LES GUERRES DE LA RÉVOLUTION

VALMY

 

CHAPITRE VII. — LA JONCTION.

 

 

I. Beurnonville. Les troupes du camp de Maulde. Dampierre. Belliard. Les demoiselles Fernig. — II. Lenteurs de Beurnonville. Sa retraite sur Châlons. Il arrive enfin le 19 septembre. — III. Kellermann. Ses lenteurs et ses incertitudes, Lettres de Luckner, de Dumouriez, de Servan. Marche de Kellermann sur Sainte-Menehould. Double jonction.

 

I. Si le duc de Brunswick avait assailli Dumouriez entre le 16 et le 18 septembre, sans lui laisser le loisir de se remettre de la panique de Montcheutin, il l'eût aisément défait, car il avait l'avantage du nombre. Son attaque n'eut lieu que le 20 septembre : Beurnonville et Kellermann eurent le temps de secourir Dumouriez, et les Français étaient plus de cinquante mille lorsqu'ils virent les Prussiens se déployer en face de Valmy.

Mais Beurnonville et Kellermann n'avaient rejoint Dumouriez qu'après de longues hésitations et non sans revirements ; il fallut leur envoyer courrier sur courrier pour hâter leur marche, et l'armée campée à Braux-Sainte-Cohière ne reçut ses renforts qu'à la veille de la canonnade qui décida de l'issue de la campagne.

Beurnonville était né à Champignol, à quelques lieues de Bar-sur-Aube. Il n'appartient pas, comme on l'a dit, à une famille noble ou bourgeoise. Son vrai nom est Pierre Riel, et son père faisait à Champignol le métier de charron[1]. Napoléon devait lui donner le titre de comte, et Louis XVIII, celui de marquis. Mais en 1792, le futur pair de France détestait la noblesse et poursuivait les émigrés avec l'acharnement d'une haine roturière.

Successivement gendarme dans la compagnie de la Reine (11 mars 1766), volontaire au régiment colonial de l'Ile-de-France (10 janvier 1774) et porte-drapeau (10 août 1775), puis lieutenant de la compagnie des Suisses à la garde du comte d'Artois (21 septembre 1789), breveté colonel d'infanterie (10 décembre 1789), aide de camp du maréchal Luckner (6 mars 1772), Beurnonville avait été nommé maréchal de camp (13 mai) après la déclaration de guerre. Il fut à Maulde le second de Dumouriez, il entra dans ses vues d'offensive, il l'aida, non sans succès, à discipliner les troupes ; le 22 août, il était promu lieutenant-général. Personne, à cette époque, n'a parlé de soi-même avec moins de modestie ; personne n'a menti plus hardiment dans les rapports officiels et poussé plus loin les exagérations retentissantes du style de bulletin. Sans souci de tromper l'opinion et l'histoire, Beurnonville transformait en bataille la moindre escarmouche et en victoires tous ses échecs ; à l'entendre, ses soldats ne cessaient de charger à la baïonnette et de faire des prodiges de valeur ; c'est le plus hâbleur des généraux de la Révolution. Il écrivait le 30 août aux commissaires de l'armée du Nord qu'il avait tué et blessé en différents combats plus de douze cents Autrichiens, sans avoir perdu un seul homme. Il jurait le 5 octobre à Dumouriez de prendre aux Prussiens jusqu'aux semelles de leurs souliers ; j'ai envie, ajoutait-il, de leur mordre les fesses. Le 20 décembre, il mandait au ministre de la guerre qu'il avait gravi des Gibraltar dans la neige jusqu'aux reins, et qu'en une seule affaire, où trois mille Autrichiens s'étaient enfuis devant son canon, il n'avait perdu que le petit doigt d'un chasseur ! Devenu ministre de la guerre, il annonçait à la Convention que Custine avait occupé, grâce à son artillerie, une des îles du Rhin et il terminait ainsi sa dépêche : Cette expédition ne nous a pas coûté de monde ; un volontaire du département des Vosges a malheureusement eu le bras cassé. L'emphase de son langage répondait à ces ridicules fanfaronnades. Il appelait Dumouriez son père et signait ses dépêches au général Ajax Beurnonville, votre fils aîné. Lorsqu'il sollicitait de Servan la confirmation de son grade de lieutenant-général, les derniers arrivés, s'écriait-il, viendraient cueillir la rose que j'ai cultivée avec tant de soin ! Il prenait volontiers le ton pathétique et solennel que le drame bourgeois avait mis à la mode. Dumouriez le chargea de désarmer le bataillon le Républicain ; je me suis présenté seul, disait Beurnonville à Pache, et j'ai lu les ordres dont j'étais porteur. J'ai sommé le bataillon de mettre bas les armes ; à l'instant, les armes sont tombées des mains de neuf cents citoyens pleins de respect pour la loi ; des officiers, des volontaires se sont précipités. Je n'ai plus entendu que cris, gémissements. Vous le dirai-je, Monsieur ! Je n'ai pu résistera ce déchirant tableau, je n'ai pu retenir mes larmes et je ne puis les retenir encore en vous le retraçant. Je les ai fait relever, je les ai consolés, et il priait le ministre patriote et sensible de pardonner au bataillon ; je jouirai bien délicieusement un jour, si j'ai pu rendre neuf cents bons citoyens à la république[2].

