HUGUES CAPET ET LA TROISIÈME RACE

 

TOME PREMIER

CHAPITRE IV. — PREMIÈRE PÉRIODE DE HUGUES CAPET.

 

 

Naissance de Hugues Capet. — Son éducation. — Sa famille. — Ses premières armes. — Ses actes. — Ses chartres. — L'investiture du duché de France. — Rivalité avec Lothaire. — Mariage de Hugues Capet. — Naissance de Robert. — Royauté capétienne.

941—987.

 

Dans l'hiver de l'année 941[1], quand la neige tombait à gros flocons sur la campagne, les cris de l'enfantement se firent entendre dans le vieux palais des comtes de Paris, près du moutier de Saint-Barthélemy. Un mâle était né au seigneur Hugues, duc de France, comte de Paris, abbé laïc de Saint-Martin de Tours et de Saint-Germain-des-Prés, ainsi qu'on le voyait assis en chape au chœur desdites églises. Hugues était le descendant de la grande lignée de Robert le Fort, qui avait tant de fois sauvé les abbayes de Saint-Denis et de Saint-Germain de la fureur des Normands. Les cloches des églises de Sainte-Geneviève et de la montagne des Martyrs sonnaient en pleine volée lorsque Hetwige ou Edith, fille de Henri l'Oiseleur, mit au monde un bel enfant, le fils de Hugues le Grand ou le Blanc, duc de France ; les serviteurs parcouraient les rues de la Cité, annonçait à tous cette bonne nouvelle. Un héritier était né au comte ; c'était un mâle bien fait de corps, ses membres étaient robustes, sa tête fort grosse faisait l'admiration des clercs et physiciens. On le nomma Hugues au baptême, du nom de son père. Hugues, le duc de France, survécut peu à la naissance de deux enfants encore de sa lignée ; il toucha la tombe, et son fils aîné fut placé sous la tutelle de Richard, duc de Normandie, un des plus rusés et des plus tricheurs des barons : Duc de Normandie, sois le tuteur et l'advocat de mon fils, lui dit Hugues au lit de mort[2]. Richard s'était fiancé à Emma, la fille de Hugues, quoique très-jeune encore. Les fiançailles créaient les devoirs de la parenté. Richard accepta la tutelle, car le petit Hugues donnait déjà des espérances décourage et de science. On le nomma tout jeune du nom de Capet ou de Caput. Était-ce à cause de son intelligence précoce, de sa capacité ? était-ce parce qu'il avait en effet une tête grosse et forte sur de larges épaules, marque de bravoure et d'énergie ? La chronique n'en dit rien ; tant il y a que Hugues fut élevé par Richard de Normandie en tous les arts et sciences de la guerre ; il maniait l'épée, la lance, montait à cheval : Hugues n'avait-il pas un riche héritage à défendre ? Il était non-seulement duc de France, mais encore comte de Paris et d'Orléans, abbé de Saint-Martin de Tours et de Saint-Germain-des-Prés, sans compter les fiefs et manses en l'Île-de-France et Bourgogne. Qui pouvait lutter en puissance et richesse avec les comtes de Paris[3] ?

Aussi un tel héritage enflait le cœur au jeune homme, et par le conseil de son oncle et tuteur, Hugues Capet prit les armes contre le roi Lothaire, qui portait au front la couronne de Charlemagne. Lothaire pouvait de mâle en mâle remonter jusqu'au vieil empereur ! Il s'agissait de la suzeraineté de quelques tours et châteaux en Bourgogne. Il n'y avait alors d'autre justice que la masse d'armes et l'épée ; la force et la conquête créaient le droit. Qui respectait l'héritage des ancêtres ? Les batailles de lances se déploient dans la plaine, se heurtent, se brisent ; les casques, les brassards, les lames d'épées volent en mille éclats ; c'est le jeune Hugues Capet qui vient combattre Lothaire, son parent et son suzerain[4]. Maintenant le pieux archevêque de Cologne, Brunon, intervient pour ménager la paix ; il porte la crosse épiscopale et la grande mitre qui apaisaient les colères terrestres[5] ! Il y eut un parlement à Compiègne pendant les fêtes de Pâques ; on aimait ces parlements sous la seconde race, réunions joyeuses et brillantes des barons et des féodaux. Pâques était une sainte solennité de l'année ; le printemps venait avec la résurrection du Seigneur ; on saluait ainsi les temps de guerre à la face du soleil !

