LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

L'EXPÉDITION DE CUSTINE

 

CHAPITRE PREMIER. — L'ARMÉE DU RHIN.

 

 

I. Le corps du Haut-Rhin. Le corps du Moyen-Rhin. D'Harambure. L'armée du Rhin. Le camp de Plobsheim. Le camp de Neunkirchen. — II. Dénuement de l'armée. Manque d'officiers généraux. Etat-major. Armes spéciales. Officiers et soldats. Émigration et soupçons. Les volontaires. Engagement du 3 août 1792. — III. L'Empire germanique. L'électeur palatin. Le duc de Deux-Ponts. Les électeurs ecclésiastiques. Accueil des émigrés à Mayence. L'envoyé Villars. L'évêque de Spire. Projets d'invasion. Les électorats menacés.

 

I. Lorsque les Austro-Prussiens, commandés par le duc de Brunswick, envahirent la France, elle leur opposait trois armées : celle du Nord, celle du Centre et celle du Rhin ; les deux premières se jetèrent dans l'Argonne à la rencontre des alliés, la troisième gardait les frontières de l'Alsace.

L'armée du Rhin comptait 21.000 hommes environ : 4.000 formaient le corps du Haut-Rhin ; 5.000 le corps du Moyen-Rhin ; 13.000 l'armée du Rhin proprement dite.

 

Le corps du Haut-Rhin se composait de deux divisions qui tenaient, l'une, le camp de Hésingue, aux environs de la forteresse de Huningue, l'autre, le pays de Porrentruy. Il devait assurer la neutralité de la Suisse et arrêter les envahisseurs s'ils débouchaient, soit des gorges de Porrentruy, soit de la ville autrichienne de Rheinfelden, soit du pont de Bâle. Ce corps fut comme le grand dépôt de l'armée du Rhin ; c'était là qu'affluaient, pour s'équiper et s'exercer, les bataillons de nouvelle levée.

La division du Porrentruy fut commandée successivement par Ferrier, Falk et Demars. Falk, ancien lieutenant-colonel du régiment de La Darde, retiré avec le grade de brigadier des armées du roi, reçut, le 22 août 1792, des commissaires de la Législative, le brevet provisoire de maréchal de camp ; les jacobins se déliaient de lui parce qu'il était Palatin de naissance, mais Biron lui reconnaissait des talents distingués. Demars, qui lui succéda, était lieutenant-colonel du 2e bataillon des volontaires du Haut-Rhin ; il a, disait Biron, longtemps servi dans mon régiment, et c'est un officier sur lequel on peut absolument compter[1].

Le camp de Hésingue ou de Huningue eut pour chefs Haack, d'Aiguillon, Martignac, Ferrier, Rossi.

L'adjudant-général Haack fit, après le 10 août, atteler à sa voiture des chevaux du pare d'artillerie et gagna Bâle, pour ne plus revenir.

Le maréchal de camp d'Aiguillon, simple, familier, vivant à la dragonne et chéri du soldat, avait un grand i désir d'acquérir un renom militaire. Mais il appartenait au parti constitutionnel ; il accueillit assez mal les commissaires de la Législative et les nomma, dans une lettre à Barnave, les représentants illégaux d'une assemblée usurpatrice. La lettre fut interceptée. D'Aiguillon s'enfuit en Suisse, vendit a vil prix ses équipages et vécut dans la retraite[2].

Martignac, lieutenant-général, était venu le 16 août prendre le commandement du camp de Hésingue. Mais, écrivait Reubell, alors procureur-général syndic du Haut-Rhin, tout le monde le voit d'assez mauvais œil, et les troupes ne sont pas disposées à lui obéir. Le ministre Servan ordonna qu'il ne serait plus employé à l'armée du Rhin, et Martignac émigra[3].

Ferrier remplaça Martignac. Il était l'idole du club de Huningue, et il flattait sans cesse, dit un contemporain, les plus dégoûtants aboyeurs, si leurs robustes poumons pouvaient être utiles à ses intérêts. Son ardent jacobinisme lui valut la faveur des représentants, qui l'appelèrent à la défense des lignes de Wissembourg[4].

Après le départ de Ferrier, Hyacinthe Rossi, colonel du To régiment de chasseurs à cheval et chef de brigade faisant les fouettons de maréchal de camp, prit le commandement par intérim ; c'était un bon militaire qui ne pensait qu'à remplir ses devoirs[5].

Le corps du Moyen-Rhin, qui tenait le partie de l'Alsace comprise entre Ottmarsheim et Plobsheim, devait disputer aux ennemis le passage du Rhin et menacer le Brisgau. Il fut d'abord commandé par d'Harambure, qui mit son quartier-général à Neufbrisach[6]. D'Harambure était intelligent et actif. Il convint avec les corps administratifs que les habitants des communes défendraient les bords du Rhin et, qu'a un signal donné, ils se rendraient, armés d'un fusil et munis de vivres, sur des emplacements indiqués à l'avance. On n'avait eu, jusqu'alors, d'autres signaux que de grandes perches, à l'extrémité desquelles on allumait un réchaud ; mais ces perches n'étaient pas assez hautes pour être vues de loin en un pays plat et dans les lies boisées du Rhin[7]. D'Harambure ordonna que les gardes nationales se rassembleraient au son des cloches. Il établit ses troupes dans de petits camps ; il éleva sur quelques points, notamment à Chalampé, des redoutes-batteries ; enfin il fit inscrire tous les pêcheurs et bateliers de la région sur un rôle et leur donna une légère solde, à condition qu'ils transporteraient sur leurs barques les postes ou patrouilles navales, qui fouillaient et gardaient les îles du Rhin. Lorsque d'Harambure apprit la révolution du 10 août, il déclara qu'il resterait fidèle à la monarchie et à Louis XVI. Mais ou avait besoin de lui ; on le garda quelque temps encore ; il sert à merveille, disait Biron, et serait, je crois, impossible à remplacer si nous le perdions ; ses postes sont placés le long du Rhin avec une extrême intelligence[8].

 

Les deux corps du Haut-Rhin et du Moyen-Rhin n'étaient que de petites fractions de la grande armée, dite armée du Rhin. Leur histoire se borne à des coups de fusil tirés comme à l'affin sur les bords du fleuve, et a d'inutiles canonnades. J'ai été hier au Vieux Brisach, écrivait le prince de Condé, et j'ai vu les postes de ces messieurs comme du Palais Bourbon on voit le Cours ; ce sont les meilleures gens du monde ; ils n'ont pas plus pris garde à moi qu'ils n'avaient fait au pont de Kehl et à Fort-Louis'[9]. L'armée du Rhin devait jouer un rôle plus brillant ; elle devait saisir l'offensive, envahir l'Allemagne, chercher en plein Empire gloire et succès[10]. Elle avait eu d'abord à sa tête le vieux Luckner, ce soudard bavarois, faible, obstiné, radoteur, que toute la France regardait alors comme son meilleur général[11]. Mais le péril était en Flandre, et l'indispensable Luckner courut a l'armée du Nord, puis, lorsque le danger menaça la Lorraine, a l'armée du Centre. La Morlière lui succéda provisoirement sur le Rhin, ce La Morlière qui se nommait le plus ancien soldat de l'armée française : il avait 85 ans ! Aussi n'aimait-il pas la Révolution ; il est trop âgé, disait un officier, pour la connaître, et le mot d'États-Généraux qu'il a entendu prononcer dans sa jeunesse, lui est encore plus familier que celui d'Assemblée nationale[12]. Mais ou lui donna dans la personne de Custine un coadjuteur énergique. Kellermann, qu'Euloge Schneider nommait le général loyal et constamment semblable à lui-même, Kellermann à qui Landau décernait une couronne civique, commandait sur la frontière[13]. Enfin, le 20 juillet, Biron remplaça La Morlière : t'Alsace entière réclamait ce brillant et chevaleresque Ciron, autrefois courtisan et favori de Marie-Antoinette, maintenant Fun des champions les plus résolus de la Révolution ; elle voulait un homme qui réunit â l'expérience de la guerre et à une réputation avantageuse l'amour sincère du nouveau régime et l'habitude de traiter les affaires sans raideur ni rudesse avec les corps administratifs[14]. D'ailleurs, depuis le commencement de l'année, le chef de l'état-major de l'armée du Rhin était un homme très entendu, Victor de Broglie. S'il se piquait de tout faire et se perdait quelquefois dans le détail, il avait une grande intelligence, de la fermeté, du tact ; il estimait Desaix, qu'on appelait alors M. de Veygout, et se l'était attaché ; on ne pouvait, disait-on, mettre plus de zèle et de dévouement dans ses fonctions. Malheureusement, Broglie refusa de reconnaître la révolution du 10 août et, quoiqu'il eût ajouté qu'on devait, dans l'état des choses, et pour ne pas nuire à l'ordre public, attendre du temps et de la Convention nationale la décision des grandes questions du moment, il fut suspendu par les commissaires de l'Assemblée législative[15].

