LE GÉNÉRAL LA FAYETTE

1757-1834

 

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

 

 

I

6 septembre 1757. — Acte de baptême de La Fayette.

 

Extrait des registres des baptêmes de la paroisse de Chavaniac, évêché de Saint-Flour.

L'an mil sept cent cinquante-sept et le six septembre, est né très haut et très puissant seigneur monseigneur Marie-Joseph-Paul-Yves-Roch-Gilbert du Motier de La Rivette, fils légitime de très haut et très puissant seigneur monseigneur Michel - Louis - Christophe-Roch - Gilbert du Motier, marquis de La Fayette, baron de Vissac, seigneur de Saint-Romain et autres places, et de très haute et très puissante dame madame Marie-Louise-Julie de La Rivière, et a été baptisé le sept du même mois. Son parrain a été très haut et très puissant seigneur monseigneur Joseph-Yves-Thibault-Hyacinthe de La Rivière, seigneur de Kéroflois et autres places, et en son absence a été tenu sur les fonts baptismaux par messire Paul de Murat, grand-vicaire de Sens, aumônier de madame la Dauphine, abbé de Mauriac ; sa marraine a été très haute et très puissante daine madame Marie-Catherine de Chavaniac, dame dudit lieu et de cette paroisse, en présence de messire Antoine Bonnefoy, prêtre et curé de la paroisse de Vissac, et d'André Courtial.

DE MURAT, CHAVANIAC, DE LA FAYETTE, BONNEFOY, curé de Vissac, COURTIAL, VIDAL, curé.

(Arch. adm. de la guerre, copie délivrée à Riom, le 22 mai 1774.)

 

II

La famille de La Fayette.

 

CÔTÉ PATERNEL.

La famille du Motier comptait deux branches, les La Fayette et les Champetières. La branche aînée s'éteignit au XVIIe siècle en la personne du fils de l'auteur de la Princesse de Clèves, René-Armand du Motier, comte de La Fayette, qui n'eut qu'une fille. Celui-ci légua, par testament, le 11 mai 1692, les biens de sa maison à son parent Charles du Motier de Champetières, baron de Vissac et de Saint-Romain, et substitua ainsi la branche cadette à la branche aînée.

Charles prit le nom de La Fayette ; il eut dix enfants : son fils aîné, Edouard, épousa, le 9 janvier 1708, Marie-Catherine de Chavaniac, fille de Jacques-Roch Suat de Chavaniac, et par cette alliance entra en possession de la terre de Chavaniac, située entre Brioude et le Puy. Edouard mourut au château de Vissac le 9 janvier 1740, et laissa cinq enfants : 1° Jacques-Roch, né le 11 août 1711, héritier de la seigneurie de La Fayette par testament de la duchesse de La Trémoille, en date du 3 juillet 1717, tué en Italie le 7 ou le 8 juillet 1734 ; 2° Marguerite-Magdeleine, morte à Chavaniac en 1783 ; 3° Louise Charlotte, mariée en 1755 à Jacques de Guérin de Chavaniac, veuve en mai 1761, morte à Chavaniac le 6 mai 1811 ; 4° Michel-Louis-Christophe-Gilbert, marié à Marie-Louise-Julie de La Rivière, le 22 mai 1754, père de La Fayette.

CÔTÉ MATERNEL.

La famille de La Rivière est originaire de Bretagne. Charles-Yves-Thibault, comte de La Rivière, lieutenant général des armées du roi en 1745, capitaine-lieutenant de la 2e compagnie des mousquetaires en 1754, grand'croix de l'ordre de Saint-Louis en 1756, eut deux filles. L'ainée, Julie-Louise-Céleste, dame du palais de la reine d'Espagne et dame de compagnie de Mesdames de France, fut mariée à son cousin Joseph-Yves-Thibault-Hyacinthe, marquis de La Rivière. De cette union naquirent deux fils, François-Yves-Thibaut, né à Paris le 23 mars 1741, entré dans les mousquetaires et mort le 10 octobre t761,et Louis-Henri, mort jeune, et une fille, Marie-Louise-Julie, mariée, le 22 mai 1754, à Michel-Louis-Christophe-Gilbert, marquis de La Fayette, mère de La Fayette, morte au palais du Luxembourg, à Paris, le avril 1770, à l'âge de trente-trois ans. La seconde fille épousa Louis-Hugues, marquis de Luzignem-Lezay.

ÉTATS DE SERVICE DU COMTE DE LA RIVIÈRE,

AÏEUL MATERNEL DE LA FAYETTE.

LA RIVIÈRE — Charles-Yves-Thibault, comte de —, lieutenant au régiment du roi le 5 mars 1715, 2e cornette à la 2e compagnie des mousquetaires, avec rang de mestre de camp, le 23 juillet 1718, 1er cornette le 15 novembre 1718, enseigne le 4 février 1724, gouverneur de Saint-Brieuc le 4 janvier 1729, brigadier de cavalerie le 1er août 1734, 2e sous-lieutenant à la 2e compagnie des mousquetaires le 12 novembre 1734, maréchal de camp le 1er janvier 1740, employé à l'armée du Rhin le 1er mai 1743, commandeur de l'ordre de Saint-Louis le 19 octobre 1743, employé à l'armée de Flandre le 1er mai 1744 et à l'armée du Bas-Rhin le 1er avril 1745, lieutenant général le 1er mai 1745 et employé dans l'armée du prince de Conti, commande sur la frontière de Champagne le 1er novembre 1746, employé à l'armée des Pays-Bas le 1er mai 1748, gouverneur de Rocroi le 13 avril 1753, 1er sous-lieutenant dans la 2e compagnie des mousquetaires le 15 juin 1753,capitaine-lieutenant de ladite compagnie le 1er avril 1754, grand'croix de Saint-Louis surnuméraire le 23 mai 1755 et titulaire le 7 mai 1756, retraité le 12 avril 1766, mort au palais du Luxembourg, à Paris, en avril 1781.

 

III

Etats de service, du colonel marquis de La Fayette.

 

LA FAYETTE — Gilbert-Michel-Louis-Christophe-Roch, marquis de —, né en 1734, mousquetaire de la 2e compagnie en janvier 1742, capitaine au régiment de La Rochefoucauld (cavalerie) le 1er mars 1748, réformé le 11 octobre 1748, chevalier de Saint-Louis le 23 juillet 1756, colonel aux grenadiers de France[1] le 28 novembre 1757, tué d'un boulet de canon à la bataille de Minden le 1er août 1759.

 

IV

6 octobre 1759. — La comtesse de La Fayette demande une pension pour son petit-fils.

 

Sire,

La comtesse de La Fayette, qui vient de perdre, à l'affaire de Minden, le dernier fils qui lui restât, après la perte qu'elle avait faite de son aîné tué à la dernière campagne d'Italie, a l'honneur de représenter à Votre Majesté la triste situation dans laquelle elle se trouve.

Le marquis de La Fayette, tué à Minden, avait épousé Mlle de La Rivière, dont la fortune n'était pas considérable. Elle apporta en mariage une somme d'argent qui a suffi à peine à fournir aux dépenses nécessaires qu'il a été obligé de faire pour les quatre dernières campagnes ; il est mort sans avoir fait de testament, ce qui donne des reprises considérables à sa veuve, qui absorberont presque toute la succession et ne laisseront pas de quoi élever un fils âgé d'environ dix-huit mois.

La comtesse de La Fayette ose réclamer les bontés de Votre Majesté et la supplier de vouloir bien accorder une pension sur la tête de cet enfant, qui puisse fournir à son éducation et le mettre en état de servir Votre Majesté.

L'évêque d'Autun, premier aumônier de Votre Majesté, oncle à la mode de Bretagne et, comme plus proche parent, tuteur de cet enfant, certifiera à Votre Majesté la vérité du contenu dans ce mémoire, ainsi que le marquis de La Rivière, beau-père du marquis de La Fayette, et toute cette famille ne cessera de redoubler ses vœux pour la conservation de Votre Majesté[2].

 

V

Paris, 8 février 1772[3]. — Lettre de La Fayette à sa cousine mademoiselle de Chavaniac[4].

 

Je viens de recevoir, ma chère cousine, la lettre que vous m'avez écrite et les bonnes nouvelles sur la santé de ma grand'maman. Après celles-là, qui sont les nouvelles du cœur, j'ai été très particulièrement touché de la prise du seigneur des bois du Lata. Je voudrais bien savoir si ces chiens, qui ne marchent ni ne crient, ont contribué à ce coup de main. Le détail de cette chasse m'aurait fort amusé ; si je vous avais parlé de quelque bonnet à la nouvelle mode, je me serais fait un devoir d'en décrire les contours et les compartiments, le compas à la main.

Le mariage du cousin est rompu ; il y en a un autre sur le tapis, mais il faut bien déchanter. Mademoiselle de Roncherolles, une place auprès de madame de Bourbon, de mille écus de revenu, et cinq petites mille livres de rente, voilà toute l'histoire. Vous voyez que c'est un fort court abrégé des autres partis. Mon oncle, qui me vint voir l'autre jour, consent au mariage, à condition que le prince de Condé promettra un de ses régiments de cavalerie au cousin. Madame de Montboissier trouve que c'est trop demander, et dit à M. le marquis de Canillac que, vraiment, s'il était si difficile, son mari ne se mêlerait plus de ses affaires : cela l'a piqué, et il y a eu des propos fort vifs. Le neveu ne se soucie pas trop du mariage. Il a dit qu'il y avait dans son pays de bien meilleurs partis, qu'il a nommés, et qu'on ne lui refuserait pas.

Je croyais vous avoir mandé que le cardinal de La Roche-Aymon était abbé de Saint-Germain. On prétend que M. de Briges a la baronnie de Mercœur. M. de La Vauguyon est mort, peu regretté de la Cour et de la ville. Le bal de jeudi dernier est remis au 15, c'est-à-dire à huit jours d'ici. Je dînai, avant-hier jeudi, chez M. de La Tour d'Auvergne, qui en est aux compliments avec M. de Turenne, aujourd'hui duc de Bouillon. Il nous a dit qu'il perdrait peut-être un million en bons procédés. Vous reconnaissez bien l'homme.

Adieu, chère cousine. Mes respects, s'il vous plaît, à toute la famille. M. Fanon vous présente les siens, et moi, je suis votre serviteur. LA FAYETTE.

(Impr. dans les Mémoires de La Fayette, t. Ier.)

 

VI

11 avril 1774. — Acte de mariage de La Fayette[5].

 

L'an mil sept cent soixante-quatorze, le lundi onze avril, à midi, après la publication d'un ban en cette église et en celle de Saint-Sulpice de cette ville, et de Notre-Dame de Versailles, la dispense des deux autres accordée par monseigneur notre archevêque dûment insinuée, ensemble celle de fiancer et marier le même jour les parties ci-après nommées et qualifiées, et ce dans la chapelle de l'hôtel de Noailles, rue Saint-Honoré, en cette paroisse, le certificat de mort de très haute et très puissante daine madame Marie-Louise-Julie de La Rivière, par lequel ladite dame est déclarée veuve de très haut et très puissant seigneur monseigneur Michel-Louis-Christophe-Roch-Gilbert du Mottier de La Fayette, marquis de La Fayette, colonel aux grenadiers de France, père et mère du contractant, le tout en bonne forme, ont été fiancés et mariés, et, du consentement de messire Jean Marduel, curé de cette paroisse, soussigné, ont reçu de haut et puissant seigneur messire Paul de Murat, chanoine de l'église métropolitaine et vicaire général de l'archevêché de Paris, abbé de l'abbaye royale de Notre-Dame d'Ambournay, ordre de Saint-Benoît, congrégation de Saint-Maur, abbé doyen de l'abbaye royale de Saint-Pierre de Mauriat, même ordre et congrégation, ci-devant aumônier de feue madame la Dauphine et à présent aumônier de madame la comtesse de Provence, demeurant à Paris, rue Jacob, paroisse Saint-Sulpice, cousin paternel du contractant, la bénédiction nuptiale, après avoir pris leur mutuel consentement ; très haut et très puissant seigneur monseigneur Marie-Joseph-Paul-Yves-Roch-Gilbert du Mottier de La Fayette, marquis de La Fayette, fils mineur desdits défunts très haut et très puissant seigneur monseigneur Michel-Louis-Christophe-Roch-Gilbert du Mottier de La Fayette, colonel aux grenadiers de France, et très haute et très puissante dame madame Marie-Louise-Julie de La Rivière ; de fait de la paroisse de Notre-Dame de Versailles et de droit de Saint-Sulpice de Paris, d'autre part ; et très haute et très puissante demoiselle mademoiselle Marie-Adrienne-Françoise de Noailles, fille mineure de très haut et très puissant seigneur monseigneur Jean-Paul-François de Noailles, duc d'Ayen, seigneur de la principauté de Tingry, maréchal des camps et armées du roi, premier capitaine des gardes du corps de Sa Majesté, en survivance, avec exercice, de M. le duc de Noailles, son père, gouverneur de la province de Roussillon, gouverneur et capitaine des chasses de Saint-Germain-en-Laye, aussi en survivance, et de très haute et puissante dame Henriette-Anne-Louise d'Aguesseau de Fresnes, duchesse d'Ayen, de fait et de droit de cette paroisse, d'autre part.

