HUGUES CAPET ET LA TROISIÈME RACE

 

TOME PREMIER

CHAPITRE VII. — L'AN MIL. — MORT DU ROI ROBERT.

 

 

Effroi des populations. — Pensée de la fin du monde. — Prodiges. — Légendes. — Phénomènes. — Reconstruction des églises. — Organisation des monastères. — Esprit de pèlerinage. - Force de l'Église et de la papauté. — Les féodaux. — La dernière période du roi Robert.

1000—1031.

 

La fatale année prédite par les chroniqueurs approchait avec son cortège lugubre ; on touchait à l'an mil qui devait voir la fin du monde[1], la chute des générations se refoulant les unes sur les autres dans ce cataclysme. Il s'était répandu une terreur indicible au sein du peuple ; on se pressait dans les églises pour interroger les moindres événements ; il y avait ce frissonnement qui précède les grandes catastrophes ; chacun, les yeux fixés sur l'univers, étudiait les astres ; on suivait les plus petits accidents. La terreur était dans toutes les âmes ; clercs, bourgeois, seigneurs féodaux même tous avaient la crainte au cœur d'assister à cette fin du monde, aux cris déchirants des générations brisées[2]. Hélas ! la colère de Dieu était grande ; les péchés de l'homme étaient si nombreux ! que de calamités menaçantes ! Le Christ aux regards irrités allait paraître avec les anges en sa gloire ; l'archange Michel, avec sa lance et son bouclier de feu, se montrerait dans la nuée en face de Dieu en trois personnes ; et la Vierge sainte, agenouillée, implorerait le pardon des hommes, car elle aussi, femme souffrante, était bien digne d'appeler la miséricorde de son fils, courroucé par l'orgueil et l'impiété des âmes[3].

Les clercs et les savants qui étudiaient la marche des saisons dans les astres, avaient aperçu d'épouvantables symptômes de cette fin du monde tant redoutée ; ou contait mille phénomènes étranges qui menaçaient la ruine des générations. Les imaginations solitaires et exaltées interprétaient les phénomènes physiques comme un grand trouble apporté à l'ordre éternel et qui annonçait sa destruction : l'orgueil de la science n'avait point encore pénétré la profondeur des abîmes pour expliquer la nature ; les systèmes n'avaient pas remué les idées ; il y avait une terreur naïve qui voyait Dieu partout avec sa colère contre le pécheur : toutes ces imaginations s'exaltaient dans les contemplations des événements inouïs, de ces mille voix étranges qui sifflent avec le vent dans la tempête. On croyait partout aux miracles, rien ne se faisait dans l'ordre naturel ; on était sans cesse dans les ravissements du ciel ou dans les horreurs de l'enfer ; l'âme ineffable restait dans la contemplation du monde immatériel, indicible puissance qui nous mène tous, enfants que nous sommes, quand l'heure de minuit roule dans le temps, et que nous nous asseyons au milieu des ruines silencieuses. La période du moyen âge est comme une grande nuit jetée sur le genre humain ; les événements, les phénomènes apparaissent comme ces éclairs qui font frissonner l'homme au sein de la nuée épaisse; la superstition forme l'épopée de ces époques où la vie se passait dans les batailles, le désert. ou l'abbaye isolée ; c'est le frisson qui nous saisit tous, petits et grands, esprits faibles ou forts, car tous nous avons été remués par les histoires de nos pères, quand les morts soulevaient la tombe, ou que les vieilles fées ricanaient de leurs bouches édentées derrière les tapisseries des châteaux, lorsque les ancêtres d'acier remuaient leur pesante épée ! Or, il était advenu avant l'an mil d'étranges phénomènes; les deux moines Adhémar de Chabanais et Raoul Glaber ont laissé des témoignages de tout. ce qui avait semé la terreur, légende S de la solitude, fatales histoires qui couraient de manoir à manoir. Il y avait alors au couvent de la Réome un frère de mœurs très-douces, et qu'on appelait Wulfer. Ce dimanche matin, il eut une vision qui ne nous parait pas difficile à croire. Il se reposait un moment dans l'église pour réciter ses prières après laudes et mannes : déjà les frères avaient tous quitté l'église pour retourner dans leurs cellules, quand tout à coup elle se trouva remplie tout entière d'hommes vêtus de blanc, et portant de longues robes de pourpre[4]. Au même temps un présage merveilleux et digne de trouver place ici se manifesta près du château de Joigny, chez un noble homme nommé Arlebaud. Pendant trois ans il tomba presque continuellement, dans toute sa maison, des pierres de diverses grandeurs, dont on peut voir encore des monceaux tout autour de sa demeure. Venaient-elles de l'air, ou pénétraient-elles par le toit? c'est ce que personne ne peut dire. Ce qu'il y a de sûr, c'est que cette pluie, qui ne s'arrêtait ni la nuit ni le jour, ne blessa pas une seule personne, et même ne brisa pas un vase. Plusieurs frères reconnurent parmi ces pierres les limites, ou, comme d'autres les nomment, les bonnes (bornes) de leurs champs[5]. On vit dans le ciel, vers l'occident, une étoile que l'on appelle comète. Elle apparut dans le mois de septembre, au commencement de la nuit, et resta visible près de trois mois. Elle brillait d'un tel éclat, qu'elle semblait remplir de sa lumière la plus grande partie du ciel ; puis elle disparaissait au chant du coq[6]. Quatre ans avant l'an mil, on vit en mer, près d'un lieu nommé Bernevaux, une baleine d'une grosseur monstrueuse, se dirigeant du septentrion à l'occident ; elle apparut dans une matinée du mois de novembre, dès la première aurore, comme une île emportée vers des flots, et elle continua jusqu'à la troisième heure du jour de se développer sous les yeux des spectateurs surpris et effrayés à cette vue[7]. On avait vu également un Christ de bois ruisselant de larmes dans l'abbaye des Pucelles ou des Vierges pieuses; chose plus étrange encore, un loup s'était introduit dans la cathédrale d'Orléans; là, saisissant de ses pattes la corde de la grande cloche, il l'avait agitée comme s'il voulait sonner matines; triste prodige, car l'année suivante toute la cité fut brûlée par un cruel incendie On remarqua aussi que le mont Vésuve vomit par un plus grand nombre de bouches des flammes et du soufre, et le chroniqueur Raoul Glaber s'empresse d'expliquer par des notions physiques le phénomène qui étonne ses sens : Sept ans avant l'an mil, le mont Vésuve, que l'on appelle aussi l'antre de Vulcain, vomit par un plus grand nombre de bouches qu'à l'ordinaire des flammes et du soufre, avec une multitude de pierres énormes qu'il lança jusqu'à trois milles de là. Les exhalaisons fétides qui accompagnèrent cette éruption commencèrent à rendre le pays voisin inhabitable. La première raison que nous en donnerons, continue le moine Glaber, c'est le vide de la nature épuisée dans ce climat par l'ardeur du soleil ; et comme c'est là que se porte toute la masse des eaux de l'Océan oriental, le poids immense des flots que cet astre attire par ses rayons, du sein des gouffres de la mer, refoule l'air et le force à se réfugier dans les entrailles de la terre, d'où il s'échappe ensuite comme il peut dans l'espace sous la forme d'une vapeur enflammée. Car, de même que l'air est destiné, par sa nature, à circuler dans les régions élevées, de même aussi il subit alternativement les lois des deux éléments qui composent son essence, l'eau et le feu. Il s'enflamme dans les climats brûlants, et se congèle sous une température humide. Cette singulière théorie physique se rattache à toutes les idées du moyen âge. Cependant presque toutes les villes de l'Italie et de la Gaule furent dévastées par des incendies violents, et Rome elle-même fut presque tout entière la proie des flammes ; le feu ne respecta pas non plus la charpente de l'église Saint-Pierre[8]. A cette époque avait également commencé une horrible famine qui dura cinq ans entiers ; on se nourrissait d'animaux immondes, de reptiles ; plus de vingt mille pauvres, hommes, femmes et enfants, périrent de faim dans le seul duché de France[9] ; tristes symptômes qui annonçaient que la fin du monde n'était pas loin ! car enfin ces calamités, ces prodiges, ces maladies n'étaient envoyés que comme des signes avant-coureurs qui invitent les pécheurs à la pénitence. Hélas ! quelle ressource pouvait-il rester, si ce n'est la prière, les pèlerinages, les fondations pieuses, qui élevaient l'homme vers Dieu !

