HENRI DE GUISE LE BALAFRÉ

 

CHAPITRE X.

 

 

Déclaration du roi de Navarre, de Condé et de d'Anville contre l'édit de Nemours. — Réponse du roi de Navarre aux ambassadeurs d'Henri III. — Les Guises à la cour. — Nouveaux projets de guerre contre la reine Élisabeth. — La cour de Rome. — Grégoire XIII et Sixte-Quint. — Bulle d'excommunication contre le roi de Navarre. — Condé. — Réponse du roi de Navarre à cette bulle (6 novembre 1585). — Le roi de Navarre se prépare à faire la guerre à outrance. — Marguerite de Valois se déclare contre son mari, surprend la ville d'Agen et la reperd aussitôt. — Diverses armées sont levées par Henri III. — Échec de Condé devant Angers. — Dispersion de l'armée de ce prince. — Condé passe en Angleterre. — Campagne de Mayenne dans la Dordogne. — Mayenne, pris de la fièvre devant Monségur, est obligé de se retirer à Bordeaux. — Soupçons que fait naître sa présence dans la capitale de la Guyenne. — Mayenne, à peine rétabli, fait le siège de Castillon. — Capitulation de la ville (3 août 1586), qui est pillée malgré Mayenne. — Mayenne publie un écrit pour expliquer sa campagne. — Les protestants essayent de le tourner en ridicule. — Mayenne enlève Anne de Caumont. — Retour de ce prince à Paris. — Correspondance du Balafré. — Ses relations avec les seigneurs écossais. — Philippe II, Mendoza et le duc de Parme s'agitent contre l'Angleterre. — Guise essaye d'entraîner le duc de Parme, l'archiduc Ferdinand et Polviller dans une ligue générale. — Le Balafré porte la guerre dans le duché de Bouillon. — Dénombrement des forces dont la Ligue pourra disposer. — Il s'empare d'Auxonne sans attendre la permission du roi (17 août). — Lettre du duc de Guise à la reine mère. — Projets matrimoniaux de cette princesse. — Discussion théologique entre les luthériens et les calvinistes. — Les princes luthériens envoient une ambassade à Henri III, qui quitte Paris pour éviter de la recevoir. — Le roi vient à Lyon. — Ses plaisirs enfantins. — Joyeuse va entrer en campagne. — A la suite de quel événement d'Épernon fut nommé gouverneur de la Provence. — Entrevue de la reine mère et du roi de Navarre à Saint-Bris. — Le Balafré s'inquiète de cette entrevue. — Conférences des ligueurs à l'abbaye d'Orcamp. — Le roi retourne à Paris, et reçoit les ambassadeurs allemands. — Harangue des ambassadeurs. — Réponse hautaine du roi. — Démenti qu'il leur donne par écrit. — Un officier du duc de Bouillon s'empare de Rocroy. — Polémique entre Guise et Bouillon à ce sujet. — Guise reprend Rocroy. — Capitulation à longue échéance. — Motifs de Guise d'agir ainsi. — Ses vues ambitieuses dans l'avenir. — Parallèle entre le Balafré et le roi de Navarre. — Suite des entreprises contre le duché de Bouillon. — Jugement prononcé contre Marie Stuart. — Henri III fait demander la grâce de sa belle-sœur. — Élisabeth la refuse. — Supplices infâmes inventés contre les complices de Marie Stuart et contre les catholiques. — Derniers moments de Marie Stuart. — Sa mort.

 

Si le nouvel édit donnait satisfaction aux catholiques, il avait pour effet, non seulement de contraindre les protestants à reprendre les armes, mais il était à craindre qu'il n'entraînât aussi la rébellion des politiques, dont d'Anville, maintenant duc de Montmorency, était le chef depuis la mort du duc d'Anjou.

Guise n'avait rien négligé pour entraîner dans la Ligue le gouverneur du Languedoc ; il avait fait appel aux sentiments affectueux que lui avait témoignés son frère depuis leur réconciliation jusqu'au jour de sa mort. Il lui avait fait écrire par le cardinal de Bourbon ; mais le duc resta sourd à toutes ces avances, et opposa. d'énergiques fins de non-recevoir aux Sollicitations d'oint il fut l'objet. En l'état des esprits, la neutralité absolue n'était pas possible pour le duc ; il fallait qu'il se prononçât pour ou contre la Ligue. En effet, peu après il se joignit au roi de Navarre et au prince de Condé pour signer une déclaration collective contre le traité de Nemours (10 août).

Après cette déclaration, rédigée à Saint-Paul de Cude-Jour, près de Lavaur, les deux princes se retirèrent en Guyenne et Montmorency à Montpellier, bien décidés tous trois à s'opposer par là force à l'exécution du nouvel édit.

Du reste, le roi lui-même ne se faisait pas illusion ; dans une conversation qu'il eut avec le premier président de Harlay, le second président, le prévôt des marchands et le doyen de la cathédrale, dit : J'appréhende bien que ceux que nous cherchons à détruire ne se trouvent plus disposés à nous donner la loi qu'à la recevoir de nous[1].

Il avait fait appeler ces quatre personnages le lendemain du jour où fut publiée la protestation. du roi de Navarre, du. prince de Condé et de Montmorency, afin d'obtenir de la cour, du peuple et du clergé l'argent dont il avait besoin pour être.en mesure de soutenir par les armes les dispositions du nouvel édit.

Quelques jours après, le roi envoya à Nérac le cardinal de Lennoncourt, d'Angennes, sieur de Poigny, et Nicolas Brulart[2], pour atténuer autant que possible auprès du roi de Navarre l'impression fâcheuse que ce prince avait ressentie contre ce manque de parole. Les ambassadeurs avaient aussi pour mission de ramener le Béarnais au catholicisme. Ils furent reçus et écoutés avec beaucoup de déférence ; mais ils échouèrent complètement. Henri ne manifesta aucun ressentiment contre le roi, qu'il remercia, au contraire, de l'affection qu'il lui portait ; mais il regretta qu'il se laissât entraîner par ses 'ministres dans une politique qui livrait le royaume à l'ambition du duc de Guise, et renouvela, en ce qui touchait la foi religieuse, ce qu'il avait dit si souvent, à savoir : qu'il mettait le salut de son âme au-dessus de tous les biens et de toutes les gloires de ce monde, qu'il était prêt à s'en remettre aux décisions d'un concile libre, mais qu'il voulait que sa conscience fût mieux éclairée avant de changer de religion.

Les ambassadeurs, qui étaient arrivés à Nérac le 25 août, ne remportèrent que la vague espérance de voir recommencer les négociations entre la reine mère et le roi de Navarre.

Les ducs de Guise et de Lorraine et les cardinaux de Bourbon et de Guise, suivis d'une faible escorte, étaient venus à Paris, où Mayenne se trouvait déjà. Ils assistaient au conseil en compagnie de d'Épernon, de Joyeuse et de Villeroy, et ils étaient toujours ouys et respectés à cause que la reine mère tenoit leur parti[3]. Ils avaient été reçus par le roi avec grandes démonstrations d'amitié ; mais les courtisans ne se gênaient point de les ridiculiser par derrière, et Henri III mettait tout en œuvre pour semer la division entre leurs amis, et affaiblir ainsi le parti catholique au bénéfice des huguenots.

Mais qu'importaient à Guise ces impuissantes manifestations d'une jour qui eût tremblé au moindre geste de menace pouvant lui échapper dans un moment de colère ? Pendant les trois semaines environ (du 13 au 20 juillet) qu'il y passa, il n'eut guère le temps de s'arrêter aux plaisanteries des courtisans et. aux saillies du fou Chicot, le seul homme de sens et de raison qu'Henri III eût autour de lui.

Il amena Henri III et Catherine de Médicis à entrer dans l'entreprise d'une descente en Angleterre, autant dans le but de délivrer Marie Stuart et de rétablir la religion catholique dans le Royaume-Uni que pour priver les calvinistes de France de leur plus puissant allié, la reine Élisabeth. Des entrevues secrètes eurent lieu à ce sujet dans un village des environs de Paris, entre Guise, Bassompierre et un autre cavalier[4] avec Mendoza, l'ambassadeur de Philippe II. Guise devait, deux mois plus tard, débarquer en Écosse avec dix à douze mille hommes, passer ensuite en Angleterre, où Philippe II enverrait de son côté une armée de débarquement. En attendant un accord plus complet, le Balafré recommanda à Mendoza le silence absolu sur ce plan d'expédition, subordonné sans doute à d'autres pensées[5].

En ce moment, ce qui le préoccupait plus qu'une action décisive contre l'Angleterre, c'était la conduite de la cour de Rome à l'égard de la Ligue et des réformés. Selon l'expression de Nevers, il n'y avait rien à attendre que des paroles[6]. Le pape Grégoire sage et prudent, n'avait accordé à la Ligue qu'un encouragement platonique, et se refusait constamment à lancer contre le roi de Navarre et contre Condé les bulles d'excommunication que réclamaient le cardinal Pellevé et le jésuite Matthieu qu'on appelait le courrier de la Ligue. Sixte-Quint, qui lui succéda (avril 1585), ne paraissait pas, au commencement de son règne, animé de plus de zèle que son prédécesseur. Cependant, sur les instances réitérées du père Matthieu, le pape lança sa bulle d'excommunication le 28 août (le 9 septembre selon le Journal d'Henri III) contre le roi de Navarre et le prince de Condé.

Ce grave et important document commençait par un éloge éloquent de la toute-puissance que Dieu avait accordée à saint Pierre et à ses successeurs pour punir avec une extrême sévérité ceux qui se montraient réfractaires à ses ordres.

