LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

JEMAPPES ET LA CONQUÊTE DE LA BELGIQUE

 

CHAPITRE IV. — CONQUÊTE DES PAYS-BAS.

 

 

I. Anderlecht. Bruxelles. Malines. Cumptich. Waroux. Liège. — II. Prise de Gand, d'Anvers, de Namur. — III. Projet d'invasion de la Hollande. Plans de Custine. Les Français à Herve et à Aix-la-Chapelle. Halte de l'armée. Quartier d'hiver. — IV. Défection des volontaires.

 

I. Dumouriez ne put quitter Mons que le 11 novembre. Mais la défaite des Autrichiens avait jeté partout la consternation, Un corps de 3.000 émigrés, commandé par e duc de Bourbon, campait aux environs de Namur. Lorsqu'il sut le désastre, il courut à Bruxelles, bravement, à la française, sans attendre l'ordre de Saxe-Teschen : il ne fit que servir d'escorte à l'archiduchesse Marie-Christine. Dès le 8 novembre, le gouvernement autrichien prenait la fuite, et l'on ne trouvait plus à Bruxelles ni fiacres ni chevaux de louages. Le comte de Metternich- Winnebourg gagna Ruremonde et de là Dusseldorf. Mercy, le Russe Simolin, le Suédois Fersen se rendirent à Maëstricht, et sur le chemin Fersen vit des jeunes gens et des vieillards du corps de Bourbon, chargés d'un fusil et d'un sac, qui restaient en arrière et pouvaient à peine se traîner ; il vit des Françaises, des femmes comme il faut aller à pied, les unes portant leur enfant, d'autres tenant à la main un petit paquet[1].

Mais les envahisseurs étaient encore loin. Saxe-Teschen avait rallié ses troupes dispersées, celles du duc de Wurtemberg, celles de Latour. Il se retirait lentement sur Bruxelles, par Tubize, par Hal. Il détachait à Huy le feld-maréchal Beaulieu qu'il chargeait de couvrir la ligne de la Meuse. Il avait résolu de défendre le terrain pied à pied et, malgré le découragement de sa petite armée, la désertion des soldats wallons et le manque de vivres, il faisait une vigoureuse et honorable résistance.

Le 12 novembre, l'arrière-garde de Saxe-Teschen, forte de 5.000 hommes, occupait les hauteurs d'Anderlecht. Dumouriez, qui s'était mis à la tête de son avant-garde, attaqua les Autrichiens sans balancer. Son audace faillit lui coûter cher ; ses adversaires avaient la supériorité du nombre. Mais il étendit ses troupes en avant de la chaussée, sur un très grand front, et ouvrit une violente canonnade qui dura près de six heures. Des renforts finirent par arriver. Le village d'Anderlecht fut emporté, et les habitants reçurent les Français, selon le mot de Dumouriez, comme des dieux bienfaisants. Cependant, le gros des troupes, qui marchait sur Hal, entendait le canon et voyait passer les blessés. Inquiets, les soldats jetèrent leur soupe pour courir au secours de leur père. Ils apprirent que l'ennemi battait en retraite et revinrent sur leurs pas en murmurant contre Dumouriez qui s'exposait de sa personne comme un simple grenadier. Le lendemain. lorsque le général rencontra l'armée, il eut Le plaisir d'en recevoir des réprimandes et il dut lui promettre de se corriger[2].

Bruxelles est à quatre kilomètres d'Anderlecht, et dès le 13 novembre les soldats voyaient devant eux ses remparts plantés de vieux arbres et couronnés de moulins, ta masse lourde et noire de la porte de Hal, les tours de Sainte-Gudule, le clocher de l'hôtel-de-ville dont la pointe supportait un colossal saint Michel terrassant le dragon.

Dumouriez envoya Westermann sommer le maréchal Bender, commandant de Bruxelles, et le magistrat. La ville n'avait plus qu'une garnison de 2.000 hommes qui tremblait devant la population. Tous les prisonniers politiques étaient libres ; la foule les portait en triomphe au cri de Vive Vander Noot et obligeait les sentinelles à leur présenter les armes. Lorsque Westermann arriva par la porte d'Anderlecht, il fut salué par mille acclamations : vivent les Français ! on se pressait autour de lui, on lui serrait les mains, on l'embrassait. Bender consentit à rendre Bruxelles, et le 14 novembre Dumouriez entra dans la ville au bruit du canon des remparts et des cloches qui sonnaient à pleine volée. Une foule de déserteurs autrichiens formaient la haie, et le magistrat rendit hommage en un style pompeux au héros que lui amenaient la Victoire et la Liberté. Dumouriez mandait qu'on l'avait reçu comme le libérateur de la nation : L'armée de la République est plus animée que jamais, on peut lui donner pour épigraphe : vires acquirit eundo[3].

Il se hâta d'envoyer à Malines une avant-garde commandée par Stengel[4]. Le 16 novembre, la ville se rendait à discrétion, et les troupes françaises traversaient ses larges rues bordées de maisons blanches au pignon pointu. Stengel prit aussitôt possession de l'arsenal, de la fonderie et des magasins ; il y trouva treize cent mille livres de poudre, un million de cartouches, des canons et des fusils en grand nombre. La fonderie était superbe et Dumouriez la regardait comme une ressource indispensable pour la réparation de l'artillerie française et la fabrication des armes qu'il donnerait aux bataillons belges. Dès le mois de septembre il avait prié le ministre de la marine, Monge, de lui céder le lieutenant-colonel d'artillerie Pierre Thouvenot qui dirigeait la fonderie, d'Indret et dirigerait celle de Malines. Il avait connu Pierre Thouvenot lorsqu'il commandait à Nantes ; il était accoutumé à son travail et appréciait ses talents et son civisme, son expérience et sa sagesse ; il déclarait que cet officier avait autant de mérite pour l'artillerie que son frère, Jacques Thouvenot, pour l'état-major. Il le nomma colonel et adjudant-général, lui confia sur le champ la fonderie de Malines et lui donna l'ordre de faire marcher avec toute la célérité nécessaire cet établissement précieux[5].