Dans cette tristesse générale des esprits, la puissance des idées religieuses s'accrut ; il est des époques de désabusement et de douleur qui portent à toutes les exaltations de l'âme ; quand on ne tient plus au monde que par la tristesse, il est rare qu'on ne aie jette pas dans l'ardeur des croyances et de la foi qui console. Le peuple voyait s'avancer le jour horrible où la terre se briserait heurtée par les astres du ciel ; il se précipitait dans les églises pour prier avec ferveur : quel mérite pourrait invoquer le pécheur impénitent devant le Sauveur à la face enflammée de colère ? Alors il se fit un cri de piété dans tout l'Occident ; on voulut éviter la fin du monde en le peuplant de cathédrales ; la multitude s'efforça d'apaiser la colère de Dieu par ces pompes des saintes constructions. On commença par un mouvement spontané à bâtir des églises, à multiplier les autels ; la fin du Xe siècle vit commencer la plus grande partie des cathédrales et des monastères qui exaltent la pensée chrétienne. Jusqu'alors la sévère basilique dominait ; on trouvait des temples aux pierres larges et carrées avec leurs pronaos et leur baptistère, comme l'école byzantine en avait posé le modèle en Italie et dans les Gaules. A la fin du Xe siècle, des formes nouvelles furent introduites dans la construction des cathédrales ; on essaya ces forêts de colonnes en fût ; les clochers hauts, les tours qui se mêlent aux nues ; des corporations d'ouvriers se formèrent pour la construction de ces magnificences de l'art : quelle œuvre plus méritoire et plus grande que de construire la maison de Dieu. Des populations entières se jetaient au travail avec une indicible ardeur ; c'était l'œuvre la plus digne pour racheter les péchés dos hommes. La plupart de ces grandes cathédrales que vous voyez encore vous éblouir de leur éclat, avec leurs vitraux coloriés, leurs tombeaux de comtes ou d'évêques sur les dalles de pierres ; toutes ces magnifiques productions de l'art furent conçues alors à l'aide delà foi et de la prière ; ce fut le produit simple, spontané d'un mouvement chrétien[10].

Les pieux légendaires furent les premiers architectes ; leurs poétiques traditions, les merveilles qu'ils racontaient, devinrent le puissant mobile des grandes constructions chrétiennes : les légendaires avaient récité la vie des saints, épopées qui servirent de bases populaires aux constructions ogiviques. Les compagnies d'architectes et de maçons reproduisaient sur la pierre les pieuses histoires que les religieux avaient écrites ; ils pétrifièrent leur poésie dans les grandes œuvres d'architecture. Suivez cette procession de moines à la tête rasée, tout couverts de bure, que reproduit si bien la façade grisâtre de la cathédrale ; en avant est l'abbé mitré, la crosse en main ; quelques frères couronnés de genêts et de fleurs portent sur leurs épaules la châsse du saint toute taillée d'or, sous des arcs de feuillages taillés en pierre : ce sont les reliques des martyrs, de saint Denis, le patron des Gaules, de saint Mandé, de saint Cloud ; ils sont là éternellement incrustés sur la belle ogive de la porte basse et voûtée[11] : voyez maintenant cette hideuse légion de diables, les uns à formes de singes, les autres sortant leurs têtes grimaçantes du milieu des flammes d'enfer ? puis ces figures bizarres, oiseaux aux becs longs, à l'œil d'une effrayante rondeur ; ces monstres qui lèchent leurs pattes, ces serpents qui se traînent et rampent à côté des saints aux traits roides, dessinés autour du Sauveur avec les heures et les signes du zodiaque. Tous ces monuments de sculpture sont puisés dans les légendaires ; à toutes les époques, l'imagination n'est qu'une dans les arts ; la légende fit l'architecture, la foi fit les artistes ; les corporations ne conçurent des merveilles que parce qu'elles avaient une croyance profonde en leurs œuvres. Que d'églises furent alors essayées après l'an mil ! Paris, Orléans, Chartres, Blois virent commencer leurs cathédrales !

Ce sentiment de croyance et de foi fut également le mobile de l'organisation monastique ; jusqu'alors les monastères ou abbayes n'avaient pas de règles exactement suivies[12]. Les moines se livraient à toutes les licences de la société féodale ; les uns chassaient, l'arc en main, dans les forêts séculaires ; les meutes des abbés aboyaient jusque sur le parvis de la cathédrale, elles faisaient chœur avec le chant des psaumes et les prières de matines[13] ; les autres posaient le casque sur leur front tonsuré, et, l'épée en main, se présentaient comme l'archevêque Turpin aux batailles ; était-ce là l'office de clerc, tel que les saints canons l'avaient prescrit ? Quand donc la fin du monde fut annoncée avec des signes, terribles avant-coureurs, alors il se fit un grand retour vers la réforme monastique ; de tous côtés partit un cri de réprobation contre la licence des religieux ; la voix austère de quelques évoques se fit entendre pour appeler les ordres monastiques à la pénitence. La solitude avait ses débauches, la vie du désert ses fêtes où le vin coulait à pleins bords au milieu de folles filles : il fallait mettre fin au scandale dans la foi. Le puissant régulateur des ordres religieux avait été saint Benoît : le premier des saints qui porta le nom de Benoît, au Ve siècle, fut le créateur des ordres monastiques en Occident, comme Antoine l'avait été en Orient. Dans le désert de Sobiaco, à quinze lieues de Rome, saint Benoît conçut la pensée profonde de sa règle[14], qui répondait si admirablement aux besoins de la terre envahie : il recommanda à ses disciples l'élude et le travail des mains ; l'étude pour grandir le domaine de la science et de l'intelligence[15] quand la barbarie menaçait de tout obscurcir ; le travail des mains pour fertiliser ces plaines incultes, ces déserts que l'invasion avait faits ; l'Europe était foulée aux pieds des chevaux tartares et sarrasins ; la terre était convertie en solitude ; Benoît disait à ses frères : Travaillez à semer les champs, à multiplier les récoltes, car Dieu a mis l'homme dans cette triste vallée de larmes pour remplir trois conditions : avancer l'intelligence, travailler et prier.

L'ordre de saint Benoît se répandit avec une indicible rapidité ; la parole du grand fondateur retentissante dans l'univers chrétien[16], répondait aux besoins des masses ravagées par le bouleversement du Ve siècle ; partout où le pèlerin se rendait, en France, en Italie, en Allemagne, il rencontrait les disciples de saint Benoît vivant dans les abbayes et aux oratoires ; ils remuaient les terres, les rochers, défrichaient les forêts. Là vous trouviez des coteaux de vignes où naguère une forêt vierge entrelaçait ses rameaux sauvages. Par un privilège de la Providence, une grande destinée s'était rattachée à ce nom de Benoît ; il y avait eu un saint Benoît qui grandit l'intelligence des ordres monastiques en Angleterre[17] ; puis saint Benoît d'Aniane, de la race méridionale, d'abord échanson de Pépin et de Charlemagne ; le noble courtisan quitta les festins des cours plénières pour se déclarer le réformateur des ordres religieux en France[18]. Quels bommes et quelle puissance de règles que ces fondateurs d'établissements religieux au moyen âge ! Dans une époque comme la nôtre, où tant d'individualités se posent dans leur égoïsme étroit, combien ne sont pas dignes de notre admiration ces puissants génies qui assouplissaient tellement la volonté humaine, que des milliers de corps n'avaient qu'une âme, qu'une vie commune, laquelle ils soumettaient à la règle, loi impérative de ces corporations ! Les fondateurs d'empires blanchissent leur front pour imposer l'obéissance à la loi ; ici ces fondateurs d'ordres monastiques façonnaient l'homme à tous les devoirs par la puissance de la discipline, et avec la plus grande abnégation de toute personnalité.