Mais ce général d'avant-garde, incapable de diriger de grands mouvements, plaisait au soldat par son attitude martiale et sa parole sonore. Un Rémois, de passage à Rethel le 14 septembre, écrivait qu'il était adoré des troupes qui le voyaient à leur tète jour et nuit. Beurnonville ne vaut rien pour un commandement stable, disait Dumouriez, et les détails l'impatientent, mais il a la confiance de l'armée à cause de sa figure, de sa bravoure et de sa loyauté, il a cette réputation patriotique qui maintiendra l'esprit du camp de Maulde[3].

Il fut chargé de mener en Champagne les renforts de Flandre. Dumouriez, toujours préoccupé de la future invasion de la Belgique, hésitait à dégarnir la frontière du Nord. Servan surmonta ses scrupules ; les Autrichiens, affirmait-il avec raison, ne feront que parader en Flandre[4].

La petite armée dont Beurnonville avait le commandement, comptait dix mille six cents hommes et formait deux divisions qui se réunirent, le 10 septembre, à Avesnes. La première division, guidée par Beurnonville, se composait de deux régiments de ligne, de six bataillons de volontaires de 1791, de deux escadrons et de la légion belgique. La seconde comprenait un régiment de ligne, un bataillon d'infanterie légère, quatre bataillons de volontaires de 1791, cinq escadrons et un détachement d'artillerie[5]. Dampierre commandait cette seconde division. Il était colonel du 5e régiment de dragons, mais Dumouriez l'avait nommé le 22 août maréchal de camp. Servan, qui lui confirma ce grade le 7 septembre, aurait voulu lui donner le commandement de Lille. Dampierre devait contribuer à la victoire de Jemmapes, remplacer à la tète de l'armée du Nord Dumouriez fugitif, et recevoir, après sa mort sous les murs de Valenciennes, les honneurs du Panthéon. Intrépide, impétueux, téméraire, c'était, dit Dumouriez, un général de main[6].

On remarquait encore dans cette petite armée Belliard, capitaine au 1er bataillon des volontaires de la Vendée et adjoint, depuis le 22 août 1792, à l'état-major de l'armée du Nord. C'est ce Belliard qui fut nommé général sur le champ de bataille d'Arcole, suivit Bonaparte en Egypte et prit part à toutes les guerres de l'Empire ; on le vit successivement à Austerlitz, à Iéna, à Eylau, à Friedland, à Madrid, à la Moskowa, à Dresde et à Leipzig ; il devait mourir en 1832 pair de France et ambassadeur du gouvernement de juillet en Belgique.

