FRANÇOIS Ier ET LA RENAISSANCE. 1515-1547

TOME TROISIÈME

CHAPITRE VIII. — ÉTAT DE LA SCIENCE À LA SECONDE PÉRIODE DE FRANÇOIS Ier.

 

 

L'Université. — Les collèges. — Les Écossais. — Les Lombards. — Les Espagnols. — Montaigu. — Collège de France. — Primitive institution. — Études. — Sciences. — Les langues. — Le grec. — L'hébreu. — Le syriaque. — Théologie. — Caractère de la réforme. — Le concile de Trente. — Jurisprudence, — Histoire. — Sciences exactes. — Médecine. — Astronomie. — Astrologie. — Littérature. — Développement de la vie de Clément Marot. — Calvin. — Rabelais. — Amyot. — Imprimerie. — Bibliothèques.

1527—1535.

 

Dans la période qui s'écoule entre le traité de Madrid et la ratification de Cambrai, la guerre se poursuit sans que François Ier s'arme de pied en cap. Soit qu'on ne voulût pas exposer le roi une seconde fois à cette fatale captivité qui imposait tant de sacrifices, soit que, fatigué, le roi eût plus de confiance en ses généraux qu'en lui-même, il n'alla point en campagne, ses loisirs se partagèrent entre les dissipations de la cour féodale, la protection et les encouragements donnés aux travaux de l'esprit, goût instinctif développé dans ses voyages en Italie, avec une vigueur et une puissance d'imagination et de jeunesse.

L'université de Paris, telle que le moyen âge l'avait organisée, arbre fécond, aux vastes rameaux, la melifiante Université chantée par les poètes du XIVe siècle, dans leurs écrits mystiques, était si renommée que de tous points on venait écouter ses doctes leçons. De là cette multitude de collèges qui se groupaient autour de la mère commune. Paris, centre des études scientifiques, voyait d'abord un collège écossais ; sous les guerres de Charles VII, les montagnards avaient rendu tant de services à la cause royale que, pour les récompenser, le roi avait ouvert une maison à leurs fils, avides de s'instruire à la source de toute intelligence. Les Lombards avaient également leur collège, et, quoique l'Italie fût très-avancée dans les voies souveraines de l'esprit, néanmoins elle envoyait les plus jeunes de ses enfants pour écouter les leçons des professeurs universitaires ; et Dante, je le répète, ne vint-il pas s'instruire dans ces rues tortueuses de Paris, qui l'étonnèrent, lui tant habitué aux pompes architecturales des cités d'Italie ? Il existait également un collège espagnol qui faisait partie de Montaigu, et Ignace de Loyola, le célèbre fondateur des jésuites[1], avait étudié sous François de Xavier[2], professeur, né comme lui parmi les hidalgos d'Espagne. A cette époque tout se groupait en corps de nation comme en corps d'état ; l'isolement, c'était la mort, on se tenait par tous les côtés. Sur cette montagne Sainte-Geneviève, si pleine de petits jardinets, avec le puits, l'amandier, et presque la solitude des ermites, jusqu'au village de Saint-Marcel, on ne voyait que groupes d'étudiants, parlant mille langues diverses, lorsqu'ils descendaient sur le revers de la montagne, au Pré-aux-Clercs, lieu où, plus tard, s'éleva le collège des Quatre-Nations.

L'institution fondée par François Ier, celle qu'il protégea royalement, le collège de France, avait pris une organisation scientifique, remarquée déjà en Europe. On ne s'explique pas précisément si le noble fondateur avait eu pour but de donner un centre lumineux à l'éducation, et de créer une école type, ou bien si ce fut là seulement un moyen d'assurer l'existence en France à des érudits appelés de l'étranger, et qu'on voulait avoir la gloire de réunir sous sa main. Tant il y a que le collège de France, sous la direction de Vatable[3], groupait un certain nombre de professeurs dé tous les idiomes savants, le grec, l'hébreu et le syriaque. Les langues antiques étaient les premiers éléments de toutes les sciences humaines à une époque de commentaires, de dissertations et de renaissance ; le roi voulut donc un enseignement supérieur pour les langues spéciales. Le XVIe siècle pourrait être représenté sous l'image d'un de ces érudits au front chauve, les lunettes au nez, et pâlissant sur les livres syriaques, grecs, hébreux : autour de lui des astrolabes, des ossements de mort, symbole de la dissection et de l'anatomie, avec des fioles alchimiques, expression des recherches : partout il y a désir de travail, besoin de savoir, et frénétique joie à l'aspect de l'antiquité.