Ont assisté pour témoins, du côté de l'époux : très haut et très puissant seigneur monseigneur Philippe-Hugues-Anne-Roland-Louis, comte de Luzignem de Lezay, seigneur de Magné, etc., maréchal des camps et armées du roi, grand oncle maternel du contractant, demeurant au palais du Luxembourg ; et très haut et très puissant seigneur monseigneur François-Claude-Amour, marquis de Bouillé du Chariol, brigadier des armées du roi, premier chambellan de M. le comte de Provence, demeurant à Paris, rue Neuve Saint-Gilles, paroisse Saint-Paul ; du côté de l'épouse : très haut et très puissant seigneur monseigneur Philippe, comte de Noailles, duc de Mouchy, prince de Poix, marquis d'Arpajon, vicomte de Lautrec, baron d'Ambres et des Etats de Languedoc, grand d'Espagne de la première classe, chevalier des ordres du roi et de celui de la Toison d'or, lieutenant général des armées de Sa Majesté, grand'croix de l'ordre de Malte, gouverneur des villes, parcs et châteaux de Versailles, Marly et dépendances, en son hôtel, rue de l'Université, paroisse Saint-Sulpice, grand-oncle paternel de la demoiselle contractante et très haut et très puissant seigneur René-Marie de Froullay, comte de Tessé, marquis de Lavardin, grand d'Espagne de première classe, lieutenant général pour Sa Majesté dans les provinces du Maine, Perche et comté de Laval, maréchal des camps et armées du roi, premier écuyer de Mme la Dauphine, oncle paternel de ladite demoiselle contractante, rue de Varenne, paroisse Saint-Sulpice. Tous lesquels témoins nous ont certifié les noms, surnoms, âges, qualités, liberté et domicile desdits époux, et ont signé avec eux, ainsi que le très haut et très puissant seigneur monseigneur Charles-Yves Thibault, comte de La Rivière, de Mur et de Ploeuc, lieutenant général des armées du roi, ancien capitaine, lieutenant et commandant la seconde compagnie des mousquetaires de la garde de Sa Majesté, grand'croix de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, gouverneur de Rocroi et de Saint-Brieuc, tour et forteresse de Cesson, bisaïeul maternel et tuteur honoraire aux causes et actions dudit contractant, demeurant au palais du Luxembourg, paroisse Saint-Sulpice, et mondit seigneur abbé de Murat, fondé de pouvoir spécial de très haute et très puissante demoiselle mademoiselle du Mottier, tante paternelle et adjointe aux tutelle et curatelle du contractant, avec mondit seigneur comte de La Rivière ; et i\le Jean Gérard, avocat en Parlement, tuteur onéraire aux actions immobilières et curateur aux causes dudit contractant, demeurant rue des Boucheries, susdite paroisse Saint-Sulpice ; et les père et mère de la demoiselle contractante, tous présents et consentants, et plusieurs autres parents et amis.

DU MOTIER DE LA FAYETTE ; — DE NOAILLES D'AGUESSEAU ; — DUC DE NOAILLES ; — DUCHESSSE DE NOAILLES — NOAILLES, DUC D'AYEND'AGUESSEAU D'AYEN ; — DE LUZIGNEM ; — DE BOUILLÉ ; — COMTE DE NOAILLES, DUC DE MOUCHY ; — DE FROULLAY, COMTE DE TESSÉ ; — LA RIVIÈRE ; — LE VICOMTE DE NOAILLES ; — L'ABBÉ DE MURAT ; — MARDUEL.

(Publié par Charles Nauroy, dans le Curieux, t. XI, p. 123, d'après les registres de l'église Saint-Roch.)

 

VII

7 décembre 1776, — Lisle des officiers d'infanterie, de ligne destinés à servir dans les armées des États-Unis.

 

List of Officers of infantry and Light Troops destined to serve in the Armies of the States-General of North America.

Name of Officers.

Rank.

Commencement of Meir Pay.

M. DE LA FAYETTE,

Major general,

December 7, 1776.

Baron DE KALIS,

Id.

November 7, 1776.

DE LESSER,

Colonel,

December 7, 1776.

DE VALFORT,

Id.

Id.

DE FAYOLS,

Lieutenant-colonel,

November 20, 1776.

DE FRANVAL,

Id.

December 1, 1776.

Du BOISMARTIX,

Major,

November 7, 1776.

DE GINIAT,

Id.

December 1, 1776.

DE VRIGNY,

Captain,

Id.

DE BEDAULX,

. . . . .

. . . . .

CAPITAINE,

Captain,

December 1, 1776.

DE LA COLOMBE,

Lieutenant,

Id.

CANDON.

Id.

November 7, 1776.

The mentioned ranks and the pay, which the most honorable Congress shall affix to them, to commence at the periods marked in the present list, have been agreed to by us the undersigned, Silas Deane, in quality of deputy of the American States-General, on the one part, the marquis de La Fayette and the baron de Kalb on the other part. Signed double at Paris this 7 th of December 1775.

DE KALB. THE MARQUIS DE LA FAYETTE ; SILAS DEANE.

(Publié par C. Tower. t. Ier. p. 34.)

 

VIII

Fortune de La Fayette en 1777.

 

En 1777, La Fayette avait pour revenus :

Rentes sur les États de Bretagne, le clergé, la Compagnie des Indes et sur MM. de La Trémoille, de Montmorency et autres

16.000

Dot de Mme de La Fayette

9.000

Loyers de l'hôtel La Marck

9.000

Terres d'Auvergne

15.000

Terres de Touraine

13.000

Terres de Bretagne

60.000

Succession de M. de La Rivière, aïeul, tant en terres qu'en rentes

24.000

TOTAL, toutes impositions prélevées

146.000

(État exact de ce qu'ont coûté à M. de la Fayette, les révolutions américaine et française. dressé par l'avocat Morizot. en 1702, Arch. dép. de la Haute-Loire, série L. publié en 1883, par M. Henry Mosnier, dans son travail sur Le Château Chavaniac-Lafayette, p. 54 à 59.)

 

IX

Bordeaux, 22 mars 1777. — Acte d'embarquement de La Fayette sur le vaisseau la Victoire.

 

J'atteste que sieur Gilbert du Mottié, chevalier de Chavaillac, âgé de vingt ans, taille haute, cheveux blonds, Jean-Simon Camu, de la Villedieu, en Franche-Comté, à la suite de M. le chevalier, âgé de trente-deux ans, taille moyenne, cheveux blonds, Michel Moteau, de Saclay, près Paris, âgé de vingt-sept ans, taille moyenne, cheveux blonds, à la même suite, François-Aman Rogé, de Nantes, âgé de vingt ans, taille moyenne, cheveux blonds, à la suite de M. le baron de Caune [Kalb], et Antoine Redon, de Sarlat, âgé de vingt-deux ans, taille moyenne, cheveux châtains, sont anciens catholiques, lesquels désirent s'embarquer sur la Victoire, capitaine Lebourcier, pour aller au Cap, où ils vont pour affaires.

A Bordeaux, le 22 mars 1777.

GILBERT DU MOTIER. — J.-S. CAMUS.

(Publié par M. H. Doniol. t. II, p. 384.)

 

X

13 août 1777. — Lettre de La Fayette au président du Congrès pour le remercier de sa commission de major général.

The 13 august 1777.

Sir,

I beg that you will receive yourself and present to Congress my thanks for the Commission of Major General in the Army of the United States of America which I have bene honor'd with in their name the feelings of my heart, long before it became my duty, engaged me in the love of the American cause. I not only consider'd it as the cause of Honor, Virtue, and universel Happiness, but felt myself empressed with the warmest affection for a Nation who exhibited by their resistence so fine an exemple of Justice and Courage to the Universe.

I shall neglect nothing on my part to justify the confidence which the Congress of the United States has been pleased 10 repose in me as my highest ambition has ever been to do every thing only for the best of the cause in which I am engaged. I wish to serve near the person of general Washington till such time as he may think proper to entrust me with a division of the Army.

Il is now as an american that I'l mention every day to congress the officers who came over with me, whose interests are for me as my own, and the consideration which they deserve by their merits their ranks, their state and reputation in France.

I am, Sir, with the sentiments which every good American ove to you.

Your most obedient servant,

the marquis DE LAFAYETTE.

To the honorable M. Hancock,

president of Congress, Philadelphia.

(Orig. Arch. de l'État, à Washington. — Publié en fac-similé par M. C. Tower, t. Ier, p. 184).

 

XI

21 janvier 1782. — Arrivée de La Fayette à Paris.

 

Du mardi 22 janvier. Ce jour on apprend que le sieur marquis de La Fayette, ce jeune héros qui déjà avait donné tant de preuves de bravoure en se prêtant, conformément aux vues de notre ministère, à seconder les efforts des États-Unis d'Amérique, pour ne plus à l'avenir dépendre en aucune manière des États de la Grande-Bretagne, et secouer le joug du gouvernement anglais, étant arrivé la veille desdites contrées de l'Amérique à l'hôtel de Noailles, rue Saint-Honoré, dans le temps même que la dame son épouse assistait, à l'Hôtel de Ville au banquet de Leurs Majestés, le roi et la reine en ayant aussitôt appris la nouvelle, avaient mis tout en œuvre pour déterminer ladite darne de La Fayette, d'avancer le moment, si doux pour elle, d'embrasser un époux qu'elle aimait tendrement et dont l'absence n'avait pas laissé que d'être longue ; mais que cette dame ayant constamment refusé de se rendre à l'invitation obligeante de Leurs Majestés et s'étant bornée à supplier la reine de vouloir bien permettre, lorsque Sa Majesté passerait devant ledit hôtel de Noailles pour s'en retourner au château de la Muette, que ledit sieur marquis de La Fayette, son époux, pût se procurer l'honneur de la saluer et de lui rendre ses devoirs ; et la reine lui ayant accordé cette grâce, Sa Majesté avait non seulement fait arrêter sa voiture rue Saint-Honoré, mais avait encore, après avoir beaucoup gracieusé ledit sieur marquis de La Fayette, exigé absolument que ladite dame son épouse ne différât pas plus longtemps de se réunir à lui.

(Journal inédit du libraire Hardy, Bibl. nat., ms. Fr. 6,684, t. V. p. 97.)

 

XII

5 mai 1783. — Proposition en J'a Peur de La Fayette pour la croix de Saint-Louis.

 

M. le marquis de La Fayette, né le 6 septembre 1757, sert du 9 avril 1771, capitaine le 19 mai 1774, mestre de camp le 3 mars 1779, est passé dans l'Amérique septentrionale au commencement de la guerre des Américains contre l'Angleterre ; la conduite qu'il y a tenue a été si distinguée qu'il s'est acquis une confiance entière tant de la part du Congrès que de celle du roi, et Sa Majesté, pour le récompenser, a bien voulu lui accorder le grade de maréchal de camp, à la date du 19 octobre 1781.