Avec Beurnonville et les troupes du camp de Maulde, venaient en Champagne deux gracieuses et intrépides amazones, filles d'un secrétaire greffier de la municipalité de Mortagne, les demoiselles Théophile et Félicité Fernig. Elles étaient d'une taille assez petite et de constitution délicate. Elles avaient les yeux et les cheveux noirs, un nez bien formé, un teint frais, une physionomie à la fois douce et hardie, avec un air de noblesse qui inspirait le respect. Elles conservèrent dans les camps les vertus de leur sexe. Bien élevées et modestes, rapporte Dumouriez, elles se sont montrées encore plus extraordinaires par leur pudeur que par leur courage[7], et les commissaires de la Convention écrivaient qu'au milieu de l'armée composée de jeunes citoyens, elles étaient respectées et honorées[8]. Ou c'est le libertinage qui nous a guidées, disait plus tard l'une des héroïnes, ou c'est l'amour de la liberté et de la patrie ; nos camarades nous ont rendu justice quant à l'un de ces motifs ; pour l'autre, notre réponse se trouve dans le respect que notre conduite nous a partout valu de la part de l'armée[9]. Accoutumées dès leur enfance à monter à cheval, à faire de longues marches, à franchir de larges ruisseaux, à tirer de l'arc et à manier le fusil[10], les deux sœurs étaient préparées à supporter les fatigues de la guerre. Dès le 29 avril 1792, au bruit de la canonnade de Mons, elles se rendaient à Valenciennes, sous un costume d'homme, pour recueillir des nouvelles. Au mois de mai, elles quittaient leurs habits de femme qu'elles ne devaient reprendre qu'au bout de deux ans, et revêtaient une sorte de caraco auquel pendaient cinq à six grosses houppes de laine aux couleurs nationales[11]. Elles se joignirent d'abord aux paysans qui repoussaient les incursions des partis autrichiens. Un jour, au milieu d'un bal, sur la place de Flines, on apprit l'approche des maraudeurs ennemis ; les danseurs s'armèrent aussitôt de fléaux, de pioches, de fusils, et conduits par Théophile et Félicité, se mirent à la poursuite des Impériaux. Bientôt les demoiselles Fernig se mêlèrent, en volontaires et avec l'approbation des généraux, aux troupes du camp de Maulde situé à peu de distance de Mortagne. Elles combattaient toujours au premier rang, et leur patriotisme, écrivait-on de Lille au Moniteur, a produit un enthousiasme que des patriotes seuls peuvent imaginer[12]. Elles étaient à l'embuscade du 26 août dressée par Beurnonville au village de Flines, et le général mandait à Couthon que les demoiselles Fernig qui aimaient la danse aux baïonnettes, avaient tué ou blessé leur bonne part d'Autrichiens, et repoussé l'ennemi jusqu'à l'entrée des bois[13]. Dumouriez, toujours avisé, citait les deux sœurs à ses soldats comme un modèle de bravoure et les menait avec lui dans les circonstances les plus importantes. On vit, au camp de Maulde, Félicité, revêtue de l'uniforme de garde national, tenir sur les fonts la fille d'un caporal de volontaires du Calvados. Dumouriez, parrain du nouveau-né, avait imaginé de le faire baptiser sur l'autel de la patrie par un curé constitutionnel au son de la musique militaire et en présence de toute l'armée. Il était suivi de Beurnonville et de Moreton qui signèrent avec lui l'acte de baptême ; Félicité volontaire, faisant partie de ladite armée, était accompagnée de son père et d'un capitaine du 2e bataillon de l'Eure. Après la cérémonie, Dumouriez donna le bras à sa commère pour traverser le camp[14]. Lorsqu'il appela Beurnonville dans l'Argonne, il lui recommanda d'amener ses enfants, Théophile et Félicité. Elles vinrent à Sainte-Menehould et furent présentées aux conventionnels Carra, Prieur et Sillery qui les comparèrent à Jeanne d'Arc. Ces deux jeunes enfants, écrivaient les trois commissaires à l'Assemblée, sont sans cesse aux avant-gardes et dans les postes les plus périlleux ; sous le règne de Charles VII une fille célèbre contribua à replacer ce roi sur le trône ; nous en avons maintenant deux qui combattent pour nous délivrer des tyrans qui nous ont opprimés tant de siècles[15]. Il Les demoiselles Fernig reçurent un brevet provisoire d'adjoints aux adjudants généraux. Elles devaient, après la première campagne de 1792, suivre Dumouriez en Belgique et combattre sous ses ordres à Jemmapes, puis à Anderlecht où le général les nomma d'intrépides guerrières[16], à Maëstricht, à Tongres. Elles rallièrent à la déroute de Nerwinde les troupes commandées par Chancel et mirent le sabre au clair pour arrêter les fuyards ; un d'eux, se retournant, menaçait Théophile de sa baïonnette ; frappe, lui dit-elle, frappe, si tu l'oses, une femme qui te rappelle à l'honneur ; Chancel, les larmes aux yeux, remerciait les héroïques jeunes filles d'avoir ramené ses soldats à leurs rangs[17]. Cependant la maison des Fernig à Mortagne avait été brûlée par les Autrichiens ; la Convention décida qu'elle serait reconstruite aux frais du trésor public ; ce décret ne fut pas exécuté, mais le département du Nord donna à la famille Fernig une maison toute bâtie à Bruay, près de Valenciennes[18]. Lorsqu'eut lieu la défection de Dumouriez, Théophile et Félicité ne se séparèrent pas du général ; Savions-nous, disaient-elles, ce que c'était qu'une faction ? Dumouriez nous assurait qu'il voulait rendre la liberté à la France ; accoutumées à lui obéir, à le respecter — il nous appelait ses enfants et nous avait adoptées —, nous croyions à ses paroles. Ignorantes des manœuvres politiques, notre erreur était excusable[19]. Mais, lorsqu'elles virent leurs camarades les regarder d'un œil sombre et méfiant, lorsqu'elles furent assaillies à coups de feu par leurs compagnons d'armes, elles devinèrent la vérité ; elles remirent à Dumouriez leur démission. Leur vie d'exil fut admirable ; elles reprirent les vêtements de leur sexe et gagnèrent courageusement leur vie ; Félicité tint à Bruxelles un bureau de loterie ; Théophile vendit des objets de toilette dans les foires de Belgique, mais son cœur battait encore à la nouvelle des prouesses françaises en Italie, et elle demandait à son cousin un portrait ressemblant de Bonaparte et de ses lieutenants[20].

 

II. Le départ de Beurnonville n'eut pas lieu sans encombre. Lorsqu'il alla, le 8 septembre, camper avec sa division aux portes de Valenciennes, la population l'accusa de dégarnir la frontière et de livrer aux ennemis le département du Nord. On criait dans la ville que Beurnonville était un traitre et qu'il fallait le pendre. Il se rendit sur la place et apaisa l'émeute[21].

Il arriva le 13 septembre à Rethel. Mais la Croix-aux-Bois venait de tomber au pouvoir des alliés, et l'Argonne était ouverte. Dumouriez fit dire à Beurnonville par l'aide de camp Macdonald qu'il devait rejoindre l'armée en longeant la Suippe.

Beurnonville exécuta l'ordre du général en chef. Mais il apprit la déroute de Montcheutin ; il craignit de tomber au milieu des Prussiens victorieux et n'avança qu'avec une extrême prudence. Il était le 16 septembre au village d'Auve, lorsqu'il aperçut au loin les colonnes d'une armée qui se dirigeait en bon ordre sur Sainte-Menehould ; c'était Dumouriez. Beurnonville crut voir l'armée prussienne ; il n'eut même pas l'idée de pousser une reconnaissance à fond ; il se rejeta sur le champ en arrière, gagna La Cheppe sur la petite rivière de la Noblette, et entra le soir dans Châlons. J'ai trouvé l'ennemi, disait-il à Luckner, placé à Courtemont, entre Dumouriez et moi.

Ses soldats étaient accablés de fatigue ; ils avaient, ajoutait-il, marché durant huit jours et trois nuits sous une pluie battante, au milieu des boues, souvent par de mauvais chemins de traverse. Les trois mille hommes qui formaient son avant-garde logèrent dans la ville ; le reste campa aux environs. Tout ce monde était tellement harassé que Beurnonville n'osa se mettre en marche le lendemain. Vainement Dumouriez le priait de quitter Châlons le 17 septembre à minuit ; son armée a besoin de souliers, écrivait-il à Luckner, faites charger les souliers sur des voitures, on les distribuera ici[22].

