LA LIGUE ET HENRI IV

 

CHAPITRE V. — VACANCE DU TRÔNE APRÈS LA MORT DE CHARLES X. - PRÉTENTIONS CONFUSES DES PARTIS.

 

 

Parti espagnol pour l'infante. — Parti de la maison de Lorraine. — L'enfant de Guise. — Le duc de Mayenne. — Tiers-parti pour Henri de Navarre. — Pamphlets pour la loi salique. — États de Reims. — Négociation de Jeannin à Madrid. — Question des subsides. — Condition de l'élection. — Mouvement de la ligue en province. — Siège de Rouen. — Opération du duc de Parme. — Situation militaire. — Action diplomatique de Henri IV.

1591.

 

Le mouvement municipal, dont je viens de décrire les graves circonstances, laissait entière la question d'avènement à la couronne, quoique cette question se fût liée à toutes les secousses populaires. Qui choisirait-on pour roi catholique, pour souverain de l'union ? Quel serait le prince salué par les nuances diverses du parti des cités fédérées ? La mort de Charles X avait ouvert une large voie pour toutes les prétentions à la belle couronne de France. C'est en vertu de deux principes qu'agissaient les candidats à la grande dignité royale : l'hérédité et l'élection. Le principe de la vacance du trône n'était pas admis assez incontestablement pour que les prétendants ne fissent valoir que des services catholiques et leur popularité ; tous invoquaient les droits de famille, la transmission héréditaire à des titres divers. Les états convoqués et toujours suspendus, parce que le duc de Mayenne voulait perpétuer la lieutenance-générale, ne devaient reconnaître que la légitimité des droits : ce n'était pas une élection aux champs de guerre, ou sous la tente, comme l'eussent fait les vieilles assemblées de France, proclamant un roi au bruit de la framée ? Il régnait quelque chose de confus et d'indécis encore dans les prétentions à la couronne ; les états-généraux n'étaient point réunis ; tout se passait en intrigues, en sollicitations, en démanches préparatoires. Alors se renouvelaient les hautes réclamations de l'infante, fille de Philippe II et d'Elisabeth de France. On a vu déjà que, dans ses instructions secrètes, le roi d'Espagne ordonnait à ses ambassadeurs de pressentir les chefs de l'union sur les droits de sa fille. Charles X régnait alors ; maïs lorsqu'il quitta la vie et la couronne, Philippe II n'usant plus d'aucune précaution, réclame hautement le trône de France comme un droit et une propriété. Don Diego d'Ibarra, écrivait-il ; je pense qu'il est de la dernière urgence pour la France qu'un roy y soit sur-le-champ proclamé ; il n'y a plus à penser, ny à traiter en aucune manière avec la maison de Bourbon pour y choisir un monarque. — Le prince de Béarn d'abord est hérétique relaps, desclaré inhabile à régner par le consistoire apostolique et les estats-généraux de France à Blois. Tous ceux de la mesme maison sont ou entachés d'hérésie ou fauteurs d'hérétiques ; quant à la branche de Lorraine, comme beaucoup de villes et de seigneurs se sont desclarés contre l'élection du cardinal de Bourbon, il est clair que si l'un des Lorrains venoit à régner, ce seroit une guerre interminable entre les bons catholiques et les obstinés ennemis de Dieu ; la seule personne donc à qui revienne de bons droits et convenances la couronne de ce royaume, après le roy Henry III, mort sans enfants, est sans doute l'infante dona Isabelle, sœur aisnée dudict roi Henri III. Quant à l'objection de la loy salique, la response est facile de l'aveu des François : cette loy fust une violence sans cause ny fondement[1]. Pour en revenir à l'infante Isabelle, à qui la couronne de France échoit par les droits du sang, il faut absolument que les François, obéissant à la justice, la déclarèrent royne propriétaire de France[2].

La maison de Lorraine invoquait sa vieille popularité ; elle aussi se divisait en deux branches de prétendants. L'héritier de Guise venait de s'échapper de sa prison de Tours. Fils du grand Henri de Guise, l'enfant miraculeusement délivré était chéri de la multitude et des halles ; le duc de Mayenne tentait vainement de se mettre en concurrence avec lui ; l'oncle rappelait ses services ; mais le peuple n'avait d'affection véritable que pour le fils du martyr de Blois. Les gros bourgeois et les parlementaires l'eussent préféré à la succession espagnole, au cas où leur combinaison d'espérance et de prédilection, celle de Henri IV converti au catholicisme, viendrait à échouer. Quant aux instructions subséquentes de Philippe II, elles portaient, que si son ambassadeur ne pouvait obtenir l'élection de l'infante sans condition, il proposerait son mariage avec le duc de Guise.

Quant à Henri de Béarn, il invoquait les droits de sa royauté, en vertu d'autres principes, n ne reconnaissait pas la puissance des états-généraux, pour déférer une couronne qui lui était acquise par l'hérédité. Il appelait de son droit à son épée, des voix du peuple à Tassentiment de sa chevalerie. Pour combattre la combinaison espagnole de l'infante, qui répondait aux sympathies des halles et de l'union, les royalistes du camp béarnais publièrent une suite de pamphlets qui roulaient sur ces deux propositions : Que les François n'ont jamais pu souffrir estrangers régner sur eux ; que la domination des femmes a esté calamiteuse. Ces pamphlets servaient à démontrer que personne ne pouvait entreprendre guerre contre qui que ce soit sans la permission du prince. Les femmes ne peuvent ny doivent régner ; si Brunehaut espagnolle n'eust pas régné en France, elle n'eust pas fait mourir dix-huit princes du sang royal ; Frédégonde, femme impudique, fit tuer un roy au milieu de son armée ; la mère du roy saint Louis conseilla à sondict fils la guerre contre les Sarrazins, laquelle fut calamiteuse aux François ; la femme du roi Charles VI troubla le royaume ; Clotilde, femme de Clovis, roy de France, a entretenu ses enfants en querelle, tout le royaume de France en troubles ; la régente, mère du roy François Ier, par tout le temps qu'elle a régné, a fait tous ses efforts pour desfaire, raser et déraciner entièrement toute la maison de Bourbon. Ces pamphlets n'avaient pas un grand retentissement parmi des populations toutes préoccupées de la question religieuse ; que leur importaient les lois fondamentales, les principes parlementaires ! il s'agissait de sauver l'union municipale, et les secours de Philippe n favorisaient ce résultat. Il faut répéter qu'à cette époque les questions de nationalité n'avaient pas cette puissance d'opinion que depuis elles ont obtenue ; la pensée religieuse agissait avec une énergie bien autrement saisissante. En résultat, c'était aux états-généraux qu'allait être déférée la solution de ces droits et de ces prétentions diverses. Le duc de Mayenne avait promis au roi d'Espagne la convocation des états ; le lieu en avait été fixé à Reims, ville de France catholique, et les pouvoirs du duc de Feria étaient même spéciaux pour se présenter devant cette grande assemblée : Grands, magnifiques et mes bien-aimés seigneurs, leur disait le roi Philippe, je prends un si vif intérest aux affaires de toute la chrestienté et particulièrement de la France, que vous me voyez tousjours prest à assister ce royaume dans toutes les circonstances qui intéresseront la religion. Je n'en veux d'autres preuves que les secours que je luy ay fournis et que je luy fourniray encore. Mais aujourd'huy je ne me suis pas borné là ; j'ay envoyé auprès de vous un personnage de la qualité, de l'importance du duc de Feria, pour qu'il assistast en mon nom aux estats, et pour qu'ils ne se séparassent pas sans avoir pris une résolution définitive : eslire un roy aussi catholique que les circonstances présentes l'exigent, afin que le royaume de France remonte à ce haut degré de splendeur religieuse qu'il occupoit autrefois. Il n'était pas un parti à Paris qui ne se tournât vers le roi d'Espagne, parce que là étaient les deux grands mobiles dans le mouvement qui sa préparait : l'argent et les hommes de guerre. Le duc de Mayenne, si antipathique de droits et d'intérêts à Philippe II, avait confié une ambassade spéciale au président Jeannin auprès de ce prince. Sa majesté catholique est suppliée de la part de monseigneur le duc de Mayenne, au nom de tous les catholiques unis de la France, de leur vouloir accorder pour quelque temps l'entretenement de deux armées conduites par tels chefs qu'il luy plaira, et si elle l'a agréable, l'une par monseigneur le duc de Parme, l'autre par mondict seigneur le duc de Mayenne, qui soient les deux ensemble de trente-six ou quarante mille hommes de pied françois ; six ou huit mille Suisses. Que l'une de ces deux armées ayt charge de s'opposer au prince de Béarn, de l'empescher d'entreprendre, et faire mieux si l'occasion s'en offre. L'autre qui pourra estre moindre s'employera à assiéger, places et commencera par la liberté entière de Paris. Outre la force dont nous avons besoin, il est aussi du tout nécessaire que nous ayons un roy catholique, car les François accoutumés à ceste façon de gouvernement ne peuvent plus estre maintenus en aucune obéissance et devoir que par le respect de ce nom, titre et dignité : seulement on n'est pas d'accord sur celui qu'ils doivent appeler à cesle dignité. Sa majesté en fera, s'il luy plaist, le jugement et le choix. Quelques-uns tiennent ceste opinion, et le nombre en est grand, qu'il se faudroit arrester à un prince catholique de la maison de Bourbon, comme estant ceste famille appelée par les loys à la couronne. C'est à sa majesté de juger s'il y a sûreté ou non, faire assembler, au mesme temps que nos forces seront prestes, les estats catholiques et non plus tost ; publier que c'est pour l'eslection d'un roy catholique ; montrer qu'on est tousjours disposé à recevoir les princes de la maison de Bourbon.

