LA TRIÈRE ATHÉNIENNE - ÉTUDE D’ARCHÉOLOGIE NAVALE

 

CHAPITRE IV. — L’AVANT ET L’ARRIÈRE.

 

 

§ 1er. — Principes de la construction et caractère de l’avant.

L’avant du navire de guerre primitif ressemblait, au moins sur certains chantiers de l’Archipel, à une tête d’animal. Eustathe (308, 20) a tort de croire que c’est par suite de simples figures poétiques qu’on disait, dans la marine grecque, les joues, le visage d’un navire, et qu’on empruntait d’autres noms aux diverses parties de la tête et du corps. Outre que ces hardies métaphores ont été de tout temps familières aux marins, elles trouvaient leur justification dans les principes mêmes de la construction de l’avant. Il y a, dit Pollux (1, 83), des navires lyciens qu’on appelle des béliers et des boucs ; on peut conjecturer que le taureau qui enleva Europe était un bâtiment de cette espèce. Hérodote (III, 59), parlant des Samiens de l’époque de Polycrate qui furent vaincus par les Crétois et les Éginètes, dit que ces derniers détachèrent les proues des navires ennemis qui avaient la forme d’une hure. La hure s’appelait chez les Grecs προτομή[1], et nous la retrouvons sur les monnaies de Samos, publiées par Graser[2], que nous reproduisons ici fig. 11, 12, 13, 14 et 15.

Ces proues, de construction primitive, sont précieuses, parce qu’elles nous indiquent le point d’où sont partis les Grecs, par quels progrès ils ont passé et quelle était la signification originelle de ces anciens termes, qui subsistaient encore dans la marine athénienne du cinquième et du quatrième siècle avant Jésus-Christ, bien qu’ils n’eussent peut-être plus qu’un rapport assez lointain avec la chose signifiée. Toutefois dans certaines birèmes de la colonne Trajane (W. Frœhner, t. III, pl. 109 et 115), l’avant rappelle encore exactement la forme d’une hure de sanglier. L’écubier est représenté par un œil parfaitement ressemblant et dont on distingue la prunelle, les paupières, les sourcils. Ce n’est donc pas sans raison qu’Apollonius de Rhodes[3] dit, en parlant des premiers navires grecs : Et dans les prairies marécageuses les bergers abandonnaient leurs nombreux troupeaux, épouvantés à la vue de ces vaisseaux semblables à des monstres énormes sortant de la mer qui en est peuplée.

On appelle avant dans un navire[4] la partie comprise entre l’étrave et le milieu de la longueur, qui est à peu près placé au maître-bau. Quelquefois on désigne par les mots avant et proue la partie antérieure de cette moitié du navire. La proue de la trière s’appelle πρώρα[5]. De chaque côté de l’étrave est un renflement dont la partie située au-dessous de la ligne d’eau est, pour le marin moderne, l’épaule ; au-dessus est la joue. On appelle joue ou aile, dit Pollux[6], chacune des deux moitiés de l’avant. De là l’expression homérique μιλτοπάρηοι, en parlant des navires qui avaient, suivant l’ancien usage, les joues colorées en vermillon[7].

Au-dessus de la joue devait naturellement se trouver l’œil (όφθαλμός), qui correspond à notre écubier. On appelle écubier[8] un trou horizontal et rond percé à l’avant du navire, à droite ou à gauche de l’étrave, pour le passage du câble attaché à une ancre. Les vaisseaux à trois ponts en ont deux à la hauteur de la batterie basse, et un à la seconde batterie. Hesychius nous parle de navires anciens qui en avaient quatre[9]. Certaines monnaies nous en montrent au moins deux sur un seul côté du vaisseau, placés à des étages différents. Jal[10] reproduit l’avant d’un navire pris d’une peinture de Pompéi et qui, étant vu de trois quarts, laisse apercevoir deux écubiers, un de chaque côté de l’étrave. Pollux dit simplement (1, 86) : Il y a une partie du navire qu’on appelle όφθαλμός et πτυχίς. C’est là qu’on inscrit le nom du navire. Cette explication trop concise a induit en erreur les commentateurs, qui ont confondu l’écusson portant le nom du vaisseau avec l’écubier. L’όφθαλμός est évidemment l’œil de l’animal, tel que nous le montrent les anciennes monnaies de Samos. C’est par la peinture qu’on donnait à l’écubier cette forme d’œil qu’il conserve sur un grand nombre de monuments[11] ; lorsqu’il est réduit à n’être plus qu’une simple ouverture donnant passage au câble de l’ancre, il n’est pas toujours de même forme ni à la même place. Sur la monnaie de Samos, fig. H, et sur celle de Cnide[12], reproduite ici fig. 16, il se trouve très bas, entre la préceinte dont la tête forme l’éperon et celle qui fait suite au προεμβόλιον.

Dans un autre navire de Samos, fig. 10, c’est une ouverture horizontale elliptique pratiquée au gaillard d’avant ; sur le navire de Leucade, fig. 7, c’est un trou elliptique incliné en avant et percé dans le bordage du στόλος. Sur la monnaie de Démétrios Poliorkétès, fig. 3, l’écubier est circulaire et placé immédiatement au-dessous de la préceinte du προεμβόλιον. Il y a donc des divergences assez notables, suivant les pays et les époques. Dans les trières athéniennes[13], l’écubier semble avoir été muni sur tout son pourtour d’une garniture métallique, pour éviter l’usure produite par le frottement du câble. C’est probablement de l’absence de cette garniture que veut parler l’inscription navale[14], qui dit, en parlant d’un navire, qu’il n’a point d’agrès et que les écubiers manquent : [α]ΰτη σκΰος έχει ούθέν, οΰτ' οί όφθαλμοί ένεισιν. Quand cette garniture était en mauvais état, on disait : όφθαλμός κατέαγεν, il y a un écubier avarié[15]. Entre les deux écubiers et à la partie inférieure du στόλος se trouvait un écusson que Pollux appelle πυχίς et Eustathe πτυχή[16]. Il ne faut pas confondre cet objet avec l’όφθαλμός, bien qu’il en fût très rapproché et que les commentateurs ne les distinguent pas toujours avec une netteté parfaite.

Je doute que le mot μέτωπον ait jamais, comme le veut Graser[17], désigné une partie spéciale de l’avant ; c’est, comme nous l’apprend le Scoliaste de Thucydide (II, 90), une métaphore qui signifie la proue.

Dans les bâtiments modernes, on se sert pour lever les ancres des bossoirs, soutenus par des consoles qui s’appuient sur la joue du navire. Le bossoir[18] est une forte pièce de bois fixée par sa queue sur le gaillard d’avant et couchée non pas tout à fait horizontalement, mais de telle sorte qu’elle se redresse un peu par sa tête saillante hors de la proue en arrière du beaupré. Ce qui correspond au bossoir, dans les navires antiques, ce sont les έπωτίδες, qui servent, elles aussi, à suspendre l’ancre. Euripide[19], en parlant des diverses manœuvres auxquelles donne lieu le départ d’un navire, dit que les marins attachent l’ancre aux épôtides. Mais, ainsi que nous allons le voir, elles servaient surtout à compléter le système des défenses de l’avant. Pollux (2, 83) se borne à les nommer en disant qu’on les appelait aussi άμφωτίδες ; elles sont définies par le Scoliaste de Thucydide[20], par le Grand Etymologique et par Suidas[21], des pièces de bois qui forment saillie de chaque côté de la proue : έπωτίδες είσί τά έκατέρωθεν ρώρας έξέχοντα ξύλα. Elles sont soutenues extérieurement par des étais qui portent sur le flanc du navire et arc-boutées à l’intérieur : ce système d’étais ou d’arcs-boutants s’appelait άντηρίδες. Quand, pendant la guerre du Péloponnèse[22], les Athéniens sont maltraités par les navires corinthiens, qui avaient un avant plus solide et des épôtides plus puissantes, ils transforment à leur tour leurs vaisseaux sur le modèle des vaisseaux ennemis. Ils raccourcissent et rendent plus solides les proues de leurs bâtiments et y plantent de fortes épôtides soutenues intérieurement et extérieurement, à une distance d’environ dix coudées de la paroi du navire, par des antérides massives qui venaient s’y appuyer. Le Scoliaste[23] explique parfaitement la position de ces étais : Il y en avait, dit-il, deux par épôtide, un intérieur et un extérieur, dont le pied était appuyé sur la muraille du vaisseau et dont le haut était assujetti à l’épôtide. Si les έπωτίδες étaient si massives et si solidement établies, c’est qu’on les considérait comme un engin de guerre. Le passage de Thucydide (VII, 34) nous fait comprendre en partie l’utilité de ces fortes poutres saillantes. Les Corinthiens et les Athéniens s’étant abordés par l’avant, ceux-ci ont vu leur παρεξειρεσία, moins solidement construite, fracassée par les épôtides des vaisseaux ennemis. Nous savons, en outre, que les trières offraient sur leurs deux flancs des parties délicates et fragiles, la galerie extérieure qu’on appelait πάροδος et l’ensemble des avirons ; il suffisait, sans même aborder la trière, de passer en sens inverse à une très petite distance pour briser ses rames et sa parodos et pour la mettre hors de combat. Le flanc du navire avait donc besoin d’être protégé par ces έπωτίδες, qui, faisant saillie à l’avant, juste à la hauteur de la parodos, arrêtaient l’ennemi en enfonçant ses bordages et rendaient moins meurtrier le choc de l’éperon. Une trière du Musée Bourbon, dont l’avant est reproduit ici, fig. 16, d’après Jal[24], nous montre l’épôtide ayant la forme d’une poire à poudre et faisant saillie devant la parodos. Bien que le dessin ne paraisse pas très exact et que les proportions ne soient peut-être pas très rigoureusement observées, nous pouvons, en y jetant les yeux, nous faire une idée de cet engin.

Quand le navire était vu de face, les épôtides formaient comme deux oreilles et complétaient la ressemblance de l’avant avec une tête d’animal. Strabon nous en fait comprendre l’aspect, lorsqu’il dit du promontoire sacré, en citant l’impression personnelle d’Artémidore (III, 1, 4) : Ce promontoire s’avance dans la mer et ressemble à un navire ; il est complété par trois petites îles, dont l’une occupe la place de l’éperon et les autres celles des épôtides en offrant pour le mouillage des anses de dimensions ordinaires.

Dans le navire du piédestal de la Nikê de Samothrace, pl. V, nous trouvons une preuve que la parodos avait besoin d’être protégée à sa partie antérieure contre le choc des navires ennemis et peut-être aussi contre les coups de mer. Dans la proéminence qui la termine, il faut sans doute reconnaître l’épôtide soutenue par son antéride ; mais ici l’ensemble de ces poutres protectrices est recouvert d’un bordage, qui ajoute à l’élégance de la construction sans en diminuer la force et qui lui permet de faire corps avec la parodos elle-même. Ce système est du reste ici plus défensif qu’offensif. L’épôtide, en effet, au lieu de s’élancer menaçante vers l’avant, est renversée en arrière, de façon à laisser glisser les coups. C’est un système analogue, quoiqu’un peu différent, qui a prévalu dans la birème de Préneste. La parodos n’est point protégée par des épôtides ; mais la partie supérieure de la carène s’élargit et s’évase à l’avant. Comme elle surplombe sur la mer, elle est soutenue par des consoles ; quand le navire était vu de face, cet évasement cachait entièrement la parodos. Il est terminé par trois fers de lance, qui sont un ornement plutôt qu’une défense.

Si maintenant nous nous transportons sur le pont de la trière, nous y trouverons le poste du Proreus, qui correspond au poste du Timonier à l’arrière[25]. Ce poste est appelé par Hesychius τερθρωτήρ[26]. Les monuments figurés nous représentent assez souvent des chevilles plantées à l’avant ou à l’arrière dans le plat-bord et qui font l’office de taquets, c’est-à-dire qu’elles servent à amarrer des manœuvres (έπιστροφαί)[27].

§ 2. — L’éperon et le Προεμβόλιον.

Ce qui caractérise surtout l’avant de la trière, c’est la présence de l’éperon. On sait que depuis l’invention de la marine à vapeur l’éperon a repris, dans nos constructions navales, l’importance qu’il avait dans l’antiquité. La trière est donc actuellement fort intéressante à étudier ; elle offre plus de ressemblance avec le navire moderne que les vaisseaux construits il y a cent ou deux cents ans. Aujourd’hui, comme à l’époque de la guerre du Péloponnèse, l’arme la plus formidable du navire c’est l’éperon, et l’on comprend à merveille cette expression d’Hérodote (I, 166), qui dit en parlant de bâtiments de guerre : Ils étaient hors de combat, car leurs éperons se trouvaient faussés.