L'armée dite du Rhin forma longtemps deux camps à peu près d'égale force, celui de Plobsheim et celui de Neunkirchen. Le camp de Plobsheim était situé perpendiculairement au chemin de Strasbourg à Neufbrisach, dans la vaste plaine qui s'étend entre l'Ill et le Rhin, et il appuyait ses deux extrémités à la rivière et au fleuve. Il devait couvrir Strasbourg et arrêter les Autrichiens du Brisgau s'ils tentaient d'envahir la Haute-Alsace. Mais le 31 juillet, sur la nouvelle ltie les Impériaux, commandés par Hohenlohe-Kirchberg, traversaient le Palatinat, Biron meus les troupes du camp de Plobsheim à Wissembourg.

L'autre camp, celui de Neunkirchen, en avant de Sarreguemines, près du confluent de la Sarre et de la Blies, était militairement mauvais. L'ennemi pouvait s'avancer, à la faveur des bois, sur les hauteurs qui bordent la rive droite de la Blies, canonner le campement, puis franchir la rivière guéable en plusieurs endroits. Rejetés sur la Sarre, les Français n'avaient d'autre passage qu'au moulin de Steinbach, à un gué que la moindre crue d'eau rendait impraticable, et d'autre pont que celui de Sarreguemines qu'ils avaient dû étançonner afin qu'il fût accessible à l'artillerie. Aussi avaient-ils rassemblé des bois pour former, en cas de surprise, les radeaux destinés à l'infanterie Néanmoins le camp de Neunkirchen rendit des services. Il couvrait la frontière de Landau à Thionville et reliait le camp de Plobsheim à celui de Tiercelet où fut pendant quelque temps la droite de l'armée du Centre. Il tenait en respect les petits princes allemands, comme le duc de Deux-Ponts, et menaçait Luxembourg. Kellermann qui le commandait, y forma les soldats aux grandes manœuvres, leur apprit à camper et à décamper, à élever de petits ouvrages de fortification, à remuer la terre. Bien peu, rapporte un contemporain, savaient ce qu'est un cordeau de tracement et moins encore l'usage de s'eu servir. La petite armée de Neunkirchen fut le noyau de celle de Valmy.

Mais bientôt on craignit pour la sûreté de Metz, et le camp fut levé. On voulait l'établir sous les murs de la forteresse. Kellermann soutint très justement que l'armée devait défendre Metz sur les bords de la Sarre et ne se retirer devant la place qu'à la dernière extrémité. Il se porta près de Sarrelouis, sur des hauteurs d'une pente rapide ; l'armée, faisant face à la Sarre, appuyait sa droite au bois de Wadgasse et sa gauche à un grand ravin ; le quartier général était sur les derrières, à Bourg-Dauphin ; pour mieux rassurer Metz, un détachement de 1.200 hommes occupait la position de Bouzonville.

Le camp de Sarrelouis n'eut qu'une brève durée. Le 6 juillet, Kellermann recevait l'ordre de se porter en avant de Landau, sur les frontières du Palatinat. Ce fut là que se réunirent et se fondirent les troupes du camp de Plobsheim et celles du camp de Neunkirchen, là que se forma l'armée qu'on nomma l'armée des Vosges[16].

 

II. Mais qu'elle vint de Plobsheim ou de Neunkirchen, qu'elle fût à Delémont ou à Neufbrisach, à Huningue ou à Wissembourg, l'armée du Rhin manquait de toutes choses. Les magasins des villes d'Alsace et de Lorraine étaient bien garnis, et jamais les places fortes n'eurent d'approvisionnements aussi considérables que dans la première campagne. Mais les généraux ne cessaient de se plaindre du dénuement de leurs troupes. L'habillement se délabrait honteusement ; les volontaires étaient tout nus et l'on jugeait déjà qu'il serait barbare de les employer dans la mauvaise saison ; les malheureux, mandait Biron, n'ont ni capotes ni couvertures et souffrent des injures du temps de la manière la plus affligeante. Les armes n'arrivaient pas ; Beauharnais voyait les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin fourmiller d'hommes, et des bataillons se présenter tous les jours ; mais, disait-il, la majorité de ces troupes, sans armes ni équipement, n'est pas propre à marcher à l'ennemi, surtout hors du territoire de la République ; nos véritables besoins sont des fusils et des sabres[17].

Cette armée n'avait que très peu d'instruction. Les officiers généraux manquaient. Ceux qui, en petit nombre, avaient fait la campagne d'Amérique, dégoûtés des soupçons et des dénonciations qui les assaillaient à tout instant, émigraient ou donnaient leur démission. Le 9 septembre, Biron écrivait au ministre : Je n'ai pas du tout de lieutenants-généraux ; M. de Custine et moi, nous sommes à peu près seuls. Il devait y avoir, au mois de juin, quatre généraux à Neunkirchen : fun passait à l'étranger, le deuxième refusait de servir ; il ne restait que Kellermann et Sheldon, qui fut bientôt frappé d'apoplexie. Un instant, l'armée du Rhin ne compta que huit maréchaux de camp ; trois d'entre eux étaient, l'un à l'état-major, l'autre au génie, le troisième à l'artillerie ; on n'avait que cinq maréchaux-de-camp pour commander les troupes et les places[18]. Le ministère lit de nombreuses promotions ; des colonels devinrent, soit réellement, soit à titre provisoire, maréchaux-de-camp. Mais si Houchard qui commandait le 2e régiment de chasseurs à cheval, se révéla chef d'avant-garde, Neuvinger était et resta sabreur, Maurier, Lafarelle, de Biou étaient cassés par l'âge et incapables de mener et de manier des troupes.

L'état-major sur qui reposait l'exécution des ordres, n'existait pas. Les adjudants-généraux et leurs adjoints, nominés précipitamment, n'avaient aucune expérience. Je n'ai peut-être jamais vu, disait Biron, un état-major plus mal composé, ni qui mérite moins de confiance par ses principes et par ses talents ; il ne lait qu'intriguer, et à part trois ou quatre personnes, il n'est pas bon à grand-chose. Il fut assez heureux pour remplacer Victor de Broglie par Beauharnais, à la fois intelligent et patriote. Mais Custine dut prendre connue chef d'état-major, au lieu d'un maréchal de camp, son premier adjudant-général, d'abord Beaurevoir, puis Chadelas[19].

Les armes spéciales offraient le même défaut de sujets. Quoi qu'on ait dit, beaucoup d'officiers de l'artillerie et du génie avaient quitté la France. L'émigration, écrivait Biron le 21 août, continue dans ces deux corps ; notre artillerie surtout est déjà presque bort de service par le très grand nombre d'officiers qu'elle a perdus, et il priait le ministre de lui envoyer des ingénieurs et des canonniers dévoués à la Révolution[20].