Le duc de Mayenne était-il de bonne foi dans les offres qu'il faisait au roi d'Espagne ? N'appelait-il pas seulement des subsides pour servir ensuite sa propre cause ? Dans tontes ces circonstances, le duc de Mayenne, expression de la bourgeoisie, conservait ce caractère mitoyen qui lui était propre, ce désir de traiter avec tous les partis et de les servir tous, pour éviter une crise trop vive, trop décisive, et en tous les cas retirer le profit possible de sa situation. Le roi Philippe semblait juger cette avidité bourgeoise de Mayenne quand il écrivait à son ambassadeur, Don Diego de Ibarra : Ce que vous me dictes sur les prétentions du duc de Mayenne me paroist fort estrange ; je devois, dict-il, lui fournir cent mille escus pat mois pendant le temps mentionné ?Cette demande est sans fondement ; il doit se référer à la response que je fis dans le temps au président Jeannin : j'y promettois de payer les troupes du duc de Mayenne Sur le mesme pied que celles sous le commandement du duc de Parme[3].

C'était dans l'espérance d'une convocation prochaine des états que ces négociations étaient engagées. Le duc de Mayenne promettait sans cesse de les réunir, car les sollicitations de Philippe II étaient vives, pressantes, les états pouvant seuls décider la question de la couronne. Le duc de Mayenne signait des lettres de convocation, puis les contremandait ; d'un autre côté, les villes, toutes soumises à la liberté municipale, ne tenaient pas à ces réunions générales qui leur enlevaient toujours quelque partie de leur indépendance locale ; elles apportaient des longueurs, des empêchements, ne permettant pas aux députés de traverser leurs murailles, de franchir leurs portes et leurs ponts-levis. Deux instructions furent envoyées par Philippe II au duc de Feria, pour sa conduite aux états-généraux. L'une est patente, l'autre secrète. On voit dans la première que l'élection d'un roi catholique ardent est le but principal de la mission du duc de Feria : Point de régence, ou cessation des secours de l'Espagne ; éloignement de tous les princes de la maison de Bourbon, et reconnaissance des droits de l'infante. La minute de cette instruction porte exclusion pour le prince de Béarn et POUR CEUX DE LA MAISON DE BOURBON QUI L'AVAIENT SUIVI[4]. Philippe II a souligné ces mots, et il a ajouté à cette occasion la note suivante de sa main : Il se pourroit qu'au moment où la question sera traitée, les membres de la maison de Bourbon ne suivissent pas le prince de Béarn, ou s'en fussent séparés, comme vous sçavez que l'a faict le cardinal ; et pour ceste raison, je crois qu'il seroit mieux d'effacer les mots que j'ay souslignés[5]. L'instruction secrète est toute couverte de notes marginales de la main de Philippe II. Pour bien vous fixer, écrit-il, lorsqu'il s'agit de choisir un roi de France, voici dans quel ordre vous devez poser vos préférences : 1° Vous soutiendrez d'abord l'eslection de l'infante. — 2° La mienne. — 3° Celle d'un de mes cousins d'Allemagne. — 4° Celle du duc de Guise. — 5° Enfin, celle du cardinal de Lorraine. — Et dans les troisième et quatrième cas, ce seroit conjointement par un mariage avec l'infante. Plus tard, nouvel envoi d'un long mémoire sur les droits de l'infante de Castille au trône de France, commenté et approuvé par les docteurs Puyvesino et Perla, de Salamanque : Qu'est-ce que la loi salique ? Elle n'est pas applicable dans ce cas ; les auteurs, tant anciens que contemporains, ont tort d'admettre que l'exclusion des femmes au throsne a son origine dans le droit public.