Les textes ne nous apprennent que peu de chose sur l’éperon. Nous savons par Eustathe (1405, 20) qu’il était à l’avant du navire et qu’il affectait une forme aiguë. Le Scoliaste de Thucydide (VII, 36) et Hesychius, s. v. έμβολον, nous disent que c’était un engin de cuivre fixé à l’avant du vaisseau. Suidas[28] et Zonaras[29] ajoutent qu’il était fait de cuivre soumis à l’action du feu (πεπυρωμένον). Mais le cuivre étant un métal mou, on lui substitua le fer. Suidas : έμβολον . ...καί τής νηός τό πολεμικόν σιδήριον. L’éperon était complété par un autre engin que les inscriptions navales nomment προεμβόλιον, les lexicographes προέμβολος, προέμβολον, προεμβολίς, et sur lequel ils ne nous donnent que des renseignements tout à fait insuffisants. D’après Suidas[30], le προέμβολον était à l’avant du bâtiment. Hesychius[31] nous dit simplement que c’était une partie du navire. Nous avons heureusement sur l’éperon et sur le rpose6Atov un passage très net de Pollux (1, 85), dont les monuments figurés nous permettent de constater l’exactitude : A l’avant, dit-il, et à l’extrémité supérieure de l’étrave se trouve la προεμβολίς, à son extrémité inférieure l’éperon ; l’étrave s’étend précisément entre la προεμβολίς et l’éperon. Ainsi, dans ce système de construction, l’éperon est à la base et le προεμβόλιον à la tête de l’étrave, le premier dans les parties basses, le second dans les parties hautes de la carène.

Bœckh[32] fait remarquer que l’éperon faisait partie intégrante du navire, et qu’il est très rarement mentionné à part dans les inscriptions navales. Les deux éperons déposés dans les arsenaux et qui figurent à l’inventaire[33] peuvent être des éperons de rechange, qui n’ont pas encore été employés, ou au contraire des éperons détachés de navires hors de service et auxquels on n’a pas encore assigné de destination. Quant aux triérarques qui ont pris devant les tribunaux l’engagement de fournir à l’Etat des trières neuves, et qui ont livré les navires, mais sans les éperons, c’est sans doute que les éperons n’étaient pas encore terminés[34]. A cette époque, comme nous le verrons plus loin, l’éperon était une garniture métallique destinée à former la tête d’un ensemble de pièces de charpente solidement liées entre elles. Quant au προεμβόλιον, qui n’avait ni la même masse ni la même importance, c’était un accessoire qui se détachait plus facilement du navire. Lorsqu’il est question, dans les inscriptions navales, de vaisseaux avariés et qui ont besoin de réparations, on ajoute assez souvent que le προεμβόλιον manque[35].

Si maintenant nous consultons les monuments figurés, nous y trouverons des renseignements précieux et d’une clarté parfaite sur la place qu’occupaient, dans le navire, ces deux engins et sur les diverses formes qu’ils affectaient.

La tête de fauve, qui a fourni le modèle de l’avant du navire grec primitif, nous montre toute la force de l’animal concentrée dans sa puissante mâchoire ; c’est cette partie inférieure de la hure, proéminente et redoutable, que figure l’éperon, à la solidité duquel concourt toute la structure de l’avant[36]. Toutefois l’éperon n’est pas toujours établi à la même hauteur ni supporté en arrière de la même façon.

Dans un des types d’avant que nous présentent les monnaies, l’éperon n’est que l’extrémité de la série horizontale des poutres qui forment la base du navire, de la quille. C’est ce que nous voyons dans le navire de Samos à l’avant en forme de hure, fig. 12, dans un ancien bâtiment phénicien reproduit ici[37], fig. 18, et à une autre époque dans deux vaisseaux de construction romaine[38], fig. 19 et 20. Dans ce cas l’éperon est profondément sous l’eau, tout à fait à la partie inférieure du bâtiment, sur le prolongement de l’un de ses membres les plus solides et les plus résistants.

Un autre système de construction consiste à placer l’éperon au sommet de l’angle aigu formé par la quille fortement courbée et par l’étrave inclinée en arrière ; la hauteur de l’éperon étant naturellement variable selon le renflement plus ou moins prononcé de la quille, il peut se trouver soit sous l’eau soit à fleur d’eau. C’est le système que nous voyons adopté dans un ancien navire phénicien[39], fig. 21.

On conçoit quelle force de résistance offrait le sommet de cet angle aigu formé d’énormes pièces de charpente, et quel coup terrible il devait porter à la coque du vaisseau ennemi. L’angle est encore fortifié par des préceintes qui courent le long de chacun des flancs du bâtiment. Tantôt ces préceintes sont horizontales ; c’est ainsi que nous les voyons dans un ancien navire de Samos, fig. 6, dans celui de Mégare, fig. 4, sur la monnaie d’Antigonos Gonatas, fig. 8 ; l’éperon est alors horizontal comme dans le cas précédent : rarement il affecte une direction plongeante comme sur la monnaie d’Antiochos II[40], fig. 22. Tantôt, au contraire, la préceinte s’incline des parties moyennes de la carène vers les parties basses, comme nous le montrent les navires de Knide, fig. 16 et 23[41], un navire phénicien de l’an 131 avant Jésus-Christ[42], fig. 24, le vaisseau de Sinope, fig. 5, ceux de Phasélis[43], fig. 25 et 26. Ici, comme précédemment, la préceinte est souvent rattachée à la quille par des montants verticaux ou inclinés vers l’avant ou vers l’arrière.

Nous ne pouvons pas ici ne pas appeler l’attention sur l’éperon des deux navires grecs primitifs publiés pl. I et II. Les particularités de la construction ne nous sont point représentées assez en détail pour que nous puissions voir comment il faisait corps avec les autres parties du bâtiment. Mais on sera frappé de la ressemblance qu’offre l’avant de ces deux vaisseaux avec celui de nos cuirassés modernes. L’éperon paraît peut-être un peu plus long qu’on ne le désirerait pour sa solidité. Il est à fleur d’eau, car il semble que l’artiste ait voulu nous montrer non point le navire tout entier, mais seulement les parties supérieures à la ligne d’eau.

Enfin — et c’est encore un autre système de construction, — l’éperon peut être adapté à l’étrave verticale ou formant avec la quille un angle de 70 degrés, à une hauteur arbitraire, et être simplement soutenu on arrière par des préceintes horizontales. C’est ainsi qu’est construit un navire de Corcyre[44], fig. 27, dans lequel l’éperon se trouve bien au-dessus de la ligne de flottaison.

C’est évidemment de cette façon que l’éperon est le plus inoffensif, et qu’il fait le moins corps avec les parties essentielles du navire qui en est pourvu[45]. Dans l’exemple cité, on voit très distinctement les têtes des clous métalliques qui fixent la préceinte sur le bordage du bâtiment.

Quelles que soient les diverses manières d’adapter l’éperon au navire, c’est, on le voit, la partie capitale de l’avant ; c’est à lui donner toute l’efficacité possible que devaient s’appliquer les constructeurs, comme le but suprême de la tactique navale était de lui faire produire ses redoutables effets. Le point de vue auquel nous nous sommes placés nous permettra peut-être de jeter quelque jour sur deux passages obscurs de Pollux. En parlant des pièces principales de la charpente du bâtiment, Pollux (1, 85) énumère successivement la quille et l’étrave ; viennent ensuite les τρόποι. Ailleurs (1, 88) il dit : οί δέ περί στεΐραν έκατέρωθεν παρατεινόμενοι τρόποι πρώτος καί δεύτερος, ό καί θαλάμιος. Or comme dans ce chapitre il est précisément question des rames, on a cru que le mot Ted7r0c signifiait ici l’estrope de l’aviron, ce qui est en effet son sens ordinaire. Un passage de la description du navire d’Hiéron dans Athénée (V, 42) fait cesser toute incertitude à cet égard. Les τρόποι dont il y est question sont des poutres qui font saillie de chaque côté du navire à des intervalles égaux et sur lesquels on a pu établir de petits réduits pour les services de la cuisine. C’est évidemment là le sens du mot dans Pollux. Les τρόποι sont des poutres qui fortifient l’étrave de chaque côté. Peut-être faut-il es reconnaître sur plusieurs monnaies, où l’on aperçoit on avant de l’écubier des pièces de bois obliques qui renforcent la proue du navire. Dans la birème de Préneste, on voit très nettement partir de la préceinte qui consolidait toute la carène les poutres qui s’y appuyaient et qui renforçaient l’éperon. Ce sont sans doute des espèces de τρόποι. Quant à l’éperon, il est à trois pointes et dans le prolongement horizontal de la quille.

Nous arrivons maintenant à déterminer quelle était la forme habituelle de l’éperon. L’éperon pouvait n’être qu’une forte pièce de bois saillante à l’avant qui, agissant comme un instrument contondant, fracassait la carène du navire ennemi. C’est ainsi qu’il est figuré sur le vaisseau phénicien et sur celui de Knide cités plus haut, fig. 18 et 23, ainsi que sur le vaisseau primitif de la pl. I et sur celui de la pl. IV. On le voit nettement sur une monnaie de Corcyre[46], fig. 28, où il affecte une forme carrée. Le plus souvent c’est un assemblage de poutres, comme nous le voyons sur une monnaie d’Ambracie[47], fig. 29, et sur la monnaie de Lyon, fig. 20.

Le nombre ordinaire de ces poutres est de trois. Un dernier perfectionnement consista à munir ces trois poutres de fortes pointes métalliques qui s’enfonçaient plus aisément dans le bordage du vaisseau ennemi. C’est évidemment de ces éperons métalliques qu’il est question dans les inscriptions navales citées plus haut. Ce sont des éperons de cette espèce qui sont vendus sur une décision du Conseil des Cinq-Cents par les magistrats ayant autorité sur les arsenaux[48]. S’ils étaient plus meurtriers lue l’éperon en bois primitif, ils avaient en revanche un inconvénient : c’est que parfois ils se détachaient et restaient dans l’ouverture faite au flanc du vaisseau ennemi[49]. L’éperon métallique pouvait n’avoir qu’une pointe, comme dans le vaisseau de Phénicie ou dans celui de Knide, fig. 21 et fig. 16 ; il en a deux sur une monnaie de Smyrne, fig. 30, et sur une autre de Kymê[50]. La forme perfectionnée de l’éperon, c’est l’éperon à trois pointes dont une monnaie phénicienne[51], fig. 31, nous offre un bel exemple. On voit très nettement les trois gros clous qui servaient à l’assujettir aux flancs du navire. On le remarquera également sur la monnaie d’Antigonos Gonatas, fig. 8, et sur un grand nombre d’avants de navires reproduits dans cet ouvrage.

Les propriétés de l’éperon ont été étudiées avec soin, depuis que le principal but du commandant d’un vaisseau est, maintenant comme autrefois, d’aborder son adversaire et de le couler ; nous avons vu dans les dernières batailles navales des navires sombrer en quelques minutes après avoir reçu un coup d’éperon. Or on a reconnu que l’un des dangers que courait l’assaillant, c’était de voir son éperon s’engager trop profondément dans la carcasse du navire ennemi et par suite de couler bas avec lui. On avait prévu ce péril dans la trière, qui était en son genre un navire très perfectionné, et le προεμβόλιον[52] avait à la fois pour fonction de compléter l’œuvre de destruction en fracassant les parties hautes du vaisseau attaqué et d’arrêter le navire dans son élan une fois le coup d’éperon porté. Dans les monnaies phéniciennes, plusieurs pièces de bois font saillie à l’avant du navire indépendamment de l’éperon. L’une est immédiatement au-dessus de l’éperon, l’autre est tout à fait à la partie supérieure de la carène. Dans les fig. 24 et 32[53], par exemple, le proembolion supérieur a une direction légèrement plongeante ; ailleurs[54], il est parfaitement horizontal. Sur le navire des fig. 24 et 32, le proembolion inférieur est à peu près sur la même ligne verticale que l’éperon, le proembolion supérieur étant sensiblement en retraite. D’autres monnaies, au contraire, nous les montrent tous deux graduellement en retraite[55], ou bien[56] c’est le proembolion supérieur qui est au niveau de l’éperon, tandis que l’inférieur est sensiblement en arrière.

