LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

L'EXPÉDITION DE CUSTINE

 

CHAPITRE VIII. — BINGEN.

 

 

I. Reddition de Königstein. L'armée de Custine. — II. Szekuly et sa bande de soufre. Gauvain à Stromberg. Inaction de Custine. — III. Waldalgesheim. Neuvinger fait prisonnier. Abandon de Bingen. Custine et Beurnonville. — IV. Retraite sur Alzey et Worms. Combat d'Ober-Flörsheim. Echec d'Alsheim. Reculade de Guntersblum. De Blou et Merlin. Custine soupçonné. Vote de confiance.

 

I. Custine apprit à son retour la reddition de Königstein. La forteresse, inutilement bombardée dans la journée du 7 décembre 1792, était bloquée depuis cette époque. Le capitaine Meynier, qui la commandait, avait promis à sa garnison de faire sauter en bas des remparts le premier qui prononcerait le mot de capitulation, tant qu'il y aurait pour vingt-quatre heures de pain. Il ne se rendit que le 9 mars 1793, lorsque tous les vivres furent consommés[1].

Mais c'était Mayence que voulait le roi de Prusse. Toute l'Europe, disait le Moniteur[2], sait qu'il a juré de ne revenir à Berlin qu'après avoir repris Mayence, et il croit de son honneur de tenir ce serment. Le plan de campagne avait été fixé dans les conférences de Francfort. Pendant que le prince de Cobourg percerait les cantonnements français de la Rœr et débloquerait Maëstricht, que Wurmser couvrirait le Rhin de Bâle à Mannheim, que Hohenlohe-Kirchberg garderait Luxembourg et Trèves, Frédéric-Guillaume II assiégerait et prendrait Mayence[3]. Il avait avec lui 58 bataillons et 75 escadrons, formant 50.000 hommes, ainsi que 4.000 Hessois et 5.000 Saxons. Toutes ces forces, appuyées au Taunus, cantonnaient alors entre le Mein et la Lahn ; une partie observait Kastel ; l'autre se préparait à passer le Rhin pour rejeter Custine en Alsace et couvrir le siège de Mayence.

L'armée de Custine comprenait alors 45.000 hommes. 22.000 occupaient Mayence. Le reste était aux ordres de Munnier, de Neuvinger et de Houchard. Munnier, posté entre Oppenheim et Spire, devait contenir Wurmser, tout en menaçant la ville palatine de Maunheim et le pont du Rhin. Houchard avait passé la Nahe et se retranchait à Kreuznach, malgré les protestations de l'Électeur palatin qui possédait la ville. Neuvinger, qui venait de quitter le commandement de Kastel, couvrait à Bingen la droite des cantonnements français[4].

L'armée de la Moselle, composée de 20.000 hommes et commandée, en l'absence de Beurnonville, par le froid et flegmatique Ligniville[5], cantonnait derrière la Sarre, et une de ses divisions, menée par Destournelle, occupait depuis le mois de février le duché de Deux-Ponts.

Mais que pouvaient les troupes françaises contre ces Prussiens aguerris et fortement disciplinés, que Frédéric-Guillaume animait de sa présence ? Les bataillons de volontaires, un instant contenus par de vigoureux exemples, étaient redevenus mutins, désobéissants, ingouvernables[6]. Forster, qui les voyait de près, n'y trouvait que négligence, insouciance et insubordination. Les officiers, disait Blanier, ont été choisis par argent, les autres par boisson ; ils ne connaissent et ne connaitront jamais leur métier ; ils craignent de perdre leur place en commandant au nom de la loi. Haussmann et Reubell mandaient que, si l'on ne prenait les mesures les plus promptes, la discipline serait entièrement ruinée. Le lieutenant-colonel du 4e bataillon du Calvados écrivait que la moitié de ses hommes étaient des pères de famille, qui remplaçaient à prix d'or les oisifs du département, qu'ils n'avaient autre chose en tête que leurs femmes et leurs enfants, que les uns tombaient malades, que les autres murmuraient, que d'autres étaient trop âgés pour apprendre l'exercice, que lui-même ne pouvait tenir à leurs clameurs et à leurs larmes. Custine faisait les mêmes plaintes ; son armée ressemblerait bientôt à une armée turque ; le mode de nomination des officiers la perdait et amènerait en peu de temps sa désorganisation totale. Il protestait contre le décret du 21 décembre 1792, qui donnait un congé absolu à tout volontaire qui trouverait un remplaçant, et il déclarait ce décret injuste et impolitique : injuste, puisqu'il n'était fait que pour les riches ; impolitique, parce que des hommes inexpérimentés remplaçaient des hommes déjà exercés. Il cassait six officiers du 2e régiment de grenadiers, qui n'étaient pas à Hochheim sur le lieu de l'action : puissent leurs noms flétris et rayés de la liste des citoyens, effrayer tous ceux qui auraient l'infamie de les imiter ! Il chassait les gendarmes nationaux d'Oppenheim qui demandaient une augmentation de paie : esclaves qui marchandez vos services, partez, partez tous Mes lettres, ma vengeance, vous précéderont dans vos départements. Vos concitoyens indignés vous recevront a coups de canon ! Moi, je serai fidèle à mon devoir ; je vous ferai poursuivre dans votre fuite par ma cavalerie ; mon infanterie vous chargera ; je m'attacherai à vous comme une furie ! Mais ni les menaces, ni les châtiments n'établirent un ordre sévère. A l'armée des Vosges, comme dans les autres armées, un grand nombre de volontaires quittèrent leur drapeau après le 1er décembre 1792 et regagnèrent la France ; on les voyait passer par bandes à Deux-Ponts, se plaignant de Custine et disant tout haut qu'ils ne retourneraient pas dans cette Allemagne où l'on gèle[7].

Les troupes de ligne valaient mieux que les volontaires. C'était, suivant le mot de Beurnonville, la seule portion qui fit son métier ; mais elle ne composait pas le quart des armées, et les brigades de grenadiers ne tinrent pas ce qu'elles promettaient. Custine avait eu l'idée d'amalgamer toutes ses compagnies de grenadiers, grenadiers de volontaires, grenadiers de gardes nationales réquisitionnées, grenadiers des troupes de ligne : il avait ainsi réuni douze bataillons de grenadiers, formant six régiments ou trois brigades. Mais ces régiments sur lesquels il comptait comme sur une troupe d'élite, trompèrent singulièrement son attente : il dut bientôt les dissoudre et renvoyer les compagnies à leurs anciens bataillons[8].

La cavalerie manquait ou n'avait que très peu d'expérience. Il me reste si peu de cavalerie légère, assurait Houchard, qu'il n'est pas possible d'envoyer des détachements qui puissent imposer aux ennemis ; il faut que la ruse supplée au nombre ; et les Prussiens s'étonnaient que les chasseurs à cheval, renonçant à l'usage du sabre, n'eussent confiance que dans leur carabine[9].

L'artillerie, que le représentant Couturier nommait la sauvegarde la plus redoutable de la République, conservait encore sa supériorité, et les généraux mettaient en elle leur orgueil et leur espoir. Le feu de notre infanterie est nul, disait Custine, notre canon et nos baïonnettes, voilà nos seules armes ; et un officier rapporte que dans les deux premières campagnes nos pointeurs ajustaient d'une manière surprenante et que nos canonniers, exercés de longue main dans les écoles, tiraient infiniment mieux que les Prussiens. Mais déjà diminuait le nombre des bons artilleurs ; ce corps si précieux, écrivait Beurnonville, ce corps à qui nous devons presque tout, a besoin d'un grand recrutement[10].

Enfin, les généraux avaient à la fois peu de caractère et peu de savoir. On devait rappeler François Wimpffen ; il était infirme, et son fils servait dans l'armée ennemie. Munnier, qui commandait à Frankenthal, était absolument nul et se rendait ridicule par son extrême avarice ; il radote, disaient les commissaires, et soutient encore moins la fatigue que Wimpffen. De désespoir, Custine demandait Arthur Dillon qui, l'année précédente, défendait les Islettes ; il lui fallait un homme qui eût du talent, du courage et de la présence d'esprit pour lui garantir la sûreté de la rive gauche du Rhin, et cet homme, c'était Dillon. Mais Dillon, toujours suspect, quoique la Convention lui rendit sa confiance et que le Conseil exécutif provisoire consentit à l'employer, Dillon refusait de servir e l'armée du Rhin. Houchard et Neuvinger restaient, les lieutenants de Custine, et tous deux n'étaient que des soldats d'avant-garde ; comme leur général, ils ne savaient pas conduire de grandes opérations ; comme leur général, ils avaient la plus haute idée des Prussiens et, à l'avance, leur donnaient partie gagnée[11].