Il y avait en France quelque relâchement dans l'ordre de Saint-Benoît, quand parut saint Odon, abbé de Cluny ; il appartenait à la race méridionale, et son père tenait les fonctions de chancelier auprès de Guillaume le Pieux, duc d'Aquitaine. Odon reçut une éducation intelligente ; la vieille Rome ne lui fut point inconnue ; il récitait Virgile et Horace, et lorsqu'il vint aux écoles de science de Paris, il fut remarqué par l'archidiacre Remy, une des lumières de la cathédrale ; sa lecture, ses veilles, il les appliqua à l'étude de la règle de Saint-Benoît. Il commenta cet admirable modèle des gouvernements et des corporations. Odon renonça au monde pour se retirer en Bourgogne, dans le désert où venaient de s'établir quelques cellules religieuses ; il fut nommé abbé de cette petite colonie de cultivateurs actifs ; Odon avait apporté cent volumes des Pères et des auteurs de l'antiquité profane ; il recommanda aux frères l'étude et le travail, les deux premières conditions de la vie de saint Benoît ; il bâtit le monastère de Cluny ; Cluny, sainte retraite, colonie agricole que le principe religieux fonda pour apprendre la culture à la Bourgogne couverte de bruyères : bientôt tout fut défriché et planté ; des coteaux virent jaunir la vigne vigoureuse ; des canaux et des rigolos arrosèrent des jardins ; et Cluny put fonder, dans moins d'un siècle, cent cinquante oratoires, fermes modèles pour la culture jetée sur tout le sol de la France[19]. Le triomphe de l'esprit monastique se manifesta surtout à la fin du Xe siècle ; quelle retraite plus sainte pouvait-on trouver quand la société était tourmentée par tant de douleurs ! On se précipitait aux pieds des autels ; on embrassait les sanctuaires, la fondation des églises et des monastères semblait être la pensée commune. La société avait besoin de prières : les grandes organisations religieuses datent de cette époque ; il fallait donner des règles à ce peuple nouveau qui encombrait les pieuses retraites ; il y eut donc une collection de lois monastiques, lesquelles devinrent par la suite le type de l'organisation communale ; l'Église fut le principe de toute liberté. Une époque de déchirements et de douleurs a besoin de la solitude ; l'esprit du désert correspond au désespoir de la vie. La société était tout empreinte de la pensée du repentir, elle courait s'agenouiller ; le peuple priait la Vierge sainte de suspendre la colère du Sauveur ; il soupirait dans ces hymnes qui nuit et jour retentissaient aux cellules des moines comme un chant de tristesse, comme un frissonnement de l'âme qui allait à Dieu !

La génération du Xe siècle était marquée de deux caractères : ici on se groupait dans la solitude pour s'exalter pieusement ; là on avait besoin de la vie errante, aventureuse, même dans le repentir. Il y avait quelques barons hautains qui, vieillards aux cheveux blancs, renonçaient aux armes pour le cloître : on rencontrait plus d'un ermite qui naguère avait entendu le son du cor et le bruit des batailles; quand les rides de la vieillesse plissaient son front, il quittait le monde et ses tempêtes. La jeunesse bouillante et pleine de sève n'avait-elle pas un moyen d'exprimer sa piété et d'employer son bras pour le service du Christ[20] ? De cette ardeur du sang, surabondante dans la poitrine du féodal, naquit le goût des pèlerinages lointains ; le pèlerinage au prochain oratoire convenait au bourgeois ou au pauvre chevalier glacé par l'âge ; mais quand la passion des périlleuses conquêtes agitait les seigneurs, ils se firent accompagner par une longue suite de braves et dignes suivants; les pèlerinages devinrent de grandes caravanes qui passaient les Alpes et les sombres Apennins, pour se rendre à Rome et prier sur les tombeaux de saint Pierre et de saint Paul martyrs ; ces pèlerinages étaient armés déjà , ne fallait-il pas se défendre contre les voleurs et les mécréants qui se tenaient au passage étroit des montagnes[21] ? Quelques-uns de ces pèlerins poussaient plus loin leur pieuse ardeur, ils traversaient les mers orageuses pour se rendre en Palestine ; l'âme se complait à l'aspect de ce qui parle aux souvenirs. La pensée du pèlerinage poussait à l'exaltation d'une piété chevaleresque ; la vue du tombeau du Christ jetait tous les cœurs dans une rêverie ineffable : lorsqu'une croyance tient à l'esprit, quelle plus saisissante contemplation que celle de la tombe qui contient les dépouilles de ce qu'on adore! Le goût des pèlerinages convenait à la vie errante du moyen âge; faire un acte agréable à Dieu tout en poursuivant les aventures, n'était-ce pas précisément répondre à la pensée ardente des chevaliers ? On donnait un élément à l'esprit de conquête. Dans le cours de ces voyages lointains, on pouvait trouver terres à saisir et mécréants à dépouiller, la piété se liait ainsi à l'esprit de la société militaire ; puis, quand le terrible an mil approchait avec son cortége de calamités et de tristes présages, que pouvait-on faire de plus saint que d'aller en prières à Rome ou à Jérusalem ? Si le grand cataclysme prédit par l'Apocalypse devait heurter les cités et briser les montagnes, le pieux pèlerin alors mourrait à la face des basiliques de Rome et du tombeau du Christ dans Jérusalem ; l'âme s'élèverait ainsi purifiée vers son créateur.

Cette universelle tendance pour la piété, ce besoin qui poussait la génération vers le pèlerinage ou vers la vie monastique, les deux grandes issues pour les âmes paisibles ou errantes, d'autres causes enfin prises dans la tristesse des temps, grandirent l'influence morale du catholicisme, et avec elle la souveraine puissance des papes. On a cherché vulgairement dans l'ambition des pontifes la cause première de ce pouvoir qu'ils exercèrent sur la société ; la dictature vint tout naturellement aux papes, parce que la génération, pénétrée d'une crainte subite sur la fin du monde qui s'avançait, courait pleine de tristesse embrasser les autels du Christ. La force brutale des barons n'exerça pas la même violence, et le mouvement catholique prit une plus grande énergie encore sur la société. On n'a pas assez rapproché Tan mil avec son caractère religieux et sombre, son indicible tremblement en face de la mort, de l'accroissement immense conquis par la puissance des papes ; le haut pouvoir de Grégoire VII fut le produit de cette indicible terreur qui poussa petits et grands à bâtir des églises, à fonder des monastères, à élever enfin des temples à Dieu, tandis que la portion ardente et belliqueuse de la société se précipitait dans l'existence active des pèlerinages ; ce qui avait de la sève éclatait dans la vie aventureuse ; ce qui avait la mort à l'âme priait et s'agenouillait. Le pape devint le chef naturel d'une société qui mettait toutes ses forces à la disposition du catholicisme ; Rome fut la tête de cette génération qui éclata sur le monde par les croisades.

