HUGUES CAPET ET LA TROISIÈME RACE

 

TOME PREMIER

CHAPITRE XII. — UNITÉ DU POUVOIR. - GRÉGOIRE VII.

 

 

Symbole féodal. — L'empereur Henri IV. — Symbole du pouvoir moral. — Grégoire VII. — Nationalité italienne. — Usurpation allemande. — Lutte de Grégoire VII contre Henri IV. — Maximes de la papauté. — Réforme. — Abaissement du type féodal. — Réaction. — Mort de Grégoire VII.

1073—1085.

 

A toutes les époques les idées se font hommes ; le Verbe se fait chair, et ce mystère sublime domine les générations dans la marche des temps. L'incarnation de l'intelligence qui naît, souffre et meurt, est le tableau de ce grand martyre de l'homme qui se donne une mission ; l'histoire présente la lutte incessante de deux principes hostiles : la matière et l'intelligence, la force brute et l'esprit qui vivifie. Henri IV, qui portait en ses mains la boule d'or de l'Empire, devient dans ce siècle l'expression de la féodalité ; c'est le caractère emporté, fantasque, dissolu, sensuel, comme le baron, au milieu de la vie : ses membres sont forts et velus, il a le ventre proéminent, il mange beaucoup, comme toute la race allemande, il se nourrit, comme Guillaume le Normand, de sanglier et de venaison qui alimentent les passions brutales ; l'empereur Henri IV est violent, cruel ; il ne s'arrête à rien, il noie la tyrannie dans la dissolution ; c'est l'homme féodal en sa nature primitive ; il essaie d'assouplir les idées à la force, l'intelligence à la chair[1].

Grégoire VII au contraire devient le symbole énergique du pouvoir moral ; son corps est amaigri ; il est austère, tenace, impératif ; il a un plan et le suit, aucune résistance ne l'arrête ; il a la conscience de son droit ; il veut le pouvoir, il y marche. Grégoire VII développe fièrement sa pensée ; les obstacles matériels ne sont rien pour lui, il a la conviction que tôt ou tard il pourra les vaincre : les hommes d'armes, les Barbares, foulent l'Italie aux pieds de leurs chevaux ; des nobles romains frappent le pontife sur les marches de l'autel, des patriciens, des comtes pleins de traîtrise, l'arrachent du sanctuaire par les cheveux ; Grégoire VII ne s'arrête pas un seul moment dans sa mission, il la développe, la suit avec la plus grande, la plus profonde unité ; captif, il se proclame aussi fort que s'il avait le monde à ses pieds ; la pensée n'est-elle pas toujours libre ? et saint Pierre ès liens n'annonçait-il pas l'idée de l'émancipation chrétienne opprimée dans le vieil empire romain, puis triomphante aux quatre vents de la terre ? Grégoire VII continue sa lutte contre le pouvoir brutal et armé, sans détourner la tête ; obligé de fuir de Rome, il n'en porte pas moins haut l'autorité morale dont il s'est fait la constante expression. Le pape oppose sa force intellectuelle au féodal qui n'a pour lui que la grossièreté de ses passions et l'impatience de ses batailles. La victoire viendra au faible prêtre, les armes de fer s'usent sur la conscience du droit[2].