Gouvion Saint-Cyr était alors adjoint à l'état-major de Custine, et il a vu de près l'armée du Rhin. s Quand Custine aurait été grand capitaine, reconnait-il, il n'avait a sa disposition que de faibles instruments ; il n'avait ni soldats, ni officiers, ni généraux, mais des hommes propres a faire un jour des soldats, des officiers et des généraux. Nos théoriciens s'imaginent quelquefois que des recrues habillées en soldats et passablement alignées à la parade, sont déjà des militaires. Ils jugent les généraux sur le nombre qu'ils ont d'hommes de cette espèce et ils tombent ainsi dans les plus graves erreurs. Bonaparte a gagné de grandes batailles avec des conscrits ; mais ils étaient répartis dans des cadres excellents où tous les officiers et sous-officiers, jusqu'au dernier caporal, étaient aussi instruits qu'aguerris, où les sept huitièmes des généraux étaient tous d'une grande expérience et n'avaient pas à faire leurs preuves. Dans l'armée de Custine, depuis le général jusqu'au caporal, tout était neuf, et il eût été de la dernière imprudence de l'engager dans une bataille rangée, à moins d'avoir, comme à Jemappes, une grande supériorité numérique, et encore moins dans une retraite, pour peu qu'elle eût dû se prolonger. Les troupes de la République étaient alors très propres, quand elles étaient bien conduites, à la défense des places, des rivières, des défilés et des pays très accidentés, à ce qu'on appelle enfin la petite guerre. Mais les invasions qui exigent toujours la réunion de grandes masses, qui amènent des batailles et souvent des retraites en pays ennemi — opération la plus difficile et la plus dangereuse de la guerre avec des troupes de nouvelle formation — leur étaient interdites pour longtemps encore[12].

Aussi les Prussiens méprisaient-ils leur adversaire et comptaient en avoir bon marché. La prise Lie Francfort et de Hochheim exaltait leur courage, et désormais persuadés que la chance allait tourner, ils relevaient la tête, comme la fleur qui se dessèche et qui reçoit la rosée. Ils ne daignaient pas répondre aux invectives et aux balles que les républicains leur lançaient de l'autre rive du Rhin. Ils reconnaissaient que les carmagnoles étaient braves à l'occasion, mais ils leur déniaient l'esprit militaire. Pas un de nos soldats, dit un officier, qui n'eût conscience de sa supériorité et qui ne fût certain du succès, lorsqu'il fallait en venir sérieusement aux mains. Tel était l'orgueil des Prussiens et leur dédain des ennemis, qu'ils ne se gardaient plus et Le prenaient plus aucune précaution. Ces Français, si novices, si prompts à plier sous le moindre choc, oseraient-ils jamais tenter un coup de main[13] ?

 

II. Les victoires du prince de Cobourg qui, en cinq jours, culbutait l'avant-garde de Dumouriez à Aix-la-Chapelle, débloquait Maëstricht et s'emparait de Liège, hâtèrent les mouvements du roi de Prusse. Il résolut de franchir le Rhin à Bacharach. C'était le meilleur point qu'il pût choisir ; il restait ainsi tout près de ses magasins de Coblenz, et au-dessus de Mayence, surtout à Oppenheim, le terrain rendait le passage impossible. Mais Frédéric-Guillaume débuta par une faute : il voulut détourner l'attention des Français en détachant quelques troupes dans le Hundsrück et il confia l'entreprise à un bravache, qui faillit tout gâter par sa maladresse et sa jactance. Il fit venir de Silésie un Hongrois de naissance, le colonel Szekuly, qu'on regardait comme un des plus hardis partisans de son époque, et lui donna 1.200 hommes de troupes légères à commander : 400 hussards et dragons, un bataillon de fusiliers prussiens et un détachement de chasseurs trévirois[14]. Le 9 mars, douze jours avant le passage de l'armée, Szekuly traversa le fleuve à Saint-Goar. Mais, comme dit un officier, à quoi servait cette démonstration ? Le corps de Szekuly était ou trop fort pour ne faire que de petites incursions ou trop faible pour servir d'avant-garde et favoriser les mouvements de l'armée. Le Hongrois poussa audacieusement de Simmern à Stromberg, de Stromberg à Welter, et de Weiler jusqu'à la rive gauche de la Nahe. Il agissait, rapporte Massenbach, comme un inepte laquais qui annonce son maitre mal à propos ; il pillait, rançonnait les villages, et sa bande recevait le surnom de Schwefelbande ou bande de soufre. Houchard crut d'abord qu'il avait devant lui toute l'avant-garde prussienne et recula sur Bingen. Custine accourut et avec le flair du vieux soldat, discerna sur-le-champ les signes d'une prochaine défaite : l'hésitation, une sorte d'anxiété, une agitation de mauvais augure. Les simulacres et mouvements des Prussiens, écrivait-il, ont effrayé tous les officiers généraux ; j'ai trouvé toutes les têtes exaltées dans un sens infiniment fâcheux ; ce n'étaient pas des événements qui avaient inspiré cet effroi, mais des craintes d'événements ; tant de timidité me donne de l'inquiétude. Mais il amenait des renforts, de l'artillerie volante, dix bataillons, huit escadrons. Houchard eut bientôt regagné le terrain perdu ; il surprit Szekuly dans la journée du 20 mars, le rejeta au-delà de Stromberg, sur le chemin de Bacharach, jusqu'à Rheinböllen, lui enleva tous les grains et les fourrages qu'il avait ramassés. Le fanfaron colonel essaya d'atténuer son échec et prétendit effrontément qu'il avait tué de sa main deux généraux français[15].

La retraite de Szekuly fut marquée par un trait d'héroïsme qui fait grand honneur à l'armée prussienne et qui prouve, à la fois, ce qu'elle valait et ce que peut une poignée d'hommes résolus, aguerris et bien commandés. Szekuly avait ordonné au lieutenant Gauvain de défendre le château de Goldenfels, près de Stromberg, et d'y tenir jusqu'à ce que son mouchoir eût brûlé dans sa poche. Gauvain n'avait avec lui que 40 fusiliers. Pendant deux heures il lutta contre tout le corps de Houchard. Il aima mieux se faire tuer que de se rendre, et ses soldats ne capitulèrent qu'après avoir épuisé leurs munitions. L'armée prussienne nomma Gauvain le second Léonidas[16].

Si Custine avait eu le coup d'œil de l'homme de guerre, il aurait poussé son avantage, serré de près le détachement de Szekuly, assailli vigoureusement les premiers bataillons de l'avant-garde de Hohenlohe-Ingelfingen, qui passaient le Rhin à Lorch et à Caub. Cette attaque énergique, arrêtant la marche des Prussiens, lui donnait le temps de renforcer son armée, de compléter l'approvisionnement de Mayence, de mettre en sûreté les magasins considérables de Worms et de Frankenthal[17]. C'était ce que redoutait Brunswick. Aussi voulait-il que Hohenlohe se tint sur les hauteurs de Bacharach, pour attendre le corps de bataille et couvrir son passage. Mais sa façon méthodique de faire la guerre déplaisait au roi de Prusse et à son aide-de-camp, Manstein. On le traitait de théoriste, on l'accusait de se trainer à pas de tortue, de n'avoir que des idées craintives, et l'on avait ordonné que Hohenlohe, seul et sans attendre le gros de l'armée, marcherait droit aux Français et les jetterait dans la Nahe. En vain, Brunswick demanda une audience au roi ; eu vain, il représenta qu'ou n'avait pas de sûres nouvelles des ennemis, qu'on agissait contre toutes les règles. Il ne put voir Frédéric-Guillaume. Manstein l'emporta. Pendant que l'armée prussienne s'engageait lentement dans les défilés de la vallée du Rhin, la faible avant-garde de Hohenlohe s'avança, sans espoir d'être soutenue, par les chemins resserrés et difficiles qui menaient à Stromberg. Mais cette fois, Manstein avait raison contre Brunswick ; comme dit Massenbach, on pouvait se permettre pareille chose avec les généraux français de cette époque[18] !

Custine, en effet, restait inactif et n'osait poursuivre les troupes de Szekuly à cause des forêts du Sooner-Wald et des montagnes inaccessibles où elles s'étaient jetées[19]. Il avait établi son armée sur les plateaux qui bordent la rive gauche de la Nahe, de Sobernheim à la gorge étroite et pittoresque de Rheingrafenstein[20]. Sa gauche, commandée par Houchard, occupait Sobernheim ; son centre se trouvait en avant de Kreuznach ; sa droite, qu'il avait confiée à Neuvinger, tenait les hauteurs de -Weiler et de Waldalgesheim, tout près de Bingen. La position était bonne, mais trop étendue ; il aurait fallu 30.000 hommes pour la garder. Custine dut éparpiller ses troupes et les placer dans des petits camps à deux, trois, quatre lieues les uns des autres.

 

III. Hohenlohe-Ingelfingen profita de l'inertie de Custine. Le 31 mars, par un temps froid et sec, il passa le Rhin à Bacharach, tranquillement et sans nul obstacle, avec 13 bataillons et 18 escadrons. Il joignit à ce corps le détachement de Szekuly, ainsi que 5 bataillons et 5 escadrons que les généraux Romberg et Köhler amenaient de Coblenz. Le 25 mars, il était à Simmern ; le lendemain, il occupait Stromberg ; le surlendemain, il attaquait la droite de l'armée française et la mettait en déroute.

Neuvinger n'avait avec lui que cinq bataillons : quatre bataillons de grenadiers et un bataillon de volontaires. Deux bataillons de grenadiers étaient à Bingen, en réserve ; un troisième masquait la gorge de la Nahe ; un quatrième. posté a Weiler, appuyait le 1er bataillon de la Corrèze qui gardait Waldalgesheim.

Une fausse attaque des Prussiens eut lieu dans la matinée du dé mars, contre les postes avancés de Waldalgesheim. Neuvinger la repoussa facilement à coups de canon.

