ROME ET LA JUDÉE

AU TEMPS DE LA CHUTE DE NÉRON (ANS 66-72 APRÈS JÉSUS-CHRIST)

PREMIÈRE PARTIE. — LES PROPHÉTIES ET LEUR PREMIER ACCOMPLISSEMENT

CHAPITRE II. — LES PERSÉCUTIONS.

 

 

Avant même la chute de Néron, la scène s'ouvrait : le monde entrait dans l'époque prophétisée. Parmi les disciples qui avaient entendu les paroles du Christ, un grand nombre pouvait, au bout de trente années, en voir commencer l'accomplissement.

Les convulsions de la nature furent au nombre des premiers signes de la crise. Dans les sept dernières années de Néron, le sol, on peut le dire à la lettre, trembla de toutes parts. Dans les années 61 et 62 de l'ère vulgaire, des tremblements de terre ébranlèrent l'Asie, l'Achaïe, la Macédoine ; les villes d'Hiérapolis, de Laodicée, de Colosse, eurent particulièrement à en souffrir[1]. En 63, ils passèrent en Italie ; la campagne de Naples couvait déjà ces feux terribles qui, seize ans plus tard, amenèrent la première éruption historique du Vésuve. Ils se manifestaient par des secousses souterraines. Naples et Nucérie furent atteintes. Pompéi fut presque renversée, Herculanum en partie détruite : ce n'était encore que le prélude de leur ruine. La terreur fut universelle en Campanie ; des hommes devinrent fous d'épouvante[2]. Ainsi le sol paraissait partout s'ébranler, et les Chrétiens se rappelaient ces paroles du Sauveur : Alors la terre tremblera en divers lieux[3].

L'année 65 vit un autre genre de malheur. Cette année que Néron avait déjà souillée de tant de crimes[4], les dieux, dit Tacite, la voulurent marquer par des tempêtes et des maladies. La malheureuse Campanie fut affligée cette fois par des trombes de vent qui dévastaient les habitations, les arbustes, les récoltes. Ces intempéries arrivèrent jusqu'auprès de Rome ; et dans la ville même, sans aucune perturbation visible de l'atmosphère, une maladie pestilentielle dépeupla tous les rangs dé la société. Les maisons étaient pleines de corps morts, les rues de convois funèbres. Hommes et femmes, enfants et vieillards, esclaves et libres, périrent également. En un seul automne, le trésor de Vénus Libitine enregistra trente mille morts[5].

Avec le signe prophétisé des catastrophes naturelles se montrait le signe, également annoncé, des persécutions contre l'Église.

Avant toutes ces choses, avait-il été dit, ils se saisiront de vous, ils vous persécuteront, ils vous traîneront dans les synagogues et les prisons. Et, en effet, avant toutes ces choses et dès le début de la prédication chrétienne, les apôtres avaient été appelés devant la synagogue ; saint Étienne avait été lapidé, saint Jacques avait souffert le martyre, saint Pierre avait été mis deux fois en prison, saint Paul trois fois au moins avait vu des tentatives d'assassinat dirigés contre lui ; quarante hommes de Jérusalem avaient fait vœu de le tuer ; cinq fois les synagogues l'avaient fait battre de trente-neuf coups de verges ; une fois il avait été lapidé et laissé pour mort[6] ; la haine des juifs l'avait suivi de cité en cité[7] ; épiant ses démarches et dénonçant sa venue, soulevant contre lui la populace idolâtre. Non-seulement en Judée[8], mais hors de Judée, à Rome, en Asie, en Grèce, en Macédoine, dans le Pont, dans la Galatie, dans la Cappadoce[9], les églises chrétiennes, quelque pieuses qu'elles demeurassent envers les souvenirs et les traditions du judaïsme, trouvaient dans la synagogue une constante ennemie qui s'adressait également, pour satisfaire sa vengeance, à Moïse et à Jupiter, au Sanhédrin et au temple des idoles, aux anciens d'Israël et aux proconsuls de Rome, aux vieilles rancunes du mosaïsme et aux passions de l'idolâtrie, au fanatisme du peuple, à la légèreté du sexe[10], à la fierté du rang ; à la méfiance du despotisme[11], aux juges et au poignard, à César et à la révolte.

Les gentils, à leur tour, incités par les Juifs, avaient commencé à s'animer contre le christianisme ; des milliers d'hommes, qui vivaient du culte des idoles ou des vices que protégeait le culte des idoles, étaient les chefs nés de ces émeutes fanatiques des païens. Prêtres, devins, magiciens, astrologues, augures, aruspices, courtisanes, histrions, gladiateurs, artistes, marchands d'idoles, défendaient le culte des dieux comme leur domaine. A Philippes, des hommes qui exploitaient une prétendue prophétesse furent ceux qui soulevèrent contre Paul et Silas le peuple et les magistrats[12]. A Éphèse, ce fut un orfèvre, gagnant sa vie à fabriquer des statues de Diane, qui jeta ses ouvriers sur la place publique. troubla la ville, menaça les Chrétiens[13]. Ouate les païens n'attaquaient point par la violence, ils attaquaient par la calomnie : les chrétiens, traités de malfaiteurs, restaient sous le coup de toutes les aveugles rancunes de la populace[14]. Ainsi, dans toutes les villes, ou la perfidie juive ou la turbulence païenne, ou la calomnie ou l'émeute, les menaces, les coups, la prison[15], la tyrannie populaire avec toutes ses violences désignait le Chrétien à la haine plus paresseuse du pouvoir. Les églises faisaient partout l'apprentissage de la tribulation et de la patience, sinon du martyre[16].