Nous retrouvons dans les navires grecs des particularités de construction analogues. Sur les anciennes monnaies de Samos, fig. 6 et 13, le proembolion, au lieu d’être horizontal comme l’éperon, se relève et se redresse vers les parties hautes de la carène. Il en est de même dans la monnaie de Corcyre[57], fig. 33. Une monnaie de Prusias-Kios, fig. 9, nous montre des préceintes horizontales étroites qui courent le long du navire et se terminent à l’avant par des pièces de bois en saillie. C’est également ce que nous voyons sur la monnaie de Leucade, fig. 7, ou ces pièces de bois sont plus sensiblement en arrière de l’éperon. Les préceintes qu’elles terminent sont reliées entre elles et aux préceintes de l’éperon par des montants verticaux[58]. Il y a quelquefois deux προεμβόλια, un de chaque côté du navire, comme l’indiquent les fig. 4 et 13, mais ordinairement il n’y en a qu’un formant la tête de la préceinte qui court sous la parodos, un peu au-dessous, par conséquent, de la ligne horizontale du pont. Ce système de construction justifie à merveille le passage où Pollux place la προεμβολίς à l’extrémité supérieure de l’étrave et l’éperon à l’extrémité inférieure. L’assertion de Pollux ne s’applique pas à tous les navires grecs de tous les temps et de tous les pays, qui présentent de notables différences dans leur structure. Mais elle est parfaitement juste pour toute une catégorie de ces navires, et elle n’offre en elle-même aucune obscurité.

Quant à la forme du proembolion, elle n’est pas toujours et partout identique. Tantôt c’est une simple poutre ronde ou carrée à son extrémité, comme dans les fig. 4, 7, 24, 26, etc. Tantôt, comme sur la fig. 34[59], cette poutre est munie d’une tête d’animal agissant comme la machine de guerre qu’on appelait un bélier. Tantôt enfin elle porte une garniture métallique à deux ou même à trois pointes, comme l’éperon lui-même. Voir les fig. 3, 5, 19, etc.

§ 3. — Le στόλος et les άκροστόλια.

Si nous trouvons dans la marine contemporaine un engin identique à l’éperon de la marine athénienne, il n’en est pas de même du στόλος, que rien ne rappelle ni de près ni de loin et qui suffirait à lui seul pour donner à l’avant du vaisseau grec une physionomie spéciale. Il occupe jusqu’à un certain point la place du beaupré ; mais ce n’est pas un mât. Il n’est pas non plus sans analogie avec la poulaine[60], sans pouvoir toutefois être identifié avec elle. Nous lui laisserons donc son nom grec, puisque la langue de nos marins ne nous offre rien qui traduise le mot exactement. C’est une question délicate que de déterminer ce qu’était le stolos. Les scoliastes et les lexicographes nous ont laissé sur ce sujet des textes qui ne sont pas absolument corrects et dans lesquels se sont glissées des erreurs. Ces erreurs, toutefois, peuvent être découvertes et corrigées ; nous verrons que les textes restitués s’accordent à merveille avec les monuments figurés pour nous faire connaître la position, la forme et la destination du στόλος. Nous acquerrons ainsi une idée juste de cette partie du navire, en repoussant l’explication de Graser qui est de tout point inexacte.

Commençons d’abord par examiner ce qu’on entend par les άκροστόλια et en quoi ils se distinguent des άφλαστα. Au premier coup d’œil jeté sur les monuments figurés, nous voyons que l’arrière et l’avant du navire se terminent par des ornements très délicats, par des volutes gracieusement recourbées sur la forme desquelles nous insisterons plus tard. Pour les désigner, nous trouvons dans les lexicographes des mots qui, au premier abord, semblent à peu près synonymes : άκροστόλια, άφλαστα, άκρα κόρυμβα, κορώνη. En effet, l’Et. M.[61] et Zonaras[62] expliquent les deux premiers termes l’un par l’autre. Eustathe (73, 22) nous parle de navires qui ont les aphlastes de l’avant et de l’arrière recourbés. Les Lex. Rhet. d’I. Bekker (p. 202, 24) entendent par l’acrostole d’une trière l’extrémité de l’arrière, cette partie supérieure qui s’élève. Au contraire, le Scol. d’Apollonius de Rhodes (1, 1089) et l’Et. M.[63] placent l’acrostole à l’avant, mais en l’identifiant avec l’aphlaste. Hesychius[64] fait également de l’aphlaste le synonyme de l’acrostole, mais il le met à l’arrière. Pour Suidas, les acrostoles sont simplement les extrémités du navire.

Nous retrouvons cette même confusion et ces mêmes divergences d’opinion dans l’explication des άκρα κόρυμβα homériques. Suidas[65] et Zonaras[66] disent que ce sont les acrostoles des navires, c’est-à-dire les pièces de bois qui font saillie à l’arrière et à l’avant et sur lesquelles on représentait les dieux protecteurs. Pour Hesychius les άκροκόρυμβα ne sont pas autre chose que les acrostoles. Ailleurs[67] il reconnaît qu’ils ont place à l’arrière aussi bien qu’à l’avant. Le Grand Etymologique[68] invente une distinction qui n’est guère justifiée ; il dit en parlant de l’άφλαστον : διαφέρει δέ τών κορύμβων . άφλαστα μέν λέγονται τά πρυμνήσια, κόρυμβα δέ τά πρωρήσια. Ainsi, d’après lui, l’aphlaste serait à l’arrière et le corymbe à l’avant.

Quant au mot κορώνη, nous ne le trouvons guère appliqué qu’au prolongement de l’arrière. Zonaras[69] dit, en parlant de l’άφλαστον : όπερ λέγεται καί κορώνη. L’épithète κορωνίδες, appliquée par Homère aux navires, est unanimement traduite chez les commentateurs[70] par qui a l’arrière recourbé.

Voici maintenant, sur la question qui nous occupe, des données plus précises. Suidas[71] désigne l’aphlaste comme étant l’extrémité de la poupe. Pollux (1, 90) n’est pas moins net : On appelle aphlaste, dit-il, l’extrémité de la poupe. Quant à la confusion faite par certains grammairiens entre l’aphlaste et l’acrostole, elle avait été déjà relevée dans l’antiquité. Le Scoliaste d’Apollonius de Rhodes (1, 1089) proteste contre cette erreur, et fait remarquer avec raison que l’acrostole n’est pas autre chose que l’extrémité du στόλος. Or nous savons que le στόλος était à l’avant du navire. Eustathe[72] dit formellement que les deux mots diffèrent, et, d’après Didyme cité par Pausanias, il définit l’aphlaste par ces mots : les pièces de bois larges et plates qui s’élèvent et se recourbent à la poupe, tandis que l’acrostole est l’extrémité du στόλος.

De ce qui précède nous pouvons conclure que les Grecs avaient deux mots distincts pour désigner les extrémités, souvent assez différentes, de l’avant et de l’arrière de leurs navires. Ces termes techniques étaient άφλαστα pour l’arrière, άκροστόλια pour l’avant. Quant aux άκρα κόρυμβα, c’est une expression poétique et générale, qui s’applique aux uns aussi bien qu’aux autres[73]. Le terme άφλαστον avait un autre synonyme poétique dans le mot κορώνη.

Il nous reste maintenant à nous rendre compte de ce qu’était le στόλος. Le Scol. d’Apollonius de Rhodes (1, 1089) en donne une explication qui ne semble point présenter de sens ; c’est, dit-il, la pièce de bois qui part de la πτυχή et qui traverse jusqu’à l’avant. La glose ne signifie rien, puisque, comme nous l’avons vu, la πτυχή était à l’avant comme le στόλος [74]. Nous la retrouvons dans Zonaras dans un état d’incorrection plus grand encore, mais qui nous permet d’arriver à une restitution : le stolos, dit-il, est une pièce de bois qui fait saillie de l’arrière et qui traverse la proue. On voit maintenant comment la glose s’est corrompue : άχρι ou μέχρι, qui semblaient naturellement amenés pour correspondre à άπό ont été ajoutés devant πρώρας, et de plus πρύμνης a été substitué à πτυχής[75], de sorte que le crro’/os est devenu une pièce de bois partant de l’arrière et traversant tout le navire jusqu’à l’avant. En réalité, il faut lire ainsi qu’il suit : le stolos est une pièce de bois qui part de la πτυχή et qui partage l’avant en deux. On verra par la description des monuments figurés combien est juste cette définition. Eustathe (1039, 42) reste un peu trop dans le vague lorsqu’il se borne à dire que le στόλος est une large pièce de bois qui part de la πτυχή. Il a, du reste, tort de donner un peu auparavant, comme le fait Zonaras, une définition à peu près identique de l’acrostole, ce qui fait que certains érudits, Graser par exemple, ont cherché l’acrostole dans le voisinage de l’écusson où se lisait le nom du navire. Enfin il n’explique pas assez nettement comment une autre définition du στόλος, en apparence très différente de la première, y revient en réalité : d’autres appellent στόλος une pièce de bois mince et qui se termine en pointe (1039, 44). Le stolos était large à sa base et pointu à son extrémité qu’on appelait l’άκροστόλιον[76]. Il prenait naissance à la hauteur de la πτυχή, large bordage dont nous avons déjà parlé, qui portait le nom du navire, et, suivant Eustathe, cette décoration peinte qui faisait ressembler les écubiers à des yeux.

Nous pouvons maintenant restituer à coup sûr un passage de Pollux (1, 86) qui jusqu’à présent n’offrait aucun sens, et qui était resté mutilé, bien que la correction en fût facile. Hemsterhuis et G. Dindorf lisent : τό δέ μεταξύ τοΰ έμβόλου καί προεμβολίδος ό στόλος έστίν ύπέρ τήν στεϊραν, ce qui ne s’accorde pas avec le contexte. En effet, Pollux vient de dire, au chapitre précédent, que l’étrave est entre la προεμβολίς et l’éperon ; il ne peut donc pas ajouter maintenant que le στόλος est précisément à cette place et que pourtant il est au-dessus de l’étrave. I. Bekker a rétabli, au lieu d’έμβόλου, la leçon στόλου du manuscrit et marqué une lacune après προεμβολίδος. Or cette lacune doit être comblée par le mot στόλος qui était répété, et la leçon fautive στόλου du manuscrit doit être remplacée par άκροστολίου, de façon que tout le passage se lise ainsi : τό δέ μεταξύ τοΰ άκροστολίου καί τής προεμβολίδος ό στόλος . ό στόλος δ'έτίν ύπέρ τήν στεΐραν, ός καί περικεφαλαία καλεΐται . τό δέ προΰχον[77], άκροστόλιον. Ή πτυχίς όνομάζεται καί όφθαλμός, όπου καί τούνομα τής νεώς έπιγράφουσι. Entre l’acrostole et la proembolis est le stolos ; le stolos est au-dessus de l’étrave et s’appelle aussi perikephalæa[78] ; son extrémité supérieure est l’acrostole. On appelle écusson et écubier l’endroit où l’on inscrit le nom du navire.

Jetons maintenant un coup d’œil sur les monuments figurés. Dans le navire primitif de Samos, fig. 6, 11, 12, 14, dans lequel l’étrave, renversée en arrière, forme avec la quille un angle aigu, nous apercevons, à la partie supérieure de l’avant, une pièce de bois proéminente et formant, avec la ligne horizontale du pont, un angle obtus d’environ 120 à 140 degrés. Cet accessoire avait pour but de relever l’avant qui aurait paru trop bas, et peut-être de fournir un point d’attache à certaines manœuvres. C’est là l’origine du stolos. Nous l’apercevons très nettement sur les- navires primitifs représentés ici pl. I et II, où il protège l’étage supérieur du château d’avant et s’élève ensuite en formant une courbe gracieuse. On croit découvrir sur le vase, bien que la peinture soit assez sommaire, des chevilles toutes voisines de son extrémité, et qui pouvaient servir à fixer le bout de certains cordages. Le stolos se développe et prend dans le navire perfectionné une grande importance. C’est un ensemble de pièces de bois recouvertes de bordages qui, établi à la tête de l’étrave, au-dessus de la préceinte qui porte le proembolion, termine l’avant à sa partie supérieure. Il affecte à sa naissance une forme bombée et proéminente et ressemble assez exactement à une corne d’animal, fig. 7, 9, 10. On aura une idée exacte de ce qu’était le στόλος, eu examinant l’avant de la trière dessinée par le cavalier dal Pozzo, pl. IV. Le stolos s’élève à partir du proembolion sur lequel il est en retraite ; il est bombé au milieu et termine ainsi le navire à l’avant par des surfaces courbes ; l’acrostole manque. Une poutre qui part du stolos et va jusqu’à la préceinte qui fortifiait l’éperon est sans doute une de celles que Pollux nomme τρόποι. La pareille se trouve évidemment de l’autre côté du navire.