Même dans les troupes de ligne, dans l'infanterie, dans la cavalerie, presque tous les officiers et les soldats étaient neufs au métier. Les recrues ne composaient-elles pas la majorité des régiments ? Sans doute les colonels et lieutenant- colonels étaient de vieux routiers, mais ils n'aimaient pas le nouveau régime, et Ruttemberg, colonel du 62, régiment d'infanterie, puis chef d'une brigade de grenadiers, émigrait au mois de mars 1793 sans attendre son brevet de maréchal de camp. Les officiers inférieurs, capitaines, lieutenants, se montraient patriotes et, selon le langage du jour, se prononçaient fortement pour la Révolution ; mais ils avaient tous, dit l'ingénieur Clémencet, le plus grand besoin d'être instruits et ils manquaient de zèle, d'activité. Une classe que j'aimais, avoue Biron, en devenant trop nombreuse, devient mauvaise ; c'est celle qu'on appelait autrefois des officiers de fortune ; ils sont négligents, paresseux et sans fermeté. Il portait le même témoignage sur les sous-officiers : Cette classe s'est aussi affaiblie et a fourni trop d'officiers pour rester suffisamment bien composée. En revanche, il faisait le plus grand éloge des soldats et vantail leur courage, leur ardeur, leur extrême envie de se distinguer et de s'instruire, l'enthousiasme que leur inspirait la Révolution. Mais ils avaient l'humeur soupçonneuse et méfiante. Ils regardaient leurs chefs comme des aristocrates vendus à l'ennemi, et tenaient pour traitre quiconque avait la particule. Le 6 septembre, au nom du corps du Haut-Rhin, un officier du 33e régiment d'infanterie, le lieutenant Duclos, demandait à l'assemblée législative la destitution de Martignac et la nomination d'un général qui ne fût pas noble : nous vous indiquons M. Ferrier ; un sang corrompu ne coule pas dans ses veines ; il n'est pas de cette caste qui a produit tant de crimes et si peu de vertus ! Et le même jour, à Huningue, comme pour confirmer le discours de leur député, les soldats mettaient Martignac aux arrêts. Il se rendait à Saint-Louis pour y fixer son quartier ; ou cria : Martignac émigre ! ; on courut après lui, on le ramena dans la ville, et sans écouler les protestations courageuses de Lauthier-Xaintrailles, on le traîna devant le club qui décida que le général resterait à Huningue sous bonne et sûre garde. Mais, comme disait Biron, ces soldats, prêts à tout entreprendre sous des chefs dont ils ne suspectaient pas les principes, n'étaient-ils pas habituellement trahis et trompés ? N'avaient-ils pas vu leurs officiers émigrer en grand nombre et tout le régiment des hussards de Saxe passer la frontière ? Ne voyaient-ils pas des maréchaux de camp, des colonels, des capitaines déserter tous les jours ? Nulle part, a dit un contemporain, la manie d'émigration n'était si grande que dans l'armée du Rhin, et cette rage de quitter la France, que beaucoup n'avaient que pour imiter les hommes du bon ton, entretenait dans l'Alsace un esprit d'inquiétude qui tendait à tout désorganiser[21].

Les volontaires qui formaient les deux tiers de l'armée, n'étaient guère propres à seconder ces troupes de ligne ombrageuses et frémissantes. Ils ne respectaient pas les officiers qu'ils avaient élus, et leur désobéissaient à tout instant. Durant les marches, leurs colonnes s'allongeaient à l'infini, et les hommes des derniers rangs restaient dans les cabarets ou pillaient sans que personne eût la force ou prit la peine de les empêcher. Ils menacent, disait l'adjudant-général Vieusseux, ceux qui osent leur parler des lois, et ils vexent et insultent les citoyens qu'ils sont appelés à protéger et à défendre. Des bataillons de 1791, comme le 1er de la Corrèze, le 1er de Rhône et Loire, le 1er des Vosges, avaient encore quelque discipline et montraient bonne volonté. Mais le bataillon du Bas-Rhin, commandé par le turbulent Offenstein, se mettait en insurrection ; il fallait le changer de cantonnement et jeter en prison son lieutenant-colonel. Le 2e de Seine-et-Oise s'insurgeait pendant sa marche de Belfort à Strasbourg. Le 1er de l'Ain et le 6e du Jura se révoltaient à Neufbrisach et méprisaient ouvertement les ordres de Victor de Broglie et les réquisitions de Reubell. On envoyait les volontaires de l'Ain à Ottmarsheim, mais ils ne faisaient que rôder dans la campagne et se permettaient des dégâts de toute espèce. Le 6, bataillon des Vosges, attaché à l'artillerie, refusait un instant de faire son service. Un détachement du te bataillon du Bas-Rhin, qui tenait garnis in à Lauterbourg, allait dans un village voisin forcer la prison et, malgré les protestations de la municipalité, relâcher les détenus. Enfin, les bataillons de 1792 ou de la nouvelle levée étaient plus embarrassants qu'utiles ; ils se composaient de gens achetés par les communes, les uns trop jeunes. les autres trop âgés et incapables de soulever leur arme, quelques-uns sans aveu : on ne pouvait compter sur de pareilles troupes, et les généraux priaient Biron de les garder[22].

Aussi, le premier engagement qui se livra sur la frontière de l'Alsace. ne fut-il pas à l'avantage et à l'honneur des Fram.ais. L'armée occupait Arzheim à gauche et au-dessus de la forteresse de Landau. Kellermann avait proposé de l'établir à Rülzheim pour occuper à temps la ville palatine de Germersheim et mieux défendre la Queich. Mais on n'avait osé, par une timide condescendance envers l'électeur palatin, s'emparer de Germersheim, et l'armée, d'ailleurs trop faible pour garder la Queich, s'était postée, sous la protection de Landau, sur des hauteurs au bord du Klingbach, dans un petit camp volant qui s'étendait vers Rülzheim, en faisant face à la Queich, et appuyait sa gauche au nord de Herxheim. Puis, ce camp paraissant encore trop éloigné de Landau, on l'avait transféré près d'Arzheim. Le 3 août, les colonnes de l'Autrichien Hohenlohe-Kirchberg, s'approchèrent de Landau. Les généraux, Custine, Kellermann, Victor de Broglie, allèrent à la découverte du côté de Rülzheim. Au même instant l'état-major autrichien venait de son côté reconnaître l'adversaire avec quelques escadrons. Sur l'ordre de Custine, le 1er régiment de dragons se mit en bataille, le sabre à la main, et chargea les hussards de Wurmser : niais il avait le désavantage du nombre ; les grenadiers qui devaient le soutenir, prirent un chemin trop long et n'arrivèrent pas ; le 9e régiment de cavalerie qui courait à leur secours, s'embourba dans les prairies. Custine s'était mis à la tête des dragons ; il dut tourner bride. L'affaire fut presque une déroute ; les généraux et leur suite se dispersèrent dans la campagne : les troupes qui tenaient le camp d'Arzheim, abandonnèrent tous leurs effets et s'enfuirent précipitamment à Landau. Biron résolut de quitter les lignes délabrées de la Queich ; il renforça la garnison de Landau et posta l'armée sur les bords de la Lauter, à Wissembourg et à Lauterbourg[23].

Par bonheur, l'orage de l'invasion fondit sur la Champagne. Je suis venu ici, écrivait fièrement Hohenlohe-Kirchberg au commandant de Landau, pour me battre avec une armée et non pour assiéger votre forteresse ; c'est ce que prouvent mes mouvements et mon camp ; mais puisque votre armée disparaît à mou approche, je travaille à l'exécution d'un autre plan, et, suivant l'ordre de Brunswick, il marcha vers Thionville[24]. Aussi, le ministre Servan n'hésita pas à dégarnir les deux départements du Rhin. L'attaque de l'ennemi, disait-il à Biron le 26 août, est maintenant décidée, et ce n'est pas de votre côté. Il lui prit 7.000 hommes pour les donner à l'armée du Centre ; le grand point était de sauver Paris.

Brunswick imita Servan. Il n'avait pas assez de monde pour pénétrer dans l'Argonne. Il dégarnit le corps d'armée autrichien qu'il avait laissé sur les frontières de l'Alsace sous le commandement du général comte d'Erbach. Ce corps d'armée gardait les magasins de Spire ; il couvrait tout le Moyen-Rhin ; il observait Landau ; il tenait Biron en échec. Brunswick l'appela sur la Moselle et le chargea d'investir Thionville ; trois bataillons restaient à Spire.