Cela devait être. Le christianisme heurtait tous les préjugés. Par son culte, il choquait la religion du vulgaire ; par son esprit d'égalité, l'égoïsme des grands ; par sa morale, les passions de tous ; par son bon sens, les superstitions de tous ; par sa doctrine, les idées de tous ceux qui prétendaient avoir des idées. Il n'avait pas le peuple pour lui, le peuple à qui il ôtait ses rites, ses temples, ses fables, ses idoles, ses dieux. Le philosophe, de son côté, qui n'avait pas les préjugés du peuple ou qui du moins ne les avait pas tous, avait ses préjugés à lui ; choqué dans son esprit sensuel, s'il était épicurien ; dans son orgueil, s'il était stoïcien, il n'aimait point à s'entendre dire qu'il fallait qu'il devînt fou pour être sage. Cette doctrine qui venait anéantir la sagesse des sages et réprouver la science des savants, qui déclarait à tous les philosophes que, tout en se disant sages, ils étaient fous, que le monde n'avait pas eu la sagesse de connaître Dieu et qu'il fallait qu'il fût sauvé par la folie de la prédication[17] ; cette doctrine devait paraître aux philosophes d' une singulière outrecuidance. A leur tour les indifférents en matière de philosophie, et c'était le plus grand nombre, étaient repoussés par le sérieux du christianisme. Ceux qui ne pensaient pas trouvaient le christianisme trop méditatif ; ceux qui pensaient ou prétendaient penser quelque chose, habitués à la liberté sans limite de leur esprit et à ses pérégrinations sans fin à travers tous les systèmes, ne se faisaient pas à cette doctrine imposée, une, invariable, universelle. Enfin les puissants, les riches, les grands, les maîtres, les citoyens, les oppresseurs — et qui n'était pas l'oppresseur de quelqu'un ? —, ne se faisaient pas à cette doctrine plébéienne d'égalité qui mettait le barbare au niveau du Grec, le juif à la hauteur du Romain, l'esclave auprès du libre, l'étranger auprès du citoyen, la femme au même rang que l'homme. Ils ne pouvaient accepter le scandale et la folie de la croix, ce que Tertullien appelle les petitesses de Dieu et la honte nécessaire de la foi[18]. Ils ne se faisaient pas à 6tre endoctrinés par des Juifs et par des Juifs que les autres Juifs méprisaient, disciples et adorateurs d'un supplicié. Y avait-il parmi eux un seul philosophe, un seul homme de condition, un seul savant ? même un seul Juif honoré parmi les Juifs ? Ne se vantaient-ils pas de leur bassesse, et ne disaient-ils pas que Dieu avait choisi ce qui est méprisable et petit pour briser ce qui est grand et honoré[19] ? On gardait sa dignité et on ne voulait pas se mêler à leur misère.

Et surtout la morale du christianisme, que l'on proclame aujourd'hui si belle, même quand on ne la suit pas, était, comme elle est' toujours, le grand obstacle à son progrès, le grand reproche qu'on lui faisait au fond du cœur. Celui qui fait mal hait la lumière. Ces hommes durs, libertins et égoïstes ne pouvaient manquer de considérer comme le plus grand attentat à leur liberté la loi qui enseignait la chasteté et la charité. Cette loi était une ennemie et une usurpatrice, disons mieux — car un certain instinct avertit l'homme et lui fait sentir où est son maitre légitime —, une austère souveraine dont il fallait à tout prix secouer le joug. La contradiction se présentait donc partout. Ce que nous savons de cette secte, disent les Juifs à saint Paul, c'est qu'elle est partout contredite[20].

Du reste, cette haine, cause des persécutions, avait été prédite comme les persécutions elles-mêmes. Le maître avait été placé en signe de contradiction et le disciple, qui n'est pas plus grand que le maitre, devait s'attendre à être contredit comme lui. Si le monde vous hait, avait dit le Christ, sachez qu'il m'a haï le premier[21]. Cette haine devait être universelle. Vous serez haïs de tous à cause de mon nom. Et, bien peu d'années après, l'historien païen, cherchant dans son bon sens quel était le véritable crime des disciples de Jésus, ne rencontre que celui-ci, par lequel se trouve justifiée textuellement la prophétie de l'évangile qu'ils sont en haine au genre humain[22].

Néanmoins les pouvoirs publics n'avaient pas encore pris parti. Il y a plus : par respect pour l'ordre, par amour de la paix, le pouvoir romain avait parfois défendu contre l'irritation tumultueuse de ses ennemis le christianisme qu'il ne connaissait pas. La persécution était encore illégale. C'est contrairement à la loi romaine et à la paix de l'empire que la sédition pharisaïque avait arraché à Pilate la sentence du Calvaire : Tibère disgracia Pilate et voulut mettre le Sauveur au nombre de ses dieux. C'est encore par une violation flagrante de la loi romaine qui enlevait aux Juifs le droit de vie et de mort que saint Étienne avait été lapidé, que Saul était allé susciter la persécution à Damas il est probable que Rome intervint, puisque la persécution s'arrêta (37). C'est sous le règne d'Agrippa, et pendant une courte résurrection de la souveraineté judaïque, que saint Jacques avait péri et que saint Pierre avait été jeté dans les fers (44). C'est après la mort du procurateur Festus et avant l'arrivée de son successeur que le second saint Jacques avait été mis à mort par des séditieux (61), et le grand prêtre, auteur de sa mort, fut réprimandé par le magistrat de Rome. A Philippes, saint Paul maltraité invoque son titre de citoyen romain, et se fait faire des excuses par les magistrats (51)[23]. A Corinthe, le proconsul Gallion refuse de prononcer dans la querelle entre saint Paul et les Juifs : S'il s'agissait, dit-il, de quelque crime ou d'une mauvaise action quelconque, je vous écouterais volontiers ; mais, s'il est question du Verbe, et des noms (divins) et de votre loi, c'est votre affaire, je n'en veux pas être juge. Et il les chasse rudement de son tribunal[24] (53). A Éphèse, où un mouvement tumultueux se manifeste contre saint Paul parmi les Grecs, le magistrat de la ville l'apaise en faisant craindre l'intervention romaine : Votre assemblée est illégale, dit-il aux païens, vous risquez d'être accusés de sédition (54)[25]. A Jérusalem, Paul attaqué de nouveau invoque de nouveau son droit de cité et est protégé par l'intervention de la force romaine ; c'est le procurateur qui le fait enlever de nuit pour le soustraire au poignard des sicaires (58) : et tous les magistrats romains devant lesquels il comparait rendent au disciple le même hommage que Pilate avait rendu au Maitre : Les accusateurs n'ont produit contre lui aucun grief... il s'agit de questions relatives à leur superstition... J'ai jugé que cet homme n'a commis aucun crime digne de mort.... Cet homme n'a rien fait qui mérite la mort ou les fers. Cet homme eût pu être mis en liberté, s'il n'en eût appelé à César[26]. Néron lui-même, devant lequel saint Paul comparaît deux fois (60 et 66), deux fois prononce qu'il n'a mérité ni la mort ni les fers. Et Claude, lorsque les débats tumultueux des juifs de Rome, au sujet du Christ, ont fini par lasser sa patience, n'a rien prononcé contre la foi nouvelle ; il a expulsé de Rome tous les Juifs, baptisés ou non[27].