Dans le navire de Leucade et dans celui de Prusias-Kios, fig. 7 et 9, on distingue nettement des espèces. de ceintures en planches couvrant et fortifiant le point par lequel le stolos se rattache à l’avant. En effet, le stolos reste toujours une pièce de rapport implantée sur l’étrave et destinée à protéger les parties hautes de la carène. Quand on en a examiné la structure et l’utilité, on comprend que Pollux, dans le passage cité plus haut, lui donne aussi le nom de περικεφαλαία. En effet, Hesychius nous apprend qu’on entendait par ce mot : une perruque, une partie du navire, un casque. Or, le stolos peut être comparé à un casque qui recouvre le haut de l’avant du navire et sa partie supérieure à une aigrette. En arrière du stolos et défendu par lui se dressait le château d’avant. Souvent ces deux parties du navire sont indépendantes et ne se touchent pas, fig. 7, 10, 14, etc. Mais la distance est assez petite, et dans d’autres cas le château d’avant est appuyé, par son extrémité antérieure, à la partie moyenne du stolos, comme nous le voyons dans les monnaies de Sinope et de Corcyre, fig. 5 et 27. Le stolos vient alors compléter à bâbord et à tribord, par deux parapets pleins, le château d’avant. Sur ce parapet, qu’on appelle θωρακεΐον, on peut établir un petit plancher : c’est vraisemblablement l’έπίθημα θωρακείου dont parlent les inscriptions navales.

Quant au développement supérieur du stolos et à la forme de l’acrostole, Graser semble y avoir attaché trop d’importance, puisqu’il n’y avait là qu’une question d’ornementation dans laquelle les goûts d’élégance et le sentiment artistique du constructeur pouvaient se donner carrière. Nous distinguerons toutefois deux classes assez différentes d’acrostoles. L’acrostole se recourbe vers l’avant ou vers l’arrière. Dans le premier cas, ou bien il affecte simplement la forme d’une corne d’animal, fig. 7 et 9, ou bien il se déroule gracieusement comme un cou de cygne[79] et se termine même quelquefois par la tête de cet animal[80]. Il portait alors le nom de χηνίσκος. Sur une gemme publiée par Graser[81], l’acrostole a la forme d’un serpent qui se dresse. Sur la monnaie de Phasélis, fig. 26, il affecte des formes anguleuses et en zigzag. Ce sont là des particularités sur lesquelles nous n’avons pas à nous arrêter. Dans le second cas, l’acrostole rentre vers l’intérieur du bâtiment et se termine ordinairement par une sorte de disque ou de lentille épaisse[82], fig. 8, 17, 27, 34, ou bien par une volute, ou même par une tête de cygne repliée sur le col de l’animal[83].

C’est à peine s’il est nécessaire de réfuter maintenant l’erreur de Graser, qui voit dans le στόλος une forte ceinture horizontale qui enveloppe l’avant et supporte le προεμβόλιον[84]. Nous avons trouvé dans les lexicographes et dans Pollux une description du στόλος absolument différente, et c’est le seul mot qui convienne à cet ensemble de pièces de bois sui generis debout à l’avant de la trière ; mais en outre les mots άκροστόλιον et προεμβόλιον ne sont pas synonymes. Agathias, cité par Suidas[85], les distingue formellement. On ne s’expliquerait pas non plus la confusion constante faite par les lexicographes entre les acrostoles et les aphlastes, dont la nature nous est parfaitement connue, ni l’usage des anciens de détacher des navires vaincus les acrostoles pour les consacrer dans les temples. L’acrostole était toujours un ornement fait avec soin et caractéristique, tandis que le proembolion n’était souvent qu’une simple poutre saillante. Enfin, quand Plutarque[86] dit, en parlant du navire de Philopator, qu’il mesurait jusqu’à l’acrostole quarante-huit coudées de hauteur, comment supposer que l’acrostole n’est point la partie la plus élevée du navire à l’avant ?

§ 4. — Les amarres et les ancres.

Lorsqu’on veut attacher un navire à la terre, on se sert de gros cordages qu’on appelle câbles et qui sont noués à des ancres ou assujettis à un point solide du rivage. Ces câbles portent aussi le nom d’amarres. Une amarre à terre ou amarre à quai est une amarre que, du bord d’un navire, on envoie à terre, où elle est tournée à un pieu, à un rocher, à un canon, au fer d’une boucle, etc.[87] On distingue les amarres de proue et les amarres de poupe, selon que le câble qui va s’attacher à un objet fixé à terre pour maintenir le bâtiment part de l’avant ou de l’arrière.

Pour mouiller le navire en pleine mer ou près du rivage, on emploie les ancres. L’ancre moderne se compose d’une longue verge à l’une des extrémités de laquelle sont fixés deux bras terminés le plus souvent par une pelle ou patte de forme triangulaire, quelquefois par une simple pointe destinée à entrer profondément dans la terre pour assujettir l’ancre au fond. La pointe du bras ou de la patte se nomme le bec, et chacun des autres angles de ce triangle s’appelle l’oreille de la patte. A l’autre extrémité de la verge est percé un œillet qui donne passage à un anneau nommé arganeau. Au-dessous de l’œillet se trouve le jas, traverse composée de deux pièces accolées et liées qui, étant dans un plan perpendiculaire à celui des pattes, contraint l’ancre à mordre par un de ses becs. Dans les marines européennes, les ancres sont faites de fer forgé.

La figure 35 représente une ancre moderne d’après A. Jal[88].

Les marins grecs habitués à la navigation côtière n’aimaient pas à mouiller au large, surtout la nuit et quand la mer était grosse. Ils ne le faisaient qu’en cas d’absolue nécessité[89], et, par conséquent, se servaient moins des ancres qu’on ne le fait actuellement. Ils s’abritaient d’habitude dans les nombreux refuges que leur offraient les côtes dentelées et les îles de l’Archipel. Lorsqu’ils ne retiraient pas à terre leur navire, ils l’amarraient au rivage au moyen de câbles qui portent, dans les inscriptions navales, le nom de σχοινία έπίγυα[90], et chez les lexicographes ceux de σχοινία έπίγυα, άπόγυα, de γύαια, de πείσματα ou de πρυμνήσια. Pollux nous apprend que ce dernier terme était poétique[91] ; en tout cas le mot nous indique quo ces amarres partaient généralement de l’arrière. C’est en effet par l’arrière que devaient de préférence accoster des navires, qui, à cause de leur éperon, avaient à l’avant un tirant d’eau plus fort qu’à l’arrière, et qui ne pouvaient guère aborder par le travers à cause des avirons qui garnissaient leurs flancs. Ces amariles sont souvent mentionnées par les lexicographes, dans le texte desquels nous pouvons, grâce aux inscriptions navales, introduire l’orthographe véritable du mot[92].

Les trières athéniennes de la seconde moitié du quatrième siècle avant Jésus-Christ possédaient quatre de ces amarres. Quand il n’est question que de deux ou de trois, c’est, selon Bœckh, que le nombre n’en est pas complet[93]. A l’époque homérique, les marins avaient coutume de passer leurs amarres dans un trou de rocher ou dans de grosses pierres percées[94]. L’usage se perpétua à l’époque historique et, dans les grands ports du monde grec, les matelots trouvaient sur les guais et sur les môles, près desquels ils aimaient à s’abriter, ces anneaux de pierre qu’on appelait δακτύλιοι[95]. Toutefois, le mot δακτύλιος étant, dans un autre passage de Pollux, appliqué à un objet tout différent et ayant le sens d’anneau de fer[96], on peut supposer qu’il y avait au Pirée non seulement des pierres trouées, mais aussi des anneaux de métal semblables à ceux que nous voyons scellés dans nos quais.

Quant aux câbles de l’ancre, on les appelait σχοινία άγκύρεια[97]. Chez nous, le câble[98] est composé de trois grelins composés eux-mêmes de trois cordages commis en haussière ; ainsi il est fait de neuf haussières commises trois à trois. Or, comme chaque haussière a pour éléments trois torons ou masses de fil caret tordu, le câble compte vingt-sept torons. Les câbles, chez les anciens, étaient également composés de plusieurs éléments, ainsi que l’indique le nom des ouvriers qui les fabriquaient : σχοινιοσυμβολεύς, σχοινιοστρόφος[99].

Chaque trière possédait quatre σχοινία άγκύρεια[100]. Mais à partir de l’inscription désignée dans Bœckh par le n° XI, les dénominations de σχοινία έπίγυα et de σχοινία άγκύρεια disparaissent, pour faire place à celles de σχοινία έξδάκτυλα et de σχοινία όκτωδάκτυλα. Ainsi nous savons que les triérarques, qui avaient reçu le nombre complet des agrès fournis par l’Etat, disposaient de quatre câbles άκτωδάκτυλα et de quatre câbles έξδάκτυλα[101], dénominations qui nous font connaître la grosseur de ces câbles, mais qui ne nous donnent aucun renseignement sur leur destination. Les inscriptions navales nous apprennent seulement qu’ils étaient fabriqués spécialement pour les trières[102]. Si nous adoptons l’opinion de Bœckh, qui croit que ces termes s’appliquaient non au diamètre, mais à la circonférence, les premiers avaient 0m,1541, les seconds 0m,116 de tour[103]. Bœckh suppose que les premiers étaient, sous un autre nom, les σχοινία έπίγυα et les seconds les σχοινία άγκύρεια. Graser[104] identifie avec plus de raison les σχοινία όκτωδάκτυλα avec les câbles de l’ancre, et les σχοινία έξδάκτυλα avec les amarres à terre. Celles-ci, en effet, destinées à maintenir le navire à quai en eau tranquille, fatiguaient moins et devaient être moins grosses que les câbles de l’ancre qui fixaient le navire en pleine mer ou sur une côte ouverte par le gros temps.

Les ancres n’étaient pas connues aux époques primitives de la marine grecque. On y suppléait en jetant au fond de l’eau de grosses pierres, des sacs pleins de cailloux ou de sable, des masses métalliques pesantes liées à des câbles. Ce sont là les engins qu’Homère appelle εύναί[105] et qu’Eustathe confond à tort avec les ancres proprement dites. L’ancre primitive ne fut sans doute qu’une sorte de crochet et n’avait qu’un seul bras : car Pollux (1, 93) distingue des ancres à un et à plusieurs bras ; elle était vraisemblablement en bois, et l’usage des ancres en bois se perpétua longtemps dans la marine grecque, puisque l’Eikosoros d’Hiéron avait quatre ancres de bois et huit de fer[106]. Les unes et les autres étaient donc concurremment en usage, et nous savons que l’ancre en fer fit son apparition d’assez bonne heure : il en est question dans Hérodote (IX, 74). Les inscriptions navales nous apprennent que l’Etat fournissait deux ancres de fer par trière[107]. Il est assez vraisemblable que les triérarques se procuraient, de leur côté, une ou plusieurs ancres en bois. Si nous adoptons la proportion observée dans l’Eikosoros d’Hiéron, nous attribuerons à chaque trière une ancre en bois seulement. Une inscription navale[108] estime à 45 mines au plus, soit 19 kilogr. 647 gr.[109], le poids d’une ancre en fer ; ce qui est extrêmement peu et ce qui semble à peine admissible, bien que nous ayons déjà fait remarquer que les marins grecs se retiraient en général pour mouiller dans un abri sûr ou même traînaient leur navire à sec sur le sable. La chose paraîtra toutefois plus acceptable, si l’on songe que les anciens ajoutaient au poids de leurs ancres en y pratiquant des cavités où ils coulaient du plomb[110].

Les trières, ainsi que nous venons de le voir, avaient au moins deux ancres en fer, qui étaient sans doute de grosseur différente. L’une devait correspondre à celle que nous appelons l’ancre de miséricorde, l’ancre de salut, l’ancre maîtresse et qui est la plus lourde de toutes ; on ne s’en sert que dans une situation très critique et en cas d’absolue nécessité. Celle-ci portait chez les anciens le nom d’ancre sacrée ou de dernière ancre[111] ; l’autre était l’équivalent de notre seconde ancre. On peut voir dans Pollux (I, 103 et 104) les termes dont se servaient les marins grecs pour désigner les deux manœuvres qui consistent à jeter l’ancre et à la lever. Dans la marine moderne, pour assurer solidement un navire contre le flot, il est d’usage, après avoir jeté la première ancre, d’en mouiller une autre à quelque distance de la première. Cette seconde ancre porte le nom d’ancre d’affourche[112], parce que, l’une étant mouillée à tribord et l’autre à bâbord, les câbles qui les retiennent forment entre eux un angle et comme une espèce de fourche. Cette manœuvre était connue des Grecs. Pollux[113] cite l’expression usuelle : nous étions mouillés sur nos ancres. Le mot était même passé dans la langue de tous les jours, et l’on disait communément qu’on avait mouillé sur deux ancres pour signifier qu’on avait pris toutes ses précautions et qu’on se croyait en sûreté[114].