Après une longue énumération des griefs qui avaient obligé le Saint-Siège apostolique à dénoncer comme hérétiques, relaps fauteurs d'hérétiques, défenseurs publies et notoires de l'hérésie et ennemis de Dieu et de la religion, le roi de Navarre et Condé, la bulle déclarait le roi de Navarre déchu de tous ses droits sur la partie du royaume de Navarre sur laquelle il avait des prétentions, et même sur celle qu'il détenait aussi bien que sur la principauté de Béarn. Elle ajoutait qu'en vertu de cet arrêt ce prince, conjointement avec le prince de Condé et leurs successeurs, devaient être regardés des ce moment et pour toujours comme privés des droits et privilèges attachés à leur rang, et indignes, eux et leurs successeurs, de posséder jamais aucune principauté, et en particulier de succéder à la couronne de France. La réponse de Bourbon à la bulle de Sixte-Quint ne se fit pas attendre. Elle fut courte, mais violente, ce qui n'était pas dans le caractère du Béarnais. Elle débutait ainsi :

Henri, par la grâce de Dieu, roi de Navarre, prince souverain de Béarn, premier pair et premier prince de France, s'oppose à la déclaration et à l'excommunication de Sixte V, soi-disant pape de Rome, la maintient fausse, et en appelle comme d'abus à la cour des pairs de France.

Le roi de Navarre disait en terminant :

Le dict roi de Navarre, qui n'est en rien inférieur à eux (les rois ses prédécesseurs), espère que Dieu lui fera la grâce de venger l'injure faite à son roy, à sa maison et à son sang, et à toutes les cours de parlement de France, sur lui et ses successeurs, implorant à cet effet l'aide et secours de tous les princes, roys, villes et communautez vrayment chretiennes, ausquels ce fait touche ;, aussi prie tous alliez et confédérez de cette couronne de France de s'opposer avec lui contre la tyrannie et usurpation du pape et des liguez, conjurateurs en France, ennemis de Dieu, de l'État, de leur roy et du repos général de toute la chrétienté[7].

Autant en proteste HENRY DE BOURBON prince de Condé.

Cette protestation fut affichée à Rome, et jusque sur la porte du Vatican, le 6 novembre 1585.

Guise n'était venu à la cour que pour y régler les questions dont nous avons parlé et se mettre en communication avec ses amis de la capitale. Cela fait, il avait dit adieu au roi et était retourné en Champagne pour se mettre en mesure de soutenir la lutte contre les protestants ; car il savait que le roi de Navarre et ses lieutenants ne restaient point inactifs, et qu'il avait peu à compter sur Henri III pour soutenir la campagne qui allait s'ouvrir.

En effet, le Béarnais se préparait a la guerre à outrance.

Comme il avoit l'esprit et le corps infatigables, il levoit les gens de guerre de toutes parts, fortifiait les places, les remplissoit de vivres, les fournissoit autant qu'il pouvoit de munitions et d'artillerie, faisait provision d'argent, tâchait de s'acquérir la noblesse, dressoit les soldats à la discipline, et, sans reposer jamais, avoit l'œil attentif à toutes les choses qu'il jugeoit nécessaires à soutenir le choc d'une si grande puissance[8].

Le roi de Navarre n'agissait pas seulement à l'intérieur. Depuis la promulgation de l'édit de Nemours, il avait envoyé Jacques Ségur de Pardaillan auprès du duc de Saxe et de Jean III, roi de Suède, pour obtenir d'eux et des luthériens allemands des secours en hommes et en argent. Sans attendre la réponse de ses alliés, il avait commencé l'attaque en prenant l'offensive dans la Guyenne, tandis que Condé la prenait dans la Saintonge et le Poitou. Mais ils furent l'un et l'autre devancés par un ennemi, peu redoutable il est vrai, mais avec lequel ils ne pensaient pas avoir à compter. Marguerite de Navarre avait demandé à son mari la permission de quitter Nérac pour aller faire un pèlerinage quelconque. Partez, ma mie, lui avait dit Henri, et priez pour moi. Or la peu dévote princesse profila de cette permission pour se mettre à la tête d'une petite troupe que Lignerac avait levée sur ses ordres, et, au lieu d'aller prier Dieu pour son mari, s'en vint surprendre la ville d'Agen et la mit en l'autorité de la Ligue. Mais elle ne tarda pas à en être chassée par les habitants eux-mêmes, et sa petite troupe fut dispersée par le roi de Navarre en personne, qui lassa sa volage épouse se retirer tranquillement au château de Carlat.

Le Béarnais ne comptait pas borner ses succès à disperser les troupes de sa femme ; son objectif était Paris, dont il voulait se rapprocher le plus possible. A cet effet, il avait envoyé Condé à la Rochelle pour se procurer les secours en vivres et en argent qu'Élisabeth venait de leur envoyer, et ensuite pour pousser hardiment l'exécution du plan concerté entre eux.

Mais Guise avait su contraindre le roi à entrer dans l'action avec énergie. Plusieurs armées venaient d'être levées, et il s'était réservé de désigner les chefs qui devaient les commander. La première qui était forte de cinq  cents hommes d'armes, de mille cinq cents reîtres, de quatre cents chevaux, de cinq mille hommes de pied et de douze pièces de canon était placée sous les ordres de Mayenne et devait marcher contre Bourbon. La seconde, sous le commandement de Biron, et la troisième sous celui de Claude la Châtre, devaient également opérer dans le bassin de la Loire. Matignon devait conduire ses troupes du côté de Bordeaux, et d'Épernon était chargé de la défense de la Provence et du Dauphin ; Joyeuse était dans l'Anjou ; et. Mercœur, gouverneur de Bretagne, était descendu dans le Poitou avec quinze cents fantassins et huit cents chevaux, qu'il- avait levés dans sa province. Quant au Balafré, avec des forces inférieures, il restait en Champagne pour barrer la route aux secours que les protestants attendaient d'Allemagne, et surtout pour être près de Paris et surveiller par lui-même les menées de la cour.

Condé sortit de Saint-Jean-d'Angély, et, après s'être emparé de quelques places ou châteaux, vint mettre le siège. devant Brouage (8 octobre). Laissant là son artillerie et sa flotte sortie de la Rochelle, il tenta de surprendre Angers, espérant, sur un rapport de Rochemorte, l'un de ses lieutenants, que la ville ne demandait qu'à se rendre. Après avoir facilement franchi la Loire, il alla rejoindre Clermont d'Amboise ; mais quand il arriva devant Angers, le château, dont Rochemorte s'était emparé, était retombé au pouvoir des catholiques. Ses lieutenants étaient d'avis qu'il restât de l'autre côté de la Loire, pour que les royaux et les catholiques ne lui coupassent pas la retraite. Mais Condé, impétueux et imprudent comme son père, voulut quand même avoir l'honneur de l'entreprise, et vint, de sa personne, assiéger la ville, dont le château avait été repris par Joyeuse. Après une vigoureuse escarmouche, deux assauts furent donnés. Au premier, les troupes marchèrent courageusement ; mais, comme elles furent repoussées avec grandes pertes, quand on voulut les ramener au combat, elles plièrent, et finalement refusèrent d'avancer. Alors il fallut songer à la retraite, qui s'effectua avec une extrême difficulté. Pourtant Condé parvint à repasser la Loire et à loger à Saint-Arnoul, près de Laverdin. Mais là il apprit qu'il était serré de toutes parts : le duc d'Épernon et le maréchal de Biron se trouvaient dans la Beauce ; Mayenne avait passé Orléans et s'avançait dans la Guyenne ; la Châtre gardait la Loire depuis la Sologne jusqu'à Gien. La division se mit dans les troupes protestantes, et le vicomte de Rohan émit le premier l'avis qu'ils devaient se séparer par petites bandes, et prendre par des routes diverses le chemin de leurs maisons ou du logis de leurs amis. Que ceux qui seront d'un autre avis, dit Rohan, aillent porter, s'ils veulent, leur tête à Paris. Pour moi, je suis résolu à passer en Bretagne, et, par cette fuite salutaire, de me réserver pour une meilleure occasion. Et il partit sans attendre la permission du prince, et plusieurs l'imitèrent.

On ne vit jamais plus lamentable déroute que celle de cette armée de quatre mille hommes divisée par fractions de dix à vingt fuyards, abandonnant leurs armes et leurs hardes sur les chemins, mourant de faim, de froid, harcelés par les royaux et les catholiques, qui les suivaient à la piste, et ne sachant où ils dirigeaient leurs pas.

Condé, avec neuf gentilshommes, épave de son armée détruite sans combattre, parvint à gagner Saint-Malo et ensuite l'île de Guernesey, où il passa en Angleterre pour solliciter des secours d'Élisabeth.

Mayenne, au mois de décembre, fut rejoint à Châteauneuf sur la Charente, par le maréchal de Matignon ; les forces réunies de ces deux capitaines auraient pu réduire le roi de Navarre ; mais le maréchal fut d'avis qu'ils se séparassent pour se donner rendez-vous à Saint-Bazeille au commencement du printemps prochain.

Avec une petite armée, le frère du Balafré arriva à Périgueux le 9 janvier, et fut reçu dans cette ville en grande pompe par l'évêque, le clergé et les habitants. De Périgueux il se porta dans la Dordogne, où il s'empara de plusieurs places importantes, dans lesquelles il voulut, suivant la rigueur des édits, ne placer que des personnes sûres pour les commander. Il allait faire le siège de Montfort, lorsqu'il apprit que Matignon avait quitté Bordeaux avec son armée et son train d'artillerie pour attaquer Castetz et se rendre ensuite à Saint-Bazeille.