Dans toutes les instructions secrètes ou publiques de Philippe II, on voit qu'il n'est aucunement question des prétentions du duc de Mayenne pour l'associer à la couronne. Le roi d'Espagne se défiait de lui et des parlementaires dont il était l'expression. Il n'en était pas de même du duc de Guise. Le roi savait toute sa popularité ; un bon mariage entrait même dans ses dernières intentions. Mon cousin, écrivait-il à l'héritier de la grande maison ; j'ai reçu avec les despesches de D. Mendo Rodrigues la lettre que vous m'avez escrite ; j'y vois que vous marchez d'un pas ferme vers'les obligations que vous impose le service de Nostre Seigneur. Tout moyen doit estre valable pour assurer un succès durable ; vous réclamez à cet égard mon appui ; or, croyez bien qu'en marchant sur les traces de vostre père, et de ceux qui sont morts pour la desfense de la religion catholique, vous trouverez en moy le plus zélé desfenseur et amy. Et à quelle condition proposait-on la belle et grande monarchie de France au roi catholique ? Ce roi absolu, éternel, Philippe, accepterait-il toutes les clauses que voulait imposer la sainte-union ? Ces clauses étaient de plusieurs natures : les unes se rattachaient à des ambitions personnelles, comme il arrive toujours dans les transactions humaines ; les autres, plus noblement inspirées, donnaient pleine satisfaction aux opinions, aux intérêts, aux grandes libertés des villes, des partis et des états. 1° Sa majesté procureroit de tout son pouvoir que l'hérésie fust exterminée de France, avec justice exemplaire des renieurs, blasphémateurs du nom de Dieu et des saincts. Establiroit en tout ce royaume le sainct office de l'inquisition, formidable aux mes-chants et désirable aux bons. Sa majesté ne pourvoiroit aux primaties, archeveschés, esveschés, abbayes et bénéfices de ce royaume, ny aussi aux places fondées pour l'entretenement des jeunes gens pauvres, tant ès collèges que hospitaux, aucun estranger dudict royaume. Sa majesté aussi ne pourvoiroit aux estais de connétable, de chancelier, des quatre mareschaux, d'admiral, de grand escuyer, de grand maistre, de grand chambellan, de grand prevost et autres, que des François naturels. Toutes tailles, subsides et impositions introduites depuis le temps du roi Louis XIIe, sauf la gabelle du sel au lieu où elle est reçue, et les décimes, seront cassés, révocqués et annulés. Sa majesté permettroit le trafic de tous ses pays d'Europe, Asie, Afrique, Amérique, isle de la mer Océane, ainsi que sa majesté le permet aux Espagnols ; le roy ne se nommeroit plus roy d'Espagne, non plus que roy de France, mais le grand roy ou autre tel titre qui ne portast spécialité. Les estats se tiendront de quatre en quatre ans, où on ad visera à réformer les choses appartenantes à l'estat. Ainsi catholicisme ardent, unité religieuse, liberté municipale et politique, élection royale, souveraineté des états, leur convocation périodique, déchéance delà couronne au cas de la violation du serment, régularisation des taxes, examen des comptes, franchise du commerce ; tel était le fondement dé la sainte-union des villes, telles étaient les conditions auxquelles elles voulaient faire un roi. Mais tout cela était encore bien confus, bien indécis : tant que les états n'étaient pas rassemblés, on ne pouvait jeter que des projets, on ne pouvait préparer que des intrigues. Les bons députée des villes et des provinces allaient arriver à Paris ; les prétendants exposeraient devant eux leurs droits respectifs, et ces droits seraient appréciés et jugés par les mandataires des trois ordres : clergé, noblesse et bourgeoisie allaient élire un roi.

Dans les crises de la monarchie, toutes les fois qu'un mouvement se développait avec quelque énergie, il y avait tendance à reconstituer la vieille nationalité provinciale : que ce mouvement vînt des tilles ou des barons, il avait le même esprit ; on se détachait du centre pour se grouper en provinces indépendantes, circonscriptions mieux en rapport d'habitudes, de langage avec chaque origine de peuples et d'invasions. Les ligues de cités, quoique dominées par l'unité catholique, avaient produit un résultat de morcellement ; de grandes familles qui possédaient les gouvernements héréditaires, de vastes fiefs, des droits de protection et de vieilles origines, s'étaient déclarées affranchies de toute obéissance, il y avait des parlements particuliers pour la justice et l'administration ; des cours des comptes, aides, finances. On n'avait besoin de l'autorité royale que pour conserver une suzeraineté politique dont les liens étaient si faibles encore. Cette démolition du principe d'unité avait commencé par la Bretagne : sa position loin des mœurs et de la langue des autres provinces, l'isolement de ses villes, ce territoire de grands fiefs et de haute famille, favorisaient cette existence à part, cette vie d'indépendance féodale. Là il y avait un peuple encore vierge, dans un pays coupé de vieux châteaux crénelés, de forêts séculaires, fécondes en aventures de chevalerie et en souvenirs de romans ; Morgane n'y avait-elle pas laissé toute l'épopée de sa puissante magie ! La ligue s'était largement organisée dans la fervente Bretagne ; le duc de Mercœur, de la famille de Lorraine, en avait secondé l’impulsion ; l'ascendant qu'il exerçait sur les masses s'était accru par la faveur qu'il accordait au projet de la noblesse de reconstituer l'indépendance provinciale de la vieille Bretagne avec les grandes villes de Rennes, Nantes, Ploërmel, décorées de leurs municipes antiques. La position dû duc de Mercœur lui rendait urgents les secours de l'Espagne ; des bords de la Loire, Henri de Béarn, dans ses marches rapides, pouvait envahir la Bretagne. À l'origine de la ligue, le duc de Mercœur appelait .l'appui de Philippe II. Et le roi d'Espagne accorda des secours d'hommes et d'argent.

Les troupes espagnoles, sous les ordres de don Juan de Laguila, entrèrent en Bretagne ; et le 1er décembre 1590, le duc de Mercœur écrivait à Philippe II : Sire, il seroit donc requis qu'il plust à vostre majesté m'ayder. Et nettoyant bientôt ceste province, comme j'espère faire, par la grâce de Dieu, et l'appuy qu'il plaira à vostre majesté me donner, l'on pourra tirer des commodités non seulement pour la conserver, mais aussi pour employer au service de l'Espagne dans l'entreprise d'Angleterre où autre, ainsi qu'elle voudra commander, tant pour lever des gens de pied et de cheval que pour armer des navires. Le duc de Mercœur avait raison de prévoir ce soulèvement des provinces d'Anjou et du Maine. L'envoyé auprès des braves Bretons, don Mendo de Ledesma, écrit à Philippe II : Les Bretons viennent à vostre royale majesté, comme à leur unique protecteur et seigneur, la supplient en toute humilité de leur faire grâce et faveur de secourir ces deux provinces, tyrannisées par l'ennemy, de deux mille soldats espagnols à pied et deux cents chevaux.

Le mouvement de la Bretagne, de l'Anjou et du Maine se liait à la vaste province du Languedoc, cette vieille patrie des Albigeois où hérésie avait été si fortement réprimée au treizième siècle. Les catholiques avaient pris les armes sous le duc de Joyeuse, de cette famille de nobles favoris, dont le chef avait été couvert de colliers d'or, de pourpoints d'une blanche soie, et du cordon de l'ordre pendant sur sa jeune poitrine. Joyeuse, alors à Toulouse, s'adressait à Philippe II : Sire, j'ay vu, par la lettre de vostre majesté, comme il lui plaist d'avoir égard à ce que je luy ay si souvent demandé, pour le bien commun de tous les catholiques de cette province de Languedoc, laquelle ne peut guère davantage subsister, s'il ne plaist à vostre majesté nous continuer le secours qu'elle nous a si bien commencé, et duquel elle nous donne quelque espérance. Partout dans ces provinces étaient répandus les agents de l'Espagne, parmi ces nombreux couvents, affiliation sainte qui embrassait la catholicité. Un pauvre frère Basile, capucin, était en correspondance avec le grand roi et son secrétaire don Juan d'Idiaquez ; il lui donnait des avis sur les affaires du Languedoc, sur la manière de se conduire pour le triomphe de la cause commune. Ce frère Basile voyait les duc et cardinal de Joyeuse, le marquis de Villars et tous les chefs catholiques du midi ; il avertissait la cour d'Espagne des conférences qu'il avait eues avec eux, et surveillait ceux-là même qui étaient en rapport avec Philippe n. La Gascogne, qui agissait plus nettement dans les intérêts catholiques, adressa à son royal protecteur un mémoire pour demander son aide.