En dehors du sentiment moral de l'Église, on peut dire que l'époque du roi Robert est le point culminant de l'anarchie des fiefs ; alors se déploie l'épopée des annales de France, les temps homériques où l'individualité des hommes forts se montre avec toute sa rudesse, comme dans l'Ajax contempteur des dieux et dans le Diomède d'Homère. Je vais fouiller dans toutes ces vies sauvages des seigneurs de la terre ; il faut écrire les courses vagabondes de ces féodaux à la*haute stature, qui manient la hache et l'épée ; ils ne sont ni sires ni hauts feudataires ; ils ne gouvernent pas des débris de races et de royaumes ; les grands barons marchent égaux de l'autorité royale ; s'ils ne sont pas rois, s'ils ne forment pas une heptarchie, c'est qu'ils considèrent leur titre comme aussi beau et aussi fort. Est-ce que vous croyez que Richard, duc de Normandie, ne se disait pas l'égal de Robert, roi des Français, quand sa bannière flottait aux vents sur autant de cités et de fiefs[22] ? Les seigneurs dont il faut peindre la vie sont moins puissants que les feudataires, niais ils ont le caractère aussi altier et le bras aussi dur. Ils n'habitent pas les grandes cités de Caen, de Bayeux, de Paris en l'île, de Bordeaux en Guienne et de Dijon en Bourgogne : si vous quittez un montent le sentier battu des vieilles voies romaines, vous verrez, sur les hauteurs, des murailles élancées, des créneaux en ruines où croît l'herbe qui rampe sur la pierre comme la salamandre grisâtre ; l'oiseau seul à tire-d'aile s'élève jusqu'au rocher. En vain vous employez béliers et mangonneaux, la flèche qu'on lance d'un bras nerveux vient expirer au pied de la montagne ; les enceintes dures comme l'acier, sont enduites de l'antique ciment romain. Là se trouvent des souterrains impénétrables, des tours noires entourées de fossés et de précipices ; le seigneur ne reconnaît aucune juridiction ; son origine, on l'ignore ; son visage, on l'a vu rarement, car il est caché sous la visière de fer ; il n'apparaît que pour lancer ses regards formidables sur de malheureux vaincus. Souvent c'est un Franc inconnu né dans la plaine, ou bâtard de race ; un fils de comte qui, n'ayant pas d'état, veut en conquérir un puissant et fort ; si le roi le somme d'abaisser le pont-levis et la chaîne en fer qui le soutient, un sourire moqueur erre sur les lèvres du féodal. Que le sire roi reste dans ses domaines, et je suis dans les miens ; pourquoi ne respecte-t-il pas mon gonfanon hissé sur la plus haute tour ? qui lui dispute ses villes ? pourquoi vient-il insulter mes châteaux et mes hommes ? Je suis comte par le même pouvoir qui l'a fait roi. Que pouvait répondre le suzerain à ces paroles insolentes ? il devait combattre s'il avait une bataille de lances assez épaisse pour tenir le vassal en armes ! S'il ne le pouvait pas, il devait subir le désordre et le pillage[23] Ce ne sont point les légendes que j'ai à vous conter, je ne veux point recueillir le souvenir des chansons de Geste, la grande épopée du moyen âge, mais le récit certain des chroniques, les douloureuses plaintes des clercs et des moines qui souffrent les pilleries de ces seigneurs.

Voici d'abord le comte Raynald ou Raynard ; quel fut-il d'origine ? était-il issu de quelque lignée bâtarde, ou venait-il de classe populaire ? on l'ignorait. Raynald possédait la ville de Sens et son territoire ; il avait fait bâtir par les serfs une tour redoutable en pierres dures, hérissées de pointes de fer ; or, il fallait le voir, ce farouche Raynald, dans les voies et sentiers, suivi de ses hommes d'armes : où va-t-il galopant dans le chemin creux d'Auxerre ? il se tient là caché pour piller les pèlerins et les marchands : aujourd'hui c'est un lourd impôt qu'il lève sur les communaux, demain il dépouillera l'église de ses plus riches ornements : qui peut compter sur sa vie et protéger la jeune fille que Raynald saisit comme sa proie ? nul ne peut réprimer le féodal. En vain l'archevêque pousse des gémissements profonds ! Quel seigneur viendra doue au secours de l'Église désolée ? Robert ! Robert ! écoute donc la voix ides cathédrales gémissantes ! Le voici, le roi Robert, avec ses batailles de lances, il assiège Sens ; Raynald est dans la poterne ; brave chevalier, il se défend avec vaillance, un mois, deux mois ; il est trahi par l'archevêque et les bourgeois. Vous direz peut-être le voilà pris, le voilà pendu aux créneaux de la tour[24] ? oh ! non, Raynald est agile, il a fui ! Errant dans les campagnes, trouvera-t-il un asile, lui presque nu, mais le corps noir et dur ? il traverse des plaines et puis des plaines encore ; il va vers Thibault de Chartres : Seigneur comte, je n'ai plus ma ville de Sens, la trahison de l'archevêque m'a privé de mon fief. Thibault lui donne la cité de Montereau en garde. Voici Raynald à Montereau sur le confluent de l'Yonne et de la Seine ; il se place comme un oiseau de proie perché sur sa tour entre Paris et Sens : restera-t-il tranquille dans son nid de fortes pierres avec des serfs et des clercs à piller ? Allons, les trompettes sonnent encore ! Raynald et le comte Thibault s'en vont mettre le siège devant Sens ; peuvent-ils laisser cette belle ville au roi et à l'archevêque ? cela ne peut être ; Sens abaisse ses murailles, Raynald recouvre sa ville, et dompte l'archevêque et le roi[25].

Ainsi le comte Raynald conquérait sa ville de Sens. Maintenant commence l'histoire de Geoffroi, vicomte de Châteaudun. Il tenait son office et fief du comte de Chartres. Geoffroi se couvre de ses armes ; le seigneur roi avait fait démolir le fort de Galardon, élevé sur le rocher ; mais le féodal ne peut rester sans tour fortifiée, pas plus que l'aigle et le vautour sans aire. Geoffroy, relève donc ton château de la montagne ! veux-tu rester sans vin au cellier, sans argent pour tes hommes, quand tu as en face les opulents monastères ? L'évêque de Chartres s'en plaint avec un accent douloureux ; il écrit au roi, il demande protection[26]. Que voulez-vous ? répond Robert, la course est bien longue, le voyage est dangereux de Paris à Chartres ! Je n'ai pu trouver un seul homme qui voulût me suivre. Alors l'évêque continue : Ô notre très-cher seigneur ! n'est-ce pas vous qui êtes notre protecteur ? nous nous abandonnons à votre tutelle, parce qu'elle peut nous sauver du contact des méchants ! faites agir le comte Eudes et il nous délivrera du danger. Si le roi et le duc Richard de Normandie ne me protègent, que me restera-t-il comme dernière ressource ?[27] Ainsi gémissait l'évêque de Chartres.

Le farouche comte Raoul est aussi redoutable ! il n'a pas de demeure fixe, de château fort dans la campagne, il vit aux forêts, sous les chênes épais ; les portes de la cathédrale étaient fermées, il les brise fièrement, ce comte malfaiteur ; il s'avance contre l'autel et fracasse le crâne d'un pauvre clerc célébrant la messe. Quand il a rempli Chartres de ses maléfices, Raoul prend le bourdon de pèlerin et s'achemine vers Rome[28]. L'Église a-t-elle recours à ses avoués et défenseurs ? eux-mêmes commettent des pilleries sous les yeux du roi Robert. Gémissez donc sur l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, clercs et hommes pieux ! A cette abbaye si souvent pillée par les Normands, le roi avait donné le comte Drogon pour avoué et défenseur : quel triste présent que ce comte ! S'il défendait l'abbaye contre les pilleries extérieures, lui, le comte, l'avoué de, l'Église, exigeait des moines toute espèce de redevances. Y avait-il fours banaux ? il voulait que les serfs, les bourgeois lui payassent trois deniers pour la cuisson du pain ; y avait-il prairie ? il y faisait paître ses chevaux et cavales. Le comte Drogon usurpait le droit de chasse et de pêche, ses limiers vaguaient en liberté dans les champs cultivés de l'abbaye ; le féodal exigeait un droit sur les foires, landits et le voyage des pauvres pèlerins. Combien le joug du comte n'était-il pas pesant pour l'abbaye ! Elle supplie le roi Robert de l'en débarrasser[29], et Robert le lui concède ; mais pour atteindre le comte Drogon, il faut des hommes d'armes, et le roi ne peut appeler au chevauchement féodal que quelques fidèles et vieux leudes.