La grande armée, reprenant la poursuite, quitta Bruxelles le 19 novembre et entra le lendemain, au son des cloches et du carillon, dans Louvain, encore entouré d'un vieux mur de briques. Les magistrats et les professeurs de l'Université reçurent Dumouriez à la porte de la ville et le conduisirent à la maison commune pour lui offrir le vin d'honneur. Puis, par la route plantée d'ormes et de peupliers qui menait de Louvain à Tirlemont, on pénétra dans la Hesbaye, cette fertile et populeuse contrée, ce grenier d'abondance de la Belgique, aux plaines légèrement ondulées et couvertes de riches bourgades et de jolies villas. Mais à cette époque de l'année la Hesbaye n'avait plus son riant aspect ; il fallait, comme dit Dumouriez, soutenir les rigueurs du climat, cheminer par des sillons gelés et remplis de neige, terminer dix heures de combat ou de marche par un bivouac très dur[6].

Le 20 novembre, l'armée voyait devant elle la proprette Tirlemont, ses deux hautes églises et ses massives maisons. C'était là que les vaincus de Jemappes et d'Anderlecht attendaient l'envahisseur. Le duc de Saxe-Teschen ne les commandait plus. Il avait essayé d'obtenir une trêve en disant que la saison était trop avancée et que les armées, hors d'état de poursuivre la campagne, feraient bien de prendre leurs quartiers de cantonnement et d'hiver. Dumouriez répondit qu'il regrettait, comme le duc, la dévastation du pays et les souffrances des troupes, mais qu'il continuerait les opérations. Saxe-Teschen voulait d'abord résister à Louvain, et il posta son armée sur les hauteurs qui bordent la Dyle ; mais, saisi d'un découragement profond et sentant qu'il n'avait plus la confiance du soldat, il prétexta la maladie et abandonna le commandement à Clerfayt[7].

L'armée impériale comptait encore 18.500 hommes[8]. Clerfayt la fit camper derrière Tirlemont entre les deux Geetes. Mais il envoya son avant-garde aux abords de la ville, sur la hauteur de Cumptich, vis-à-vis de Bautersem. Le 21 novembre, au matin, Dumouriez engagea contre cette avant-garde un vif et long combat d'artillerie[9].

Clerfayt se retira sur Liège, puis de l'autre côté de la Meuse, à la Chartreuse. Il voyait son armée diminuer, peu à peu et la plupart des garçons du pays abandonner leurs régiments[10]. Mais, comme Saxe-Teschen, il voulait disputer le terrain, faire fièrement sa retraite et ne pas même laisser écorner son arrière-garde. Le combat de Waroux suivit les combats d'Anderlecht et de Cumplich.

Sztarray, qui devait contenir l'avant-garde française, avait élevé près du village de Waroux de bonnes redoutes garnies de canons. Dumouriez conçut le plan de le rejeter sur Liège et de l'y cerner. Il envoya les flanqueurs de gauche à Herstal et ceux de droite à Flémalle. Mais on vit bien dans cette journée que son armée n'était pas aussi manœuvrière qu'il le disait. Déjà l'attaque de Cumptich avait été molle et tardive. Celle de Waroux fut tout aussi circonspecte et timide. Les flanqueurs n'arrivèrent pas ; l'action demeura indécise, et l'ennemi ne se retira que lorsqu'il vit l'armée française se déployer sur la droite de la route. Dampierre exécuta plusieurs charges brillantes de cavalerie. Mais Dumouriez reconnaît que l'honneur de la journée revint tout entier à Sztarray qui reçut une grave blessure. La défense des Impériaux, écrit-il, était mieux entendue et plus vigoureuse ; ils avaient une artillerie plus nombreuse et plus forte que dans les combats précédents ; leurs batteries de grosses pièces, très bien disposées et parfaitement servies, eurent une grande supériorité sur les nôtres[11].

Le lendemain (28 novembre) Dumouriez entrait dans Liège et allait loger au palais du prince-évêque[12]. Il m'est impossible, mandait-il, de dépeindre l'ivresse de ce brave peuple et les délicieuses émotions qu'il nous a fait éprouver. Il comparait Liège à la France ; c'était une seconde nation française ; les idées républicaines y avaient le même caractère d'énergie et de raison.

 

II. Toute la Belgique était conquise. Les lieutenants de Dumouriez, comme leur général, n'avaient eu qu'à se 4 présenter devant les places. Ath ouvrait ses portes à Berneron. Le gouverneur de Dunkerque, Pascal Kerenveyer, envoyait le colonel Maschek, chef de la légion franche étrangère, avec 500 hommes et 2 pièces de canon, s'emparer d'Ypres, de Furnes, de Nieuport, de Bruges[13]. L'officier américain Moultson, commandant l'Ariel, entrait dans le port d'Ostende et voyait les habitants accourir sur le pont de sa frégate et se jeter dans les bras de ses matelots ; il raconte dans son rapport qu'il est difficile d'exprimer l'allégresse et le délire de la foule ; pour conquérir cette cité, dit-il, les bonnets étaient plus utiles que les canons ; j'ai cru un instant que ce peuple sensible était devenu fou[14].

Labourdonnaye faisait avec la même facilité la conquête de la Flandre. A l'entendre il accomplissait des prodiges et ses bulletins triomphants inondaient les gazettes. Mais les populations l'accueillaient partout avec enthousiasme et il ne brûlait pas une amorce. Il entrait à Tournai et remplaçait par un bonnet de la liberté le grand aigle de bronze doré qui surmontait le beffroi. Il entrait à Gand, et, pendant une représentation de Paul et Virginie, où le nom de Labourdonnaye figure avec  éloge, il recevait du peuple une couronne de laurier ; pour témoigner sa reconnaissance aux Gantois, il donnait à leur club un abonnement d'un an à la Feuille villageoise et cinq cents exemplaires d'un ouvrage qu'il proclamait classique, le Droit des Nations, de Payne[15]. Enfin, il entrait dans Anvers. La citadelle résista. Mais Labourdonnaye n'eut pas l'honneur de la prendre. Il fut à cette époque remplacé par Miranda.