Tacite, si je ne me trompe, nous fournit un autre exemple de cette tolérance. Une femme de haute naissance, Pomponia Græcina, épouse de Plautius, qui était revenu de Bretagne avec les honneurs de l'ovation, fut à cette époque (en 57, sous Néron) accusée de superstition étrangère — c'est-à-dire, je pense, de christianisme[28] —. Elle fut remise au jugement de son mari. Celui-ci, selon l'ancienne coutume, réunit une assemblée de parents, prononça sur l'honneur et la vie de sa femme, et la déclara non coupable. Cette Pomponia vécut longtemps et dans une perpétuelle douleur ; car, depuis la mort de Julie, fille de Drusus, victime de la perfidie de Messaline, elle garda toujours la tristesse de son âme ; et le deuil de ses vêtements : témoignage de respect qui passe impuni sous le règne de Claude et qui depuis tourna à sa gloire[29].

La justice romaine admettait donc l'innocuité légale du christianisme ; l'épée romaine le protégeait au besoin contre les rancunes du Sanhédrin. Rien ne s'explique mieux que cette tolérance. Rome jusque-là n'était point systématiquement intolérante en fait de religion. Elle souffrait, elle respectait même le judaïsme. Elle laissait aux peuples vaincus tous leurs dieux. Le principe général de la liberté dee.as§emblées religieuses se trouve, même après, les persécutions contre les Chrétiens, dans les écrits des jurisconsultes[30]. De plus, Rome aimait l'ordre et la paix. Le christianisme libre et paisible, c'était l'ordre et la paix au plus haut degré. La persécution judaïque ou païenne, c'était le désordre et le tumulte ; témoins les scènes de Corinthe, d'Éphèse, de Jérusalem. A sa naissance comme aujourd'hui, dans les situations les plus hautes comme dans les plus basses, l'hostilité contre le christianisme a toujours eu un certain caractère d'insurrection et d'indiscipline. Néron, Henri VIII, Robespierre, faisant la guerre à l'Église chrétienne, n'ont été que des révoltés. Une pensée de révolte les a guidés ; les procédés de la révolte ont été à leur usage. L'Église n'est pas une étrangère qu'on a le droit d'écarter, c'est une souveraine que l'on ne combat pas sans être coupable de lèse-majesté ; la prédication chrétienne n'est pas une invasion qu'on repousse, c'est une royauté qu'on veut briser : pour la briser, on emploie la violence, le tumulte, le désordre ; au siècle d'aujourd'hui, les libelles ; au siècle d'alors, les émeutes.

Ainsi abrité au moins par l'indifférence du pouvoir, le christianisme tenait plus ou moins de place au monde ; mais il y vivait libre et au grand jour. On se croyait légalement en droit d'être chrétien et d'être apôtre. Malgré les persécutions séditieuses et les manœuvres clandestines des Juifs, malgré les agitations de la populace païenne, les apôtres du Christ agissaient non comme des conjurés, mais comme des prédicateurs, non comme des proscrits, mais comme des hommes libres. Le christianisme se développait ouvertement et publiquement. Il avait été prêché dès le premier jour à Jérusalem et devant des centaines de milliers d'hommes que la Providence avait amenés là 'tout exprès des extrémités du monde ; il l'avait été au bout. lie trois ans à Antioche, de neuf ans à Rome, .de seize ans à Cyrène[31], de dix-huit ans à Athènes, de dix-neuf ans à Corinthe, de vingt et un ans à Éphèse, où toute l'Asie, Juifs et gentils, entendit pendant deux ans la parole de saint Paul[32] ; il était arrivé mi bout de vingt-sept ans à Alexandrie, au sein de laquelle l'évangéliste saint Marc avait établi un grand nombre d'églises[33]. La foi chrétienne avait ainsi parcouru toutes les grandes cités de l'empire. Elle ne s'était cachée nulle part. Ce n'est pas dans le secret des maisons qu'elle avait enseigné le Dieu inconnu ; selon l'ordre du Maitre, ce qui lui avait été dit à l'oreille, elle l'avait prêché sur les toits. Les apôtres arrivaient dans une ville, ils entraient le jour du sabbat dans la synagogue juive, ils expliquaient les Écritures comme tout docteur avait droit de le faire[34] ; ils y parlaient quelquefois deux, trois, plusieurs sabbats de suite, pendant des mois entiers[35]. Quand on les avait repoussés de la synagogue, ils n'avaient pas craint d'aborder les lieux d'assemblées païennes, le Forum, l'Agora, la Basilique, le théâtre à Éphèse, l'aréopage à Athènes. Ils avaient prêché à la face des temples et des idoles le paradoxe du Dieu crucifié[36] Partout, et en public et dans les maisons, ils n'avaient rien refusé au monde de ce qui pouvait servir à lui annoncer la vérité[37].