En réponse, le roi d'Espagne envoya des secours au duc de Joyeuse en Languedoc ; quelques régiments passèrent les Pyrénées et prirent garnison à Toulouse et à Montpellier. Dans le Lyonnais et la Bourgogne, le duc de Nemours obtenait le même résultat au profit de la ligue. Jamais la sainte ville de Lyon ne s était démentie un moment de ses sympathies et de ses croyances, toutes pour le catholicisme et la digne association : elle en avait hautement arboré les couleurs ; et pour imiter la ville de Paris, ses consuls et échevins appelaient la protection du roi d'Espagne : La bonté de vostre majesté nous faict prendre la hardiesse de lui faire représenter par le sieur de Pellissier une partie de nos affaires. Le dedans de la ville est gardé par les naturels habitants qui font guest jour et nuict d'un grand courage, encore que cela leur apporte une très forte despense et incommodité indicible. Cela, sire, nous a donné occasion de recourir à vostre libéralité ; et la supplier très humblement qu'ayant esgard à l'importance de ceste ville convoitée par les ennemis, il luy plaise de nous impartir quelques petites sommes de deniers par chascun mois.

Et en Provence quelle ferveur et quel zèle ! parlement, cités municipales, Aix, Marseille, Arles, tout se réunissait pour la conservation de l'antique foi catholique. Elle venait, cette grande province, de recevoir un secoure effectif du duc de Savoie et des Espagnols, auxiliaires de la sainte-ligue. Le duc de Savoie était entré dans Aix, appelé par le parlement ; Marseille voyait ses braves galères unir aux couleurs du duc ses longues flammes, ses banderoles à croix". Quelques gentilshommes, sous la conduite du sire de Village, avaient voulu crier fueros los Savoyards ; mais le peuple, sous son premier consul Casaulx, avait salué le prince, défenseur de sa croyance et de ses libertés municipales. Gomme dans la commune de Paris, toutes les rigueurs furent dirigées contre les huguenots et les bigarras, tiers-parti qu'on signalait ainsi dans le patois de Provence[6]. Cependant quelques différends s'élevèrent entre le consul Casaulx et le duc de Savoie sur les privilèges de la ville : les Marseillais n'auraient jamais souffert qu'une garnison oppressive entrât dans les murs de leur république municipale, et lorsque, par surprise, le parti des gentilshommes se fut emparé du monastère de Saint-Victor, Casaulx fit pointer des canons contre ses hautes murailles, car la ville voulait elle-même défendre ses droits et sa fol religieuse. En 1S91 une transaction réunit les esprits dans la cause commune. La possession de la Normandie était plus disputée et plus difficile ; la ligue y régnait moins en souveraine. Dans cette province, alors le théâtre de la guerre, Henri de Navarre avait établi le centre de ses opérations militaires. La Normandie nourrissait Paris de ses richesses ; Rouen était toute sympathique d'opinion avec l'hôtel de Grève ; c'était en quelque sorte le même peuple. Il était rare que le mouvement qui éclatait dans une de ces cités ne retentît pas profondément dans l'autre. Henri de Navarre sentait la nécessité de s'emparer de la seconde capitale de la ligue ; et après avoir fourragé quelque temps dans les environs de Mantes et de Lisieux, il se présenta tout à coup devant Rouen, confié alors à Villars (Brancas), gentilhomme provençal, bon ligueur et capitaine de gens d'armes. Le Béarnais avait réuni ses auxiliaires anglais, ses lansquenets d'Allemagne, sa brave chevalerie ; il pouvait tenter un coup de main. Néanmoins pour éviter un siège, il écrivit à ses amés et féaux les maire, échevins et habitants de la ville de Rouen : Encore que vous ayez pu cognoistre, par le succès de mes affaires, ma bonne et saincte intention de traiter tous mes subjects comme un bon père de famille, ce néanmoins persuadés par le roy d'Espagne (qui me veut priver de ma légitime succession), que je veux abolir la religion catholique, vous continuez toujours en vostre resbellion, encore que j'aye fait par actes le contraire dans les villes soumises en mon obéissance ; de quoy j'ay bien voulu vous advertir, afin que, secouant le joug des Espagnols, qui vous rendroient à jamais misérables, vous recognoissiez vostre roy légitime ; autrement si vous me contraignez d'employer la force, il n'est pas en mon pouvoir d'empescher que la ville ne soit pillée. Le secours du duc de Parme que vous attendez ne vous servira guère, car il ne pourra aller jusqu'à vous sans une bataille, fit les ligueurs, se souviennent de celle d'Ivry. Au camp de Vernon, 1er décembre 1591. Henry.

Quand les échevins reçurent, en conseil de ville, ces propositions, tous s'écrièrent : Est-ce que le Béarnais se mocque de nous ; est-ce qu'on ne cognoist pas ses déportements ? Croit-il que nous ayons oublié la prise d'Estampes et de Louviers, où furent faicts de si cruels carnages, et de Vendosme, où il fit décoller monsieur de la Maille Bernard, et perdre un cordelier, docteur de Sorbonne, nommé M. Gessé ? Aux ongles nous cognoissons le lyon. Nous n'ayons rien à faire d'un tel hoste. Il nous reproche de servir l'estranger ; est-ce que luy-mesme ne remplit pas le royaume d'Allemands et d'Anglois, lesquels, outre l'hérésie, sont ennemis conjurés du royaume de France ? Allez donc, M. l'hesrault, porter nostre résolution de mourir plutost que de recognoistre l'hérétique pour roy.

La défense des catholiques dans Rouen fut admirable comme l'avait été celle de Paris. On y vit les bourgeois de la ville sous l'estendard du Crucifix, pieds nuds, chascun un flambeau de deux livres en la main ; grand nombre de petits enfants qui chantoient les litanies, et puis les saincts reliquaires de mincX Romain, de sainct Godard, de sainct Ouen et de sainct Cande, Jean Dadræus faisoit de longues prédications, il montroit fort doctement les raisons qui empeschent de recevoir un hérétique pour roy de France : un jour fit lever la main au peuple de plustost mourir que de recognoistre Henry de Bourbon, hérétique, relaps, pour tel déclaré et condamné par les papes Sixte V et Grégoire XIV. Pendant ce temps le Béarnais attaquait vigoureusement la porte Sainct-Hilaire ; mais les habitants étoient tous sous les armes, résolus de s'ensevelir sous les ruines de la cité, et ce brave M. de Villars, à la teste des bons bourgeois, faisoit de fréquentes sorties, notamment une par la porte Cauchoise qui fut meurtrière aux hérétiques[7].