Le siège de la citadelle d'Anvers dura quatre jours. La tranchée fut ouverte pendant la nuit du 25 au 26 novembre. Le 28, dans l'après-midi, quatre canons de vingt-quatre, quatre mortiers et quatre obusiers dirigèrent leur feu sur tous les points de la citadelle. Leur tir fut prompt et précis : à quatre heures du soir, l'ennemi cessait de riposter ; à cinq, ses casernes et ses magasins de vivres étaient en flammes ; à six, un officier venait traiter de la capitulation. La défense des assiégés, dit Marescot, avait été si faible que beaucoup ont cru que le colonel Molitor (commandant de la citadelle) avait vendu la place ; ses efforts se sont bornés à faire de son artillerie un feu quelquefois assez vif, toujours bien dirigé, mais souvent interrompu sans motifs apparents ; il n'a exécuté aucune sortie et n'a pas même occupé les chemins couverts ; il a rendu au bout de quatre jours de tranchée ouverte une forteresse munie le provisions de toute espèce et qui pouvait résister plus de quinze jours[16]. La garnison autrichienne sortit avec les honneurs de la guerre, mais elle déposa les armes sur le glacis devant l'armée française et demeura prisonnière. Miranda fit effacer partout les emblèmes du despotisme et remplacer les noms espagnols des bastions par les noms des héros de la France : Albe par Dumouriez, Fernando par Petion, le Duc par Mirabeau, Toledo par Rousseau, Pachioto par Helvétius. Puis, par les landes de la Campine, qu'il déclarait presque impraticables, il s'achemina vers la Gueldre autrichienne et s'empara de Ruremonde.

En même temps, Valence, inutilement renforcé par Harville, prenait possession de Charleroi, de Nivelles, de Namur. La garnison de Namur abandonna les forts avancés et se retira dans le Château. Elle comptait sur un secours extérieur. Mais Lamarche et Neuilly repoussèrent dans les bois, entre Assesse et Andoy, un détachement du corps de Beaulieu, commandé par le général Schröder et firent prisonnier le lieutenant-colonel Lusignan. Le Veneur s'empara du fort Villate : dans la nuit du 30 novembre, il arrachait les palissades, escaladait les parapets, prenait les Autrichiens dans leurs casemates, et, l'épée à la main, obligeait le commandant du fort à lui montrer les fourneaux de mines déjà chargés ; ce fut une des actions les plus habiles et les plus glorieuses de la campagne. L'ingénieur Gobert et le vieux lieutenant-général Bouchet, un des derniers témoins du siège de 1746, dirigeaient les travaux du génie : ils établirent au fort Coquelet une batterie de pièces de vingt-quatre et sur la basse Meuse une batterie de pièces de seize qui prirent le Château à revers. Le 2 décembre, le général-major Moitelle capitulait. Valence envoya les drapeaux du régiment de Kinski et du bataillon de Vierset à la Convention[17].

Un mois avait suffi pour conquérir la Belgique, à l'exception du Luxembourg et de la ville de Herve. Encore la marche de Dumouriez qui parut aux contemporains extraordinairement rapide, avait-elle manqué de hardiesse et de fermeté. Les hommes du métier lui reprochent avec raison d'avoir suivi les Autrichiens sans ardeur et comme à pas de loup, au lieu de se porter audacieusement sur leurs flancs. S'il n'avait envoyé contre Namur et Anvers qu'un simple détachement et s'il avait marché sur la Meuse avec toutes ses forces, non seulement avec sa propre armée, mais avec les corps de Valence et d'Harville, il eût ruiné les Impériaux[18].

 

III. Mais Dumouriez était alors en lutte ouverte avec Le ministre Pache. Son armée, disait-il, devait s'arrêter souvent faute de moyens. Il s'était morfondu six jours à Mons, six jours à Bruxelles, deux jours à Tirlemont, quatorze jours dans le pays de Liège. J'ai beau battre les Autrichiens, écrivait-il à Le Brun, cette superbe expédition se terminera mal parce qu'on contrarie tous mes plans, parce qu'on tyrannise le pays, parce que des spéculateurs avides, soutenus par les bureaux de la guerre, accaparent toutes les subsistances, sous prétexte de nourrir l'armée, et la laissent manquer de tout. Il voulait quitter le commandement[19].

Loin d'accepter sa démission, le Conseil exécutif lui proposa une entreprise nouvelle : il fallait attaquer la Hollande et renverser le gouvernement du stathouder, détesté par une partie de la nation. Déjà le Conseil avait ordonné de poursuivre les Autrichiens jusque sur le territoire hollandais. Déjà il avait proclamé la liberté de l'Escaut et ce décret causait la plus vive émotion dans les Provinces-Unies ; n'était-ce pas, disait un diplomate, envahir partiellement la Hollande ? A la gloire d'avoir affranchi les Belges catholiques, mandait Le Brun à Dumouriez, vous joindrez celle de délivrer leurs frères bataves du joug stathoudérien, et voilà pourquoi j'ai donné par anticipation le nom de Civilis à votre filleule[20].

Dumouriez entra dans les vues de Le Brun. Il avait depuis longtemps noué des relations avec les réfugiés hollandais qui formaient à Paris le Comité batave et qu'il nommait des hommes purs et remplis d'un patriotisme à toute épreuve[21]. Fort de leur appui, il résolut de se jeter sur la Hollande. Les agents de Le Brun approuvaient vivement son dessein. Il est des repaires inaccessibles du despotisme, écrivait l'un d'eux, où la puissante liberté ne pourrait s'introduire qu'en pluie d'or ; l'or des Hollandais et le fer des Français donneront infailliblement pour produit la délivrance du monde. Un autre affirmait que Dumouriez pouvait avec une poignée d'hommes conquérir la Hollande en quinze jours. Sans l'invasion en Hollande, ajoutait-il, point de révolution belgique, point de numéraire pour soutenir la guerre, point de balance pour la formidable marine de l'Angleterre, point de générosité de notre part, car c'est à la liberté en 1793 à réparer les torts du despotisme en 1787[22].

Les motifs d'agression ne manquaient pas. Les Autrichiens n'avaient eu garde de s'enfuir sur le territoire hollandais. Mais le stathouder dissimulait-il sa haine de la Révolution ? N'accueillait-il pas deux mille émigrés à Maëstricht ? Ne laissait-il pas les alliés rassembler d'immenses magasins sur le bas Rhin ? Ne défendait-il pas de livrer aucune subsistance aux Français ? Enfin, on avait deux moyens de s'emparer de Maëstricht sans déclarer la guerre, ou bien en faisant revivre les droits du prince-évêque de Liège sur le quartier de Wicq[23] ou bien en déclarant qu'on voulait assurer la neutralité[24].