 

III. L'Empire germanique n'avait encore pris aucune part à la grande querelle entre Français et Austro-Prussiens. En vain Kaunitz criait que la neutralité de l'Empire était injuste, indécente, et priait les cercles de fournir un secours, quel qu'il fût, soit en soldats, soit en argent, soit en vivres. Seul, le landgrave de Hesse-Cassel, Guillaume IX, se joignit ouvertement aux coalisés, et mena 6.000 hommes dans l'Argonne. Mais le margrave de Bade ne signa que le 20 septembre une convention militaire qui mettait un millier de fantassins à la disposition des alliés[25]. L'électeur de Hanovre déclara que la guerre ne le regardait pas et qu'il ne livrerait son contingent que lorsque le territoire de l'Empire serait violé. Le cercle de Souabe prétendit rester sur la défensive. et se contenta d'envoyer un bataillon à Offenbourg. Le cercle de Franconie osa dire que la marche des Prussiens faisait tout renchérir.

Un prince influent en Allemagne était Charles-Théodore, qui régnait à la fois sur la Bavière et sur le Palatinat[26]. Les alliés s'efforcèrent de l'entrainer. Mais les ministres de Charles-Théodore, Oberndorff et Vieregg, ne désiraient que la paix, et l'électeur, gros, apoplectique, accoutumé à la vie tranquille et monotone, uniquement préoccupé de pourvoir ses bâtards, frémissait, selon le mot de notre envoyé d'Assigny, à toute idée de guerre. Il promit à la France sa neutralité ; comme souverain indépendant, disait-il, il voulait cordialement maintenir avec elle la bonne harmonie. Il soutint au cabinet de Vienne qu'il avait fourni son contingent, puisqu'il mettait à Mannheim une garnison de 5.000 hommes. Mais aucune des armées belligérantes ne put entrer dans la place ni passer le pont du Rhin. Les Impériaux traversèrent ses états, et les Français les traversèrent pareillement[27] ; chaque fois qu'un régiment autrichien se présentait, un commissaire palatin allait à sa rencontre et protestait, au nom de l'électeur, contre cette violation de territoire[28].

Le duc de Deux-Ponts, héritier présomptif de Charles-Théodore, suivit la mérite politique[29]. Il savait que les troupes placées sur la Blies, à l'extrême frontière de la France, pouvaient eu vingt-quatre heures s'emparer de ses petits états et, à diverses reprises, il envoya des paniers de gibier aux principaux officiers du camp de Neunkirchen. S'il perdait une aussi puissante protection que la France, disait notre envoyé Desportes, avec quel secours arrêterait-il la main de fer que l'Autriche étend déjà sur la succession palatine ?[30]

Mais tes trois électeurs ecclésiastiques ne cachaient pas leur aversion pour la Révolution française. L'électeur-archevêque de Cologne, Maximilien-François, fils de Marie-Thérèse et frère de Joseph II s'était, à la diète, en sa qualité d'électeur et de grand-maître de l'Ordre teutonique, déclaré contre les décrets de l'Assemblée nationale, qui jouait avec la nation allemande comme avec une poupée qu'ou déshabille à sa guise. Il proposait de combattre la France, sinon par les armes, du moins par une sorte de blocus commercial. Ne pouvait-on, disait-il, se passer des produits de l'industrie française et les interdire par une loi d'Empire ? On conserverait ainsi des millions d'argent allemand ; on encouragerait les fabriques qui seraient sûres de leur débit ; les vins du pays se vendraient mieux ; une pareille résolution ferait sur la France une impression plus profonde qu'une déclaration de guerre. Toutefois, et bien que Paris l'eût surnommé l'archibête d'Autriche, il était très tin, très délié, et il évita d'offenser publiquement la France. Il n'interdit aucun journal. Il défendit aux émigrés de traverser son électorat en bandes armées, de faire des revues, de s'exercer en plein air au maniement des armes ; nulle ville ne devait avoir sur son territoire plus de vingt à trente réfugiés. Une compagnie d'émigrés voulut s'établir dans Andernach ; elle fut aussitôt expulsée[31].

 

Les électeurs de Trèves et de Mayence turent moins prudents. L'électeur de Trèves, Clément Wenceslas, accueillit dans sa résidence de Coblenz les comtes de Provence et d'Artois. Ne pouvait-il recevoir ses neveux ? Mais il les reçut comme Louis XIV aurait pu faire[32]. La noblesse française suivit ses princes ; elle formait à Coblenz un état dans l'état ; la ville avait l'air d'un petit Versailles. Bientôt les réfugiés firent avec un fracas provocant des préparatifs de guerre ; ces Pygmées, disaient les Girondins, parodiaient l'entreprise des Titans contre le ciel. Mais le 14 décembre 1791, sous la pression de l'Assemblée législative, Louis XVI déclarait que l'électeur de Trèves serait considéré comme l'ennemi de la France s'il n'avait pas mis fin, avant le 15 janvier 1792, aux attroupements et dispositions hostiles des émigrés. En même temps les États adressaient des remontrances à l'électeur ; ils lui reprochaient de donner aux gardes du corps les armes de l'arsenal de Trèves ; ils lui dénonçaient des marchés passés par les princes ; ils se plaignaient du ministre Duminique, qu'ils nommaient le fauteur de la noblesse française. Pressé, comme il disait, entre l'invasion étrangère et la révolte de ses sujets qui lui faisaient des représentations dans un style nouveau, Clément Wenceslas enjoignit aux émigrés de s'éloigner des frontières et de se retirer dans ses bailliages de l'Eifel. Mais les princes restèrent à Coblenz et vainement, le 3 mai, dans une note publique, l'électeur les engageait à user de leur influence pour renvoyer de Trèves dans le bas-archevêché, au delà du Rhin, les émigrés qui les avaient rejoints. Ils sont encore les chefs, insinuait le ministre de France ; ils conspirent encore ; ils sollicitent encore les puissances ; s'ils se sont séparés de leurs gardes du corps et de leurs compagnies rouges, ils les réuniront et dirigeront quand il leur plaira et avant qu'on y pense. D'ailleurs, malgré ses protestations de paix, l'électeur pressait secrètement l'Autriche et la Prusse d'écraser la Révolution. Lorsqu'il apprit l'arrestation de Louis XVI à Varennes, il pria l'Empereur de faire une démarche vigoureuse ; le conseil qu'il donnait, avouait-il, n'avait rien de charitable et d'épiscopal, mais toute négociation avec les rebelles serait inutile ; la meilleure et la plus efficace était la marche de 50.000 hommes bien disciplinés[33].

 

Comme l'électeur de Trèves, Frédéric-Charles d'Erthal, archevêque-électeur de Mayence et évêque de Worms, s'élevait contre les nouveaux principes[34]. Il plaida la cause des princes possessionnés avec une chaleur extraordinaire. Il encouragea le cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg, à résister aux décrets de l'Assemblée et protesta contre la constitution civile du clergé ; toutes les lois ecclésiastiques, disait-il, étaient violées sur les terres de l'évêché de Strasbourg, et cette infraction du traité de Westphalie invalidait le titre primitif du roi de France à la possession de l'Alsace. Il tenta même de réunir à Mayence un congrès germanique qui proposerait des mesures énergiques : établissement d'un cordon sur les frontières, répression de la propagande, prohibition de tous les livres français qui pourraient égarer le peuple. J'ai vu, rapporte un émigré, une foule de petits et grands souverains ; je n'en ai jamais rencontré de plus prononcé contre la Révolution, et il ne parlait de la maison de Bourbon qu'avec les expressions du plus vif attachement et du plus profond respect. Il ne cachait pas qu'a son avis, la guerre était le seul moyen de rétablir l'ordre en France et la tranquillité eu Europe. Lorsqu'il sut la convention de Pillnitz, il félicita le ministère autrichien d'une déclaration qu'il jugeait à la fois sage et courageuse ; il s'imaginait que l'empereur commencerait immédiatement les hostilités, et il engageait Kaunitz à saisir l'occasion, à profiter de l'incroyable licence de l'armée française et du mécontentement de l'Alsace ; tout promettait une rapide victoire, et Léopold allait s'acquérir une gloire immortelle en châtiant la folie de ces patriotes qui diffamaient sans vergogne tous les monarques. Il n'avait qu'une crainte : qu'on ne fil un accommodement avec la nation française. Au mois d'avril 1791, on l'entendit émettre l'opinion qu'il fallait réunir l'Alsace et la Lorraine à l'Empire germanique. Ses courtisans s'entretenaient du partage de la France avec plus d'assurance et de décision qu'on ne parlait vingt ans auparavant du partage de la Pologne, et suivant eux, une armée de 30,500 hommes suffirait pour étouffer la Révolution. On disait au gouverneur de Mayence que les canons de la place n'avaient pas encore servi, qu'il serait utile d'exercer les artilleurs pendant quinze jours : A quoi bon, répondait le gouverneur, les nationaux prendront la fuite dès qu'ils verront notre artillerie et, au pis-aller, c'est contre eux qu'on l'essaiera[35].