Le 27 mars, vers huit heures, les Prussiens escarmouchèrent de nouveau en avant du village. Neuvinger appela de Bingen un bataillon ; il fit venir, en outre, huit compagnies qui campaient à Weiler ; il mit six pièces eu batterie : deux sur une hauteur, deux à Waldalgesheim, deux autres au débouché du chemin de Weiler, et durant toute la matinée, les grenadiers et les volontaires de la Corrèze tiraillèrent activement dans les bouquets de bois qui s'étendent entre Stromberg, et la Nahe. Dès que Custine entendit la canonnade, il mena lui-même la brigade du 13e régiment au secours de Neuvinger. Mais déjà les Prussiens s'étaient retirés. Il parcourut le terrain et pria Neuvinger de se replier à gauche, un peu en arrière, sur une position qui semblait offrir plus d'avantage à la résistance. Mais Neuvinger répondit qu'il était bien où il se trouvait, qu'il avait déjà tenu les ennemis en échec et que tout renfort lui serait inutile. Custine n'insista pas ; il partit sans inquiétude et emmena la brigade du 13e régiment. Il crut que l'attaque des Prussiens se bornerait, comme le jour précédent, à des reconnaissances et à des simulacres de combat. Ils feront aujourd'hui comme hier, dit-il à Neuvinger, et cela ne mènera à rien.

A quatre heures du soir, Neuvinger était assailli de nouveau. Vainement, à diverses reprises, ses officiers l'avaient averti que les ennemis se mettaient en mouvement ; qu'ils exécutaient leur marche derrière les bois ; qu'ils allaient sans doute se déployer sur un très grand front et en ordre de croissant pour le couper de Bingen ; il les traita de visionnaires et de butors ; à l'entendre, les Prussiens se tournaient contre Kreuznach et il n'avait devant lui que des partis ; d'ailleurs, si la lutte devenait sérieuse, il aurait le temps de faire replier ses postes avancés. Il se repentit bientôt de son outrecuidance. L'attaque s'ouvrit par une violente canonnade et par un feu roulant de mousqueterie. Puis, soudain, toute la cavalerie prussienne, rasant terre et faisant plier les jarrets de ses chevaux, descendit par des chemins qu'on regardait comme impraticables, et se répandit dans la plaine. Aux premiers obus qu'ils reçurent, les grenadiers du 2e régiment lâchèrent pied sans combattre et abandonnèrent leurs pièces. Le bataillon de la Corrèze, commandé par le futur général Damas, résista quelque temps, puis à son tour gagna Bingen sous une grêle de balles. Neuvinger avait perdu la tramontane et ne savait plus ce qu'il faisait ; il jurait, tempêtait, sans donner d'ordres, et l'adjudant-général Beaurevoir se vit obligé de commander la retraite. On ne pouvait déjà plus l'opérer sur Bingen ; les ennemis, gravissant la montagne, se postaient entre cette ville et Waldalgesheim ; ils établissaient une batterie d'obusiers qui commençait le feu le plus vif ; ils occupaient la chaussée. Il fallut se retirer en toute hèle par un défilé très long et très étroit. Deux escadrons, appartenant l'un au 2°, l'autre au là' de cavalerie, formaient l'arrière-garde, sous les ordres du colonel Beaujeu, qui les avait mis en colonne, par pelotons et au trot. Mais le régiment des hussards de Wolfradt les chargea si vigoureusement qu'ils s'enfuirent dans le plus grand désordre jusqu'à la Nabe. Les Prussiens auraient passé la rivière à leur suite, sans l'adresse et la fermeté de Clarke. Avec un seul escadron, Clarke les tint eu échec ; il disposa ses hommes tantôt en échelons, tantôt sur une seule ligne ; il lit sortir de temps à autre trois ou quatre cavaliers des diverses issues d'un village et persuada les ennemis qu'il avait tout un régiment frais en réserve.

Mais l'affaire était désastreuse. Les Français perdaient, outre six canons, 80 morts et 131 prisonniers, dont 10 officiers et le général Neuvinger. Ce dernier, désespéré, se jeta dans la mêlée, et n'échappa que par miracle à la mort ; lorsqu'on le désarma, il était tout meurtri de blessures et, dans sa rage, il refusait de se laisser panser. François Wimpffen le nomme un sans-culotte de nom et d'effet. Merlin de Thionville le juge ignorant et brutal. Son attitude, ses manières, son équipement firent dire aux Prussiens qu'il ne démentait pas son origine et qu'il avait l'air d'un vieux sous-officier. Quelques-uns, se souvenant qu'il était Lorrain, assurèrent sérieusement que sa bravoure révélait son origine allemande[21].

Un grand nombre des fuyards de Waldalgesheim s'étaient ralliés à Bingen au 1er bataillon de grenadiers. L'adjudant-général Lafont, officier d'artillerie, naguère chargé d'affaires à Mannheim, prit le commandement de cette troupe qui formait vingt compagnies, et, comme s'il voulait défier les ennemis et les attendre de pied ferme, il la rangea en bataille le long de la Nahe, au fond d'un ravin très resserré. Mais, durant la nuit, l'artillerie prussienne s'établit à Weiler et sur l'autre rive du Rhin, à Rüdesheinn, et le 28 mars, à trois heures précises du matin, comme le troisième coup de cloche sonnait à l'horloge de Bingen, toutes ses batteries, dit un Français, jouèrent sur nous avec une vivacité singulière. Dès que le feu commença, Lafont courut à l'écurie, enfourcha sa monture, prit en main un autre cheval, et s'enfuit au galop. Il ne pensa même pas à évacuer les magasins et les hôpitaux, ni à rompre le polit de pierre que Custine avait fait chambrer. A quelques lieues, il rencontra le brave Sainte-Suzanne qui ramenait, comme par miracle, deux pièces de canon ; il accompagna Sainte-Suzanne au camp de Custine, se vanta devant l'état-major d'avoir sauvé l'artillerie, et reçut promesse d'un brevet de brigadier. Les troupes avaient imité le commandant ; leur épouvante était telle, qu'elles traversèrent Bingen à toutes jambes et ne s'arrêtèrent qu'à Mayence. A peine avaient-elles disparu, que les habitants mettaient les cloches en branle pour annoncer aux Prussiens le départ de l'ennemi. A cinq heures, les soldats de Hohenlohe entraient dans Bingen. Ils n'avaient envoyé dans la ville que trois obus : le premier était entré dans une maison, le deuxième avait éclaté sur le pavé d'une rue et brisé quelques fenêtres, le troisième tomba dans la fontaine du marché.

Les Prussiens auraient dû, dès la veille au soir, se rendre maitres de Bingen, puis se diriger sans retard sur Alzey. Custine se serait évidemment retiré jusqu'à Wissembourg, eu abandonnant son canon et ses bagages. Mais ils se bornèrent à capturer Neuvinger. Il fallait suivre la méthode qui ne voulait rien de simple, rien de naturel, et en vertu de cette savante et stérile méthode, il fallait que Kalkreuth, venant de la région de la Moselle, eût le temps de tourner l'aile gauche des carmagnoles ; il fallait que Wurmser, qui passait le Rhin près de Mannheim, eût le temps de tourner leur aile droite ; il fallait que Custine fût enveloppé dans les formes. Beaupuy, qui se trouvait à Bingen, se moque avec esprit de la conduite des Prussiens en cette circonstance : Nous étions, dit-il, dans le ravin le plus étroit et le plus profond que l'on puisse imaginer ; au jugement de tous les militaires instruits, les ennemis pouvaient nous écraser en faisant seulement rouler quelques cailloux sur nous ; mais ils nous donnèrent dans cette occasion une grande preuve de leur timide circonspection : au lieu de nous débusquer sans coup férir, de s'emparer de nos immenses magasins de vivres et de fourrages à Bingen, de tourner à l'instant sur Alzey, de forcer Custine à s'aventurer dans les Deux-Ponts avec dix-huit mille hommes, ils se contentèrent, jusqu'à la nuit, de faire quelques caracoles et quelques reconnaissances sur la crête des eûtes ; ils attendirent la fin du jour pour les occuper sérieusement et travaillèrent pendant plus de huit heures à nous entourer de batteries ; on peut dire qu'ils nous assiégèrent dans les règles, et dans des règles si exactes, qu'ils poussèrent la méthode jusqu'au point de nous faire sommer[22].

Grâce aux lenteurs de l'état-major prussien, Custine avait donc pu s'esquiver et gagner les hauteurs d'Alzey. Comme à son ordinaire, et ne sachant plus, dit François Wimpffen, à quel saint se vouer, il rejeta sa défaite sur autrui ; il avait, écrivait-il, prévenu Neuvinger de changer de poste, et Neuvinger avait refusé de l'écouter. Il eût mieux fait d'attribuer son échec à la poltronnerie des grenadiers. Mais ceux qu'il chargeait plus gravement encore que son lieutenant, et avec moins de raison, c'étaient le général Ligniville et le ministre Beurnonville.

Quelques jours avant l'affaire de Bingen, il avait pressé Ligniville de le seconder par une importante diversion. D'une part, Ligniville enverrait toute sa cavalerie dans le pays de Deux-Ponts pour prendre les Prussiens à revers, et il pousserait jusqu'à Kusel et Lauterecken ; de l'autre, il marcherait sur Birkenfeld et entrerait dans le Hundsrück pour serrer, chauffer, exterminer l'Autrichien Hohenlohe-Kirchberg. Mais Beurnonville ordonnait à Ligniville de se borner à couvrir la frontière tout en se maintenant dans le Deux-Ponts : si Ligniville, disait-il, pouvait envoyer à Custine de forts détachements, l'armée entière de la Moselle ne marcherait pas sans une autorisation expresse du Conseil ; l'évacuation de la Belgique changeait le plan de campagne sur le Rhin ; une défensive imposante était le meilleur système qu'on pût adopter dans ce moment. Il déclara même à Custine que l'armée de la Moselle ne se porterait en avant sous aucun prétexte. Ligniville refusa donc de marcher sur Birkenfeld : il avait reçu des ordres précis du ministre et d'ailleurs, si son armée se faisait battre sur la Nahe ou la Glan, les frontières de la Lorraine seraient entièrement dégarnies, et les portes de la France ouvertes. Néanmoins, il renforça la division que Destournelle commandait dans le Deux-Ponts ; elle dut établir sa communication avec l'aile gauche de l'armée du Rhin, et Custine put en disposer s'il voulait combattre.