Le vainqueur de Jemappes dressa sur le champ son plan d'invasion. Miranda se porterait de Ruremonde sur Tongres et investirait Maëstricht par la rive gauche de la Meuse pendant que les corps de flanqueurs s'établiraient à Visé sur la rive droite ; la place n'avait ni munitions, ni vivres, ni canons, et ne tiendrait pas huit jours. Harville garderait la Meuse de Givet à Huy. Valence ferait occuper Stavelot, Spa, Malmédy, Limbourg, par une avant-garde de sept mille hommes et prendrait position avec les neuf mille hommes qui lui resteraient entre Flémalle et Huy. Déjà les patriotes et tous ceux que dégoûtait l'adoration orangienne appelaient et attendaient les Français. On s'abordait en se disant : viendront-ils ?[25] Dumouriez savait que l'invasion des Provinces-Unies entraînerait peut-être une guerre avec les Anglais. Mais il comptait prendre le stathouder au dépourvu et soumettre rapidement la Hollande ; les Anglais auraient à peine le temps de protester, et d'ailleurs, disait le général, maîtres de la marine hollandaise, nous serions assez forts pour les écraser.

Mais on redoutait justement un conflit avec l'Angleterre. De Londres, Chauvelin, Noël, Maret, assuraient que la guerre serait inévitable si les Français pénétraient sur le territoire hollandais. Au sortir d'un entretien avec Lucchesini, l'agent Mettra rapportait que le ministre prussien avait dit avec beaucoup de vivacité que l'Angleterre se montrerait dès qu'on voudrait toucher au stathoudérat. Le Brun répondit à Dumouriez qu'il fallait différer pour quelque temps l'expédition de Hollande et le Conseil arrêta, le 5 décembre, qu'il valait mieux employer toutes les forces de la République contre les Autrichiens et les chasser au-delà du Rhin[26].

On se souvient que dans les derniers jours du mois d'octobre, Dumouriez priait Kellermann de marcher sur Trèves et Coblenz[27]. Custine avait joint ses instances à celles de Dumouriez : maître de Mayence et de Francfort, le général Moustache croyait conquérir l'Allemagne et sommait ses collègues de lui prêter assistance. Kellermann objecta de nouveau que ses troupes étaient harassées et dénuées de toutes choses. Custine le dénonça publiquement comme incapable, l'accusa d'orgueil, de jalousie, d'irréflexion, le déclara indigne de diriger les forces de la République[28]. Ebloui par les succès de Custine, le Conseil exécutif rappela Kellermann et donna le commandement de l'armée de la Moselle à Beurnonville. Sur l'ordre de Pache, tous les généraux durent seconder Custine : Beurnonville s'avancerait sur Trèves et Coblenz ; Valence soutiendrait les opérations de Beurnonville et bloquerait Luxembourg ; Dumouriez refoulerait Clerfayt jusqu'au Rhin et irait s'emparer de Cologne. Le Brun était d'accord avec Pache et stimulait Dumouriez ; rien de plus aisé, selon lui, que de chasser les Autrichiens des bords du Rhin et de prendre Luxembourg en y jetant quelques bombes et quelques louis : un mois suffirait à cette expédition[29].

Dumouriez approuva la destitution de Kellermann ; à son avis, Kellermann aurait dû faire par la Moselle jusqu'à Coblenz ce que Custine avait fait par le Rhin jusqu'à Mayence ; il était puni sévèrement, et il l'avait mérité. Mais Dumouriez blâmait Custine de s'enfoncer en Allemagne sans prendre Coblenz ni s'assurer du cours du Rhin. Custine, disait-il, ne voyait de la guerre que l'action physique, et non l'action morale. Il avait eu raison d'attaquer Spire, Worms, Mayence, où les ennemis possédaient des magasins considérables. Mais envahir le centre de l'Allemagne, c'était agir contre toutes les règles de la prudence et faire une guerre aventurière. Suivant Dumouriez, Custine devait mettre dans Mayence une garnison suffisante, repasser le Rhin, se joindre à Beurnonville, et, de concert avec lui, s'emparer de Trèves et de cette ville de Coblenz où les Prussiens s'étaient établis en force pendant qu'il faisait sa maudite pointe. Mais, ajoutait Dumouriez, on pouvait assurer d'après la correspondance des deux généraux qu'ils ne sauraient pas combiner leurs mouvements : Beurnonville se croyait trop faible pour exécuter tout seul son entreprise et Custine ne voulait pas rétrograder pour s'unir à lui[30].

Il répondit donc que le plan de Custine exigeait tout le versement de la guerre sur la droite, en Allemagne, et qu'il était chimérique, extravagant, inexécutable. Pouvait-il en plein décembre, avec une armée désorganisée, remonter la rive gauche du Rhin par Cologne et Bonn, au risque d'être attaqué sur son front par les Autrichiens de Clerfayt, sur son flanc droit par les Autrichiens de Beaulieu et de Hohenlohe-Kirchberg, sur son flanc gauche par les Hollandais ? Comment parcourir une telle étendue de terrain et traîner sa grosse artillerie par cette rigoureuse saison en un pays où les subsistances étaient rares et les charrois difficiles ? Comment gagner Luxembourg au milieu de l'hiver, à travers l'Ardenne belge, sur un territoire où l'armée ne trouverait ni vivres, ni fourrages, ni abri ? Comment assiéger une place qu'on ne prendrait sûrement qu'en lui coupant tous les secours du dehors et après s'être emparé de tout le cours du Rhin ? Du reste, les troupes avaient tant souffert qu'elles devaient cantonner sur le champ[31].

Toutefois, disait encore Dumouriez, s'il fallait faire un mouvement, l'agression de la Hollande était le seul possible, et il offrait des avantages incalculables. L'armée, si délabrée qu'elle fût, prendrait aisément Maëstricht par un coup de main, peut-être par une simple sommation, et s'emparer de Maëstricht, c'était assurer la conservation des Pays-Bas : sans Maëstricht, on ne pouvait défendre la Meuse ni s'avancer jusqu'au Rhin.