Ayant passé la Dordogne à Creiffe, il fut rejoint par deux compagnies, et trouva à Mustel le sénéchal et le capitoul de Toulouse qui venaient de prier de se porter avec son armée au Mas-de-Verdun, d'où les protestants faisaient des courses qui compromettaient la sûreté de la ville de Toulouse. Mayenne y consentit, et s'empara de Gignac et de Conniac. Après plusieurs autres opérations, d'accord avec Matignon, il vint faire le siège de Monségur. En attendant l'arrivée des canons, il ouvrit des tranchées au mois d'avril et jeta quelques troupes sur les moulins proches de la rivière. Mais la fièvre, qui faisait de profonds ravages dans ses troupes, l'atteignit à son tour, et le mit dans l'obligation de se faire transporter à Bordeaux ; Matignon garda le commandement de l'armée, et la ville capitula le 15 mai.

Le maréchal, fidèle aux ordres secrets qu'il avait reçus du roi, au lieu de poursuivre la guerre comme Mayenne, se plaisait à la faire trainer en longueur, afin de forcer le peuple et le clergé, qui en supportaient principalement les frais, à demander la paix, si bien que par ce moyen, les choses retournant en leur premier estat, le conseil de ses ministres se trouvât mocqué, et qu'ainsi lui-même (le roi) s'ouvrit un chemin à la continuation de ses desseins[9].

L'archevêque de Bordeaux, Antoine de Sansac, et le clergé de la ville firent à Mayenne une réception plus belle encore que celle qui lui avait été réservée à Périgueux. Des processions solennelles furent organisées pour demander à Dieu sa guérison. Sansac ne lui permit pas de loger ailleurs qu'au palais archiépiscopal, où tous les ligueurs de la ville et même des environs ne tardèrent pas à affluer. Le bruit courut même qu'il avait feint d'être malade pour s'emparer de la capitale de la Guyenne, et le parlement s'en émut au point de lui envoyer une députation à ce sujet. Mayenne s'excusa avec beaucoup de sagesse, mais il fut vivement piqué de cet affront[10].

Aussitôt remis de sa maladie, il rejoignit son armée et se disposait à se porter devant Bergerac, qui étau roi de Navarre, espérant que Biron, qui était dans le Poitou, le rejoindrait, et que leurs armées réunies seraient assez fortes pour réduire cette place. Mais, ayant appris que Biron voulait opérer seul, il dut renoncer à cette entreprise, et alla devant Castillon, qui faisait également partie de la dot de la reine de Navarre où il devait trouver de l'exercice pendant quelque temps[11].

Mayenne et Matignon arrivèrent le 10 juillet devant Castillon[12], et, après avoir passé la revue de leur armée, forte seulement de sept mille hommes, ils détachèrent un de leurs colonels, qui s'empara facilement des faubourgs de la ville du côté de Libourne. Mais la place, située sur une hauteur dominant tous les environs, était défendue par une nombreuse garnison que commandaient Salignac et d'Allens, tous deux capitaines éprouvés. Le vicomte de Turenne, qui tenait les environs, faisait de fréquentes diversions pour essayer de jeter quelques secours dans la ville et inquiéter les assaillants ; mais il ne réussit guère qu'à faire pénétrer dans la place environ cent vingt hommes, et fut bientôt obligé de renoncer à attaquer le camp des royaux et de ligueurs.

Après s'être emparé des faubourgs, Mayenne ouvrit la tranchée du côté de la campagne ; il resserra la ville du côté de la Dordogne en faisant construire un pont de bateaux qu'il consolida avec des pieux. De cette position il battit le pont en pierres construit sur un ruisseau qui vient de Montravel pour se jeter dans la Dordogne. S'étant rendu maitre de toutes les positions que l'ennemi occupait de ce côté, il s'établit dans le voisinage afin de pouvoir se porter avec la cavalerie et les Suisses où sa présence serait nécessaire.

Le 4 août, il dirigea lui-même l'attaque contre les casemates et la contrescarpe ; et les soldats, animés par sa présence, s'emparèrent de cette dernière position. La contrescarpe occupée, il fit battre le mur à coups de canon, et quand le mur se fut écroulé, il fit tirer sur les casemates et les ruina, contre toute espérance de ses officiers. Les forts et les bastions qui défendaient la place ayant été détruits par l'artillerie de Mayenne, et les  assiégeants se maintenant dans les positions qu'ils prenaient d'assaut, les commandants pour le roi de Navarre envoyèrent des députés au duc pour traiter de la capitulation.

La ville se rendit, le 30 août, aux conditions suivantes les officiers de la garnison sortaient avec leurs armes et leurs chevaux ; en échange les protestants rendaient les officiers catholiques qu'ils avaient faits prisonniers, les soldats vie sauve, mais sans armes, et en s'engageant à ne pas servir de quatre mois le roi de Navarre. Mayenne ne put malheureusement pas garantir la ville du pillage, ce qui fut moins sa faute que celle du roi. A plusieurs reprises il avait écrit à Henri III, ou lui avait dépêché de ses officiers pour lui demander la solde de ses troupes ; lettres et messagers n'apportaient pour toute monnaie que de belles promesses. La veille même de la prise de la ville, les officiers étant encore une fois revenus les mains vides, les soldats, malgré les ordres de leur chef, se payèrent en butin, et ce furent les malheureux habitants qui firent les frais de la campagne. Cette action fut vivement reprochée à Mayenne, qu'on accusa d'user de modération lorsqu'il avait à venger les injures faites au roi, et de laisser commettre des excès lorsqu'il vengeait ses querelles personnelles contre des habitants qui devaient hommage de fidélité à la princesse sa femme.

L'accusation était aussi injuste que ridicule ; mais elle obtint crédit par il n'était sorte de calomnies grossières qu'on n'inventât pour atteindre et frapper les guisards.

La prise de Castillon entraîna la reddition des châteaux de Puynormand et de Minzac (septembre 1586), et là se terminèrent les exploits de Mayenne.

Le prince lorrain comprit que, malgré les succès réels qu'il avait obtenus, ses ennemis eux-mêmes eussent pu craindre au début de la campagne qu'il ne leur portât. de plus mauvais coups. Allant au-devant des attaques dont il allait être l'objet, il défendit sa réputation par la publication d'un écrit dans lequel il établit que s'il n'avait pas fait plus, c'est qu'on ne lui avait donné ni les secours en hommes qu'il avait réclamés, ni la solde qu'on lui avait promise pour son armée. Ainsi il devait toucher sept cent mille écus d'or pour cette campagne ; et on ne lui en avait remis que trois cent mille, bien qu'il eût envoyé deux fois Senneval à la cour pour hâter les secours de troupes et d'argent.

Les protestants, qui cependant auraient dû être plus modestes, car Mayenne les avait en somme constamment battus, répondirent à ce manifeste en tournant les exploits du prince lorrain en ridicule, et en l'accusait d'avoir borné ses conquêtes à l'enlèvement de la veuve du prince de Carency, fille de Godefroy de Caumont et de Marguerite de Lustrac, qui avait épousé en premières noces le maréchal de Saint-André, tué à Dreux.

Anne de Caumont, riche héritière qui devait avoir un jour plus de quatre-vingt mille livres de revenu, avait été courtisée par Charles de Biron, était profondément épris, et par le prince de Carency. Le prince ayant été préféré, Biron provoqua son rival peu de temps après son mariage et le tua. C'est cette jeune veuve, élevée dans la religion protestante, sur qui Mayenne avait jeté les yeux pour son fils aîné, et qu'il enleva, au mois d'octobre, du château de Vauguyon afin de s'assurer une riche alliance. Pour se disculper de ce rapt, il écrivit au roi une lettre dans laquelle il l'assura qu'il ne s'était nullement servi de ses troupes, restées en arrière, et que, du reste, il l'avait fait avec le consentement des parents de la jeune veuve ; que son intention était de procurer au roi le château de Caumont et toutes les places que possédait cette puissante famille. Mayenne faisait offre de rendre la jeune femme à ses parents si elle refusait de se convertir à la religion catholique, et si par conséquent le mariage ne. s'accomplissait pas.

Catherine de Médicis ayant invité Mayenne à remettre Anne de Caumont entre ses propres mains[13], celui-ci parut très touché de l'offre courtoise qui lui était faite ; car si la reine lui eût fait un commandement absolu il eust eu trop de regret de se veoir contrainct d'y désobéir, puisque les choses étoient passées si avant[14].

Le prince lorrain, voyant fondre son armée sous ses yeux sans espoir de la renouveler ni même de conserver ses débris, revint à Paris pour n'être pas obligé de fuir devant le roi de Navarre, qui avait habilement évité tout combat hasardeux, ou devant Condé, qui, revenu d'Angleterre sur la flotte d'Élisabeth, Ave pu lever à la Rochelle une nouvelle armée avec l'argent que cette reine lui avait fait tenir. A Paris, le frère du Balafré eut à lutter contre les ultras de là Ligue et la faction des Seize, qui voulaient le conserver parmi eux pour en faire leur chef au nom du duc de Guise, son frère. Sans oser les combattre dans leurs projets de rébellion ouverte contre l'autorité royale, Mayenne leur conseillait la prudence et la modération ; si irrité qu'il fût contre la cour, sa loyauté était trop grande pour qu'il ne résistât pas à toute pensée de trahison.