Un second trait qui se manifeste dans cette physionomie de Grégoire VII, c'est le principe de la nationalité italienne ; la domination des papes n'est qu'une grande résistance à l'invasion des Germains. Grégoire VII est Italien de cœur et de tête, il a mission de défendre la race méridionale contre les invasions des Allemands. Si quelques seigneurs lombards, indignes de la patrie, se jouent assez des liens sacrés de la nationalité pour appeler de leurs vœux l'invasion de la race germanique ; si à Milan et à Ravenne on salue l'étendard des empereurs, le véritable peuple suit l'impulsion du pape, pouvoir qui représente le plus complètement la patrie italienne. Grégoire VII opposa tour à tour avec habileté les Normands de Sicile aux hommes du Rhin, de la Meuse, et puis aux Grecs du Bas-Empire. Quand les Normands eux-mêmes se montrent impératifs, alors le pape fait un appel au peuple d'Italie pour soutenir la patrie commune : ne faut-il pas sauver les belles cités méridionales ? faut-il les abandonner aux invasions qui les menacent ? A toutes les époques, les papes furent le pouvoir le plus exclusivement italien ; ce n'est pas sans intérêt qu'on suit la correspondance de Grégoire VII, couvrant de sa protection les marchands de Parme et de Bologne qui voyagent en France, pour les sauver du pillage des féodaux[3]. Ainsi fut l'origine de cette lutte immense, permanente, entre Grégoire VII et Henri IV, dont l'histoire est partout. Quand l'empereur des Allemands s'abandonne à l'impétuosité féodale de son caractère, il se précipite vers l'Italie, il plante le gonfanon de Souabe sur les murailles de Ravenne, de Pavie et de Home ; puis le cœur lui manque devant l'excommunication et l'interdit ; les remords pèsent à l'adultère, il se repent, s agenouille devant le pape, et courbe son front dans la poussière. Le type féodal est abaissé devant la pensée austère du pouvoir ; l'homme dissolu fléchit le genou devant la tête impérative, mais pure de toute passion vulgaire.

Ne cherchez pas d'autres explications aux différends entre l'Empire et la papauté du moyen âge ; et ici se révèle ce beau caractère de la comtesse Mathilde, souveraine de la Toscane et des villes lombardes. Mathilde, née en 1046, avait donc vingt-sept ans lors de l'intronisation de Grégoire VII ; fille de Boniface III, marquis de Toscane, et de Béatrix de Lombardie, elle avait reçu en héritage la Toscane, Lucques, Modène, Reggio, Mantoue, Ferrare, Parme et Plaisance, c'est-à-dire la plus belle, la plus fertile, la plus intelligente portion de l'Italie. A huit ans, cet héritage souverain était échu à Mathilde, et Ton vit une jeune fille, profondément dévouée à la pensée italienne, se prononcer contre la race germanique ; son tuteur fut Godefroi le Barbu, duc de Lorraine, second mari de Béatrix[4]. Quand Mathilde gouverna seule, elle se dévoua patriotiquement aux intérêts italiens et à la puissance papale qui s'en était faite l'expression. Tout entière à ses idées politiques, Mathilde resta chaste, quoiqu'elle eût épousé le fils de Godefroi le Barbu, son tuteur. Noble administration que celle de Mathilde ! car elle orna la Toscane, Modène et Reggio de monuments magnifiques, de temples, de châteaux forts, des ponts d'une architecture hardie jetés sur cette campagne ombragée de peupliers et de pampre comme sur les bas-reliefs antiques. Ce fut dans le château de Canossa, près de Reggio, que Mathilde accueillit Grégoire VII fugitif ; et quand ce pontife maigre, maladif, ne possédant pas un pouce de terre, abaissa le puissant empereur féodal jusqu'à ce point de recevoir un châtiment de sa main, Mathilde assistait à côté du pape à cette humiliation de la race germanique ; le patriotisme devait être ici pleinement satisfait, quand les coups de discipline retentissaient sur les chairs grasses et blondes de ce féodal, type des Allemands, vieux ennemis et envahisseurs de la patrie. Mathilde subit avec résignation les disgrâces de la fortune ; l'armée impériale dévasta le Modénais, les pesants coursiers de la Germanie foulèrent les campagnes de Mantoue. Mathilde resta toujours Italienne et l'alliée de Grégoire VII jusqu'à la mort du pontife. Ce fut un beau spectacle que ce dévouement d'une femme pour la nationalité et la liberté ! Il s'en produit souvent ainsi sous un ciel pur et chaud. Grégoire VII et Mathilde furent le symbole de la grande idée de patrie italienne qui se déploya contre l'invasion des Germains. Aussi le souvenir de la comtesse est-il encore populaire dans les cités de Modène et de Ferrare, et des traces de son administration magnifique se trouvent là cachées sous l'herbe comme les ruines romaines dans les campagnes qui environnent la ville éternelle[5].