Thouvenot vint exprès à Paris pour soutenir devant le Conseil exécutif les vues du général. Durant deux séances, il discuta les ordres de Pache, combattit le plan de Custine et, pour la seconde fois, proposa l'invasion de la Hollande. Mais ni les arguments de Thouvenot, ni les vives instances de Dumouriez, ni les requêtes suppliantes des patriotes bataves ne convainquirent Pache et ses collègues. Le Conseil, redoutant le danger d'une guerre anglaise, décida de nouveau que la neutralité des Provinces-Unies serait scrupuleusement respectée.

On devait, deux mois plus tard, regretter cet arrêté. La Hollande était encore sans défense et plongée dans la léthargie d'une longue paix[32]. Le plan de Dumouriez, avouait Danton à la séance du 10 mars 1793, honorait son génie ; il annonçait que si nous n'avions pas assez d'audace pour envahir la Hollande au milieu de l'hiver, nous doublerions les difficultés de la campagne suivante. L'émigré Langeron porte le même jugement : Dumouriez, écrit-il, ne put obtenir les ordres qu'il désirait, et attaqua trop tard la Hollande et Maëstricht[33].

Le Conseil exécutif avait permis a Dumouriez de faire cantonner ses troupes et de les réparer, sous condition de les disposer assez près les unes des autres pour les réunir et les mettre en mouvement au premier ordre. Pache transmit à Dumouriez cet arrêté du Conseil, en ajoutant que le général devait se porter vers le Rhin pour repousser les Autrichiens au-delà du fleuve. Dumouriez obéit, non sans dire à Le Brun que la Hollande le jouait et allait se préparer à la guerre. Valence ne marcha pas sur Arlon et Luxembourg à cause des mauvais chemins et du défaut de subsistances ; mais il eut ordre de se rendre à Cologne pour remonter ensuite à Bonn et à Andernach ; Miranda devait se diriger de Ruremonde sur Clèves, Dumouriez se porter sur Dusseldorf, Harville menacer Luxembourg[34].

Le 11 décembre, les colonels Henry Frégeville et Fournier, partis de Theux et de Spa, chassaient les Impériaux de Verviers après un combat acharné. Le lendemain, Stengel occupait Herve, et le 15, tandis que Clerfayt se retirait derrière la Rœr, Desforest entrait à Aix-la-Chapelle et faisait coiffer d'un bonnet rouge la statue de Charlemagne. La Marlière envahissait la Gueldre prussienne et le duché de Clèves où il levait de légères contributions[35].

Mais pendant que l'avant-garde de Dumouriez s'ébranlait vers le Rhin, Beurnonville se faisait battre sur la Moselle. Ses lettres publiques contaient monts et merveilles ; son armée marchait dans la neige jusqu'aux reins ; elle emportait d'assaut des hauteurs affreuses ; elle attaquait au pas de charge des Gibraltar hérissés de canons ; elle balayait en un instant les retranchements ennemis ; elle tuait des centaines d'hommes et ne perdait tantôt qu'un grenadier, tantôt que le bras d'un capitaine, tantôt que le petit doigt d'un chasseur. En réalité, Beurnonville fut défait par les Autrichiens de Hohenlohe-Kirchberg, et recula sur Thionville. Ses lettres intimes à Dumouriez révèlent sa situation désastreuse : il avait, pour seconder les projets de Custine, entrepris une sotte expédition dans un pays de Lapons bien éloignés du siècle de la liberté ; sa cavalerie avait eu pendant deux jours vingt livres de glace à la crinière ; il perdait le tiers de son armée ; tous ses hommes, nus, exténués ; lui-même, bien malade : J'ai attrapé fluxion de poitrine, fluxion catarrheuse à la tête, épanchement de bile ; je végète dans une extrême faiblesse, et votre pauvre Ajax n'a plus que la peau et les os ![36]

Presque à la même époque Custine était chassé de Francfort, rejeté sur Mayence et, comme disait Dumouriez, très compromis. Que devenait le plan de Pache qui demandait aux généraux quelques semaines de vigueur et les sommait de s'avancer et de conquérir ? Demeuriez lui manda sur le champ que la prise de Francfort et la disgrâce de Beurnonville avaient changé ses dispositions. Son armée ne pousserait pas jusqu'au Rhin ; elle prendrait ses quartiers d'hiver en Belgique,, dans des cantonnements très serrés[37].

Les troupes françaises s'étendirent donc sur la ligne de la Meuse, pendant que Clerfayt se retirait au petit pas, et sans cesser de montrer les dents, derrière la Rœr, de Linnich à Niedeggen, et sur l'Erft, de Græfenbroich à Euskirchen[38].

L'armée du Nord ou de Miranda prit position entre Ruremonde et Tongres. Son avant-garde était commandée par La Marlière ; sa division de gauche, par Champmorin ; sa division de droite, par Duval. La Marlière était à Ruremonde avec 4,500 hommes et envoyait ses avant-postes sur la rive droite de la Meuse à Wassenberg, à Süchtelen et à Kaldenkirchen ; il avait ordre de s'opposer aux partis autrichiens et d'observer les mouvements du corps prussien que Brunswick-Oels assemblait à Wesel. Champmorin commandait tous les cantonnements qui s'étendaient sur la frontière de Hollande et de Peer, de Bree, de Weert, il tenait en respect les garnisons de Nimègue, de Bois-le-Duc et de Bréda.

L'armée de la Belgique ou de Dumouriez occupait Liège, Robermont et le pays liégeois entre Herve et Huy. Son avant-garde s'échelonnait sur la rive gauche de la Rœr et sur le territoire qui forme aujourd'hui l'arrondissement prussien d'Aix-la-Chapelle : Stengel, à Aldenhoven ; Miaczynski, avec les flanqueurs de gauche, à Rolduc et jusqu'au ruisseau de Foron et dans le pays de Dahlem ; Frégeville l'ainé, avec les flanqueurs de droite, à Stollberg et à Cornelimünster ; derrière eux, Dampierre, avec seize bataillons, qui ne formaient pas 3,500 hommes, à Aix-la-Chapelle.