Au parlement de Compiègne la trêve fut conclue entre Hugues et son seigneur Lothaire ; des otages furent de part et d'autre reçus. La foi des traités ne se comprenait pas sans cautions et pledges ; on se livrait ses proches, ses fidèles ; la parole n'était pas ansez puissante, il y avait trop de traîtres et félons. Lothaire donna l'investiture du duché de France à son vassal Hugues Capet ; la chartre royale fut dressée selon les us du système féodal[6]. Pour contenir plus fortement encore la foi de son vassal, le roi donna le comté de Poitou à Hugues, déjà reconnu duc de France. Tous les services se payaient par dons de terres, vieux souvenirs de la Germanie et de ses forêts séculaires, où les chefs et les suivants maintenaient leurs rapports par des présents mutuels d'armes, de chevaux ou de la framée retentissante. Que pouvait être ce don nominal du comté de Poitou ? ne fallait-il pas l'enlever à Guillaume Tête d'Étoupe, le brave comte de Poitou, duc d'Aquitaine ? Il ne suffisait pas de prendre le titre de comte de Poitou, il fallait encore l'arracher par la conquête. Mettez-vous donc au champ, brave comte Hues, quand la violette s'épanouit et l'hirondelle apparaît, comme le disent les vieilles chansons de Geste des comtes de Poitiers.

En ce temps de guerre forte et continue, une trêve était-elle autre chose qu'une courte suspension d'armes ? A peine Lothaire et Hugues avaient-ils quitté le parlement de Compiègne et pressé leurs mains sans gantelet, en signe de paix, que déjà de nouvelles querelles éclataient entre eux. Dans l'état de désorganisation où l'Église était tombée sous Hugues le Grand, un enfant de cinq ans avait été élevé à l'archevêché de Reims[7] ; cet enfant, fils de Herbert, comte de Vermandois, avait nom Hugues encore. Les féodaux n'approuvèrent pas cette élection : devaient-ils respecter un enfant revêtu de la mitre et de l'étole ? Quand on n'avait pas en main la force suffisante pour défendre une dignité, une terre, on ne pouvait prétendre à sa possession : telle était la loi d'une époque de confusion ; maîtres de Reims, les barons firent élire Arthaud pour archevêque. Il y eut encore des batailles données pour l'élection à cet épiscopat ; quand tout s'abîmait dans la violence, il n'y avait pas de longues trêves : que pouvaient faire les hommes d'armes dans la triste oisiveté des châteaux ? Les rivalités de races, les jalousies de fortune, n'arrivaient-elles pas profondes au cœur de tous ces féodaux ? Lorsque Thibault, comte de Blois, attaque Richard de Normandie, que survient-il ? Le pauvre Thibault, défait dans les batailles, se réfugie sous la tente de Lothaire, tandis que Richard se glorifie avec Hugues Capet, son compagnon et son allié, dans le champ de guerre[8].

Lothaire et Hugues Capet se rapprochent, se heurtent tour à tour ; entre eux il y a une vieille querelle de race, une de ces haines profondes qui s'empreignent au cœur. En vain Brunon, archevêque de Cologne, intervient encore dans le parlement de Compiègne[9] ; on s'apaisait un moment pour reprendre les armes ensuite. Sur ce fond de batailles il règne un peu de monotonie, dans le pillage et le sang même. Parcourez cette campagne désolée, ces villages en cendres, ces populations en fuite ; c'est l'armée des paladins qui a passé à travers champs. Avez-vous le sang a la tête, prenez l'épée ; êtes-vous serf ou homme de poestes, alors travaillez au labour ; si vous êtes clercs d'Église, quelle protection vous reste-t-il encore ? ce fougueux féodal ne respecte aucun asile ; c'est toujours l'invasion de l'homme d'armes dans le sanctuaire, de la concupiscence matérielle dans l'idée morale. Le parvis de l'église est foulé sous le pied des chevaux : qu'opposer à ce torrent ? Hélas ! la coupe des maux n'est point desséchée ; les Normands, les Hongres, les Sarrasins ont laissé quelque chose à dévorer, et les hommes d'armes sont prêts à l'œuvre, faudrait-il même briser les portes du baptistère de Saint-Denis ou de Saint-Germain-l'Auxerrois ! L'Église n'a point encore sa force morale ; l'abbaye a ses croix élancées, ses murailles de vieux ciment romain : qu'espérer si l'abbé ne s'arme pas comme le féodal, si l'Église n'a pas son défenseur avoué, souvent le tyran des moines et pénitenciers[10] !

La race germanique et lorraine est l'objet de toute la haine des comtes francs ; on ne la veut pas sur le territoire de là vieille Gaule. Si Lothaire se prononce contre Othon, l'empereur des Allemands, eh bien, Hugues Capet vient à l'aide de Lothaire même ; il marche à ses côtés sur le Rhin ; Othon protége-t-il le comte de Flandre, Hugues Capet secondé le compétiteur de ce comte ; il envahit la Lorraine avec Lothaire ; c'est une haine de races[11]. Les dernières traces de l'administration de Charlemagne disparaissent. Gerbert s'étonne de voir Hugues Capet, cet homme considérable, faire alors hommage à Lothaire ; c'est que ce roi, quoique carlovingien, se posant au milieu des Francs contre la famille allemande, trouvait alliance avec le chef naturel des comtes de Paris ; Hugues Capet combat en Lorraine à côté de Lothaire, il se reconnaît son vassal, place les mains dans les siennes et reçoit le baiser et l'investiture. Lothaire redevient son suzerain dès qu'il se maintient à la tête de la race franque et qu'il marche avec ses vassaux[12].