La sûreté et les subsistances de Paris dépendaient de Rouen. Les membres de l'union le sentaient bien ; comment lutter avec de simples troupes de bourgeoisie contre Henri de Navarre à la tête de la chevalerie huguenote ? Le duc de Mayenne s'était rendu en toute hâte auprès du duc de Parme, dans les Pays-Bas, pour appeler de nouveaux secours. Il lui avait exposé les besoins de la ligue, la nécessité de transiger avec le Béarnais, si Rouen n'était pas secouru comme l'avait été Paris. Le duc de Parme fit de nombreuses difficultés ; il voulait faire acheter ses services ; il n'avait pas été content de la reconnaissance des Parisiens après les avoir délivrés du grand danger du blocus et de la famine : quel sort allait être réservé aux intérêts de l'Espagne ; élirait-on l'infante dans les états ? ferait-on quelques concessions au roi Philippe II ? Le duc de Mayenne promit beaucoup, montra l'importance, avant toute chose, de ne pas subir la domination du Béarnais, résultat inévitable, si l'on ne délivrait Rouen. Farnèse se décida à une seconde campagne, et les braves soldats espagnols saisirent leurs pique set arquebuses. L'armée wallonne traversa de nouveau, la Picardie avec cet ordre admirable qui avait si bien réussi lors de la première pointe sur Paris. Il est facile de juger, par les lettres du duc de Parme, tous les mouvements qui précèdent ou suivent cette campagne des Espagnols en Normandie.

Alors la famille de Guise, et le jeune fils bien-aimé de l'illustre Macchabée s'étaient rendus dans les Pays-Bas. De Landrecy, le 18 décembre 1591, le duc de Parme écrivait au roi d'Espagne : Je ne sçaurois dire combien j'ay de regret de voir les choses de ce royaume et celles de l'union en particulier dans la confusion où elles sont ; ne pouvant entretenir les uns ny les autres, ny subvenir à Mayenne, ny aux François qu'on pourra avoir. J'en crains les désordres et desbandements ; Dieu y pourvoira, car Mayenne et les François sont desgoustés par faute de ne pouvoir et n'avoir moyen de leur subvenir ; je ne sçais ce qu'il en seiu de nous et comment nous pourrons faire le royal service de vostre majesté en aucun lieu, puisque le tout sera exposé au bénéfice de la fortune, en une saison et affaire qui devroient estre bien différentes de ce qui est ; de sorte que je ne sçais que dire, sinon que nous recommander à Nostre-Seigneur et en ses miracles, car autrement il n'y a apparence, je ne dis pas d'obtenir ce que Ton prétend, mais encore de nul bon succès.

Le 15 janvier 1592, le premier mouvement des Espagnols commença sur les frontières ; le duc de Parme s'empresse de récrire à Philippe II : Sire, je partis de Landrecy samedy dernier, et vins loger sur les limites de France ; et pour ce qu'il me falloit passer bien près de Guise, où estoient pour lors la duchesse et le duc son fils, il me sembla qu'en passant je luy devois aller baiser les mains pour sçavoir quelle seroit son intention sur les affaires de ce royaume, ce que je fis ; et à ce que je pus comprendre, par les propos de Madame qui me furent confirmés par l'évesque de Plaisance qui estoit avec elle, je connus bien qu'elle ny son fils n'estoient aucunement contents du duc de Mayenne, se plaignant à moy du peu de compte qu'il avoit d'eux, disant qu'il ne faisoit son devoir à leur égard, et qu'il prendroit plutost le chemin d'amoindrir que d'advancer l'auctorité du duc de Guise. Sur le tard arriva le duc de Mayenne pour voir Madame, se trouver avec moy et traicter ce qu'il faudroit faire sur les choses plus pressées, et me semble que je l'ay trouvé plus retenu en ses paroles et avec plus d'ombrage et de soupçons qu'il n'avbit accoutumé ; il entra en mille plaintes, tant pour le regard de l'argent que pour le faict de don Diego. Enfin nous entrasmes sur la matière principale de la convocation des estats, et sur le surplus de l'eslection et déclaration d'un souverain catholique, luy rappelant l'instruction de vostre majesté touchant la sérénissime infante ; à quoy il dit qu'il la serviroit comme il estoit obligé ; mais qu'il estoit nécessaire de gagner plusieurs gentilshommes pour parvenir à ceste fin, me voulant faire entendre que sans cela, rassemblée des états seroit de nul profit.

Cependant l'armée espagnole marchait au secoues de Rouen qui jetait de temps à autres ses braves défenseurs dans de périlleuses sorties. Le siège continuait avec persévérance, et les catholiques redoublaient de zèle, en face de cette troupe huguenote et royaliste qui menaçait ses murailles. La population des halles, des métiers, les bouchers, tisserands, les clercs de, écoles, tous couraient aux remparts, maniaient l'arquebuse ou la couleuvrine. S'il y avait des traîtres, des hommes malintentionnés qui songeassent à Henri de Navarre, ils étaient dénoncés par le peuple, frappés par le parlement. Vu par la cour, toutes les chambres assemblées, la requeste présentée par le procureur-général du roy, contenant qu'à l'occasion du siège mis devant ceste ville par Henry de Bourbon, prétendu roy de Navarre, aucuns malaffectionnés estant en icelle, ne séduisent le peuple, la cour faict très expresses inhibitions et defenses à toutes personnes, de quelque estât, dignité et condition qu'elles soient, sans nul excepter, de favoriser en e,ucune sorte et manière que ce sojt le parti dudict Henry de Bourbon, mais s'en désister incontinent, à peine d'estre pendus et estranglés. Et d'autant que les conjurations apportent le plus couvent la ruine totale des villes où telles trahisons se commettent, est ordonné que par les p,ces publiques de ceste ville et principaux carrefours d'icelle, seront plantées potences pour y punir ceux qui seront sy malheureux que d'attenter contre leur patrie ; et à ceux qui descouvriront lesdictes trahisons , encore qu'ils fussent complices, veut la dicte cour leur deslict leur estre pardonné, et leur estre payé deux mille escus à prendre sur l'hostel-de-ville[8].

Et qui aurait osé affronter les arrêts de la cour ! qui aurait osé parler du Béarnais au milieu de ce peuple qui défendait si vaillamment ses murailles contre les gentilshommes et les bandes d'étrangers pillards ! Henri de Navarre laissa un corps de troupes sous le maréchal de Biron, devant Rouen, et à la tête d'une nombreuse cavalerie, il courut harceler l'habile et prudent Farnèse, qui s'avançait en bataille, des frontières de Flandre. A Aumale, la mêlée fut chaude ; les arquebuses et couleuvrines retentirent ; Henri de Navarre s'aventura, comme il faisait toujours, avec sa témérité de gentilhomme, jusqu'au milieu des avant-postes ennemis ; il en revint blessé, échappant à peine aux regimientos espagnols, aux braves lances wallonnes. Le 9 février, le duc de Mayenne annonçait des succès au légat : J'ai eu advis, par un trompette des ennemis, que dans l'escarmouche, à Aumale, le roy de Navarre avoit reçu un coup de pistolet au-dessous, de sa cuirasse, qui lui avoit tout froissé le costé, et en gardoit la chambre ; de façon, monsieur, que cet effect a beaucoup accru le courage des nostres. Nous parlons tous demain pour nous advancer, et ne serons plus esloignés de Rouen que de six petites lieues et fort proches des ennemis. Je ne faudrai de vous donner advis de ce qui se passera entre nous et eux, et Dieu nous fiasse la grâce que le succès en soit à sa gloire et au bien de l'église.

