. Godefroy, t. I, p. 1342. — Bonamy dit (1er Mémoire, voir pièce justificative, n° 22) que Jean d'Auton avait vécu avec les enfants de Jacques Cœur. Cela est tout à fait probable. Je remarque encore que les Lettres de rémission délivrées par Charles VII en faveur de Jean de Village, au mois de février 1456, sont contresignées par diverses personnes, au nombre desquelles figure messire Jean d'Auton. C'était peut-être le père ou un oncle de l'historien.