Comme il n'y a point d'article dans le règlement qui fixe le temps de service auquel un officier général est susceptible de la croix de Saint-Louis, on propose à Sa Majesté de l'accorder au marquis de La Fayette.

Il est âgé de 26 ans ; il en a douze de service, dont près de six en Amérique, où il s'est trouvé à toutes les affaires, et où il a été très utilement employé d'ailleurs pour des objets de négociations et qui a enfin obtenu le grade de maréchal de camp par une distinction toute particulière et relative au zèle et aux talents dont il a donné des preuves.

(Orig., Arch. administratives de la guerre.)

 

XIII

Paris, 10 octobre 1788. — Lettre de La Fayette au marquis de Laqueuille.

 

Ne voilà-t-il pas, mon cher marquis, une assemblée de notables pour m'empêcher d'aller à Châteaugay ? Elle a pour objet la forme de convocation des États généraux, qui, j'espère, sera une forme constitutionnelle, car la nation seule a le pouvoir de faire mieux. Mais la convocation de 1614 offre des difficultés à résoudre et le gouvernement a voulu s'en débarrasser sur les notables. Notre président vous envoie un mémoire qu'il a présenté ; on reconnaît notre droit, on accueille nos démarches, mais je crains qu'on ne décide rien avant les notables, et cependant nous crions sans cesse que la neige nous presse. Le mémoire, dont on peut discuter les détails, renferme une excellente idée, c'est d'avoir une assemblée nombreuse des trois ordres qui choisisse des députés, fasse leurs instructions et propose une constitution pour nos états futurs. Je crois qu'il est incomparablement meilleur d'être réunis et que si, par une disposition dont je serais très fâché, on tenait encore pour cette fois-ci à l'idée de haut pays et bas pays, il faudrait que le haut fût formé par la moitié de la province, pour que chaque portion eût un nombre égal de députés. Mandez-moi ce que votre assemblée pense sur tout cela. Je regarderais comme un grand bonheur de pouvoir être de quelque utilité à notre chère province au milieu de cette assemblée de notables, d'où je monterai en voiture pour l'Auvergne, sans môme traverser Paris. Adieu, mon cher marquis. Mes compliments à nos amis. Je vous embrasse de tout mon cœur.

Il n'y a point d'assemblée provinciale cette année.

(Lettre communiquée par M. Noël Charavay.)

 

XIV

24 mars 1789. — Instructions pour les députés de la Noblesse aux Etats généraux, arrêtées dans l'assemblée de la sénéchaussée d'Auvergne, séante à Riom.

 

Art. I. Que l'assemblée des représentants de la Nation française formant les Etats généraux est la seule puissance compétente pour établir les impôts et faire les lois avec la sanction du roi.

II. Que tous les citoyens français, depuis le premier rang jusqu'au dernier, quelque profession qu'ils exercent, doivent être également soumis aux lois et protégés par elles.

III. Que le pouvoir législatif ne devant être exercé que par les représentants de la Nation, avec la sanction du roi, le gouvernement ni aucune cour judiciaire ne peuvent promulguer, ni consentir, même provisoirement, les lois que la Nation n'aurait pas faites, ni différer la publication et l'exécution des lois nationales.

IV. Que le pouvoir exécutif doit être exercé par le roi, dont la personne est sacrée, mais dont les représentants individuels ou collectifs, ministres, commandants, gouverneurs et autres, sont responsables et comptables à la Nation de tous leurs pouvoirs, et peuvent être dénoncés à ses représentants et soumis par lesdits représentants au jugement d'un tribunal compétent, pour les abus dont ils se seront rendus coupables, quelque autorisation qu'ils puissent avoir reçue.

V. Qu'aucun agent de l'administration ne peut prononcer un jugement.

VI. Que le roi ne peut départir à ses officiers aucun pouvoir qui ne soit prévu et défini par la loi.

VII. Qu'il ne doit y avoir aucune commission des Etats généraux qui puisse exercer, même provisoirement, aucun acte d'administration, ni aucune portion du pouvoir législatif, en matière de lois et d'impôts, lequel appartient exclusivement à l'assemblée générale de tous les représentants de la Nation.

VIII. Que la liberté des opinions faisant partie de la liberté individuelle, puisque l'homme ne peut être libre quand sa pensée est esclave, la liberté de la presse doit être accordée, sauf les précautions qui seront prises par les Etats généraux.

 

L'article I est accompagné du commentaire suivant imposant le vote par ordre et non par tête :

L'ordre de la Noblesse ; considérant que le gouvernement monarchique est en France essentiellement constitutionnel, que les distinctions nécessaires dans toute monarchie sont fondées sur l'utilité générale, et même que tous les Etats bien constitués ont senti le danger de confondre, dans une délibération par tête, les différentes parties de l'Assemblée législative, a expressément ordonné à ses députés de ne jamais perdre de vue ces grands et antiques principes, qui sont fondés sur l'intérêt commun de tous les citoyens autant que sur les droits particuliers de la Noblesse ; et, dans le cas où la pluralité des voix de la Noblesse obligerait les députés de voter par tête, ils ne le feront, même momentanément, qu'après avoir déclaré que le vœu formel de la noblesse d'Auvergne est de ne voter que par ordre, en avoir demandé et obtenu acte. Les députés n'accéderont à aucune délibération par bailliage, parce que, leurs députations étant inégales, l'équilibre n'existerait plus.

 

XV

11 juillet 1789. — Déclaration européenne des Droits de l'homme et du citoyen présentée par La Fayette à l'Assemblée nationale.

 

La nature a fait les hommes libres et égaux ; les distinctions nécessaires à l'ordre social ne sont fondées que sur l'utilité générale.

Tout homme naît avec des droits inaliénables et imprescriptibles ; tels sont la liberté de ses opinions, le soin de son honneur et de sa vie, le droit de propriété, la disposition entière de sa personne, de son industrie, de toutes ses facultés, la communication de ses pensées par tous les moyens possibles, la recherche du bien-être et la résistance à l'oppression.

L'exercice des droits naturels n'a de bornes que celles qui en assurent la jouissance aux autres membres de la société.

Nul homme ne peut être soumis qu'à des lois consenties par lui ou ses représentants antérieurement promulguées et légalement appliquées.

Tout gouvernement a pour unique but le bien commun. Cet intérêt exige que les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire soient distincts et définis et que leur organisation assure la représentation libre des citoyens, la responsabilité des agents et l'impartialité des juges.

Les lois doivent être claires, précises, uniformes pour tous les citoyens.

Les subsides doivent être librement consentis et proportionnellement répartis.

Et, comme l'introduction des abus et le droit des générations qui se succèdent nécessitent la révision de tout établissement humain, il doit être possible à la nation d'avoir, dans certains cas, une convocation extraordinaire de députés, dont le seul objet soit d'examiner et corriger, s'il est nécessaire, les vices de la Constitution.

 

XVI

13 août 1789. — Couplets d'Imbert au marquis de La Fayette.

 

COUPLETS A M. LE MARQUIS DE LA FAYETTE PRÉSENT A LA BÉNÉDICTION DU DRAPEAU DU DISTRICT DES CORDELIERS, LE 13 AOÛT 1789, PAROLES DE IMBERT.

Prête à jouir de sa noble conquête

La liberté consacre nos drapeaux :

Celui-là seul doit présider la fête

Qui sut longtemps en être le héros.

Il réunit le zèle et la prudence :

A l'Amérique il a su le prouver ;

Ce qu'une fois a conquis sa vaillance,

Par sa sagesse il sait le conserver.

Dieu, tu dois être à ses désirs propice ;

Chez les mortels qui ne peuvent te voir,

La vertu doit figurer ta justice,

Et la valeur remplacer ton pouvoir.

L'aimable objet à qui l'hymen l'engage

Daigne à nos vœux accorder un souris ;

Et la beauté qui sourit au courage,

Après la gloire est son plus digne prix.

Ciel, à Louis, prête un bras tutélaire ;

D'un peuple libre, il est le digne appui ;

Roi-citoyen, pour nous qu'il vive en père ;

Chacun de nous saura mourir pour lui.

(Imprimé dans l'Histoire chantée de la première République, par Louis Damade ; Paris, 1892, in-18, p. 22.)

 

XVI bis.

Paris, 8 mai 1790. — Lettre de Condorcet à La Fayette.

 

Ce samedi [1er mai 1790].

Mon cher ami, je vous envoie le petit mémoire à présenter à M. le maire ou à l'un de ses lieutenants[6], toutefois après l'avoir fait copier, parce que l'écriture de mon secrétaire est, après celle de M. Poiret, la plus connue qu'il y ait à Paris.

Il faut absolument que vous teniez deux ministères tout prêts, l'un dedans, l'autre dehors l'assemblée, pour être préparé à tous accidents de mort, de trahison, de voyage aux eaux, etc., qui peuvent troubler une assemblée de douze cents métaphysiciens.

Le pouvoir constituant a décidé, le 24, que l'ordre judiciaire serait reconstitué en entier ; le 26, le pouvoir exécutif a donné, pour neuf ans, une place de l'ancien régime, et le public a été instruit de cette heureuse concordance par le Journal de Paris de ce jour.

Dites, je vous prie, à Mule de La Fayette que je suis charmé d'avoir pu concourir au succès de l'abbé Sicard.

Je vous embrasse.

(Orig. aut., Archives nationales, C 358, pièce n° 40[7].)

 

XVII

8 juin 1790. — Lettre de Bailly à La Fayette sur les vainqueurs de la Bastille.

 

Paris, 8 juin 1700.

On dit, mon cher ami, que c'est ce soir que l'on doit parler à l'Assemblée nationale des vainqueurs de la Bastille. Ils méritent bien que l'on fasse enfin quelque chose pour eux, soit en honneur, soit en argent, soit l'un et l'autre. Je vous engage à aller ce soir à l'Assemblée, à y parler et à ne pas oublier de dire que vous parlez aussi en mon nom, que je vous en ai chargé. J'ai dit que, ne pouvant y aller, je vous en chargerais. Il faudrait faire décréter, entre autres choses, qu'ils auront une place distinguée à la fête de la Fédération, ce qui me paraissait infiniment juste. Je crois que c'est un devoir de nos places de parler ainsi pour eux. Faites donc pour vous et pour moi, et dites, entre autres, que je vous ai prié de demander cette place distinguée à la fête. Je vous attends ce matin à onze heures. J'aurais pu vous dire tout cela, mais je leur ai promis de vous écrire, et je veux pouvoir le dire et dire ce que je vous ai écrit. Si vous croyiez qu'une lettre au président sur cet objet fit bien, je l'écrirais. Adieu, mon cher ami. Je suis tout à vous.

(Copie, Bibliothèque nationale, mms. Fr. 11,607, correspondance de M. Bailly avec M. de La Fayette, p. 62.)

 

XVIII

12 juillet 1790. — Placard de La Fayette aux fédérés.

 

FÉDÉRATION ASSEMBLÉE A SAINT-ROCH POUR DEMAIN 13.

Du lundi 12 juillet 1790.

Messieurs les députés des gardes nationales de tous les districts du royaume sont prévenus qu'en vertu de la réunion, faite à la maison commune, d'un député par chacun des districts, arrivés samedi, dimanche et lundi, afin de se concerter ensemble sur les moyens d'exécuter les ordres relatifs à la Fédération du 14 juillet et de présenter nos hommages à l'Assemblée nationale et au roi, il a été convenu d'abord de connaître le jour que l'Assemblée nationale et le roi fixeraient pour nous recevoir, et ce jour devant naturellement précéder le 14, a été fixé à mardi 13. Quelques personnes ont été ensuite chargées de rédiger des projets d'adresses, dont les bases ont été provisoirement adoptées par la réunion presque totale d'un député par district, qui a eu lieu ce matin, à la maison commune. MM. les députés de tous les districts sont invités par cette assemblée à se réunir demain, dans le plus grand nombre possible, mais au moins trois ou quatre par district, dans l'église de Saint-Roch, à huit heures précises du matin, pour examiner les projets d'adresses qui ont été ou pourraient être proposées, et, après le choix qu'on en ferait, nommer les députations qui doivent les présenter.