Beurnonville ne quitta Châlons que le 18 septembre, sur un nouvel appel de Dumouriez. Il se porta sur la route de Sainte-Menehould le plus loin qu'il put, jusqu'à ce village d'Auve où il s'était arrêté deux jours auparavant, et y bivouaqua. Le lendemain, il entrait au camp de Braux.

Il rejoignait Dumouriez à la veille de Valmy. C'était sa division que Gœthe et ses compagnons voyaient le 19 septembre défiler au loin en masses sombres. Un jour plus tard, cette division était rejetée de nouveau sur Châlons et l'armée française privée de dix mille hommes, qui devaient renforcer sur le mont Yvron l'avant-garde de Stengel et couvrir l'aile droite de Kellermann.

Beurnonville avait, en partant de Châlons, grossi sa petite armée de sept bataillons de fédérés organisés par Luckner et Labourdonnaye. Le maréchal, rapporte Belliard, ne savait comment ramener à l'ordre les fédérés ; notre arrivée les calma ; il y eut bien quelques querelles de café et de cabaret, mais ils n'y brillèrent pas. Il pria Beurnonville d'emmener avec lui une partie de ces bataillons parisiens pour s'en débarrasser ; ils furent placés au centre, se conduisirent bien et finirent par faire d'excellents corps[23].

Néanmoins, Beurnonville avait raison de dire à Labourdonnaye qu'on ne lui faisait qu'un petit présent. La force réelle de sa division, c'étaient les bataillons que Dumouriez avait formés au camp de Maulde par de petites actions répétées, en les tenant sans cesse sur la défensive, mais sur une défensive aussi active que possible et fort nuisible aux Impériaux[24]. Ils venaient combattre avec joie, sous les ordres de leur ancien général, l'invasion prussienne en Champagne, comme ils avaient contenu l'invasion autrichienne dans les Flandres. Ces excellentes troupes, assure Dumouriez dans ses Mémoires, donnèrent des preuves d'un zèle et d'un attachement extrêmes[25]. Lorsqu'elles passèrent à Rethel harassées et crottées, mais joyeuses, elles dirent aux habitants qu'à Maulde elles voyaient l'ennemi tous les jours et n'aspiraient qu'à le revoir ; qu'on nous donne deux choses, s'écriaient les soldats : demain, séjour pour nettoyer nos armes, et après-demain, bataille[26] !

 

III. Kellermann arrivait, en même temps que Beurnonville, au secours de Dumouriez. Il avait reçu le 2 septembre l'ordre de marcher par Ligny et Bar-le-Duc sur Revigny-aux-Vaches. Il quitta son camp de Frescaty deux jours plus tard, après avoir renforcé la garnison de Metz et donné le commandement de la place au maréchal de camp Favart. Il fut rejoint à Pont-à-Mousson par le détachement de l'armée du Rhin qu'amenait Muratel et par la division du duc de Chartres, qui venait de Gravelotte en longeant la rive gauche de la Moselle. Si nous n'étions que vingt-deux mille hommes, disait plus tard Louis-Philippe, nous n'avions pas encore été si nombreux, et nos braves soldats s'embrassaient de joie[27].

Mais Kellermann ne voulait marcher que très doucement. Frappé de l'inaction des Prussiens qui restaient immobiles sous les murs de Verdun au lieu de marcher sur Paris, il s'imaginait, comme Dumouriez, qu'ils n'avaient d'autre plan que de se rabattre sur Metz. A quoi, écrivait-il, cela pourrait-il les mener d'aller à Paris ? Ils trouveront dans cette ville infiniment de résistance. Ils nous trouveront sur leurs flancs et derrière, et leur armée sera perdue. Ce n'est donc qu'un faux bruit qu'ils ont répandu d'avoir ce projet et ils n'ont pris Verdun que pour avoir de quoi vivre et parce qu'ils étaient sûrs qu'il ne leur en coûterait pas grands frais. Je suis sûr que leur dessein est de s'emparer des Evêchés, de la Lorraine, de l'Alsace, Comté et Bourgogne. Les trahisons d'une part, la lâcheté de l'autre leur fera tout oser particulièrement sur le pays messin et l'Alsace. Dans le fait, que peut désirer l'Empereur dans tout ceci que d'avoir l'Alsace et la Lorraine ? Le roi de Prusse prendra Danzig ou le reste de la Silésie et s'étendra en Pologne jusque sur la rive gauche de la Vistule. Il ne faut point s'imaginer qu'il n'ait d'autre objet que de favoriser les princes et, pour leur amour, ruiner ses armées et son trésor[28].

Cependant les Prussiens quittaient leur camp de Regret et marchaient vers le nord. Mais Kellermann, de même que Dumouriez, regardait leur mouvement comme une feinte ; ils cherchent, mandait-il à Servan, à m'attirer en avant le plus possible, et ensuite ils rétrograderont et tâcheront de s'emparer de l'Alsace et de la Lorraine. Ses lieutenants partageaient la même illusion. Le 11 septembre, Valence croyait encore que Brunswick, n'osant risquer une bataille rangée, se porterait sur Metz : Nous en serons fort loin ; Brunswick aura sur nous plusieurs marches et le temps de commencer son siège et d'essayer le succès ordinaire de ses bombes, avant que nous soyons à portée de le troubler ou même de jeter du secours dans la ville.