L'armée catholique continuait sa marche sur Rouen ; l'avant-garde obéissait au duc de Guise, à MM. de La Châtre et Vitry : la bataille était conduite par Farnèse, le duc de Mayenne et le duc Hercule, neveu du pape Grégoire XIV ; le duc d'Aumale était à la tête de l'arrière-garde. Les Suisses et l'artillerie étaient sous les ordres de Bassompierre et de La Motte. Deux moyens se présentaient pour la délivrance de Rouen : l'un d'attaquer en face l'armée du Béarnais, arquebuse pour arquebuse, couleuvrine pour couleuvrine ; l'autre de se rendre maître de la petite ville de Caudebec, de la plus haute importance par les magasins qu'elle contenait. Ce dernier parti fut adopté et exécuté avec une grande habileté. Le duc dé Parme y reçut une blessure dangereuse. La prise de Caudebec compromettait la position de Henri IV. L'armée espagnole était si menaçante, ses regimientos si nombreux, que le Béarnais demandait partout des secours. Alors il écrivait à M. de Beauvoir, son ambassadeur â Londres auprès d'Elisabeth, en lui donnant quelques détails sur les opérations militaires devant Rouen : Continuez, mon amy, l'instance que je vous ay mandé faire auprès de la royne madame ma bonne sœur, qu'il luy plaise faire accélérer le secours dont je l'ay supplié me vouloir assister, et si tout ne pouvoit estre promptement assemblé, dès qu'il y auroit mille hommes prests, qu'elle les voulust faire, passer, et faire suivre le reste jusqu'à quatre mille hommes que je luy ay demandés. P. S. (De la main du roi.) Le duc de Parme a esté blessé d'une arquebusade ou une mire, devant Caudebec, qui luy fut rendu avant-hier par composition ; et néanmoins il ne laisse pour sa blessure de comparoistre aux affaires[9]. Menacé dans toutes ses positions, le maréchal de Biron leva le siège de Rouen le 22 février, à midi, contre le gré de ses soldats, qui, disaient-ils, aimoient mieux mourir que de se retirer après les rigueurs de l'hyver qu'ils n'avoient pas enduré pour lascher le pied. Le roi de Navarre était allé à Dieppe avec une partie de l'armée hérétique, tandis que les Anglais se retranchaient à Arques. Quelle joie dans Rouen pour cette bonne délivrance ! Messieurs du parlement, suivis de tous les habitans, allèrent le jour mesme à Nostre-Dame rendre grâce à Dieu d'une telle nouvelle, et après le Te Deum chanté, furent faicts feux de joie aux places publiques, et toute l'artillerie de la ville tirée en signe d'allégresse. A l'imitation de la bonne ville de Paris, après la délivrance, les maires et échevins écrivirent au duc de Parme, leur sauveur, et chef des braves Espagnols : Dieu, père de miséricorde, nous a faict sentir sa paternelle providence par le secours de l'armée conduicte par votre altesse, qui a préservé ceste ville de la rage des hérétiques, et sauvé par ce moyen ce royaume, dont elle est principal membre, de la persécution cruelle de l'hérésie. De sorte qu'après Dieu nous vous recognoissons, avec nos princes, sauveurs, libérateurs et protecteurs, non seulement de ceste ville, mais de tout le royaume de France.

Le duc de Parme ne négligeait pas ces bons rapports avec les villes municipales ; il savait toute la force, toute la puissance des états ; le peuple était pour lui ; ne i'allait-il pas songer à l'élection de l'infante ? aménager les conseillers et échevins ? La position de l'armée espagnole, après la délivrance de Rouen, aurait été critique, si le duc de Parme ne s'était assuré un pont sur la Seine ; ces ponts étaient rares ; plusieurs au contraire facilitaient les abords de Paris. Appuyé sur la grande cité, on pouvait effectuer ce passage à l'abri des murailles, de leurs pièces d'artillerie, des braves bourgeois armés. Les privilèges municipaux étaient alors d'une telle force, qu'aucun homme de bataille ne pouvait pénétrer dans une ville fermée sans l'avis des conseillers, magistrats et chefs de quartiers, nobles gardiens des chartes. Le 15 mai 1592, Farnèse écrivait aux échevins de Paris : Messieurs, je ne doute que n'ayez entendu ce qui s'est passé au désassiégement de la ville de Rouen. Nous vous en avons bien voulu advertir, et que sa majesté ne veut abandonner ceste cause saincte ni nous, afin que continuez et persévérez à vous comporter comme avez si bien faict jusqu'à présent ; et s'il est besoin de passer par vostre ville, nous faire donner passage ou barques pour faire un pont sur la Seine, comme nous sera plus commode ; et assurez-vous de nostre amitié et de l'affection que nous avons à vostre propre bien. Et que le duc de Parme avait bien compris les bons habitants de Paris ! Comment auraient-ils refusé passage à l'armée catholique et libératrice qui venait de sauver une cité alliée ! Le lundy 18e may, il y eut assemblée faicte en l'hostel-de-ville au petit bureau, pour adviser aux moyens de faire la réception et frais de l'entrée en ceste dicte ville de MM. les prince de Parme et duc de Guise. La compagnie a esté d'advis qu'il estoit très nécessaire d'aller cejourd'huy à la porte de Bussy, par où doivent entrer lesdicts seigneurs et leur faire la réception qui leur est due, et de là, les accompagner jusques ès-maisons où ils descendront comme princes qui le méritent, s'il y en a au monde. El le mardy 19e du présent mois, lesdicts sieurs prevost des marchands et eschavins, et le sieur Morin, procureur de la ville, se mirent en coche et furent au chasteau de Meudon, où estoit le duc de Parme, pour lui faire la réception et donner quelques présents au nom de la ville ; lequel seigneur ils trouvèrent sur le chemin de Gentilly, et luy fut faict par M. le prevost une petite harangue, à laquelle il fit response fort honnestement, et remercia la ville de ce qu'elle lui faisoit beaucoup d'honneur. Et le 20e, on distribua les présents à MM. les ducs de Guise, prince dé Parme et deux de ses neveux, aux sieurs de Plaisance, Saint-Paul, de Rosne, et plusieurs grands seigneurs qui avoient accompagné lesdicts princes. Ce fut encore un notable résultat obtenu par la tactique du duc de Parme ; Rouen était délivré comme Paris, et cela sans presque aucune perte. Farnèse épuisait en courses de montagnes et de plaines toute la chevalerie du Béarnais ; et lui, restait inexpugnable avec ses bons régiments, ses batailles de lances couvertes de chariots ; partout où l'Espagnol se portait en masse, le but militaire était atteint. Une des grandes villes catholiques était sauvée ; Henri de Navarre obligé de s'éloigner. Puis, comme les Pays-Bas avaient besoin de l'armée espagnole, le duc de Parme, harcelé par la gentilhommerie, qui croyait le retenir en son pouvoir, opéra cette retraite merveilleuse à la vue du Béarnais, lequel ne s'en étant pas douté, ne put opposer aucune résistance. Farnèse passe la Seine, côtoie Paris, et se rend en Flandre sans coup férir. La mort l'enleva bientôt au commandement suprême des provinces confiées à son habileté et à son courage.