Par ordre de l'assemblée : Signé : LA FAYETTE.

(Placard in-fol., impr. par Lottin, Bibl. nat., Lb29 11,159.)

 

XIX

Janvier 1791. — Conversations de La Fayette avec son petit cousin le comte Louis de Bouillé.

 

Dès notre premier abord, M. de la Fayette me renouvela les plus aimables assurances de sa tendresse pour moi. Effectivement, il m'en avait toujours témoigné beaucoup, et j'avoue que l'aménité de son caractère, jointe au prestige de sa renommée, m'avait rendu, jusqu'à l'époque de nos troubles, fort sensible à la distinction qu'il me marquait. Je lui en voulais même peut-être plus, en raison de l'effort qu'il m'avait fallu faire pour me détacher de lui, et je voyais avec regret que nous fussions placés clans des rangs si opposés ; car, quelles que soient les dissidences politiques, elles ne doivent pas rendre injuste pour les qualités privées. M. de La Fayette me fit aussi les plus belles protestations de considération et d'amitié pour M. de Bouillé, ainsi que d'attachement pour la monarchie, particulièrement pour la personne du roi, enfin de modération et de désintéressement ; mais ces démonstrations ne purent vaincre ma réserve.

Pendant le peu de jours que je passai à Paris, j'eus avec lui plusieurs conférences semblables, dans lesquelles il donna un libre cours aux faux principes qui faisaient la base de ses discours et, malheureusement pour lui comme pour les autres, la règle de sa conduite. Ce fut dans une de ces conversations que, lui ayant demandé comment il était avec le château, il me répondit : Le roi sert la Constitution, c'est vous dire assez si j'en suis content. D'ailleurs, vous le connaissez, c'est un bon homme qui n'a nul caractère, et dont je ferais ce que je voudrais, sans la reine qui me gêne beaucoup. Elle me témoigne souvent de la confiance, mais elle ne se livre point assez à mes avis, qui assureraient sa popularité. Elle a ce qu'il faut pour s'attacher le cœur des Parisiens, mais une ancienne morgue et une humeur qu'elle ne sait point encore cacher les lui aliènent plus souvent. Je voudrais qu'elle y mit plus de bonne foi. J'ignore si M. de La Fayette en mettait beaucoup lui-même dans cette confidence ; mais, comme elle était aussi remarquable de sa part qu'elle pouvait être profitable au roi et à la reine, je crus de mon devoir de ne pas la leur tenir secrète.

J'eus occasion de lui parler des moyens que lui donnait sa position pour contribuer au bien public, et pour arrêter le mal dont le cours incalculable de la révolution menaçait notre patrie. Je tâchai de lui présenter, sous un point de vue séduisant pour son ambition comme pour son amour-propre, la gloire de sauver le monarque et la monarchie, ainsi qu'il en avait le pouvoir, et je lui montrai sur quelles bases solides il était à même d'élever à la fois son nom et sa fortune. J'en reçus les mêmes réponses qu'à mon précédent voyage, et je me confirmai dans la triste certitude qu'il pouvait encore nuire longtemps à la chose publique, mais qu'il ne la servirait jamais. Il n'est peut-être pas indifférent de rapporter ici les propres paroles d'un personnage qui a acquis tant de célébrité par l'influence qu'il a exercée sur nos destinées. Comme je lui offrais, ainsi que j'en avais été chargé, toutes les récompenses et tous les honneurs qui lui seraient assurés, s'il terminait la révolution ou la dirigeait vers un but également avantageux au roi et à l'Etat, il me dit qu'il n'avait aucune ambition que celle du bien public et de l'achèvement d'une heureuse et libre constitution ; qu'il ne demandait d'autre récompense de ses services que le suffrage et l'estime de ses concitoyens ; qu'une fois sa tâche remplie, il reprendrait son rang militaire et se retirerait à la campagne, où, jouissant de l'approbation et de l'affection publiques, il attendrait que la nation en danger l'appelât pour combattre le despotisme, s'il voulait reparaître. Alors, ajoutait-il, je jouirai de tous mes travaux ; alors j'aurai acquis une existence que je ne devrai qu'à la pureté de mes principes, à la simplicité de mon caractère, et la confiance générale me mettra au-dessus du roi lui-même. A quoi je répondis : Je ne suis pas autorisé, mon cousin, à vous offrir d'être plus que le roi.

C'est ainsi que M. de La Fayette croyait cacher son ambition par son exagération même, et il parlait d'abdiquer avant d'avoir pu usurper.

(Mémoire du marquis de Bouillé, comte Louis, lieutenant général, sur le départ de Louis XVI, au mois de juin 1791 : Paris, Baudouin, 1827, in-8°, p. 30 à 32.)

 

XX

8 août 1791. — Lettre de La Fayette à César de La Tour-Maubourg.

 

Paris, ce lundi [8 août 1791].

Cette lettre vous sera remise par Romeuf, mon cher Maubourg, et vous verrez par la liste qu'il apporte que j'use et peut-être même j'abuse des bontés de M. de Belmont, à qui je vous prie d'offrir l'expression de ma vive reconnaissance. Ce sera un grand bonheur pour moi de voir mes aides de camp placés et de lui en avoir l'obligation. J'imagine même que, d'après le dénuement où se trouve le régiment d'Artois, on se hâtera de lui donner des officiers, avant même que la totalité du travail général ait pu se faire.

M. du Portail m'a promis décidément ce soir que votre frère serait lieutenant-colonel de votre régiment et m'a chargé de vous le mander, mais nous nous sommes querellés sur le numéro de I er 011 2" lieutenant-colonel, et il faut que M. de Belmont et vous, en accusant la réception de la promesse, insistiez sur la place de l'r lieutenant-colonel.

Je vous envoie, mon cher ami, deux mémoires de sous-lieutenances pour deux jeunes gens excellents et qui seraient vraiment une acquisition pour le régiment d'Artois.

Nous avons dîné chez toi aujourd'hui. L'intimité de notre union fait le désespoir de bien des partis et mon bonheur personnel. Nous avons été bien dupes de perdre quinze mois à nous quereller. Ces messieurs soignent l'évêque, Chapelier et Beaumez. Quant à moi, excepté La Rochefoucauld et Tracy, je me concentre dans notre coalition que Carra appelle assez plaisamment les rois de la quatrième race. Nous nous occupons de la révision et de la liberté du roi. Les débats t'instruiront sur le premier objet ; quant à l'autre, nous sommes plus d'accord sur le principe que sur les moyens, mais les comités s'occupent de l'exécution de ma motion, qui a eu un très bon effet. La Coste ne pense plus qu'à ses amours et il n'y a que l'amitié qui puisse quelquefois l'en tirer. Nous n'avons pas pu l'avoir aujourd'hui.

M. de Coigny est parti. L'abbé Louis voit demain le roi et la reine et part aussi en passant par Bruxelles, où il verra M. de Mercy. Tu sais qu'en étant, comme nos amis, de l'avis de cette négociation, j'ai moins cru qu'eux au succès, et ils reviennent, je crois, à cette opinion. Je m'occupe d'arranger ma réserve entre Compiègne, Soissons, Reims et Paris, mais j'attends que nous soyons plus avancés pour t'en donner le dispositif et le combiner avec tes propres arrangements et les moyens de notre réunion.

Mille amitiés à Dumas. Je lui écrirai après-demain ou le jour suivant. Bonjour, mon cher Maubourg.

Romeuf te portera le décret sur la garde soldée. On relit leur article, mais, pour plus de sûreté, on l'expliquera encore demain. Il faut que M. de Belmont demande la nomination immédiate de ton frère. Si d'ici là je puis avoir le numéro premier, je n'attendrai pas.

Le fils de M. de Mun est garde du corps depuis longtemps. Je ne sais quelles sont ses intentions, mais, à tout hasard, plaçons-le tout ce qu'il peut être et écrivez en même temps à son père pour qu'il me fasse connaître ses intentions.

 

XXI

11 avril 1792. — Lettre de Marat à Pétion sur La Fayette.

 

Paris, ce 11 avril 1792.

A Monsieur Pétion.

C'est l'homme qui vous engagea, il y a quelque temps, Monsieur, à demander des secours pour les pauvres de la capitale, qui prend la plume aujourd'hui pour vous déterminer à une nouvelle démarche qui ne vous fera pas moins d'honneur et qui vous assurera l'estime et l'amour du peuple. Vous n'ignorez pas sans doute que le sieur Mottié est accouru à Paris pour travailler l'armée et faire manquer la fête civique pour les tristes restes de Châteauvieux. Déjà six bataillons pourris se sont engagés par serment à s'emparer du Champ de Mars dès la veille. A ce noyau dévoué à lui, joignez, car le sieur d'Anglure en a fait préparer cinquante mille sous les auspices du grand général pour les occasions importantes, toute la troupe soudoyée et vingt mille brigands renfermés dans nos murs et prêts à prendre les armes au premier signal, puis jugez de l'horrible carnage que pourrait faire un audacieux scélérat. Mais, comme tous ces coupe-jarrets ne sont rien sans leurs chefs, pour maintenir le bon ordre, il suffira donc de consigner l'état-major parisien le jour de la fête. Je crois que vous en avez le droit comme chef de la police. L'assemblée vous le donnera. Au demeurant, en lui faisant le tableau des désordres effrayants où serait plongée la capitale, si des hommes, qui se sont toujours montrés les ennemis de la patrie, osaient s'opposer aux vœux de cent cinquante mille citoyens armés, la pudeur l'empêchera de repousser la demande que vous lui en ferez à la tête des municipaux.

Quelque hardie que soit cette démarche, croyez, Monsieur, qu'elle vous compromettra moins qu'une mesure pusillanime. Elle ne saurait vous faire perdre la bienveillance des suppôts du despotisme, mais elle ajoutera à la reconnaissance de la nation. A ma franchise, vous pourrez reconnaître que votre gloire ne m'est pas indifférente, quoique mon grand but soit le salut public. J'aurais dédaigné de prendre la plume pour assurer la fête projetée, si elle n'avait pour suite de manifester fortement l'opinion publique sur l'exécrable décret lancé contre la garnison de Nancy et sur la scélératesse de la Cour, de réchauffer le patriotisme pour les classes inférieures de l'état social, desquelles celui des soldats de ligne, et d'humilier les cruels ennemis de la Révolution.

Tout ceci entre nous, mais agissez promptement et avisez sur les désordres à redouter.

(Minute autographe, collection de M. Étienne Charavay.)

 

XXII

Maubeuge, 26 juin 1792, matin. — Ordre du jour de La Fayette à son armée.

 

Au camp retranché de Maubeuge, ce 26 juin 1792, l'an IV de la Liberté.

ORDRE GÉNÉRAL DE L'ARMÉE

Le général de l'armée a reçu hier au soir et ce matin des adresses où les différents corps de toutes les armes expriment leur dévouement à la Constitution, leur attachement pour lui. leur zèle à combattre les ennemis du dehors et les factieux du dedans.

Le général reconnaît dans ces démarches le patriotisme pur et inébranlable d'une armée qui, ayant juré de maintenir les principes de la déclaration des droits et de l'acte constitutionnel, est disposée à les défendre envers et contre tous. Il est profondément touché de l'amitié et de la confiance que les troupes lui témoignent, et sent combien les derniers désordres, que des perturbateurs ont excités dans la capitale, doivent indigner tous les vrais amis de la liberté, tous ceux qui dans le roi des Français reconnaissent un pouvoir établi par la Constitution et nécessaire à sa défense.

Mais, en même temps que le général partage les sentiments de l'armée, il craindrait que les démarches collectives d'une force essentiellement obéissante, que les offres énergiques des troupes particulièrement destinées à la défense des frontières ne fussent traîtreusement interprétées par nos ennemis cachés ou publics ; il suffit, quant à présent, à l'Assemblée nationale, au roi et à toutes les autorités constituées, d'être convaincus des sentiments constitutionnels des troupes ; il doit suffire aux troupes de compter sur le patriotisme, sur la loyauté de leurs frères d'armes de la garde nationale parisienne, qui saura triompher de tous les obstacles, de toutes les trahisons dont on l'environne.