Ainsi s'expliquent les lenteurs de Kellermann et ses haltes fréquentes. Il séjourne à Toul le 5 et le 6 septembre, marche le 7 sur Void, s'arrête à Ligny le 8 et le 9. Il ne devine pas encore les projets de l'ennemi ; il ne veut pas s'éloigner de la Lorraine et du pays messin ; Dumouriez, Luckner, Servan louent la prudence de ses mouvements[29]. Kellermann, disait Servan, peut, de Ligny, soit se rendre à Châlons ; soit se mettre en queue de l'ennemi, s'il descend la Marne ; soit tourner vers Metz, si les circonstances l'exigent ; soit enfin recevoir les secours de Luckner ; et le ministre conseillait au général de rester à Ligny jusqu'à l'heure où l'on serait enfin éclairé sur les desseins de Brunswick.

Mais le détachement de Koehler se portait alors vers Chaumont-sur-Aire et envoyait des éclaireurs aux environs de Saint-Mihiel[30]. Kellermann crut que Brunswick voulait marcher sur Paris par Bar-le-Duc et Vitry-le-François. Il se hâta de quitter Ligny et vint camper le 10 septembre à Saint-Dizier ; il s'éloignait à la fois et de Dumouriez et des Prussiens ; j'aime mieux, avouait-il à Servan, me porter droit sur Châlons et ne rien risquer contre des forces si supérieures.

Il resta le 11 septembre à Saint-Dizier. Mais pins que jamais, il était hésitant et perplexe. Les éclaireurs, envoyés vers Chaumont-sur-Aire, n'avaient rencontré que des pelotons de hussards prussiens épars dans la campagne. Dans cette incertitude, Kellermann revint sur ses pas et campa le 12 septembre à Bar-le-Duc. Il ne savait quel parti prendre ; tantôt il craignait de trop s'éloigner de la Lorraine et de Metz ; tantôt il voulait donner un coup de peigne à l'ennemi et il proposait à Dillon d'attaquer à Clermont les Austro-Hessois et à Dumouriez de cerner les Prussiens par leur flanc gauche[31].

Mais le 13 septembre il reçut une dépêche de Dumouriez. Le défilé de la Croix-aux-Bois était forcé ; on espérait le reprendre ; cependant à la guerre, disait Dumouriez, il faut tout calculer, et Kellermann ferait bien de se rapprocher de lui, en se portant sur la petite rivière de Chée, près de Bettancourt et d'Alliancelles[32].

Kellermann refusa de joindre Dumouriez et de s'associer à ses périls. La situation de son collègue lui semblait très 'critique ; il craignait d'être enveloppé dans sa défaite ; l'affaire serait dite, prétextait-il, avant que j'arrive. Il se rendit à Vitry-le-François par Revigny et Sermaize. Il pouvait, de là, soit donner la main à Dumouriez, soit marcher directement sur Châlons. Mais, en réalité, il n'avait d'autre dessein que de gagner la Marne ; tout l'engageait à s'approcher de Châlons, car c'était là que les ennemis allaient porter toutes leurs forces[33].

Soudain, le 15 septembre, il recevait de Luckner la lettre la plus pressante et la plus impérieuse. Vous voudrez bien, lui écrivait le maréchal, vous porter avec votre armée sur Sainte-Menehould, en prenant le chemin que vous croirez être le' plus court ; vous marcherez à marches forcées, et vous vous concerterez avec Dumouriez pour votre réunion. En même temps, un aide de camp, parti de Grandpré, annonçait que Dumouriez faisait sa retraite sur Sainte-Menehould et priait instamment son collègue de venir à son aide, sans perdre un seul instant.

Kellermann n'hésita plus. Il avait envoyé le corps de La Barolière à Bar-le-Duc, pour protéger cette ville et assurer ses derrières[34]. Il dirigea sa légion sur Sampigny pour y défendre les ateliers de construction de caissons. Il laissa ses gros équipages et une division de son artillerie de parc à Vitry-le-François, sous la garde du 19e régiment de cavalerie et d'un bataillon de volontaires. Il envoya ses pontons à Poigny. Il ne conserva, afin d'être plus libre de ses mouvements, que 36 pièces de position avec double approvisionnement de bataille. Il fit jeter un pont sur la Marne pour devancer les Prussiens par la rive gauche de la rivière, s'ils marchaient sur Châlons. Les messages de Dumouriez, de Luckner, de Servan, se succédaient sans fin et sans relâche ; le général, craignant d'être attaqué à tout moment et accablé par le nombre, réclamait avec les plus vives instances le secours de l'armée du Centre ; le maréchal sommait Kellermann de joindre Dumouriez sans délai à quelque prix que ce fût, parce que le salut de la France dépendait de cette jonction ; le ministre ne cessait de répéter qu'il fallait soutenir Dumouriez et lui amener en diligence toutes les troupes qu'on pouvait rassembler[35].