Le Balafré avait été réduit à un rôle tout effacé pendant ces évènements. Mais, pour être en apparence moins active, son action n'avait pas été moins utile à la cause de la Ligue. De Châlons, où il se trouvait à la fin de l'année 1585 et au commencement de l'année 1586 il a avec le roi Philippe II et Mendoza une longue correspondance, écrite ou chiffrée, qu'il signe Mucius, pendant qu'il ne cesse d'être en relation avec le roi, la reine mère, Nevers, Pierre Brulart, seigneur de Crosne et de Genlis — que Guise n'appelle que M. de Crosne, conseiller du roi en son conseil d'État secrétaire de ses commandements —, et avec bien d'autres personnages.

Bien que le duc de Montmorency se fût déclaré contre la Ligue, Guise recommande à son frère Mayenne, ainsi qu'il l'écrit à Mendoza, qu'en aucune façon, et quelque commandement qu'on lui fasse, il n'accepte la charge d'offenser le maréchal en portant la guerre dans le Languedoc[15].

Quelque temps après (3 février 1586), il adresse encore au même personnage une longue dépêche chiffrée pour lui annoncer que le duc de Montpensier, oubliant ses devoirs envers nostre religion, se joint aux hérétiques. Il renouvelle à l'ambassadeur espagnol l'invitation d'agir auprès de son maitre et du duc de Savoie pour qu'ils retirent le maréchal de Montmorency du parti du prince de Béarn et le ramènent au leur. Car, ajoute-t-il, il n'y a rien qui noué est tant noise que de voir ung catholique séparé de nous[16].

Le 19 juin de la même année, il reçoit de Gabriel de Alleyria, commissaire du roi Catholique, la somme de cinquante mille escus pistoletz d'or, pour lui et pour tous ceux qui se trouvent compris dans la commune Ligue, et dont il se tient content et bien payé.

Le mois suivant (10 et 16 juillet), il écrit de Nancy au roi d'Espagne et à Mendoza, son ambassadeur en France, pour les informer des diverses intelligences qu'il a conduites et cherchées depuis longtemps et avec beaucoup de peine pour l'établissement de la religion catholique en Écosse. Dieu lui a fait la grâce d'attirer les plus grands et les principaux du pays à la sainte résolution qu'il a toujours estimée nécessaire pour surmonter les factions anglaises. Claude Hamilton, les comtes de Huntry et de Morton, dont dépendent les deux tiers de l'Écosse, se sont entendus avec lui pour délivrer leur reine et renverser Élisabeth ; c'est Philippe II qu'ils désignent pour futur roi d'Angleterre, et Guise ne demande qu'à combattre avec une pique comme le moindre soldat[17]. Il prie le roi d'appuyer de sa main libérale le zèle de ces bons catholiques, selon le mémoire dont est porteur Robert Bruce, gentilhomme écossais qu'il dépêche vers lui.

Par Mendoza il fit recommander encore ce gentilhomme au roi d'Espagne, qui promit de prompts secours en hommes et en argent aux conjurés écossais. Philippe écrivit des lettres au duc de Parme ; dans la première immédiatement remise, il lui enjoignait d'avoir à se préparer cette expédition, dans la seconde il lui donnait l'ordre de partir. Mais cette seconde lettre devait lui être envoyée par Mendoza que si certaine entreprise réussissait. En ce cas, disait Philippe II à son ambassadeur, envoyez-la tout de suite au prince pour qu'il mette à la voile avec le secours sans attendre un nouvel ordre de ma part, puisque cette seconde lettre, comme vous le verrez est si précise à cet égard.

L'entreprise à laquelle était subordonné le rôle actif de Philippe II était la mort de la reine Élisabeth, mais la conjuration échoua, grâce à l'active surveillance de Walsingham, le plus habile ministre de la fille d'Henri VIII[18].

L'attention de Guise pour la Ligue n'était pas un seul instant distraite par les préoccupations que lui causaient l'Espagne, la Flandre, l'Écosse et l'Angleterre. Au commencement de l'année 1586, il sollicitait l'intervention du duc de Parme auprès de l'archiduc Ferdinand, et de Polviller, gouverneur du pays d'Ellsatz (nom allemand de l'Alsace), pour qu'ils entrassent dans la Ligue et unissent leurs forces à celles du duc de Lorraine, de l'évêque de Strasbourg et de Gonzague pour défendre les provinces de l'Est contre l'invasion allemande. Ce seroit, disait-il, ung beau commencement d'une ligue générale des catholiques, et empeschement aux hérétiques de travailler plus la Flandre et la France. J'estime estre nécessaire que le comte de Bourgogne et duc du Luxembourg ayant mesme intelligence avec ledict sieur de Lorrayne et lesdicts évêques de Strasbourg et Polviller pour ledict passage[19].

Les Allemands qui devaient venir au secours des calvinistes français, préoccupaient fort le prince lorrain. C'était pour les attendre qu'il était resté en Champagne. Dans le but de leur mieux barrer le chemin et pour conserver ses communications avec le duc de Parme, il s'empare, sans la permission du roi, de la petite ville de Donzi (25 février 1586), située sur la frontière de la Champagne, et appartenant au duc de Bouillon, zélé partisan de la réforme. La ville de Donzi ne devait lui servir que de point d'appui pour faire le siège de Sedan, place d'une plus grande importance ; mais, en l'absence de Mayenne, plusieurs villes de la Bourgogne s'étant soulevées, Guise pensa qu'avant de penser à conquérir il devait se mettre en mesure de conserver et de recouvrer.

Le 11 juillet, le Balafré écrivait au roi pour lui annoncer l'alarme que le duc de Parme avait jetée en Allemagne en menaçant de passer le Rhin pour aller en personne assiéger Metz, avec quarante pièces d'artillerie, huit à dix mille hommes de pied et quinze cents chevaux : il assure au roi combien est inutile le respect que l'on porte aux Allemands, puisque l'argent seul et la crainte y peuvent tout. — La Flandre, ajoute-t-il en terminant, sera par ce moyen exemptée du passage des reîtres, et prie Dieu qu'il prenne à Vostre Majesté en faire aultant, comme je l'estimerois toujours très nécessaire et facile[20].

Pour empêcher l'invasion dont la France est menacée, pernicieulx desseing qui seroit la vraye ruine de la chrétienté, le duc de Lorraine et lui ont fait état de leurs forces, qu'ils comptent réunir dans la plaine de Strasbourg, située à deux petites journées de la Bourgogne, du Luxembourg et de la Lorraine ; position stratégique qui leur permettrait de battre même les troupes qu'enverraient Berne et les autres cantons, hérétiques au secours des calvinistes.

Voici le dénombrement qu'il fait lui-même de ces forces :

Monsieur le duc de Lorrayne, huit cents lances, quatre cents arquebusiers à cheval, et quatre mille hommes de pied. Le duc de Guise, des forces qui sont à lui sans recegnoistre personne, aura quinze cents lances et trois mille hommes de pied...

Le colonel Fifer fera une levée de dix mille Suysses.

Le roi lèvera cinq mille reystres., desquels seront colonels : Schomberg, le rhingrave, Bassompierre, Mandelot et Retz ; et sommes assurez de ces trois derniers, qui avoient levé pour nous l'année passée ; puis la gendarmerie de Sa Majesté très chrétienne[21].

Au commencement du mois d'août, le duc de Guise transmettait à Brulart, secrétaire d'État, les avis qui lui venaient du côté de Sedan sur les agissements de de Mouy et de Bouillon, qui levaient des troupes, ce qui n'arriveroit pas, disait-il, si j'étois à Châlons ; mais il n'y a personne à cette frontière. Après avoir indiqué les forces qui pourraient être envoyées par là, il ajoute : Je vous supplie, faites-y donner ordre en dilligence, afin qu'il n'en puisse mésarriver.

Le même mois, il demanda au roi la permission d'assiéger Auxonne ; sans attendre cette permission, il s'en empara, après une résistance opiniâtre et avoir fait sauter ses remparts avec l'aide de la mine et d'une vive canonnade. La ville fut prise d'assaut le 17 août.

Auxonne pris, le duc revint en hâte dans son gouvernement pour surveiller par lui-même le duc de Bouillon, contre lequel il n'avait pas renoncé de faire entreprise et pour conférer avec le cardinal de Bourbon, qui l'attendait à Soissons.

Dans cette ville il remit d'Henri III et de Catherine de Médicis deux lettres, assez ambigües, le félicitant du succès de son expédition et du zèle qu'il dépensait à les servir. Guise répondit immédiatement au roi et à la reine sa mère en termes respectueux et témoignant pour leurs personnes un dévouement absolu, mais annonçant aussi la volonté ferme de poursuivre jusqu'au bout le guerre contre les hérétiques.

Ainsi il dit la reine : Et quant à ce qu'il vous plait me mander que le roi de Navarre dit de la réconciliation des huguenots et de nous par le moyen de madame de Soyssons, je croys, Madame, qu'oultre ce qui luy est défendu de trayter avec les hérétiques excommuniez, et retranchez de l'Église, elle n'entreprendra jamais sur personne cest ouvrage, impossible à qui que ce soit et à Vostre Majesté même, qui surmonte toutes les difficultés ce qu'elle veut embrasser ; ce qui me faict la supplier très humblement ne sonder point cent abisme, car il nous fascheroit fort d'estre contraintz de lui désobéyr, où nous ne voudrions pour rien commencer[22].

La guerre ouverte n'empêchait pas les intrigues les plus diverses ; on prêtait aux Guises le projet de se réconcilier avec le roi de Navarre ; c'était le bruit que la cour faisait courir pour frapper le Balafré, inattaquable par tous les côtés. La reine mère avait rêvé une alliance entre les enfants des princes de la maison de Guise et ceux de la maison de Condé. Ces mariages politiques étaient la ressource suprême de l'italienne. Toutes ces combinaisons chimériques avortèrent piteusement, la situation étant trop grave pour se prêter à de semblables replâtrages.