Henri IV, un moment abaissé dans la poussière, se montre une fois encore avec toute l'impétuosité de l'ambition charnelle ; il s'émeut de honte, il voit l'humiliation que la force conquérante vient de subir ; l'empereur a fait hommage au pape : Pourtant il a une épée, des lances épaisses l'entourent et le pressent, ses chevaux hennissent, il peut donner à ses hommes d'armes mille manoirs de clercs à piller, et il se reposerait là, humilié dans la poussière ! Cela ne peut être ; abaissera-t-il ainsi son front impérial ? Henri IV convoque de nouveau ses barons, il marche en Italie ; Grégoire VII fuit de Rome, le Capitole est occupé par la race germanique. L'empereur, maître des Romains, proscrit tous les partisans du pontife ; Grégoire VII parcourt en fugitif la Fouille et les terres méridionales de l'Italie ; mais il emporte avec lui cette grande idée d'un pouvoir unique et moral qui dominera le monde des âmes. La lutte de Grégoire VII et de l'empereur, si vaste conflit, personnifie l'histoire du moyen âge ; car elle symbolise le débat du baron et du clerc[6]. Toutes les époques présentent cet aspect dans des formes modifiées ; il n'est pas de société qui n'assiste à ce dualisme de l'idée contre la matière. Au moyen âge, le catholicisme est la pensée sociale, le mobile de la civilisation ; la féodalité est la matière forte qui résiste au mouvement des idées ; c'est la conquête en possession du sol, comme l'homme d'armes dans sa tour fortifiée. La querelle de Grégoire VII et de Henri IV est un mythe où se heurtent ces deux principes sur un plus vaste théâtre, dans des proportions qui touchent à l'empire universel ; ce que les barons et les clercs disputaient pour un fief, pour une manse de terre, le pape et l'empereur retendaient à la domination de l'Europe : J'ai un noble et fort baronnage, et je saisis cette terre ; ainsi parle le seigneur féodal. A cela le clerc répond : Arrête, homme de la force, sur les limites de cette terre, sinon je t'excommunie et t'interdis !

Dans ce drame laborieux, dont le résultat fut si disputé, il resta de grandes maximes d'unité et de gouvernement jetées aux générations. Vaincu et exilé, Grégoire VII n'abandonne jamais les immenses théories de l'Église catholique, il rédige son propre code du pouvoir souverain, la plus curieuse expression d'une autorité qui a foi en elle-même[7]. L'Église romaine a été fondée par Dieu seul ; le pape exerce la juridiction souveraine, seul il peut déposer les évêques et les réconcilier ; ses légats ont les prérogatives sur tous les évêques dans les conciles, quelle que soit leur dignité ; ils pourront les déposer en vertu de leur droit. Personne ne peut demeurer dans la maison d'un excommunié ; au pape seul il appartient de faire de nouvelles lois, de réunir des peuples nouveaux, de fonder des abbayes ; seul il peut user des ornements impériaux ; tous les princes devront baiser le pied du pape ; son seul nom sera récité dans les prières de l'Église ; son autorité doit seule dominer sur le monde ; il peut déposer les empereurs, transférer les évêques d'un siège à un autre ; seul il peut convoquer les synodes, seul il peut briser toutes les sentences, et ses seules sentences ne peuvent être méconnues ; nul ne peut le juger, et lui peut juger tout le monde. Toutes les grandes causes doivent lui être déférées ; l'Église romaine ne peut errer et dans l'avenir et dans le présent ; celui-là n'est plus catholique qui se met en opposition avec le pape.