Quelque soigneux que soit le général d'éviter pour l'armée, jusqu'à la moindre apparence d'un reproche, il lui promet que, dans toutes les démarches personnelles qui pourront contribuer au succès de notre cause et au maintien de la Constitution, il bravera seul, avec constance et dévouement, toutes les calomnies comme tous les dangers.

LA FAYETTE.

(Copie signée par La Fayette, Archives nationales, C 358.)

 

XXIII

Maubeuge, 26 juin 1792, soir. — Ordre du jour de La Fayette à son armée pour annoncer son départ pour Paris.

 

Au camp retranché de Maubeuge, ce 26 juin 1792, l'an IV de la Liberté.

ORDRE DU 26 AU SOIR

Le général a cru devoir mettre des bornes à l'expression des sentiments de l'armée, qui ne sont qu'un témoignage de plus de son dévouement à la Constitution, de son respect pour les autorités constituées, mais dont la manifestation collective, ou trop vivement prononcée, aurait pu donner des armes à la malveillance.

Mais plus le général d'armée a été sévère sur les principes qui conviennent à la force armée d'un peuple libre, et par conséquent soumis aux lois, plus il se croit personnellement obligé à dire, en sa qualité de citoyen, tout ce que les troupes sentent en commun avec lui.

C'est pour remplir ce devoir envers la patrie, ses braves compagnons d'armes et lui-même, qu'après avoir pris, d'après ses conventions avec M. le maréchal de Luckner, les mesures qui mettent l'armée à l'abri de toute atteinte, il va, dans une course rapide, exprimer à l'Assemblée nationale et au roi les sentiments de tout bon Français et demander en même temps qu'on pourvoie aux différents besoins des troupes.

Le général ordonne le maintien de la plus exacte discipline et espère, à son retour, ne recevoir que des comptes satisfaisants. M. d'Hangest, maréchal de camp, prendra le commandement.

Le général d'armée répète que son intention et son vœu sont de revenir ici sur-le-champ.

LA FAYETTE.

(Copie signée par La Fayette, Archives nationales, C 358.)

 

XXIV

Besançon, 1er juillet 1792. — Lettre des citoyens de Besançon à La Fayette.

 

Département du Doubs. — Besançon, le ici' juillet 1792, l'an IV de la liberté.

Général,

Les citoyens soussignés, hommes libres, s'adressent à vous pour connaître les vrais principes qui dirigent votre conduite.

Il est instant, pour la sûreté et le bonheur de la France, qu'un général, à la tête de trente mille hommes, soit entouré d'une juste confiance, ou qu'il soit reconnu ou déclaré incapable de la mériter. Il est donc de votre devoir de repousser la calomnie, ou par un silence honteux d'avouer la médisance.

Nous ne vous rapporterons pas, général, tous les griefs qui vous sont imputés par des amis sincères de la Révolution ; en vous les retraçant, ils nous affligeraient d'autant plus que nous avons besoin de vous estimer. Vous les connaissez, ces griefs innombrables, qui, s'ils étaient vrais, prouveraient à l'évidence que l'ambition seule a dicté vos démarches et que votre existence dans la Révolution n'est qu'un tissu d'intrigues et de scélératesse. Vos plus zélés défenseurs vous accusent déjà et rougissent d'avoir proclamé votre loyauté. Nous, qui voulons juger avec impartialité, nous, qu'un fol enthousiasme n'égara jamais sur le civisme de nos représentants ou de nos autres frères, nous, qui ne prêtons pas aisément notre attention aux diffamations répandues sur la conduite de nos concitoyens ; nous, en un mot, qui ne voudrions apercevoir, parmi tous les membres qui composent cet empire. que les principes de l'égalité et de l'union, nous nous adressons directement à celui qui est, ou outragé, ou apprécié, et c'est de lui-même que nous attendons son arrêt.

Une correspondance entre vous et M. Roland est rendue publique par la voie de l'impression ; plusieurs journalistes en attestent la réalité. Non seulement elle ne vous fait pas honneur, mais encore elle vous place au rang des illustres séditieux. Hâtez-vous de l'improuver, général, si vous n'y avez pas participé, et que les tribunaux retentissent de vos poursuites contre vos calomniateurs. Nous sommes jaloux, nous vous le répétons, de voir qu'aucun nuage n'aura pu obscurcir votre réputation, et l'intérêt que nous prenons à votre cause nous portera tous à vous défendre des persécutions de vos ennemis.

Une lettre signée de votre nom, envoyée et lue à l'Assemblée nationale, compromet tout à la fois votre honneur, votre délicatesse, l'emploi dont vous êtes revêtu ; elle compromet également le génie dont nous nous sommes plu à croire que vous étiez doué ; et enfin, elle provoque l'animadversion de tous les bons citoyens. Ceux qui ont toujours douté de la sincérité de votre patriotisme se persuadent que vous êtes réellement l'auteur de cette diatribe dégoûtante. Ceux, au contraire, qui n'ont vu en vous que l'ami des lois et de l'égalité, attestent qu'il est impossible que vous avez pu vous livrer à un crime aussi inouï. Vos amis et vos ennemis, peu d'accord sur le nom du véritable auteur de l'ouvrage, sont tous réunis pour convenir de l'atrocité qu'il contient. Eh bien ! général, c'est encore à vous à donner la solution de ce problème, et vous le devez sans détour et sans délai. Nous n'avons jamais pensé qu'un membre du côté gauche de l'Assemblée constituante eût voulu se révolter, les armes à la main, contre les principes mêmes de la Constitution, et faire au Corps législatif une pétition aussi dépourvue de sens qu'elle est impérative et arrogante. Non, sans doute, La Fayette n'est pas un parjure ; il n'a pas souillé sa vie d'un attentat à la liberté aussi criminel. La Fayette, nous a-t-on assuré, a participé à la déclaration des Droits de l'homme et l'acte constitutionnel est toujours présent à sa mémoire. Il sait que cet acte autorise la formation des sociétés populaires, et que, en demander la dissolution, c'est attaquer ouvertement la Constitution. Ah ! qu'il serait coupable, un général d'armée, qui, s'étayant de la confiance des soldats qu'il aurait aveuglés ou captivés, viendrait forcer le Sénat de sanctionner sa récrimination, sa rage et son despotisme ! Non, général, nous ne vous croyons pas coupable de ces excès d'horreur... Un Cromwell aurait hésité d'en commettre de semblables.

Tout entier à la chose publique, sans doute, vous ne vous arrêtez pas aux discussions qui ont lieu dans les sociétés des Jacobins, bien convaincu que vous ne devez vous occuper qu'à harceler l'ennemi contre lequel vous marchez, et bientôt, oui, bientôt, vous justifierez par des exploits belliqueux la confiance qu'ont en vous tous les guerriers que vous commandez, guerriers qui sont ceux de la patrie et non pas les vôtres, comme a osé l'avancer l'impudent qui a emprunté votre nom.

Nous espérons de vous, général, une réponse aussi franche que notre lettre vous en donne l'exemple. Elle est indispensable pour arrêter les progrès de la calomnie et nous l'annonçons à nos concitoyens en rendant public ce que nous vous mandons et en vous promettant d'en user de même pour votre réponse.

[Suivent 96 signatures, dont la première est DUPONT.]

(Orig., Archives nationales, C 358.)

 

XXV

21 juillet 1792. — Attestation de propos tenus par le maréchal Luckner sur La Fayette.

 

Quelques membres de l'Assemblée nationale ayant eu occasion de voir M. le maréchal Luckner le 17 juillet au soir, chez M. l'évêque de Paris, et lui ayant demandé s'il était vrai qu'on lui eût proposé, de la part de M. Lafayette, de marcher sur Paris avec son armée après l'événement du 20 juin, M. le maréchal Luckner a répondu en ces termes : Je ne nie pas. C'est M. Bureaux de Pusy, celui qui a été, je crois, trois fois président de l'Assemblée nationale. Je lui ai répondu : Monsieur, je ne mènerai jamais l'armée que je commande que contre les ennemis du dehors. Lafayette est le maitre de faire ce qu'il voudra, mais s'il marche sur Paris, moi je marcherai sur lui et je le dauberai. — M. Bureaux de Pusy me dit alors : Mais la vie du roi est en danger. — Voilà ce qu'il m'a dit et ils m'ont fait d'autres propositions qui sont bien plus horribles.

Telles sont les propres expressions de M. le maréchal Luckner, que nous avons entendues et que nous attestons.

J.-P. BRISSOT, GUADET, GENSONNÉ, F. LAMARQUE, LASOURCE, J.-F.-B. DELMAS.

(Orig., Archives nationales, C 147, n° 227.)

 

XXVI

Paris, 2 août 1792. — Le ministre de la guerre d'Abancourt à La Fayette.

 

Paris, le 2 août 1792, l'an IV de la liberté.

Je crois m'apercevoir, mon général, que mes lettres ministérielles, auxquelles je fais beaucoup d'attention, ont pu vous induire à penser que je n'étais pas disposé à seconder vos opérations avec le même zèle que mon prédécesseur. J'ai lieu de l'augurer par votre silence et par le dénuement où vous me laissez pour tout ce qui peut intéresser votre armée. J'ai dû vous écrire d'abord comme ministre, pour demander des relations qui, en cette qualité, me sont indispensables. Je vous les demande actuellement comme une suite de la confiance que je mérite par la conformité de principes et de sentiments avec ceux qui vous sont le plus attachés. Qu'ils soient mes garants auprès de vous, et j'espère qu'à cet égard vous ne vous apercevrez pas du changement du ministre. Quelle Liche j'ai prise ! Que d'obstacles à faire le bien ! A combien de faux jugements je m'expose envers ceux qui ne remontent jamais aux causes des effets qu'ils blâment. Vous n'êtes pas de ce nombre, mon général, et je ne craindrai jamais d'être jugé par vous. Cette idée allège le fardeau que j'ai d'abord fortement repoussé, mais il a fallu enfin se dévouer, quand j'ai vu que c'était un moyen de défendre la cause que nous défendons tous.

D'ABANCOURT.

(Orig. aut., Archives nationales. DXV2.)

 

XXVII

Nivelle, 26 août 1792. — Lettre de La Fayette à William Short.

 

Nivelle, 26 août 1792.

Mon cher ami,

Vous avez eu connaissance des événements atroces qui ont eu lieu, le 10 août, à Paris. La faction des Jacobins a renversé la Constitution, enchaîné l'Assemblée et le roi, l'une par la terreur, l'autre par la destitution et l'emprisonnement, et a donné le signal de la révolte et du pillage.

J'aurais pu trouver une position élevée dans le nouvel ordre de choses, sans même me mêler au complot ; mais mes sentiments ne peuvent admettre une telle idée. Je me suis opposé, tant que j'ai pu, à la tyrannie des Jacobins ; mais vous connaissez la faiblesse de nos honnêtes gens ; j'ai été abandonné ; l'armée a accueilli les clubs. Alors, rien ne m'a plus été possible que de quitter la France. Cependant, nous avons été arrêtés dans notre route et retenus par un détachement d'Autrichiens, ce qui est absolument contraire au droit des gens, ainsi que vous le verrez par la déclaration incluse, que je vous prie de publier. Vous m'obligerez grandement, mon cher ami, de partir pour Bruxelles, aussitôt que cette lettre vous parviendra, et d'insister pour me voir. Je suis citoyen américain, officier américain. Je ne suis plus au service de France. En me réclamant, vous êtes dans votre droit, et je ne doute pas de votre arrivée immédiate. Dieu vous bénisse !

LAFAYETTE.

(Impr. dans le Mémorial de Gouverneur Morris, t. Ier, p. 365.)

 

XXVIII

Magdebourg, 24 octobre 1793. — Lettre de La Fayette à la princesse d'Hénin.

 

Ce 24 octobre [1793].