Combien de temps cette liberté, cette tolérance pouvait-elle durer ? Eût-il été possible que le christianisme et l'empire romain vécussent longtemps à côté l'un de l'autre sans se faire la guerre ? Rome, avec son sens pratique des choses, était-elle appelée à comprendre que cette doctrine nouvelle n'ébranlait pas son empire ? que ces hommes purs, irréprochables, admirablement dévoués à toute espèce de bien, ne pouvaient être, quoi qu'on lui dît, des citoyens dangereux ; que la misérable religion des idoles, déjà honnie par tant de philosophes et secrètement méprisée par bien des politiques, ne valait pas la peine qu'on versât du sang pour la défendre ? N'y avait-il pas une certaine affinité entre l'esprit d'égalité et de modération chrétienne, d'un côté, et la monarchie démocratique, modérée, modeste, telle qu'Auguste l'avait conçue, et telle que Tibère et Néron n'en avaient pas tout à fait anéanti la tradition, cette monarchie qui n'était pas une royauté, qui ne déifiait personne, qui n'était que le pouvoir immense, mais modeste, d'un premier citoyen sur ses concitoyens ? Eût-on pu voir, est-ce une chose qu'il soit possible de rêver que Rome, par la tolérance du christianisme, devenant peu à peu chrétienne, et l'empire d'Auguste, sans avoir eu le temps de se dépraver par la persécution et la tyrannie, devenant insensiblement et sans lutte l'empire de Constantin ?

Ou, au contraire, l'opposition était-elle absolue, l'incompatibilité complète, l'antagonisme inconciliable ? L'immoralité de l'empire et du prince devait-elle nécessairement résister par la violence à la moralité de l'Église et ne se rendre qu'après avoir versé le sang ? La divinité des Césars, admise dans les mœurs, sinon dans les lois, était-elle faite pour ne plier jamais volontairement devant la divinité du Christ ? Cette tolérance romaine qui souffrait tous les dieux pouvait-elle souffrir longtemps le vrai Dieu ? Là où toutes les mythologies s'épanouissaient à l'aise, comme n'étant que des traductions d'une même idée, diverses à l'usage des diverses nations, était-il possible qu'une place demeurât pour la seule, la vraie, l'universelle, l'éternelle théologie ? Là où le judaïsme avait été toléré, mais toléré comme religion nationale, circonscrite par la force des choses dans la sphère d'un seul peuple, était-il possible que le judaïsme agrandi, élargi, dégagé de son enveloppe et de ses observances nationales, ayant pour son centre Rome au lieu de Jérusalem, pour son domaine le monde au lieu de la Judée, que le judaïsme ainsi réformé et propre à devenir la religion du genre humain, fût longtemps toléré par le pouvoir qui avait la prétention d'être le seul chef du genre humain ?

C'est, du reste, ce que pensait la multitude juive et païenne qui poussait à la persécution, soutenant que le Christ et César, l'Église et Rome, ne pouvaient vivre ensemble. Si, tu renvoies cet homme, disaient les Juifs à Pilate, tu n'es pas ami de César. — Nous sommes Romains, disent les habitants de Philippes en face de saint Paul, ceux-là sont Juifs, et veulent nous enseigner une coutume qu'il ne nous est permis ni d'accepter ni de pratiquer[38]. Ces hommes, troublent notre ville, crie-t-on à Thessalonique ; ils agissent contre les décrets de César, ils proclament un autre roi, Jésus[39]. Et, en tout cas, quand même le pouvoir n'eût pas été :persuadé par ces clameurs, n'eût-il pas été effrayé, par ces menaces ? Quand il n'eût pas été poussé à la persécution par ses principes ou ses intérêts, était-il en lui de résister longtemps aux provocations insidieuses des juifs, au fanatisme, de la populace païenne, aux. incitations des prêtres, aux dénonciations des philosophes ? Était-il en lui d'être en face de la multitude agitée et menaçante4.plus ferme que Pilate, et de faire longtemps pour l'Église, de la politique une sûre défense, de la loi un abri durable ?

Quoi :qu'il en soit de ces questions hypothétiques, nous savons à quelle époque et de quelle manière le pouvoir romain sortit de son impartialité ou de son indifférence. Il est clair que ce ne fut pas une déraison de la politique ; ce fut un expédient de la peur. L'acte de Néron fut comme l'acte de Pilate, une concession lâche et intéressée aux passions populaires.

A cette époque, la communauté chrétienne était nombreuse à Rome (multitudo ingens, dit Tacite)[40]. Il y avait des Chrétiens dans les grandes maisons de Rome, témoin Pomponia Græcina ; il y en avait dans le palais de César[41]. Le peuple les connaissait, il les distinguait des Juifs, il les appelait par leur nom de Chrétiens (vulgus Christianos vocat) ; il les détestait à cause de leur isolement ; à cause de leur association, à cause de leur unité, à cause de leurs vertus ; et, parce qu'il les détestait, il inventait contre eux mille accusations infâmes et calomnieuses, qui les lui faisait détester plus encore (propter flagitia invisos)[42].