Le roi Robert pourtant ne vivait pas dans le mépris des armes ; si son naturel était paisible quel était le sire roi qui pouvait rester comme un clerc d'église autour de son foyer à composer des hymnes et du plain-chant ? La plus forte guerre de Robert pendant son règne fut l'expédition de Bourgogne ; il ne la fit point seul, il s'aida de l'alliance du duc de Normandie. La Bourgogne avait été donnée comme apanage de lignée à Henri, frère de Hugues Capet ; Henri, le bravé duc, mourut sans autre hoir qu'un bâtard nommé Eudes, qu'il avait fait comte de Beaune, la ville des bons vignobles ; sa femme Gerberge avait un fils issu d'Adalberg, son premier mari, homme de la race germanique ; il se nommait Othon Guillaume ; les clercs disaient que l'enfant avait été adopté par Henri, duc de Bourgogne ; l'héritage fut donc prétendu par trois compétiteurs : le bâtard, l'adopté, le collatéral, qui était Robert, roi des Français, neveu de Henri, duc de Bourgogne. Le ban et l'arrière-ban féodaux sont convoqués. Hélas I il vint bien peu de monde à la semonce du roi ; Robert eut recours aux Normands ; il scella une charte d'alliance avec le duc Richard, et les batailles de lances devinrent plus épaisses[30]. Othon, le fils adopté, avait reçu le serment des comtes bourguignons, et tous résolurent de se défendre contre l'armée du roi. Ce fut une guerre de dix ans que cette expédition contre la Bourgogne ; la puissance militaire du roi Robert était si restreinte, qu'Auxerre résista à ses armées, Auxerre sur l'Yonne paisible. La guerre de Bourgogne fut toute la vie de Robert ; il y passait les saisons d'été, tandis qu'il venait s'abriter l'hiver en ses châteaux de Dourdans ou de Paris en l'île. Il n'y a pas de soumission ; on se presse, on combat, puis on traite pour une ville, pour un village ; et dans cette confusion il est difficile même de marquer une date. Othon Guillaume resta comte de Dijon, et Robert ne put dompter la fière race de Bourgogne.

Le roi avait alors confié le soin domestique et l'éducation de ses enfants au savant Abbon, abbé de Fleury. Constance d'Aquitaine gouvernait la pensée d'un roi qui partageait sa vie entre la répression des féodaux et le plain-chant d'église. Constance, l'impérieuse princesse, exigea d'être solennellement couronnée, afin d'inspirer un plus grand respect aux barons ; Constance parut dans la cathédrale d'Orléans, la couronne de reine au front ; elle prit la même puissance que Clotilde au temps de Clovis ; elle assista aux cours plénières comme le roi Robert ; elle avait la main ferme, la pensée prompte ; les plus hardis conseils de gouvernement viennent de Constance, car elle avait pris en haine bien des seigneurs de fiefs[31]. Robert et Constance avaient eu quatre fils de leur union : Hugues, l'aîné, qui avait alors dix ans, puis Henri, Robert et Eudes ; Robert le roi n'avait-il pas été associé au pouvoir de son père en son vivant même ? le temps était-il assez paisible, les féodaux assez soumis pour qu'on tentât de laisser indécis le droit de succession dans l'ordre politique ? C'était l'abandonner au hasard ? Pourquoi ne faisait-on pas pour Hugues, l'aîné des fils de Robert, ce que Hugues Capet avait fait pour Robert lui-même[32] ? Le roi envoya donc des messagers pour consulter les féodaux, les réunir en cour plénière afin de reconnaître et saluer Hugues, le fils de Robert, comme l'associé du roi des Francs. Les hauts barons répondirent tous : Hugues est trop jeune ; quand vous fûtes associé à Hugues le Grand, vous étiez en âge de porter une lance, vous aviez chevauché un haut cheval de bataille, et votre fils Hugues n'a que dix ans ; pourra-t-il faire la guerre ? Cette réponse, portée par des messagers, inquiéta le roi un moment ; mais il avait intérêt à ce que son fils obtint la couronne ; il passa outre à l'association dans la même forme que son propre couronnement. Quelques évêques, dans l'église d'Orléans, sacrèrent Hugues roi des Français ; mais quel respect pouvait inspirer aux barons un enfant de dix ans sans expérience dans les grands faits d'armes, quand on le voyait surtout si jeune, si petit sur les marches de la cathédrale !

Le roi Robert porta tendrement la parole à son fils, il voulut l'instruire dans la longue expérience du gouvernement : Ayez toujours devant les yeux la présence de Dieu, qui vous a fait aujourd'hui participant du royaume, afin que vous ne vous détourniez jamais des voies de la justice et de l'équité. Je prie sa divine Majesté de vous voir exécuter en tout sa volonté sainte[33]. Ces paroles étaient pieuses comme la vie de Robert ; Hugues ne suivit pas ses conseils. A peine avait-il la force de la jeunesse qu'il se ligua avec les comtes contre son père ; Hugues sentait son bras devenir fort, il avait de larges épaules, une tête aussi grosse que celle de son aïeul le Capet ou Caput, rude jouteur en chevalerie. Il fut entouré par une ligue de barons et féodaux pour le porter à faire la guerre. Le moyen âge avait admis cette coutume : quand le fils se sentait assez fort pour saisir la couronne, il cherchait à l'arracher à son vieux père dont le bras s'affaiblissait. Robert s'était rébellionné contre Hugues Capet, Hugues se révolta contre Robert ; quand le vieux roi s'en plaint aux évêques, ceux-ci lui répondent : De quoi s'afflige ta Révérence ? ce que tu as fait à ton père, ton fils te le rend ; c'est justice de Dieu. Hugues le Hardi, le belliqueux, ne survécut point à Robert ; il mourut de violence dans la lutte féodale ; Raoul Glaber nous donne l'explication de cette vie toute de batailles du jeune Hugues. Le prince croissait, et voyant qu'il ne pouvait retirer d'autres droits, d'autres revenus du royaume dont il était couronné roi, que les frais de sa table et de son entretien, il commença à s'en affliger dans son cœur, et à faire des représentations à son père pour en obtenir quelque apanage. Quand sa mère le sut, comme elle était très avare, et qu'elle avait un empire absolu sur son mari, non-seulement elle fit tout pour empêcher l'effet de la demande du jeune prince, mais elle l'accabla même d'outrages et de mauvaises paroles ; et, comme l'a dit quelqu'un : Je connais bien l'esprit des femmes : voulez-vous ? elles ne veulent pas ; ne veuillez pas, elles voudront à l'instant ; la reine, en effet, dans la crainte que cet enfant ne fût pas revêtu de la majesté du trône, si quelque accident venait à surprendre son mari, s'était déclarée seule, contre l'avis de tous, pour faire sacrer son fils ; et plus tard elle n'oublia rien pour le traiter comme un étranger, comme un ennemi, l'insultant également par ses paroles et par ses actions. Hugues, voyant qu'il ne pouvait supporter plus longtemps de semblables affronts, se joignit à quelques jeunes gens de son âge, et commença à ravager et à piller avec eux les possessions de ses parents[34].