Kellermann quitta Vitry-le-François et marcha sur Sainte-Menehould. Je ferai l'impossible, assurait-il à Servan, et je vous promets que je donnerai une main très ferme à Dumouriez, dans quelque position qu'il puisse se trouver. Il campa le 17 septembre à Fresne-sur-Moivre et le lendemain à Dampierre-le-Château. Il n'était plus qu'à deux lieues de Dumouriez. Mais tant de marches et de contre-marches fort maladroites[36], entreprises sous une pluie violente et dans les chemins les plus affreux, avaient épuisé son armée et l'avaient, disait-il, mise dans le plus pitoyable état ; une partie de son infanterie n'avait plus de chaussures ; un grand nombre de volontaires étaient tout nus, et il priait le ministre de lui envoyer des souliers et des habits sans avoir égard à la couleur. Nos soldats, ajoutait-il, ont la meilleure volonté, mais ils sont moins bien disciplinés que les Prussiens, et ils ont la mauvaise habitude de croire qu'on les a trahis ; il faut temporiser, nous ne faisons pas une guerre ordinaire. L'esprit frappé par la panique de Montcheutin et par les désordres dont Châlons était le théâtre, il n'allait au-devant de l'ennemi qu'à son corps défendant. Il affirmait à Servan qu'il valait mieux s'établir à Suippes, à portée des secours qui viendraient de Paris et des départements, loin de cette ville fatale de Châlons où s'assemblaient des bandes indisciplinées de volontaires, loin de ce pays ingrat de Sainte-Menehould où les armées françaises seraient évidemment affamées, loin de ces Prussiens qu'il redoutait de plus en plus, à mesure qu'il se rapprochait d'eux. Il ne rejoignait Dumouriez qu'avec répugnance et sur l'ordre exprès du ministre. Il paraît, s'écriait-il amèrement, que tout est perdu sans mon arrivée ! Toutefois il se promettait bien de ne faire que ce qu'il voudrait. L'ami Dumouriez désirait sans doute engager une action générale ; mais Kellermann n'aurait garde de risquer étourdiment le sort de l'État, il ferait comprendre à son collègue que l'occasion n'était pas venue, il l'engagerait à la prudence, il s'efforcerait de calmer son ardeur, il saurait bien lui remontrer qu'il y avait une manière sage et réfléchie de faire la guerre[37].

Le lendemain du jour où Kellermann donnait ces beaux conseils, il était contraint d'accepter à l'improviste et dans une position défavorable le combat qu'il refusait de livrer la veille et, malgré quelques maladresses, grâce aux hésitations de l'adversaire, grâce à sa bravoure personnelle et à la bonne contenance de ses troupes, il pouvait se dire vainqueur. Mais n'est-il pas curieux qu'il ait fallu le conduire et le pousser à cette glorieuse journée, lui imposer, en quelque sorte, cette bataille à jamais mémorable du 20 septembre qui devait arrêter l'invasion prussienne[38] ?

 

 

 



[1] On lit dans ses états de service qu'il se nomme Pierre de Rielle, fils de Pierre et de Jeanne de Laurain, et la biographie Michaud assure qu'il est d'une famille de bourgeoisie. Montrol était plus près de la vérité lorsqu'il disait (Résumé de l'histoire de la Champagne, 1826, p. 369, note) que Beurnonville était fils d'un maréchal-ferrant. Voici du reste l'acte de naissance du futur maréchal et pair : Pierre fils de Pierre Riel fils de Pierre, charon, et de Jeanne Laurain. son épouse, né le dix may mil sept cent cinquante-deux a été baptisé le onze dudic mois en l'église de Champignol et a eu pour parain Pierre Hiel soussigné et pour mareine Claudette Riel laquelle a déclaré ne sçavoir signer de ce enquise. Signé : Riel, Maillard, curé de Champignol. (Copie de M. Maillard, instituteur à Champignol.)

[2] Etats de service de Beurnonville (Iung, Dubois-Crancé, I, p. 352) lettres du même aux commissaires et à Servan, 30 août (arch. guerre) ; à Dumouriez, 5 octobre (Ternaux, IV, 556-558) ; à Pache (Moniteur du 23 décembre 1792, et Rousset, Les Volontaires, p. 91-92), à la Convention (Moniteur du 21 février 1793).

[3] Dumouriez à Servan, 11 septembre (arch. guerre) ; Moniteur du 17 septembre, lettre de Reims.

[4] Servan à Dumouriez, 4 et 17 septembre (arch. guerre).

[5] Première division : 56e et 78e de ligne (camp de Maulde) ; 1er de la Seine-Intérieure (Saint-Amand) ; 1er et 2e de Paris, 1er de la Vendée (Maulde) ; 1er de l'Aisne (Avesnes) ; 1er des Deux-Sèvres (Pont-sur-Sambre) ; 6e de dragons (Maulde) légion belgique (Valenciennes). Seconde division : 45e de ligne (Landrecies) ; 10e d'infanterie légère (Avesnes) ; 3e de la Marne, 2e et 3e de la Meurthe, 4e de la Meuse, 5e de dragons et 5e de chasseurs à cheval (Famars) ; 200 canonniers de Douai. En tout 10.594 hommes. (Arch. guerre, levée du camp de Maulde, 3 septembre.)

