FRANÇOIS DE LORRAINE

 

CHAPITRE DOUZIÈME.

 

 

Le cardinal de Lorraine au concile de Trente. — Coligny commandant en chef de l'armée protestante. — Guise à la cour. — Nouvel édit du roi. — Guise se prépare à faire le siège d'Orléans. — Sa correspondance. — Catherine de Médicis essaye d'entraver les projets de Guise. — D'Anville et Condé. — Dandelot dans Orléans. — Castelnau au camp de Guise. — Prise du faubourg du Portereau. — Castelnau admis devant le conseil de guerre qui décide de continuer les opérations du siège. — Prise du fort des Tournelles. — Guise est blessé par un assassin aposté sur son passage dans la forêt d'Orléans. — Poltrot de Méré. — L'assassin dénonce Coligny, Théodore de Bèze et la Rochefoucauld comme étant ses complices, et disculpe Condé, Dandelot et Soubise. — Déclaration de Coligny, de Théodore de Bèze et de la Rochefoucauld. —Condamnation à mort de Poltrot de Méré. — Chanson protestante sur l'assassin. — Derniers moments de Guise. — Les paroles qu'il adressa à la reine, à sa femme, à son fils et à ceux qui l'entouraient. — Sa dernière oraison. — Sa mort (25 février 1563). — Ses funérailles. — Jugements portés sur ce grand homme de guerre. — Édit d'Amboise (19 mars 1563).

 

Le pape Pie IV avait enfin convoqué tous les évêques de la chrétienté en un concile, pour y débattre les questions soulevées par les protestants et qui avaient mis toute l'Europe en armes. Ce concile, qui n'était que la continuation du précédent, était tenu à Trente et avait été ouvert au mois de janvier 1562.

Les ambassadeurs du roi de France, Lansac, Ferrier et du Faur de Pibrac, qui étaient arrivés au mois de mai porteurs d'instructions contraires à la discipline de l'Église et même à sa doctrine, se voyaient l'objet, dans cette auguste assemblée, des suspicions des plus justes, et leur influence était annihilée à un tel point qu'ils demandaient chaque jour à être rappelés. Ce fut alors que Catherine de Médicis conçut le dessein d'envoyer au concile le seul prélat de France qui, par le prestige de son nom, l'éclat de ses talents, la renommée qu'il s'était acquise à défendre la religion, pût forcer les évêques ultramontains à engager une sérieuse controverse sur les questions qui leur étaient soumises, touchant les réformes à apporter dans l'organisation ecclésiastique. Ce prélat, c'était le cardinal Charles de Lorraine, que Catherine de Médicis était bien aise d'éloigner de France, redoutant de le voir paraître de nouveau à la cour pour y exercer encore sa toute-puissante domination. En l'envoyant à Trente, elle lui dissimulait cet exil momentané sous les apparences d'une faveur bien faite pour flatter sa vanité.

Il fut, à son arrivée au concile, l'objet des marques du plus profond respect de la part de tous les prélats. Il arrivait escorté de quarante théologiens, et il avait eu soin de dicter lui-même au roi les instructions dont il s'était nanti.

Le pape et la plupart des évêques d'Italie, ainsi que les légats, redoutaient l'éloquence et l'esprit remuant du célèbre cardinal, qu'ils soupçonnaient de vouloir affaiblir l'autorité papale au bénéfice des évêques. Ils n'osaient point toutefois le heurter de front, ne voulant pas exposer l'Église à de nouvelles divisions, ce qui serait peut-être advenu si le cardinal de Lorraine avait quitté le concile, entraînant avec lui tous les évêques de France et une partie des évêques espagnols faisant profession de gallicanisme. Les discours qu'il prononça, bien qu'empreints de la plus grande douceur, et rédigés en termes les plus respectueux à l'égard du Saint-Siège, dénotaient cependant l'énergique volonté dans laquelle il était de n'abandonner aucun point de ses instructions, et le soin qu'il mit à se former immédiatement une cour de prélats prouva la volonté où il était d'agir, non comme un des membres les plus zélés du concile, mais comme s'il en eût été réellement le chef. Le pape l'appelait l'oracle de la France et le bouclier de la foi.

L'histoire du concile de Trente a été écrite avec trop de fidélité pour que nous nous permettions même de résumer les différents discours prononcés par le cardinal, ce qui nous entraînerait peut-être, malgré nous, à donner notre appréciation sur des points qui ne sont pas de notre compétence.

Lorsque la nouvelle de la bataille de Dreux arriva à Rome et à Trente, le pape et les prélats, croyant que le parti protestant avait été entièrement détruit et anéanti, rendirent à Dieu toutes sortes d'actions de grâces. La joie du cardinal de Lorraine fut immense, en apprenant que toute la gloire de cette journée revenait au duc de Guise son frère. François de Beaucaire, administrateur de l'évêché de Metz, prononça le 10 janvier un discours aux Pères du concile, au sujet de la victoire de l'armée de Charles IX, commandée par François de Lorraine et par le connétable Anne de Montmorency contre les rebelles qui couvraient leur révolte du voile de la religion[1].

Cependant les événements qui se passaient en France, bien que favorables aux catholiques, prouvaient trop, hélas ! que les protestants n'étaient que défaits, mais non vaincus, et que la guerre allait reprendre plus farouche et plus acharnée.

Coligny, en quittant le champ de bataille de Dreux, avait reçu à Anet le titre de commandant général de l'armée en l'absence de Condé. Le 23 décembre, il était à Puisette, en Beauce ; le 24, à Patay ; et, à la fin du mois, à Beaugency, où il établissait son quartier d'hiver, et se préparait, avec le secours de Dandelot, à défendre Orléans, pensant bien que Guise ne tarderait pas à venir l'y rejoindre. Mais les reîtres, qui formaient le principal corps d'infanterie de l'armée protestante, menaçaient de se soulever si on ne payait pas leur arriéré. Coligny, aidé du maréchal de Hesse, parvint à les calmer, en leur promettant de les payer aussitôt qu'il aurait reçu l'argent qu'il attendait de l'Angleterre, et résolut, en conséquence, de les emmener en Normandie, autant pour tenter une nouvelle jonction avec les troupes anglaises que pour forcer l'armée royale à faire diversion, car Guise venait d'arriver devant Orléans.

En quittant Dreux, Guise était venu trouver la cour à Rambouillet, afin d'obtenir de la reine et de son conseil la permission de faire le siège d'Orléans, et les subsides et les hommes dont il avait besoin pour cette entreprise. Là, devant le roi, la reine et toute la cour assemblée, il avait fait le récit de la bataille avec une verve et une modestie pleines de charmes. Parlant de ce haut fait d'armes comme s'il n'en avait été que le spectateur, il s'appliqua à faire ressortir la belle conduite du connétable et du maréchal de Saint-André. Avec le tact qui le caractérisait, il sut. aussi vanter la bravoure de Condé et l'adresse de Coligny. Il alla même jusqu'à excuser ceux qui, pris de panique, avaient abandonné le champ de bataille, Foulant ainsi les relever dans leur propre estime et les forcer à reconquérir leur ancienne réputation.

Cette narration produisit un effet immense. Ceux qui jalousaient le plus sa gloire et qui redoutaient le plus sa puissance, ne pouvaient s'empêcher d'admirer ce héros, qui, par grandeur d'âme et générosité n'oubliait que lui pour faire briller même les plus obscurs.

Il obtint de la reine une déclaration par laquelle il était dit que jamais ni le roi ni elle n'avaient perdu leur liberté, ni n'avaient été contraints à faire quoi que ce fût contre leur volonté. Il était dit dans cette déclaration que tous les bruits répandus à ce sujet étaient faux, qu'elle n'avait point ordonné aux protestants de prendre les armes, ni sollicité des princes de l'Empire d'envoyer des troupes auxiliaires en France. La reine espérait qu'après cette déclaration les princes allemands observeraient les traités de paix signés entre la France et l'Empire germanique, et n'accorderaient plus de secours à des sujets révoltés contre leur souverain. Cette déclaration porta la signature. et le sceau d'Alexandre, duc d'Orléans, frère du roi ; d'Henri, prince de Navarre ; de Charles de Bourbon, cardinal ; de Louis de Bourbon, prince de Montpensier, et de Charles de Bourbon, prince de la Roche-sur-Yon.

Un édit semblable à celui qui avait été lancé après la prise de Rouen, et par lequel le roi faisait grâce à tous ceux qui se remettraient en son obéissance, fut également envoyé à tous les parlements.

Pour entreprendre le siège d'Orléans, Guise n'avait qu'une artillerie insuffisante ; et quant à la pénurie de fonds, elle était si grande qu'il écrivait à Gonnor, surintendant des finances (février 1563), que pour apaiser les Suisses il fallait qu'il empruntât six mille écus pour faire bailler cent livres par compagnie. Quand il eut obtenu de la reine et du conseil la permission qu'il était venu chercher d'entreprendre le siège d'Orléans, il ne laissa ni à Catherine de Médicis, ni à ses secrétaires, un seul moment de repos, jusqu'à ce qu'il eût mis son armée sur le pied de guerre qu'il désirait. Quand il eut quitté la cour à la tète de ses troupes, il continua d'avoir avec Gonnor une correspondance active au sujet des finances de l'État et de toutes les affaires du royaume.