L'armée des Ardennes ou de Valence, composée des deux divisions Diettmann et Le Veneur, et réduite à 45.000 hommes, se répandit de Huy à Saint-Trond ; la division de Le Veneur à Hannut, celle de Diettmann à Waremme et dans la Hesbaye. L'avant-garde était sous les ordres de Lamarche et de Neuilly qui bordaient la frontière du pays de Liège ; le premier, occupant Ketteniss, Eupen, Limbourg, Verviers, Hodimont, Herve ; le second, Theux, Spa, Stavelot et Malmédy.

La division d'Harville restait dans le Namurois et sur la Meuse, de Givet à Namur avec des avant-postes à Ciney, à Marche, à Rochefort.

Des bataillons tirés de l'armée de la Belgique ou venus de France, tenaient garnison dans les principales villes. Des maréchaux-de-camp, colonels ou lieutenants-colonels commandaient les places : Goguet à Bruxelles ; d'Averton à Malines ; Balan à Louvain ; Ferrand, lieutenant-colonel du 36 bataillon de l'Oise, à Gand ; le général Becays-Ferrand, à Mons ; le général Ihler, à Liège. Des lieutenants généraux gouvernaient les provinces : Moreton, le Brabant et le Hainaut ; Marassé, Anvers ; O'Moran, le Tournésis et les deux Flandres[39].

Dumouriez reconnaît qu'il n'avait plus que dix lieues à faire pour forcer Clerfayt. Un vigoureux effort suffisait peut-être à rejeter les Autrichiens sur la rive droite du Rhin et à conjurer les désastres du mois de mars 1793. L'armée aurait eu dans le fleuve une barrière plus puissante que le torrent de la Rœr. Cologne tremblait, et ses magistrats écrivaient à Dumouriez que la ville, république libre, comptait sur la protection de la République française ; ils promettaient au général l'accueil le plus distingué et le priaient de maintenir dans leurs fonctions les corps administratifs et judiciaires : Daignez nous prévenir du nombre d'hommes qui occuperont notre ville[40].

 

IV. Mais l'état de lassitude et de délabrement de son armée justifie Dumouriez. Elle refusait d'aller plus loin. Les volontaires disaient hautement qu'ils s'étaient enrôlés pour défendre la patrie et non pour suivre les ennemis au-delà de la frontière. Ils avaient fourni une course glorieuse, mais ils n'entendaient pas qu'elle fût plus longue. Valence, se portant sur Spa et Verviers, n'écrivait-il pas qu'il devait faire des efforts surnaturels, que, s'il ne cantonnait pas aussitôt, plus de la moitié de ce qui restait aux drapeaux, serait à l'hôpital, qu'on se plaignait douloureusement, qu' il y avait beaucoup de mécontentement et de murmure ? Dès le 15 décembre, à Liège, Dumouriez recevait la lettre suivante, signée par les soldats de la République, volontaires et autres de la première ligne et qui contenait une sommation menaçante, impérieuse, de s'arrêter :

Mon général, les dispositions que vous faites, ne nous annoncent que trop que ce n'est point ici le terme de nos travaux pour cette campagne. Si vous aviez consulté votre armée, votre esprit n'aurait pas enfanté le vaste projet de faire périr la moitié de vos soldats qui sont presque tous malades. Nous ne sommes plus les dupes de votre ambition. Nous saurons déchirer le voile qui vous entoure, et nous ferons connaître à l'Assemblée nationale que personne n'aime moins que vous l'égalité dont vous avez l'air de vous parer[41].

Vainement la Convention avait publié une adresse aux volontaires de 1791 : La loi vous permet de vous retirer, le cri de la patrie vous le défend ! Ils assuraient qu'un décret de l'Assemblée avait déclaré la patrie hors de danger, et, sur la foi de ce prétendu décret, ils quittaient l'armée. Dès le 29 octobre, Dumouriez jugeait la désertion très considérable, et pour l'arrêter court, il livrait la bataille de Jemappes. Mais le fléau ne cessait de sévir. Le 30 novembre, deux jours après son entrée à Liège, Dumouriez écrivait que son armée diminuait de jour en jour d'une manière effrayante : tous ceux qui partaient, avaient des affaires pressantes à régler, ou bien leurs femmes et leurs enfants étaient dans le besoin et les réclamaient ; d'aucuns disaient crûment qu'ils allaient se reposer[42].

Vint le 1er décembre. La loi[43] permettait aux volontaires de se retirer après chaque campagne, au 1er décembre de chaque année, s'ils prévenaient leur capitaine deux mois d'avance. Tous les volontaires qui, dès le 1er octobre, avaient annoncé leur intention de partir, abandonnèrent Dumouriez ; c'étaient, dit-il, des bataillons presque entiers. La Convention rendit le 13 décembre un décret qui devait arrêter la désorganisation des volontaires. Ils ne purent obtenir un congé que sur un certificat donné par la municipalité de leur résidence, visé par le commandant du bataillon et par le général de l'armée, approuvé par le ministre. Ils ne tinrent aucun compte du décret : ils obtenaient facilement la déclaration de la municipalité et le visa du commandant et du général ; mais la décision du ministre n'arrivait qu'après des retards désespérants ; beaucoup ne l’attendirent pas et, comme auparavant, décampèrent sans permission. D'autres se prétendirent malades et s'en allèrent, après s'être munis d'un certificat de deux chirurgiens qui constataient que l'air natal leur était nécessaire. Il part, sous ce prétexte, écrivait Harville, un nombre considérable d'hommes. Thouvenot dut publier un ordre du jour contre les volontaires, et notamment contre les officiers qui entraient à l'hôpital et sollicitaient d'être compris dans le nombre des malades que l'on évacue sur les derrières de l'armée[44].