Hugues mourut très-regretté des clercs particulièrement ; on fit des vers à ses funérailles, et on célébra ses hautes qualités sur sa tombe : Psalmiste, ne sois pas insensible, s'écrie Glaber, à la tristesse du monde ; que tes gémissements répondent à notre douleur profonde ! Et vous, laissez un libre cours à vos larmes et à vos sanglots ! La mort vient de nous ravir un prince, l'honneur de l'humanité ! Le monde l'admirait dans la fleur de ses jeunes années. Hugues comptait à peine dix-huit hivers, et déjà il était la lumière des nations et le plus grand des rois, quand une mort jalouse est venue l'arracher à l'amour des hommes. Notre siècle cherchait en vain sur les trônes des peuples, ou môme dans les honneurs de l'empire, un prince si distingué, triomphant comme lui dans les combats avec une gloire éclatante, ou robuste et vigoureux comme lui. il faisait toute la force, toute la joie des Français, et la Gaule tout entière lui devait le bonheur et la paix. L'Italie implorait à genoux la grâce de voir ce nouveau César lui dicter des lois en souverain. Mais, hélas ! ô le plus beau des princes, hélas ! notre âge ne méritait pas une telle félicité. Un déluge de maux nous inonde, et l'appui des gens de bien se brise ! Tu fais aujourd'hui la douleur de ta mère, le désespoir de ton père, et tu laisses à tes frères de cruels souvenirs ! Une tristesse sombre règne dans tous les palais, et le deuil chez les peuples les plus éloignés ! Déjà la Vierge sur les pas du Lion atteignait le soleil, quand une pâleur mortelle décolore tes membres ; dix jours se passent, suivis de sept autres journées, et la renommée porte aux oreilles de ton père la nouvelle de ta mort. Grand Dieu, souverain arbitre du monde, il ne vous reste plus qu'à choisir aux Français un roi qui sache veiller à leur sûreté, et qui puisse repousser les attaques de leurs fiers ennemis ! Veuillez aussi accorder au prince que nous pleurons un repos éternel ![35] Ainsi s'exprimaient les chroniqueurs en déplorant le triste état de la monarchie et la mort d'un de ses princes.

Il restait encore trois fils à Robert ; Henri, l'aîné, serait-il destiné à la couronne ? A cette époque, rien ne paraît moins certain que le droit d'aînesse dans l'ordre des fiefs ; que les fils succèdent au père, c'était beaucoup déjà, mais on ne décidait pas quel serait ce fils, le puîné, le cadet peut-être, tout cela dépendait de la prédilection des vassaux ; Henri, le second des fils, était le chéri du roi Robert et des féodaux, parce qu'il commençait à se complaire aux armes ; il portait le titre de duc de Bourgogne, fort disputé par la race germanique. Le malheur voulut qu'il ne fût point aimé de sa mère : Constance lui préférait Robert, le troisième fils, le cadet de race. Le roi ne céda point à Constance, les féodaux ne l'auraient pas permis ; cette élection d'Henri fut encore un pêle-mêle d'évêques et de hauts barons ; tous n'y vinrent pas : Je souhaiterais, écrit l'évêque de Chartres, de tout mon cœur me trouver au sacre de Henri, fils du roi, mais ma santé ne me le permet pas ; je tâcherais néanmoins de m'y rendre à petites journées, si les colères de la reine ne me faisaient trembler. On doit assez croire cette princesse lorsqu'elle menace quelqu'un de lui faire du mal : des exemples célèbres nous enseignent que ses menaces ne sont jamais vaines. Je vous prie de persuader à l'archevêque de Reims et aux autres grands de ne pas différer le sacre de ce jeune prince pour mon absence ; car j'espère que ce même prince se rendra très-agréable à Dieu et à tous gens de bien[36]. — Quant à moi, écrit Guillaume, duc d'Aquitaine[37], je n'irai point à la cour, parce qu'en n'y allant point je ne m'attirerai pas plus l'inimitié du suzerain que si j'y étais; je ne voudrais pas qu'on couronnât roi un autre prince que celui que désire le comte de Champagne. Je vous prie de me mander ce que vous avez appris de la bonne intelligence de ce comte avec le roi, et de m'écrire si on fera un couronnement ou non, et qui sera le prince couronné. Ainsi les féodaux s'écrivaient entre eux sur la force et l'existence de la royauté ; tel comte voulait Henri pour roi ; un autre appelait son cadet ; un évêque avait des préférences, un autre des craintes. Rien de fixe sur le droit successorial, sur l'inflexibilité de l'héritage ; ici c'était l'aîné, là le cadet ; un des fils suffisait pour l'élection, qu'il fût né le premier ou le dernier dans l'ordre de la lignée capétienne.

La vie du roi Robert était laborieuse; c'est un caractère d'activité et de pèlerinage : on sent que déjà l'époque est aux pieux voyages, aux courses lointaines. Les chartres constatent cette mobilité; le roi n'est jamais à la même place, il court de monastère en monastère. Ses lettres scellées portent la date de mille moutiers divers ; on le voit sur son scel en cire jaune; les cartulaires des moines indiquent la présence du sire roi dans leur sainte église ; Robert est tantôt dans la cathédrale d'Orléans ou de Chartres, tantôt dans les monastères de Sainte-Bénigne de Dijon, ou de Saint-Benoît-sur-Loire. Il fonde partout des églises, il assiste aux translations des reliques, tout en conduisant ses fidèles et ses comtes aux batailles[38]. Le roi aime les cours plénières aux champs, dans les plaines de Compiègne ou de Saint-Denis; les Alpes même n'arrêtent pas cette ardeur. Robert deux fois exécute le grand pèlerinage de Rome ; il vient visiter les saintes reliques des bienheureux apôtres Pierre et Paul, il s'agenouille sur les tombes pour appeler la miséricorde de Dieu et obtenir son absolution du mariage incestueux[39]. On sent que la terre brûle sous les pieds de la race des Francs, ils ont besoin de voir et de saluer des pays lointains ; l'esprit de pèlerinage armé se prépare ; les périls des longs voyages ne sont plus rien pour une génération impatiente de conquérir d'autres terres. Il ne faut pas oublier cette tendance qui se manifeste longues années avant les croisades en Palestine ; le château est trop sombre, l'horizon trop lourd de calamités pour qu'on ne cherche pas à respirer sur une terre plus libre ; le pain et l'air manquent à la vie.

Robert est pieux, dévoué à l'Église, il se revêt de la chape et de l'étole des chanoines ; mais celte ardeur pour la foi catholique, cette manifestation pour les autels des cathédrales, n'étaient pas seulement un cri de piété, une douce émotion de prières, c'était encore un acte politique. Robert cherche pour lui cette puissance de la crosse épiscopale contre les féodaux ! L'Église soutient son pouvoir, il en est le protecteur, l'avoué féodal ; ces évêques qui appuyaient le roi Robert étaient bien plus avancés dans les grandes lois de l'intelligence que les hommes demi-barbares qui campaient dans leurs manoirs : n'étaient-ce pas les évoques qui proclamaient la trêve de Dieu, c'est-à-dire la suspension du pillage et des guerres intestines ? n'étaient-ce pas les conciles qui protégeaient la chaumière du pauvre, les champs cultivés, la liberté des hommes[40], les instruments de la paisible culture, depuis la charrue qui trace le sillon jusqu'aux brebis qui broutent la prairie verdoyante ? Robert fut le roi des clercs, parce qu'il trouvait sa force de roi dans les grandes lois de l'Église ; il se plaçait dans l'ordre moral pour combattre la puissance matérielle ; il appelait la police des évêques et des conciles à son aide.