Les mois s'écoulaient, et les forces que le roi de Navarre et Condé attendaient d'Allemagne n'arrivaient pas. C'est qu'entre les luthériens et les calvinistes il venait de s'élever une querelle de doctrine destinée à durer éternellement entre ces deux sectes, qui ont mis la raison humaine au-dessus de l'enseignement de l'Église et de la révélation divine. Le vieux Théodore de Bèze, qui, se croyant un Pierre l'Ermite, était rentré en France un bâton à la main et courait les villes prêchant la guerre sainte, et Abraham Musculus, ministre de Berne pour la confession helvétique, se rendirent à Montbéliard, où vinrent les rejoindre, vers la fin mars, Jacques André, d'Osiander de Tubinge et de Snepsius, pour la confession d'Augsbourg. Les sectateurs de Luther et de Calvin se disputèrent longtemps sur la Cène, sur la personne de Jésus-Christ, sur le baptême, sur les temples, les images, les prédications et même les orgues, et cela, bien entendu, sans pouvoir se convaincre car, étant autant dans l'erreur les uns que les autres, les sophismes des luthériens ne pouvaient avoir la puissance de détruire les sophismes des calvinistes. Les théologiens de Tubinge parurent cependant toucher, et quittèrent la conférence en criant dans toute l'Allemagne qu'ils avaient confondu leurs adversaires, et que Théodore de Bèze, convaincu d'erreur, avait pleuré en leur présence. Le vieux disciple de Calvin répondit à cette présomption par un écrit retouché depuis et qu'il fit publier quatre ans plus tard. Cependant les princes allemands parurent plus satisfaits ; mais, à cause des anciens traités qui les liaient toujours aux rois de France, ils voulurent, avant de venir au secours du Béarnais et de Condé, envoyer une ambassade à Henri III pour engager ce monarque à rompre avec la Ligue et à remettre en vigueur les traités favorables aux huguenots.

Quand Henri III apprit l'arrivée prochaine de cette ambassade des princes et des villes de l'Empire, ayant à sa tête, pour lui donner plus d'autorité, Frédéric de Wurtemberg, comte de Montbéliard, et Wolfang, comté d'Issembourg, il jugea prudent de ne pas l'attendre, afin d'avoir le loisir de méditer sa réponse, espérant ainsi que les princes n'entreprendraient rien tant que leurs envoyés seraient en France.

Il avait déjà reçu les ambassadeurs suisses, qui étaient venus lui remettre les lettres que François Ier leur avait écrites touchant la religion, et, après leur avoir répondu qu'il ne ferait jamais rien qui pût troubler la bonne amitié qui l'unissait aux princes et aux villes alliés, il les avait congédiés avec les plus grands honneurs.

L'ambassade allemande devait arriver le 5 août ; le roi laissa à Paris ses officiers pour recevoir dignement Frédéric de Wurtemberg et sa suite et les prier d'attendre son retour, qu'il fixa au mois d'octobre. Wurtemberg et Walfong s'excusèrent de ne pouvoir rester jusque-là, et, après avoir chargé les autres membres de l'ambassade de s'acquitter de la mission qui leur était confiée, ils reprirent la route de l'Allemagne.

Le roi, qui était parti de sa capitale le 25 juillet pour se rendre dans le Bourbonnais, sous prétexte de prendre les eaux, se rendit ensuite à Lyon, afin de se rapprocher de ses mignons d'Épernon et Joyeuse et se livrer aux plaisirs enfantins d'élever toute sorte d'animaux, singes, perroquets, chiens et chats, de jouer au bilboquet, et surtout de découper les images pour les coller sur les murs de ses chapelles.

Joyeuse, ennuyé de son oisiveté et brûlant de se signaler contre les protestants qu'il détestait[23], avait obtenu du roi le commandement de la nouvelle armée qui devait opérer du côté de l'Auvergne, du Velay et du Gévaudan. Il avait pris congé du roi vers le commencement du mois de juin, avec une pompe qui ressemblait mieux au faste des rois de Perse qu'à l'équipage d'un homme de guerre[24].

Quant à d'Épernon, il venait d'être nommé gouverneur de la Provence ; voici à la suite de quel événement.

Le duc d'Angoulême, qui prit une part si active à la journée de la Saint-Barthélemy, s'était depuis brouillé avec les Guises et prononcé contre la Ligue. Le prince avait été nommé gouverneur de Provence en même temps que l'Italien Altoviti, qui avait depuis peu épousé la célèbre Renée de Châteauneuf, commandait les galères de Marseille. L'Italien était ligueur, et le prince, à tord ou à raison, l'accusait, de correspondre avec Catherine de Médicis, par l'entremise de sa femme, pour le calomnier et lui faire perdre sa charge.

D'Angoulême fit prévenir Altoviti qu'il avait connaissance de ses intrigues et qu'il eût à les cesser. Un jour qu'il le vit à Aix, à la fenêtre d'une hôtellerie ; le duc crut qu'il était bravé, et, montant l'escalier en courant, se précipita sur son ennemi et lui passa son épée en travers à du corps. L'Italien, blessé à mort, eut encore le temps de tirer son poignard et d'en frapper le duc dans l'aine. Tous deux moururent de leurs blessures : l'Italien presque immédiatement ; et Henri d'Angoulême après quelques jours de souffrance.

La charge lucrative de gouverneur de la Provence étant devenue vacante ; d'Épernon la sollicita et l'obtint de la libéralité d'un roi qui ne savait rien refuser à ses mignons.

Henri III n'avait pas été seul à quitter Paris : pendant qu'il prenait la route du Bourbonnais, sa mère se retirait à Chenonceaux, sur le Cher, en Touraine, et de là se rendait aux conférences dont il était convenu avec le roi de Navarre.

Le lieu désigné pour leur rencontre fut le château de Saint-Bris, près de Cognac. Catherine de Médicis était accompagnée des ducs de Montpensier et de Nevers, des maréchaux de Biron et de Retz, de plusieurs secrétaires d'État, de sa petite-fille Christine de Lorraine, dont la beauté naissante jetait, dit Lacretelle, un éclat vif et pur, et de ses inséparables dames et demoiselles d'honneur, prêtes à recommencer leurs manèges sous la conduite de la vieille reine.

Bourbon avait avec lui Condé, Turenne, la Rochefoucauld et bon nombre d'autres seigneurs et capitaines. Selon son hypocrite habitude, Catherine se montra prodigue de démonstrations affectueuses et de tendre caresses envers le Béarnais, qu'elle appelait son cher enfant ; mais le prince ne parut que médiocrement sensible à ces câlineries, dont il connaissait toute la fausseté.

Catherine venait offrir à son gendre de le faire divorcer avec Marguerite et de lui donner en mariage sa petite-fille Christine, afin, par cette union, d'opérer une alliance entre le chef des calvinistes et les princes lorrains. Mais, ni sur le chapitre d'une alliance matrimoniale, ni sur les points à traiter pour les conditions de la paix, l'entente ne put s'établir entre eux, et les négociateurs se séparèrent après n'avoir fait que se quereller tout le temps. Catherine rompit elle-même la trêve en faisant prendre et tailler en pièces par les arquebusiers qui étaient à Niort les deux régiments calvinistes de Neuvi et de Sarlat[25]. Bourbon répondit à cette trahison en pressant l'arrivée des secours qu'il négociait en Allemagne avec l'aide de Ségur.

Cependant cette entrevue de Catherine de Médicis et du roi de Navarre avait vivement inquiété Guise, qui écrivait sous le pseudonyme de Mucius, à Mendoza, à la date du 22 septembre : Nous sommes de deçà en alarme d'ung bruit de levée de reystres, que l'on crie estré contre nous, se levant soubs le nom et avec l'argent de la royne d'Angleterre... Je crains toujours les desseings de la royne mère, qui doibt dans peu de jours veoir avec le roy de Navarre, et que, sur ceste conclusion, elle veuille troubler le repos des catholiques de ces deux couronnes[26], qui consiste en l'union. J'escris à mon frère[27] que devant qu'elle puisse prendre conclusion il s'en reviene en diligence en son gouvernement, qui depuis Auxone estant nostre, et asseure Lion, et afin que selon noz promesses nous soyons prêts à nous empescher de l'effect de telles menées.

Huit jours après avoir écrit cette lettre à l'ambassadeur de Philippe II (30 septembre), le Balafré réunissait près de Noyon, à l'abbaye[28] que le cardinal de Bourbon avait donnée au cardinal de Guise[29], les principaux chefs ligueurs dans ces conférences qui portèrent le nom de l'abbaye où elles furent tenues ; les accusations les plus injustes et les plus passionnées furent portées contre Henri III. Ce monarque prêtait assez à la critique et à la méfiance par sa conduite politique et privée, sans qu'il fût encore nécessaire d'exagérer ses fautes. Les conjurés virent dans l'éparpillement des forces royales un indice certain de ménagements calculés à l'égard des hérétiques[30] ; ils reconnurent aussi qu'il y avait sur la frontière Champagne des Villes qui leur étaient suspectes pendant la paix et contraires pendant la guerre, et qu'il était prudent de s'en emparer. Ces villes étaient celles de Sedan et de Jametz.

On se sépara en se donnant rendez-vous pour une seconde assemblée à la Saint-Martin suivante, et Guise retourna en Champagne, bien décidé à saisir la première occasion pour agir vigoureusement avec ou sans le consentement du roi.