J'ai reçu de vous, ma chère princesse, en date du mois de mai, deux lettres bien aimables et médiocrement prudentes ; mais l'amabilité est de vous et l'imprudence ne peut être attribuée qu'à votre correspondant, qui les a tout bonnement adressées au général commandant. Je les ai reçues tout ouvertes et privées de la feuille sur laquelle Lally avait écrit trois lignes. On me les a fait entrevoir et huit jours après on me les a laissées un instant pour songer à une réponse, parce qu'on redoute la liberté de mes impromptus. J'en ai profité pour lire les lignes rouges et, après avoir brillé une lettre, j'ai persuadé au commandant qu'il l'avait perdue et lui ai conseillé, pour ne pas avouer son étourderie, de ne point envoyer l'autre au ministère. Je vous ai répondu quelques mots insignifiants, mais j'ai envoyé par une voie secrète à M. Girtanner la prière d'être plus mystérieux, et je vous ai envoyé par lui une réponse plus étendue que celle qu'il va recevoir du commandant. Vous y trouverez, ma chère princesse — dans un style un peu déguisé, car l'essai de M. Girtanner m'a fait peur —, mes plus instantes sollicitations pour que vous abandonniez tout autre projet que les miens. Ils ont dû vous être communiqués par M. A...z [Archenholtz], mon généreux ami d'H...g [Hambourg], qui vous fera passer cette lettre, s'il est nécessaire, ou plutôt qui la montrera à quiconque serait de votre part auprès de lui. Ne croyez pas que les moyens étrangers puissent parvenir jusqu'à moi. Il m'a fallu organiser une machine extrêmement compliquée dont il tient un fil et dont l'autre est dans des mains... en un mot, ce n'est que par les efforts d'un dévouement inouï que le succès a été possible et, à présent, il est immanquable, si l'on a ce que M. A...z demande en mon nom. Vous sentez que pour un tel projet nécessairement compliqué. il y a, dans quelques détails d'exé- cution, des hommes et des choses à payer et en argent comptant, et, quoique mes deux amis s'en soient procuré, il en manque encore. Je ne puis m'exprimer plus clairement sans compromettre beaucoup de monde, mais j'attends de votre amitié, ma chère princesse. et de celle de quiconque peut agir de votre part, que tout ce que M. A...z demandera sera fait sur-le-champ, sans qu'aucun autre projet vienne croiser celui-là.

Je n'ai pas besoin de dire que, quelques liaisons que vos amis puissent avoir avec le ministère anglais, tout ce qui a rapport à moi doit être secret pour un gouvernement qui me déteste, et j'ajouterai que j'ai eu dernièrement des preuves très alarmantes pour mes amis de la haine des puissances coalisées, haine personnelle à moi, et dont aucune combinaison ne p eut vous faire douter.

Je me borne à ce peu de mots, ma chère princesse, et si par hasard ils vous parviennent — car j'ai lieu d'espérer qu'il ne sera pas nécessaire de les envoyer jusqu'à vous —, songez que tout délai ou toute imprudence refermerait l'ouverture de mon tombeau.

Adieu, ma chère princesse. Vous connaissez ma tendresse pour vous ; bientôt peut-être, je pourrai dater d'un lieu de sûreté les nouvelles expressions d'un sentiment qui ne finira qu'avec ma vie.

Je me flatte que vos deux lettres auront échappé aux conjectures qu'on doit en tirer, mais nous l'avons échappé belle.

(Orig. aut., collection de M. Etienne Charavay.)

 

XXIX

Philadelphie, 15 mai 1796. — Lettre de Washington à l'empereur d'Allemagne en faveur de La Fayette.

 

Philadelphie, 15 mai 1796.

Sire,

Votre Majesté comprendra sans doute qu'il est des circonstances politiques où le chef d'une nation est obligé de garder le silence sur des choses qui l'affectent sensiblement et qui, pourtant, réclament son intervention comme homme privé. Me trouvant dans une situation semblable aujourd'hui, je prends la liberté d'écrire, sous ce dernier caractère, cette lettre confidentielle à Votre Majesté, et je pense que les motifs qui me font agir m'excuseront d'eux-mêmes à ses yeux.

Comme tous les habitants de ce pays, je garde une profonde reconnaissance des services que M. le marquis de La Fayette nous a rendus, et mon amitié pour lui a toujours été constante et sincère ; il est donc naturel que je compatisse à ses douleurs, à celles de sa famille, et que je fasse tout ce qui peut dépendre de moi pour les adoucir. Bien qu'il ait souffert de grands maux, son emprisonnement actuel est peut-être un des plus cruels.

J'évite de m'étendre sur ce sujet délicat. Permettez-moi seulement de représenter à Votre Majesté que sa longue captivité, la confiscation de ses biens, l'indigence et la dispersion de sa famille, ainsi que les pénibles inquiétudes qui naissent de ces maux, le recommandent à la pitié de tous. Souffrez donc, Sire, qu'en cette occasion, je sois l'interprète du vœu général, et laissez-moi vous supplier de lui accorder la permission de venir dans ce pays, sous quelque condition ou restriction qu'il plaise à Votre Majesté d'imposer.

Comme j'ai toujours eu pour maxime de ne jamais demander ce qu'en pareille occasion je ne voudrais pas accorder, Votre Majesté me fera la justice de croire que cette requête me parait pouvoir se concilier avec les principes de magnanimité et de sagesse, qui sont les bases de la saine politique et de la gloire qui ne périt pas.

Puisse le tout puissant et miséricordieux souverain de l'Univers prendre Votre Majesté sous sa protection et sous sa garde !

(Publiée dans les Correspondance et écrits da Washington, mis en ordre par Guizot, t. IV, p. 39.)

 

XXX

Chavaniac, 25 thermidor an VIII (13 août 1800). — Lettre de La Fayette à Jean-Antoine Huguet.

 

Chavaniac, 25 thermidor.

Je suis touché jusqu'au fond du cœur, mon ancien collègue et fidèle ami, des sentiments que vous me conservez, et c'est avec la plus tendre reconnaissance que j'ai reçu votre bonne lettre du 4. J'ai tardé quelque temps à vous répondre, afin de mander l'époque où j'aurais le plaisir de vous voir ; mais les affaires de mon compagnon se prolongent, ma tante que j'avais eu le bonheur de trouver dans le meilleur état de santé est malade depuis quatre jours. La chaleur du temps, une indigestion et son âge avancé compliquent une indisposition qui me donnait avant-hier une vive inquiétude, mais que les médecins déclarent aujourd'hui n'avoir aucun danger. Il est probable que vers le milieu du mois prochain j'aurai la satisfaction de vous embrasser.

Mes souffrances personnelles ont été peu de chose, en comparaison du malheur affreux de voir notre cause dénaturée, notre patrie saccagée et ensanglantée, les noms les plus sacrés souillés, les citoyens les plus vertueux assassinés par cette bande d'animaux féroces, non moins vils qu'exécrables, auxquels la nation, héroïque au dehors, a été, dans l'intérieur, si lâchement soumise. J'ai perdu des parents, des amis, des camarades de liberté et de patriotisme, dont l'attachement pour moi fut le signal de leur mort. Vous savez combien mes pertes ont été nombreuses et regrettables. Ces blessures de mon cœur saigneront toujours ; elles sont adoucies, dans la retraite à laquelle je me suis voué, par le souvenir de ce que je fis pour indiquer nos dangers, pour les prévenir, pour y résister, et par la consolation que j'éprouve en retrouvant des amis tels que vous, constants et purs, qui méritèrent toujours d'étre immolés par la tyrannie et qui, heureusement, ont été conservés pour servir encore l'humanité et leur patrie.

J'ai été reçu avec beaucoup de bienveillance dans mon pays natal ; j'étais bien sûr que madame Huguet et vous partagiez cordialement le bonheur que ma tante et moi avons eu de nous revoir ; vous avez été, dans les temps les plus désespérés, si amicalement associés à tout ce qui m'intéressait, qu'il y aurait de ma part de l'ingratitude à ne pas compter d'avance, à chaque occasion, sur votre occupation de tout ce qui m'est cher.

Mille tendres et respectueuses amitiés à madame Huguet, l'estime et l'affection que je vous ai vouées répondent du plaisir que j'ai à vous remercier et à vous embrasser de tout mon cœur.

LAFAYETTE.

(Orig. aut., collection de M. Alfred Morrison, de Londres.)

 

XXXI

La Grange, 24 frimaire an XI (15 décembre 1802). — Fragment d'une lettre de La Fayette à Pichon, chargé d'affaires de la République française aux Etats-Unis.

 

Je sens la justesse de votre observation sur les différences que le temps et les événements ont dû apporter dans le pays qui m'adopta dès ma jeunesse et je pourrais dire dans la sienne. Cependant il est impossible que, voyant dans les affaires tous les hommes qui furent mes premiers amis et camarades de révolution, je ne m'en fasse pas une idée conforme à ce qu'ils étaient alors, et par exemple j'ai besoin de réflexion pour comprendre les divisions de l'esprit de parti entre ceux qui autrefois ne faisaient qu'un ensemble et avec moi. Ces impressions de jeunesse sont si fortes que tout ce que je lis et j'entends de favorable au projet de la Louisiane ne m'a pas détaché du vieux système qui fondait nos rapports avec les Etats-Unis sur la renonciation aux colonies continentales. C'est plus difficilement encore que je renoncerais aux pensées d'indépendance future pour toutes les portions de ce vaste continent que les fondateurs de la liberté américaine se sont complu, dans leur prévoyance, à destiner aux avantages de la souveraineté républicaine. Mais nous sommes loin de l'accomplissement de ces prophéties et, en attendant, il faut espérer que l'expédition de la Louisiane ne sera pas une occasion de refroidissement de la part des Etats-Unis, comme je suis persuadé, sans me départir de mon ancienne politique, qu'il n'y a eu dans le plan du gouvernement français aucun motif malveillant envers eux. Vous savez au reste que je suis loin d'avoir la moindre part à ses conseils ; je m'attache de plus en plus à ma retraite de La Grange et à la vie que j'y mène.

Les gazettes vous apprendront tout ce qui tient, en grand ou en petit, aux nouvelles institutions qui ont eu lieu depuis votre départ. Elles vous parleront aussi des arrangements de l'Empire germanique, dont on ne s'occupe guère que dans les cabinets de Bonaparte et de Talleyrand, tandis qu'en Allemagne c'est l'affaire de tous et de chacun. Ces discussions se terminent fort bien. Il y a en Angleterre une opinion de guerre factice qui existe dans les journaux, dans quelques comptoirs, et surtout dans les intrigues de l'ancien ministère, mais non dans le sentiment national, ni même parmi les ministres actuels, et moins encore dans l'ancienne opposition, qui mettra toute son énergie à prêcher la paix. Plusieurs membres de ce parti, et nommément M. Fox et le général Fitz-Patrick, ont passé quelque temps en France. Le plaisir de les recevoir à La Grange a été grand pour moi. L'arrivée de M. Otto à Paris et son départ annoncé dans les journaux d'ici à deux mois vous convaincront enfin, mon cher concitoyen, que ce n'est pas moi qui vais comme ambassadeur en Amérique ; et en vérité je ne suis qu'un peu plus confirmé dans les raisons que je vous ai données pour ne pas souhaiter d'y aller avec ce caractère, tout honorable qu'il soit...

(Orig. aut., communiqué par M. Noël Charavay.)

 

XXXI bis.

25 décembre 1807. — Acte de décès de Madame de La Fayette.

 

Du vingt-cinq décembre mil huit cent sept, à dix heures du matin, acte de décès de dame Marie-Adrienne-Françoise de Noailles, décédée hier à onze heures trois quarts du soir, rue d'Anjou, n° 24, division du Roule, âgée de quarante-huit ans, née à Paris, mariée à M. Marie-Joseph-Paul -Yves-Roch-Gilbert Dumottier de La Fayette, ancien général de division (ayant enfant). Constaté par moi, Frédéric-Pierre Lecordier, maire du premier arrondissement de Paris, faisant les fonctions d'officier de l'état civil, sur la déclaration à nous faite par Philippe-Nicolas Beauchet, chef de bureau à la liquidation, âgé de cinquante et un ans, rue de Bourgogne, n° 4, dixième arrondissement, et par M. Pierre-Julien Barrier, propriétaire, âgé de cinquante-quatre ans, susdite rue d'Anjou, n° 24. Lesquels ont signé avec nous, après lecture faite.