Cette profession de foi complète, absolue, cette répétition constante de ce mot seul, qui est l'expression de toute domination exclusive, constituait la dictature, puissance souvent civilisatrice et indispensable pour sauver les sociétés. Le pape se place hautement à la tête du pouvoir ; il le délègue à ses légats pour l'exercer dans tous les royaumes qui ne sont que des provinces de l'univers catholique. Tout ce qui porte son image ou son empreinte est plus puissant que les rois et les empereurs ; un légat, serait-il simple clerc, peut briser les évêques et les primats ecclésiastiques. Que cette autorité soit matériellement contestée en plusieurs circonstances, la pensée en est néanmoins jetée au monde ; ainsi tout pouvoir fort, qu'il soit roi, assemblée de peuple ou pontife, a besoin de faire respecter ses représentants ; il les place haut, afin que leur autorité rayonne, et qu'elle imprime sa propre énergie. Il faut se reporter au temps d'anarchie et de dissolution, à ce XIe siècle, où tout était lutte dans la société religieuse et politique ; il n'y avait aucun pouvoir incontesté, la force brutale dominait la féodalité éclatant sur le laboureur, sur le marchand, sur tout ce qui n'était pas assez fort pour se défendre. L'individualité se formulait partout ; au sein de l'Église même, les mœurs étaient dans la dépravation la plus profonde ; les concubines envahissaient les dortoirs des abbayes ; les clercs couraient à la chasse, aux festins, ils portaient les armes comme les féodaux eux-mêmes : cette absence de toute discipline, qui pouvait la réprimer ? quelle était l'autorité assez forte pour imprimer un peu d'ordre à ce chaos ! Ne fallait-il pas une dictature constituée et reconnue ? Toutes les fois que l'anarchie s'empare des idées, il se fait une inévitable réaction vers le pouvoir absolu ; n'est-il pas nécessaire d'établir une forte pensée sociale, quand le désordre est partout ?

Grégoire VII prit donc cette dictature, parce qu'elle était indispensable dans le triste état social du moyen âge. Le premier bienfait pour la société, c'est l'existence d'un pouvoir régulier, et le pape constitua l'autorité de principes que les empereurs n'avaient pu obtenir. Le pape et l'empereur, voilà les deux forces qui luttent pendant trois siècles, parce qu'ils personnifient deux grandes idées : Grégoire VII parvient à dominer moralement. Une fois la dictature conquise, le pape la met en action comme un puissant moyen de discipline dans la société désolée ; il abaisse tant qu'il le peut la force féodale, la première cause du désordre ; d'elle venaient le pillage et la violence : cet empereur que vous voyez aux pieds du pape, la tête couverte de cendres, c'est la féodalité sauvage, la force individuelle et brutale agenouillée devant le symbole de la loi morale, de la puissance qui ne recourt pas au glaive ; l'empereur c'est la luxure, les passions ardentes, l'homme de chair et de sang qui reconnaît la suprématie de la pensée ; c'est la terre brute qui s'agenouille à la face du ciel ! Ensuite, quel bel exercice de la dictature papale dans l'intérêt de la discipline sociale et de la loi ecclésiastique ! Un sire, un baron hautain renvoie-t-il sa femme de la couche nuptiale, brise-t-il les liens du mariage, le pape intervient pour ramener l'unité et les saints égards entre l'homme et la femme que la main de Dieu a bénis ; qu'il y ait usurpation par un féodal des terres d'autrui, des biens de la famille, de cette terre cultivée, vieux patrimoine des races, c'est encore le pape qui se montre et foudroie l'usurpateur : la puissance pontificale semble ici instituée pour ramener les âmes à ce qui est juste et de droit : et qu'on remarque bien que ce n'est pas pour lui que Grégoire VII travaille ; il est sobre, austère comme un solitaire du désert ; il se nourrit de légumes sans sel ; jamais femme n'a touché ses vêtements ; et cette comtesse Mathilde, que l'on a présentée comme une concubine, mourut chaste et pure : la vie austère est la première condition de toute dictature, et le pontife qui réprimait les mœurs et jetait l'excommunication contre les clercs concubinaires devait donner l'exemple de la plus profonde chasteté. Il n'y a de pouvoir durable que celui qui se respecte lui-même[8].