C'est dans une de ses lettres, datée de Messas (10 janvier 1563), qu'il parle au surintendant du dégât que font les Suisses, principalement de chausses et de souliers, et de l'emprunt qu'il va être obligé de faire pour les contenter. Dans une autre du 17, il lui annonce les mesures qu'il a prises à l'égard des capitaines et de ses compagnies pour éviter les abus, et lui donne la situation exacte de la dette contractée envers les Suisses. Elle s'élève à six vingt-neuf mille six cents livres ; sur quoi, dit-il, je leur ai fait prêter seulement six mille et cinq cents livres ; et s'ils nous demandent un mois de la bataille, ce sera autant de recruté. Plus loin, il lui dit encore : Je suis bien aise que M. le maréchal de Brissac puisse être bientôt en Normandie, pour assurance que j'ai du bon ménage qu'il y fera faire. Dans cette même lettre, il se plaint du mauvais temps, et dit que partout ce n'est qu'eau ; sans cela, ajoutait-il, je serais plus avant... Nos pauvres soldats sont extrêmement pauvres, et si mal vêtus qu'ils ne pourraient porter deux de ces mauvaises journées, lesquelles je laisse un peu passer.

En effet, les chroniques du temps nous apprennent que pendant cet hiver, qui fut des plus rigoureux, les pluies furent si abondantes que les armées ne pouvaient plus marcher sur les routes détrempées. Les éclairs et les tonnerres étaient effrayants ; les esprits crédules assurèrent que, pendant une de ces nuits où le ciel était en feu, on vit clairement deux armées en bataille et s'entr'égorgeant avec furie. Cela fit penser que la guerre n'était pas près de finir.

Catherine de Médicis, qui n'avait pu refuser à Guise d'aller faire le siège d'Orléans, restait fidèle à sa politique en essayant avec Condé, par l'intermédiaire de l'évêque de Troyes, des négociations qui ne pouvaient aboutir, ce prince étant par sa situation dans l'impossibilité de garantir que les places occupées par les révoltés, et surtout par les étrangers, seraient rendues au roi. Après la bataille de Dreux, le prince avait été amené près de Chartres ; niais là, ayant tenté de s'évader, il fut conduit à Loches par d'An ville, qui dès lors eut à le surveiller plus étroitement qu'il ne l'avait fait jusque-là.

Dans la lettre du roi par laquelle d'Anville reçoit la charge de garder le prince, il est dit : Lui commandant et ordonnant très expressément par ces présentes qu'il ait à le garder si soigneusement et seurement, avec ceulx qui lui seront par nous baillés pour ladite garde, qu'il n'en advienne aulcun inconvénient. Vient après cette lettre la forme qui doit être observée pour le traitement de M. le prince de Condé[2].

Cependant Guise, sans s'arrêter aux intrigues de la reine, avait opéré sa marche en avant, et, après s'être emparé sur son chemin d'Étampes, et avoir traversé la Loire à Beaugency, il se présentait le jeudi 5 février 1563 devant Orléans, et dressait son camp entre les villages d'Olivet et de Saint-Aubin. Quatre jours auparavant, Coligny, qui le sentait approcher, était sorti de la ville, emmenant avec lui les reîtres ; et, passant par Tréhon et Bernay, il vint camper à Saint-Pierre-sur-Dives, où il pilla les églises et commit de véritables actes d'iconoclastie. Favorisé par l'arrivée de la flotte anglaise, il s'empara de Caen, après avoir accordé au marquis d'Elbeuf, frère du duc de Guise, une capitulation honorable.

C'était à propos de cette marche rapide de Coligny dans la Normandie que Guise pressait M. de Gonnor et la reine d'envoyer le maréchal de Brissac dans cette province. Mais le maréchal se plaignait, de son côté, de n'avoir pas de troupes suffisantes et demandait des renforts. La reine, qui était à Chartres, vint à Blois pour surveiller Guise de plus près, et essayer d'obtenir qu'il abandonnât le siège d'Orléans et se jetât dans la Normandie. A cet effet, elle dépêcha auprès du duc Castelnau, son ambassadeur ordinaire dans ces sortes de missions. Castelnau rejoignit Guise (6 février) au moment où il allait, après son dîner, visiter son infanterie.

Mais d'abord, il convient d'esquisser la situation de la place et celle des assiégeants.

Dandelot, qui commandait la ville en l'absence de son frère, avait avec lui le comte de Duras, Bouchavanne, Georges de Clermont d'Amboise, et une foule d'autres gentilshommes. Bien que souffrant d'une fièvre quarte, il déploya une activité extraordinaire à défendre une placé qui allait être attaquée par le premier capitaine de l'époque.

Le dessein de Guise, dès son arrivée, avait été de s'emparer d'un faubourg appelé le Portereau, faubourg entouré d'un fossé, et défendu du côté d'Olivet par les Français, et du côté de Cléry par les Allemands. Guise avait dirigé le maréchal de Sipierre du côté de ce faubourg, avec douze enseignes d'infanterie, quatre de cavalerie, et deux coulevrines.

Le lendemain, lorsque Castelnau arriva porteur des instructions de la reine, Guise dit à l'ambassadeur qu'il avait besoin de réfléchir, et l'entraînant avec lui, il lui parla de sa magnifique infanterie, qui était forte de quinze cents hommes et soutenue par douze cents cuirassiers. Ces troupes étaient postées sur deux chemins qui conduisaient au faubourg du Portereau, et à fort peu de distance de la ville. Castelnau, à qui Guise avait fait prêter un de ses chevaux, croyait qu'il allait assister tout simplement à une revue. Mais, après que Guise eut donné quelques ordres à ses lieutenants, et qu'il se fut lui-même revêtu de ses armes, les troupes s'ébranlent en silence, et puis tout à coup quatre coulevrines sont braquées contre le faubourg, font feu contre les gabions, balayent en un clin d'œil tous les ouvrages de l'ennemi, et toute la colonne s'élance contre le Portereau, qui tombe en peu d'instants au pouvoir de l'armée catholique.

Deux mille hommes, tant Gascons qu'Allemands, défendaient le faubourg. Les Gascons soutinrent bravement le choc ; mais, attaqués par derrière, ils furent obligés de se diriger du côté de la porte des Tournelles, et de repasser le pont pour se réfugier dans la ville. Les Allemands, embarrassés dans leurs bagages, s'étaient déjà engagés dans l'issue trop étroite, si bien que ce fut une indescriptible mêlée, où il se fit un carnage horrible de l'armée protestante. Dandelot était accouru à la porte des Tournelles à la tète de sa noblesse, et n'eut que le temps de faire hausser le pont-levis pour que les troupes de Guise ne s'emparassent pas de cette importante position, ainsi que des îles, de la rivière, et peut-être même de la ville. Gascons et 4llemands, pour éviter d'être étouffés ou passés par le fil de l'épée, se jetèrent dans la Loire, où la plupart se noyèrent. J'arrive jeudy en ce lieu, écrit Guise à M. de Gonnor ; et le lendemain, avec environ quinze centz arquebusiers françois et espagnols et douze centz corcelletz, je force le Portereau, où il y avoit deux mille hommes soubs douze enseignes ; desquelz je defictz ung bon nombre ; aucuns se voulans saulver se noyèrent, et le reste s'est retiré dans la ville ; et encore qu'ilz se fussent retranchez et fortifiez beaucoup mieulx que nous n'estions aux faulxbourgs de Paris, ilz ont esté assailliz si vivement que je les ay contrainctz d'abandonner leur fort. Et si j'eusse esté promptement secouru d'artillerie, j'eusse dès lors faict chose dont tout ce royaulme eust reçu ung grand bien. Et plus loin, en forme de post-scriptum, il ajoute le lendemain : Mon bon homme, je me mange les doigts de penser que si j'eusse heu six quanons, et pour en tirer deux mille coups, cette ville estoit à nous. Il n'y avoit ung seul parapet qui vaille, et ne les ont garnis que de tonneaux. Ils n'ont pas quatre centz soldats bons, le démourant près de la ville, et cinq enseignes d'Allemans qui ont sortis jusques hors de la ville pour le venir randre ung effroy dézespéré parmi eux. Je ne puis faire mieux que de essaier de guagner le pont qu'ils couppent, ce qui m'est mallezé ; mais je amployeray le peuple à fortiffier le Portereau pour y laisser quinze centz hommes de garnison, rompant le pont de Perquan, il ne le velle de ce costé ; si l'on me donne loizir, je le feray, sinon je serai contrainct prendre aultre party : mandez-moi vostre oppinion, mon bon homme[3].

Le lendemain, 7 février, Castelnau étant revenu auprès de Guise, pour chercher la réponse attendue par la reine, le prince, dont l'imagination était, paraît-il, fort paresseuse depuis quelques jours, lui fit recommencer une nouvelle promenade militaire pour inspecter le faubourg qui avait été pris la veille. Les troupes royales avaient peine à s'y maintenir, exposées qu'elles étaient aux feux du fort des Tournelles. Guise fit dresser immédiatement des ouvrages de défense, et mit en ligne, pour battre le fort, les batteries qu'il venait enfin de recevoir de Nantes. Ce fut à la nuit seulement, et lorsque toutes ces dispositions furent prises, qu'il quitta le faubourg.