Les ancres que nous voyons sur les monuments figurés[115] ont avec l’ancre moderne une grande analogie. Des dix ancres réunies ci-joint, fig. 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, et qui sont empruntées à des monnaies[116], les neuf entièrement visibles sont pourvues du jas. En effet, aussitôt que l’ancre eut été inventée, on dut sentir l’utilité du jas, qui force la pointe du bras ou le bec de la patte à mordre et sans lequel l’ancre tomberait à plat au fond de la mer. Si le jas nous apparaît ici comme étant dans le même plan que les bras, cela tient sans doute uniquement à la difficulté d’une représentation perspective dans les conditions imposées au graveur. En effet, si le jas n’était point dans un plan perpendiculaire à celui des bras, il perdrait toute utilité. Quatre de nos ancres, fig. 36, 37, 40 et 43, nous présentent également l’arganeau. Il est possible que le triangle qui termine l’une d’entre elles, fig. 38, ait été creux et par conséquent ait rempli le même office. La fig. 39 nous montre au lieu de l’arganeau deux traverses formant un angle, autour desquelles on pouvait nouer le câble. Dans les fig. 41, 42 et 44, il devait s’enrouler autour de la croix formée par la verge et par le jas. Toutes nos ancres ont des bras, mais elles n’ont point de pattes ; il n’en faudrait toutefois pas conclure que les pattes triangulaires fussent inconnues des anciens : car nous les voyons figurées ailleurs[117]. Dans trois de nos ancres, les bras sont rigides et forment un angle aigu dont le sommet se trouve au point de l’ancre qu’on appelle le diamant. Dans les sept autres, ils sont recourbés en dehors, ce qui est assez extraordinaire, puisque évidemment une ancre ainsi conformée doit quitter le fond au moindre effort. Faut-il voir là une imperfection de la technique ancienne ou une fantaisie de l’artiste visant mal à propos à l’élégance ? — Quatre de nos ancres, fig. 36, 40, 43 et 44, sont munies d’un anneau soudé ou forgé à la croisée des bras. Le triangle qui se trouve à la même place dans deux d’entre elles, fig. 37 et 38, pouvait, s’il était percé, en tenir la place. Quant à l’usage de cet anneau, ou bien il servait à suspendre l’ancre à l’épôtide le long du bord[118], ou bien on y nouait un cordage, l’orin, auquel était attaché un corps flottant, une bouée, qui indiquait l’endroit où était mouillée l’ancre.

Je ne veux point terminer ces considérations sur la construction et sur l’aspect de l’avant des navires de guerre, sans mettre encore sous les yeux du lecteur quelques proues de vaisseaux de nationalité et d’époques différentes ; elles reproduisent plusieurs des particularités expliquées dans ce chapitre, et figurent ici sous les n° 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52[119].

§ 5. — Principes de la construction et caractère de l’arrière. Les aphlasta.

L’arrière[120] est la partie postérieure d’un navire qu’on nomme aussi poupe. Elle est comprise entre le maître-bau, qui est la mesure de la plus grande largeur du bâtiment et l’extrémité de la construction élevée sur le bout de la quille. Dans la langue homérique on disait πρυμνή ναΰς ; pour indiquer cette partie du navire. En effet, nous dit Eustathe, πρυμνός signifie ce qui est le dernier ; de là l’application de ce mot à l’arrière du bâtiment : πρυμνόν δέ τό έσχατον... όθεν καί νηός πρύμνη[121]. La poupe est désignée à l’époque historique par le mot ep6µvot : on entend par là, dit le Gr. Etymolog., l’arrière du vaisseau[122].

La poupe de la trière avait une physionomie aussi caractérisée que la proue. Nous trouvons là certains détails de construction auxquels rien ne correspond dans la marine moderne. Et d’abord l’avant et l’arrière de la trière ne se distinguaient point d’une façon aussi tranchée que cela avait lieu dans la marine européenne des siècles derniers. En voici la raison : un bâtiment à voiles peut, suivant les besoins, incliner à droite ou à gauche ; mais il lui est impossible de s’arrêter et de changer instantanément de direction, comme le fait un navire à rames ou à vapeur, pour aller d’avant en arrière. Dès lors, si le constructeur est tenu de donner à la proue des façons assez fines pour qu’elle fende facilement la vague, il peut élargir l’arrière, l’asseoir solidement sur l’eau et y ménager pour l’état-major de spacieux appartements. Grâce à sa poupe carrée, le navire d’il y a cent ans était une véritable maison flottante ; la trière, au contraire, est un simple engin de combat et tout y est disposé pour qu’elle réponde le plus exactement possible à sa destination. Donner à son arrière une forme carrée, c’eût été lui enlever, par un véritable contresens, une partie de ses précieuses qualités en diminuant sa facilité d’évolution. La poupe de la trière était donc mince et fine comme l’avant, afin que le navire pût manœuvrer librement, et marcher en arrière au premier signal donné aux rameurs.

Toutefois, Graser a raison de combattre[123] l’opinion de Smith, qui veut que la poupe et la proue des trières fussent absolument identiques, et il a eu tort de sembler abandonner ses propres idées dans sa restitution de la pentère athénienne[124]. On voit, en effet, par les monuments, que le navire grec à éperon avait généralement l’avant plus plongeant que l’arrière : la proue, cause de l’éperon et du proembolion, était plus solidement construite, plus lourde, et avait un plus fort tirant d’eau. Comme c’était la partie sur laquelle on comptait pour fracasser le navire ennemi, elle devait naturellement être robuste et pesante : c’est à cette condition que ses coups devenaient terribles et meurtriers. Au contraire, on pouvait soulager l’arrière. Là l’étambot formait avec la quille un angle obtus et se relevait par une courbe insensible, de façon que dans un débarquement le navire pût s’échouer sur une plage de sable inclinée eu pente douce[125]. Nous ne savons si, pour désigner ces parties qu’on appelle chez nous les hanches et les fesses, les Grecs avaient emprunté au corps des animaux des métaphores analogues à celles qu’ils appliquaient à l’avant. Toujours est-il que la trière avait les fesses minces, les hanches effacées et fuyantes.

Autour de l’arrière s’étendait une galerie analogue à celles qui, dans les derniers siècles, décoraient avec tant de luxe la poupe des vaisseaux de Louis XIV et de Louis XV, mais naturellement beaucoup plus simple. Cette galerie, visible sur un bâtiment de commerce d’Ilercavonia[126], l’est aussi sur une poupe antique reproduite ici d’après Jal[127]. Dans ce dernier spécimen elle est inclinée d’arrière en avant et protégée par une balustrade à jour ; son plancher repose sur des consoles. Ces galeries ou peut-être seulement les pièces de bois en saillie qui les supportaient s’appelaient chez les Grecs, d’après Pollux, περιτόναια (1, 89).

Nous avons vu que l’étambot formait avec la quille un angle très obtus. A la hauteur du pont environ, il était surmonté par un ensemble de pièces de charpente qui se rapprochait de la verticale, puis formait une courbe rentrante vers l’intérieur du navire ; de l’extrémité de ce prolongement de l’étambot partait une série de gracieux et légers ornements qu’on appelait les aphlastes, et qui s’étendaient au-dessus d’une partie du gaillard d’arrière. Comme nous avons donné le nom de στόλος à la construction qui surmonte l’étrave à l’avant et qui se termine par l’άκροστόλιον, il semble naturel de chercher un terme spécial pour désigner ce prolongement de l’étambot, qui se termine par les άφλαστα ; peut-être faut-il lui donner celui d’έπισεΐον. Pollux dit en effet (1, 90) L’étambot forme le milieu de la proue : sur sa face intérieure est le contre-étambot, au-dessus de l’étambot est l’έπισεΐον. L’έπισεΐον, qui jusqu’à présent n’a pas trouvé son explication véritable, est donc un membre du navire ancien qui n’a pas son équivalent dans le navire moderne. Il remplit à l’arrière le même office que le στόλος à l’avant. C’est pour ne s’être pas suffisamment rendu compte des principes de la construction de l’avant et de l’arrière de la trière que les érudits et Graser lui-même se sont, en méconnaissant les explications très nettes de Pollux, complètement trompés sur le sens de ces deux mots. En effet, dans le passage cité ci-dessus, l’έπισεΐον se trouve entre l’étambot et les aphlastes, comme le stolos est entre l’étrave et l’acrostole.

Nous avons distingué plus haut les aphlastes de l’acrostole, les uns étant à l’arrière le couronnement de l’έπισεΐον, l’autre à l’avant l’extrémité du στόλος. Il nous reste maintenant à déterminer leur forme, ce qui n’offre point de difficulté, attendu que les textes et les monuments figurés concordent ici parfaitement. L’aphlaste, suivant Eustathe citant Didyme d’après Pausanias, s’élève à l’arrière ; il est composé de planches recourbées avec lesquelles se croise une autre planche qui les réunit et qui repose sur un support fixé derrière le timonier. A ces planches et à la traverse qui les relie est suspendue une flamme qui est l’emblème du navire[128]. Quant à Pollux, il dit : Les aphlastes sont l’extrémité de la poupe ; en deçà des aphlastes[129] est plantée une pièce de bois verticale, au milieu de laquelle est suspendue une flamme qu’on appelle tœnia (1, 90).

Si maintenant nous considérons les aphlastes représentés sur la monnaie de Phasélis[130], fig. 54, sur celle de l’Histiœotis[131], fig. 55, et sur une monnaie phénicienne[132], fig. 56, nous verrons qu’ils consistent en effet, comme le dit Eustathe, en un certain nombre de planches recourbées les unes au-dessus des autres et assez distantes à leurs extrémités. Ces découpures, qui ajoutent à l’élégance de cet ornement si délicat, lui enlèvent en même temps une partie de sa solidité[133] ; les parties minces qui le composent ont donc besoin d’être reliées par une traverse ; c’est de cette traverse qu’il est question dans Eustathe, et elle est assez souvent représentée, en particulier sur les fig. 55 et 56. Mais cette traverse, qui retient ensemble les divers éléments de l’aphlaste, n’empêche pas le tout de surplomber d’une façon menaçante au-dessus du pont, sur lequel l’aphlaste pourrait s’abattre s’il ne reposait pas sur un étai. Cet étai, appelé par Pollux στυλίς et par Eustathe στυλίακος, est visible sur la monnaie de Phasélis, fig. 54 ; c’est avec raison qu’Eustathe nous dit qu’il est fixé derrière le timonier et que Pollux le place en deçà des aphlastes, si l’on se tient sur le pont.

Sur cette monnaie et sur une monnaie d’Apamée sous Commode[134], fig. 57, c’est tout simplement un appui vertical.

Ailleurs, par exemple sur le navire phénicien de la fig. 56, il est penché en avant, et son extrémité domine les aphlastes. Une particularité qui est à noter et que ne nous révèlent ni Eustathe ni Pollux, c’est que souvent ces étais sont doubles, l’un partant de tribord l’autre de bâbord.

Une gemme publiée par Graser[135] et reproduite ici fig. 58, nous montre ainsi les aphlastes, très simples d’ailleurs mais très longs et très inclinés vers l’avant du navire, maintenus entre deux supports verticaux qui s’élèvent au-dessus d’eux. Dans les navires du lac Fucin, mais surtout dans l’un d’entre eux, ces montants sont penchés vers l’arrière de façon à arc-bouter l’aphlaste, et aux deux tiers environ de leur hauteur flotte la flamme qu’Eustathe et Pollux désignent sous le nom de ταινία[136]. Nous pourrions noter bien des particularités curieuses, si nous voulions passer en revue un plus grand nombre de monuments figurés ; mais peut-être les artistes se sont-ils donné une certaine liberté dans leurs représentations. Dans une peinture de Pompéi du musée de Naples[137], les deux montants sont recourbés en arrière comme des cornes d’animal ; ils sont verticaux dans une seconde. Dans un bas-relief du même musée n° 612, la ταινία est unique et terminée en fer de lance ; elle porte la flamme aux deux tiers de sa hauteur environ ; mais, contrairement au mode de construction indiqué par Pollux, elle est en arrière des aphlastes, qu’elle ne consolide pas. Qu’il nous suffise d’avoir indiqué son double emploi, qui est de maintenir les aphlastes et de porter une flamme, en rappelant qu’elle manque dans un grand nombre de navires, qu’elle est double dans d’autres et qu’elle présente diverses particularités sur lesquelles il est inutile d’insister.