Les ambassadeurs allemands harcelaient si bien le roi de leurs demandes pressantes et réitérées, que, pour satisfaire leur impatience, Henri III dut quitter Lyon et revenir à Paris. Après les avoir fait loger à Poissy, il les reçut en audience solennelle à Saint-Germain-en-Laye, le 12 octobre. Ce fut Milmer d'Helmstad, envoyé du prince Jean-Casimir, qui prit la parole pour présenter au roi des observations sur le piteux état de la France ; l'injustice et calamités de la guerre suscitée par le pape et par Guises, les menées de la Ligue, la violation de la parole royale par l'édit de Nemours, et termina en conjurant le roi de rendre à ceux de la religion pleine assurance de l'exercice de leur foi.

Henri III écouta la harangue de l'ambassadeur, et lui répondit avec cette hautaine majesté qu'il savait retrouver quand il n'était plus distrait par ses amusement ou par ses mignons. Sa Majesté désire, répondit-il après un moment de silence, que les princes et les villes de l'Empire sachent qu'ayant la crainte de Dieu et l'honneur devant les yeux, elle n'avait jamais manqué de soin ni de l'amour paternel que peut desmontrer un bon roy envers ses subjects... Elle saura bien adviser à ce qui sera à faire pour le mieux au regard desdits subjects, et rechercher tous les moyens possibles devant son cœur de régner tranquillement et conserver son peuple en union.

Après les avoir congédiés sur ces paroles, la colère qu'il avait comprimée en entendant dire qu'il avait violé sa parole l'aveugla au point qu'il écrivit sur un morceau de papier que ceux qui avaient dit qu'il avait manqué à sa foi ou fait tache à son honneur en avaient menti. Il ordonna à un de ses officiers d'aller lire cette déclaration aux ambassadeurs ; ceux-ci demandèrent une copie de l'écrit, mais l'officier la leur refusa et le papier fut déchiré.

L'injure qui venait d'être faite aux délégués des princes et des villes de l'Empire eut pour résultat de hâter l'envoi des secours que les calvinistes attendaient d'Allemagne.

Guise, bien résolu à ne pas se laisser surprendre et même à commencer l'attaque, eut l'occasion de tirer l'épée sans avoir le désavantage d'avoir été l'agresseur.

Nous avons parlé des plaintes que le Balafré faisait parvenir au secrétaire d'état Brulart (M. de Crosne) au sujet des agissements de Bouillon, et de de Mouy du côté de Sedan. Or, quand il revint de la conférence d'Orcamp, il apprit que Montmorin, officier de la garnison de Sedan, s'était emparé de Rocroy, ville française, par un coup d'audace habilement exécuté. Profitant de la nuit, il avait escaladé les murs de la ville avec sa petite troupe, s'était rué sur les postes, égorgeant les sentinelles, prises à l'improviste, ainsi que le gouverneur, le sieur de Chambéry. A cette nouvelle, Guise écrit au roi et au secrétaire Brulart pour prévenir le premier qu'il va marcher contre Rocroy, et pour adresser au second les plaintes les plus amères et dans les termes les moins ménagés sur le peu de cas que l'on fait de ses observations et de ses conseils. Ils (les huguenots) sont sortis de Sedan la nuit, dit-il dans sa lettre au secrétaire d'État Brulart, datée du 22 novembre, les portes fermées, puis rouvertes. Vous avez veu les avis que j'en ay eust : plust à Dieu que le roy vonlust chatier les perfides causeurs de ce mal. Or je verray bientôt ce qu'ils auront au ventre. Le roi les paye en somme pour prendre Rocroy, et ils se vantent d'estre avouez à ce service.

Bouillon se défendit d'avoir pris part à l'entreprise de Montmorin contre Rocroy, disant qu'elle avait été faite par des bannis exilés de chez eux, et excités sous main par le duc de Guise pour avait occasion de commencer la guerre.

Deux jours avant Guise écrivait à Brulart qu'il avait été Cassandre[31] : Voilà ce que c'est que de croire aux hérétiques... On m'assure que M. de Bouillon en sera quitte pour dire qu'il n'en savoit rien, qu'il en est bien fasché, ayant été trompé. Et il ajouta : Je vous asseure, si je puis, qu'il y aura, des huguenots qui s'en repentiront, et je m'y fie, pour leur conversion ils sauront bien prescher.

Guise pressait vivement le siège de la ville, et les tranchées étaient ouvertes lorsque la garnison demanda à capituler. Il y consentit pour épargner ses soldats, dont il avait besoin ; il fut convenu que trois des compagnies de Montmorin de cinquante hommes chacune, resteraient dans la place pendant six semaines, et que si au bout, de ce temps elles n'étaient pas secourues, elles en sortiraient, remettant la ville au duc de Guise[32]. Le Balafré fit bonne garde avec ses troupes pour que l'ennemi ne reçût pas de renfort. Le 31 janvier 1587, Saunoy, son lieutenant, prit le commandement de la place.

Guise, qui avait promis d'être si sévère, n'abandonna à la rigueur des lois que deux huguenots s'étaient rendus coupables d'actes sacrilèges commis sur un crucifix, et encore parce qu'il fut bien spécifié dans le traité que ces blasphémateurs et sacrilèges n'étaient pas compris dans la capitulation.

Cette capitulation à longue échéance, qui étonne si fort de Thou, est expliquée tout au long de la lettre que le Balafré adressait le 25 décembre 1586 à Mendoza : J'ay faict coucher les articles de ceste sorte, afin que je puysse mettre ung home à ma devotion, ayant faict nomer le sieur de Saunoy escuyer de mon filz — le jeune Charles de Lorraine, prince de Jionville, qui paraissait à l'armée pour la première fois et n'avait encore pas seize ans —, qui m'est fort fidèle serviteur, et ay choisi ceste façon de traicter afin que ce me soit occasion et moyen de demeurer armé le plus longtemps que faire se pourra, et que durant le séjour de mon frère à la cour, il puysse être asseuré de ces forces qui demeureront en estat autant que la nécessité requerra. Je suis venu en ce lieu pour establir mes troupes aux portes de Sedan, et atand ma réponse du rôle sur la despêche que luy ay faicte par Bassompierre et depuis par ung courrier exprès, sur l'offre que je ay faicte à Sa Majesté de remettre, dans certain temps Sedan, Jametz et aultres terres de M. de Bouillon en l'obeyssance de Sa Majesté. Toutes les villes de Picardie et Champagne se sont unies ensemble pour présenter requeste à Sa Majesté afin de estre delivrées des maleurs que les places de Sedan et Jametz leur apportent, et verront si l'on aymara mieux conserver les hérétiques que les ruyner[33].

Cette lettre dépeint Guise sous son véritable jour. Le chef de la Ligue se garde bien de se mettre en rébellion ouverte contre l'autorité du roi : tous ses actes, au contraire, témoignent de son respect pour la couronne et de son zèle pour la religion. Mais il connaît la faiblesse d'Henri III, l'astuce de la reine mère, les intrigues de la. cour, et il s'applique à manœuvrer de manière à ne faire que ce qu'il croit nécessaire dans l'intérêt de la cause sans que le roi puisse l'accuser d'avoir méprisé son autorité.

Cette conduite, qui demande de sa part tant d'habileté, de finesse et de résolution, l'oblige à jouer les rôles les plus divers, selon qu'il a besoin du roi d'Espagne pour obtenir les sommes qui lui sont indispensables pour faire face à ses engagements vis-à-vis de ses alliés ; ou du roi, pour lui arracher quelques secours en hommes et en argent pour continuer ses opérations militaires.

Quel était maintenant le véritable but qu'il poursuivait ? C'est ce qu'il est impossible de dire exactement si l'on se rapporte à sa correspondance avec Mendoza, Philippe II, Pellevé et les ligueurs, ou avec le roi, la reine mère, le duc de Montpensier, Montmorency et autres personnages plus ou moins hostiles à ses desseins. Il est une chose cependant qui ne peut faite le moindre doute : c'est qu'il chercha avant tout le triomphe de la religion. Cette tâche était héréditaire dans sa famille et qu'il n'y faillit point. Que maintenant il ait voulu détrôné Henri III pour s'emparer de la couronne, cela n'est pas prouvé et nous parait absurde que plusieurs auteurs l'aient prétendu. Il était trop grand politique il avait une connaissance trop exacte des forces dont il pouvait disposé et des obstacles qui lui seraient opposés s'il voulait tenter une telle entreprise, pour ne pas savoir attendre que cette couronne s'offrît à lui d'elle-même lorsque, par la mort du dernier des Valois, il n'y aurait plus d'autre prétendant légitime au trône qu'un prince héréditaire, un vieillard revêtu d'un caractère sacré, et des enfants nés de souverains étrangers que la loi salique et plus encore le sentiment national repoussait énergiquement. C'est cette heure-là, croyons-nous, qu'il attendait patiemment, se servant de l'or de l'Espagne pour entretenir sa popularité et poursuivre son œuvre avec cette volonté implacable et cette habileté qui le rendait si redoutable.

Il n'y avait alors en France, nous pourrions dire dans le monde, qu'un homme qui l'égalât en courage, en finesse politique, en énergie et en talent : c'était le Béarnais. Guise avait pour lui l'avantage de la popularité ; le roi de Navarre avait pour lui l'avantage du droit. Tous les possédaient à un égal degré cette puissance d'attraction que l'on a constatée chez tous les hommes de génie. Ils avaient le don de subjuguer les cœurs et de gagner les consciences. Le vulgaire ne s'appartenait plus quand le Béarnais lui avait tendu sa main rude et loyale et fait entendre ses joyeuses reparties et son franc éclat de rire ; ou quand le Balafré avait fixé sur lui son regard profond, investigateur, et avait daigné lui adresser quelques-unes de ces paroles si courtoises et si flatteuses qui avaient, en sortant de ses lèvres, un charme si irrésistible.