Frédéric-Charles d'Erthal reçut donc les émigrés à bras ouverts ; il offrit un asile à Bouillé ; il embrassa publiquement l'abbé Maury. Lorsque le comte d'Artois arriva sur le yacht électoral à la Favorite, il fit tirer plus de cent coups de canon et descendit jusqu'au bord du Rhin à la rencontre de sou hôte. Les gentilshommes français purent se réunir à Worms et le prince de Condé résider au château épiscopal de cette ville ; peut-être, disait l'électeur négligemment, les Français se rassemblent-ils en compagnies et en corps sous les ordres tacites des princes, mais je ne suis pas instruit de leurs véritables intentions, et il insinuait que les états de l'Empire, lésés par la France, avaient le droit d'exercer des représailles, de chercher par tous les moyens à rentrer dans leur bien, de provoquer un changement de choses en favorisant les frères de Louis XVI. Mais, intimidé par les menaces de la Législative et cédant aux inquiètes sollicitations du Magistrat de Worms, il interdit tout rassemblement : Condé se rendit à Bingen, qui appartenait au Grand-Chapitre de Mayence ; les émigrés se dispersèrent dans l'électorat par pelotons de quinze à vingt, sans porter d'armes ni faire aucun exercice militaire. Vint la déclaration de guerre : Frédéric-Charles d'Erthal leva le masque. Les émigrés se rassemblèrent de nouveau ; entre eux et à huis clos ils se moquaient de l'archevêque-électeur, qu'ils traitaient de parvenu, de gentilhomme mitré et d'abbé de Mayence. Mais Erthal les invita dans son palais ou leur fit porter à l'auberge un repas préparé dans ses cuisines ; il les accabla de prévenances, écouta complaisamment leurs fanfaronnades ; ils le proclamèrent leur patron, leur père, leur papa, Le 20 mai 1794 le prince de Condé faisait à Mayence une entrée qui ressemblait à un triomphe ; les grenadiers électoraux lui formaient une garde d'honneur ; il est impossible, disait notre envoyé Villars, de montrer une prédilection plus outrageante pour la nation française.

Villars lui-même n'était pas à l'abri des insultes. On conte qu'à sa première audience aucun officier ne vint au devant de lui, qu'il s'égara dans le palais, et qu'enfin un marmiton lui montra le chemin de la salle où trônait l'électeur. L'anecdote ne mérite pas créance. La réception de Villars fut imposante ; il eut partout les honneurs militaires, et Frédéric-Charles d'Erthal, après un entretien d'un quart d'heure, assura qu'il serait aise de le voir encore. Mais les émigrés regardaient Villars avec insolence, chantaient le Ça ira en passant près de lui et faisaient aiguiser leurs épées par un rémouleur qui s'était placé sous ses fenêtres. Il se promena deux fois sur la rouie de Francfort ; on répéta qu'il allait propagander dans la campagne et présider un club de village. Il demanda son rappel ; l'électeur, disait-il, ce despote au manteau court, cet homme gangrené d'aristocratie, voulait le rassasier d'outrages. On lui conseilla de patienter, mais le 14 juillet, au matin, Villars recevait un billet écrit la veille par le chancelier Albini ; l'électeur le priait de partir ; l'empereur arrivait, les armées alliées se mettaient en mouvement, on ne pouvait plus garantir au ministre de France une parfaite sûreté.

Frédéric-Charles d'Erthal mit le comble à toutes ces imprudences : il désira, selon l'expression de Forster, faire, lui aussi, au colosse de la liberté, sa piqûre de mouche. Il promit aux alliés un régiment de deux mille hommes et, dans les premiers jours de septembre, ce régiment, composé des plus beaux hommes de l'électorat, et fier des six canons qu'il traînait avec lui, rejoignit à Spire le corps autrichien du comte d'Erbach[36].

 

Un autre prince ecclésiastique, l'évêque de Spire, comte Auguste de Limbourg-Styrum, partageait la haine de Frédéric-Charles d'Erthal contre la Révolution. Tous deux, disait l'électeur de Cologne, fulminent contre l'Assemblée nationale et voudraient que la France eût peur d'eux, tandis qu'ils n'ont ni troupes, ni artillerie, ni magasins, ni munitions, ni argent. Les émigrés portèrent aux nues l'évêque de Spire ; on ne peut, écrit l'un d'eux, être un ennemi plus déclaré des nouveaux principes et un plus intrépide dénonciateur de la propagande française. L'évêque avait eu Alsace le prieuré de Wissembourg et les trois bailliages de Lauterbourg, de Madenbourg et de Dahn. Il rejeta les indemnités que la France lui offrait ; il était dans l'impossibilité absolue de les accepter, et refusait d'abandonner la moindre parcelle d'un diocèse qu'il avait juré de conserver intact. C'est, assurait notre ministre des affaires étrangères Montmorin, celui qui intrigue le plus à la Diète contre nous, et un de nos agents voyait en lui le plus acharné, le plus emporté de tous les princes possessionnés. Il extravague sur les affaires de France, disait moqueusement de Mme Coudenhoven, la favorite d'Erthal, et, à l'en croire, il ferait à lui seul la contre-révolution[37].

 

L'évêque de Spire, l'archevêque de Mayence, l'archevêque de Trèves s'étaient donc signalés d'eux-mêmes aux coups de la Révolution, et lorsqu'au nom de l'Assemblée Législative, Vaublanc invitait Louis XVI à requérir la dispersion des émigrés, il lui demandait des déclarations énergiques auprès des électeurs de Trèves et de Mayence et de l'évêque de Spire : s'ils continuent, disait Vaublanc, de favoriser des préparatifs dirigés contre les Français, nous porterons chez eux, non pas le fer et la flamme, mais la liberté ! Dès les derniers jours de 1791, Brissot, Vergniaud, Rühl menaçaient ouvertement ces petits princes d'Allemagne dont Louis XIV avait jadis foudroyé l'insolence, ces soldats de l'Église armés de chapelets qui prétendaient incendier l'Europe par leur feu d'opéra, ces tyrans obscurs qui osaient recéler les fugitifs. et qu'un mot du ministère français aurait fait rentrer dans le néant, qu'un seul coup de canon devait chasser de leurs états ! Fauchet proposait d'occuper Worms, Mayence, Coblenz, et de ne les rendre qu'après la dispersion complète des émigrés et le remboursement des frais de la guerre. Dubois-Crancé déclarait aux jacobins qu'il fallait, sans attendre une attaque, porter en trois colonnes une armée de 50.000 hommes sur Worms, Mayence, Coblenz, et détruire le repaire des révoltés. Vos princes, écrivait le club de Strasbourg dans une adresse en allemand aux habitants de la rive droite du Rhin, vos princes ont donné asile aux émigrés ; les valeureux Français s'exaltent contre les menées de ces aristocrates ; le moment approche où le drapeau tricolore flottera dans vos pays ![38]

Aussi, après la déclaration de guerre, abondèrent les projets d'invasion. Une fièvre belliqueuse agitait les esprits ; chaque général, chaque officier, chaque sergent proposait de grandes mesures ; pas un membre de l'Assemblée législative qui ne reçût des armées un plan de campagne ; pas un journaliste, pas une société populaire qui n'eût ses propres vues sur la conduite de la guerre[39].