Il fallait pourtant répondre à la reine. Le 8, il rassembla son conseil de guerre et pria Castelnau d'exposer les résolutions de la reine. L'ambassadeur dépeignit la situation de Brissac dans Rouen, et la nécessité qu'il y avait de marcher contre Coligny, qui tenait toute la Normandie sous sa domination. Le conseil, un instant ébranlé, allait donner un avis favorable aux propositions de la reine, lorsque Guise, prenant la parole, fit ressortir les inconvénients qu'il y aurait à abandonner le siège d'une ville lorsque le plus fort de l'ouvrage était fait, et les difficultés qu'il y avait de courir à la rencontre de l'amiral. L'hiver était rude, les grandes pluies avaient rendu les communications impraticables, l'infanterie royale était sans chaussures et sans vêtements ; c'était l'exposer à une défaite certaine que de la lancer encore une fois dans les plaines de la Beauce, contre la cavalerie protestante si admirablement montée. Guise était donc d'avis qu'il fallait d'abord s'emparer d'Orléans, véritable repaire des huguenots, et se rendre maître de tout le bassin de la Loire. Ensuite le roi convoquerait son arrière-ban, toute sa noblesse, tous ses gendarmes ; il viendrait se mettre à la tête de ses troupes, où il serait plus en sûreté que dans Paris même ; et alors on ne dirait plus l'armée de Guise, mais bien l'armée du roi, et avant l'été tout le royaume serait pacifié.

Ce plan, exposé avec autant de simplicité que d'énergie, reçut de tous les officiers qui composaient le conseil de guerre une approbation enthousiaste, et la reine et son conseil furent obligés de le ratifier en donnant ordre à Guise de poursuivre les opérations du siège. Cet ordre, il ne l'avait, du reste, pas attendu. Le 9 février, le fort des Tournelles tombait en son pouvoir après un acte de témérité accompli par quelques soldats.

Deux soldats seulement, à l'aide d'échelles, ayant pu y pénétrer sans être aperçus, tombent, l'épée au poing, au milieu des gardes qui fuient épouvantés ; leurs camarades qui étaient en bas les suivent, et, après avoir chassé toute la garnison, s'ils ne s'emparent pas du pont et des îles, c'est qu'ils soupçonnent un artifice caché sous une retraite aussi subite[4].

La ville est entouré de tous côtés par huit mille hommes d'infanterie et quatre mille chevaux ; des pionniers essayent même de faire rentrer la Loire dans son ancien lit. Les îles et les retranchements du pont sont battus en brèche par trente-deux pièces d'artillerie. Guise peut donc calculer avec certitude le jour où la ville tombera en son pouvoir, et Coligny ne peut plus arriver à temps pour la secourir.

Dans une lettre datée du camp d'Orléans, 16 février 1563, et adressée à Catherine de Médicis, Guise se plaint de ce que le clergé de Bourges, qui devait remettre une somme de quinze mille livres, n'ait donné que quatre mille huit cent treize livres huit sous sept deniers, gardant le reste comme indemnité permise par le roi, en considération des pertes qu'il a eues à souffrir. Guise comptait sur cette somme pour l'aider à la réparation et à la fortification du Portereau, et pour indemniser les pauvres vignerons, lesquels, pour leurs nécessitez, il faut faire payer journellement. Sa vigilance, toujours ne éveil, se porte de tous les côtés à la fois. Les finances de l'État, le transport des sommes qui sont dans les mains des trésoriers, les dépenses extraordinaires pour les vivres, artillerie et voyages, et qui montent bien, dit-il, à trente mille livres par mois, la situation de Brissac en Normandie, l'occupent autant que les opérations du siège.

Si l'on veut bien se rappeler maintenant que Guise faisait toute sa correspondance lui-même, ce qui lui avait mérité souvent les railleries de Montluc, qu'il dirigeait toutes les opérations et qu'en toutes les circonstances il payait de sa personne, on comprendra de quelle activité vraiment extraordinaire était doué cet homme de génie.

C'était le 18 février au soir ; l'assaut devait avoir lieu le lendemain, et Guise, ne voulant pas que la ville fût livrée au pillage, venait d'adresser à ses troupes ses dernières recommandations, et au lieu de retourner à son camp de Saint-Hilaire, près Saint-Mesmin, au lieu dit les Vallins, il prit la route du château de Corney, où la duchesse sa femme venait d'arriver.

Guise n'avait pas voulu, pour économiser l'argent du roi, faire construire sur la Loire un pont qui eût coûté de quatre à cinq cents écus. Ce pont lui eût évité un immense détour toutes les fois qu'il revenait du Portereau pour rentrer en son camp. Espargnons l'argent de notre roi, disait-il, il en a assez à faire ailleurs ; tout lui est bien de besoin ; car chascun le pille et le mange de tous côtés. Nous nous passerons bien de ce pont ; et moy, mais que raye mon petit bateau, c'est assés. Ce fut dans le parcours du trajet que l'absence de ce pont l'obligeait de faire que le duc fut assassiné.

Sa femme, disons-nous, était à Corney, et venait, selon sa louable et sainte coutume, solliciter de son époux cette grâce, qui ne lui avait jamais été refusée, que la ville d'Orléans, une fois prise, fût préservée du pillage et les habitants de la fureur des soldats. Il avait envoyé devant lui un de ses pages, Villecombain, pour prévenir la duchesse de son arrivée, et sans armure et sans escorte il suivait, au petit pas de son cheval, le sentier qui conduisait au château. A ses côtés, monté sur un mulet andalou, était un officier nommé de Rostaing, avec lequel il s'entretenait des moyens à employer pour pacifier le royaume. Il était arrivé à un carrefour, lorsque tout à coup Poltrot de Méré, qui depuis longtemps attendait l'heure favorable pour accomplir son lâche attentat, sort du taillis où il était caché, et, à quelques pas, lui décharge un coup de pistolet qui atteint le duc au bas de l'épaule, presque sous l'aisselle. L'assassin croyait que le duc avait son armure, et avait tiré au défaut de la cuirasse.

Sur la violence du coup, Guise chancelle et tombe sur la tête de son cheval. Il veut mettre une dernière fois l'épée à la main, mais la douleur est trop violente. Rostaing appelle au secours ; des soldats et des pages arrivent, et Anne d'Este et le prince de Joinville, qui attendaient un époux et un père triomphant, n'ont que la force de se précipiter sur lui pour l'embrasser avec des larmes de douleur et de désespoir. Ah ! mon Dieu ! mon Dieu ! s'écrie la malheureuse épouse, c'est moi qui l'ai assassiné. — Il y a longtemps, dit le duc, qu'on me gardait ce coup-là, que je mérite pour ne pas m'être précautionné ; et, se tournant vers sa femme, il ajouta, pour la consoler, qu'il lui portait une piteuse nouvelle, mais telle qu'elle était il fallait la recevoir de la main de Dieu et s'accorder à sa volonté ; qu'il n'avait nul regret de mourir, mais qu'un de sa nation eût commis un tel acte. Il dit au prince de Joinville, qui pleurait : Dieu te fasse la grâce, mon fils, d'être homme de bien.

Dans son désespoir, la duchesse avait dit qu'elle demanderait vengeance à Dieu. Guise l'arrêta, lui disant qu'il ne fallait point irriter Dieu, qui nous commandait de pardonner à nos malfaiteurs, et qu'il était, au contraire, très heureux de mourir pour son honneur et pour le service du roi.

Ainsi, au milieu des douleurs que lui causait sa blessure, du désespoir de sa femme et de son enfant, il trouvait dans son âme grande et généreuse des paroles de consolation pour tous ceux qui l'entouraient, ne se montrant marry de son inconvénient que parce que le roi, la reine et l'État perdaient un serviteur qui ne leur avait jamais fait défaut ; et il pardonnait à son assassin.

C'est à la plume blanche qu'il portait à sa toque que Guise s'était fait reconnaître par Poltrot de Méré. Celui-ci, après avoir fait feu sur le duc, tourna bride et s'enfuit au galop de son cheval[5]. Pendant toute cette nuit, l'assassin, sans prendre un moment de repos, courut à travers la forêt, croyant s'éloigner du camp de l'armée royale. Mais il semble que la justice divine le poursuivait déjà ; car, lorsque le jour vint et que son cheval tremblant sur ses jarrets ne voulut plus le porter, il s'aperçut qu'il était au village d'Olivet, et que, dans son égarement, il n'avait fait que tourner sur lui-même. Il dut s'arrêter et demander l'hospitalité dans une grange. Mais quand il voulut fuir de nouveau, il attira les soupçons de quelques soldats lancés à sa poursuite et à qui bonne récompense avait été promise. Arrêté et conduit au camp de la reine, qui venait d'arriver, il fut interrogé par Pan Villars, maître des requêtes. Il avoua son crime, et dénonça comme complices l'amiral de Coligny et le ministre protestant Théodore de Bèze.

Jean Poltrot, sire de Méré, était né dans l'Angoumois, dans la seigneurie d'Aubeterre, et avait alors vingt-six ans. L'esprit sombre, inquiet, mais ardent et doué d'une grande intelligence, il avait été d'abord un catholique fanatique. Sous Henri II, il avait fait un long séjour en Espagne en qualité 1 :l'espion. Il était petit, il avait le teint cuivré et avait pris si bien les mœurs et les allures du pays où il avait séjourné, qu'on ne l'appelait plus que l'Espagnol. Il avait été, dit-on, page de la reine. A son retour en France, il embrassa le calvinisme, et son fanatisme ne fit que croître. Compromis dans la conjuration d'Amboise, ce fut à la généreuse intercession du duc de Guise qu'il dut la vie. Lorsque les guerres religieuses éclatèrent, il alla offrir ses services à Soubise, qui commandait les réformés de Lyon. Ce seigneur, frappé de son intelligence et de son activité, le dépêcha auprès de Coligny, après la bataille de Dreux, avec des lettres de recommandation. Ce fut en faisant le tableau de la situation des réformés dans le Dauphiné qu'il exprima, dit-on, à l'amiral le désir qu'il avait de tuer le duc de Guise, considérant que c'était le plus grand bien qui pût avenir pour les réformés. C'est pendant le siège de Celles qu'il avait été mis en rapport avec Coligny, et c'est avec l'amiral qu'il était retourné à Orléans, où il avait rencontré Théodore de Bèze et un autre ministre protestant. Dans les interrogatoires qu'on lui fit subir, avant même d'être soumis à la torture, il déclara que Coligny, Théodore de Bèze, un autre ministre protestant, dont il s'est refusé à dire le nom, et la Rochefoucauld, l'avaient excité à tuer le duc. C'est avec l'argent que lui avait donné Coligny qu'il avait acheté le cheval qu'il montait. Pour l'exciter à commettre ce crime, Théodore de Bèze et l'autre ministre protestant lui avaient demandé s'il ne serait pas bien heureux de porter sa croix en ce monde, comme le Seigneur l'avait portée pour nous, et après plusieurs autres discours et paroles lui dirent qu'il seroit le plus heureux de ce monde s'il vouloit exécuter l'entreprise dont M. l'amiral lui avoit tenu propos ; parce qu'il osteroit un tyran de ce monde, par lequel acte il gagneroit le paradis et s'en iroit avec les bienheureux, s'il mouroit pour une si juste querelle.