Mais le 26 mars, sous l'impression des revers de Dumouriez et dans l'émoi que lui causait l'abandon de la Belgique, Beurnonville ordonnait à Ligniville de rappeler à lui la division de Destournelle et de ne garder dans le Deux-Ponts, de Sarrebrück à Hombourg, que sa cavalerie : d'après un arrêté du Conseil exécutif, toutes les armées devaient rester sur la défensive depuis Dunkerque jusqu'aux gorges de Porrentruy ; l'armée du Nord couvrirait les places de la Flandre ; l'armée des Ardennes se reformerait à Sedan et, de concert avec celle de la Moselle, tiendrait en échec les Autrichiens du Luxembourg ; chaque armée pouvait faire des trouées, dévaster et rentrer. Lorsque Ligniville reçut cet arrêté, il était alité à la suite d'une chute de cheval, et le général d'Aboville, du reste son ancien, avait pris le commandement. Aboville exécuta le mouvement que le Conseil exécutif lui prescrivait ; il rappela Destournelle, laissa quelques escadrons à Hombourg et se prépara, sur l'ordre de Beurnonville, à gagner le camp de Fontoy que l'armée de la Moselle occupait an début des hostilités[23].

Je n'ai pas encore votre confiance, écrivit Custine à Beurnonville. Mais en même temps il mandait au président de la Convention et au ministre des affaires étrangères que Destournelle avait causé la défaite en obéissant aux ordres de Beurnonville ; évidemment le ministre de la guerre ne désirait pas les succès de l'armée d'Allemagne ; Beurnonville, disait Custine, n'est point général, il n'est que soldat, et ce soldat, déguisant son fiel pour mieux enfoncer son dard, a voulu m'abuser par les apparences trompeuses d'une feinte réconciliation pendant qu'il m'assassinait ; car c'est assassiner un général qui aime son pays qua sacrifier l'armée qu'il commande ! Il ajoutait qu'il ne voulait plus correspondre avec un homme d'un tel caractère et d'une telle ignorance qui n'avait ni les vertus ni peut-être les opinions d'un républicain ; ce serait le Comité de défense générale qui recevrait ses dépêches et les communiquerait au ministre de la guerre. Quelques jours plus tard, Beurnonville était livré aux Autrichiens, et Custine s'écriait : Il n'était pas étranger aux projets de Dumouriez ; il n'était que son agent ; Dumouriez l'a fait arrêter avec les commissaires parce qu'il le réserve pour de plus grands événements ![24]

Custine n'oubliait qu'un point, lorsqu'il imputait à Beurnonville la défaite de Bingen. Si Ligniville, d'ailleurs contenu par Hohenlohe-Kirchberg, s'était porté en avant, il eût rencontré Kalkreuth et un détachement fort de six bataillons et de six escadrons qui se trouvait le di mars à Birkenfeld, et le 28 à Oberstein. Si Destournelle avait dépassé Lauterecken et gagné Kreuznach, il n'eût pas fait reculer les Prussiens ni préservé Custine d'un échec. Le 19 de cavalerie qui formait son avant-garde, fut surpris dans son cantonnement, et Destournelle annonçait que l'ennemi marchait en forces sur sa division lorsqu'il reçut l'ordre de rétrograder[25].

 

IV. Quoi qu'il en soit, Custine voyait sa gauche entièrement découverte et son front menacé par l'avant-garde victorieuse de Hohenlohe-Ingelfingen.

Il avait fait à Kreuznach quelques préparatifs de résistance ; les portes étaient défendues par des barrières et des chevaux de frise ; des petits fortins construits en madriers s'élevaient sur le Martinsberg et le Kronenberg ; une garnison occupait le château ruiné du Kautzenberg ou Schlossberg qui domine Kreuznach, et l'on avait ouvert du Kautzenberg à la ville une large chaussée pour amener du canon au sommet de la colline. Tous les matins, à quatre heures, les troupes sortaient de Kreuznach et allaient en reconnaissance. Enfin, on venait d'établir des batteries et de faire des retranchements sur la hauteur qu'on nomme Hungriger Wolf ou le loup affamé. On ne voit, écrivait-on au Moniteur, que fortifications, ligues, redoutes dans tous les passages où les Français pourraient être attaqués, et tous ces ouvrages sont garnis d'une artillerie formidable. Mais la déroute de Waldalgesheim et de Bingen avait découragé Custine. Il répétait que les ennemis lui montraient neuf mille chevaux, que cette cavalerie prussienne était innombrable et possédait la supériorité de forces la plus imposante, qu'il ne comptait plus sur ses propres troupes, et qu'après le malheur qu'il avait essuyé, après la reculade de Destournelle et l'abandon des défilés des Vosges, il ne devait plus penser qu'à la retraite de l'armée et au salut des départements du Rhin. Dès le 28 mars, à minuit, tous les postes qui gardaient les abords de la Nahe se replièrent précipitamment et traversèrent Kreuznach dans une indicible confusion. On ne prit pas le temps de brûler les magasins ; ils furent livrés au pillage ; des soldats vendirent aux habitants le muid de blé 48 kreuzer[26].

Par bonheur, les troupes légères chargées de harceler l'armée française, ne mirent dans la poursuite ni énergie ni vigueur. Szekuly et le général Eben les commandaient. Mais depuis la leçon qu'il avait reçue de Houchard, Szekuly se déshabituait de sa témérité. Quant à Eben, c'était un de ces vieux généraux indolents et usés qui ne comprenaient pas qu'on pût courir sus à l'ennemi, selon l'usage des Rüchel et des Blücher. Le colonel des hussards rouges, Goltz, voulait s'élancer aux trousses des Français avec ses cinq escadrons. Eben l'arrêta. Qui vous ordonne de poursuivre ? lui dit-il. — Le bon sens, répondit Goltz. Mais, rapporte un officier, Eben avait l'uniforme de Zieten, et non son esprit.

Couverte dans sa retraite par Houchard qui, cette fois encore, dirigeait l'arrière-garde, l'armée française put donc atteindre sans encombre Alzey et Pfeddersheim. Mais le 30 mars, Brunswick en personne vint, à la tête du corps franc de Szekuly, de la division du général Eben, et de trois bataillons et de quinze escadrons de l'avant-garde, attaquer Houchard sur la hauteur d'Ober-Flörsheim. Custine prétendit, dans son rapport au président de la Convention, qu'il avait pris d'excellentes dispositions, que son artillerie s'était exercée avec un prodigieux effet sur la cavalerie prussienne, et que les ennemis, jonchant la terre de leurs morts, avaient exécuté leur retraite dans le plus grand désordre. Il ajoutait que le 13e régiment d'infanterie, ci-devant Bourbonnais, avait l'ait une charge a la baïonnette. En réalité, le combat fut une simple canonnade qui ne causa de part et d'autre que des pertes légères, et le 13e régiment d'infanterie ne chargea point, ne tira même pas un coup de fusil. Mais l'action reste honorable pour l'armée française. Le 1er bataillon du Haut-Rhin, où Soult était capitaine, fit bonne contenance, quoiqu'il entendît le sifflement des boulets pour la première Ibis. Brunswick voulait tourner Ober-Flörsheim pour couper la retraite à l'arrière-garde, et il aurait peut-être exécuté ce mouvement, tandis que Custine se rafraîchissait tranquillement avec Houchard au village de Flomborn et couvrait d'invectives grossières les officiers qui l'appelaient à leur aide. Mais, cédant enfin aux instances réitérées du chef d'escadron Clarke et du colonel Beaujeu, Custine se laisse entrainer sur le champ de bataille, se jette au milieu du feu, ranime les courages par sa présence. Cette journée, dit un de ses officiers, est sans doute la plus belle qu'il ait eue pendant la seconde campagne de l'armée du Rhin. Un escadron du 9e régiment de cavalerie avait imprudemment chargé les hussards prussiens qui, s'ouvrant et faisant un quart de conversion, tombaient sur ses derrières et allaient le hacher en pièces. Custine fit tirer sur la mêlée quelques coups de canon qui dispersèrent les hussards et dégagèrent nos cavaliers. La nuit survint, Brunswick se replia, et d'ailleurs, avare du sang de ses soldats, il craignait d'acheter trop chèrement la conquête de cette hauteur d'Ober-Flörsheim qu'il jugeait très avantageuse[27].

Mais l'affaire d'Ober-Flörsheim n'était qu'un glorieux épisode qui ne réparait pas l'échec de Bingen et n'arrêtait pas la retraite de l'armée. Le même jour, Hohenlohe-Ingelfingen quittait Alzey et marchait par Odernheim sur Guntersblum pour gagner la route d'Oppenheim à Worms. Il surprit au village d'Alsheim l'arrière-garde de la division Munnier, le 96e ci-devant Nassau, et le 4e des Vosges. Les deux bataillons se défendirent avec vaillance coutre les hussards de Wolfradt et firent leur retraite dans le meilleur ordre, en tiraillant sans interruption. Mais à Rhein-Dürkheim, ils rencontrèrent inopinément le prince Louis de Bade et trois escadrons de dragons de Baireuth qui s'étaient mis en embuscade. Ils se rangèrent en bataille et un nouveau combat s'engageait entre Français et Prussiens, lorsque le colonel de Nassau, Lovaria, passant sur le front de son régiment, s'écria : Soldats, bas les armes ! Il faut capituler ou nous allons être massacrés ! Nassau ne brûla plus une amorce et capitula. Le bataillon des Vosges voulait résister encore ; mais il avait usé ses cartouches, et vainement il croisa la baïonnette ; il fut chargé, rompu, enfoncé par les dragons de Baireuth et dut, comme Nassau, déposer les armes. 200 Français avaient péri ; 911, dont un grand nombre étaient blessés, demeurèrent prisonniers[28].