BEAUCHET, P.-J. BARRIER, COSTE, LECORDIER, officier public.

(Copie certifiée conforme d'après l'acte déposé aux Archives de la Seine.)

 

XXXII

La Grange, 6 novembre 1819. — Lettre de La Fayette au général Robert Wilson.

 

Lagrange, 6 novembre 1819.

Votre lettre a été longtemps à me parvenir, mon cher général ; je m'étais flatté du plaisir de vous recevoir ici ; ma famille partageait ce sentiment, mais quel qu'ait été notre désappointement, nous avons rendu hommage aux motifs patriotiques de votre retour en Angleterre. Il est bien pénible pour vous d'avoir été obligé de quitter une sœur chérie et grièvement malade. Cependant l'état de votre pays appelle impérieusement les patriotes investis de la confiance publique ; eux seuls peuvent, ce me semble, donner une direction utile à ce mouvement d'opinion, de résistance, et peut-être d'entreprise, qu'on regarde ici comme le résultat de l'état actuel de votre population, de plusieurs institutions, et de la disposition ministérielle. Aussi les vrais amis de la liberté et de l'ordre légal reconnaissent-ils avec plaisir, dans l'opposition populaire, des noms qu'ils ont l'habitude d'associer à ces idées. Le vôtre, mon cher général, est devenu cher, et en quelque sorte national en France, où plus d'un nom français a, comme vous savez, pris un caractère étranger. Il est bien sûr que, dans cette grande lutte des privilèges et des droits qui agite l'Amérique et l'Europe, les coalitions illibérales amèneront de plus en plus une confraternité d'intérêt entre les peuples éclairés. On reconnaîtra mutuellement que de même que le bien-être de chaque citoyen tourne au profit de la nation, le bien-être, la liberté, l'industrie de chaque nation sont pour toutes les autres un avantage positif. Cette vérité fera disparaître beaucoup de fantasmagories politiques, dont le principal objet est d'attraper pour les gouvernants, aux dépens des gouvernés, du pouvoir et de l'argent.

Notre Parlement français est au moment de se réunir. Les dernières élections ont, en général, été libérales. Vous connaissez si bien nos affaires, nos besoins, nos vœux, nos difficultés, que vous pourrez suivre de loin nos progrès constitutionnels ; mais j'aime mieux penser que vous profiterez des ajournements ou des moments de stagnation chez vous pour faire des voyages à Paris, et que j'aurai le plaisir de vous y renouveler, mon cher général, l'expression de mon reconnaissant et bien sincère attachement.

LAFAYETTE.

Sir Robert Wilson, membre du Parlement,

à Londres (Angleterre).

(Orig. aut., British Museum, Add. 30116, fol. 37.)

 

XXXIII

Meaux, 28 septembre 1828. — Lettre du commissaire de police de Meaux au sous-préfet sur le banquet du 27 septembre offert à La Fayette par ses électeurs.

 

28 septembre 1828.

Monsieur le sous-préfet,

M. L... est arrivé à Meaux, hier, à trois heures du soir, par le faubourg Cornillon. Seize jeunes gens à cheval, la plupart clercs de notaire et d'avoué, sont allés à sa rencontre jusqu'à Quincy et l'ont escorté jusqu'à la demeure de M. Ch. Petit, où il est descendu. Il a traversé la ville au pas, dans une voiture à deux chevaux, derrière laquelle on comptait trois personnes à pied, qui s'étaient jointes à la cavalcade. Pas la moindre acclamation, pas le moindre mouvement d'empressement ni même de curiosité. On aurait dit qu'on s'était donné le mot pour ne pas prendre part à l'ovation, car, dans une petite ville comme Meaux, seize personnes à cheval, réunies sur le même point, peuvent attirer l'attention d'une partie de la population. Quelques réflexions peu obligeantes ont même été faites à haute voix sur les guerriers d'un nouveau genre qui composaient l'escorte. On a dit qu'elle était formée de saute-ruisseaux, et cela n'a pas donné aux auteurs de cette remarque, qui, pour la plupart, ne connaissent point M. L..., une haute idée du personnage.

A six heures, on s'est rendu au dîner. M. L... était cette fois sans escorte ; il a traversé la ville sans qu'on s'en doutât. Peut-être dix personnes se trouvaient à sa descente de voiture ; il n'y avait pas le moindre empressement. Le diner a été fort bruyant à l'intérieur ; force toasts ont été portés ; un long discours a été prononcé par le député et les bravos et les applaudissements et les trépignements ont mis la salle en danger. J'étais sur le plateau et à peu près seul ; j'ai entendu 'si toutefois mes oreilles ne m'ont. pas trompé) répéter souvent le mot liberté. Je ne pourrais pas répondre si j'ai bien compris le sens d'une phrase, dans laquelle l'orateur aurait dit que le gouvernement n'avait pas eu le droit de dissoudre la garde nationale par une ordonnance, attendu qu'elle était établie par une loi de 91. Nous en saurons davantage sans doute, car les journaux nous feront connaître toutes ces belles choses. Le héros de la fête s'est retiré à dix heures ; il s'en est retourné comme il était venu et sans le moindre bruit. On avait dit que le peuple serait admis à circuler autour de la table à neuf heures et demie, mais personne ne s'est présenté.

Il parait qu'on a eu bien de la peine à composer une table de cent personnes ; à midi on ne se voyait pas plus de soixante à quatre-vingts ; on s'est empressé de faire courir une nouvelle liste de jeunes gens, clercs, etc., pour lesquels on a réduit la souscription de 20 francs à 10 francs ; par ce moyen, on a trouvé cent vingt personnes mangeantes.

Je n'ai pas besoin de vous dire, d'après ce qui précède, qu'il n'y a pas eu un lampion de brûlé.

Aujourd'hui, il a été voir l'école d'enseignement mutuel, il a été faire visite chez un assez grand nombre d'électeurs ; il a aussi reçu la visite de quelques individus retraités et décorés. Un déjeuner lui a été donné par son hôte, M. Ch. Petit ; enfin, sur les trois heures, il est parti pour retourner chez lui.

Je suis, etc.

LOGEROT.

(Copie certifiée conforme par le sous-préfet de l'arrondissement de Meaux, collection de M. Th. Lhuillier.)

 

XXXIV

La Grange, 3 mai 1833. — Lettre de La Fayette à la princesse Christine de Belgiojoso.

 

Lagrange, 3 mai 1833.

C'est en partant hier de Paris, chère amie, que j'ai reçu votre lettre de Blois, et je commence par vous dire que nous sommes tout à fait tranquilles sur notre pauvre petite Octavie Perier. Elle a été mourante et sans laisser d'espoir. Sa résurrection a été rapide, comme il arrive chez les enfants. Sa sœur cadette a pris d'elle une rougeole très douce et qui ne donne aucune inquiétude, même à sa mère dont nous apprendrons les couches au premier moment. George et sa femme arriveront à propos pour soigner l'accouchée et la convalescente. Leur voyage aura fait grand bien au cher ménage Adolphe. Voilà donc une grande amélioration de famille ; nous sommes loin d'en pouvoir dire autant en politique, à moins qu'on ne regarde le pessimisme comme un moyen de guérison.

Vous êtes une chevalière errante, ma chère amie, mais il paraît que vous n'êtes pas aussi susceptible d'illusions enchanteresses que votre prédécesseur. Il y a le même contraste qu'entre vos deux figures ; quand aurai-je le bonheur de revoir la vôtre, qui a tant de charmes pour votre vieux et paternel ami ? En attendant, je ne suis pas surpris que les bords de la Loire vous paraissent au-dessous de leur réputation. Cette rivière est belle, mais il est rare que l'eau y coule à pleins bords, et c'est une grande imperfection. On a dit que Tours était le paradis de la France ; je vais savoir si vous confirmez cet éloge. Si vous y êtes frappée d'une superbe journée d'été, chaude, pure et toute vivante, apprenez qu'aujourd'hui vous en auriez tout autant à La Grange. J'y ai mené hier Clémentine, qui jouit de ce beau jour et de l'air de la campagne. Il faudra l'y laisser demain avec Virginie et Octavie pour faire des attributions municipales et voir rejeter nos amendements.

Nous ne savons qu'à moitié la politique orientale. Nous avons dit aux Russes de s'en aller, et ils restent ; à Ibrahim pacha de s'arrêter, et il marche ; au sultan Mahmoud de se rassurer, et il a grand'peur ; à Mehemet Ali de se contenter, et il ne se contente point. Tout cela finira par s'arranger tant bien que mal et le Journal des Débats chantera victoire. En attendant, M. Pozzo di Borgo félicite le roi Louis-Philippe sur sa coopération à l'extinction d'un fléau qu'il ne nomme pas. mais dont le nom bien connu survivra à toutes les dynasties.

La jeunesse républicaine, les Sociétés populaires, les moins sages comme les plus raisonnables, se sont monté la tête contre les désordres et les émeutes, au grand regret du Gouvernement, qui ne sait plus comment effrayer les populations et les Chambres. Voilà pour comble de malheur le National qui dit que son républicanisme n'est pas celui de la Tribune, et que le royalisme du Courrier est fort républicain. On voulait avoir à Paris un grand bal très démocratique, mais où toutes les précautions d'ordre public avaient été prises, ce qui a décidé les autorités à le défendre, et les souscripteurs se sont soumis à l'injonction de la police, tout en l'accusant devant les tribunaux. On avait arrangé à Lyon un grand banquet de la presse ; défense de l'autorité et menace d'une fâcheuse collision. M. Carrel est revenu de son voyage, après avoir refusé le banquet de Marseille et sans s'arrêter à celui de Lyon. M. Garnier-Pagès a profité d'une indisposition pour ne pas s'y rendre. On conseille aux patriotes lyonnais d'y renoncer. Il est défendu à Lyon de chanter la Marseillaise que Louis-Philippe chantait si bien, ce qui ressemblerait à une jalousie de virtuose, et la Parisienne, où, grâce à la vérité publique d'un certain bis, le même nombre de couplets se retrouvait toujours. Mais quelques mouchards déguenillés chantent impunément des chansons de 93 que la population entend avec dégoût, et j'ai vu hier un homme distingué, membre de la Société des Droits de l'homme, et fort estimé dans son quartier, qui, l'autre jour, a été, ainsi qu'un de ses amis, assailli et presque tué par une bande d'assommeurs qui lui criaient : Voilà pour ta république. On s'occupe de cours gratuits pour les ouvriers : Dupont de l'Eure est président ; j'en suis membre ; M. Arago a voulu ouvrir le cours. Plusieurs membres de l'Institut devaient professer. Il nous fallait un amphithéâtre du Gouvernement, ou la location d'une salle de spectacle ou autres bâtiments de ce genre. Le ministre y met tous les obstacles qui dépendent de lui.

Nous allons pourtant avoir une loi d'instruction primaire, imparfaite sans doute, mais meilleure que les précédentes, une loi d'attributions municipales, où nous glisserons quelques amendements, car, si l'on profite du pessimisme gouvernemental, il ne faut pas y contribuer soi-même. Il y aura peut-être un renvoi par les pairs d'une administration départementale, bien mauvaise, mais où pointera néanmoins un petit bout de système électif, et — chose merveilleuse — on dit qu'il n'est pas impossible que la Chambre des pairs adopte cette fois la loi du divorce dont M. Bavoux vient de déposer la nouvelle proposition.

Nous allons bientôt discuter l'emprunt grec, dont j'ai dit à la tribune qu'il ferait les affaires de tout le monde, excepté celles de la France et de la Grèce, et le traité américain, qui passera, j'espère, à moins de bouleverser notre commerce et de sacrifier le grand intérêt de la liberté des mers essentiellement lié à l'union des deux marines. Mais on se donnera la satisfaction de faire croire que ma partialité américaine coûte à la France quelques millions de trop, et je prendrai mon parti sur cette intrigue, pourvu qu'elle ne compromette pas l'affaire principale des deux pays.