Poltrot disculpa absolument Condé, Dandelot et Soubise, assurant que ces personnages n'avaient jamais connu ses desseins. Il alla jusqu'à engager la reine à prendre bien garde à elle, lui assurant que, depuis la bataille de Dreux, les protestants, l'accusant de les avoir trahis, étaient furieux contre elle. Il adressa les mêmes recommandations au prince de Montpensier et à Sansac.

Coligny, Théodore de Bèze et la Rochefoucauld se défendirent énergiquement de l'accusation qui pesait sur eux, par une déclaration collective adressée à la reine le 12 mars 1563. Théodore de Bèze déclare en toute vérité de ce qui s'en suit, pour sa décharge devant toute la chrestienté, c'est à savoir que voyant plusieurs animez contre ledict sieur de Guyse, pour le crime perpétré à Vassy, il n'a toutefois jamais esté d'avis, pour lors, de procéder contre ledict sieur de Guyse que par voie de justice ordinaire. Cependant il confesse avoir infinies fois désiré et prié Dieu ou qu'il changeast le cœur dudict seigneur de Guyse, ou qu'il en délivrast ce royaume. Théodore de Bèze dit n'avoir jamais parlé audict Poltrot en personne, ny par autruy ; qu'il n'a jamais eu affaire à luy pour une chose quelconque, et que, par conséquent, tant s'en faut qu'il l'ait induit à faire ce qu'il a fait. Mais quant au crime par lui-même, ne l'absout-il pas et ne le préconise-t-il pas en reconnaissant que c'est un juste jugement de Dieu, menaçant de semblables et de plus grandes punitions tous les ennemis jurés de son saint Évangile ?

La Rochefoucauld rejette également les accusations, ainsi que Châtillon. L'amiral reconnaît seulement qu'il avait cru pouvoir se servir de Poltrot de Méré pour entendre certaines nouvelles dudict camp ; et pour test effect lui délivra les cent escus dont est question tant pour se mieux monter que pour faire les diligences requises en tels advertissements, et luy commanda de s'adresser, en son absence, audict seigneur Dandelot son frère. Davantage ledict seigneur admirai est bien recors maintenant que ledict Poltrot s'advança, luy faisant son rapport, jusques à lui dire qu'il seroit aisé de tuer ledict seigneur de Guyse ; mais ledict seigneur admirai n'insista jamais sur ce propos, d'autant qu'il l'estimoit pour chose du tout frivole ; et sur sa vie et son honneur n'ouvrit jamais la bouche pour l'exciter à l'entreprendre.

Dans la lettre qui suit cette déclaration collective, et également adressée à la reine, Coligny la supplie très humblement que ledit Poltrot soit bien soigneusement gardé afin qu'il puisse être confronté avec lui. Cependant ne pensez pas, ajouta-t-il, que ce que j'en ai dit soit pour regret que j'aye de la mort de M. de Guyse ; car j'estime que ce soit le plus grand bien qui pouvoit advenir à ce royaume et à l'Église de Dieu, et particulièrement à moi et à toute ma maison. Coligny avait également rappelé, pour sa défense, les conversations qu'il avait eues avec le cardinal de Lorraine, avec la duchesse de Guise, et un avis que, peu de jours auparavant, il avait adressé au duc lui-même, de se donner garde, car il y avait un homme attiré pour le tuer.

Nous avons suivi Guise toute sa vie, nous avons vu de quels généreux sentiments son âme semblait déborder ; on peut juger maintenant combien, par le caractère aussi bien que par ses talents, il était supérieur à ses ennemis. Coligny, qui, lui aussi, s'est fait une place à part dans ces guerres de religion par la sévérité de ses mœurs, non seulement n'éprouve aucun regret en apprenant que son ancien compagnon d'armes, son ami d'enfance est tombé sous le coup d'un vulgaire assassin, mais il se félicite même de cet assassinat qui le débarrasse d'un ennemi doué d'un si grand génie et de si grandes vertus. Est-ce que, par ce langage, Coligny et Théodore de Bèze, en excitant au meurtre et à l'assassinat, n'autorisaient pas les sanglantes et terribles représailles que devaient commettre plus tard les vengeurs du duc de Guise ?

Poltrot s'était présenté à Guise comme désabusé de la religion protestante, et le duc, toujours clément et généreux, l'avait accueilli avec bonté et lui avait même fait l'honneur de le faire asseoir à sa table. On sait comment il en fut récompensé.

Poltrot de Méré avait été arrêté le 20 février, et avait subi son interrogatoire le 21, devant Catherine de Médicis et son conseil privé. Ce furent les diverses déclarations qu'il fit qu'on envoya à Coligny, à Théodore de Bèze et à la Rochefoucauld, et auxquelles ces trois personnages répondirent dans les termes que nous avons rappelés plus haut.

Catherine de Médicis ne voulut pas accorder l'ajournement de l'exécution du coupable, ainsi que Coligny le demandait. Poltrot fut amené à Paris sous bonne escorte, dans une voiture attelée de quatre chevaux, et fut renfermé dans la cour carrée de la Conciergerie.

De nouveau interrogé, jugé et condamné par le parlement, il subit, en place de Grève le 18 mars, le supplice des régicides. Sa mort fut célébrée par les protestants comme celle d'un martyr. Des chants victorieux furent composés en son honneur. Voici deux de ces refrains que chantait l'armée huguenote :

Autant que sont de Guisards demeurés,

Autant a-t-il en France de Mérés.

... Tel que le soleil

N'en veid de pareil.

. . . . . . . . . . . . . . .

L'exemple merveilleux

D'une extresme vaillance,

Le dixiesme des preux

Libérateurs de France

.......... Cet Angoumois.

C'est unique Poltrot

(Nostre parler françois

N'a pas de plus beau mot)

Sur qui tomba le lot

De retirer de presse

Le parti huguenot

Dans sa plus grande détresse.

(Chant victorieux en l'honneur de Poltrot).

Allons, jeunes et vieux,

Revisiter le lieu

Auquel ce furieux (le duc de Guise)

Fut attrapé de Dieu,

Attrapé au milieu

Des guets de son armée.

(Chanson d'aventuriers huguenots).

Lorsque l'attentat dont Guise venait d'être victime fut connu dans le camp de l'armée royale, ce fut une explosion indescriptible de douleur et de regret de la part de tous les officiers aussi bien que des simples soldats. Au même instant où il était frappé, d'Onelle, chevalier de l'ordre, l'évêque de Limoges et le secrétaire d'État l'Aubépine revenaient d'Orléans, où ils avaient entamé des négociations avec Dandelot et Condé. Ils furent les premiers à aller trouver le duc, qui, malgré sa souffrance, voulut qu'ils lui rendissent-compte du résultat de leur mission. Dans cette conversation, comme dans toutes les autres qu'il eut avec la reine, il manifesta le désir que la paix fût promptement conclue, Mais, lorsqu'il apprit que parmi les otages réclamés par les protestants devait figurer son fils le jeune prince Henri de Joinville, il exprima la plus grande répugnance, doutant que sa femme et ses amis y consentissent, à cause du mauvais état où il était. Toutefois il dit que, si la reine le commandait, non seulement il l'y voudrait envoyer, mais aussi tous ses autres enfants ensemble.

Le roi et le reine arrivèrent au camp le 20 février, et dans la soirée Catherine de Médicis vint le voir. Ce fut elle qui écrivit au cardinal de Guise, alors à Paris, où il négociait l'importante affaire de l'enregistrement d'un édit de l'aliénation du temporel du clergé jusqu'à concurrence de cent mille livres de rente, pour lui donner avis de la blessure de son frère ; .... meschanceté si exécrable, dit-elle, qu'elle a horreur d'y penser, et espère que Nostre-Seigneur fera la juste vengeance que ung cas si scellerat mérite.

Les médecins Castellan et Vicence ne crurent pas, de prime abord, que la blessure fût mortelle, le coup ayant percé l'épaule, mais n'ayant point brisé les os et n'étant point entré dedans le coffre. Mais la fièvre devenant chaque jour plus ardente, et le trou fait par les balles se rétrécissant à la sortie, on craignit que l'une d'elles ne fût restée dans le corps, et l'on supposa aussi qu'elles avaient été empoisonnées.