Il y avait en Belgique, à la fin d'octobre, 100.000 Français ; à la fin de décembre, ils n'étaient plus, garnisons comprises, que 45.000[45]. La même désertion se produisit dans chaque armée ; sur la Moselle, sur le Rhin, aux Pyrénées, partout, les bataillons nationaux se fondaient et s'en allaient. Les routes étaient couvertes de volontaires qui regagnaient leur département sans permission et emportaient leur redingote neuve et leurs armes. Beurnonville disait qu'en arrivant à Trêves, il n'aurait plus avec lui que ses troupes de ligne, et, lorsqu'il devint ministre, il assura que 60.000 volontaires avaient quitté les drapeaux. Les commissaires de la Convention s'efforçaient de retenir les fugitifs en leur représentant que la désertion est indigne d'un républicain et d'un Français ; si vous voulez nous garder, répondaient les volontaires, habillez-nous et nourrissez-nous. L'armée n'avait en effet, selon le mot de Dumouriez, ni habits, ni culottes, ni souliers ; la cavalerie et l'artillerie manquaient de fourrages ; le ministre de la guerre avait désorganisé l'administration[46].

 

 

 



[1] Fersen, II, 52-53 et 395-398 (cf. sur le corps de Bourbon, Retraite de Brunswick) 243-244) ; Bacourt, III, 342 ; Wolf, Marie Christine, II, 140-143 ; Moniteur du 16 nov. 1792 ; Mém. sur l'émigration, Marcillac, p. 114.

[2] Moniteur, 18 nov. 1792 ; Dumouriez, Mém., III, 192-193 ; Belliard, Mém., I, 92 ; cf. sur les sentiments que Dumouriez inspirait aux soldats, Valmy, 21, 30, 100, 143, et Retraite de Brunswick, 126-127.

[3] Dumouriez à Pache, 14 nov. 1792 (Moniteur du 18) ; Mém., III, 194 ; Moniteur du 21 nov. ; Levae, Les jacobins, les patriotes et les représentants provisoires de Bruxelles, 1792-1795, 1846, p. 54-57. L'épigraphe Vires acquirit eundo est celle du Courrier des départements.

[4] Il était resté malade à Valenciennes. Cf. sur la prise de Malines Stengel à Dumouriez et Dumouriez à Pache, Moniteur, 21 et 24 nov. 1792.

[5] Cf. sur Pierre Thouvenot (on le nommera dans ce récit le colonel Thouvenot pour le distinguer de son frère Jacques qu'on nommera Thouvenot tout court) Dumouriez à Servan, 4 oct. et à Pache, 16 oct. (A. G.) ; Correspondance, 128 et 266-269 ; Mém., III, 203-204. Il était né à Toul, le 9 mars Mol, et on le trouve successivement ingénieur-géographe (nov. 1774), aspirant pour l'artillerie des colonies à l'école de La Fère (12 décembre 1779), sous-lieutenant à l'ile de Ré et à la Guadeloupe (1780), lieutenant en second (20 déc. 1783), lieutenant en premier au régiment d'artillerie des colonies (1er mai 1786), capitaine (20 février 1788), directeur d'Indret (1er août 1792), lieutenant-colonel (9 nov. 1792), adjudant-général colonel (8 mars 1793). Il suivit Dumouriez dans sa défection, rentra au service en 1800 et prit part à l'expédition de Saint-Domingue comme général de brigade. Général de division le 25 nov. 1813, commandant supérieur de Rochefort (1814), et de Bayonne (1813 et 1815), admis à la retraite (9 sept. 1815), il mourut le 21 juillet 1817, à Orly (Seine). Il était baron de l'Empire.

[6] Moniteur, 2 déc. 1792 (lettre de Dumouriez, 28 nov.)

[7] Fersen, II, 57 ; Correspondance, 80 ; Clerfayt à Meerfeldt, 17 nov. 17921 (A. G.).

[8] L'armée de Clerfayt, s'entend ; il y avait en outre 1.200 hommes à Liège, 2.300 à Ruremonde, 1.000 à Anvers, 2.300 à Namur ; Beaulieu posté derrière la Meuse, disposait de 12.700 hommes (Schels, 329-330, et Renouard, 363).

[9] Moniteur du 26 nov. 1792 ; Dumouriez, Mém., III, 204-205.

[10] Levae, 54.

[11] Moniteur, 2 déc. 1792, et Dumouriez, Mém., III, 245-246 ; Schels, 331 ; Renouard, 364 ; Belliard, Mém., 95.

[12] Ce n'était plus Hœnsbrœch, mort le 3 juin 1792, mais le neveu de Hœnsbrœch, le comte Antoine de Méan (Hénaux, II, 657).

[13] Kerenveyer à Pache, 15 nov. 1792 (A. G.).

[14] Moniteur, 24 nov. 1792 ; Jean Moultson, né le 21 mars 1752, à Urbana, en Virginie, avait épousé une Française ; prisonnier de guerre en Angleterre, il s'évada et vint à Dunkerque ; il avait fait la course pour l'armateur Coppens et appartenait au club des Jacobins de Bordeaux. Cf. le Mém. justificatif de Lequesne, son beau-père.

[15] Moniteur, 20, 22, 27 nov. et 2 déc. 1792. La Sentinelle du 17 nov. fit alors un mauvais jeu de mots : Une archiduchesse d'Autriche disait qu'elle mettrait Paris dans son Gand : Labourdonnaye a fait mentir le Proverbe ; c'est un Gand dans lequel il ne s'est point trouvé de main jour le défendre.

[16] Miranda à Dumouriez, 28 nov. 1792 ; Relation de Marescot ; Rapport du génie ; Journal du siège (A. G.) ; Toulongeon, Hist. de France depuis la Révolution, 1803, tome II, app. 6-9 (contient le Journal du siège) ; les opérations furent conduites, pour le génie, par le maréchal de camp Guiscard, par les capitaines Marescot, Dejean, Senermont, et le lieutenant Flayelle ; pour l'artillerie, par le maréchal de camp D'Orbay.

[17] Moniteur, 16 et 24 nov., 7 et 14 déc. 1792 ; Schels, 330 ; Renouard, 364 ; Money, The campaign, 197-198 ; mémoire de Gobert (A. G.).

[18] Jomini, II, 230, 243, 244 ; Belliard, I, 97-99.

[19] Dumouriez à Le Brun, 22, 23, 24 nov. 1792 (A. E.) et à Pache, Correspondance, 71, note.

[20] Rec. Aulard, I, 239 ; Moniteur, 22 nov. et 9 déc. 1792 ; Gouverneur Morris, II, 233 ; Exposé historique de la conduite de la nation batave, 1793, p. 11 ; Le Brun à Dumouriez, 23 nov. 1792 (A. E. ; on se rappelle que sa fille était la filleule du général).