Il y a de meilleures nouvelles d'Oporto ; on espère une insurrection à Figueras. Il serait plaisant que, pendant que les trois cabinets français, anglais et espagnol, celui-ci sous l'influence russe, se sont mis à protocoliser, la révolution portugaise se fît toute seule, et que nous eussions à complimenter les deux justes milieux de Paris et de Londres sur l'introduction de la Charte, dont ils n'ont pas plus d'envie que les autres.

Adieu, ma chère Christine. Mes trois compagnes me chargent des plus tendres amitiés pour vous. Offrez les miennes à Bianchi et demandez-lui de fréquents bulletins, quand vous ne pourrez pas écrire. Je vous embrasse et vous bénis paternellement de toute mon aime.

LAFAYETTE.

A Madame la princesse de Belgiojoso,

poste restante, à Tours (Indre-et-Loire).

(Orig. aut., collection de M. Alfred Morrison, de Londres.)

 

XXXV

Paris, 20 mai 1834. — Acte de décès de La Fayette.

 

Du 20 mai 1834, à une heure du soir. Acte de décès de sieur Marie-Joseph-Paul-Roch-Yves-Gilbert Dumottier Lafayette, lieutenant général, membre de la Chambre des députés, âgé de soixante-seize ans passés, veuf de dame Marie-Adrienne-Françoise de Noailles, ledit défunt né à Chavagnac (Haute-Loire) et décédé à Paris, en son domicile, rue d'Anjou-Saint-Honoré, n° 6, ce jourd'hui, à quatre heures et demie du matin. Constaté par nous Charles Gabillot, chevalier de la Légion d'honneur, adjoint au maire du Ter arrondissement de Paris, faisant les fonctions d'officier d'état civil, sur la déclaration des sieurs Alexandre-César-Victor-Charles Destutt de Tracy, député, âgé de cinquante-deux ans, demeurant rue d'Anjou-Saint-Honoré, n° 38, Antoine-François Carbonel, maréchal de camp, âgé de cinquante-sept ans, demeurant rue d'Anjou-Saint-Honoré, n° 6, lesquels ont signé avec nous, après lecture faite.

V. TRACY, CARBONEL, GABILLOT.

 

XXXVI

Paris, 21 mai 1834. — Article d'Armand Carrel sur La Fayette.

 

L'affliction est profonde et morne. Les tristes circonstances au milieu desquelles s'achève cette destinée, qui semblait ne devoir s'éteindre qu'au sein des triomphes de la liberté, donneront à la douleur publique une teinte sinistre..... La France que nous voyons, est-ce bien cette France pour laquelle se dévoua, si jeune et tant de fois depuis, l'incomparable vieillard qui vient de succomber plein d'amour pour son pays ? Est-ce bien une terre de liberté que celle qui recevra le fondateur octogénaire de ces institutions, la gloire de l'hémisphère américain et le mécompte de notre ancien monde ? Quelles funérailles dignes de lui saurons-nous lui faire ?

On traînera des canons à son convoi, on mettra sur pied tout ce qu'il y a de soldats et de gardes nationaux dans Paris, on pavoisera de drapeaux tricolores le char magnifique qui portera la dépouille du noble fermier de La Grange. Des députations des deux Chambres suivront. Les équipages armoriés de la nouvelle Cour y seront peut-être envoyés par décence. Il sera permis de faire entendre quelque oraison semi-officielle, dans laquelle une douleur de commande et une admiration triviale hasarderont peut-être les mots de grand citoyen, de héros des deux inondes, d'illustre ami de la liberté ; mais la liberté ne sera pas du convoi : on la cherchera vainement dans cette pompe hypocrite où le gouvernement, ennemi de Lafayette, voudra sans doute renchérir sur la véritable et silencieuse douleur des citoyens. La liberté ne se chargera pas de mener ce deuil, comme ceux de Manuel et de Foy, pompes toutes populaires et non officielles, où le peuple parisien semblait venir puiser un renouvellement d'espérance et d'énergie en touchant le cercueil de ses héros.....

Mais il en sera de Lafayette comme de Napoléon, l'un le grand représentant de la Révolution sur les champs de bataille, l'autre la personnification du principe de liberté de 89. constitué au dedans et passé dans nos institutions. Lafayette et Napoléon, les deux plus grandes renommées françaises de ce siècle, ont trouvé la mort l'un et l'autre dans des jours où cette France, qu'ils avaient affranchie et glorifiée, pliait sous le poids des déconvenues et était forcée, par le malheur des temps, d'enfermer sa douleur en elle-même. Nous laisserons passer le deuil officiel de Lafayette comme la réintégration de la statue de Napoléon sur la colonne impériale. La France a d'autres pensées ; elle a des pompes plus dignes de ses héros et de ses grands citoyens. Quand elle pourra offrir à Napoléon des funérailles dignes de lui, peut-être elle ne s'interdira plus de rebâtir Huningue, et ses baïonnettes, souillées de sang français, auront conquis la réhabilitation du champ de bataille ; de même aussi, quand un témoignage de vénération et de gratitude nationale pourra être offert à la majestueuse et simple renommée de Lafayette, la tribune nationale n'aura pas retenti la veille de propositions sacrilèges, de menaces stupides et forcenées contre nos institutions les plus vitales ; Lyon n'aura peut-être pas été mis à feu et à sang un mois auparavant par les bombes de l'ordre public ; Paris n'aura pas vu la sainteté des asiles domestiques livrée aux essais homicides d'une soldatesque imberbe ; la nation n'aura pas à rougir d'elle-même en se posant en face des images de ceux qui l'ont défendue au dehors par la gloire et le génie, au dedans par l'intelligence, par la parole et par l'exemple de toutes les vertus civiques.

Il y a un mot qui court en ce moment les salons, les rues, tous les lieux publics, et qu'il faut consigner ici parce qu'il est profondément juste, c'est que le général Lafayette meurt mal à propos. Mal à propos, oui ; mais ce n'est pas pour lui, conséquent, inébranlable, pur dans sa foi, jusqu'à la dernière heure, c'est pour nous, insatiables, il y a quatre ans, de prétentions envahissantes et réformatrices ; aujourd'hui, abattus et couchés avec une résignation d'orientaux sous la main qui nous frappe et nous dévalise. Après ce qui s'est passé depuis quatre mois, on pourrait nous crier : Cachez-vous, Parisiens ! le convoi d'un honnête homme et d'un véritable ami de la liberté va passer !

(Le National du 21 mai 1834.)

 

XXXVII

Biographie de La Fayette au bas d'une image populaire coloriée.

 

Lafayette n'est plus !! Ce général, l'apôtre le plus pur et le plus zélé de la liberté, vient de terminer sa glorieuse carrière ; il a expiré le 20 mai 1834, vers cinq heures du matin, au milieu de sa nombreuse famille.

Né le 6 septembre 1757, il y a soixante ans que M. Lafayette est célèbre. A dix-huit ans, il eut la force de se soustraire à une cour brillante, aux charmes d'une union à peine formée, pour se rendre en Amérique. II prit une part utile à cette glorieuse guerre de laquelle date l'existence du Nouveau-Monde. Rentré en France, il y devint un des chefs de cette .noblesse libérale qui souhaitait une réforme politique. Ce but une fois atteint, Lafayette fit de courageux efforts pour arrêter la Révolution sur le penchant des abîmes. Après avoir échappé miraculeusement aux fureurs révolutionnaires, il ne fut pas à l'abri des vengeances de l'émigration ; mais, aussi ferme au dehors qu'il l'avait été au dedans, il persista noblement à professer sa même foi dans les cachots d'Olmütz : il y supporta une captivité, qui est un de ses plus beaux titres de gloire. De retour en France sous le consulat de Bonaparte, il rentra dans la vie privée, il s'éloigna de la Cour sous l'Empire et fut dans une ferme et constante opposition pendant les dernières années de la Restauration. En juillet 1830, les amis de la monarchie constitutionnelle le trouvèrent au milieu d'eux, et au moment où se décidaient les destinées de la France, il concourut au triomphe du système monarchique, et pendant les premiers orages de 1830, il prêta, comme général des gardes nationales de tout le royaume, son appui au maintien de l'ordre et des lois. La mort de cet illustre citoyen prive la France d'une grande illustration et fait un vide considérable dans les rangs déjà si éclaircis des premiers fondateurs de nos institutions. Ses obsèques se sont faites avec toute la pompe que commandait la mémoire du héros des deux mondes. Ses restes ont été déposés au cimetière de Picpus, auprès du tombeau de son épouse, et recouverts de terre rapportée de l'Amérique. L'invalide que nous faisons figurer au milieu des parents du général n'est point de la famille, mais les visites fréquentes qu'il faisait à M. Lafayette, dont il admirait toutes les actions, l'avaient fait considérer comme tel, puisqu'il était admis chez le général à Paris et jusqu'à La Grange, sa maison de campagne. La profonde vénération qu'il professait pour le grand citoyen était si connue et si grande qu'il avait reçu de ses camarades le surnom de Lafayette. Ses visites ne furent jamais intéressées ; et si le général fit quelque chose pour la famille de l'invalide, ce fut toujours à l'insu du vieux soldat. Quand Lafayette tomba malade, l'invalide redoubla ses visites. se tint constamment à même de savoir des nouvelles de l'objet de son culte ; et quand le héros eut rendu le dernier soupir, il demanda la permission de baiser les insignes du général, ce qu'il fit avec respect : puis il s'approcha du corps. prononça plusieurs fois le mot adieu, et disparut, malgré les instances qui lui furent faites, par les amis et les parents de l'illustre défunt, de suivre le cortège.

 

 

 



[1] Ce corps, créé le 10 février 1749, fut licencié le 4 août 1771. Il était commandé par un lieutenant général, qui avait sous ses ordres quatre maréchaux de camp commandant chacun une brigade de douze compagnies. Il y avait un colonel par deux compagnies.

[2] En tête on lit : Faire une feuille pour le roi, 24 septembre 1759.

[3] Cette lettre est la première que nous ayons de La Fayette. Elle est d'un style remarquable pour un enfant de quatorze ans, et c'est pourquoi il était nécessaire de la reproduire ici.

[4] Mlle de Chavaniac était la fille unique de Louise-Charlotte du Motier, dame de Chavaniac, sœur du père de la Fayette. Elle était née en 1756. Elle épousa le marquis d'Abos, et mourut en couches pendant le premier voyage de son cousin en Amérique.

[5] A l'occasion de son mariage, La Fayette fut invité à fournir ses titres de noblesse au généalogiste officiel, Chérin. Le 11 mars 1774, celui-ci reçut une lettre du duc de La Vrillière, réclamant lesdits titres, afin de les mettre sous les yeux de Sa Majesté. Chérin répondit au duc, le 12 mars, la lettre suivante (Bibl. nat., Fr. 31,640, fonds Chérin, t. 78) :

A Paris, ce 12 mars 1774.

Monseigneur,

M. le marquis de La Fayette, ne m'ayant point remis ses titres, croyant sa maison assez connue, j'ai l'honneur de vous envoyer copie d'une lettre écrite en 1762, à M. le duc d'Aumont, par M. de Beaujon, pour la présentation au roi, de feue Mme la marquise de La Fayette, sa mère. Je pense, Monseigneur, que cette lettre remplira vos intentions, puisqu'elle contient un témoignage avantageux et mérité de l'ancienneté de la maison de Motier, ainsi que de ses services, de ses grades et de ses alliances.

Je suis avec un très profond respect, Monseigneur, votre, etc.

[6] La note concerne les moyens d'aviser au manque d'argent, en établissant que les assignats seront reçus comme argent dans les ventes ecclésiastiques, et en décrétant les ventes des biens ecclésiastiques ruraux en Normandie, en Auvergne, en Poitou, dans la Beauce, et dans le Vexin français.

[7] Cette pièce figure dans le dossier avec la mention : anonyme, mais elle est incontestablement de la main de Condorcet.