Le lundi 22, les chirurgiens décidèrent qu'il fallait élargir la blessure et faire une incision pour la sonder. Ils fendirent la plaie en forme de croix, passèrent les doigts dedans pour chercher la balle ; mais ils ne la trouvèrent pas. Alors, pour faire sortir le poison ou pour le combattre, ils brûlèrent la plaie et établirent des sétons. Guise se crut un moment soulagé après cette opération ; mais la fièvre le reprit, et les hommes de l'art déclarèrent qu'il ne restait plus d'espoir de le sauver[6].

Ce fut le cardinal de Guise son frère à qui échut la douloureuse mission d'apprendre au duc que l'heure de la mort était proche, et qu'il eût à s'y préparer. L'intrépide guerrier, qui l'avait si souvent affrontée sur les champs de bataille, reçut cette nouvelle avec un courage et un calme inaltérables : Ah ! mon frère, dit-il, je vous ai grandement aimé pour le passé ; mais je vous aime encore plus que je n'ai fait oncques, vu le bon vouloir que vous me portez. Je cognois maintenant que vous m'aimez, car me faites un vrai tour de frère. Vous ne pouviez m'annoncer chose qui me fust plus agréable que de m'exciter à prendre les remèdes ordonnés de l'Église pour avoir vie et salut lassus (là-haut) avecques Dieu, où j'aspire d'un désir parfait.

Les derniers moments de Guise sont empreints d'une grandeur et d'une sérénité qui jettent un éclat extraordinaire sur cette existence si noblement remplie. Quand il se fut confessé à son aumônier et qu'il eut reçu le saint viatique des mains de Lancelot de Gardes, évêque de Riez, il voulut déclarer par une confession publique, devant tous, ce qu'il pensoit devoir venir à nostre connoissance, dit l'évêque de Riez dans la lettre adressée au roi, contenant les actions et propos de M. de Guise depuis la blessure jusqu'à son trépas. S'adressant d'abord à la reine, il la remercia d'être venue le visiter si souvent, de le consoler par ses sages propos, et l'assura que dans le combat qu'il soutenait en ce moment, s'il était vainqueur et que la vie fût conservée, il ne l'épargnerait jamais en rien pour le très humble service du roi et le sien. Mais si Dieu veut que la force, du mal ait la victoire sur moi..., je commande à mes enfants, de toute la puissance que j'aye sur eulx, de succéder à mes volontez en cet endroict..., de se dédier continuellement, eulx et leur vie, pour vostre humble service. Il supplie la reine de tenir leur mère et eux en sa souvenance. Il quitte la vie, lui dit-il, sans regret, puisque Dieu laisse auprès d'elle et auprès du roi le cardinal de Bourbon, les princes du sang et plusieurs autres seigneurs ; mais il ajoute : Je vous supplie très humblement, Madame, que vous pourchassiez une bonne paix et mettiez fin au bon commencement que vous y aviez donné. Il exprime l'entière confiance qu'il a dans la miséricorde de Dieu, ayant espérance que l'abîme de la miséricorde surmontera l'abîme de ses péchés. La grâce de Dieu, dit-il en terminant, me fera participant de son royaume céleste.

S'adressant à la duchesse de Guise qui pleurait, il lui dit : Ma chère et bien-aimée compagne, puisque Dieu veut que je m'en aille le premier, c'est bien raison. Cependant j'ai encore le loisir qu'à vous la première j'adresse mon propos, vous communiquant mes dernières affaires. Il ne veut pas nier que les conseils et les fragilités de la jeunesse ne l'aient quelquefois conduit à des choses dont elle a pu être offensée. Il la prie de l'en vouloir excuser et de les lui pardonner, et il ajoute : Mais depuis quelques années vous savez bien avec quel respect j'ai conversé avec vous, vous ostant toutes occasions de recevoir le moindre mescontentement du monde.

Dieu m'a donné des biens, je vous en laisse la part que vous en voudrez prendre. Je vous laisse les enfants que Dieu nous a donnez, qui sont assez bien heureusement nez et nourriz jusques icy. Je vous prie, par l'inviolable amytié d'entre nous deux, que vous leur soyez toujours bonne mère ; que vous leur rendiez les prudens et soigneux offices que vous leur debvez, les nourrissant sur toutes choses en l'amour et la crainte de Dieu, pour obéir à ses commandements et suyvre le chemin de vertu ; que vous les entreteniez en l'obéissance du roy et de la royne ma bonne maîtresse, et de messieurs ses enfants, que vous leur donniez de bons précepteurs qui les instituent aux bonnes lettres, j'entends les lettres qui ne sont subjectes à aucune répréhension, et que vous leur donniez de sages gouverneurs qui les puissent dresser au chemin des gens de bien et d'honneur, pour estre tels que je les désire. Les plus chers trésors que vous leur puissiez faire acquérir sont les vertus qui leur feront une seconde obligation envers vous, non moindre que la naissance. Je vous prie de tout mon cueur les avoir tous pour recommandez, et principalement mon fils icy présent, qui, estant le plus advancé d'aage, pourra servir de guyde et d'exemple aux autres. Je vous donne la puissance de leur faire le partage de mes biens, et d'oster à celuy qui vous sera désobéissant la tierce partie des biens qui luy escherra, et la donner à celuy de ses frères que vous vouldrez choisir ; en quoy je m'asseure que sous gouvernerez par l'advis et conseil de madame ma mère, et de messieurs les cardinaulx mes frères, et s'il advient que vous vous oubliez en ce dont je vous prie, vous rendant trop rigoureuse ou nonchalante à vostre devoir envers eux, je prie mon Dieu qu'il vous en donne une forte punition, pour vous faire cognoistre vostre faulte. Je ne dis pas cecy, nia mye, pour aucune défiance que j'aye de vous, car je vous tiens en trop bonne estime ; mais l'amour paternel et le grand désir que j'aye que vous suyviez ma volonté, me faict parler en ceste sorte. Or, je vous prie mettre si bien en votre mémoire ce mien dernier propos, qu'il n'en puisse jamais sortir.

S'adressant ensuite au jeune prince de Joinville, célèbre depuis sous le nom de Balafré, il s'exprima ainsi :

Mon fils, tu as oy ce que j'ay dit à ta mère, que Dieu te laisse pour tenir ma place et t'estre une bonne et sage conduicte, tant qu'elle demeurera en ce monde ; je te recommande de luy estre obéissant et de luy rendre honneur et révérence, suyvant les bons conseils et prudentes instructions qu'elle te donnera ; aye, mon mignon, mon amy, l'amour et la crainte de Dieu principalement devant tes yeulx et dedans ton cueur ; chemine selon ses voyes, par le sentier droict et étroict, laissant le large et oblique qui conduit à perdition ; garde ses saincts commandements tant qu'il te sera possible ; demande-luy-en la grâce, et il te la donnera ; dresse toutes tes actions et desseins au chemin de la vertu, pour laquelle avoir il te fault enquérir que c'est que vertu, et l'ayant aprins, t'enquérir où sont les hommes vertueux, et après les avoir trouvez, hante-les, fréquente-les, et te les propose pour imiter, lors Dieu te fera la gràce de devenir vertueux ; ne te laisse aucunement attirer aux compagnies vitieuses, car la fragilité de la jeunesse s'attache aysément à l'exemple du mal, et pour petit commencement que tu en ayes, tu ne te donneras garde que peu à peu te laissant vaincre au vice, tu y viendras jusques au plus haut degré ; gardetoy, mon fils, d'y entrer, pour n'obscurcir par tes coulpes l'heur de ta naissance ; évite toutes les occasions qui t'y pourroient conduire ; ny mesme au jeu, ne commence à tromper pour quelque petite occasion que ce soit, car du peu tu viendrais au beaucoup, et acquerrais avec le temps une constance vitieuse ; mesquine la conservation des femmes mal sages, car il ne s'en peult acquérir que malheur et damnation ; ne cherche aucun avancement par voyes mauvaises, comme par une vaillance de court, une fortune vitieuse ou une faveur de femmes, car ce sont tous incertains appuiz sur lesquels ne se peut fonder aucune chose stable ; mais attens les honneurs de la libéralité de ton prince, par tes services et labeurs, et ne désire les grandes charges, car elles sont très difficiles à exécuter ; mais celles où Dieu t'appellera, employe entièrement ton pouvoir et ta vie pour t'en acquitter selon ton devoir à l'honneur de Dieu et au contentement de ton roy, lequel tu dois recongnoistre (après Dieu) pour souverain maistre et seigneur, et la royne, ma bonne mais-tresse, pour ta souveraine dame, en tout leur dédiant tes services, et honorant Messieurs comme frères et edams de tes roys ; et si la bonté de la royne te fait participer en mes estats, n'estime point que ce soit pour tes mérites, mais seulement en faveur de moy et de mes laborieux services, et regarde, quand tu seras venu à l'aage d'en pouvoir prendre le maniement, de t'y porter avec modération, faisant à un chacun tous les raisonnables plaisirs que tu pourras, sans jamais faire injuste desplaisir à personne. Les grandeurs ne sont rien si elles ne sont accompagnées de la vertu, et 'd'autant qu'eslevé en plus hault degré tu seras, d'autant seront tes faultes plus apparentes ; mais quelque bien qu'il te puisse advenir, garde-toi d'y mettre ta confiance, car ce monde est trompeur et n'y peult estre asseurance aucune ; ce que tu vois clairement en moy-mesme, qui, estant un grand capitaine, suis tué par un petit soldart. Je ne dis pas cecy pour ma louange, car je la rends du tout à Dieu, mais pour t'enseigner le mépris du monde ; estimant que grand capitaine se peut dire celuy qui est chef de tant de vaillants hommes combattans pour l'honneur de Dieu et pour le service de leur prince. Or, mon cher fils, pour la fin de mon propos je te recommande ta mère, que tu l'honores et la serves, ainsi que Dieu et nature te le commandent ; que tu ne luy déplaises ny ne la mécontentes jamais en rien ; que tu aymes tes frères comme tes enfants, estimant leur bien comme le tien propre ; que tu gardes l'union avec eux, car c'est le vouloir de Dieu et le nœud de ta force, et je prie mon Dieu qu'il te donne sa saincte bénédiction, comme je te donne présentement la mienne.