Deux faits immenses entraînent singulièrement à cette élaboration continue, à cette discussion interminable, à cet amour des textes : 1° la réforme de Luther, qui imprime un mouvement presque convulsif à la société ; 2° le concile de Trente[4], vaste assemblée qu'on n'a pas assez étudiée sous le point de vue scientifique, et qui fut peut-être la réunion des intelligences les plus fortes, les plus grandioses.

La conquête de Constantinople par les Turcs a poussé l'émigration des Grecs en Italie ; elle y a jeté des savants, et avec les savants des milliers de ces beaux manuscrits enluminés de carmin et d'or, digne orgueil de l'école byzantine. Voici maintenant l'imprimerie ! Ce qu'on a découvert, il faut le faire connaître ; il y a plusieurs textes, on doit les comparer ; des écritures difficiles, il est indispensable de les déchiffrer. Là commence une classe nouvelle dans les sciences : les érudits qui passent leur vie à rendre les textes à leur pureté primitive, à les collationner sur les manuscrits authentiques de l'Ancien et du Nouveau Testament ; et de cette littérature toute sacrée on arrive bientôt aux études des lettres profanes ; le travail qu'on a fait sur Moïse et les prophètes, on l'accomplit sur Homère, Virgile, Plutarque ou Aristote. On s'inquiète de la moindre erreur, et cette constance de l'érudit, minutieuse peut-être, a pour résultat de léguer à la génération future les textes épurés, les fragments éclaircis : celui-ci ponctue le syriaque et l'hébreu, et Paul Manuce[5], comme Alde, son père, passe sa vie à ce labeur ; celui-là lit les abréviations si multipliées des manuscrits et rend à Homère sa clarté magnifique : quelle gloire, quelle renommée entourait un érudit du XVIe siècle ! Jamais la science ne reçut de si vastes encouragements ! Ce ne sont pas seulement les rois, mais les peuples qui saluent comme d'instinct, Érasme, Budée, Vatable, si modestes pourtant et qui ne peuvent échapper aux applaudissements de la foule émue.

La base de tout enseignement à ce siècle fut d'abord l'étude des langues poussée jusqu'à la perfection : l'hébreu, le syriaque, le grec, furent communs dans les collèges, et il n'était pas un érudit qui ne sût à fond les nuances des divers idiomes de l'antiquité ; tout mot obscur fut expliqué par les mœurs et les coutumes des peuples : qui pourrait lire Homère sans pénétrer profondément dans les coutumes des Grecs d'Ionie ? Juvénal et Perse ne sont intelligibles que pour les hommes qui ont étudié Rome et ses mœurs à l'époque impériale. Le même travail se révèle dans la discussion théologique ; le premier effet de la prédication de Luther et de ces thèses des moines augustins fut de porter à l'esprit de dispute, à la commentation des textes, à ces controverses animées, qui des monastères tombèrent dans la société ardente et scientifique des collèges. J'ai décrit dans un autre livre la lutte vive, enthousiaste que le luthéranisme souleva au sein des écoles et de l'Université[6] ; la théologie devint la science dominante, parce qu'elle n'était qu'une dispute sur un dogme, et que les controverses et la polémique absorbent les idées calmes et sérieuses. Les universités catholiques présentèrent des hommes éminents, et peut-être à aucune époque Rome ne montra une réunion plus puissante d'esprits supérieurs qu'à ce concile de Trente, se déployant dans toute sa majesté.