Aussi, lorsque vint le moment où l'incendie de Rome menaça Néron d'une dangereuse impopularité, celui-ci fut-il heureux de pouvoir détourner la colère du peuple sur ces hommes que le peuple détestait. Les empereurs, en général, avaient une grande crainte de leur peuple ; ce pouvoir, si insolent et si despotique, reculait facilement devant les multitudes. Néron, de plus, qui montait sur le théâtre et s'enivrait d'applaudissements, Néron, histrion perpétuel, avait besoin du peuple presque autant cita en avait peur. Sa récente impopularité lui pesait ; il fut heureux de trouver un bouc émissaire sur lequel il pût la jeter. Il déclara les Chrétiens coupables de l'incendie et porta le premier un arrêt de proscription contre le christianisme.

Ce jour-là donc le pouvoir sortit de cette neutralité tolérante ou au moins indifférente qu'avaient pratiquée Tibère et Claude. La rancune des Juifs, la colère du peuple païen, la jalousie des prêtres, le dédain des philosophes, l'inquiétude des heureux du siècle, eurent satisfaction. Le pouvoir fit du christianisme, libre et vivant publiquement jusque-là, une religion illégale et latente. Il ne vous est pas permis d'être, dit-on désormais aux Chrétiens[43]. Néron donna aux haines populaires une sanction légale ; soit, comme le disent les Pères de l'Église, par un édit formel, soit par l'exemple donné au Vatican, il fonda le droit public de la persécution ; il la fit entrer dans la législation de l'Empire comme un principe constitutionnel, et ce principe, sévèrement gardé par le fanatisme des multitudes, devint sacré pour les empereurs. Sous les princes les plus modérés et les plus sages, il y eut des trêves plutôt que la paix ; la persécution fut suspendue, jamais abolie ; le christianisme amnistié, non autorisé. C'est ainsi qu'en un jour d'embarras, sans délibération sérieuse, sans une vue plus haute, Néron commença ce duel de trois siècles entre l'Empire païen et l'Église, où l'Empire devait périr à force de tuer, l'Église triompher à force de souffrir[44].

Tacite en est ici notre témoin, qui ne saurait être trop souvent cité :

Pour faire cesser les murmures, Néron mit en avant des accusés et soumit aux tourments les plus recherchés des hommes détestés pour leurs crimes et que le peuple appelait du nom de Chrétiens. Ce nom leur vient de Christ, qui, sous l'empire de l'ibère, avait été mis à mort par le procurateur Pontius Pilatus. Un moment contenue, cette pernicieuse superstition débordait de nouveau, non-seulement dans la Judée, d'où le mal était venu, mais à Rome même, où se réunissent et se perpétuent tous les crimes et toutes les turpitudes. On saisit d'abord ceux qui avouaient, puis, sur leurs indices, une immense multitude, convaincue beaucoup moins du crime d'incendie que de la haine que leur portait le genre humain. Et il y eut une sorte de dérision dans leur supplice : on les couvrit de peaux de bêtes pour qu'ils fussent dévorés par des chiens ; on les attacha à des croix ; on les fit périr par le feu, et, à la chute du jour, ils servirent de nocturnes flambeaux. Néron avait offert ses jardins pour ce spectacle — les jardins du Vatican où s'élève aujourd'hui Saint-Pierre —, et, comme il donnait en ce moment les jeux du cirque[45], on le vit, vêtu en cocher, se mêler au peuple en conduisant son char. Aussi, bien qu'il s'agit de criminels dignes des derniers supplices, un mouvement de pitié s'élevait dans le peuple, et il semblait qu'ils fussent immolés comme victimes non au bien public, mais au caprice barbare d'un seul homme.

Dans les annales des premiers Césars, si fécondes en sanglantes tragédies, rien de pareil ne se rencontre avant cette époque. Il y avait eu d'abominables proscriptions politiques, des actes aveugles de vengeance et de peur ; quelquefois, mais plus rarement, des tortures cruelles ajoutées au meurtre ; presque jamais des exécutions en masse. La justice impériale aimait à procéder sans bruit ; elle préférait le suicide à l'exécution, le meurtre dans un cabinet au supplice sur la place publique. On avait bien vu, sous Tibère, vingt exécutions le même jour. On avait bien vu, peu d'années auparavant, quatre cents esclaves, suspects d'avoir tué ou laissé tuer leur maître, conduits ensemble au supplice ; et la pensée d'un tel massacre avait ému de pitié et poussé presque à la révolte le peuple romain. Mais, même après ces exemples, c'était un spectacle nouveau qui, ce jour-là, excitait une fois de plus la stérile compassion du peuple de Rome. Non-seulement le nombre des suppliciés était extraordinaire ; mais ce luxe de tortures infligées à un aussi grand nombre d'hommes, cette solennité de châtiment et cet étalage de la cruauté, cette ironie ajoutée aux tourments, cet air de fête donné au supplice, ces hommes transformés en bêtes fauves pour la chasse, en flambeaux pour l'illumination de la nuit, tout cela était quelque chose d'inouï, même pour le peuple qui avait vécu sous Tibère, sous Caligula, sous Messaline, sous Agrippine et sous Néron. Il ne s'agissait pas seulement de calmer la colère du peuple en rendant plus éclatante et plus cruelle la punition des prétendus incendiaires ; mais, en face d'un ennemi nouveau, le pouvoir sentait le besoin d'armes nouvelles, en face d'une résistance inouïe comme celle de la conscience, il cherchait des supplices inouïs ; il tourmentait d'autant plus les corps, qu'il avait affaire aux âmes, et que les âmes lui échappaient. Contre un rival qui lui disputait le monde, il voulait une plus solennelle vengeance pour effrayer le monde.