[21] Rojas, Miranda, 71 (lettre du 18 février 1793).

[22] Metman et Chépy à Le Brun, 27 déc. 1192 (A. E.) ; cf. Théod. Gérard, Plan de guerre pour 1795, p. 2.

[23] Labourdonnaye conseillait ce moyen (à Pache, 14 déc. 1792, A. G.).

[24] Dumouriez, Mém., III, 225.

[25] Journal des Jacobins, séance du 9 déc. 1792 (lettre de Hollande lue par Cloots).

[26] Gouverneur Morris, II, 233-234 ; Rec. Aulard, I, 293 ; Rapport de Mettra, 27 nov., et Le Brun à Dumouriez, 19 déc. 1792 (A. E.).

[27] Cf. plus haut, fin du deuxième chapitre.

[28] Moniteur, 5 nov. 1792 (lettre de Custine).

[29] Le Brun à Dumouriez, 28 nov. et 6 déc. et à Valence, 5 déc., 1792 (A. E.) ; Correspondance, 163-170, 195.

[30] Correspondance, 68, 160, 172, 176, 230-235.

[31] Correspondance, 173-178 et 236-238 ; Rojas, Miranda, 22 ; Gouverneur Morris, II, 238, 246, 282 (ordres extraordinaires donnés par Pache qui ne tient aucun compte des difficultés... la France combat contre la nature elle-même).

[32] Crossard, Mém. milit. et histor., 1829, I, 20 ; cf. Sybel, Hist. de l'Europe pendant la Révolution, II, 44-46.

[33] Rec. Aulard, I, 317, 318, 321 ; La députation batave aux Jacobins, 24 déc. 1792, p. 7 ; Un député de la Hollande au Comité de la guerre, 18 déc. (A.N. A. F. II 22) ; Gouverneur Morris, II, 234 et 268 ; Lanperon, Mém. sur la camp. de 1793 (A. E.) ; Van Kampen, Geschichte der Niederlande, 1833, II, p. 516 ; Toulongeon, II, 155.

[34] Correspondance, 253-256 ; l'ordre de Pache est du 13 déc. 1792.

[35] Gesch. der Kriege in Europa, I, 130 ; Schels, 332 ; Renouard, 462-463 ; lettres de Frégeville, de Fournier, de La Marlière, Moniteur, 16 déc. 1792, 4 et 5 janv. 1793. Le roi de Prusse possède sur la frontière des Pays-Bas la forteresse de Gueldre avec plus des sept dixièmes du haut quartier de ce duché. Il possède de plus le duché de Clèves dans lequel se trouve la forteresse de Wesel sur la rive droite du Rhin (Nény, II, 58).

[36] Lettres des 8 déc. 1792 et 13 janvier 1793 (A. N. F7 4598).

[37] Correspondance, 259-264. Cf. une lettre de Valence à Pache, du 2 janv. 1793 (A. N. F7 4598). Il montre au ministre que Beurnonville est rejeté en France, et la frontière, découverte de Longwy à Givet, qu'on ne peut aller au Rhin : Les ennemis ont pris une très forte position derrière l'Erft, ont reçu des renforts. Je ne doute pas qu'en pleine fuite ils eussent pu passer le Rhin à Bonn, si nous les avions poursuivis dans le premier moment ; mais il fallait pour cela avoir de quoi vivre et qu'au moins Trêves fût en notre pouvoir.

[38] Gresch. der Kriege in Europa, I, 131.

[39] Cf. sur les cantonnements Dumouriez, Mém., III, 233, 292 ; Miranda à Pache, 12 janvier 1793, et mémoire de Gobert (A. G.).

[40] Belliard, Mém., I, 99 ; les magistrats de Cologne à Dumouriez, 21 déc. (A. N. F7 4598) ; Dohm, le ministre de Prusse, se recommandait à Le Brun pour obtenir une sauvegarde (Le Brun à Dumouriez, 28 déc. 1792, A. E.).

[41] Valence à Dumouriez, 11 et 13 déc. ; Lettre du camp de Liège, déc. 1792 (A. N. F7 4598).

[42] Adresse de la Convention, 19 oct. 1792 ; Correspondance, 45 et 174 ; Rojas, Miranda, 15 ; Thouvenot à Pache, 26 nov. 1792 (A. G.) ; Camus au Comité de la guerre, 12 déc. 1792 (A. N. AF II, 22) ; Rouhière à Le Brun, 10 déc. (A. E.) ; Premier rapport des commissaires de la Convention en Belgique, 13.

[43] Loi du 28 déc. 1791, section II, art. 1.

[44] Rec. Aulard, I, 486 ; Harville à Dumouriez 3 février 1793 (A. N. F7 4598) ; Thouvenot, ordre du jour, 21 dec. 1792 (A. G.) ; Monet, The campaign, 225 et 229 (il dit que pas une nuit ne se passait où vingt à trente volontaires n'abandonnaient leur corps). Nous avons ici, écrivait-on de Limbourg, deux bataillons Je Paris réduits à moitié par le départ d'une partie Je leurs camarades ; on dit qu'ils reviendront lorsqu'ils auront embrassé leur femme ou leur maîtresse (Moniteur, 15 janvier 1793).

[45] Correspondance, 175 ; Gouverneur Morris, II, 239, 254, 293.

[46] Journal militaire de Gournay, 1793, n° 8, p. 128 ; Rec. Aulard, I, 289, 319, 416 ; Correspondance, 242 ; lettre du volontaire Giffard, Liège, 8 déc. 1792, A. G. (Sa va tromal apresan dans les volontaire, on nai tro volez) ; Louis-Sauveur Chénier, lieutenant-colonel de cavalerie (le frère du poète) à la Convention nationale, 1793, p. 1. On voit les volontaires revenir journellement en foule, bien résolus de ne plus s'exposer à la misère qu'ils ont éprouvée. Tous ces faits et ceux qu'on lira dans le chapitre suivant réfutent suffisamment Boislecomte qui assure (Spect. milit., 1847, p. 476) que le dénuement n'existait pas plus que les mauvaises dispositions des volontaires.