La forme même des aphlastes pourrait donner lieu à un certain nombre de remarques. Souvent, comme dans les navires du lac Fucin, dans une des gemmes citées plus haut, etc. c’est une simple pièce de bois courbe sans ornementation spéciale. Souvent aussi ce sont deux pièces de bois clouées l’une au-dessus de l’autre, comme dans la monnaie d’Apamée, ou placées côte à côte, comme sur l’une des peintures de Pompéi reproduites par la Revue archéologique[138]. Quand l’aphlaste prend une forme plus compliquée, nous pouvons, dans les exemples publiés par Graser, distinguer deux catégories assez différentes. Dans la première, l’épiséion s’épanouit en un certain nombre de jets en forme de plumes qui se développent les uns au-dessus des autres. Le nombre n’en est pas constant et varie de trois à cinq, fig. 59[139], 60[140], 61[141], 62[142], 63 et 64[143].

Ce bouquet de plumes est comme la terminaison naturelle des pièces de bois qui forment l’épiséion, ou bien il part d’un bourrelet ou d’une lentille assez semblable à celle qui termine l’acrostole, fig. 65[144].

Dans les spécimens de la seconde classe, on dirait une tige végétale d’où se détachent des branches plus ou moins enroulées et recourbées et dont le nombre varie de trois à cinq, fig. 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75[145].

Dans une des peintures de Pompéi de la Revue archéologique[146], l’aphlaste est un véritable bouquet de longues feuilles souples et acérées. Quelquefois il est remplacé par le χηνίσκος. On voit, par ce qui précède, que l’aphlaste était surtout conçu dans un but d’ornementation. Il devait cependant avoir aussi une utilité réelle et pouvait servir de point d’attache à diverses manœuvres.

Au-dessous des aphlastes se trouve la σκηνή, représentée dans un grand nombre de monuments. Nous savons par Eustathe que l’arrière, dans la marine grecque comme dans la marine contemporaine, était l’endroit du navire le plus honorable et le poste du commandant. Ce n’était pas seulement la place du timonier, mais aussi celle du triérarque ou, au besoin, de l’amiral, qui avaient là, dit Pollux, leur logement (1, 89). La cabine, en forme de berceau visible sur le navire du lac Fucin, sur la poupe antique reproduite fig. 53 et sur d’autres monuments[147], pourrait être ce logement devant lequel se trouverait le poste du timonier. Toutefois sur beaucoup de navires, et en particulier dans les navires de commerce, la cabine de poupe semble uniquement destinée à abriter le timonier. L’une des barques du bas-relief Torlonia porte à l’arrière une construction assez vaste qui devait servir d’appartement au patron du navire et à sa famille.

§ 6. — Les gouvernails.

Dans la marine moderne, chaque navire n’a qu’un gouvernail. Il est composé de deux pièces[148], la mèche et le safran, solidement liées ensemble et suspendues à l’étambot au moyen des ferrures. Le gouvernail au repos est dans le plan vertical qui passe par l’étambot et la quille. Lorsqu’on veut faire opérer au navire un mouvement de rotation horizontale à droite ou à gauche, on, fait tourner le gouvernail sur ses gonds, au moyen d’une barre en bois ou en fer implantée dans la tête de la mèche. La barre est franche dans les petits bateaux, c’est-à-dire que le timonier la manœuvre à la main et sans aucun engin qui l’aide. Au contraire, dans les navires d’une certaine dimension la barre est mise en mouvement par un gros cordage passant sur des poulies fixes et qui s’enroule autour d’un treuil garni d’une roue manœuvrée par un ou plusieurs matelots. Ce cordage s’appelle la drosse du gouvernail.

Le système employé par les Grecs pour diriger leurs navires était absolument différent du nôtre. Au lieu d’un gouvernail unique accroché à l’étambot, chaque vaisseau en avait deux, comme nous le voyons sur les monuments figurés et comme nous l’attestent pour les trières les Inscr. navales[149] ; ces deux gouvernails étaient placés à l’arrière et le long des flancs du bâtiment, l’un à tribord et l’autre à bâbord, et s’appelaient πηδάλια, οϊακες, αύχένες. Les trois mots étaient synonymes, comme nous le montrent de nombreux passages des lexicographes, et souvent employés l’un pour l’autre[150]. On s’en servait habituellement au pluriel, parce que chaque navire possédait deux gouvernails. Toutefois, il y avait entre ces trois termes une différence primitive de sens, comme l’indique Eustathe (1533, 46) en parlant du πηδάλιον. Quelques personnes considèrent comme un synonyme de ce mot celui d’αύχήν, ainsi que le montre le terme usuel αύχένιον. On trouve dans un Lexicon rhetoricon la glose suivante : οΐαξ . πηδάλιον, αύχήν. Mais, ajoute l’auteur, Diogenianos entend par οΐακες les barres qui font mouvoir les gouvernails, c’est-à-dire la tige rigide et les anneaux par lesquels passent les courroies. On emploie encore aujourd’hui le mot οΐακες en ne l’appliquant qu’à une partie du gouvernail. Parmi les mots nautiques est en effet celui d’οίάκια, signifiant des barres de bois au moyen desquelles on fait tourner le gouvernail suivant les règles du métier. Ainsi, d’après Eustathe, quoique les deux mots se prennent l’un pour l’autre, le sens propre de πηδάλιον, c’est celui de gouvernail, tandis que l’οΐαξ est la barre. Cette distinction est confirmée par la glose du Grand Etymologique : οΐαξ . ό κανών δι' οΰ τό πηδάλιον (μετα ?) φέρεται... έξ οΰ γίνεται οίήκιον καί κατ' έλλειψιν τοΰ κ οίήϊον. Σημαίνει δέ τό πηδάλιον τής νηός άφ' οΰ (μετα ?) φέρεται ή ναΰς[151]. Zonaras entend par οϊακες les pièces de bois adaptées aux gouvernails pour les faire manœuvrer, et qui se trouvent dans les mains des timoniers[152].

Les autres parties du gouvernail nous sont connues par un passage important de Pollux (1, 89), dans lequel nous avons à relever une faute de texte qui a induit en erreur les commentateurs : τό δέ άκρον τοΰ πηδαλίου οΐαξ . καί τό πάν δέ οΐαξ τε καί πηδάλιον καλεϊται . τό δέ μέσον αύτοΰ φθείρ ή ρίζα ή ύπόζωμα . τό δέ τελευταΐον πτερύγιον, τό δέ λοιπόν αύχήν. Ainsi lu le passage signifie qu’une partie du gouvernail, celle que Pollux nomme φθείρ ou ρίζα, porte également le nom d’ύπόζωμα, ce qui est un non-sens, puisque nous avons montré que les hypozomes sont d’énormes câbles aplatis qui font horizontalement le tour du navire en lui servant de préceintes, et n’ont rien de commun avec le gouvernail. La restitution de ce texte consiste uniquement à rétablir au lieu de devant ύπόζωμα. Il signifie alors : L’extrémité du gouvernail est l’οΐαξ ; mais les deux mots οΐαξ et πηδάλιον s’emploient pour désigner le gouvernail tout entier ; sa partie moyenne, à la hauteur où se trouve l’hypozome, se nomme φθείρ ou ρίζα ; son extrémité inférieure est le πτερύγιον ; le reste est l’αύχήν. Dès lors l’explication de Pollux devient parfaitement claire ; la tige du gouvernail, qu’il appelle φθείρ ou ρίζα, et qui en constitue la partie moyenne, est suspendue le long du flanc du bâtiment, précisément à l’endroit où s’étendent les hypozomes. La pale du gouvernail s’appelait, d’après Pollux, πτερύγιον. On la nommait aussi πτέρυγες au pluriel, parce qu’en effet elle se composait de deux parties et comme de deux ailes[153].

Reste à déterminer ce qu’était l’αύχήν, ou, pour employer un mot plus usuel, l’αύχένιον, quand on n’entendait point par là le gouvernail tout entier. Le texte de Pollux est à ce sujet assez confus et rédigé avec une certaine négligence. En effet, si l’οΐαξ est la partie supérieure du gouvernail, le φθείρ ou ρίζα la partie moyenne, et le πτερύγιον la partie inférieure, on ne voit pas ce qui reste pour l’αύχήν. Mais, si nous nous reportons aux textes d’Eustathe et des lexicographes cités plus haut, nous remarquerons que Pollux ne donne pas de l’οΐαξ une définition absolument exacte. En effet, l’οΐαξ n’est pas la partie supérieure du gouvernail, mais une barre transversale fixée dans cette partie supérieure, qui sert à le mouvoir. D’autre part, les οΐακες et les αύχένες sont souvent cités en même temps, comme deux objets distincts à la vérité, mais voisins. Les uns et les autres se trouvaient au-dessus du pont[154]. On disait être assis aux αύχένες, comme nous disons être à la barre[155]. Si maintenant nous nous reportons au sens primitif du mot αύχήν, nous savons qu’il signifie le cou, c’est-à-dire une portion supérieure et étroite du corps humain, et qu’il se prend souvent dans un sens métaphorique. L’αύχήν ne peut donc pas être autre chose que la partie supérieure de la hampe du gouvernail, dans laquelle est implantée la barre.

Ce double gouvernail, qui a la forme d’une grande rame, est assez souvent représenté sur les monuments figurés. Sa tige n’est pas absolument verticale, mais inclinée vers l’avant. Si le navire est vu du côté de tribord, on aperçoit parfois au-dessous de l’arrière le bout du gouvernail de bâbord, et réciproquement, fig. 82. Quelquefois la barre manque, et il est manœuvré comme un simple aviron, fig. 76[156] ; mais le plus souvent la barre existe. Elle est visible sur une gemme publiée par Graser[157], fig. 77, et sur la trirème du musée Bourbon (vol. 3, pl. 44), dont nous avons reproduit l’avant fig. 17, et dont nous reproduisons ici l’arrière, fig. 78[158]. Nous la reconnaissons également sur une monnaie de Corinthe[159], fig. 79 ; mais il faut remarquer que le dessin n’est pas en perspective. En effet, la barre se trouve dans le même plan que la pale ; or, dans la rame-gouvernail, la barre maniée par un seul homme surtout sur un navire de grandes dimensions, doit être dans un plan perpendiculaire à celui de la pale. La rame-gouvernail se trouvant dans sa position normale, la pale est parallèle au plan vertical passant par l’axe du navire et la barre perpendiculaire. La forme de l’extrémité de la barre présente également sur la fig. 79 une particularité digne d’attention. Elle se recourbe et ressemble à un anneau, ce qui nous permet d’expliquer une glose d’Hesychius : δακτύλιον . καί τοΰ πηδαλίου τό άκρον, et de l’Et. Magn. : δακτύλιος . λέγεται καί τοΰ πηδαλίου τό άκρον. Le mot δακτύλιος ayant le sens d’anneau s’applique tout naturellement à la boucle qui termine notre barre. D’autre part, dans les grands navires, la barre des gouvernails devait être trop grosse pour que la main d’un homme pût facilement la saisir ; il devenait donc nécessaire d’y adapter un anneau métallique que pût embrasser sans peine la main du timonier.

La pale, d’une forme élégante, est composée de deux ailes au milieu desquelles se prolonge la tige. Bien que les gouvernails représentés sur les monnaies soient de dimensions très petites, on reconnaît que les deux moitiés de la pale n’étaient pas égales. Si l’on examine les fig. 80[160] et 81[161], on remarquera que l’une des deux apidés de la pale était plus large que l’autre, et présentait une surface plus considérable. La différence est parfaitement visible dans la fig. 78 ; la partie antérieure de la pale est sensiblement plus petite que la partie postérieure. Cette particularité était absolument nécessaire, afin que, pendant la marche du navire, l’action même et la résistance de la masse liquide maintinssent la pale, quand elle n’était pas sollicitée d’ailleurs, parallèle au plan vertical passant par l’axe du bâtiment, ce qui était sa position normale ; ainsi construite, elle restait facilement maniable pour le timonier, sans qu’il y eût à craindre que l’impulsion de l’eau lui fit opérer autour de son axe une ou plusieurs révolutions complètes. Il est possible que les deux parties de la pale fussent reliées entre elles par des garnitures métalliques analogues à celles qui chez nous réunissent la mèche au safran. Hesychius[162] semble les désigner sous le nom de μηνίσκοι. Dans l’un des navires du bas-relief Torlonia, la pale est percée à droite et à gauche de la tige de deux trous donnant passage à des câbles, qui l’assujettissaient au flanc du navire et l’empêchaient de s’en écarter.

Les gouvernails pouvaient, comme les avirons dans les navires de construction primitive, passer simplement par-dessus le bord et être accrochés à une grosse cheville[163] au moyen d’une estrope (τροπωτήρ), ou passer entre les barreaux de la balustrade, fig. 82[164], ou sortir d’un sabord. Nous voyons alors très nettement comment fonctionnaient les deux gouvernails. Ils étaient manœuvrés par un seul homme, ce qui était nécessaire à l’unité de la direction à imprimer au navire. Le timonier est ordinairement assis ; mais il se lève au besoin quand il faut faire effort.