Comme les questions agitées dans ce concile tenaient aussi bien à la jurisprudence qu'à la théologie, il se fit aussi un mouvement dans l'étude des lois. Les codes romains préparaient d'imposantes modifications aux coutumes féodales qui ne formaient presque plus que des souvenirs historiques. Tout fut conduit en jurisprudence alors par l'école italienne d'Alciat très-avancée dans les études du Jure romano. Alciat avait professé le droit à Avignon au milieu de sept cents écoliers qui l'écoutaient, la parole suspendue aux lèvres ; appelé par François Ier, il vint professer à Bourges dans l'Université, et il y passa sa vie, entouré d'honneurs, d'argent, car ne craignait-on pas la perte d'un savant comme une calamité publique ? L'école d'Alciat[7] domina l'Université parce que, claire et précise, elle explique les lois par l'histoire et les coutumes par l'antiquité ; sous ses leçons la jurisprudence prit une méthode, un ordre qu'elle n'avait point antérieurement. La réforme de l'ordre judiciaire en fut la conséquence immédiate ; on publia des éditions commentées des Pandectes et des Institutes, et sans arriver encore aux définitions exactes, à la netteté du Corpus juris on peut prévoir le moment où les coutumes se modifieraient par des ordonnances plus régulières. Le droit romain eut deux effets qu'on ne saurait trop remarquer dans l'histoire de la jurisprudence ; le premier, ce fut de rendre indispensable la rédaction et la précision du droit coutumier ; le second, de donner une plus grande rectitude aux idées du juste et de l'injuste, telle que la loi chrétienne l'avait inspiré aux empereurs. Le droit primitif des Romains est barbare, et les Pandectes ne sont grandes et justes que parce qu'elles se rattachent à la pensée chrétienne.

A côté de la jurisprudence se déployait la science d'histoire ; si profondément pénétrés des études de Tacite, Guichardin et Machiavel avaient porté en Italie la perfection historique au plus haut degré ; il faut bien avouer qu'en France les chroniques sont préférables aux Mémoires ; qui commencent à se montrer au XVIe siècle. Froissart[8] l'incomparable ne vaut-il pas à lui seul tous les faiseurs de Mémoires, sans en excepter même le sévère du Bellay ?[9] L'histoire de Bayard est-elle autre chose qu'une vieille et bonne chanson de gestes ? Les chroniques de Froissart sont comme une grande enluminure de manuscrits, une tapisserie brodée d'or sur les hautes lices d'un tournoi. En général, dans les Mémoires, on voit déjà que l'école politique domine ; pleins de détails financiers, de négociations de guerre, ces Mémoires ne révèlent plus ni naïveté ni croyance. Quand on lit les vieux chroniqueurs, on est toujours tenté de les citer, de les copier, tant on se sent impuissant d'imiter ces émotions et ces couleurs ; on tâche au contraire d'abréger du Bellay et Paul Jove[10]. On n'aime pas à disserter et surtout à s'arrêter en route dans la voie des temps. Un progrès est acquis néanmoins à cette époque, c'est l'esprit de critique, qui éclaire et guide ; le chroniqueur a foi et il raconte ; l'érudit du XVIe siècle doute et dispute ; il balance les récits et les événements ; il croit les uns et repousse les autres ; et, sous ce point de vue, s'il est moins amusant, il instruit davantage.

Avec l'histoire, les sciences physiques et mathématiques avancent largement. La publication de Pline et d'Aristote avait jeté toutes les intelligences dans l'étude du vaste système du monde ; et les premiers éléments des études botaniques se révèlent alors comme la pensée dominante de François Ier. On lui doit l'idée d'un jardin destiné aux plantes médicales, où tout fut réuni pour l'étude. L'Inde avait fourni ses belles fleurs aux pétales odorants, à la robe diaprée ; la découverte de l'Amérique vint grandir cette flore. A côté du jardin fut placée la ménagerie des animaux étranges et rares ; et tout ceci non moins pour seconder les plaisirs du roi que pour grandir les études médicales. La science qui se déploya dans toute sa puissance, au XVIe siècle, l'anatomie, désormais dégagée de tout respect religieux, se livra à d'indicibles travaux sur la dissection des cadavres. Elle s'empreint et se révèle même par l'étude de l'art ; l'école de Michel-Ange est tout anatomique : les artères, les os, tout ce qui peut être pénétré par la dissection apparaît sous le marbre. Dans les tombeaux de Louis XII et de François Ier à Saint-Denis, on peut voir jusqu'à quel point de perfection la science anatomique est portée dans l'art.

Le plus remarquable de tous les praticiens d'alors fut Antonio Brassavola[11], médecin d'Hercule II, duc de Ferrare, l'époux de madame Renée de France, fille de Louis XII. Appelé auprès de François Ier, le roi, en reconnaissance de ses services, lui permit de porter des fleurs de lis à l'écusson de ses armes, et le nomma chevalier de l'ordre de Saint-Michel. On lui attribue la première idée du traitement mercuriel appliqué à l'affreuse maladie qui venait d'envahir l'Europe sous le nom de mal de Naples. On ne savait comment aller aux sources de cette lèpre qui jetait un masque hideux sur le visage de l'amour même ; et, par sa profonde connaissance de l'anatomie, Brassavola jugea que cette substance métallique, s'agitant toujours, devait pénétrer jusqu'à la racine du mal et l'enlever violemment, même dans la moelle des os.