Ne dirait-on pas, dans les suprêmes recommandations qu'il adressait à son fils, qu'il avait le secret pressentiment de l'avenir ?...

Le cardinal Charles de Lorraine était à Trente, de retour d'un voyage à Inspruck, où il avait eu une entrevue, avec l'empereur Ferdinand et plusieurs princes du saint-empire, au sujet du concile. Ce fut là qu'il apprit la mort de son frère.

François de Lorraine adressa en ces termes ses dernières recommandations à tous ses frères[7], présents ou absents :

Et vous, Messieurs les cardinaulx mes frères, qui m'avez toujours tant aymé, j'ay receu de grands biens de vous, lesquels je désire que les miens puissent recongnoistre, en vous obéissant et vous faisant service ; je vous prie de les avoir en vostre recommandation, et leur estre pères, et vous rendre protecteurs de ma femme et de ma maison. Je m'asseure que mon frère, monsieur d'Aumalle, fera tousjours envers eulx office de bon oncle, et que mes aultres frères vous obéiront comme voz enfants. Vous, monsieur le cardinal, mon frère, qui estes éloigné pour une si bonne occasion, je vous prie, quand vous entendrez ceste nouvelle, prendre la consolation avecques Dieu, que vous sçauriez très bien donner aux austres ; et vous, monsieur le cardinal, mon frère, que Dieu a voulu faire assister à ma fin, et qui avez prins la peine de me venir trouver à ce besoing nécessaire, vous m'avez grandement obligé de ce bien et de tant d'aultres que j'ay receuz devons ; mais surtout de ce qu'en ceste extrémité vous m'avez advisé de penser à Dieu et à ma conscience, et de recevoir les sacrements selon la saincte et louable coutume de l'Église.

Se tournant alors du côté des assistants qui tous avaient les yeux pleins de larmes, il leur dit :

Et vous, Messieurs, qui estes icy présents, que Dieu m'a envoyez pour ma consolation, je vous prie, ne vous lassez point de continuer jusques à ma fin les bons et charitables offices que vous avez commencez. Je ne croyois pas estre si près de mon but, et sentois mes forces assez grandes pour aller plus oultre ; mais puisque mon heure est prochaine, il est temps que je pourvoye à mes dernières affaires. Je vous prie, Messieurs, quand Dieu m'aura appelé à l'autre vie, souviennez-vous d'avoir toute ma famille recommandée envers la royne, et lui ramentevoir mes longs et fidelles services qui ont esté les meilleurs que j'ay peu envers les roys mes bons maistres et envers elle, et luy dire que s'il luy plaist départir à mon fils mes estats, j'espère qu'elle en sera bien et fidellement servie. Quant à messieurs les cardinaulx mes frères, je croy qu'ils se contentent des biens qu'ils ont. Il fault que je die de M. d'Aumalle mon frère, que c'est un bon et vaillant capitaine qui a bien et longuement servy, et qui mérite qu'on le recongnoisse. Quant à moy, vous voyez l'estat où je suis réduit par la blessure d'un homme qui ne sçavoit pas bien ce qu'il faisoit. Je vous prie faire très humble requeste à la royne, qu'en l'honneur de Dieu et pour l'amour de moy, elle lui pardonne. S'il est trouvé avoir offensé le public, je n'y touche point ; mais en ce qui concerce l'intérest particulier de ma vie, suppliez-la affectueusement de ma part qu'il ne reçoive aucun dommage ; et vous qui en estes la cause, je vous suis grandement obligé : je serois bien ingrat si je ne vous remercioys, puisque, par vostre moyen, je suis voisin de l'heure où j'espère asseurément m'approcher de mon Dieu et jouyr de sa présence. Les roys ont de belles maisons, les princes en ont, j'en ay de belles, mais ce ne sont que ténébreuses prisons auprès de la saincte cité et de la haulte habitation où je m'advance. C'est le temps où je doibs penser aux offenses que j'ay faictes et recueillir les 'huttes de ma vie. Vous sçavez que j'ay eu de grandes et difficiles charges, et ce a esté sans les chercher. J'ay esté lieutenant des roys en grandes armées, dedans et dehors ce royaume, ayant commandement sur les finances, dont je signois les roolles, et expédioys les acquits ; qui n'estoit soing de petite importance ; mais je ne les ay employeez que pour le service du roy, sans jamais en appliquer rien au profit de moy ny des miens. J'ay esté quelquefois contraint d'user d'un peu de sévéritez, comme en Lombardie, de faire mourir des hommes pour peu d'occasion, pour avoir seulement prins un pain ou un morceau de lard, qui estoient rigueurs nécessaires pour la guerre, toutefois désagréables à Dieu, dont je sens un fort grand desplaisir, comme d'autres semblables offenses. J'ay esté aussi d'avis qu'on print des biens de l'Église, et qu'on vendist du temporel des bénéfices ; mais ce a esté à bonne intention pour la nécessitez du temps et l'utilité publique, et ay toujours désiré une bonne réformation à l'Église, affin que Dieu y fust mieulx honoré et servy. J'espère que ce bien adviendra en la chrestienté, lorsqu'on verra ceulx qui l'entreprendront porter la marque de vrays et fidelles serviteurs de Dieu. Quant aux dernières armes que j'ay prinses, j'invoque la bonté divine en tesmoignage que je n'y ay esté conduit par aucun intérest particulier, par ambition ny par vengeance, mais seulement pour le zèle et l'honneur de Dieu, pour la vraye religion que j'ay tenu sans fléchir et le service de mon prince, qui sont cause que je meurs présentement, dont je me tiens heureux et remercie de très bon tueur mon Dieu de m'avoir faict tant de grâce. Je vous prie croire que l'inconvénient advenu à ceux de Vassy est advenu contre ma volonté, car je n'y allai oncques avecques intention de leur faire aucune offense. J'ay esté deffendeur, non aggresseur, et quand l'ardeur de ceux qui estoient avec moy, me voyant blessé, leur fit prendre les armes, je fey tout ce que je peu pour parer leurs coups et garder que ce peuple ne receust aucun outrage. J'ai désiré et pourchassé par tous les moyens qu'il m'a esté possible, une bonne paix, et qui ne la désire n'est point homme de bien ny amateur du service du roy, et honny soit qui ne la veult. Je vous prie remonstrer à la royne qu'elle la fasse pour la conservation de son royaume, qui est tant affligé que, s'il demeure quelque temps en ce misérable estat, l'enfant ne pourra hériter aux biens de son père, ni le seigneur soutenir ce qui est sien. Il vaudroit mieulx estre ailleurs beschant la terre, tellement que si Dieu n'y remédie, j'ay pitié de ceulx qui demeurent après moy. Il est vrai que le moyen de la paix est hors de la puissance des hommes, pour les volontez exhorbitantes et les cueurs trop endurciz ; de sorte qu'il fault que ce bien advienne à ce pauvre royaume seulement par la bonté de Dieu. Il nous le donnera quand il en sera temps, et quand nous aurons appaisé son ire par nostre conversion de vie. Il est notre père, et nous sommes ses enfants. Il sçait mieux que nous-mesmes ce qui nous est proufitable. C'est luy de qui il fault attendre toutes bonnes choses ; car le monde n'est plein que de tout mal, de misère et de calamité. Il luy plaist qu'il soit ainsi pour exciter nosire foy, et nous garder de mestre icy nostre fiance. Et vous, nies amys et serviteurs, qui avez prins pour moy tant de peines, je n'ai pas faict beaucoup pour vous ; si ay-je fait ce que j'ay peu, et si mieulx je pouvois, je le ferôys volontiers. Je vous prie, si la colère m'a quelquefois incité à vous dire ou faire chose qui vous ayt depleu, me le vouloir pardonner ; et si à quelqu'un d'entre vous ou d'aultres je me trouvois redevable d'aucune debte dont il ne me souvienne, j'entends que, à la première demande, il y soit promptement satisfaict.