A cet échec de Rhein-Dürkheim se joignit, dans cette même journée du 30 mars, un second échec, plus grave encore. Custine jugeait la garnison de Mayence trop considérable et sentait le besoin de renforcer l'armée. Il avait donc envoyé, le 29 mars, un aide-de-camp à Mayence et ordonné qu'un convoi d'artillerie, commandé par Schaal et accompagné par le 3e et le ta bataillon de grenadiers, ainsi que par le 11e régiment de cavalerie, se rendrait à Worms et se grossirait en chemin d'un escadron du 10e régiment de chasseurs à cheval et de six bataillons d'infanterie, que le général de Blou avait réunis à Oppenheim. Si la chaussée, disait-il, était couverte de hussards prussiens, l'infanterie française saurait se faire jour. Mais le convoi, au lieu de partir pendant la nuit et sans perdre un moment, ne quitta Mayence que dans la matinée du 30 mars et, lorsqu'il atteignit Oppenheim une heure de l'après-midi, il dut attendre le 11e régiment de cavalerie qui servait d'escorte aux commissaires de la Convention, Reubell et Merlin de Thionville. Le général de Blou avait pris le commandement de la colonne. C'était un homme incapable qu'on avait nommé, sur une très chaude recommandation de Kellermann, gouverneur de Landau, puis de Mayence. Biron le jugeait très insuffisant et le traitait de vieille et honnête brave femme. Custine l'accusait de n'avoir fait, à la journée de Spire, que des sottises. De Blou, d'ailleurs malade, opéré de la fistule quelques années auparavant, incapable de se tenir à cheval, ne cachait pas ses inquiétudes et envoyait de tous côtés des officiers dont les rapports ne pouvaient le rassurer. Enfin, après plusieurs heures d'attente qui parurent mortelles, les commissaires de la Convention et le 14e régiment de cavalerie arrivèrent. La colonne s'ébranla et, aux approches de la nuit, gagna Guntersblum, puis Alsheim. Elle faillit capturer le roi de Prusse et son escorte qui campait près de la route, en négligeant, comme d'habitude, toutes les précautions. Frédéric-Guillaume était venu, dans la soirée, établir son quartier-général à Alsheim. Les chasseurs à cheval passèrent tout près de son logis et il aurait pu, assure un officier de son armée, lui advenir comme à son oncle, le grand Frédéric, qui se cacha sous un pont lorsqu'il fut surpris par les hussards impériaux. Mais le régiment Prince-Hohenlohe se mettait justement en marche pour se rendre dans ses cantonnements. Il se heurte à l'avant-garde française ; il se range aussitôt en bataille à la voix de son brave colonel Sanitz ; il s'avance résolument la baïonnette au bout du fusil ; il envoie quelques coups de canon. De filou n'avait rien prévu, rien disposé en cas de rencontre. Après un quart d'heure de tiraillerie à l'aventure, il ordonna de rebrousser chemin. Les charretiers de l'artillerie volante, épouvantés, prenaient la fuite et répandaient le désordre dans la colonne. Les bataillons de volontaires, saisis de panique, léchaient pied et abandonnaient, pour courir plus vite, leur fusil, leur giberne et leur sac. Les grenadiers s'éparpillaient comme des cartes qu'on jette par la fenêtre. Merlin de Thionville invectiva les fuyards et les sabra ; mais, rapporte Beaupuy, il vit par lui-même tous les maux que produit l'inexpérience des officiers. On regagna Mayence en hâte, sans dire mot. Quel silence régnait dans tous les rangs, ajoute Beaupuy, et quel contraste, quelle différence avec la gaieté que nous portions d'ordinaire au combat ! Sans le 32e régiment d'infanterie, ci-devant Bassigny, qui contint la cavalerie prussienne par sa ferme attitude, la retraite n'eût été qu'une affreuse déroute. Le 30 mars, à trois heures du matin, les Mayençais, éveillés par un roulement extraordinaire de voitures, couraient aux fenêtres : c'étaient les fourgons de bagages qui rentraient au grand galop, et quelques heures plus tard arrivaient les troupes de Schaal et du générai de Blou, qui se traînaient épuisées de fatigue et se couchaient dans les rues, au pied des maisons[29].

Custine avait tenu, durant toute la journée du 30 mars, la hauteur d'Ober-Flörsheim, parce qu'il attendait le convoi qui venait de Mayence. D'Ober-Flörsheim il découvrait la vallée du Rhin et la chaussée d'Oppenheim à Worms. Mais la colonne n'apparaissait pas ; il crut qu'elle n'avait pu sortir de la ville et précipita sa marche par Frankenthal, Neustadt et Edesheim.

De tous côtés les Français se retiraient : les détachements qui gardaient la rive gauche du Rhin, les garnisons des places, les bataillons qui campaient sur les bords du Neckar, sous le commandement du vieux Munnier, et qui se inhalent d'emmener à Landau leur artillerie. Quatre jours avaient suffi pour les chasser de ce pays entre la Queich et la Nahe, qu'ils prétendaient annexer à la République. Nulle part ils n'avaient tenu. Presque partout, comme étourdis de frayeur, ils prenaient la fuite aux premières décharges, et leur débandade, qu'on nomma le Hasentreiben, ou traque des lièvres, et qui passa pour un second Rossbach, s'étendit jusqu'aux confins de l'Alsace. Les Autrichiens se joignirent aux Prussiens pour achever la déroute des carmagnoles. Dans la nuit du 31 mars, Wurmser traversait le Rhin à Kelsch et poussait vers la Queich. L'ennemi, écrivait Sigisbert Hugo, a culbuté nos avant-postes de Rheinzabern et de Germersheim, et tous les cantonnements jusqu'à Lauterbourg ; le 3e bataillon de Rhône-et-Loire a perdu une compagnie dont il n'est revenu que deux hommes ; deux compagnies de gendarmes ont été entièrement hachées[30].

Il fallut détruire les immenses approvisionnements de Worms, de Frankenthal et de Spire. Les magasins de paille et de foin furent livrés aux flammes, et de loin les Prussiens virent s'élever dans la plaine du Rhin de longues et lourdes colonnes de fumée noire. La farine fut jetée à l'eau ou sur le pavé ; il y en avait plus de deux pieds dans les rues de Worms, et les habitants la ramassaient, quoique foulée sous les pas des hommes et des chevaux[31].

Mais Custine ne manqua pas de rejeter sur d'autres la mesure désastreuse qu'il devait prendre. N'avait-il pas ordonné de n'établir à Worms et à Frankenthal que de faibles magasins ? On ne l'avait pas écouté ; malgré ses instances réitérées, le Directoire des achats avait fait d'énormes approvisionnements ; évidemment, disait Custine, l'agent du Comité, Baruch Cerfberr, avait de perfides projets et se promettait de livrer les magasins aux ennemis !

Le 1er avril, il rentrait à Landau qu'il avait quitté sir mois auparavant, plein d'espérances, rêvant le commandement en chef des armées, roulant les plus vastes projets de conquête, se flattant de revenir victorieux et couvert de gloire. Il revenait vaincu, humilié, contraint de s'avouer que ses grands desseins d'invasion n'avaient tourné qu'à sa honte, cachant sous ses récriminations contre Beurnonville et Cerfberr le secret découragement de son âme, ramenant avec lui la guerre sur les frontières de la France !

Dans le même temps éclatait la trahison de Dumouriez. On ne manqua pas de comparer le vaincu de Bingen au vaincu de Neerwinden. Le journaliste Laveaux, le plus acharné des adversaires de Custine, disait que sa retraite et celle de Dumouriez étaient deux machines contre-révolutionnaires qui tenaient au même fil d'archal[32]. Gardons-nous, écrivait Prudhomme[33], de nous reposer aveuglément sur Custine ; en examinant sérieusement sa conduite, on pourrait y trouver quelques rapports avec celle de Dumouriez : il se retire sur Landau, il se plaint de ses troupes ; nos généraux ont-ils tous le même dictionnaire ? Euloge Schneider exprimait les mêmes soupçons dans l'Argos. Comment l'invincible Custine avait il pu soudainement se rejeter sur Landau ? Était-ce le même Custine qui naguère répondait de la sûreté de Mayence et jurait de ne pas reculer d'une semelle ? Trahissait-il ou n'était-il coupable que de négligence et d'impéritie ? Pourquoi n'avait-il pas arrêté la marche de l'armée prussienne' ? Pourquoi n'avait-il pas établi de plus fortes redoutes à Kreuznach ? Pourquoi laissait-il tant de canons à Mayence[34] ? Les jacobins de Paris accusaient Custine de ne pas connaitre son métier ; Hassenfratz proposait, selon sa coutume, de le remplacer par un plébéien ; d'autres pensaient qu'un simple invalide suffirait : les gens d'esprit nous trahissent ; nous ne voulons que du bon sens, et un invalide ne nous trahira pas ![35]