Hugues Capet, pour dompter l'indépendance des vassaux, accable les églises de ses dons. Le catholicisme n'est pas encore complètement organisé sous la papauté suprême ; le duc de France en comprend néanmoins toute la force ; les comtes de Paris n'étaient-ils pas les protecteurs, les Macchabées de l'Église ? les Chartres ne les représentaient-elles pas sans cesse le glaive en main pour la défense des saints privilèges ? Les comtes de Paris étaient abbés même des grands monastères, tels que Saint-Martin de Tours et Saint-Denis en France-, ils aimaient à se montrer la chape ondoyante sur les épaules, et au chœur des chantres, entonnant l'hymne solennel[13] ; ils portaient l'aube sous le dais et dans le sanctuaire ; ils avaient tout à gagner avec l'Église ; aussi Hugues multiplie-t-il les dons par les Chartres ; il se démet de ses droits comme abbé laïque de Saint-Benoît en Ponthieu ; à Paris il fonde l'abbaye de Saint-Magloire, il accable de dons Saint-Denis et Saint-Germain[14], Les clercs reconnaissants pressentent déjà la haute fortune du duc de France ; comme ils sont plus éclairés que les barons, ils voient au loin les destinées de Hugues Capet. Les légendes annoncent sa future grandeur : dans les anciens Gestes de saint Riquier, saint Valéry apparaît en songe à Hugues le Grand : Transfère, lui dit le bienheureux, mes reliques et celles de saint Riquier, et par nos prières tu seras roi des Français, et après toi tes héritiers posséderont le gouvernement jusqu'aux dernières générations[15]. D'autres légendes ne promettaient à Hugues Capet la couronne que jusqu'à la septième lignée. Et que pouvait refuser l'Église à Hugues de France ? ce noble comte fondait des monastères, transportait des reliques et établissait des hospices pour le pauvre pèlerin en campagne. Gerbert peut être placé à la tête de ces esprits à prescience qui savent déjà l'avenir ; c'est un des hommes les plus avancés de son temps ; on le voit dévoué à la troisième race, dont l'avenir se prépare ; il écrit : Le duc Hugues Capet a salué le roi et la reine le 18 juin, ce qui s'est fait par l'adresse de quelques-uns, afin d'attirer beaucoup de crédit à leur parti par la présence d'un si grand homme et si puissant, quoiqu'il ne soit point dans leurs intérêts, et qu'on ne puisse croire qu'il y rentre aussitôt[16]. Gerbert a ainsi le sentiment de la grandeur future de Hugues Capet ! Il s'étonne de le voir s'abaisser devant Lothaire et les descendants de Charlemagne. Quelques jours après il écrit encore : Lothaire n'a que le titre de roi des Français, Hugues Capet règne en effet ; il a la couronne[17].

Le comte Hugues, que de si grandes destinées attendaient, songeait à avoir liguée ; il épousa légitimement, en face de l'Église, Adélaïs, que la chronique de Saint-Magloire nous dépeint grande, brune, forte et d'illustre famille, car elle appartenait à la race de Charlemagne ; elle était sœur d'Emma, reine des Francs, la femme de Lothaire ; sa mère était d'Italie, et voilà pourquoi elle avait les cheveux et les cils noirs. Les blondes aux cheveux d'or avaient alors seules la beauté ; les trouvères s'excusaient dans leurs vers quand ils célébraient une brune[18] ; la chevelure flottante au soleil était la marque de la liberté ; la chevelure d'or était le signe de la race noble pour les femmes. De son mariage avec Adélaïs, Hugues Capet eut un fils ; il lui donna le nom de Robert, le digne surnom de chevalerie et des comtes normands au moyen âge. Berthe et Robert, voilà les prénoms usuels des grands lignages. Robert fut baptisé à Saint-Magloire, la belle église fondée par Hugues, son père ; il eut pour parrain d'armes le duc de Normandie, Richard sans Peur, le fils de Guillaume longue Épée, de la lignée de Rollon.