Les uns proposaient d'entrer en Souabe et dans l'Autriche antérieure qui, selon le mot de Brissot, n'offrait rien de redoutable. Dés le 2 mai, Victor de Broglie voulait prendre l'offensive dans le Brisgau, saisir ou ruiner les magasins que les Autrichiens avaient réunis à Rheinfelden, attaquer à la fois par la droite et par la gauche leurs cantonnements dispersés. Custine faisait le même plan dans les derniers jours de niai ; on devait, couvrir Paris en menaçant les états héréditaires de la maison d'Autriche, et sûrement, on eût dès cette époque révolutionné l'Allemagne ou du moins levé des contributions et vécu sur l'ennemi ; rien n'était alors plus facile que de relever les têtes de pont à Huningue, à Brisach et à Kehl[40].

Mais les autres, en plus grand nombre, proposaient l'invasion des électorats ecclésiastiques, de la Pfaffenstrasse ou rue des prêtres. On savait qu'il n'y avait presque pas de troupes sur la rive droite du Rhin, et que des jours, des semaines s'écouleraient avant que l'empereur et le roi de Prusse eussent mis leurs armées en mouvement. Quoi de plus aisé que se lancer dans un pays sans défense et, par un coup d'éclat, d'imposer à la coalition ? Sans doute l'électeur de Mayence avait des troupes. Mais quelle armée de parade qu'une armée composée de 3,800 fantassins, de 50 hussards, de 50 chasseurs, de I30 artilleurs, de 6 mineurs et de 6 sapeurs, répartie dans les trois forteresses de Mayence, de Königstein et d'Erfurt, divisée en quatre régiments qu'on nommait du nom de leurs chefs Gymnich, Rüdt, Hatzfeld et Knorr, ou d'après la couleur de leurs parements le régiment bleu, le régiment jaune, le régiment rouge et le régiment vert, commandée par douze généraux, administrée par un conseil de la guerre qui comprenait deux présidents et sept conseillers ! Sans doute l'électeur de Trèves et celui de Cologne pouvaient mettre sur pied quelques bataillons. Mais personne n'ignorait ce que valaient ces Pfaffensoldaten, ces soldats de l'armée des cercles qu'ou nommait pendant la guerre de Sept-Ans les capons et les parties honteuses de l'Allemagne, que Gleim représente courant a toutes jambes après Rossbach ou se blottissant derrière les buissons, et qui dans le premier drame du jeune Gœthe se jettent au fond d'un marais ou grimpent sur un arbre à l'aspect de l'ennemi. On les voyait d'ordinaire à la porte d'un corps-de-garde éplucher des pommes de terre et tricoter des bas en fumant leur pipe. Dans la petite guerre contre Liège en 1790, ils s'étaient plusieurs fois débandés honteusement devant une poignée d'insurgés. Ils n'ont, disait un de nos diplomates, que de vieux fusils à mèche, ne savent pointer un canon et n'offrent de commun avec les anciens Germains qu'un trop beau nom qu'ils déshonorent. N'avait-on pas autorisé les officiers mayençais à rester chez eux si leurs forces ou leurs affaires privées ne le permettaient pas ?[41]

L'invasion des électorats souriait donc aux esprits. L'armée, avait écrit l'envoyé Villars, arriverait à Mayence sans être arrêtée dans sa marche par une seule pierre[42]. Frédéric-Charles d'Erthal ne disait-il pas un jour, dans un singulier accès de clairvoyance, que l'assemblée nationale devancerait l'attaque ou du moins qu'elle laisserait les hordes révolutionnaires se jeter sur les pays rhénans[43] ? Kellermann ne cessait de conseiller ce coup de partie ; il fallait, répétait-il, enlever les magasins qui se formaient à Spire, à Worms et à Philippsbourg, s'emparer de Mayence et de Coblenz, gagner des alliés par cet acte de vigueur, suivre l'exemple du roi de Prusse en 1756 : la Saxe a sauvé le grand Frédéric[44]. Luckner, en vrai partisan, proposait la même pointe, et Kaunitz, devinant le projet, disait que le maréchal espérait sans doute s'attacher les soldats par l'appât du butin et qu'une semblable expédition était la seule où ce vieux reître pût trouver renom et profit[45].

Qu'on me donne 25.000 hommes, s'écriait Luckner ; je me rends en ligne droite à Cologne ; là, je passe le Rhin, j'envahis la Westphalie, je chasse devant moi toutes les troupes des cercles qui sont hors d'état de m'opposer une résistance sérieuse ; j'envoie en France les chevaux, les bestiaux, les blés, tout ce qu'on peut transporter, et je brûle le reste ; je remonte ainsi le Rhin jusqu'à Huningue ; pendant quatre ans, l'ennemi ne saura tenir la campagne sur la rive droite du fleuve ![46]

Mais ni les Girondins, maîtres de la Législative, ni le ministère n'approuvaient cette grande housardaille. Pilier tout, brûler tout, mettre à sac les chaumières comme les palais, n'était-ce pas agir contrairement aux principes ; n'était-ce pas soulever les bourgeois et les paysans, les rendre ennemis du nom français et de la Révolution' ? Dumouriez qui dirigea le cabinet jusqu'au lé juin, ne prétendait-il pas ménager l'Empire, obtenir la neutralité de la Prusse, concentrer tout l'effort des armées sur les Pays-Bas autrichiens ? Le cabinet qui lui succéda, faible, indécis, suspect, voulait-il, pouvait-il entreprendre une guerre franche et vigoureuse ? Enfin, l'ensemble manquait et devait manquer longtemps encore dans les plans de campagne. Luckner n'avait pas assez d'intelligence ni de prestige pour maintenir et conduire les forces que réunissait son vaste commandement. Les généraux qui servaient sous ses ordres, étaient en désaccord. La Morlière ne faisait que gémir. Custine, Kellermann. Ferrier se jalousaient. Tous ne pensaient qu'à des satisfactions d'amour-propre et nommaient pompeusement leur petit corps armée de Neunkirchen, armée de la Sarre et des Vosges, armée de la Lauter, armée de Porrentruy. Tous, une fois la lutte commencée, une fuis l'invasion mise en branle, ne voyaient plus que difficultés et obstacles, désiraient garder la défensive, craignaient de courir des- risques. Tous ignoraient encore ce que pouvaient l'ardeur nationale et le génie révolutionnaire. Victor de Broglie, ne considérant que le dénuement de l'armée et sa faiblesse numérique, disait amèrement qu'elle serait réduite à se renfermer dans les places et à contempler du haut des remparts la dévastation du plat pays[47].

Les imprudences et les tergiversations des coalisés allaient intervertir les rôles, changer la face des choses, donner à la guerre une autre tournure. L'armée du Rhin qui depuis plusieurs mois piétine et reste immobile, s'arrache à son inaction et, après avoir petitement, Patiemment, inutilement manœuvré, opère de grands, rapides et heureux mouvements. En général l'entrains, imprudent, malavisé, timide au fond malgré ses airs de hardiesse, et aussi lent qu'un Brunswick et un Clerfayt, mais qui brille d'entrer en scène, qui profite des circonstances pour prendre un semblant d'essor et qui parait aux yeux de l'Europe prêt à tout oser, capable en son élan soudain et son ardeur triomphante de briser la coalition. Quel est cet homme étonnant, ce Wundermann, demandaient les Allemands. Quel est, disaient les émigrés, ce général merveilleux ? D'où vient-il ? Que désire-t-il ? Il est noble d'extraction, et ce gentilhomme, notre indigne compatriote, veut servir Robespierre et Pétion de préférence aux Bourbons ![48]

 

 

 



[1] Cf. sur Falk qui fut envoyé à Porrentruy le 8 septembre 1792, Biron à Servan, 23 août 1792 (archives de la guerre ou A. G.) ; Journal de la Montagne, 9 août 1793 ; Rec. Aulard, II, 332, et sur Demars, Biron à Servan, 20 sept. et instructions de Biron à Demars 10 nov. 1792 (A. G.).