Dans ses lointaines courses, Robert eut une entrevue sur la Meuse avec l'empereur Henri II ; c'était la première fois qu'un empereur de race germanique se trouvait à la face d'un roi capétien. Charlemagne joignait la couronne de roi des Francs à son manteau impérial ; il passait incessamment de sa cour plénière d'Aix-la-Chapelle à son palais de Paris en l'île et à la Monza de Milan. Henri le Germanique n'était plus de la famille de Charlemagne ; il était issu d'une race nouvelle, élevé sur le pavois par les féodaux germaniques, comme les Capétiens l'avaient été par les Francs. L'entrevue de Robert et de Henri fut consacrée à quelques questions territoriales sur la suzeraineté de la Bourgogne[41], nation mixte qui tenait à la fois de la race franque et allemande ; le chef des féodaux germaniques prit la main gantée du roi dés vassaux de France L'entrevue de la Meuse fut l'occasion de fêtes, de pompes, dans lesquelles les braves barons[42] se mesurèrent plus d'une fois la visière baissée dans le champ clos, comme cela était la coutume à ces époques de batailles ; nul ne refusait de rompre une lance.

Quel seigneur féodal aurait respecté le droit de la couronne, quand les fils eux-mêmes du roi se précipitaient dans la plaine pour combattre ? Cette nuée de poussière que soulèvent les cavaliers au loin, cache les deux frères Henri et Robert ; ils prennent les armes contre le roi ; que leur a donc fait leur père ? les prive-t-il de son héritage ? va-t-il laisser la couronne à des bâtards ? non ! ils portent haine au pouvoir de la reine Constance ; comme tous les comtes, ils ne peuvent subir la puissance d'une femme ; divisés d'abord, les deux frères se réunissent contre leur mère dans leur guerre sauvage qui ne respectait rien : Henri porte ses batailles en Normandie, il attaque tous les châteaux sur la Seine, où pend le gonfanon suzerain. Le roi de France a la main alourdie par la vieillesse ; le puîné fait la guerre en Bourgogne, il hisse son pennon sur Auxerre, Avallon, Sens, la ville aux évêques. Robert le roi marche contre ses enfants, comme dans le roman des Quatre Fils Aymon, le vieux père, sire de Montauban, arme son bras contre Renaud, l'aîné de sa race, et contre Richard, le brave cadet de sa lignée. Sous la tente royale on voit briller la cour plénière de Constance ; elle excite le roi à réprimer la révolte de ses fils[43] : Constance ne perd pas un moment ; caractère impératif, elle veut gouverner avec ses Aquitains à la tête chaude ; elle ne souffre pas auprès de Robert les barons francs, à moins qu'ils ne lui fassent soumission : Venez à mon aide, ô Foulques, comte d'Anjou ! écrit-elle à son oncle ; Hugues de Beauvais domine le roi et m'insulte. Foulques arrive en toute hâte, se précipite sur Hugues de Beauvais, et voilà le favori frappé de mort ; sa tête sanglante roule dans la poussière[44].

La guerre de Bourgogne fut le dernier acte du roi Robert ; une fièvre violente le saisit à Melun ; il éprouva les symptômes de la cruelle maladie des ardens, feu d'enfer qui brûlait le corps ; elle ne pardonnait à aucun, cette triste épidémie ! grands et petits y succombaient. Robert vit bientôt que c'en était fait de la vie ; il se mit à psalmodier les plains-chants, les proses qu'il avait composés pour la sainte Église ; l'hymne Constantia martyrum, le chant sacré pour les fêtes de saint Pierre et de saint Paul, le Sancti Spiritus, le Rex omnipotens, toutes ces proses étaient de lui ; il les répétait sur l'orgue qui vibrait aux jours de fête. Robert n'eut pas ses enfants au lit de mort ; la guerre était rude encore, et la Bourgogne n'était pas domptée ! Constance se tint à son chevet, ainsi qu'une ombre implacable qui empêchait le pardon, comme la reine voulait une longue régence, elle sollicitait la couronne pour son enfant le plus jeune ; Eudes avait trois ans. Les chants funéraires psalmodiés annoncèrent bientôt que Robert n'était plus. Robert avait un ferme courage, le bras fort, la taille élevée, comme les Francs pouvaient désirer leur seigneur ; dans sa jeunesse, il avait la main prompte, la tête chaude ; avec l'âge il prit un caractère de débonnaireté : il oubliait tout, tandis que Constance ne pardonnait rien ; c'était un contraste de caractère que les chroniqueurs ont fait ressortir dans la peinture de ce règne[45]. Un pauvre demandait-il à Robert sa robe de pourpre ? il la donnait sans hésiter ; un jour, un serf de maladrerie s'étant introduit au dîner du roi, coupa le lambel à franges d'or de sa table et l'emporta. Robert le vit et s'écria : Laissez-le faire, il en a plus besoin que moi. Un de ses hommes d'armes lui déroba sa coupe d'or, il ne s'en plaignit pas davantage ; il la lui donna par une chartre scellée[46]. Cette débonnaireté, il l'apportait dans toute sa vie ; Robert était le roi des clercs, le protecteur des évêques, et il se posait ainsi pour lutter contre la féodalité brutale ; quand vous le voyiez, revêtu de la chape et de l'étole, chanter dans le chœur des chanoines, faisait-il acte seulement de piété et de dévote prière ? Robert se mettait au centre même de la résistance morale contre les barons ; les évêques et les conciles étaient la force de police, la puissance qui devait ramener la société à des conditions d'unité et d'ordre. Le roi Robert, par instinct, se plaçait de ce côté ; sa dignité de chanoine de Saint-Agnan ne nuisait point à son titre de suzerain ; l'étole valait bien l'épée dans un temps où l'excommunication et l'interdit étaient des armes puissantes sur l'imagination des peuples. Robert avait régné quarante-trois ans depuis l'association que Hugues Capet avait proclamée au parlement de Compiègne ; il s'éteignit pour la vie éternelle, comme le dit la chronique de Saint-Denis, en copiant l'obituaire de l'église de Melun[47].

Le règne de Robert laissa trace dans l'esprit du peuple ; il avait été indulgent et bon pour le clergé et ses serviteurs ; on disait de lui, comme par acclamations : Tandis que Robert a été roi, nous n'avons craint personne ; daigne le Seigneur accorder le salut éternel à ce roi si bon, à ce père du sénat et de tous les gens de bien ! Ainsi acclamaient les clercs et les serfs même dans les cités, chose douce à ouïr. Hélas ! cet éloge venait peut-être de la tristesse des temps qui succédaient au règne du roi Robert, de cette guerre civile qui déchirait encore le royaume, de cette violence féodale si désolante pour le peuple. On criait donc de toutes parts : Qu'est devenu le temps du roi Robert ? qui pourrait nous rendre sa débonnaireté quand il touchait les écrouelles dans les maladreries ! Maintenant le roi Robert est couché dans l'obituaire de Saint-Denis et sa bague d'or ne scellera plus les Chartres de donations à Saint-Agnan ou à Saint-Germain-des-Prés. Il y eut ainsi bien des larmes versées !

 

 

 



[1] Mabillon, Analect., tom. III, p. 594, n° 26.

[2] Arbo., Apol., p. 401

[3] C'est ici le symbolisme de pierre de toutes les cathédrales du moyen âge. Mabillon, tom. III, p. 594.

[4] Chronique de Raoul Glaber, liv. II, chap. IX.

[5] Chronique de Raoul Glaber, liv. II, chap. X.

[6] Chronique de Raoul Glaber, liv. III, chap. II.

[7] Chronique de Raoul Glaber, liv. II, chap. II.

[8] Chronique de Raoul Glaber, liv. II, chap. VII.

[9] Adhémar de Chabanais et Raoul Glaber, ann. 1000. — Helgaud, Vita Roberti, cap. XVIII.

[10] Raoul Glaber, ad ann. 988.

[11] On ne peut expliquer le symbolisme des cathédrales que par l'étude profonde de la vie des saints : consultez les Bollandistes, et les Acta sanctor. ordin. sanct. Benedict. de Mabillon (préface, tom. II).