La famille des ducs de France ainsi grandissait ; elle était toute-puissante sur la race territoriale qui occupait les vieilles Gaules ; elle étendait ses alliances avec les féodaux campés avec elle en Normandie, en Bretagne, en Anjou, en Aquitaine, en Champagne. La Bourgogne était dans la famille des ducs de France ; il n'était pas un haut baron qui n'eût suivi leur bannière ; ajoutez à cela des alliances par mariages et affinités ! S'il fallait un chef à ce beau lignage de chevalerie, n'était-il pas tout trouvé[19] ? Pourquoi, dans cet état d'absolue indépendance, les comtes, les marquis, les ducs chargés de la défense territoriale n'éliraient-ils pas spontanément un d'entre eux ? Ce mouvement se prépare depuis longues années. Est-ce que déjà deux des ducs de France, Eudes et Robert, n'avaient pas été élevés à la royauté ? Pourquoi obéir à des princes de race étrangère ? Depuis longtemps les liens étaient brisés ; on conservait des formes encore pour Lothaire ; ce prince s'était souvent montré dans les grandes expéditions du baronnage de France ; on l'avait vu combattre contre la race germanique ; on lui eût préféré Hugues sans doute, mais on le gardait par respect pour Charlemagne : il y avait un vieux souvenir de la race carlovingienne. Quand Lothaire cessa de vivre, qui pouvait s'opposer à l'élévation d'une race nationale et franque ? Tout avait été préparé avec une longue habileté par Hugues Capet : les clercs, les églises, les oratoires étaient accablés de dons ; les vassaux supérieurs étaient bien avec lui par la parenté et les communs intérêts. Que restait-il comme obstacle pour un grand avènement d'une nouvelle race ? pourquoi ne donnerait-on pas à Hugues le titre de roi, comme l'avaient pris Guy de Spolette, Raoul, comte d'Auxerre, et Raynuld, comte de Poitou ? Les lignages des ducs de France valaient bien tous ceux-là !

Lothaire, le petit-fils des Carlovingiens, s'était maintenu comme roi des Francs dans les guerres féodales. Il y avait pour lui quelques souvenirs de race, une vieille affection des comtes pour le sang du grand Charles[20]. Hugues Capet n'avait pas suivi contre Lothaire une guerre de famille : il s'était rapproché de lui ou s'était montré hostile selon l'occasion. Le temps ne semblait point venu de prendre la couronne, en expulsant le petit-fils de Charlemagne ; Lothaire avait trop d'appuis ; il n'était pas sans talents militaires ; ou parlait de la force de son bras dans les batailles ; il avait combattu avec les comtes francs contre Othon le Germanique. Que lui reprocher, quand on le voyait sans cesse à côté de Hugues Capet pour repousser les races de la Meuse et du Rhin ? Beaucoup d'alliances lui rattachaient la loyauté des hommes d'armes. Hugues Capet habitait en sa cour dans le dernier temps de sa vie : il était son parent, une espèce de maire de palais, si bien que la tutelle de Louis V, le fils, le successeur de Lothaire, lui fut déférée[21].

La tutelle était pour l'enfant féodal ce que l'avouerie était pour le fief du monastère. Il était rare que l'avoué ou le tuteur ne devînt pas le maître ou le suzerain du fief ou de la couronne qu'il était appelé à protéger. Quand on avait sous la main une escarboucle aussi brillante qu'un bel héritage, un fief d'Église, une abbaye, une couronne, qui pouvait arrêter le bras de l'homme d'armes, du fort, du puissant contrôle faible ? Ce fut à l'époque seulement où s'organisa la pensée morale et religieuse du catholicisme, que l'on vit l'idée du droit s'établir et dominer ; la force n'envahit plus tout ; Golo, le sénéchal, ne s'empara plus de l'héritage de l'enfant de son seigneur et de Geneviève sa dame. L'Église posa le droit et l'unité dans la hiérarchie des couronnes ; elle substitua les principes à la violence ; elle fit que la chaste épouse ne put être brutalement repoussée du lit nuptial par le comte : elle empêcha le pauvre orphelin d'être dépouillé de son héritage par le puissant : les jouissances de la chair et de l'ambition ne furent pas toute la vie. Cette nouvelle époque ne commence qu'avec Grégoire Vil, la papauté une et souveraine.

Louis V avait été associé à la royauté ; Lothaire l'éleva en ses bras au parlement de Pentecôte, tandis que tous les barons étaient au camp de guerre[22] : on le reconnut roi et successeur de son père. Louis V était enfant encore, lorsqu'en mourant Lothaire le recommanda au duc Hugues Capet pour qu'il veillât sur lui comme un père. Gerbert rappelle cette circonstance du parlement de Pentecôte, pour justifier les droits du pupille et la bonne conduite du tuteur : Il n'y avait alors, dit-il, aucune pensée de s'emparer de la couronne[23]. Hugues de France dirige toutes les affaires de la royauté ; il leur imprime son esprit, sa volonté, la force même de son pouvoir. Il avait obligé Lothaire, tout Carlovingien qu'il était, à faire la guerre à Othon et aux populations de la Meuse et du Rhin, pour soutenir les droits de la couronne franque sur la Lorraine. Cette guerre il la continue sous le nom de Louis V : Hugues est le véritable maire du palais ; rien ne se fait que par son ordre ; Louis V est un enfant dont le nom sert aux actes et brille dans le scel ; Hugues l'invoque pour assouplir les prétentions de quelques leudes qui respectent encore le nom de Charlemagne et de sa race. Tout ce qui donne un peu de liberté et de force à Louis V est persécuté : la reine-mère demeure captive dans le château de Dourdan[24], vieille prison des rois dans le moyen âge. Si Adalberon, évêque de Lyon, hasarde quelques remontrances, on le chasse de son siège. La tutelle dans les mains de Hugues Capet est une véritable royauté ; elle ne veut être dominée ni par la famille ni par l'Église ; la guerre continue entre Hugues Capet, les Lorrains et la race germanique.