[6] Servan à Moreton et à Dumouriez, 9 septembre ; Dumouriez à Servan, 11 septembre. Tous les témoignages s'accordent sur ce point. Dampierre était plus soldat que général. Dumouriez dit dans ses Mém. (II, 110) qu'il était audacieux jusqu'à la témérité ; un correspondant de Prudhomme, appartenant à l'armée, écrit que Dampierre est un braque, mais droit, patriote, sinon par principes, du moins par vanité, bon soldat, téméraire. (Révolutions de Paris, XV, 178), le brave Dampierre, plus soldat que général d'armée (Gay de Vernon, Custine et Houchard, 171). Cf. sur Dampierre, Invasion prussienne, 47 ; il avait rallié son régiment à la déroute de Mons ; je sauvai l'armée, écrivait-il superbement à Danton, en formant mon régiment et le lendemain en manœuvrant pour arrêter l'ennemi (Revue de la Révolution, 14 juillet 1885, p. 36, lettre du 23 octobre).

[7] Dumouriez, Mém., I, 230.

[8] Lettre du 2 octobre, Moniteur du 4.

[9] Duhem, Notice biographique sur les demoiselles Fernig, p. 110, note (Mém. historique sur l'arrondissement de Valenciennes, t. IV, 1876).

[10] Félicité abattait l'oiseau au tir des archers de la société de Saint-Sébastien à Mortagne, et la confrérie la proclamait reine. (Renseignements donnés par Wibaut. Bonhomme, Correspondance inédite de Théophile de Fernig, 1873, p. 179-180.)

[11] Bonhomme, Correspondance inédite de Théophile de Fernig, p. 179.

[12] Moniteur du 23 juillet.

[13] Moniteur du 3 septembre.

[14] Extrait des registres de la paroisse de Maulde, 2 août (Bonhomme, p. 180-182) et Journal de Paris, 12 août, lettre du camp de Maulde, du 8 août.

[15] Lettre du 2 octobre, Moniteur du 4.

[16] 14 novembre, Moniteur du 18.

[17] Récit de Théophile, cité par Duhem, p. 115.

[18] Mémoire de Théophile à la Convention, Duhem, p. 121.

[19] Mémoire de Théophile à la Convention, Duhem, p. 122.

[20] Telle est, débarrassée de tous les détails romanesques et légendaires donnés par Lamartine (Hist. des Girondins) et même par Bonhomme et Duhem, la biographie exacte des demoiselles Fernig. Leur père, Louis Fernig, originaire d'Alsace, mourut en 1816. Il avait cinq enfants, un fils et quatre filles. Le fils, Louis-Alexandre-Désiré, né a Château-l'Abbaye, le 12 juin 1772, ne fut, comme on l'a dit, ni comte ni baron de l'Empire : chef de bataillon au service de la République helvétique, major au 112e d'infanterie (30 frimaire an XII), adjudant-commandant (6 mars 18121, rappelé au service après la révolution de juillet, il ne reçut qu'en 1830 le grade de général de brigade et trois ans plus tard, la limite d âge le forçait à faire valoir ses droits à la retraite. (Revue critique du 29 mars 1873, p. 208.) Il mourut en Egypte où il accompagnait M. de Rothschild, vers 1847. Des quatre filles, l'aînée, Louise, se maria à un négociant d'Amsterdam, M. Nerenburger, français, né à Saint-Avold dans la Moselle. Aimée, la cadette, épousa le chef de bataillon, plus tard général Guilleminot. Les deux autres sont les volontaires de 1792. Marie-Félicité-Louise, née à Mortagne le 10 mai 1770, épousa le 18 août 1798 un officier belge, M. Vanderwallen, qu'elle avait sauvé, dit-on, à Anderlecht en le dégageant des mains des uhlans, et mourut à Bruxelles, le 4 avril 1841. Marie-Théophile-Françoise-Norbertine, née le 17 juillet 1775 à Château-l'Abbaye, ne se maria pas et mourut près de sa sœur, à Bruxelles, le 2 avril 1819 ; sa correspondance avec son cousin Isidore Audeval, officier au 18e de dragons, est fort intéressante ; je ne citerai que ce passage : Je n'ai point un cœur de bronze, mon ami. Il fut sensible, mais stoïque dans sa fermeté ; il fut victime de sa résolution. Je me suis tue. Une année de prières n'a rien obtenu de moi. J'avais fait le sacrifice de toutes mes affections à ma patrie, et telle était la rigidité de mon dévouement que je lui fis celui de mon amour. J'ai quitté la France avec mes sentiments ; je les conservai tant que l'espoir de la légitimer ne me fut point ravi. Depuis cinq ans, ils sont brisés. Depuis cinq ans j'ai juré de renoncer... que dis-je ? renoncé ?... j'ai juré de ne plus aimer. (Lettre du 3 août 1801, Bonhomme, Correspondance inédite de Théophile Fernig, p. 149-150.)

[21] Belliard, Mém., 1842, I, 69.

[22] Dumouriez à Luckner, 17 septembre [arch. guerre).

[23] Belliard, Mém., I, 69-70.

[24] Voir Invasion prussienne, p. 66.

[25] Dumouriez, Mém., I. 287.