[2] Les commissaires à la Législative, 27 août 1792 (A. G. et Moniteur 1er sept.) ; Martignac à Biron, 6 sept. (D'Aiguillon est parti ce matin) ; Biron aimait d'Aiguillon, et après le 10 août, voulait l'appeler d'abord à Wissembourg pour le charger du commandement de la cavalerie, puis à Colmar pour y surveiller un rassemblement de volontaires (Biron à Servan, 18 et 23 août, A. G.).

[3] Reubell à Biron, 2 sept. 1792 ; Biron à Servan, 16 sept. et à Partie, 20 oct. (A. G. Martignac a émigré, il m'a écrit de Bâle la lettre la plus bote, la plus insolente et la plus inutile.)

[4] Note inédite de l'officier Legrand (A. G.) ; nous retrouverons Ferrier dans un volume suivant.

[5] Le camp de Hésingue comprenait, sous Rossi, à la date du 15 mars 1793 : les 2e, 3e et 4e bataillons de la Côte-d'Or, le 1er des Pyrénées-Orientales, le 4e de la Gironde, le 5e de l'Ain, le 6e de Seine-et-Oise, le 2e et le 4e du Doubs, le 4e du Var, le 2e régiment d'artillerie et le 4e chasseurs à cheval. Rossi périt sur l'échafaud le 19 messidor an II, à l'âge de 50 ans (Wallon, Hist. du Tribunal révolutionnaire, 1881, IV, 423).

[6] D'Harambure commandait en même temps le corps du Haut-Rhin et il signe le lieutenant-général commandant les troupes du Haut-Rhin et du Porrentruy. C'est à tort qu'on a dit l'armée du Rhin et qu'on la fait figurer dans l'énumération des quatorze armées entretenues par la République ; elle ne fut jamais qu'une division, un noyau d'armée.

[7] Mêmes signaux sur l'autre rive : au milieu d'une baraque de feuillage était une longue perche enveloppée de paille et surmontée d'une botte de paille : on mettait le feu à la baraque et la flamme se communiquait à l'extrémité de la perche. (Note de Legrand. A. G.)

[8] D'Harambure au ministre, 15 août 1792 ; Biron à Servan, 20 sept. et 21 oct. (A. G.) ; mais combattu par Ritter qui lui reprochait de protéger les prêtres factieux et contre-révolutionnaires (cf. les lettres de Ritter à Pache, 24 oct. et 25 déc. 1792 et 9 janv. 1793, A. G.), d'Harambure fut décrété d'accusation ; il vint à Paris et se justifia (journal des jacobins, séance des 17 et 29 mars 1793) ; toutefois Beauharnais le remplaça.

[9] La Boutetière, L'Armée de Condé, 1881. p. S ; cf. D(esfours), Tagebuch der Feldzäge des Kriegs gegen Frankreich, 1818, p. 31.

[10] Luckner commanda l'année du Rhin du 14 déc. 1791 au 6 mai 1792 ; La Morlière, du 7 mai au 20 juillet ; Biron, du 21 juillet au 16 décembre ; Deprez-Crassier, du 16 décembre au 14 mars 1793 (intérimaire et subordonné à Custine) ; Custine, du 15 mars au 17 mai ; Dietmann, du 18 au 29 mai (intérimaire et subordonné à Houchard) ; Beauharnais, du 30 mai au 17 août ; Landremont, du 18 août au 29 septembre ; Munnier, du 30 septembre au 1er octobre ; Carlenc, du 2 au 26 octobre ; Pichegru, à dater du 27 octobre 1793.

[11] Cf. sur Luckner, Invasion prussienne, 192-195 et l'Argos d'Euloge Schneider qui l'a très bien jugé (31 août et 11 sept. 1792, p. 137-141 et 166-168).

[12] Victor de Broglie à de Grave, 11 mai 1722 (A. G.).

[13] Sur Kellermann, Invasion prussienne, 201, et l'Argos de Schneider, p. 167 et 223 (11 sept, et 5 oct. 1792).

[14] Cf. sur Biron, Valmy, 5 ; les administrateurs du Bas-Rhin à de Grave, 9 mai 1792 ; Broglie à Servan, 21 mai (A. G.).

[15] Biron à Servan, 23 août 1792 (A. G.) et Moniteur du 22 mai.

[16] Note de Legrand (A, G.).

[17] Biron à Pache, 21 oct. et Beauharnais à Biron, 6 nov. 1792 (A. G.).

[18] La Morlière à Lajard, 23 juin 1792 (A. G.) ; cf. Invasion prussienne, p. 45.

[19] Biron à Servan, 23, 29, 30 août 1792 (A. G.) ; Gouvion Saint-Cyr, Mém. sur les campagnes des armées du Rhin, 1829, tome I, p. 31-32.

[20] Biron à Servan, 21 août 1792 (A. G.).

[21] Cf. la correspondance de Biron déjà citée, et sur l'épisode Martignac le Moniteur du 8 sept. 1792, et les lettres des jacobins de Huningue, de Martignac, de l'adjudant-général Lauthier-Xaintrailles à Biron, 7 sept. : le témoignage sur l'émigration à l'armée du Rhin est tiré d'un mémoire du cabinet topographique (A. G.) ; voir aussi Saint-Genis, Une conspiration royaliste à Strasbourg (Revue des Deux-Mondes, 15 mars 1880, p. 407 et 427).

[22] Note de Legrand ; lettres de Biron au ministre, 19 juillet, 21 et 23 août, 7, 8, 9, 13 sept. 1792 ; Vieusseux à Brissot, 15 mai (cf. Rousset, Les volontaires, p. 55 et 103-107). Voir sur Offenstein la correspondance du 11 au 30 avril, et sur l'affaire de Neufbrisach qui eut lieu les 4, 5, 6 et 7 juin, le Moniteur du 18 juin et du 7 juillet, ainsi que Gay de Vernon, Custine et Houchard, 1844, p. 16 (il est très regrettable que cet auteur ait voulu composer un mémoire personnel, au lieu de nous donner simplement les notes de son père). Cf. encore Reubell à Biron, 2 sept. ; Custine au 6e bataillon des Vosges, 27 sept. : Van Helden à Custine, 6 oct. 1792 (A. G.).

[23] Luckner à d'Abancourt, 4 août 1792 (Moniteur, du 9 et du 10) ; note de Legrand (A. G.) ; Exposé de la conduite de Kellermann, 1793, p. 3-7.

[24] Valmy, p. 91 ; Reinhug, Die Rheiapfalz in der Revolutionzeit, 1865, tome I, p. 46.

[25] Erdmannsdörffer, Politische Correspondenz Karl Friedrids von Badea, 1888, I, 499.

[26] Le Palatinat qu'on nommait alors le paradis terrestre de l'Allemagne (cf. Mirabeau, De la monarchie prussienne, VII, p. 382) comprenait trois villes capitales, Mannheim, Heidelberg, Frankenthal, et dix-neuf grands-bailliages : 1° dans le cercle du Bas-Rhin Heidelberg, Ladenbourg, Bretten, Mosbach, Holberg, Linderdels, Umstadt, Umberg, Germersheim, Neustadt, Alzey, Oppenheim, Bacharach ; 2° dans le cercle du Haut-Rhin : Kreuznach, Simmern, Stromberg, Kaiserslautern, Veldenz et Lauterecken.