En vain l'impératrice Théophanie, qui exerçait alors une sorte d'influence morale, cherche à pacifier les vives querelles entre la famille de Lorraine et le chef de la race franque ; personne ne va au parlement qu'elle indique. Gerbert, le grand négociateur, s'entremet encore ; il veut tout concilier : Seigneur Hugues, venez à la paix, lui écrivait-il. Cette paix était nécessaire, et déjà les évoques parlaient de la trêve de Dieu pour ramener l'ordre et le droit dans la société tourmentée[25]. La trêve de Dieu était un peu de repos au milieu des grandes agitations. Qui ne voit ce carré profond d'hommes d'armes à la lance haute ? Où vont-ils dans la campagne qui apparaît déjà arse et flamboyante de toutes parts ? Fuyez, pauvres serfs, gens de poestes et manants ; et vous, moines et abbés, fermez les portes de fer de vos monastères, rien ne sera respecté, car le baron a besoin de pilleries pour enrichir ses domaines ; les hommes veulent boire dans la coupe des festins et savourer les vins d'Orléans et de Bourgogne renfermés aux vastes celliers des abbayes.

La trêve de Dieu fut essayée dès l'origine de la troisième race ; les évêques avaient pour eux l'arme puissante de l'excommunication, et la trêve de Dieu fut appuyée sur l'idée morale d'une exclusion de la société chrétienne. Si l'excommunication n'avait pas existé, que serait devenu le droit au milieu de ce désordre ? s'il n'y avait pas eu cette indicible horreur pour l'excommunié, quel eût été le frein imposé à la force victorieuse ? Quand les cloches silencieuses n'annonçaient plus la prière, quand tous fuyaient l'excommunié, la violence restait isolée comme un objet de proscription au milieu de la société du moyen âge ; l'Église disait : Voyez cet homme, il a manqué aux règles morales de la famille chrétienne ![26]

Louis V n'avait pas à suivre une longue vie ; il mourut quatorze mois après son avènement : il était jeune et ne laissait aucune postérité. Pauvre enfant que les féodaux appelaient fainéant, parce qu'il était captif aux mains d'un maire de palais ! Que devenait ainsi la lignée directe de Charlemagne ? Elle n'avait plus de rejeton. Qui était donc appelé à lui succéder ? quel était l'hoir issu pour gouverner les comtes francs ? Depuis dix ans toutes les armes des Français et de Hugues Capet, leur duc, s'étaient dirigées contre les Lorrains de race germanique. Or ces populations de la Meuse avaient pour chef le duc Charles, oncle paternel de Louis V, le prince que Hugues Capet, tuteur royal, avait combattu à outrance. Ces guerres avaient-elles pur motifs une haine de race ? s'agissait-il déjà d'une question de succession prématurée, avant que la tombe n'eût recueilli Louis V enfant ? Tant il y a que la guerre continuait violente ; on cherchait à l'apaiser par l'intervention des assemblées. La guerre était dans les mœurs et dans les intérêts. Il arriva qu'à la mort de Louis V, Hugues Capet et Charles de Lorraine se trouvèrent les compétiteurs naturellement appelés à discuter sur les droits à la couronne[27].

Charles de Lorraine avait pour lui sa lignée ; il était l'oncle de Louis V ; mais la lignée était-elle à cette époque un titre infaillible ? Si déjà les fils n'étaient pas certains d'hériter de leur père, que devait-il en être des collatéraux ? ensuite à quelle race commandait Charles, l'oncle de Louis ? aux Lorrains, d'origine germanique, en haine aux Français, qui avaient leur duc, leur chef national dans la famille de Hugues et de Robert ; fallait-il faire hommage à Charles de Lorraine ? fallait-il s'humilier ainsi devant la race germanique qu'on avait tant de fois combattue ? les leudes, les comtes ne pouvaient admettre une telle pensée ; capable ou incapable, Charles ne devait pas être leur roi, et l'on pense bien qu'avec cette conviction les prétextes ne manquaient pas pour le repousser : les uns le trouvaient gros, ventru, buvant le cidre et le vin nouveau du Rhin et de la Meuse outre mesure, les autres le disaient entaché d'hérésie et de péché contre nature ; tous rapportaient qu'il n'avait pas l'esprit bien fait et propre au gouvernement du royaume[28].