Il resta de cette sanglante fête un profond souvenir. Environ trente ans après, les poêles idolâtres, rappelant le règne de Néron et de ses favoris, peignaient cette tunique douloureuse[46], faite de résine, de cire et de papyrus, dans laquelle Néron, en son jour de fête, enfermait les hommes coupables de sacrilège — accusation vulgaire contre les Chrétiens —, ce pal qui traverse le gosier et vient placer sa pointe sous leur menton, leur gorge d'où la fumée s'exhale, leurs membres qui flamboient, et le long sillon de sang qui bouillonne à travers l'arène. Un autre homme, sinon témoin oculaire de ces atrocités, contemporain du moins et parfaitement instruit ; Sénèque, qui à cette époque tombait déjà dans la disgrâce de Néron ; qui, peu après l'incendie et les cruautés qui le suivirent, commença à s'éloigner de la cour et prévit sa fin prochaine, Sénèque semble plus d'une fois avoir écrit sous l'empire de ce dernier et abominable souvenir des jardins du Vatican[47].

Ce jour-là donc, les martyrologes de l'Église, ouverts dès le lendemain du Calvaire, et dans lesquels étaient déjà écrits les noms d'Étienne, des deux Jacques, de bien d'autres sans doute, se couvrirent en abondance d'une glorieuse liste qui, commencée en ce premier siècle, aujourd'hui même, au dix-neuvième siècle de l'Église, s'enrichit chaque jour de quelque nom nouveau. De Rome, la persécution parait s'être particulièrement répandue en Italie. Milan fut riche en martyrs. Nazaire, qui y était venu de Rome en prêchant la foi, y périt avec le jeune Celse, qu'il emmenait avec lui pour le préserver de la corruption du siècle[48]. Gervais et Protais, son frère, les auraient, à ce qu'il semble, suivis de près[49]. Leur père Vital, leur mère Valérie, souffrirent aussi le martyre. Vital, témoin à Ravenne du supplice du chrétien Ursin, vit ce confesseur faiblir : il l'exhorta à haute voix et mérita de prendre place à côté de lui[50]. A Pise, le nom de Paulin et de Torpès[51] ; à Aquilée, ceux d'Hermagoras et de Fortunat[52] ; à Taormine, celui de Pancrace[53], inscrits dans les fastes de l'Église, sont attribués à cette première et glorieuse moisson que l'Italie et la Sicile envoyèrent au ciel.

La persécution ne tarda probablement pas à gagner les provinces. Vers ce temps, à Icone, la vierge Thècle, la première martyre de son sexe, comme saint Étienne avait été le premier martyr du sien, passa par le triple supplice du feu, des lions, de la nudité, toujours protégée par la grâce de Dieu, et les lions se couchèrent à ses pieds, n'osant offenser ni sa beauté par une blessure, ni même sa pureté par un regard[54]. En Égypte, l'évangéliste saint Marc, premier évêque d'Alexandrie, fut traîné pendant deux journées attaché à une corde, couvrant le sol de son sang et de sa .chair, mais consolé durant la nuit par des visions célestes[55]. En Espagne, une inscription rend grâce à Néron qui avait purgé la province des brigands et de ceux qui propageaient une superstition nouvelle.

Les Chrétiens voyaient donc s'accomplir les prédictions du Sauveur, et elles ne cessèrent de s'accomplir pendant trois siècles. La persécution suscitée dans les synagogues contre ceux d'entre eux qui étaient nés juifs, leur expulsion, leur flagellation, la poursuite exercée contre eux de cités en cités, c'avait été là le signe qui devait précéder tous les autres. Maintenant tous les Chrétiens, quelle que fut leur origine, entraient dans la lice. Pendant trois siècles ils allaient comparaître dans les assemblées des juges, témoigner devant les magistrats et les rois. Le frère allait livrer son frère à la mort ; les enfants effilent s'élever contre leurs père et mère et les faire mourir. Beaucoup, avait-il été dit, seront scandalisés, et la charité de plusieurs se refroidira. S'il y eut, en effet, des confesseurs et des martyrs, il y eut des traîtres et des apostats. S'il y eut des Gamaliel pour abriter et défendre les témoins de la foi, des Joseph d'Arimathie pour ensevelir les restes des martyrs, il y eût des Judas pour les trahir, et des apostats pour renier le Christ, comme Pierre, sans se repentir comme lui.

Mais le signe, des persécutions ne devait pas être le seul parmi les signes précurseurs de l'orage.

 

 

 



[1] Senec., Quæst. nat., VI, 1. — Tacite, Annal., XIV, 27. — Euseb., Chron.

[2] Tacite, Annal., XV, 22. — Senec., ibid.

[3] Luc, XXI, 11.

[4] Tot facinoribus fœdum annum.

[5] Tacite, Annal., XVI, 13. — Suet., in Ner., 39.

[6] A Damas, Act., IX, 25-24. — En Grèce, ibid., XX, 3. — A Jérusalem, XXIII, 12 et suiv. — Periculis ex genere, II Cor., XI, 26 ; I Cor., XI, 24. — Act., XIV, 18.

[7] Act., XIV, 18. — XVII, 13. : Vous avez envoyé des hommes choisis de Jérusalem par toute la terre pour dénoncer l'hérésie des Chrétiens et répandre des calomnies contre nous, dit saint Justin aux Juifs. Dial. cum Tryphone, 17.

[8] Hebr., X, 32-34. — Jac., I, 1. — II, 16.

[9] Voir les citations indiquées plus haut, et de plus, pour le Pont, la Cappadoce, la Bithynie, etc., etc. ; I Petr., IV, 12-16. — Pour les Galates, Gal., II, 4. — IV, 25. — V, 11.