Nous sommes plus embarrassés quand il s’agit des grands navires kataphractes. Ici, en effet, les monuments figurés ne nous guident plus ; les monnaies et les gemmes se bornent à nous montrer la partie inférieure du gouvernail et la hampe qui s’engage dans un grand sabord analogue à celui des avirons. Il est bien certain que le timonier se trouvait sur le pont ; peut-être les deux barres situées dans un plan perpendiculaire à celui du gouvernail étaient-elles assez longues pour qu’il pût les manœuvrer l’une de la main droite, l’autre de la main gauche, au moyen d’anneaux ou de lanières de cuir. Un passage d’Eustathe cité plus haut (1533, 48) nous indique que les anciens connaissaient quelque chose d’analogue à ce système, puisque, d’après lui, Diogenianos appelait οΐακες à la fois la pièce de bois rigide constituant la barre et les anneaux dans lesquels étaient passées les courroies. On peut aussi résoudre la difficulté de la façon qu’indique Graser[165]. D’après lui les deux barres situées dans le même plan que les deux pales se trouvent dans l’intérieur du navire, sous le gaillard d’arrière. Elles sont assujetties à un câble sans fin qui passe sur deux poulies fixes, traverse le pont et vient courir au-dessus du gaillard sur deux autres poulies également fixes. Dès lors, en faisant mouvoir le câble à droite ou à gauche, le timonier placé sur le pont entraînait les deux barres à la fois et dans le même sens. Graser donne à ce câble le nom de χαλινός[166]. Le χαλινός figure en effet parmi les τοπεΐα dans les inscriptions navales[167], mais sans aucune indication particulière qui nous permette de deviner à quoi il servait. Bœckh en a donné une explication tout à fait erronée[168], en entendant par là un prétendu cordage, qui aurait servi à hisser ou à amener en même temps la vergue et la voile. L’hypothèse de Graser est d’autant plus vraisemblable que le seul agrès du navire qu’on puisse comparer à un frein est le gouvernail. Le rapprochement n’avait pas échappé aux lexicographes. Nous lisons en effet dans Hesychius : ίθυτήρ . χαλινός, πηδάλιον...[169] L’existence du χαλινός et la nature de sa fonction nous sont du reste indiquées par un passage décisif d’Oppien[170]. Il s’agit de ce petit poisson fabuleux, l’έχενηΐς, qui, d’après des récits merveilleux, arrêtait un navire quand il s’attachait à sa carène. Le poète dépeint alors les efforts de l’équipage tout entier pour remettre le navire en marche ; arrivé au timonier, il dit : A l’arrière, le timonier lâche absolument les χαλινά, pour hâter la course du vaisseau ; mais celui-ci n’est plus sensible au gouvernail. Ce passage et l’explication du Scoliaste montrent bien que le χαλινός était un câble destiné à la manœuvre du gouvernail sur lequel il avait action. Quant au mouvement que prête le poète au timonier, il s’explique de lui-même. Lorsque le timonier laissait aller le χαλινός, qu’il y en eût un seul courant sur des poulies ou deux tenus à la main, les gouvernails reprenaient leur position normale, c’est-à-dire la pale parallèle à l’axe du navire ; ils n’opposaient plus par conséquent aucune résistance à sa marche. C’est vraisemblablement de ce câble qu’il est question dans Pline[171], lorsque cet auteur, citant les inventions navales des divers peuples, dit que Tiphys trouva adminicula gubernandi.

Les fig. 83, 84 et 85[172] nous donnent sur la position, l’inclinaison et les diverses formes des gouvernails des renseignements instructifs et curieux.

§ 7. — Sur les noms donnés à Athènes aux navires.

On voit dans la Disputatio de tutelis et insignibus navium... par J. Enschede, insérée dans les Opuscula de Ruhnken[173], et qui est datée de 1770, combien était petit le nombre des noms de navires grecs connus à la fin du dix-huitième siècle. La découverte des inscriptions navales a augmenté ce nombre dans des proportions inespérées. En effet, la liste publiée par Bœckh dans ses Urkunden (p. 84 et suiv.) ne contient pas moins de 237 noms certains ou restitués d’une façon plus ou moins vraisemblable. Mais cette liste a besoin d’être revue et corrigée d’après la copie plus exacte des inscriptions navales donnée par l’Έφημερίς άρχαιολογική[174], les fragments nouveaux publiés par le même journal, qui portent les n° 1355-1356 (Rangabé, Ant. hellén., 2343 a et b) et 3662, enfin, les fragments assez considérables des mêmes inscriptions publiés dans les Mittheilungen des deutschen archäologischen Institutes in Athen (4ter Jahrg. 1stes heft, 1879, et 5ter Jahrg. 1stes heft, 1880). L’examen de ces documents nouveaux permet de retrancher de la liste de Bœckh un certain nombre de noms faussement restitués et d’en ajouter d’autres. Nous aurons ainsi le catalogue le plus complet connu jusqu’à ce jour des noms portés par les navires qui composaient la flotte d’Athènes. Comme ces noms sont empruntés à plusieurs ordres d’idées absolument différents, il est indispensable de les diviser en diverses catégories, en en recherchant autant que possible l’origine[175].

PREMIÈRE CATÉGORIE.

Noms empruntés aux qualités générales de la trière, à son aspect, aux circonstances de la construction, etc.

DEUXIÈME CATÉGORIE.

Noms empruntés aux qualités de combat de la trière, à ses succès remportés ou attendus.

TROISIÈME CATÉGORIE.

Noms empruntés aux qualités nautiques de la trière, à ces fonctions, aux opérations navales.

QUATRIÈME CATÉGORIE.

Noms d’armes ou d’instruments dont quelques-uns n’ont avec la marine qu’un rapport éloigné.

CINQUIÈME CATÉGORIE.

Noms empruntés à des idées abstraites, à des qualités morales, la plupart sans grand rapport avec la marine.

SIXIÈME CATÉGORIE.

Noms empruntés à certains usages d’Athènes, et particulièrement à la religion.

SEPTIÈME CATÉGORIE.

Noms empruntés à la constitution et à l’empire maritime des Athéniens.

HUITIÈME CATÉGORIE.

Noms empruntés aux aspects de l’atmosphère et de la mer, et à certains animaux.

NEUVIÈME CATÉGORIE.

Noms empruntés à la mythologie hellénique et plus particulièrement aux dieux et aux héros qui se rattachent directement à la religion et à la légende athéniennes.

DIXIÈME CATÉGORIE.

Noms géographiques empruntés soit au territoire de l’Attique, soit aux contrées avec lesquelles les Athéniens entretenaient des rapports particuliers, religieux, commerciaux, etc.

Nous avons ainsi sous les yeux deux cent soixante-trois noms portés à l’époque de Démosthène par des navires athéniens. Ils sont tous féminins à cause du genre des mots τριήρης, τετρήρης, etc. Grammaticalement ce sont ou des substantifs ou, en plus grand nombre, des adjectifs et des participes. Un coup d’œil jeté sur cette liste suffira pour convaincre que les Athéniens ne nommaient pas leurs vaisseaux d’après des principes fixes. Les dix catégories que nous venons d’établir ne sont sans doute pas d’une rigueur absolue et certains noms pourraient passer de l’une à l’autre sans inconvénient. Toutefois chacune d’elles correspond à un ordre d’idées différent. La classe la plus nombreuse est celle qui se compose des appellations mythologiques. Peut-être était-ce là l’antique usage, qui disparut peu à peu par suite des progrès de l’incrédulité. Les classes qui viennent ensuite pour le nombre des noms sont celles dans lesquelles le mot fait allusion aux qualités, à l’aspect du navire et renferme un de ces présages de succès auxquels les anciens attachaient tant de prix. Les autres noms rappellent les incidents, les circonstances de la navigation, les lieux que les Athéniens fréquentaient le plus ordinairement, leurs usages politiques, religieux, militaires. Quelques-uns n’ont vraiment aucun rapport avec la marine. Dans ces circonstances, bien que ces dénominations soient curieuses et intéressantes à relever, elles ne permettent d’établir aucune théorie.

 

 

 



[1] Suidas, s. v. προτομαί.

[2] Die ältesten..., Pl. 13, 398b, 386b, 400b, 389b, 155b.

[3] Argon., 4, 316.

[4] Jal, Gl. n., art. Avant.

[5] Suidas : πρώρα.

[6] 1, 89. — Cf. Suidas : παρειά.

[7] Hesychius : μιλτοπάρηοι.

[8] Jal, Gl. n., art. Ecubier.

[9] Hesychius : τετραελίκωπες.

[10] Gl. n., art. Galère.

[11] Eustathe, 1039, 43.

[12] Graser, Die ältesten..., Pl. B, 415b.

[13] Bœckh, Urkund., p. 102-103.

[14] Έφ. άρχ., n° 3146, l. 23.

[15] Ibid., n° 3176, l. 68 et 75.

[16] 1039, 43. — Cf. Scol. Apoll. de Rhod., Argon., 1, 1089.

[17] De R. N., § 80.

[18] Jal, Gl. n., art. Bossoir.

[19] Iphigénie Taur., v. 1350.

[20] VII, 34. Cf. Scol. Thucydide, VII, 36, où il faut évidemment lire πρώρα au lieu de πρύμνη.

[21] S. v. έπωτίδες.

[22] Thucydide, VII, 36.

[23] L. c.

[24] Jal, Gl. n., art. Galère.

[25] Pollux, 1, 89 : έστι δέ τι έδώλιον πρωρτικόν, έφ'οΰ κάθηται. Je corrige ainsi έφ'οΰ κάθηνται, qui ne présente pas de sens.

[26] Hesychius : τερθρωτήρ.

[27] V. Ann. de l’Inst. de corresp. arch., t. XLIV, 1872, Tav. d’Agg., B, et le navire reproduit ici pl. II, ainsi que plusieurs monnaies.

[28] S. v. έμβολος.

[29] S. v. έμβολα.

[30] S. v. προέμβολα.

[31] S. v. προέμβολος.

[32] Urkund., p. 100-101.

[33] Έφ' άρχ., Inscr., 3271, col. 4, l. 40 et suiv.

[34] Ibid., col. 4, l. 152 et suiv.

[35] Ibid., 3175, col. 6, l. 6 et suiv. Inscr., 3177, col. 2, l. 41.

[36] L’éperon faisait tellement corps avec le bâtiment qu’on ne l’en détachait que quand le navire était démoli. Beilage zu Mittheilungen d. arch. Inscr., IV, p. 79 A, col. 1, l. 11.

[37] Graser, Die ältesten..., pl. A, 584b.

[38] Ibid., pl. A, 1f et pl. D, 43b.

[39] Ibid., pl. A, 597b.

[40] Ibid., pl. D, 477b.

[41] Graser, Die ältesten..., pl. A, 410b.

[42] Ibid., 549b.

[43] Ibid., 420b et pl. B, 422b.

[44] Graser, Die ältesten..., pl. D, 227b.

[45] C’est le système qui a été adopté par Graser dans le Model...

[46] Graser, Die ältesten...., pl. C, 208b.

[47] Ibid., pl. B, 199b.

[48] Έφ. άρχ., Inscr., 3216, col. 2, l. 80 et suiv.

[49] Polybe, 16, 5, 2.

[50] Graser, Die ältesten..., pl. D, 272b et 348b.

[51] Ibid., pl. B, 556b.

[52] Graser a publié, dans l’Archäologische Zeitung, Neue Folge, 5e Band, 1873, pl. 62, un bronze trouvé à Actium, actuellement à Londres, qui représente une Pallas ou une Rome avec les attributs de Pallas ; ce bronze semble avoir été le proembolion d’un modèle de navire offert dans un temple, ou d’une prora appartenant à une colonne rostrale, bien qu’on puisse y voir aussi un ornement terminant le στόλος.

[53] Graser, Dei ältesten..., pl. B, 544b.

[54] Ibid., 550b.

[55] Ibid., 539b.

[56] Ibid., 550b.

[57] Ibid., pl. A, 213b.

[58] Dans la trière dessinée par le cavalier dal Pozzo et reproduite ici pl. IV, l’éperon est au-dessus de la ligne d’eau et fortifié par une large préceinte horizontale. L’extrémité en est carrée, comme celle d’une poutre ordinaire. Au-dessus se trouvent trois autres poutres dont les extrémités également carrées sont en retraite l’une sur l’autre et forment comme les degrés d’un escalier. C’est le proembolion.

[59] Graser, Die ältesten..., pl. D, 247b.

[60] Jal, Gl. n., art. Poulaine. Nom que porte la saillie des pièces de construction qui se trouvent en avant du coltis et qui sont montées sur et contre ‘étrave, ainsi que sur la muraille de l’avant du navire... Dict. de marine, par MM. Bonnefon et Pâris, 1848.