Hugues Capet, au contraire, appartenait à la race des Francs ; des clercs savants bâtissaient sa généalogie pour le faire descendre de Charlemagne et de plus haut même, car saint Arnould était Mérovingien ; d'autres disaient qu'il y avait un testament en sa faveur, et rapportaient une pièce scellée du scel de Louis V, ainsi conçue : En premier, il concède à Hugues le Grand, prince des Francs, tous ses royaumes : la France, l'Aquitaine, la Bourgogne et autres parties. Il veut que les grands servent le duc Hugues comme lui-même et ses prédécesseurs ; qu'ils lui jurent serment de fidélité, lui baisent les genoux et le servent militairement. Il décide sur Charles son oncle, à cause de son ineptie, qu'il n'occupe aucune partie de son empire, mais que le royaume advienne à Hugues, le plus rapproché de sa grandeur ; il veut que sa femme bien-aimée épouse le fils du duc Hugues Capet, et que tout ceci soit observé par les grands[29].

Cette pièce était-elle fausse ou réelle ? Mais si l'on excluait Charles de Lorraine, comme de race étrangère et de nation ennemie, à qui devait revenir la couronne ? Il n'était pas besoin pour cela d'usurpation ; a ce temps où le droit ne dominait rien, la couronne était à tous ; on la ramassait, parce qu'elle était au premier occupant ; y avait-il un légitime suzerain pour le fief ? admettait-on une propriété indélébile dans certaines mains ? la terre était comme l'armure de fer ou le cheval de bataille, au plus fort, au plus vaillant dans la mêlée. L'idée d'hérédité, sentiment moral, avait peu de puissance sur les esprits : le mot d'usurpation n'avait aucun sens ; on prenait le fief, l'héritage, comme on s'emparait de la terre monastique et de la couronne ; ce temps doit tout entier s'expliquer par l'absence du droit ; on se tromperait si l'on appliquait là les idées d'une société avancée. Hugues Capet, duc de France, prit immédiatement après la mort de Louis V, le titre de roi. Qui lui déféra ce titre ? en vertu de quel acte obtint-il la couronne ? Il faut se rappeler que la race de Hugues de France avait compté deux rois déjà depuis Robert le Fort ; ce titre on le prenait, on le quittait parce qu'il n'avait pas la haute signification des temps modernes. Avant le parlement de Noyon, Hugues se donne dans deux Chartres la dignité de roi[30] ; c'est un titre déjà connu dans sa race ; il se familiarise avec son acception contemporaine, rex Francorum. Le parlement de Noyon fut une assemblée de la majorité des barons français, c'est-à-dire des tenanciers immédiats de Hugues Capet. Les actes de cette assemblée n'existent plus, mais les grandes annales en ont conservé mémoire : Charles, dit un contemporain, oncle de Louis V, qui voulait régner après lui, fut rejeté par les Français, et ceux-ci élurent pour roi Hugues, fils de Hugues le duc[31]. Un autre chroniqueur ajoute : Les premiers d'entre les Francs élevèrent sur le trône royal Hugues le duc[32]. — Il mourut, ajoute une vieille chronique (le jeune Louis V), dans l'année 987, et il fut enterré au monastère de Saint-Corneille et de Saint-Cyprien. Son oncle Charles, qui fut privé de la couronne, combattit pour la recouvrer ; mais, méprisé comme il l'était, les Francs lui préférèrent Hugues, qui gouvernait fortement le duché de France[33]. Voulez-vous savoir ce qu'en dit le moine Glaber : Le duc de Bourgogne, frère de Hugues, et tous les grands, revêtirent du pouvoir royal Hugues, qui successivement servait tous les grands du royaume[34]. Ainsi l'élection fut simple ; les comtes francs avaient besoin d'un chef, ils ne voulaient pas du duc de Lorraine, qui commandait à un peuple séparé des Français par une antique rivalité ; ils élevèrent Hugues Capet comme ils avaient salué roi Eudes et Robert de la même race. Il n'y avait pas alors de formules, de droits indélébiles ; quand on ne respectait ni la famille, ni la propriété, ni la hiérarchie, comment pouvait-on honorer le droit à la couronne, à ce point de la perpétuer dans la ligne collatérale ? Le parlement de Noyon fut tout spécial aux comtes francs ; il ne s'étendit pas aux autres provinces ; le duc de France changeait son titre ! le comte de Paris plaçait le siège de son pouvoir, jusqu'ici vagabond, dans nie de la Seine ; tout se formulait et se régularisait ainsi. Les actes du parlement de Noyon n'existent plus ; ce fut une grande acclamation, comme les faisaient les Germains dans les forêts séculaires. On vit là les comtes francs à cheval servir leur suzerain au banquet, faisant tous l'office de sénéchal, d'échanson, de panetier, selon la vieille coutume ; quelques rares chroniques seulement se plaignent de l'usurpation, et défendent les droits de la race carlovingienne[35].