Le meilleur aide-de-camp du général, le seul qui, avec Houchard, sût lui parler franchement et lui tenir tête, Coquebert de Montbret, prononçait tout haut le mot de trahison. Il revenait du département du Doubs où Custine l'avait envoyé, lorsqu'à son grand étonnement il retrouva l'armée sous les murs de Landau. Coquebert, exalté républicain, soupçonna sur-le-champ la fidélité de son général ; mais, loyal et sincère, il prit le parti de s'expliquer d'abord avec lui sans nulle réticence. Il le pressa d'objections et, selon ses propres termes, lui serra de si près la botte que Custine, s'emportant, ouvrit la porte de la pièce voisine et appela ses officiers d'ordonnance. Citoyens, dit-il, voilà Coquebert qui me croit traître ; je m'efforce inutilement de dissiper ses soupçons ; je vous déclare que je vais rendre compte de sa conduite à la Convention nationale. Il rentra dans sa chambre avec Coquebert et dicta son rapport. Coquebert l'arrête sur une expression : Je n'ai pas dit cela, général, j'ai dit... — Vous l'avez dit, s'écrie Custine. En changeant les expressions, reprend Coquebert, vous dénaturez le sens des choses. Custine s'irrite de plus en plus et accable Coquebert d'invectives outrageantes. L'aide-de-camp, vivement affecté, saisit un pistolet et le pose sur la table : Général, après de telles insultes, ce sera pour vous ou pour moi. Custine feint de ne pas comprendre que Coquebert lui demande satisfaction ; il ouvre son habit et, avec sang-froid : Eh bien ! tirez. — Me prenez-vous pour un assassin ? réplique Coquebert et, à l'instant, il porte le pistolet à sa bouche et tire. Il tomba sur le coup ; mais l'arme était trop longue ; il avait mal visé, et la balle ne fit que deux trous à la pommette de la joue. Custine envoya Coquebert à Paris. Il est vertueux, disait-il, et excellent citoyen ; les trahisons et nos malheurs lui ont fait perdre la raison[36].

Les troupes mêmes, inquiètes, profondément troublées par cette suite d'échecs et de retraites, s'agitaient, murmuraient, tenaient des propos inciviques. Les deux bataillons du 36e régiment de ligne allaient de Billigheim à Wissembourg ; tout à coup, sous prétexte de fatigue, ils manifestèrent le désir de faire halte. Nous voyons bien, disaient-ils, à la manière dont on nous conduit, qu'on voudrait nous arracher le cri de : Vive le roi ! Custine accourut. Le colonel du régiment et le général de brigade Isambert, cédant aux clameurs, avaient arrêté la marche des bataillons et, par suite, du reste de l'armée. Il suspendit aussitôt ces deux chefs de leurs fonctions et nomma colonel du 36e régiment le lieutenant-colonel Férette, dont il connaissait la bravoure et le républicanisme. Mais de Nattes, capitaine des grenadiers, s'écria que Férette ne méritait pas la confiance. Le plus digne de commander, dit Custine, le prouvera devant l'ennemi ; vous, Monsieur, vous n'êtes qu'un faux ami de la liberté. — Moi, répondit de Nattes, un faux ami de la liberté, moi qui ai l'âme d'un Brutus ! La scène fut violente, scandaleuse ; de Nattes offrit sa démission et, sur le refus de Custine, déclara qu'il ne servirait plus à l'armée du Rhin sous les ordres d'un général suspect. Il reçut ses passeports et se rendit à Paris[37].

Mais ni les accusations de Nattes et de Coquebert, ni les attaques des journaux ne firent tort à Custine. Dès qu'il apprit la trahison de Dumouriez, il protesta qu'il resterait fidèle, qu'il sacrifierait toujours ses propres intérêts au salut de la République, qu'il saurait défendre en Alsace la liberté trahie dans la Belgique, qu'il ne gardait le commandement que pour être utile à son pays, qu'il consentait à perdre la tête s'il donnait jamais accès dans son âme à toute autre ambition que celle d'établir le nouveau régime sur des bases inébranlables[38]. Il prodiguait les assurances de civisme. Il vouait Philippe-Egalité à la mort : ce monstre créé pour le malheur de son pays, disait-il, n'a plus longtemps à vivre parmi nous[39]. Il affirmait que l'ancien maire de Strasbourg, l'ami de Lafayette, Dietrich, méritait la guillotine[40].

Vainement il tenait à la Convention un langage hardi, impérieux, qui rappelait par le ton les dernières lettres de Dumouriez : l'assemblée, osait-il écrire, offrait le tableau d'une arène où se heurtaient les passions, où quelques hommes prostituaient à un parti la liberté publique, où l'on n'entendait que les hurlements de la fureur et les invectives de la haine, où les résolutions les plus exagérées tenaient lieu de discussions réfléchies et de raisons. Vainement il se proposait à mots couverts comme dictateur ; la France, disait-il, ne pouvait être sauvée dans cette crise que par un homme d'une âme pure et d'un grand caractère ; cet homme avait des ennemis ; mais, en dépit des vils agitateurs, il saurait inspirer la confiance par sa vertu, et il devait prévaloir par la force et l'utilité de ses conseils[41].

Son ambition pétulante n'inquiétait personne, et pas un républicain ne redoutait cet homme fougueux, incapable de se contenir et tout pétri de vanité. Merlin de Thionville jugeait qu'il aurait pu taire mieux, qu'il sentait encore l'aristocrate et montrait trop de condescendance pour les ci-devant[42]. Couturier et Dentzel l'accusaient de brutalité, lui reprochaient de fusiller arbitrairement ses soldats, de s'entourer de royalistes, de garder auprès de lui des commissaires des guerres, somme Villemanzy, Blanchard, Buhot, qui passaient pour contre-révolutionnaires[43]. Mais Robespierre, son collègue de la Constituante, vantait sa franchise au club des Jacobins[44], et il avait dans la Convention de nombreux amis qui connaissaient son caractère, excusaient ses faiblesses et croyaient à ses talents : Guyton-Morveau, Rühl, Le Masseur de la Meurthe, Johannot. Le 4 avril, l'assemblée déclara que Custine avait son estime et sa confiance. Il voulait se démettre du généralat. Fonfrède proposa de l'inviter, au nom de la liberté en danger, à conserver son poste, et la Convention ordonna qu'il resterait à la tête de l'armée. Lui ôter le commandement, disait Rühl, c'était rendre aux Prussiens le plus grand service. Le Conseil exécutif fit davantage. Il arrêta que la démission de Custine serait une véritable calamité pour la République, que le général commanderait non seulement l'armée du Rhin, mais l'armée de la Moselle, et qu'il défendrait la frontière de Longwy à Huningue. La Convention approuva ces mesures par des applaudissements et décréta que Destournelle et Ligniville seraient mis en état d'arrestation et les scellés apposés sur leurs papiers[45]. Le lendemain, Marat dénonçait Custine à l'assemblée ; mais Haussmann répondit que le général avait toujours marché dans le sentier du patriotisme ; la Convention passa à l'ordre du jour, et six semaines plus tard, à la mort de Dampierre, lorsque l'armée du Nord, éperdue, abandonna Valenciennes et recula sur le camp de César, Custine fut chargé de la commander. On le tenait pour le seul homme capable de redonner au soldat courage et vigueur, comme le seul qui pût défendre efficacement les Flandres, barrer à l'envahisseur le chemin de Paris, relever la fortune de la France un instant abaissée. Celui, disait Barère en le proposant au choix de la Convention, celui qui a le mieux assuré la comptabilité de l'armée, c'est Custine ; celui qui a envoyé le plus exactement des états de revue, c'est Custine ; celui qui a le mieux maintenu la discipline dans son armée, c'est Custine ; celui qui a le mieux travaillé à faire recevoir les assignats parmi les troupes, c'est Custine.

Custine partit. Il abandonnait Mayence à ses propres forces ; mais, écrivait-il dans ce style boursouflé dont il avait pris l'habitude, Mayence était le palladium, Mayence renfermait l'ange exterminateur qui devait ravager les derrières des ennemis, désoler leurs communications s, et il assurait à la Convention que la place était approvisionnée pour un an et commandée par des généraux expérimentés que secondaient des hommes actifs et intrépides, qu'elle ne serait ni canonnée ni bombardée puisque sa garnison formait une armée, et, qu'au pis-aller, si l'on ne pouvait la débloquer, elle obtiendrait dans six mois la capitulation la plus brillante. Paroles imprudentes, prononcées à la légère, et naturellement échappées à sa jactance ! On eut la faiblesse de le croire ; on s'imagina que Mayence résisterait six mois, et sans crainte ni remords, on retarda la marche des armées de secours, qu'on aurait dû hâter.

 

FIN DU SIXIÈME VOLUME

 

 

 



[1] Meynier — qu'on a presque toujours confondu avec le célèbre Meusnier — fut bientôt échangé, et, de capitaine, passa général par saltum. Il méritait sans doute, remarque Legrand, de l'avancement pour le patience et la fermeté qu'il osait montrées pendant ce long blocus ; mais s'il eût soutenu un siège qui demandait autant d'intelligence que de bravoure, et s'il l'eût fait avec succès, quelle récompense lui eût-on donnée ? On s'est étonné que Custine, qui ne pouvait ouvrir la campagne en face des Prussiens ni pénétrer sur la rive droite avant cinq mois, ait laissé une garnison dans le fort de Königstein ; mais, dit encore Legrand, que vouliez-vous que fit Custine dans un temps où il n'était pas permis de reculer pour mieux sauter ? Si l'on avait abandonné Königstein sans brûler une amorce, cette évacuation aurait passé pour un crime. Cf. Saint-Cyr, I, 1617 ; Reynaud, Merlin, II, 74 ; Mém. sur Custine par un témoin oculaire (Journal de la Montagne, 10 juillet 1793) ; Preuss. Augenzeuge, IV, 66.