[61] S. v. άφλαστον.

[62] S. v. άφλαστα.

[63] S. v. άκροστόλιον.

[64] S. v. άφλαστον.

[65] S. v. άκρα κόρυμβα.

[66] S. v. άκροκόρυμβα. — Cf. Eustathe, 750, 35.

[67] S. v. κόρυμβα.

[68] S. v. άφλαστον.

[69] S. v. άφλαστα.

[70] Zonaras, s. v. κορώνη. — Et. M. : κορωνίσιν. — Cf. Hesychius, s. v. v. κορωνίδες et κορωνίς.

[71] S. v. άφλαστον.

[72] 1039, 37. — Cf. I. Bekk., Anecd., p. 471, 19.

[73] On conçoit qu’Apollon. de Rhod., Argon., 2, 601, ait pu dire άφλάστοιο κόρυμβον.

[74] Elle se retrouve dans l’Et. M., où άχρι est remplacé par μέχρι, πτυχή δέ... όπου par ένθα.

[75] V. Fix dans le Thesaurus au mot άκροστόλιον.

[76] C’est ce qui justifie cet autre passage d’Eustathe, 667, 14.

[77] C’est ainsi qu’il faut lire ; τό δ'ύπέρ τό προΰχον est une répétition maladroite de la même idée ; le texte est du reste visiblement corrompu.

[78] Ce nom lui venait peut-être de ce que la prolongation de l’étrave est souvent couronnée d’une tête casquée, comme dans les monnaies de la gens Luatia. B. Graser, Arch. Zeit., 30e année, 1873, Das Bronze-Bugbild eines antiken ahrzeugs aus Actium.

[79] Graser, Die ältesten..., pl. B, 295b, 255b.

[80] Graser, Die Gemmen..., pl. I, 73. — Cf. Et. M., s. v. χηνίσκος.

[81] Die Gemmen..., pl. II, 55.

[82] Die ältesten..., pl. C, 212b, 475b, etc. Die Gemmen..., pl. I, 67, 83, etc.

[83] Die Gemmen..., pl. I, 56, 73 ; pl. II, 53.

[84] Das Model..., p. 15. Il ne faut évidemment pas attacher d’importance à l’assertion isolée et erronée d’Hesychius. La confusion était d’autant plus facile pour un lexicographe peu au fait des choses de la marine, que dans certains navires, où l’éperon n’était pas très proéminent, le stolos jouait aussi un rôle dans l’abordage. Ainsi, dans les Perses, v. 412 et suiv., Eschyle dit, en parlant du combat de Salamine : Aussitôt les navires entrechoquent leur stolos garni d’airain ; c’est un navire hellénique qui donne le signal de l’abordage ; il fracasse tous les ornements de l’avant d’un navire phénicien.

[85] Suidas, s. v. προέμβολα. Agathias, 5, 21.

[86] Démétr., 43.

[87] Jal, Gl. n., art. Amarre à terre ou à quai.

[88] Gl. n., art. Ancre. La figure très imparfaite du Gl. n. a été revue et corrigée d’après nature.

[89] Démosthène, c. Polycl., p. 1213.

[90] Bœckh, Urkund., p. 161-162.

[91] Pollux, I, 93.

[92] Hesychius : έπιγύων. — Suidas : έπιγύοις. — Suidas et Harpocration : έπίγυον. — Suidas : πρυμνήσιον. — Et. M. et Zonaras : πρυμνήσια.

[93] Έφ. άρχ., Inscr. 3145, col. 6, l. 21. Ibid., Inscr. 3123, col. 3, l. 18.

[94] Hesychius : τρητοϊο λίθοιο.

[95] Pollux, X, 134. — Cf. Hesychius : δακτύλιοι. Le Gr. Etym. et Zonaras s. v. δακτύλιος disent exactement la même chose.

[96] Pollux, I, 147.

[97] Bœckh, Urkund., p. 162-166.

[98] Jal, Gl. n., art. Câble.

[99] Pollux, VII, 160. — Cf. Aristophane, Paix, v. 36, et le Scol. I. Bekker, Anecdota, I, 302, 26.

[100] Έφ. άρχ., Inscr. 3145, col. 1, l. 19 et suiv. Ibid., l. 67.

[101] Ibid., Inscr. 3122, col. 3, l. 66.       

[102] Ibid., col. 3, l. 101.

[103] Hultsch, Metrologie, p. 298, tab. 11, A.

[104] Das Model..., p. 14 et 15.

[105] Iliade, A, v. 436, Eustathe, ad h. l.

[106] Athénée, V, 43.

[107] Έφ. άρχ., Inscr. 3122, col. 3, l. 79 ; Inscr. 3145, col. 7, l. 6.

[108] Ibid., Inscr. 3122, col. 2, l. 83.

[109] Hultsch, Metrol., p. 307, tab. XII, A.

[110] Diodore de Sicile, V, 35, 4.

[111] Pollux, I, 93. Scol. Eur. Héc., 76.

[112] Jal, Gl. n., art. Ancre.

[113] I, 103. Cf. Euripide, Phæth., fr. 4, 1.

[114] Plutarque, Solon, 19.

[115] Dictionnaire des antiquités, par Ch. Daremberg et Edm. Saglio, art. Ancora.

[116] Graser, Die ältesten..., pl. D, 52b Etrurie, 96b Pæstum, 340b Abydos (l’ancre est complétée d’après d’autres monnaies), 103b et 111b Bruttium, 153b Alexandre, 440b Seleukos, 445b et 453b Antiochos, 205b Nicopolis.

[117] Sur une médaille de Panorme, Torremuzza, Siciliæ veteres nummi, pl. 60, et sur une médaille impériale, J. Scheffer, De milit. nav., p. 146.

[118] L’ancre dans les navires anciens se trouvait habituellement à l’avant. Cependant, dans une birème de la colonne Trajane (W. Frœhner, t. 3, pl. 117), nous voyons une ancre suspendue par-dessus le bord à la partie postérieure du navire.

[119] Graser, Die ältesten..., pl. B, 86b et 87b Tarente, 282b Corinthe, pl. C, 117b Rhodes, 444b Seleukos, pl. D, 402b Samos sous Domna. Jal, Gl. n., art. Galère.

[120] Jal, Gl. n., art. Arrière.

[121] 547, 45. Cf. 828, 38.

[122] S. v. εΰπρυμνοι. Cf. Hesychius : πρύμνη.

[123] De R. N., § 39.

[124] Das Model..., pl. II. L’avant et l’arrière sont construits exactement d’après les mêmes principes.

[125] C’est ainsi que sont échoués les trois navires visibles sur un bas-relief publié par l’Archœolog. Zeit., ann. XXIV, oct. et nov. 1866, pl. CCXIV, et qui représente un combat au moment du débarquement, ou plus vraisemblablement la défaite de l’assaillant obligé de remonter sur ses navires, comme le veut Otto Jahn. Cf. pl. CCXV, I. On se rendra un compte exact de la différence de construction de l’avant et de l’arrière en examinant le navire primitif reproduit ici, pl. I. L’arrière est relevé et l’étambot forme un arc de cercle.

[126] Graser, Die ältesten..., pl. D, 17b. Cf. Arch. Zeitung, ann. XXII, janv. et fév. 1864. Terracotten in Canterbury, Ad. Michælis, pl. CLXXXI. Elle ligure notamment sur les birèmes de la colonne Trajane (W. Frœhner, tome 2, pl. 57, 59, tome 3, pl. 108 et passim). Elle est tantôt assez fortement inclinée, tantôt presque horizontale.

[127] Gl. n., art. Galère.

[128] 1039, 37. Le sens du mot θρανίον nous est donné par Pollux, X, 48.

[129] Evidemment en se plaçant sur le pont du navire.

[130] Graser, Die ältesten..., pl. A, 420b.

[131] Ibid., pl. C, 185b.

[132] Ibid., pl. A, 100e.

[133] Et. M., s. v. άφλαστον. Cf. Zonaras, s. v. άφλαστα.

[134] Graser, Die ältesten..., pl. C, 314b.

[135] Die Gemmer..., pl. I, 79. Cf. Ibid., 56.

[136] Dans un nav. publié par H. Jordan, Ann. de l’Instit. de corresp. archéol., t. 44, 1852, Tav. d’agg. B, les deux étais qui soutiennent l’aphlaste sont couchés presque horizontalement et réunis à leur extrémité par une traverse. Ils ne portent point de banderole ; mais une flamme flotte au sommet de l’άτρακτος du mât. Ce navire ressemble beaucoup, comme aspect général, à ceux du lac Fucin.

[137] Revue archéol., t. 35, livr. de juillet.

[138] Revue archéol., t. 35, livr. de juillet.

[139] Graser, Die ältesten..., pl. B, 422b, Phasélis.

[140] Ibid., pl. C, 424b, Phasélis.

[141] Ibid., pl. C, 612b.

[142] Ibid., pl. C, 46c.

[143] Ibid., pl. C, 147b et 160b.

[144] Ibid., pl. C, 475b, Démétrios II.

[145] Ibid., pl. C, 232b Corcyre, 507b Sidon, 89b et 90b Tarente, 309b Sinope, 161b Alexandre, 607b Ptolémée I, 462b Alexandre Bala, 171b Démétrios, 168b.

[146] Revue archéol., t. 35, livr. de juillet.

[147] Elle est figurée sur la plupart des birèmes de la colonne Trajane.

[148] Jal, Gl. n., art. Gouvernail et Barre.

[149] Έφ. άρχ., Inscr. 3145, col. 2, l. 23 et suiv. Cf. Inscr. 3124, col. 1, l. 7 et suiv. et passim.

[150] Suidas : πηδάλια. Zonaras : πηδάλια. Photius : οΐακες. Hesychius : οίηΐα.

[151] Zonaras, s. v. οίήϊον dit exactement la même chose. Cf. Hesychius : οϊακες.

[152] La barre manque quelquefois, par exemple dans une birème de la colonne Trajane (W. Frœhner, t. 2, pl. 59). Le timonier assis tient dans ses mains la partie supérieure de la hampe du gouvernail.

[153] Hesychius : πτέρυγες.

[154] Polyen, 3, 11, 14.

[155] Chrysostome, in 2 ad Cor., p. 78.

[156] Graser, Die ältesten..., pl. D, 491b, Bérytos sous Elagabal.

[157] Die Gemmen..., pl. II, 71.

[158] Jal, Gl. n., art. Galère.

[159] Graser, Die ältesten..., pl. C, 285b.

[160] Ibid., pl. C, 348b, Kymê.

[161] Ibid., pl. D, 192b, Apollonia sous Geta.

[162] S. v. μηνίσκοι.

[163] L’estrope seule est visible sur le nav. d’Ulysse publié dans l’Archäol. Zeitung, ann. 1864, janv. et fév., Terracotten in Canterbury, par Ad. Michaelis, pl. CLXXXI.

[164] Graser, Die Gemmen..., pl. I, 82. La trirème du musée Bourbon, fig. 78, nous montre le gouvernail sortant d’une ouverture pratiquée dans le plat-bord. Dans les birèmes de la colonne Trajane il y a habituellement un intervalle entre l’extrémité postérieure de la balustrade à jour du pont et l’extrémité antérieure de celle de la galerie de poupe. Le gouvernail est appuyé sur le bord et retenu par une large lanière de cuir fixée par deux clous dans la paroi du navire (W. Frœhner, t. 2, pl. 59), ou bien il passe entre deux barres horizontales (t. 3, pl. 108).

[165] De R. N., pl. IV, fig. 19.

[166] Ibid., § 70, 82, etc.

[167] Έφ. άρχ., Inscr. 3122, col. 1, l. 143, 160, 180 ; Inscr. 3144, col. 2, l. 227 ; Inscr. 3145, col. 2, l. 65, et passim.

[168] Urkund., p. 157-158.

[169] Cf. Suidas s. v. ίθυντήρ et Zonaras s. v. ίθυντήρες.

[170] Halieut., I, v. 229.

[171] H. N., VII, 57, 17.

[172] Graser, Die Gemmen, I, 59 ; Die ältesten..., pl. C, 528 ; Die Gemmen, II, 70.

[173] T. I, Lugduni Batavorum, 1823. Cette dissertation a été publiée par l’auteur avec, de nombreuses corrections et additions à Harlem, 1780, in-8°.

[174] Année 1857, livr. 45 et suiv.

[175] La plus grande partie de ces noms est citée et expliquée par Pape-Benseler, Wörterbuch der Griechischen Eigennamen, 3tte Auflage. Braunschweig, 1863-1870. Mais il y a naturellement des lacunes.