Les clercs avaient beaucoup reçu de Hugues Capet ; cette race des Macchabées avait protégé les églises et les fiefs quand les Hongres et les Normands désolaient les campagnes. Reims était dans le duché de France ; il y avait là une haine commune contre la race germanique de la Meuse et du Rhin ; Adalbéron portait le palium métropolitain ; Hugues le visita, et en le comblant de caresses, il lui accorda la dignité de chancelier du royaume de France. Tout fut préparé dans la cathédrale de Reims ; les clercs d'Église et les comtes allèrent quérir la sainte ampoule, et quand l'huile sainte fut répandue sur le sommet de la tête du nouveau roi, Hugues prononça ces mots d'une voix haute : Hugues, selon la volonté de Dieu, roi futur des Français : Dans ce jour de mon ordination, je promets en face de Dieu et de ses saints que je conserverai intacts vos privilèges canoniques, vos lois et votre justice ; je vous défendrai tant que je pourrai avec l'aide de Dieu comme un roi le doit a tout évêque et clerc de son royaume, comme il le doit aussi aux églises qui lui sont soumises et au peuple qui lui est confié ; je ferai droit à chacun par notre autorité[36]. Ce serment, prononcé d'une parole hardie, fut consigné dans une chartre parcheminée et revêtue du scel royal. Quelques jours après, le roi visita Saint-Martin de Tours, et, la main posée sur la chasse bénite, il dit encore : Moi, Hugues, par la faveur de Dieu roi des Français, abbé et chanoine de cette église du bienheureux Martin de Tours, je promets à Dieu et au bienheureux Martin de garder et protéger cette église, de conserver enfin ses honneurs, privilèges, libertés et franchises ; que Dieu me soit donc en aide[37].

Ainsi l'avènement de Hugues Capet ne fut point une révolution ; les comtes francs, après le grand déchirement de peuples produit par la dissolution de l'empire de Charlemagne, choisirent un chef pour assurer leur nationalité ; n'avaient-ils pas déjà donné le titre de roi à Eudes, à Robert et à Raoul ? Ils ne voulaient pas se soumettre à la race germanique, il leur répugnait d'obéir à Charles de Lorraine. Il n'y avait pas alors un principe d'hérédité de race ; le droit n'avait rien d'absolu, la société était livrée à un véritable système de force et de violence ; il n'y avait ni propriété ni hérédité ; on s'emparait de la terre, du fief, du bien d'Église. Hugues Capet n'eut besoin que de prendre le titre, il avait le pouvoir de fait ; le duc des Français n'eut qu'un pas à faire pour devenir rex Francorum ! Cette révolution était préparée depuis un demi-siècle ; elle produisit une faible sensation ; les chroniques la racontent à peine, tant elle paraît naturelle ! Que fait aux féodaux qu'un de leurs ducs prenne le titre de roi ?

 

 

 



[1] Sur la naissance de Hugues Capet, comparez le P. Labbe, Éloge historique de nos Rois, et les travaux héraldiques sur l'Origine de la maison de France, p. 283.

[2] Hugo antequam defungeretur, in extremis positiu dixit : Ricardus, dux Normanorum, filii mei, dum in œtatis erit, advocatus sis. Dudo S. Quent., De moribus Normanor. Duchesne, Hist. normanor, scriptor., p. 137.

[3] Sur les possessions des ducs de France et comtes de Paris, voyez le Cartulaire de l'abbé de Camps, Biblioth. royale, mss.

[4] Frodoard, Chronic. ad ann. 959.

[5] Chronic., mss. publiée par Mabillon, Analect. ad ann. 958 et 959. La même confusion se retrouve pour toute cette époque dans les Bénédictins, Art de vérifier les Dates. Je ne comprends pas que la grande école des Bénédictins ne soit pas remontée aux sources originales sur cette époque.

[6] Frodoard, Chronic. ad ann. 959. — Fragment. histor. a Lud. Pio ad reg. Robert apud Duchesne, tom. III, p. 343.

[7] Gallia Christian., tom. I, p. 551 et suppl.

[8] Dudo, De moribus Normanor. Guill. de Jumièges, liv. IV, chap. XV, apud Duchesne, Hist. normamor. scriptor., p. 142 et 156.

[9] Gallia Christian., tom. II, et le Gest. archiepiscop. Autissiodor. — Labbe, Biblioth., tom. V, p. 446.

[10] Voyez sur les avoués féodaux, Ducange, Gloss., v° Advocat.

[11] Albéric, Moin. des trois font., ad ann. 979. — Sigebert, Chronic., ann. 978 ; Duchesne, tom. III, p. 348.