[2] Moniteur, 19 janvier 1793.

[3] La trahison de Dumouriez, 49.

[4] L'armée était ainsi cantonnée au 1er mars :

Division de gauche (Neuvinger) : 1° Brigade Houchard : 7e bat. d'inf. légère (Windesheim), 36e rég. d'inf. (Bingen), 37e inf. et 6e bat. du Jura (Kreuznach), 2° Haut-Rhin (Sobernheim), Vosges (Sprendlingen), 2e Vosges (Ingelheim), 4e Jura (Alzey), 1er Saône-et-Loire (Gensingen). 8e chasseurs à cheval (Neuhof) ; 2° Brigade Gilot : 13e inf. (Erbach), 48e inf. et 1er Haut-Rhin (Mombach), 1er Jura (Budenheim), 7e Jura (Marienborn), 9e Jura (Nieder-Olm), 1er Bas-Rhin (Dalheim), 1er Corrèze (Guntersblum), 3e Nièvre (Alzey) ; 3° Cavalerie commandée par l'adjudant-général colonel Beaurevoir ; 2e cas. (Laubenheim), 9e cav. (Nierstein), 11e cav. et 2e chasseurs (Kreuznach), 12e cav. (Gensingen).

Division du centre (Fr. Wiropffen) : 1er, 2e, 3e, 4e grenadiers, 57e et 82e inf., 2e et 5e Jura (Kastel) ; 62e inf., 2e de l'Ain, 4e Haut-Rhin, 9e et 11e Haute-Saône (Mayence), 4e Calvados (Budenheim), 3e Jura (Kostheim), 10e Meurthe (La Favorite), 2e de la République, 1er des chasseurs républicains, 3e et 7e Vosges (Hochheim), 5e Bas-Rhin (Oppenheim), 6e Bas-Rhin (Nackenheim), 1er des fédérés nationaux (Alzey), 2e Seine-et-Oise, 8e Vosges et 10e Haute-Saône (Weisenau), 14e cas. (Mayence), 2e chasseurs (Weisenau), 7e chasseurs (Neuhof), 10e chasseurs (Oppenheim).

Division de droite (Munnier) : 32e inf., 2e Haute-Saône et 3e Nièvre, 93e inf., 4e Vosges et 5e Seine-et-Oise (Worms), 46e inf., 3e Bas-Rhin et 2e Puy-de-Dôme (Frankenthal), 27e inf., 3e Doubs, 30e inf. et 3e Haut-Rhin (Oggersheim et Mutterstadt), 3e inf., 1er Doubs et 3e de l'Ain (Spire), 96e inf., 1er Haute-Saône, 3, grenadiers d'Indre-et-Loire et 2e Rhône-et-Loire (entre Spire et Germersheim).

Réserve : douze comp. de gren. (Oggersheim et Frankenthal), 6e inf. légère (Oppau), 21e inf. (Spire), 6e Vosges (Hamm), 10e Vosges (Berghausen), 5e Eure et 6e Calvados (Neustadt), 12e Haute-Saône (Rehhïtte), 13e Vosges (Lambsheim), 22e cas, (Dürkheim et Schweigheim), 16e dragons (Ostbofen), hussards de la liberté (Mutterstadt), gendarmerie nationale (Spire, Worms et Frankenthal).

[5] Mot de Desportes, 19 nov. 1792 (A, E.). L'armée de la Moselle (l'ancienne armée du Centre) avait eu pour généraux Lafayette (14 déc. 1791-11 juillet 1792), Luckner (12 juillet-1er sept. 1792), Kellermann (2 sept.-7 nov. 1792), Deprez-Crassier, intérimaire (8 nov.-14 nov. 1792). Elle fut ensuite commandée par Beurnonville (14 nov. 1792-23 janv. 1793), par Ligniville, intérimaire (24 janv.-28 mars), par d'Aboville, intérimaire (29 mars-28 avril), par Houchard (29 avril-2 août), par Schauenburg (3 août-29 sept.), par Delaunay (30 sept.-30 oct.), par Hoche.

[6] Voici un précieux témoignage de Legrand (A. G.). Un ramassis de tous les mauvais sujets de Paris et des grandes villes vint, après le mois de septembre, porter aux armées les vices des tripots, la prétention de l'ignorance, la folie du sans-culottisme, le fanatisme révolutionnaire, l'ambition la plus effrénée sous le nom de liberté, et l'orgueil le plus révoltant sous le nom d'égalité.

[7] Forster, VIII, 330 ; Haussmann et Reubell à Pache, 6 févr. 1793 ; Custine à Pache, 7 févr., et au Comité de défense générale, 3 avril ; Gouy aux commissaires, 7 févr. (A. G.) ; Blanier à Le Brun, 5 févr. (A. E.) ; Moniteur, 14 et 19 janv., 15 et 23 févr. ; Fersen, II, 399. Cf. ce mot de Houchard sur la gendarmerie nationale c'est un corps bien difficile à manier ; il faut un caractère de fer pour en venir à bout.

[8] Custine à Pache, 29 janv. 1793 (A. G.) ; Gay de Vernon, Custine et Houchard, 143. Cf. sur les grenadiers, Saint-Cyr, I, 29 : Ces compagnies qui avaient été braves a la tête de leurs bataillons respectifs et qui, après leur retour à leur corps, devinrent des modèles de bravoure et de discipline, ne montrèrent ni l'une ni l'autre de ces vertus guerrières pendant leur formation en régiments ou brigades. C'est le premier exemple que j'ai vu du mauvais effet que produit à la guerre la création des corps d'élite par la réunion des compagnies de grenadiers. Il ajoute qu'on énerve ainsi les bataillons d'où l'on tire les compagnies et qu'on ne forme que de médiocres régiments qu'il est difficile de soumettre à une discipline exacte. (Voir dans le volume suivant la conduite des grenadiers au siège de Mayence.)

[9] Houchard à Wimpffen, 4 févr. ; Custine à Pache, 11 févr. 1793 (A. G.) ; Zeitschrift für die Kunst, Gesch. u. Wiss. des Krieges, 1844, III, 81. Le feu de la cavalerie, dit le maréchal de Saxe dans ses Rêveries, n'est pas fort redoutable, et j'ai toujours ouï dire que ceux qui s'avisaient de tirer, étaient battus.

[10] Couturier, Supplément au rapport, 149 ; Custine à Pache, 31 déc. ; note de Legrand ; Beurnonville à Pache, 3 déc. 1792 (A. G.).

[11] Les commissaires à Le Brun, 10 mars 1793 (Rec. Aulard, II, 331) ; Custine à Beurnonville, 18 mars (A. G.) ; Saint-Cyr, I, 37 ; Dillon avait communiqué le 8 février au conseil exécutif un mémoire sur Mayence (Rec. Aulard, II, 73).

[12] Saint-Cyr, I, 37-39.

[13] Valentini. 26 ; Preuss. Augenzeuge, IV, 206 et 222.

[14] Szekuly avait d'abord servi dans l'armée autrichienne. Frédéric II se l'attacha et le fit colonel. Il commandait alors le 2e bataillon du régiment des hussards de Trenk ; mais il fallut, à la fin de 1793, le renvoyer en Pologne.

[15] Neue Bellona, 1802, I, 89-108 ; II, 109-125 ; Zeitschrift für Kunst, Wisenschaft und Geschichte des Krieges, 1841, I, 138-139 (Journal de Gaudry) ; Valentini, 26-27 ; Massenbach, I, 166-170 ; Minutoli, 219 ; Ditfurth, 246-247 ; Custine à Beurnonville, 20 mars 1793 (A. G.).

[16] Cf. sur Gauvain, Valmy, 111 ; le roi de Prusse lui fit ériger un monument à Stromberg ; mais des volontaires le démolirent lorsqu'ils revinrent dans le pays ; la valeur, dit Legrand, mérite d'être estimée dans l'ennemi même et cette conduite fait peu d'honneur à ses auteurs. Cf. Eickemeyer, Denkw., 179.

[17] Note de Legrand (A. G.). Custine, dit pareillement Gaudy, aurait dû s'avancer, s'établir sur la lisière du Sonner-Wald, masquer les abords de Schönberg, de Stromberg, de Tarweiler ; il empêchait ainsi l'armée prussienne de passer le Rhin à Bacharach, la forçait de traverser le fleuve à Rheinfels pour agir dans la direction de Kastellaun et de Kirchberg ; puis, tandis qu'elle perdait le temps à s'approvisionner, il revenait sur Mayence à marches forcées, battait sans difficulté l'armée d'investissement qui ne comptait encore que 10.000 hommes, et s'emparait de ses magasins ; Journal de Gaudy, 140). Cf. Eickemeyer, Denkw., 180.

[18] Massenbach, Mém., I, 163.

[19] Custine à Ligniville, 26 mars 1793 (A. G.).