L'idée de gouvernement et d'unité, on la trouve dans les persévérantes prescriptions de Grégoire VII pour la réorganisation de l'Église ; il n'y a rien d'épars, rien qui n'aboutisse à un centre commun, la papauté. Il soumet à la juridiction pontificale les conciles des évêques, les assemblées cléricales : appelé à régir l'organisation de l'Église, il ne veut pas plus de l'indépendance d'un évêque que de celle d'un roi, de la liberté d'un synode que de la liberté d'un concile ; tout doit venir de Rome et du pape infaillible ; cette unité est le centre commun, reconnu et salué par l'univers catholique. Admirable caractère que celui de Grégoire VII ! La violence est dans Rome, on traîne le pape par les cheveux, on le soufflette au pied de l'autel, et dans cet abaissement il conçoit la pensée d'une dictature universelle ; il a le sentiment de sa force morale : quelle confiance n'a-t-il pas dans sa parole ! quel caractère incorruptible et tenace dans ses desseins ? il ne pardonne aucun désordre, il les domine tous par l'action régulière de sa volonté. La dictature, pour se justifier, a besoin d'être morale, incorruptible ; autrement, elle ne peut agir et prouver sa mission. Il ne faut jamais se jouer avec l'idée qui vous fait dominer un temps ou une société.

Après avoir constitué l'unité de pouvoir, Grégoire VII essaie de lui donner une armée ; il tente un de ces grands mouvements militaires dont le pape sera le centre : de là cette ardeur que met le pontife à suivre la prédication du pape Sylvestre II sur la croisade ; il sent bien qu'en jetant l'Europe sur l'Asie[9], en remuant tout le sol féodal, il affaiblit la violence militaire parmi les chrétiens. Grégoire donne une issue à toutes les ambitions, il dompte les cœurs fiers et hautains, il les abaisse à ses genoux, où tous viennent prendre le bourdon, la panetière et la croix sainte du pèlerinage. Il crée une milice du Christ, idée mystérieuse et symbolique, qui place en définitive l'homme des batailles sous la direction du pape et de l'Église catholique. Les croisades détachaient du sol féodal les rois et les seigneurs redoutables ; la force territoriale est complètement déplacée dans ce mouvement militaire du catholicisme. Telle est la vaste pensée de Grégoire VII ; le pape veut la dictature, et la société a cette tendance, car elle est profondément agitée par l'anarchie ; il n'y a ni autorité civile ni unité dans l'Église, et n'est-ce pas l'occasion de créer un pouvoir extraordinaire qui domine tous les autres ? Grégoire VII s'en saisit par la promulgation de sa grande théorie de l'omnipotence et de l'infaillibilité du pape ; il la jette au monde comme une pensée d'ordre, il la met en action autant qu'il est en lui. De telles tentatives ne sont jamais sans réaction ; le pouvoir brutal de la terre se révolte un moment : ce Henri IV, agenouillé devant le pape, se réveille pour faire un appel à ses hommes de batailles. Le voilà une seconde fois en Italie ; Rome est livrée au pillage des Germains, l'homme d'armes élève son gonfanon sur la basilique. Grégoire VII s'enfuit, il meurt, mais ses maximes demeurent debout comme la puissance des temps ; on brise le pouvoir, mais les principes restent ; on foule aux pieds la tête du vieillard, mais il a la gloire d'avoir posé au milieu du chaos du moyen âge le principe d'unité : en vain cherchait-on l'autorité quand tout était brutalement livré à la violence égoïste. Grégoire VII constitue les éléments du pouvoir ; il sauve la société en proclamant un corps de doctrines invariables ; il se fait dictateur au profit d'une pensée de civilisation !