Cela dit, il se recueillit un moment, ensuite il adressa à Dieu sa dernière oraison :

Ô mon Dieu, dit-il, que grande est ta clémence et bénignité envers ta créature, envers ton pauvre serviteur ; tu m'as desparty en ma vie plusieurs grands bienfaits, tant d'honneurs et de prospéritez et tant de faveurs ; mais, mon Dieu, toutes ne sont rien auprès de celle que tu me fais de m'appeler à toy. Ô heureuse la playe qui, en si peu de temps, me délivre de ceste prison terrestre, et me mène en la céleste habitation vers toy, mon Dieu, qui est le salut, le bien seul et asseuré où nous debvons prétendre, où j'aspire de tout mon cueur, et espère de parvenir, non point par mes mérites ni par mes œuvres qui sont trop imparfaictes, car je ne suis que péché, mais par ton infinie bonté et miséricorde, par le mérite du sang espandu de ton Filz mon Saulveur. Je mets tous mes peschez sur mes épaules et les jette à tes pieds, afin que tu les reçoyves et me laves dans le sang de ton Filz Jésus-Christ. Ô Trinité divine et incompréhensible, trois personnes en une déité, soyez-moy aujourd'huy secourable : ne permettez point que pour mes faultes l'ennemy use de sa puissance sur moy. Tu m'as promis, mon Dieu, que tu recepvras la conversion du pécheur toutes les foys qu'il se repentira de ses faultes ; regarde mon humilité, mon desplaisir et ma ferme espérance, espérance qui n'abuse point et ne confond jamais, car elle est appuyée sur la roche de la vérité, sur tes sainctes promesses qui ne furent oncques vaines et ne peuvent faillir. N'entre point en jugement avec ton serviteur. Je demande ta miséricorde, mon Dieu, ta saincte miséricorde, qui est infinie, qui surmonte l'infinité de mes peschez ; fais-moi participant de la mort de ton Filz Jésus-Christ, qui a vaincu la mort et le péché du monde ; confirme-moy de ton Sainct-Esprit ; mets dedans mon cueur, avec ton doigt divin, la foy et confiance en ton souverain ayde jusqu'au dernier soupir de ma vye ; embrase mon esprit de ta charité, affin qu'il ne pense qu'en toy, qu'il ne désire que toy, et ne permets que mes tentations soyent par-dessus mes forces. Or, mon Dieu, je sens déjà ta promesse accomplie, je me sens estre au nombre de tes esleuz, dont je te rends infinies grâces. Je voys tes saincts bras ouverts pour me recevoir aux félicitez éternelles, pour me faire vivre entre tes bienheureux. Ô mon Dieu ! je n'ay plus aucun doubte de mon salut ; il n'y a plus qu'un peu d'espace qui me garde d'aller à toy. Je suis venu au bout de mon voyage ; je n'ay que le travers d'une rue à passer ; abrège-moi, mon Dieu, ce passage, non point pour me délivrer de la peine, car je me contente de ce qu'il te plaît, sçachant bien qu'il n'y a tribulation qui soit digne de la future gloire ; mais je désire ce parlement, pour bientost voir ta face divine. Or, mon rédempteur Jésus-Christ, je me voys présenter au sainct Sacrement de ton précieux corps, où tu es présent réalement et en essence, ainsi que tu l'as dit, pour le recevoir en toute humilité, et me nourrir de ceste divine pasture, pour me fortifier en l'imbécillité de ma chair par ta chair, et me conjoindre et unir inséparablement avecques toy ; combien que je soys du tout indigne d'une telle grâce.

Nous avons voulu citer, sans en retrancher un seul mot, les dernières paroles de ce grand capitaine, car elles témoignent de la foi ardente de son âme. Ce n'est pas à son lit de mort, après avoir fait une confession si sincère de toute sa vie, qu'il aurait profané son agonie par un mensonge. Il est donc injuste que l'histoire puisse l'accuser d'avoir prémédité le massacre de Vassy, la seule tache que ses ennemis aient voulu imprimer à son nom. Il reste acquis, au contraire, non seulement par les documents qui nous sont fournis, mais surtout par les derniers aveux arrachés à un mourant, qu'il s'employa de toutes ses forces à faire cesser le carnage.

Cependant le terme fatal approchait, et Guise le pressentait au redoublement de ses souffrances. Toujours calme et résigné, il dicta son testament, mit en ordre les dernières affaires qu'il avait en ce monde et ne songea plus qu'à Dieu. C'était le 24 février ; un autel était dressé dans sa chambre, tout proche de son lit, et il suivait, dans le recueillement le plus profond, les prières du prêtre et se préparait à recevoir la sainte communion. Lorsqu'il eut reçu le pain des justes et des forts, on voulut lui faire prendre quelques aliments ; mais il les repoussa en disant : Ostez ! ostez ! car j'ai pris la viande céleste, la manne du ciel par laquelle je me sens si consolé qu'il m'est advis que je suis desjà en paradis. Ce corps n'a plus nécessité de nourriture.

Après ces mots, dernier élan de sa foi, la parole l'abandonne, et le moribond fait de suprêmes efforts pour suivre la lecture des épîtres est des évangiles qui lui est faite par l'évêque de Riez. Le légat du pape, cardinal de Ferrare, lui administre enfin l'extrême-onction ; puis, vers onze heures du matin, l'âme du noble duc s'exhale dans un dernier soupir (25 février 1563).

François de Lorraine, duc de Guise, était né, on le sait, au château de Bar, en 1519. Il mourut donc à l'âge de quarante-trois ans. Il laissait quatre fils : Henri, prince de Joinville, né le 31 décembre 1550, connu plus Lard sous le nom de Balafré, et qui hérita du titre et de presque toutes les grandes qualités de son père ; Charles, marquis, puis duc de Mayenne, né le 26 mars 1554 : ce fut celui-là qui força en quelque sorte Henri IV à rentrer dans le giron de la foi catholique ; Louis, cardinal de Guise, et François, qui, né en décembre 1558, mourut à Reims le 24 octobre 1575, et une fille, Catherine-Marie, née le 18 juillet 1552, et mariée, à l'âge de dix-huit ans, à Louis de Bourbon, duc de Montpensier. Elle mourut le 6 mars 1596. 11 eut encore trois autres fils, mais qui moururent en bas âge. Par son testament, il laissait Anne d'Este, sa femme, tutrice de ses enfants, conjointement avec les cardinaux de Lorraine et de Guise.

D'après la relation des ambassadeurs vénitiens, les enfants du duc de Guise étaient beaux comme des anges.

La mort de François de Lorraine fut pour la France un deuil national. Les poètes célébrèrent ses louanges, et dans la complainte faite sur son trépas, il est proclamé le Lorrain Scipion.

Le premier guerrier de ce monde,

Si bien qu'à la postérité,

Il sera toujours comme en vie.

Dans son tombeau, ou le représente comme un Hector, un César, un Roland, un Martel. Ce furent non seulement Dorat et Ronsard qui célèbrent, dans leurs vers, la vie du héros que la France venait de perdre ; mais le chancelier de l'Hôpital lui consacra aussi des louanges en vers latins, dont Brantôme nous donne quelques traductions dans son ouvrage sur les grands capitaines. Voici un de ces passages :

Celuy que la fureur des guerres plus cruelles,

Ny le glaive ennemi aux dangers n'a osté,

Par la débile main d'un traistre est emporté,

Couronné justement de gloires immortelles.

Il serait trop long de citer les Chants funèbres, les Élégies, même le De profundis et une Consolation à la France, qui parurent à cette époque et devinrent populaires parmi tous les catholiques. En Italie, en Allemagne et en Espagne cette mort eut un même retentissement, et excita les mêmes regrets et une même admiration. On ne l'appelait que le grand duc de Guise, titre glorieux qui lui a été consacré par l'histoire. A Rome, son apologie fut faite en public par Jules Poggiano, et chaque fois que Pie IV prononçait son nom, il le comparait aux Macchabées et ne l'appelait que le bienheureux martyr et le sauveur de la France.

Le cardinal Charles de Lorraine, en apprenant la mort du duc de Guise, écrivait au maréchal de Montmorency, comme au principal amy qu'eust feu monsieur son frère, pour le supplier de porter la même volonté aux enfants comme au père. Il disait aussi à Antoinette de Bourbon, dans une lettre où il exaltait l'honneur du martyr de son frère en termes remplis de fermeté et de résignation : Je vous dye que jamais Dieu n'honorera tant mère, ne fit plus pour aultre sienne créature, — j'excepte toujours sa glorieuse mère, — qu'il a faict pour vous. Dans ses entretiens familiers, le cardinal disait que, bien qu'ils eussent toujours été unis dans une parfaite

amitié, il le regrette moins à cause de lui que pour le bien public, le service de Dieu et du roi auquel il était si grandement nécessaire.

Le concile fit célébrer, à la mémoire du duc de Guise, un service solennel et vraiment royal. Le roi Philippe II, le comte de Lima, le duc d'Albe, le cardinal d'Este, le cardinal de Ferrare et tous les personnages illustres de l'époque adressèrent à la duchesse de Guise ou aux princes lorrains des lettres de condoléance, exprimant l'admiration universelle qu'inspiraient les talents et le caractère du duc.

François de Lorraine laissa à peu près deux cent mille francs de dettes à sa mort. Plusieurs fois ses intendants avaient voulu, pour alléger ses dépenses, lui faire renvoyer quelques-uns de ses serviteurs : Si je n'ai pas besoin d'eux, répondit le duc, eux ont besoin de moi. On avait dit une fois devant lui que si Gaspard de Coligny recevait une blessure mortelle, ce serait un grand bienfait pour la France. Guise interrompit ces propos, qui n'étaient que des vœux antichrétiens, et répondit : Si je n'eusse craint Dieu, ce seroit déjà arrivé ; mais je ne sais pas tendre de piège. Je ne désire pas le savoir et je ne fais pas faire par d'autres ce que je ne voudrois pas faire moi-même. Paroles magnanimes qui contrastent singulièrement avec celles que Coligny fit entendre après le lâche attentat de Poltrot de Méré.

Le corps de Guise resta quelques jours exposé à la vénération des soldats. Toutes les troupes du camp vinrent défiler devant lui, et tous ces hommes, dont le cœur était durci par la guerre, versaient des larmes en contemplant les restes de ce chef qui les aimait comme un père.

Après que les honneurs funèbres lui eurent été rendus dans le camp, son corps fut transporté à Blois, et puis enfin à Paris, où il arriva le 18 mars, et fut déposé au couvent des Chartreux, où des obsèques splendides lui furent faites aux frais de la ville. Le 19 au matin, des crieurs publics parcoururent tous les quartiers de Paris en faisant entendre ces graves paroles : Priez Dieu pour l'âme de très haut, très puissant, très magnanime et belliqueux prince François de Lorraine.