Il est évident que, placé entre ces deux héros, le pauvre et faible Henri III en était réduit, même au milieu de ses mignons, à sentir chanceler son autorité. Insensiblement le vide se faisait autour de lui, chacun selon son intérêt, ses affections, ses liens de famille et ses convictions, allant à Guise ou au Béarnais.

D'Épernon, en Provence, penchait pour les réformés ; et Joyeuse, en Dauphiné et en Auvergne, se prononçait pour la Ligue. La majesté royale n'était  qu'une ombre indécise et flottante, n'imposant plus d'autre respect que celui qui restait attaché au manteau doublé d'hermine qui pendait encore sur les épaules de Henri III, trop faibles pour un si lourd fardeau.

Henri III voulait s'opposer à  ce que Guise continuât à porter les armes contre le duc de Bouillon, et lui envoyait trente mille écus sur les avances qu'il avait faites, pour le payement de ses troupes. Le Balafré, feignant de ne pas comprendre l'ordre qui lui était intimé, essayait par surprise de s'emparer de Sedan. Mais les quelques hommes qui avaient fait entreprise contre la ville comptant sur les intelligences qu'ils avaient dans la place pour s'emparer des portes et les ouvrir au gros de l'armée, ayant été pris et massacrés, Guise, au lieu de commencer le siège de Sedan, fut obligé de se porter au secours de Verdun, que menaçait la garnison protestante de Jametz.

Tandis que ces événements s'accomplissaient en France, un drame plus terrible. venait de s'accomplir en Angleterre.

La belle et malheureuse Marie Stuart traînait dans le château de Fotheringay sa longue et triste captivité. Depuis longtemps la prisonnière s'attendait à une mort secrète, si Dieu, ou vous après lui, écrivait-elle à Guise, ne trouvez moyen de secourir votre pauvre cousine. On assure qu'Élisabeth avait voulu la faire étrangler afin d'éviter de poser sa signature au bas de l'ordre d'exécution. Mais l'hypocrite et implacable fille  d'Henri -VIII dut mettre, elle-même la hache dans la main du bourreau pour que ce dernier forfait comblât une vie de luxure et de crimes.

Pour donner une apparence de légalité à ce meurtre, un tribunal fut nommé. Il y a comme cela dans l'histoire de tous les peuples, quelques tribunaux fameux par le caractère lâche et vil des juges qui composèrent, par l'imposture des pièces qu'ils produisirent, et par l'iniquité des sentences qu'ils prononcèrent. De semblables tribunaux feraient douter de la justice elle-même si Dieu, tôt ou tard e ne laissait tomber sa main vengeresse sur les nations qui ont permis de pareils attentats. Et alors pendant longtemps les générations sentent passer sur elles le souffle de la vengeance divine.

Ce fut devant un de ces tribunaux où les juges descendent au rôle d'accusateurs, que Marie comparut pour s'entendre, elle reine d'Écosse et de France, condamner à mort pour crime de lèse-majesté.

Et l'infâme Élisabeth poussa le cynisme et l'hypocrisie jusqu'à crier, après avoir signé l'arrêt, qu'elle levait les mains au ciel pour demander à Dieu qu'elle (Marie Stuart) se repentit et sauvât son âme de la damnation ! Elle levait les mains vers Dieu, cette femme perdue de crimes, cette papesse que l'histoire a appelée la cruelle !

Élisabeth ayant envoyé des ambassadeurs à tous les princes du continent pour les informer du procès et de la condamnation de sa prisonnière Henri III dépêcha auprès de cette reine Pomponne de Bellièvre pour obtenir la grâce de son infortunée belle-sœur. Le discours que prononça l'ambassadeur est long et pathétique ; mais que pouvaient des paroles sur cette femme sans mœurs et sans pitié ? La menace d'une armée prête à descendre sur la côte anglaise pour venger la mort de la veuve de François II aurait eu plus d'effet que toutes les supplications et toutes les larmes.

Bellièvre dit en terminant sa harangue : Je vous demande au nom de la reine mère, qui vous sollicite pour sa belle-fille ; au nom de nôtre auguste reine, femme du roi qui est très proche parente de la reine d'Écosse ; en un mot, au nom de toute la nation française, que, ayant honoré autrefois Marie comme sa reine, doit s'intéresser, et s'intéresse en effet à son salut ; elle vous aura une obligation infinie, si cette princesse trouve en vous, au lieu du supplice dont ses ennemi la menacent, la miséricorde et la grâce que je vous demande pour elle.

Vainement le roi Henri III avait fait proposer à Élisabeth de mettre Marie en liberté, de se porter caution contre toute tentative de ses ennemis, et même d'envoyer les enfants du duc de Guise comme otages en Angleterre. A toutes ces propositions la vindicative et cruelle reine répondit : Que me serviront toutes ces garanties lorsqu'on m'aura assassinée ? Avec de semblables engagements je laisserais vieillir Marie dans les fers jusqu'à la mort ; mon conseil ne verrait pas encore de sûreté pour moi, ni pour l'État.

Quatorze conjurés avaient été aussi condamnés à mort, par le tribunal d'Élisabeth ; comme complices de Marie Stuart. C'est dans un tombereau qu'ils furent conduits au supplice au commencement du mois de septembre. D'abord on les pendit à des gibets ; mais on coupa les cordes avant qu'ils fussent morts ; on les étendit sur des échafauds pour leur faire subir, au nom de la vertueuse papesse de la religion anglicane, des outrages barbares et horribles que la pudeur nous défend de décrire ; après qu'on eut jeté au feu leurs restes mutilés, on leur ouvrit la poitrine ; et de leur cœur, que le bourreau arracha, on leur battit les joues en disant : Voilà le cœur d'un traître[34].

Ce n'est là qu'un des supplices, peut-être des moins ignobles et des moins cruels, que ces austères et pudibonds réformés d'Angleterre réservaient aux catholiques. Ah ! ils ne se souillèrent pas d'un crime semblable a celui qui se commit en France dans la nuit et pendant la journée du 24 août 1572 ; ils ne se ruèrent pas sur leurs ennemis l'épée ou l'escopette à la main, frappant pour tuer, comme on' le fait sur un champ de bataille où l'on ne connaît de part et d'autre ni grâce ni pitié ; où la vengeance et la haine font voir rouge aux vainqueurs ; non ! Les protestants d'Angleterre et d'Allemagne ne se livrèrent pas à de tels excès. Froids et méthodiques, ils inventèrent des tortures horribles, épouvantables, ignobles et lâches ; ils trouvèrent des juges, créèrent des tribunaux ; et ce fut, le bourreau qui accomplit lentement et sûrement l'œuvre de destruction, implacable, farouche, mais légale, à laquelle les catholiques étaient condamnés.

Marie Stuart connaissait sa sentence depuis trois mois, lorsqu'elle subit son supplice (18. février 1587). À sept heures du matin, l'échafaud dressé dans une des salles basses du château de Fotheringay. L'échafaud était couvert d'un drap noir ; à côté du billot étaient un siège et un coussin. Près de trois cents personnes étaient rangées. autour de la salle, seigneurs, gentilshommes, gardes et domestiques.

Les préparatifs funèbres terminés, on alla chercher la victime ; au troisième coup seulement la porte s'ouvrit. Marie était à genoux et priait ; autour d'elle ses femmes et ses officiers pleuraient. Elle se leva, et, s'appuyant sur le bras d'une de ses femmes, elle marcha lentement, mais sans, faiblesse, vers la salle du supplice. Dans la cour du château qu'il lui fallut traverser, elle trouva de ses serviteurs qui pleuraient ; elle les consola, recommandent à tous de  ne point s'affliger et de prier Dieu pour elle. S'approchant d'eux pour la dernière fois, elle embrassa les femmes et donnait aux hommes sa main à baiser.

Quand elle entra dans la salle du supplice, accompagnée du comte Shropshire, qui était allé au devant d'elle, sa beauté souveraine que l'âge et les tourments n'avaient point altérée, fit une impression profonde sur toute l'assemblée. La reine était câline, sereine, et aussi magnifiquement parée qu'en un jour de fête, lorsque au milieu d'une cour de chevaliers, de princes et de poètes, elle gagnait tous les cœurs par la grâce de son visage et les charmes de son esprit.

S'approchant de Melvrin, un de ses plus fidèles officiers, bien qu'il fût protestant, elle lui répéta les dernières recommandations qu'elle avait à faire à son fils, et termina en lui disant : Vous serez témoin et vous aurez soin de lui dire que je meurs dans la foi catholique ; dont j'ai toujours fait profession, Écossaise véritable et Française fidèle.

Pour monter sur l'échafaud, elle demanda l'aide de son maitre d'hôtel : Aidez-moi, lui dit-elle, c'est le dernier office que je recevrai de vous.

Elle s'assit un moment sur le trône placé près du billot, et puis elle se mit à genoux pour faire sa prière. On lui avait refusé le secours de son aumônier, et le comte eût voulu lui reprendre le crucifié d'ivoire qu'elle tenait à la main, disant que c'était de la superstition, et qu'il fallait porter Jésus-Christ dans son cœur.