Les mouvements de la chevalerie calviniste étaient particulièrement secondés par les troupes auxiliaires. Jamais Henri de Navarre n'aurait pu, avec ses seules forces, conquérir une à une les provinces du royaume de France, étroitement liguées. Que pouvait-il, noble et pauvre enfant de race, contre cette population active des communes, défendant ses croyances sur le champ de bataille, aux éclats des couleuvrines et arquebuses ? Il se vidait sur la terre de France une vaste querelle : le catholicisme et la réforme s'étaient personnifiés dans Philippe II et Elisabeth. C'était une guerre d'influence entre l'Espagne et l'Angleterre. Les Anglais ne pouvaient souffrir l'occupation simultanée de la France et des Pays-Bas par une puissance rivale. Une flotte et des hommes de débarquement partis d'Anvers et de La Rochelle, c'en était fait de Londres et de Ses barons. On se souvenait de l'effroi qu'avait produit l'apparition de l'armada, et lorsque la tempête eut dispersé cet immense armement, toute Id préoccupation d'Elisabeth dut être d'empêcher le triomphe du catholicisme en France et en Angleterre, c'est-à-dire l'établissement haut et durable du pouvoir de Philippe II. Lorsqu'on pénétra profondément dans la conjuration de Marie Stuart, lorsqu'il s'agit d'examiner les éléments de succès sur lesquels le roi d'Espagne comptait pour les victoires de son armada, il fut reconnu que le parti catholique en Angleterre, lié d'opinion et d'intérêt avec Philippe II, favorisait Ses desseins. Ce fut le premier mobile de la nouvelle persécution contre les papistes. La vieille reine Elisabeth pouvait être fanatique de sa croyance ; mais il y avait au fond de cette ardeur persévérante, de ces mesures de confiscation, de ces verdicts de mort contre les dissidents. Une nécessité politique ; le catholicisme était le signe visible d'une conjuration en Angleterre, comme la réforme l'avait été en France ; les halles de Paris eussent brûlé un huguenot avec autant d'ardeur et de joie qu'on égorgeait les papistes dans les rues de Londres. C'était là l'expression de deux factions en armes. Mais en France l'avènement de Henri IV devint un principe de transaction. Rien de semblable ne se passa en Angleterre ; et voilà pourquoi la religion romaine y fut constamment persécutée comme une opinion dangereuse et menaçante. Cette situation, bien comprise d'Elisabeth et de sou conseil dirigé par Burleigh, entraîna l'Angleterre à la double mesure d'une alliance plus intime avec Henri de Navarre et d'une attaque régulière contre l'Espagne. 11 était évident que si le Béarnais triomphait et avec lui la doctrine réformatrice, la puissance de l'Espagne était frappée au cœur ; la France échappait d'abord à son système.

Rien de plus facile que de favoriser les Pays-Bas dans leur projet d'indépendance. La Hollande était déjà organisée en état libre ; tous les électeurs réformés de l'Allemagne, se détachant de l'unité catholique, secouaient la pesante couronne de Charlemagne. Ceci opérait un changement complet dans la situation politique de l'Europe. Si la ligue au contraire parvenait à ses fins, si une infante était saluée reine de France, tôt ou tard une révolution devenait imminente pour l'Angleterre. Philippe II pouvait diriger des escadres tout à la fois des ports de Bretagne, de la Normandie et de l'Escaut, sur la Tamise, où le parti catholique d'Irlande et d'Angleterre seconderait cette révolution. Attaquer directement l'Espagne, la presser dans ce premier moment d'embarras qui succéda à la défaite de l'armada, parut un bon projet au conseil d'Elisabeth, et surtout au jeune et brillant comte d'Essex, enfant de gloire, à l'époque héroïque où les favoris mouraient l'épée au poing à vingt ans ! Le jeune homme s'échappa des bras de la vieille reine pour courir à bord des navires de Dracke, le marinier intrépide, loup de mer qui revenait à chaque course avec son navire à plein bord chargé de doublons. Il y avait alors en Angleterre deux hommes qui pouvaient servir d'instrument aux projets d'Elisabeth contre la péninsule : don Antonio, prieur de Crato, bâtard de la couronne de Portugal, et qui l'avait disputée lors de la conquête par Philippe II ; et plus tard, Antonio Perez, secrétaire du roi d'Espagne ; Perez avait cherché là un refuge pour se soustraire au châtiment d'une trahison. Dracke prit à son bord le prieur de Crato ; vingt-deux mille Anglais débarquèrent à la Corogne. Mais quelle sympathie pouvaient-ils trouver sur cette terre ! il n'y avait pas deux croyances en présence. Le cardinal Albert défendit tout le littoral de l'Espagne. Le sort de l'armada frappa la flotte anglaise ; elle fut dispersée par la tempête, et rentra en désordre dans Plymouth. Le conseil d'Elisabeth ne renonça point aux projets de soulever l'Espagne, d'attaquer le catholicisme au cœur même ; il envoya des agents pour provoquer les débris de la nation des Maures vaincus et dispersés. En Catalogne, à Valence, dans la Biscaye, c'étaient les anciens fueros, les vieilles libertés que la reine invoquait. Une dépêche d'un agent secret à Philippe II, indique toutes les trames de l'Angleterre dans les provinces d'Espagne ; on y préparait des soulèvements. Philippe écrit de sa main au bas de la dépêche : Ceci est grave ; qu'on s'en informe sur-le-champ et qu'on sévisse avec toute rigueur.

Henri de Béarn n'était pas seulement aidé des forces militaires de l'Angleterre et de ses subsides ; sa diplomatie était habile à se procurer partout des auxiliaires. Au siège de Rouen, il parut jusque dans la Seine une flotte hollandaise pour seconder les opérations de l'armée assiégeante. La Hollande commençait à jouer un rôle dans les mouvements de l'Europe ; elle s'était constituée elle-même pour proclamer son gouvernement, et alors ce gouvernement se produisait au dehors par des alliances. En même temps Henri favorisait la rébellion morale qui se produisait dans les Pays-Bas catholiques, déclarant qu'ils voulaient être gouvernés par leurs propres lois et leur propre magistrat, tandis que l'archiduc Ernest, sous l'influence de l'Espagne, venait de leur imposer garnison de troupes wallonnes et de lansquenets, les restes des vieilles bandes de Naples et de la Catalogne. Le Danemark, la Suède étaient aussi dans l'alliance de Henri IV au nom de la réformation. Le Béarnais avait député auprès de ces deux cours des ambassadeurs spéciaux ; et c'est peut-être un des traits de l'habileté de Henri IV, que ce choix de négociateurs actifs, allant sur tous les points de l'Europe remuer les inimitiés contre l'Espagne, objet de toutes les haines, parce qu'elle était le principe d'une grande résistance au mouvement des idées et des nouveautés politiques. Dans cette année 1592, Henri accrédita auprès du sultan Amurat un nouvel ambassadeur, Savary de Brèves, neveu de Savary Lancosme, qui venait de mourir à Constantinople. Savary était porteur de pleins pouvoirs ; et comme la puissance de l'Espagne était antipathique au développement de la grandeur de l'islamisme, Henri IV cherchant à profiter de ces rivalités contre Philippe II, écrivait à Amurat : Très haut, très puissant, très excellent, très magnanime et invincible prince le grand empereur des Musulmans, sultan Amurat, en qui tout honneur et vertu abondent, nostre très cher et parfaict amy ; nous avons faict entendre à vostre hautesse l'intention que nous eusmes, dès nostre avènement à ceste couronne, d'avoir un ambassadeur vers elle pour confirmer de nostre part l'immuable volonté qui nous accompagnera jusqu'au tombeau, de persévérer en l'amitié et bonne intelligence contractées depuis longtemps entre les grands empereurs et les roys de France, mesme la restreindre et corroborer davantage, si faire se peut.