Toute la ville voulut assister à ses funérailles. Tous les ordres religieux, le clergé de toutes les paroisses, la milice urbaine, formée de cent-vingt-trois enseignes, d'arquebusiers, de piquiers, d'arbalétriers, d'archers portant les cent vingt torches armoriées de l'hôtel de ville, des chanoines, chantres et chapelains, les officiers de la ville en robe mi-partie de rouge et de violet, ayant le vaisseau d'argent brodé sur la manche ; le prévôt des marchands, les échevins montés sur leurs mules caparaçonnées de noir, les membres du parlement, les quarteniers, cinquanteniers, dizeniers, de simples habitants, à cheval, en habit de fin drap noir, de nombreux gentilshommes tous fort bien montez et revestuz seigneurialement en deuil, composaient le cortège très régulièrement ordonné et s'avançant dans le plus profond recueillement. La basilique était magnifiquement tendue ; toutes les cloches sonnaient, et les vêpres des Morts furent chantées avec solennité. Le samedi 20 mars, après un pompeux service pendant lequel le père le Hougre, jacobin, docteur en théologie, prononça une oraison funèbre, où l'éloge le plus absolu remplaçait toute trace de prières ; car, selon l'expression de l'orateur, faict injure au martyr qui prie pour le martyr, le cercueil, accompagné de même que lors de son arrivée, fut conduit par la porte Saint-Antoine jusqu'à une demi-lieue hors la ville, sur la route de Champagne.

Les offices des Morts, ordonnés par l'université de Paris, se prolongèrent encore durant plusieurs jours, et les douze enseignes, les douze guidons de fin taffetas noir richement peints d'un côté aux armoiries de Lorraine, de l'autre à celles de la ville, ainsi que fa cornette de taffetas rouge, la croix blanche par le travers, qui avaient figuré dans les cérémonies, restèrent suspendues à la voûte de la cathédrale, en souvenir de l'illustre prince défunt[8].

Le corps du duc de Guise, après avoir été embaumé, fut enseveli à Joinville, près celui de son père.

L'historien de Thou dit que, de l'aveu même de ses ennemis, Guise fut le plus grand homme de son siècle, digne de toutes sortes de louanges, de quelque côté qu'on l'envisage. Son habileté consommée dans la guerre, jointe à un extrême bonheur, l'aurait fait regarder comme un homme né pour le bonheur et l'ornement de la France s'il eût vécu dans des temps moins orageux et des conjectures où l'État aurait été mieux gouverné.

Anquetil, après s'être demandé si Guise aima à dominer pour faire régner la religion, ou s'il aima la religion pour triompher par elle, ajoute : Mais sur quoi l'on ne peut se tromper, c'est sur ses vertus militaires et civiles ; sur son courage, son intrépidité, son affabilité, sa douceur ; sur sa sagesse à projeter et sa promptitude à exécuter ; sur l'étendue de son génie aussi propre aux manèges de la cour qu'aux expéditions guerrières. Il connaissait le faible de la reine, que les coups de vigueur déconcertaient ; il la surprenait par sa hardiesse, et lui arrachait ce qu'il voulait, avant qu'elle se fût mise en garde contre ses désirs.

Lacretelle, souvent très sévère envers Guise, ne peut cependant s'empêcher de s'écrier : Après avoir montré, durant la plus grande partie de sa vie, la magnanimité d'un chevalier, il mourut en montrant la patience et la douceur d'un chrétien.

La mort du duc de Guise a inspiré à M. Guizot une des plus belles pages de son Histoire de France. Après avoir rapporté les derniers moments du duc, il écrit ces lignes empreintes d'une impartialité et d'une remarquable élévation de pensées, bien digne de cet austère huguenot : Je me fais un devoir, dit M. Guizot, de retracer fidèlement cette mort pieuse et sincère d'un grand homme au terme d'une vie forte et glorieuse, mêlée de bien et de mal sans que le mal y eût étouffé le bien. Ce puissant et consolant mélange est le caractère des hommes éminents du XVIe siècle, catholiques ou protestants, guerriers ou magistrats ; et c'est un spectacle bon à offrir dans des temps où le doute et l'affaiblissement moral est la maladie commune, même des bons esprits et des honnêtes gens.

Malheureusement M. Guizot eût été fort en peine de trouver, parmi les protestants du XVIe siècle, un seul qui fût digne d'être comparé à ce héros.

Après la mort de Guise, Catherine de Médicis, privée du seul général capable de diriger l'armée royale et de chasser l'étranger de France, s'empressa de faire la paix en mettant en présence le prince de Condé et le connétable de Montmorency. Condé exigeait l'application entière de l'édit de janvier. Montmorency jurait qu'il ne souscrirait jamais à une loi qui portait une si grave atteinte à la foi catholique. Comme transition, on mit en avant l'édit de juillet 1562, qui permettait aux protestants d'exercer leur religion dans le royaume, mais en dehors des villes. L'édit qui fut signé à Amboise le 19 mars, permettait aux protestants l'exercice de leur religion dans les villes dont ils étaient maîtres le 17 du même mois, mais n'accordait plus cet exercice dans les campagnes, ainsi que portait l'édit de juillet. Seulement les seigneurs protestants, hauts justiciers, pouvaient faire célébrer leur culte dans toute l'étendue de leurs domaines, à l'exception des villes. Coligny, qui n'avait pas pris part au traité, adressa de vifs reproches au prince de Condé pour s'être laissé imposer des conditions, lorsque la mort du duc de Guise les rendait maîtres absolus de la situation. L'édit d'Amboise était cependant très favorable aux huguenots ; aussi un grand nombre de parlements se refusèrent-ils d'abord à l'enregistrer. Mais la paix était trop vivement désirée par tous, la France était trop appauvrie en hommes et en argent pour que chacun n'y mît pas un peu du sien. Lorsque les Allemands furent payés et munis de leur sauf-conduit pour regagner leur patrie, la reine, toujours fourbe, avait donné ordre à Tavannes de se poster sur leur chemin et de les massacrer en route ; mais le maréchal refusa d'obéir à cet ordre. Quant aux Anglais, ils furent contraints à quitter le Havre-de-Grâce.

Les princes de Guise et leurs alliés adressèrent au roi une requête par laquelle ils demandaient justice du meurtre commis sur la personne du feu duc de Guise. Cette requête est signée : Charles, cardinal de Bourbon ; François de Bourbon ; Louis de Bourbon, club de Montpensier ; Anne d'Este, Léonard d'Orléans, duc de Longueville ; Henri de Lorraine, duc de Guise ; Louis, cardinal de Guise ; Claude de Lorraine, duc d'Aumale ; Jacques de Savoie, duc de Nemours ; et René de Lorraine, marquis d'Elbeuf.

Mais un mémoire fut présenté à la reine pour empêcher que les princes de la maison de Guise n'allassent demander justice au parlement de Paris de l'assassinat du chef de la famille. Un arrêt du conseil du roi, s'appuyant sur les considérations de tranquillité publique, met en suspens pendant trois ans le procès que les Guises veulent intenter aux Châtillon. Le jeune Henri de Guise accusa toute sa vie l'amiral Coligny de la mort de son père et jura de le venger. Il devait, malheureusement, tenir son serment avec trop de fidélité.

 

FIN DE L'OUVRAGE

 

 

 



[1] De Thou.

[2] Mémoires de Condé.

[3] Mémoires-Journaux du duc de Guise.

[4] De Thou.

[5] ... A l'instant qu'il l'eut frappé, il picqua son cheval d'Espagne sur lequel il estoit monté, et se saulva de vitesse, prenant par plusieurs bois et taillis ; durant laquelle nuyct il feit environ dix lieues, pensant toujours s'esloigner d'Orléans ; mais à l'obscurité, il se détourna de son chemin, et vint jusques au village d'Olivet, et picqua jusques au lendemain huit on neuf heures du matin, qu'il cogneust son cheval estre las ; pourquoy il se logea en une cense, où il reposa jusques au samedy XX, qu'il y fut trouvé fortuitement par aucuns soldats ne le cognoissant point, ny sachant qu'il eust commis ledit cas ; mais par subçon, le voient seul, et de contenance aucunement effrayée, espérant, si c'étoit luy, en avoir bonne récompense, parce que le roy avoit faict crier par son camp que quiconques en trouveroit l'auteur et le représenteroit, il luy donneroit mille escus ; qui fut cause de mettre plusieurs en besoigne. Ceuix donc qui le descouvrirent en ladite cense, le trouvant en une chambre où il acourtroit sa pistole, et reinezchant son cheval, l'adressèrent au camp vers la royne : auxquels par le chemin il déclara l'affaire, promettant un bon présent s'ils le vouloient sauver.

[6] On assure qu'un astrologue, Luc Gaurie, qui avait annoncé la mort de Henri II, avait annoncé à Guise qu'il serait tué par derrière, ce qui l'avait fort irrité, faisant croire par là qu'il serait tué en fuyant.

[7] Le grand prieur ne lui survécut que peu de jours. Il mourut le 7 mars, à la suite des fatigues qu'il avait essuyées à la bataille de Dreux. D'autres versions assurent qu'il fut empoisonné par les protestants. Ce fut aussi en vaillant guerrier qu'il se distingua, non seulement en France, mais aussi contre les Turcs. Son corps fut inhumé dans la chapelle du grand maître l'Isle-Adam, au Temple, à Paris. Les statues en bronze de Moïse, de saint Jean-Baptiste et un grand aigle qui figuraient dans l'église de Malte, provenaient de ses dons. (René de Bouillé.)

[8] René de Bouillé.