[12] Le dixième volume des Historiens de France de dom Bouquet est consacré à l'époque de Hugues Capet. Il y a une préface fort détaillée sur toutes les chroniques, mais on doit regretter, je le répète, la mauvaise méthode de dom Bouquet, qui consiste à couper toutes les chroniques sans en donner une en entier (tom. X et préface).

[13] Voyez l'Histoire de l'Église de Tours et de ses privilèges, ann. 950-1000.

[14] Bréquigni, Collection des Chartres diplomatiques, ann. 950 et 970.

[15] Per nostras orationes rex efficieris Francorum, et postea heredes tui usque ad sempiternam generationem possidebunt gubernacula totius regni. (Gest. sanct. Riquier apud Bollandistes, mens. August.)

[16] Gerbert, Epistol. 39. — Duchesne, tom. II, p. 738.

[17] Ibid. Epistol. 40. — Duchesne, tom. II, p. 800.

[18] Fabliaux de Legrand d'Aussy, tom. II. Au temps même de Brantôme les cheveux noirs étaient un défaut :

Brunette elle est, et pourtant elle est belle.

[19] L'abbé de Camps a réuni dans une commune dissertation tout ce lignage de Hugues Capet, et les alliances avec les grands vassaux. (Mss. cartulaire, tom. I, 3e race.)

[20] Les Chansons de Geste tournent souvent en ridicule l'empereur Charles ; elles le peignent comme indécis, et toujours gouverné par ses barons. J'ai fait observer déjà que les Chansons de Geste confondent Charlemagne avec Charles le Chauve et Charles le Gros, et voilà pourquoi elles le ridiculisent.

[21] Frodoard, Chronic. 986. — Gerbert, Epistol. 91. Les épîtres de Gerbert sont les meilleures sources pour étudier l'époque féodale de Hugues Capet.

[22] Albéric, Chronic. ad ann. 979. — Mabillon, Supplem. ad Diplomat.

[23] Gerbert, Epistol. 95, p. 811.

[24] Gerbert, Epistol. 91, 98.

[25] Le premier exemple de la trêve de Dieu se trouve dans le concile de Carrofense (l'abbaye de Charroux, en Poitou), Robertson traduit par Charonne près Paris, tenu par les évêques d'Aquitaine. Carol. concilium celebratum, kal. junii, anno 988. Ex codic. engolimens. Il existe encore une chartre de treuga et pace émanée de Louis d'Anjou, évêque du Puy à cette même date ; elle est antérieure à toutes celles qu'on avait jusqu'ici citées, et se trouve dans Mabillon, De re diplomat., liv. VI, p. 577.

[26] Ducange, v° Excommunicat.

[27] Frodoard, Chronique, 987.

[28] Balderic, Chronic. liv. I, chap. C. — Petite chronique de Vézelai, dans Labbe, Biblioth., tom. I, p. 395.

[29] Cette pièce, dont je ne crois pas à l'authenticité, se trouve dans les mms., Biblioth. du roi, n° 9609. Elle porte ce titre : Hoc est testamentum Ludovici, regis Francor., quod condidit XI kalendes junii, ann. Dom. 987. Indict. XV. Voici quelques-unes de ces dispositions : In primis, concedit Hugoni magno, principi Francorum, omnia regna sua : Franciam scilicet, Aquitaniam, Burgundiam et aliaa regni partes ; volens ut proceres sui predecessoribus suis sacramentum fidelitatis jurent, genua osculent et militare prestent, etc.

[30] Rex Francorum.

[31] Patruus autem ejus Carolus (scilicet Ludov. V), cum post eum regnare voluisset, a Francis ejectus est, et Hugo dux, filius Hugonii ducis, rex a Francis elevatus est. (De translat. reliq. S. Genov. Bolland. 17 janv.)

[32] Franci primates corelicto ad Hugonem, qui ducatum Franciœ strenue tunc gubernabat, magni illius Hugonis filium eum solio sublimant regio. (Aimoin, de Miracul. sanct. Benedict. Bolland. 21 mars.)

[33] Enim Francorum proceres communi consensu, Hugonem, qui tum ducatum Franciœ strenue gubernabat, sublimant regio solio. (Duchesne, XXII, p. 432.)

[34] Raoul Glaber, liv. II, chap. V.

[35] Voyez Chronique de Frodoard apud Duchesne, t. II, p. 628.

[36] Hugo Deo propitiante, mox futurus rex Francorum, in die ordinationis meœ, promitto coram Deo et sanctis ejus, quod unicuique de vobis canonicum privilegium et debitam legem, atque justitiam conserrabo et defensionem quantum potuero adjurante domino exhibebo, sicut rex in regno suo unicuique episcopo et ecclesiœ nibi commissœ per rectum exhibere debuit, populoque nobis credito me dispensationem legum in suo jure consistentem nostra auctoritate concessurum. (Hugo. Reg. sigill. — Dom Bouquet, tom. XI, p. 658.)

[37] Dom Bouquet, Hist. de France, tom. V.