L'ambassadeur réussit complètement. L'histoire de ces négociations existe encore[10], et les résultats en furent favorables au développement du pouvoir de Henri IV. Le sultan soudoyait la révolte des Musulmans d'Espagne, de ces braves Maures qui n'avaient rien abdiqué, ni leurs mœurs, ni leurs croyances, culte sacré qu'ils conservaient dans leurs villages dispersés. Les flottes barbaresques menacèrent les côtes d'Espagne ; elles inquiétaient la tête vieillie de Philippe II. A chacune de ses victoires, à la nouvelle du plus petit de ses progrès, Henri IV se hâtait d'en écrire à son allié de Constantinople, pour appeler des secours et fortifier les liens des traités. Amurat suivait les campagnes du Béarnais en multipliant les conseils. Dans un long firman, expédié par ambassade, il lui disait : Vostre ambassadeur qui est ici nous a baisé les pieds, et nous l'avons reçu et escouté de bonne grâce. Il nous a dict que vous estiez roy de France, recognu de tous, et quô vous n'aviez des empeschements que du costé de l'Espagnol, avec lequel se sont joincts et mis quelques-uns de vos principaux vassaux, qui vous font la guerre jour et nuict ; il nous a prié de vous aider et assister ; ce que nous ferons bien volontiers si vous estes vraiment roy de France, et si les Espagnols s'y opposent. Le sultan fit plus encore : il mit ses flottes, sous pavillon musulman, à la disposition de Henri IV. Dans la campagne de Normandie, Henri IV eut encore les secours des Suisses réformés et des lansquenets d'Allemagne, troupes mercenaires, sans moralité, et qui couraient là comme des condottieri d'Italie au moyen âge. Henri de Navarre était resté maître de tout le plat pays de Normandie ; si le duc de Parme avait atteint son but, la délivrance de Rouen, la chevalerie du Béarnais, les Anglais auxiliaires sillonnaient en tous sens la plaine, et cette prise de possession d'une province était proclamée par les parlementaires comme une signalée victoire. Il fallait favoriser l'impulsion des esprits et préparer la puissance morale du parti de transaction ; il existe encore un bulletin tout entier écrit de la main du roi de Navarre sur ses opérations militaires de Normandie : Du 28 avril. Sa majesté, continuant son dessein de combattre le duc de Parme, usa de grande diligence pour approcher son armée, et se trouva proche d'icelle lorsqu'on l'estimait encore bien loin. Sa majesté se logea proche d'Yvetot, où estoient les ducs de Mayenne et de Guise, qui se retirèrent en grande diligence, et en furent tués cinq ou six cents sur la place. On a pris prisonniers le jeune baron de la Chastre, le gouverneur de Dreux, le chevalier Freton, et quarante-cinq autres. En mesme temps furent envoyés quatorze vaisseaux avec la grande galéasse de Rouen, chargés de vivres et de munitions, qui furent combattus par les Hollandois, partie pris et partie mis à fond ; et tous lesdicts vivres et munitions demeurés. Il s'est perdu seulement un vaisseau desdicts Hollandois. — Du 1er mai. Sa majesté partit de Varicarville pour enlever un autre logis des ennemis, lesquels estoient advertis et préparés. Et sortirent au devant bien douze cents hommes de pied et quatre cents chevaux, qui furent si heureusement combattus qu'il en demeura six ou sept cents sur la place, et plusieurs prisonniers, Et de ceux de sa majesté il y en eut cinq de tués, et dix-huict ou vingt blessés. On estime que depuis ce dernier retour, le duc de Parme a perdu six à sept mille hommes.

Les moindres succès étaient ainsi exaltés par des publications qui relevaient les espérances royalistes. On se battait en braves partisans, en bons chevaliers ; mais on n'avait aucune ville forte pour appuyer ses mouvements, aucune cité populeuse et de ressource ; on courait entre Paris et Rouen sans tenir ni l'une ni l'autre de ces grandes municipalités. Supposez un éclatant succès aux armées catholiques, que seraient devenus la chevalerie du midi et les étrangers à sa suite, dans des provinces où les populations prenaient les armes au. son du double tocsin de l'hôtel-de-ville et de la cathédrale ? De toutes parts on était aux prises. En Lorraine, le brave duc de Bouillon remportait un avantage sur les catholiques conduits par le sieur d'Arablize, grand maréchal de la province. Et à Villemur, que devenaient les entreprises de Joyeuse ? Rien d'étonnant que les catholiques fussent battus devant une ville zélée réformatrice. Le duc de Joyeuse, voyant son armée dispersée, fit sonner la retraite ; mais ceste retraite lui fut si mal assurée, que les siens se croyant poursuivis par l'armée victorieuse, s'enfuirent à l'estourdie et se précipitèrent dans le Tarn. Le pont qu'il avoit basti estant coupé, causa la mort de presque tous ses gens d'armes. Joyeuse, au désespoir, ne put survivre à une si triste défaite ; on le vit, se débattant au milieu de deux soldats qui voulaient le retenir, se précipiter dans le fleuve à la face de l'ennemi vainqueur, qui le poursuivait à outrance. Vers la fin d'octobre, le corps de M. de Joyeuse a esté tiré de l'eau et porté à Villemur pour y estre enterré ; et le Tarn se vit pendant un long espace tout plein et jonché des testes et des corps de ceux qui avoient eu recours à un élément si maupiteux. Joyeuse, brave compagnon d'armes, qui mourait là de désespoir, se trouvait dans ce pays du Languedoc à peu près en la même situation que Henri de Béarn dans le centre de la France ; il avait à lutter avec les cités ferventes huguenotes de Montauban, Castres, avec les paysans des Cévennes. Sa marche était lente, ses moyens arrêtés. Au reste, tous ces mouvements militaires étaient encore sans résultats décisifs, et les esprits commençaient à se fatiguer. Quand rien n'indique la fin d'une lutte entre des opinions vivaces, la puissance d'un tiers-parti s'accroît et se fortifie. La cause en est simple : c'est que lorsqu'on ne voit pas une issue probable dans le triomphe des opinions tranchées, on en recherche une dans le parti des transactions et des sentiments mitoyens. La force morale passe là.

 

 

 



[1] Archives de Simancas, cot. A 57237.

[2] Declarando la senora infanta dona Isabel por reyna propietaria de Francia.

[3] Archives de Simancas, cot. A 57232 (6 novembre 1591).

[4] Y los otros de la casa de Borbon que andan con el que son todos.

[5] Y por esto yo creo es mejor quitar lo rayado.

[6] Registres municipaux de Marseille, 1590-1591.

[7] Discours du siège de Rouen valeureusement soustenu contre le roy de Navarre en l'année 1591-1592.

[8] Registre du parlement (1591).

[9] Mss. de Baluze, vol. in-fol. cot. 9675, E.

[10] Voyez la correspondance du sieur de Breves ; elle existe parmi les mss. du roi, 8 vol., in-fol.