[27] Le 16 juillet, après un rapport de Pozzo di Borgo, l'Assemblée législative avait décrété que les ennemis seraient attaqués et poursuivis partout où il conviendrait, d'après les dispositions militaires. Ils ont, disait Pozzo, inondé le territoire de la confédération germanique et à la faveur de la neutralité, les campements, les quartiers, les magasins et autres dispositions militaires s'exécutent sans inquiétude. Le pays qui contient dans son sein les forces destinées à nous détruire, n'est pas en droit de réclamer la neutralité. C'est lui qui l'a violée le premier, s'il a accepté de bon gré les bataillons ennemis, permis les magasins, l'établissement des quartiers et les autres préparatifs de guerre ; si, au contraire, il y a été forcé, ces troupes sont ses ennemis et les nôtres, et nous sommes en droit de les combattre. Loin de nous de vouloir taire partager les horreurs de la guerre à ceux qui n'exercent pas d'hostilités envers la nation française Mais, puisque leur territoire est le point d'appui de nos ennemis déclarés, ne doit plus être sacré pour nous.

[28] Lettres d'Assigny, 4, 22, 23, 23 juin, 11, 13, 25, 28 juillet 1792 (Archives étrangères ou A. E.) ; cf. Des Cars, Mém., 1830, II, 108.

[29] Le duché de Deux-Ponts comprenait les grands bailliages : 1° de Deux-Ponts (Deux-Ponts, Hornhach, Hombourg) ; 2° de Bergzabern (Bergzahern, Anaweiler, Trifels) ; 3° de Lichtenberg (Kusel) ; 4° de Melsenheim.

[30] Desportes à Le Brun, 20 oct. 1792 (A. E.) ; note de Legrand (A. G.).

[31] Cf. l'art. de H. Hüffer sur Maximilien-François dans l'Allgendeutsche Biographie ; Vivenot, Quellen, I973, I, p, 121-122 ; Des Cars, Mém., II, 97 ; Desportes à Lebrun, 29 oct. 1792 (A. E. l'électeur de Cologne s'est constamment montré notre allié parce qu'il est faible ou plus prudent que ses deux collègues, mais n'est-il pas de la maison d'Autriche ?). L'électorat de Cologne se composait : 1° du Haut Électorat (Bonn, Königswinter, Andernach) : 2° du Bas Électorat (Neuss, Kempen) ; 3° du comté de Recklingshausen. Cologne était ville impériale.

[32] Mme De Lage de Volude, Souvenirs d'émigration, p. p. De La Morinerie, 1869, p. C.

[33] Note de Legrand (A. G.) ; Vivenot, Quellen, I, 304, 312-313, 396-397, 401, 449, 543, 549 ; Sorel, L'Europe et la Révolution française, II, 343 ; Moniteur du 19 mai 1792. L'électorat de Trèves comprenait : 1° le haut électorat (Trèves ; le prieuré de Saint-Paul ; les bailliages de Pfalzel, Saint Maximin, Saarburg, Grimhurg, Saint-Wendel, Schmiedburg) ; 2° le bas électorat (seize bailliages, entre autres Ehrenbreitstein avec Coblenz, Boppard, Oberwesel, Montabaur, Limbourg).

[34] L'électeur de Mayence possédait : 1° la vidamie de Mayence, celle des dehors (Kastel, Kostheim et Weisenau), celle du Rheingau, celle d'Aschaffenbourg, et dix-huit bailliages (Höchst, Kremberg, Olm, Lahnstein, Steinheim, Dieburg, le Freigericht, Haussen, Klingesberg, Mittenberg, Amorbach, Bischofsheim, Krautheim, Starkenburg, Gernsheim, Neu-Bamberg, Amœueburg, Fritzlar) ; 2° la ville d'Erfurt et son territoire ; 3° l'Eichsfeld. Comme évêque de Worms, il avait quatre bailliages (Stein, Horehbeim, Dirmstein, Neu-Leiningen ou Neuf-Linange) et la recette de Neuhausen (Neuhausen, Rhein-Dürkheim, Liebenau) ; Worms était ville impériale. Cf. Büsching, Géogr. univ., trad. 1792, tome VIII, p. 15-46.

[35] Vivenot, Quellen, I, 232, 248-249, 261, 265 ; lettre de l'Électeur à Rohan, 12 déc. 1790. Heitz, La contre-révolution en Alsace, 1865, p. 50-51 et 185 ; Des Cars, Mém., II, 99 ; lettre d'O'Kelly au ministre, 5 avril 1791 (A. E.) ; Klein, Geschichte von Mainz wöhrend der ersten französischen Occupation, 1861, p. 27.

[36] Vivenot, Quellen, l. c. ; lettres d'O'Kelly, 1er avril et 13 juin 1791 ; de J. Barthélemy, 11 et 31 déc. 1791, 25 janv. et 21 févr. 1792 ; de Villars, 21 mai et 4 juin 1792 ; billet d'Albini à Villars, 13 juillet 1792 (A. G.) ; Bouillé, éd. Barrière, 295 et 310 ; Forster, Sämmtliche Werke, p. p. Gervinus, vol. VI, 363, 365, 372 ; Eickemeyer, Denkwürdigheiten, 1845, p. 102-104.

[37] Vivenot, Quellen, I, 544 ; Des Cars, Mém., II, 101 ; Erdmannsdörtler, I, 373, 449 ; Réponse du prince-évêque de Spire à la note ministérielle de M. de Groschlag, 1791, p. 19 ; lettres d'O'Kelly, 7 juin, et de J. Barthélemy, 9 déc. 1791 (A. E.). L'évêché de Spire comprenait sur la rive droite du Rhin le grand-bailliage et vidamie de Bruchsal et les bailliages de Kislau, Grombach, Rothenbourg, Philippsbourg, Gerspach, et sur la rive gauche, le grand-bailliage de Kirzweiler et les baillages de Deidesheim et de Marientraut. Spire était ville impériale.

[38] Discours de Vaublanc, 25 nov. 1791 (Moniteur du 2 déc.) ; de Brissot, 10 juillet (Aulard, La Soc. des Jacobins, 1891, II, 624), 20 oct. (Moniteur du 22 et 29 déc. imprimé à part, p. 34) ; de Vergniaud, 27 déc. 1791 (Moniteur du 11 janv. 1792) ; de Rühl, 27 nov. (Moniteur du 27 nov.) ; de Fauchet, 20 Janv. 1792 (Moniteur du 22) ; de Dubois-Crancé aux Jacobins, 25 déc. 1791 ; cf. Hertz, Soc. polit. de Strasbourg, 1863, p. 168-169.

[39] Note de Legrand (A. G.).

[40] Brissot, discours du 77 janvier 1792 ; Victor de Broglie à Dumouriez, 2 mai 1702, et Luckner à de Grave, 3 mai ; Custine à Biron, 30 août ; note de Legrand (A. G.).

[41] Eickemeyer, Denkw, 101-105 ; Ewald von Kleist, Werke, p. p. Sauer, 11, 571 ; Gleim, Preuss. Kriegslieder, p. p. Sauer, 1802, p. 23-25 ; Valentini, Erinnerungen einesalten preussischen Offiziers, 1833, p. 18 ; Gœthe, Götz von Berlichingen, III, 7 ; Desportes à Le Brun, 28 oct. 1792 (A. E.) ; Hesse, Geschichte der Stade Bonn unter der französischen Hereschaft, 1879. p. 19.

[42] Villars à Dumouriez, 12 mai 1792 (A. E.).

[43] Vivenot, Quellen, I, 233 (lettre à Kaunitz, 29 août 1791).

[44] Cf. surtout la lettre de Kellermann au ministre de la guerre, du 1er juillet 1792 (A. G.). L'exemple du grand Frédéric est cité par tous, par Brissot. (17 janv. 1792, en prévenant les puissances, il tourna l'orage contre elles), par Vergniaud (18 janv., s'il eût temporisé, son successeur ne serait que le marquis de Brandebourg), etc.

[45] Vivenot, Quellen, I, 431.

[46] Note de Legrand (A. G.) ; cf. l'Argos de Schneider, 20 juillet 1792, n° VI, p. 45 : Luckner brannte vor Begierde, jenseits des Rheims einen Meisterstreich zu wagen.

[47] Broglie à Lajard, 23 juin 1792 (A. G.).

[48] R(omain), Souvenirs d'un officier royaliste, 1823, t. I. p. 276 ; Ihlee, Tagebuch von der Eianahme Frankfurt durch die Neufranken bis zur Wiedeceroberung von der combinirten Armee, 1793, p. 59.