[12] Il y aurait un magnifique travail à faire, ce serait l'histoire des ordres monastiques, mais vue d'un peu haut. Les Annales de Mabillon sont les plus curieuses indications à suivre pour s'en donner une juste idée.

[13] Voyez Labbe et Sirmond, Concil., ann. 1671, et le supplément de Lalande, édition de 1686.

[14] La Vie de saint Benoît a été écrite par dom Mège, 1690, in-4°. — Mabillon, Ann. ordin. S. Benedict.

[15] L'admirable règle de saint Benoît a été publiée avec des commentaires de dom Calmet, Paris, ann. 1734, 2 vol. in-4°.

[16] Mabillon, Ann. ordin. S. Benedict., tom. I.

[17] Les Anglais l'appellent saint Benoît Biscop ; Bede a écrit sa vie. Voyez la Collection de Harne, Dublin, ann. 1664. Il naquit en 628.

[18] Les œuvres de saint Benoît d'Aniane consistent en quelques opuscules. Codex regularum, publié à Rome, ann. 1661. Baluse en a donné des fragments dans ses Miscellanea, tom. V.

[19] Mabillon, Annal. Bened., tom. VII, p. 126 et 127.

[20] Je réserve pour un chapitre à part l'histoire détaillée des pèlerinages. Voyez chap. XIX, tom. II.

[21] Ducange, Gloss. v° Peregrinatio.

[22] Le roi et les grands feudataires font entre eux des traités d'alliance sur le pied de la plus parfaite égalité. Les ordonnances elles-mêmes de cette époque ne sont que des traités. Voyez dom Vaissète, Hist. du Languedoc, tom. II. Les chartres et ordonnances ne sont jamais relatives qu'au domaine de la couronne. (Collect. du Louvre, tom. I.)

[23] Jusqu'aux Assises de Jérusalem, il n'existe aucun ordre, aucun devoir régulier entre le vassal et le seigneur ; les Assises de Jérusalem sont la collection des lois franques. Je regrette qu'on ne les ait pas commentées et expliquées. Voir chap. V.

[24] Ex Cronic. sanct. Pétri Senonens. (Dom Bouquet, Collection.) Hist. de France, tom. X, p. 223 et 324. Comparez avec Ex vita Garnerii prœposit. sanct. Stephani Senonens. (Ibid., tom. X, p. 382.)

[25] Ex Cronic. sanct. Petri. (Dom Bouquet, Hist. de France, tom. X, p. 223.) Ce Raynald ne serait-il pas le type de Regnauld des chansons de Geste ?

[26] Qui se contra nos humiliter pergens respondit, quia procul a nobis erat, ideo facultatem sibi veniendi in auxilium nostrum non fuisse, imo copiam virorum qui se nomitarentur, non habuisse. — Ep. Fulb. ad. Rob. Reg. (Bouquet, Hist. de France, tom. X, p. 457 à 458.)

[27] Ad vos tandem, dilectissime domine, nostri adjutorii summa rediit... Tutela cujus posse eripi a malorum injuriis omnino confidimus, dummodo prece et observatione cum Odone comite obnire agatis, quatenus idem nos ab illis expédiat. — Ep. Fulb. ad. Rob. Reg., Hist. de France, tom. X, p. 457 à 458.

[28] Est enim comes quidam malefactor, nomine Rodulphus, nimium vicinus nobis, qui res ecclesiœ nostrœ per injustam occasionem inrasit, unum de clericis nostris, suis manibus interfecit.... Et de his omnibus appellatus in curia regia, et coram plena ecclesia scepe vocatus, nec propter hominem, nec propter Deum ad justitiam venire dignatam.... Nunc rero ad limina sancti Petri contendit, tanquam ibi possit accipere de peccatis absolutionem, unde venire non vult ad emendationem. — Ep. Fulb. ad. Joann. papam, XIX, Ibid., p. 473.

[29] Dom Bouquet, Hist. de France, tom. X.

[30] Comparez Raoul Glaber, chap. VII, et le moine Helgaud, Vita Roberti, ann. 1007.

[31] Helgaud, Vit. Rob., cap. LXIX.

[32] Comparez Glaber, liv. III, chap. IX. — Baluze, Miscelann., tom. II, p. 307, et Bely, Hist. des comtes de Poitou, p. 68.

[33] Helgaud, Vit. Rob. Reg., p. 69. Sur la famille de Robert il faut consulter le Cartulaire, mss. de l'abbé de Camps. (Biblioth. royale, Cartul. 1er.)

[34] Chronique de Raoul Glaber, liv. III, chap. IX.

[35] Chronique de Raoul Glaber, liv. III, chap. IX.

[36] Fulb. Epist. 59, et apud Duchesne, tom. V, p. 181.

[37] Fulb. Epist. 128, et apud Duchesne, 61, tom. IV, p. 194.

[38] Il y a deux choses difficiles à suivre dans la vie du roi Robert, ce sont ses voyages et les dates de son règne. On remarque dans les diplômes quatre commencements du règne de Robert ; le premier concourt avec celui de 988, qui est l'année où il fut sacré à Orléans ; le deuxième se prend de l'an 989, sans qu'on en sache la raison ; le troisième, et le plus commun, est fixé au 24 octobre 996, jour de la mort de Hugues Capet ; le quatrième se rapporte à l'an 991, après l'emprisonnement de Charles de Lorraine. Les années de l'indiction ne sont pas toujours faciles à concilier avec celles de l'incarnation dans les chartres du temps de Robert, soit qu'on ait mal compté celles-ci, soit qu'on n'ait pas suivi la plus commune des quatre époques qu'on donne à l'indiction. (Bénédictins, Art de Vérifier les Dates.)

[39] La date de ces pèlerinages a été l'objet de longues dissertations de l'abbé de Camps, Cartul., Mss. (Biblioth. du roi, tom. III).

[40] Labbe, Collect. Concil. ad ann. 980-1030.

[41] Glaber, Chroniq., chap. IV.

[42] L'entrevue entre l'empereur Henri II et le roi Robert eut lieu dans une petite île de la Meuse, dans la partie ou le Chiers mêle ses eaux. Voir Raoul Glaber, Chroniq., liv. III, chap. II.

[43] La grande raison de leur révolte que donnent les enfants de Robert, c'est qu'ils n'ont pas un état suffisant dans la maison de leur père : Cœterum serenissimam pietatem vestram appellamus pro eodem rege filio vestro, qui satis superque desolatus incedit. Neque enim in domo vestra cum securitate vel charitate licet ei manere. Neque foris est ei unde vivat, cum honore regi competente, unde vos oportet aliquid boni concilii reperire, ne dum ille quasi peregrinus et profugus agit, paterni animi fuma vobis deperent. — Epist. Fulh. ad Robert, Dom Bouquet, Hist. de France, tom. X, p. 458.

[44] Helgaud, Vita Roberti, chap. XVII.

[45] Le chroniqueur qui fait ressortir avec le plus de naïveté la vie du roi Robert est Helgaud, biographe intime du roi ; il est dans la collection de dom Bouquet, Histoire de France, tom. X.

[46] Tous ces détails sont dans le biographe Helgaud, chap. VII, IX, XI.

[47] On a beaucoup discuté sur la date exacte de la mort de Robert ; les Bénédictins placent sa mort le 20 juillet I03i. Voici la prière qui fut récitée à la mort du roi : Deus qui inter sanctissimos reges famulum tuum Robertum regali fecisti dignitate vigere, presta, quœsumus, ut quorum vicem ad horam gerebat in terris, intercedente gloriosa Dei Genitrice Maria cum omnibus sanctis, eorum quoque perpetua consortio lœtetur in cœlis. Pereumdem Dominum nostrum, etc.