[10] Act., XIII, 50. — XIV, 2. — XVII, 5-60.

[11] Act., XVII, 6-7. — XVIII, 12 et suiv.

[12] Act., XVI, 16 et suiv.

[13] Act., XIX, 24 et suiv.

[14] Detrectant de vobis tanquam de malefactoribus, I Petr., II, 12... Qui calumniantes vestram bonam in Christo conversationem, III, 16.

[15] In plagis, in carceribus, II Cor., VI, 5.

[16] Voir, indépendamment des citations précédentes, pour l'Église de Thessalonique, Act., XVII, 4 et s. ; I Thess., II, 14 ; II Thess., I, 4. — Pour celles de Macédoine, II Cor., VII, 5 ; VIII, 2. — Pour celle d'Éphèse, I Cor., XV, 30-32. — Pour celle de Corinthe, Actes, XVIII ; II Cor., VI, 4-5. — Pour celle de Jérusalem, Act., V, 17, VI et VII, VIII, XXI-XXIV ; Hebr., x, 32-34 ; Jac., I, 11, 6. — Pour celles d'Asie, I Petr., IV, 12-16. — De Galatie, Galat., II, 4.

[17] Si quis videtur inter vos sapiens esse in seculo, stultus fiat ut sit sapiens, I Cor., III, 18. — Scriptum est enim : Perdam sapientiam sapientium ; et prudentiam prudentium reprobabo, I Cor., I, 19. — Dicentes enim se esse sapientes, stulti facti sunt. Rom., I, 22. — Nam quia in Dei sapientia non cognovit mundus per sapientiam Deum : placuit Deo per stultitiam prædicationis salvos facere credentes. I Cor., I, 21.

[18] Christum crucifixum : Judæis quidem scandalum, gentibus autem stultitiam. Ibid., I, 23. — Pusillanimitates Dei, Tertul., adv. Marcion, II, 27. — Necessarium dedecus fidei. id., De carne Christi, 5.

[19] Ubi sapiens ? Ubi scriba ? Ubi conquisitor hujus sæculi ?... Non multi sapientes secundim carnem, non multi potentes, non mufti nobiles. I Cor., I, 20, 26.

[20] Act., XXVIII, 22.

[21] Joan., XV, 18.

[22] Odio eritis omnibus propter nomen meum. Matth., XIII, 13, — Odium generis humani. Tacite, Annal., XV, 43. Une secte convaincue de haïr le genre humain ou de lui être odieuse, dit Bossuet traduisant Tacite, Hist. univ., II, 26. Bossuet admet ici les deux sens ; le dernier me parait plus antique et au moins tout aussi latin.

[23] Act., XVI, 35-39.

[24] Act., XVIII, 12-17.

[25] Act., XIX, 39-40.

[26] Act., XXII, 25-50. — XXIII, 10-35. — XXV, 18, 19-25. — XXVI, 31-32. Je donne les dates qui précèdent d'après la chronologie ordinaire. Le docteur Sepp, qui, par des raisons très-dignes de considération, fixe en l'an 29 de l'ère vulgaire la mort du Sauveur, les avance toutes de quelques années.

[27] En l'an 49 (selon Orose). Judæos, impulsore Chresto, assidue tumultuantes Roma expulsit. Suet., In Claudio, 25. — Mais selon Dion : Comme les Juifs étaient trop nombreux à Rome pour pouvoir en être expulsés sans désordre, il ne voulut pas les exiler, mais interdit leurs assemblées, et obligea ainsi de partir ceux qui voulurent continuer de vivre selon leur loi. Dion, LX. — C'est par suite de cet ordre que Priscille et Aquila quittèrent Rome. Act., XVIII, 2. — Ils étaient de retour en 58. Rom., XVI, 5. — Voir Orose, VII, 6.

[28] Sur le christianisme au moins très-probable de Pomponia Græcina voir : Juste-Lipse, Ernesti, Brottier, Tillemont, Hist. des Emper., t. I, p. 265 ; Baron., Annal. ad an. 59, g, 23, et surtout la Dissertation de M. l'abbé Greppo sur les Chrétiens de la maison de Néron, ch. VIII ; dans ses Mémoires relatifs à l'histoire ecclésiastique des premiers siècles. (Paris. Debécourt, 1840). Pomponia Græcina survécut à la persécution de Néron et vécut jusqu'en 83, sous Domitien.

[29] Tacite, Annal., XIII, 32.

[30] Religionis causa coïre non prohibentur..., Dig. (XLVII, 22).

[31] La prédication de saint Marc dans la Cyrénaïque ou la Pentapole en l'an 49, selon Eutyque ; la chronique de saint Jérôme la met en l'an 40, celle d'Eusèbe en 43.

[32] Act., XIX, 10.

[33] Eusèbe, II, 16. — La prédication de saint Marc à Alexandrie daterait de la septième année de Néron (octobre 60 à octobre 61). Chronic. orient.

[34] Saint Paul à Salamine, Act., XIII, 5. — A Icone, XIV, 4. — A Philippes, XVI, 13. — A Éphèse, XVIII, 19. — Apollon à Éphèse, XVIII, 22.

[35] Saint Paul à Antioche de Pisidie prêcha deux samedis de suite, Act., XIII, 14, 42, 44 ; — trois à Thessalonique, XVII, 1, 2 ; — pendant plusieurs semaines à Corinthe, XVIII, 4 ; — à Éphèse, trois mois, XIX, 8.

[36] Ainsi à Lystres, Act., XIV, 7 et suiv. — A Athènes, XVII, 17.

[37] Quomodo nihil subtraxerim utilium, quominus annuntiarem vobis, et docerem vos publice, et per domos, dit saint Paul aux anciens d'Éphèse, Act., XX, 20.