[20] L'officier Legrand décrit ainsi dans une note inédite la position. Les montagnes qui bordent la gorge de Rheingrafenstein sont très élevées, et leurs pentes, couvertes de rochers à pic, semblent menacer le voyageur et s'écroulent même assez souvent dans la Nahe, dont la surface en est hérissée. A la droite, le Rhin entre tout à coup à Bingen dans un lit extrêmement resserré entre des montagnes élevées et tellement rapprochées qu'il semble n'avoir frayé que l'espace absolument nécessaire pour le passage de ses cous profondes et rapides. Le chemin de halage sur les deux routes a souvent moins de trente pouces (mesurés) ; il a fallu le tailler de distance en distance dans les rochers qui s'avancent jusqu'au fleuve. Je crois que l'idée la plus juste qu'on puisse s'en taire, est celle de la corniche qui règne dans l'intérieur d'un grand édifice au—dessous du plafond. On contait qu'il n'y passe jamais de voiture ; c'est bien assez pour les hommes et les chevaux d'y défiler un à un. Quant au centre de cette position, les montagnes n'y sont que d'une élévation médiocre. Leur pente sur les deux rives, depuis Kreuznach jusqu'en approchant à Bingen, est assez douce. Un pont à Kreuznach, et un a Bingen, un assez grand sombre de gués — à moins de crues extraordinaires — un grand nombre de chemins, dont cependant aucun n'est très bon, facilitent la retraite.

[21] Cf. sur le combat, Moniteur, 6 avril 1793 ; Saint-Cyr, I, 16 ; Gay de Vernon, Custine et Houchard, 121-124 ; Seilhac, Les bataillons des volontaires de la Corrèze, 1882. p. 32-34 (le bataillon eut 48 prisonniers) ; Mém. de Beaupuy, de Fr. Wimpffen, du bureau topographique ; note de Legrand ; lettres de Custine à Neuvinger et à D'Oré, 25 et 27 mars ; lettre de Beaujeu à Clarke, classée au 20 mars 1793 (A. G.), et sur Neuvinger, Valentini, 28 ; Ihlee, 25 ; Laukhard, 322 ; Preuss. Augenzeuge, 200. Joseph-Victorin Neuvinger était né le 6 mars 1736 à Boulay (ancien département de la Moselle). Lieutenant au bataillon des milices d'Autun (10 avril 1748), garde du corps du roi de Pologne en 1755, enseigne au régiment d'Anhalt (1er oct. 1756), lieutenant (24 juin 1757), sous-aide major avec rang de capitaine (17 juin 1770), capitaine (14 janvier 1772), capitaine commandant (8 juin 1776), major au régiment l'Alsace (20 février 1783), lieutenant-colonel (15 avril 1784), colonel (28 juillet 1791), il avait été promu maréchal-de-camp le 21 septembre 1792. et lieutenant-général un mois plus tard, le 28 octobre. Il fut mené prisonnier à Magdebourg (Moniteur, 11 mai 1793). Remercié le 15 mai 1793, et retraité le 11 germinal an IV, il passa ses dernières années à Phalsbourg et y mourut le 28 avril 1808. Custine, qui exagère tout, avait dit de lui : il dort deux heures par nuit sur une chaise et n'est point entré dans son lit depuis huit ans (Moniteur, 8 janv. 1793). Legrand l'a mieux jugé : ses mœurs sévères en apparence, ses habitudes dures et son esprit de détail lui avaient mérité la lieutenance-colonelle d'un ci-devant régiment étranger ; mais ce faible mérite d'un officier prussien en sous-ordre était bien loin des qualités nécessaires à un général.

[22] Bussière et Legouis, Michel Beaupuy, 1891, p. 190-195 ; Valentini, 28 ; cf. sur la prise de Bingen, Darst., 873, et Belag., 173.

[23] Custine à Ligniville, 18, 21, 22 mars 1793 ; Beurnonville à Ligniville, 26 mars, et à Custine, 29 mars (A. G.) ; Rec. Aulard, II, 18.

[24] Custine à Beurnonville, 30 mars 1793 (cf. Moniteur, 7 avril), à d'Aboville, 11 avril (A. G.), et à Le Brun, 10 avril (A. E.).

[25] D'Aboville à Beurnonville, 30 mars 1793 (A. G.), et Geschichte der Kriege in Europa, I, 178-179.

[26] Moniteur, 20 mars et 7 avril 1793 ; Darst., 874 ; Belag., 174-175.

[27] Mém. de Fr. Wimpffen et notes du cabinet topographique (A. G.) ; Soult, Mém., 1854, I, 25-26 ; Saint-Cyr, I, 48 ; Gaudy, 142 ; Valentini, 28-29 ; Wagner, Der Feldeng der preuss. Armee am Rhein, 1831, p. 10 ; Von Ardenne, Gesch. des Zieteuschen Husarenregiments, 1874, p. 238.

[28] Ditfurth, 249-230 ; lettres de Bercq, commandant du 4e des Vosges, 30 mars 1793 (Papiers de Merlin, Bibl. Nat. mss.), et de Reubell fils, lieutenant au 96e régiment, 10 avril (A. G.) ; cf. sur le 4e des Vosges (contingent des districts de Mirecourt et de Darney) Bouvier, Les Vosges pendant la Révolution, 1885, 120 et 474-476, et la lettre de Houchard au roi de Prusse (Moniteur, 17 avril ; on crut un instant que les Prussiens l'avaient massacré).

[29] On a nommé cette affaire la retraite de Guntersblum. Cf. Valentini, 29 ; Gaudy, 143-145 ; Schaab, Gesch. der Bundesfestung Maiz., 1855, p. 337 (il dit que le garde-champêtre d'Alsheim, Valentin Schnittger, annonça l'approche des Français) ; Darst., 881 ; Breton, Voyage dans la ci-devant Belgique et la rive gauche du Rhin, 1802, II, 136-137 ; Custine à Blou, 29 mars 1793 ; Mém. de Damas et de Vérine (A. G.) ; Bussière et Legouis, Beaupuy, 57-60 ; cf. sur de Blou : Custine à Biron, 8 sept. et 5 oct. 1792 ; Biron à Servan, 9 et 12 sept. 1792 (A. G.).

[30] Preuss. Augenzeuge, 199 et 223 ; Beschreib. der schreckl. Belag., 5 ; Remling, I, 311 ; Couturier, Suppl. au rapport, 3 juin 1793, p. 135 ; Journal de la Montagne, 11 juillet 1793 ; Hugo à Colle, 1er et 4 avril 1793 (A. G.).

[31] Belag., 180 ; Die Franz. am Rheinstrome, 237 ; déposition de Merlin (Moniteur, 21 août 1793) ; note de Legrand (A. G.).

[32] Journal de la Montagne, 5 juillet 1793.

[33] Révolutions de Paris, n° 105, p. 71-72.

[34] Argos, 6 et 13 avril 1793, p. 276-278, 297-302.

[35] Journal des Jacobins, séances des 8, 12, 15, 11 avril 1793 ; cf. sur Hassenfratz, Jemappes, 140-143, et Trahison de Dumouriez, 37.

[36] Moniteur, 14 avril 1793, lettre de Custine ; mais à ce récit légèrement inexact nous avons préféré la version de Coquebert, reproduite par Legrand. Houchard et Coquebert, a dit Clémencet, étaient des gens d'une grande franchise qui ne passaient rien à Custine ; le dernier surtout, quoique jeune, avait de l'ascendant sur lui par son bon esprit et ses lumières. Coquebert, renvoyé par un décret de la Convention, du 12 avril, devant le Comité de la guerre, fut entendu le mai et acquitté (A. N. AF*, II 22). Il ne cessa de servir avec distinction ; mais il fut fait prisonnier à l'armée du Nord où il avait passé avec Houchard ; son esprit s'aliéna pendant sa longue captivité, et on dut l'enfermer à Paris dans une maison de fous. Il avait à onze ans, soutenu une thèse de mathématiques devant l'Académie des sciences. D'Alembert l'interrogeait, et confondu de ses réponses, il disait à Jean-Jacques : Vous avez prétendu que les enfants ne pouvaient apprendre les mathématiques ; qu'en pensez-vous aujourd'hui ?J'ai, répliqua Jean-Jacques, excepté les prodiges. (Note de Legrand, A. G. ; cf. Lavallette, Mém., I, 118-119.)

[37] Moniteur, 19 avril 1793.

[38] Cf. sa réponse à Wurmser qui le sommait de rendre Landau (Moniteur, 14 avril 1793) et ses autres lettres de l'époque.

[39] Custine à d'Aboville, 11 avril 1793 (A. G.). Egalité était pourtant son ami ; il m'a beaucoup demandé de vos nouvelles, écrivait le colonel Champeaux le 7 octobre 1792 après la prise de Spire, et m'a chargé de vous peindre sa grande satisfaction.

[40] Conversation avec Dorsch (Argos, 21 février 1793, p. 123).

[41] Moniteur, 14 avril 1793.

[42] Reynaud, Merlin, II, 82 et 86. Cr. ces mots d'un correspondant du Journal de la Montagne, 6 juillet 1793 : je fais tout mon possible pour engager les commissaires de la Convention à nous délivrer de Custine. Merlin est de mon avis, Reubell pallie ses torts, et Haussmann ne dit rien.

[43] Couturier, Supplément au rapport, 128 et 133.

[44] Journal des Jacobins, séance du 12 déc. 1792.

[45] Courrier des départements, 5 et 6 avril 1703 ; Chronique de Paris, 6 avril ; Moniteur, 7 et 8 avril ; Rec. Aulard, III, 60. Ligniville et Destournelle furent acquittés le 26 mai (Moniteur, du 28) Destournelle qui comparut le 18 mai devant le Comité de la guerre  (A. N. AF* II, 22) avait suivi les instructions de Ligniville, et Ligniville n'avait agi que sur les ordres de Beurnonville.