[26] Moniteur du 16 septembre, lettre de Reims. L'armée de Dumouriez comptait dès lors, à ce qu'il semble, 29 régiments ou bataillons de ligne et 28 bataillons de volontaires de 1791 : c'étaient, parmi les troupes de ligne, le 6e, le 8e, le 17e, le 19e, le 20e, le 43e, le 45e, le 54e, le 55e, le 56e, le 58e, le 68e, le 71e, le 78e, le 83e, le 94e, le 98e et le 99e (ci-devant Armagnac, Austrasie, Auvergne, Flandre, Le Dauphin, Royal-Vaisseaux, La Couronne, Roussillon, Condé, Bourbon, Rouergue, Beauce, Vivarais, Penthièvre, Foix, Hesse-Darmstadt, Bouillon et Deux-Ponts) ; le 9e, le 10e et le 14e bataillon d'infanterie légère et huit bataillons de grenadiers, — parmi les volontaires de 1791, le 1er, le 2e et le 3e bataillon de Paris, le 1er, le 2e, le 3e et le 4e de la Marne, le 1er, le 2e, le 3e et le 5e de la Meurthe, le 1er de l'Aisne, de la Seine-Inférieure, de la Vienne, de la Sarthe, de la Vendée, des Deux-Sèvres, de l'Allier, de la Charente-Inférieure, d'Eure-et-Loir, de Mayenne-et-Loire, le 2e du Nord, de Saône-et-Loire. de la Meuse et de la Haute-Vienne, le 3e des Ardennes, le 4e de la Meuse, le 5e des Vosges. La cavalerie se composait des régiments suivants : les 3e, 7e, 15e, 21e et 23e cavalerie (ci-devant Commissaire-Général, Royal-Etranger, Royal-Allemand, Royal-Picardie et Royal-Guyenne) ; les 2e, 3e, 5e, 6e, 7e, 10e, 12e et 13e de dragons (ci-devant Condé, Bourbon, Colonel-Général, La Reine, Le Dauphin, Mestre de camp général, Artois et Monsieur) ; les 3e, 5e, 6e, 11e et 12e de chasseurs a cheval (ci-devant Flandre, Hainaut, Languedoc, Normandie et Champagne) ; les 1er, 2e, 5e et 6e de hussards (ci-devant Berchiny, Chamborant, Colonel-Général et Lauzun). On a compté dans cette liste — que nous avons dressée avec autant de soin et d'exactitude que possible, sans trop nous fier à l'ordre de bataille donné par Dumouriez — les troupes de l'avant-garde commandées par Dillon et postées aux Islettes. Il faut, il est vrai, en défalquer le détachement qui gardait le Chesne- Populeux et qui s'était replié sur Châlons ; il comprenait 4 bataillons et 2 escadrons de dragons (lettres de Dumouriez, du 18 et du 21 sept.). Mais, en somme, le général en chef avait calculé juste : Je me trouverai, disait-il dès le 5 septembre, 48 bataillons, 4 régiments de hussards, 6 de chasseurs à cheval, 6 de dragons, 7 escadrons de cavalerie, en tout 48 escadrons et à peu près 1.500 hommes d'infanterie légère, ce qui me fera à peu près 35.000 hommes. Ce chiffre était exact ; j'ai ici, écrit-il le 6 septembre, plus de 25.000 hommes réunis dans un bon camp, et Beurnonville va me rejoindre avec 10.000. A elle seule l'armée de Dumouriez — celle qu'on nommait l'armée des Ardennes ou du Nord — était déjà égale en nombre à l'armée prussienne.

[27] Discours de Louis-Philippe au maire de Pont-à-Mousson, 13 juin 1831, Moniteur du 22 juillet 1831. On sait que le duc de Chartres avait reçu de Luckner l'ordre de se jeter dans Verdun avec quatre bataillons et cinq escadrons ; il poussa jusqu'à Mars-la- Tour, mais se heurta contre des forces supérieures ; il était revenu camper à Gravelotte. Voir Invasion prussienne, p. 225. L'ordre de bataille de l'armée du Centre porte 24 bataillons et 35 escadrons, en tout 22.117 hommes.

[28] Kellermann à Dumouriez, 6 septembre (arch. guerre).

[29] Voir plus haut au chapitre Grandpré ; cf. Kellermann à Servan, 8, 9, 10, 14 septembre ; à Biron, 10 sept. ; Servan à Dumouriez, 9 sept. ; Valence à Biron, 11 sept. (arch. guerre) ; Valence conseillait même à Biron de confier à Custine la défense de Metz.

[30] Cf. au chapitre Grandpré.

[31] Kellermann à Biron, 10 sept. ; à Servan, 10, 12 et 14 sept. (arch. guerre) cf. les incertitudes de Dumouriez, au chapitre La Croix-aux-Bois.

[32] Dumouriez à Kellermann, 13 septembre, cinq heures du matin (arch. guerre).

[33] Dillon, Compte-rendu, 24.

[34] Le corps de La Barolière qui formait le troisième corps d'avant-garde de l'armée du Centre (le premier était la légion de Kellermann et le deuxième, l'avant-garde de Deprez- Crassier), comprenait (d'après l'ordre de bataille du 5 septembre) le 1er bataillon de grenadiers et les 8e, 9e et 10e régiments de chasseurs à cheval (ci-devant Lorraine, Bretagne et Normandie).

[35] Dillon, Compte-rendu, 24. Luckner à Kellermann, 15 et 17 sept. ; Servan à Kellermann, 16 et 17 sept.

[36] Mém. du général Pully (arch. guerre) ; comparez Valentini, p. 6, mit Schildkrötenschritten und ausweichenden Haken, à pas de tortue, avec bien des écarts et des crochets.

[37] Voir, pour tout ce qui concerne la marche de Kellermann, sa correspondance aux archives de la guerre du 13 au 19 septembre.

[38] Aussi, le 21 septembre, commençait-il ainsi sa lettre confidentielle à Servan pour ma gloire et celle de mon armée, rien ne pouvait, mon cher Servan, m'être plus agréable que ma jonction avec Dumouriez.