[38] Act., XVI, 20-21.

[39] Act., XVII, 6-7.

[40] Annal., XV, 45.

[41] III Phil., IV, 22.

[42] Genus hominum superstitionis nova et maleficæ. Sueton., in Neron, 16. — Exitiabilis superstitio... Odio generis humani.... sontes et novissima exempla meritos. Tacite, loc. cit.

[43] Non licet esse vos.

[44] Hoc initio in Christianos sæviri cœptum. Post etiam datis legibus religio vetabatur palamque edictis propositis christianum esse non licebat. Sulpit. Sev., Hist. sac., II, 41. — Selon saint Meliton, évêque de Sardes, au temps de Marc-Aurèle, Néron et Domitien, seuls parmi les empereurs, ont prétendu vouer le christianisme à la persécution et au mépris, et de leur tentative insensée sont venues les accusations populaires contre les Chrétiens. Apud Euseb., IV, 25. — Nero... primus omnium persecutus est Dei servos. Lactance, De morte persecut., 2. — Leges istæ quas Trajanus ex parte frustratus est... quas nullus Hadrianus... nullus Vespasianus... nullus Pius,... nullus Verus impressit. Tertull., apolog., 5.

[45] Probablement dans les jeux qui avaient lieu du 27 au 30 juillet. L'incendie avait duré du 19 au 25. La résolution de Néron aurait été ainsi immédiate.

[46] Tunica præsente molesta. Martial, X, et surtout Juvénal et son scoliaste, I, 155 ; VIII, 235.

[47] La puissance des tyrans, dit-il, marche ayant auprès d'elle le fer et le feu, les chaines des bêtes féroces qu'elle est prête à lancer sur des entrailles humaines. Songe ici à la prison, aux croix, aux chevalets, aux crocs de fer, au pal qui traverse le corps de l'homme et ressort par sa bouche, aux chars qui en s'éloignant déchirent en morceaux les membres écartelés, à cette tunique tissue et frottée de matières inflammables, à toutes les autres inventions de la cruauté. Ep. 14.

Rappelle-toi celui... qui ne cessa pas de rire, pendant que les tortureurs, irrités par sa sérénité même, essayaient contre lui tous les supplices... Quelque chose que tu souffres..., plus cruelle est la flamme approchée de nos membres, le chevalet, les lames de fer et le glaive qui, frappant sur des plaies déjà ouvertes, les rend plus vives et plus profondes. Il y a pourtant quelqu'un qui a souffert tout cela et n'a pas poussé un gémissement ; c'est trop peu dire, il n'a pas demandé de répit ; c'est trop peu dire, il n'a pas même répondu à ses bourreaux ; c'est trop peu dire encore, il a ri et de bon cœur. Ep. 78.

Quoi donc ! si le fer est suspendu sur le cou d'un homme courageux ; si un ouvre tantôt telle partie, tantôt telle autre de son corps ; s'il peut voir de ses yeux ses propres entrailles ; si, pas intervalles, afin de mieux lui faire sentir la torture, on rouvre ses plaies à demi-fermées pour en faire sortir un sang nouveau :... il souffre sans doute ; nulle vertu humaine ne peut nous épargner la douleur. Mais il est sans crainte ; il contemple de haut ses propres souffrances. Ep. 15.

Cette pensée (de l'immortalité de l'âme) efface de nos âmes tout ce qui est sordide, tout ce qui est bas, tout ce qui est cruel ; elle nous enseigne que les dieux sont témoins de toutes nos actions, qu'il faut mériter leur approbation, nous préparer à l'avenir qu'ils nous destinent, nous proposer pour but l'éternité. A celui dont l'esprit a conçu l'éternité, nulle armée, nul fracas guerrier, nulle menace ne peut inspirer d'épouvante. Que peut-il craindre, celui pour qui la mort est une espérance ? Ep. 102. (Quidni non timeat qui mori sperat ?)

[48] Paulin., in vit. Ambros. — Ennod., carmen., 18. — Ambros., serm., 14. — Gaudent. serm., 17. — Paulin., carm., 24. — Ep. 12. — Surius, in 12 sept. Martyrol. romanum 10 mai et 28 juillet. — Tillemont, Hist. Ecclés., t. II, p. 93.

[49] Ambros., Ep. 53, 54. — Augustin., De civitate Dei, XXII, 8 ; Confess., IX, 7, de cura pro mortuis. — Menæ Græcor., 14 octob. — Martyrol. roman., 19 juin. — Tillemont, II, p. 85.

[50] Martyr. rom. et Bolland., ad 31 jan. et 28 april. — Fortunat., I, 1, carmen 2.

[51] Mart. rom., 12 juil. — Ughelius, 17 mai. — Italia sacra, t. I, p. 841.

[52] Fortunat, in vita martyr., 4.— Martyrol. de saint Jérôme.— Bolland., 28 apr. — Martyrol. roman., 12 jul.

[53] Martyr. rom., 3 april.

[54] Tertull., De bapt., 17. — Method. in convivio virg. — Augustin., in Faust., XXX, 4, virg., 44. — Ambros., De virginit., II. — Greg. Nyss., in cantic. Hom., 14. — Chrysost., Hom., 72. — Greg. Nazianz., Carmen, 4 ; Orat., XVIII, 18. — Theodoret, De vita Patrum, 29. — Euseb., De Pal., 3. — Sulpic. Sever., Dialog., 11, 14. — Basil Seleuc. in vit. Theclæ. — Hieronym., Vir. illust., 7, Ep. 22. — Tillemont, t. II, p. 65.

[55] Martyr. rom., Rolland., et Bed. 25 april. — Martyrol. de saint Jérôme, 23 sept. — Le martyre de saint Marc est de l'an 68.