 

 

 



[1] Aussi l'empereur Henri IV a-t-il été hautement célébré par le XVIIIe siècle, époque essentiellement sensuelle ; Grégoire VII fut alors présenté comme un tyran et un moine ambitieux. Voltaire a écrit sur ce sujet un chapitre fort passionné, mais toujours spirituel dans son livre sur les Mœurs et l'Esprit des nations.

[2] Il faut suivre attentivement l'histoire de Grégoire VII dans le P. Pagi, le continuateur de Baronius, en la comparant avec Schmidt, Hist. des Allemands, ad ann. 1073, 1085.

[3] Voyez la correspondance de Grégoire VII dans le P. Pagi, ad ann. 1076. Le pape menace d'excommunication tous ceux qui arrêtent ou pillent les marchands italiens.

[4] Voyez le beau travail de Mansi, Memorie della Gran'Contessa Matilda, da Fr. M. Fiorentino, con molti documenti, Lucca, anno 1756, in-4°.

[5] Le tombeau de la comtesse Mathilde se trouva dans la basilique du Vatican : il y fut transporté en 1635 par le pape Urbain VIII.

[6] Cette lutte s'est reproduite même aux temps modernes, et les guerres de la révolution contre Pie VI, et de Napoléon contre Pie VII ne furent-elles pas mues par le même principe ? La force matérielle fut ici en opposition avec la force morale. Cette lutte se personnifie dans le pape et l'empereur.

[7] Quod Romana Ecclesia a solo Domino sit fundata.

Quod solus Romanus pontifex jure dicatur universalis.

Quod ille solus possit deponere episcopos vel reconciliare.

Quod legatus ejus omnibus episcopis prœsit in concilio, etiam inferiorit gradus, et adversus eos sententiam depositionis possit dare.

Quod absentes papa possit deponere.

Quod cum excommunicatis ab illo, inter cœtera nec eadem domo, debemus manere.

Quod illi solo licet pro temporis necessitate novas leges condere, novas plebes congregare, de canonica abbatiam facere et contra divitem episcopatum dividere et inopes unire.

Quod solus possit uti imperialibus insignis.

Quod solius papœ pedes omnes principes deosculentur.

Quod illius soli nomen in ecclesiis recitetur.

Quod unicum est nomen in mundo.

Quod illi liceat imperatores deponere.

Quod illi liceat de sede ad sedem, necessitate cogente. episcopos transmutare.

Quod de omni ecclesia quocumque voluerit clericum ordinare.

Quod ab illo ordinatus alii ecclesiœ prœesse potest, sed non militares et quod ab aliquo episcopo non debet superiorem gradum accipere.

Quod nulla synodus absque prœcepto ejus debet generalis vocari.

Quod nullum capitulum nullusque liber canonicus habeatur absque illius auctoritate.

Quod sententia illius a nullo debeat retractari, et ipse omnium solus retractare possit.

Quod a nemine ipse judicari debeat.

Quod nullus audeat condemnare apostolicam sedem appellantem.

Quod majores causœ cujuscumque ecclesiœ ad eam referri debeant.

Quod Romana Ecclesia nunquam erravit nec in perpetuum, scriptura testante, errabit.

Quod Romanus pontifex, si canonice fuerit ordinatus, meritis beati Petri indubitanter effiritur sanctus, testante sancto Ennodio papiensi episcopo, ei multis sanctis patribus facentibus, sicut in decretis beati Symmachi papœ continetur.

Quod illius prœcepto et licentiœ subjectis liceat accusare.

Quod absque synodali conventu possit episcopos deponere et reconciliare.

Quod catholicus non habeatur qui non concordat Romanœ Ecclesiœ.

Quod a fidelitate iniquorum subjectos potest absolvere. : Concilia Collect., tom. X, pag. 110 et 111.

[8] Pour bien juger Grégoire VII, il faut lire ses propres œuvres. C'est le manque d'étude qui a rendu si imparfaits la majorité des travaux modernes sur ce grand pontife. Voyez Baronius et Pagi, ad ann. 1073-1085.

[9] Epistol. Greg. VII, ad ann. 1075.