Elle garda son crucifix, et ne voulut accepter aucun secours ni aucune consolation des ministres protestants. Ne, pouvant obtenir qu'ils cessassent leurs oraisons elle pria en latin, pour son fils, pour le pape, les rois de France et d'Espagne, et même pour Élisabeth[35].

Quand elle eut achevé, le bourreau se mit à genoux devant elle et lui demanda pardon. Je vous pardonne, répondit Marie, à vous et à tous ceux qui ont conspiré contre ma vie, comme je prie le Seigneur qu'il me pardonne tous mes péchés.

Des officiers ou des aides du bourreau s'étant approchés d'elle pour l'aider à ôter sa robe, elle les repoussa, disant qu'elle n'avait pas l'habitude de se déshabiller devant tout le monde ni d'être touchée par de telles gens. Deux de ses femmes durent l'aider à ôter sa robe qui roula à ses pieds, livrant au bourreau son cou d'albâtre et ses épaules nues, que la pudeur et non la crainte faisait frissonner.

Marié découvrit aussi une croix d'or, dont le bourreau voulut s'emparer, en disant : C'est ma part. Elle ne consentit pas à la lui laisser, et la remit à celle de ses femmes qui lui banda les yeux, promettant au bourreau qu'on lui en rembourserait la valeur au quadruple.

Marie se mit alors à genoux, et entonna d'une voix haute et ferme, qui couvrait celle des anglicans, le psaume de David : In te, Domine, speravi, nion confundar in æternum. Et, l'ayant achevé, elle avança le cou, croyant qu'on allait la frapper avec une épée à deux mains.

Les aides du bourreau la saisirent, la rejetèrent le ventre à terre pendant que l'un d'eux lui tenait les mains et qu'elle avait la face sur billot.

Marie Stuart répéta encore une fois : In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum. Le bourreau leva sa hache et n'atteignit sa victime qu'à l'épaule ; il la leva une seconde fois et la frappa à la tête ; et puis une troisième fois.

Quand le bourreau releva cette tête si belle, le bonnet qui la couvrait s'échappa, et l'on s'aperçut que dans sa captivité tous ses cheveux avaient blanchi.

La robe de l'infortunée victime de la fureur protestante et tout ce que son sang avait touché fut lavé et jeté au feu, les ministres anglicans craignant qu'on n'en nt des reliques[36].

Élisabeth eut l'hypocrisie de paraître surprise et chagrine de cette exécution, qui, à son dire, s'était faite sans son ordre, et poussa l'impudence jusqu'à exiger que les tribunaux poursuivissent d'Arvison qui fut condamné à la prison, à l'amende, et dépouillé de sa charge de secrétaire de la reine.

La tête et le corps de Marie Stuart furent embaumés et enterrés à Peterbury, dans le tombeau de Catherine d'Aragon première femme d'Henri VIII.

La lettre d'adieu que Marie Stuart écrivit à son cousin le duc de Guise est empreinte des plus nobles sentiments que la foi chrétienne puisse inspirer à une âme prête à comparaître devant Dieu.

Mon bon cousin, dit-elle, celuy, que j'ay de plus cher au monde, je vous dis adieu, estant preste, par un injuste jugement d'estre mise à mort telle que personne de nostre race, grâce à Dieu, n'a jamais receue, et moins une de ma qualité ; mais, mon bon cousin, louez-en Dieu, car j'estois inutile en çe monde à la cause de Dieu... Tous ceux de nostre maison ont tous esté persécutés par cette secte (les hérétiques), témoin vostre bon père, avec lequel j'espère estre receue à merci du Juge juste... La bénédiction de Dieu et celle que je donnerois à mes enfants puisse estre sur les vostres, que je ne recommande pas moins à Dieu que le mien, malfortuné et abusé[37].

Si Marie Stuart commit des fautes. graves ; si, mal entourée, mal conseillée, elle fut faible et coupable, sa mort, qui a été celle d'une martyre et d'une reine, a purifie sa vie. Le souvenir que la postérité, a conservé d'elle, de son brillant et court passage sur le trône de France, de sa douceur enfantine, de sa beauté et de sa poésie, de ses luttes en Écosse de sa détention de dix-huit ans en Angleterre et de sa mort si tragique, sera toujours vivant et jeune, triste et poétique, ne réveillant dans les cœurs que l'amour et la pitié !

La mort de Marie Stuart ajoutait une auréole de plus autour du nom des Guises. Combien, dans un si court espace de temps, étaient morts pour la religion de princes de cette maison, les uns sur le champ de bataille, les autres par le fer des sectaires, et enfin par la hache !... Chaque goutte de sang qui sortait de leurs blessures leur créait de nouveaux droits à l'affection et à la reconnaissance du peuple, et les rendait plus redoutables et plus puissantes.

Un service funèbre fut célébré à Notre-Dame de Paris (13 mars) pour le repos de l'âme de la reine d'Écosse. Le roi, la reine, les princes, le parlement, assistèrent à cette cérémonie. Mais l'évêque de Bourges, Renaud de Beaune, qui prononça l'oraison funèbre, ayant appelé le Balafré et Mayenne deux foudres de guerre, eut le don de déplaire au roi, qui lui ordonna de ne pas laisser subsister ces expressions dans l'impression de son discours.

Si, à la nouvelle de la mort de Marie Stuart, les protestants anglais osèrent témoigner une joie indécente, les catholiques de France ressentirent une vive douleur, qui se manifesta par un redoublement de colère contre les huguenots. Henri III comprit que, s'il ne voulait pas à être complètement débordé par la Ligue et par les Guises, il fallait qu'il prît sur lui de diriger le courant et tirât l'épée du fourreau. Pour contre-balancer l'influence du duc de Guise et de Mayenne, il comptait sur d'Épernon et sur Joyeuse. Ses calculs furent déçus. Celui qu'il aurait voulu écraser, mieux et plus encore que le roi de Navarre et tous les protestants de France, ne devait pas tarder à lui imposer sa volonté en le faisant prisonnier dans sa propre capitale.

 

 

 



[1] Harangue du roy faiste à Monsieur de Paris le 11 d'août 1585. (Brochure.)

[2] Le Journal d'Henri III mentionne encore Cueilli, docteur à la Sorbonne.

[3] Journal d'Henri III.

[4] René de Bouillé.

[5] René de Bouillé. — Papiers de Simancas.

[6] Mémoires de Nevers.

[7] Mémoires pour servir à l'histoire de France. Douze ans plus tard, au lieu de tenir ce langage, il se flattait à bon droit d'être mieux avec le pape que les ligueurs, et ce fut avec Mayenne et les seigneurs catholiques qu'il repoussa les Espagnols, tandis que Bouillon, la Trémouille et les autres calvinistes boudaient le roi de France.

[8] Histoire des guerres civiles, par Davila.

[9] Histoire des guerres civiles, par Davila.

[10] De Thou.

[11] Lettres missives d'Henri IV.

[12] La vicomté de Castillon appartenait, par droit d'héritage, à Henriette de Savoie, femme du duc de Mayenne, lequel fut accusé d'avoir entrepris le siège de cette ville moins dans l'intérêt du roi que dans celui de son épouse.

[13] De Bouillé.

[14] Manuscrit de Béthune. Anne de Caumont n'épousa pas le fils de Mayenne ; elle se remaria à Louis d'Orléans neuf ans plus tard.

[15] Mucius à Mendoza. (Bibliothèque nationale.)

[16] Mucius à Mendoza. (Bibliothèque nationale.)

[17] Lettre du duc de Guise au roi catholique. (Bibliothèque nationale.) Cette lettre est entièrement écrite de la main du duc.

[18] Histoire de Marie Stuart, par Mignet.

[19] Lettre originale du duc de Guise à Bernardino de Mendoza, Châlons, 29 janvier 1586. (Bibliothèque nationale.)

[20] Lettre originale du duc de Guise au roi. — Dépêches sous Henri III, t. II, p. 5 (Biblioth. nat.)

[21] Lettre autographe du duc de Guise à Bernardino Mendoza, 17 juillet 1586.

[22] Lettre du duc de Guise à la reine mère. Une copie de cette lettre, qui se trouve dans le fonds espagnol, fut adressée à Mendoza et communiquée à Philippe II.

[23] De Thou.

[24] De Thou.

[25] Brantôme.

[26] La couronne de France et celle d'Espagne.

[27] Mayenne — Lettre de Mucius à Mendoza, 30 septembre, (Archives nationales, fonds espagnol.)

[28] D'Orcamp, de l'ordre de Cîteaux.

[29] De Thou.

[30] René de Bouillé, de Thou, etc.

[31] On sait que Cassandre, fille de Priam, avait en vain prédit aux Troyens la perte de leur ville.

[32] Traité du duc de Guise et du sieur Montmorin. (Biblioth. nat., Dépêches sous Henri III.) De Thou dit qu'il fut remis cinq cents écus d'or aux capitaines qui sortirent de la ville, et mille à ceux qui restèrent ; seulement que ces derniers ne reçurent rien, et même qu'ils furent dépouillés. Cette- stipulation fait supposer à de Thou que Guise et Montmorin étaient de connivence. Or, dans le traité de capitulation, dont tout le monde peut lire l'original, il n'est nullement question de ces sommes.

[33] Bibliothèque nationale, fonds espagnol, B. N, n° 223. Villere de Mucio paro don Bernardino de Mendoza, de 30 de diciembre 1586.

[34] Voir ces détails dans de Thou, liv. LXXXVI.

[35] Brantôme. — Marie Stuart. — Discours d'Henri III.

[36] De Thou.

[37] Le fils de Marie Stuart était protestant.