Avec l'anatomie, la chimie agissait simultané, ment pour la guérison de l'homme. Ce n'était, certes, pas une science toujours pure, dépouillée de mensonges et d'exagération. A ce temps, les idées de magie étaient trop répandues, trop généralement populaires pour qu'elles ne vinssent point se mêler à la composition ou à la décomposition des corps. Mais l'abus même d'une science en propage les résultats sérieux ; l'esprit humain, en travaillant, produit nécessairement, et les recherches des alchimistes, les analyses des résidus dans les fourneaux ardents ne laissèrent pas d'avancer la science. Dans la chimie, le hasard produit beaucoup ; c'est souvent par une inspiration subite que, dans un laboratoire, on découvre une combinaison de couleurs et l'effet simultané de deux corps souvent hétérogènes ; chimie, astronomie, doivent beaucoup à l'alchimie et à l'astrologie, qui en sont comme la poésie et les légendes. La curiosité de l'esprit, qu'elle soit éveillée par les choses réelles ou par les illusions puissantes, n'en est pas moins productive ; la foi est une grande travailleuse ; que l'on cherche en vain de l'or ou une chimère, qu'importe ? le résultat du travail n'en est pas moins le même, et c'est ce qui distingue le XVIe siècle de toutes les époques antérieures : chacun veut produire, celui-ci un commentaire, celui-là des métaux, une horloge, un automate, quelque chose d'inconnu et de mystérieux qui jette sur sa vie une grande renommée.

Dans toutes les sciences se montrent des hommes illustres par grande masse. La théologie, divisée en trois écoles, tient le premier rang ; les catholiques purs et romains ne sont ni les moins savants ni les moins intelligents dans leurs doctrines ; les luthériens sont des commentateurs fort érudits ; enfin le tiers parti qui ne se prononce ni pour Rome ni pour la réforme hardie, s'arrête à un milieu presque négatif dont Érasme se proclame le chef. En tète de l'école purement catholique est le cardinal Cajetan[12], légat envoyé en Allemagne contre Luther, et si remarquable écrivain théologique ; Jérôme Alexandre[13], aussi légat du saint-siège, parlant comme sa langue le latin, le grec, l'hébreu, le chaldéen ; ami d'Érasme et d’Alde Manuce, il était professeur de littérature grecque à l'université de Pavie ; en habits pontificaux, il assista près de François Ier à la fatale bataille, et il fut fait captif avec le roi. Le plus savant de tous, le cardinal Gaspard Contarini[14], mathématicien de premier ordre, fut un des grands jouteurs contre Luther, et le cardinal Caraffa[15], depuis pape sous le nom de Paul IV, écrivait couramment sept idiomes antiques. Jacques Sadolet[16], évêque de Carpentras ; Gregorio Cortese[17], abbé de Lérins, en Provence, le traducteur des Pères grecs, furent tous les défenseurs immenses de l'école catholique si ardente contre Luther, avec une indicible grandeur de formes. Cette école catholique triompha au concile de Trente, non-seulement parce que la vérité était en elle, mais parce que la science était passée dans l'Église.

On ne peut contester aux réformateurs leur étude approfondie des textes, et par conséquent un long soin de ces études premières qui pouvaient servir à l'interprétation des Écritures. Pour disputer sur les textes, il fallait invariablement connaître le génie et l'accentuation des langues ; et les principaux des luthériens furent des hommes de sciences et de dispute. La nécessité de cette polémique leur imprima une étroitesse de vue dénuée de poétiques cou’ leurs ; Luther, chef de l'école, ne donne jamais la grande raison des choses, il se rapetisse dans les détails ; ses images sont prises dans un petit ordre de ménage ; espèce de procureur en théologie, il vit de chicanes et d'exceptions. Ses disciples sont en général plus avancés que lui ; presque tous sortis de l'ordre des Augustins, fort érudits, ils apportaient, indépendamment de la science première enseignée dans leur ordre, la hardiesse que donne l'esprit de critique et de réformation. OEcolampade était évidemment plus puissant que Luther, supérieur en philosophie et en intelligence. Calvin[18], sous le rapport littéraire ; doit tenir une place bien plus vaste aux annales de l'esprit humain : dans Calvin se révèlent plusieurs côtés ; l'érudit qui a médité les Écritures, et l'écrivain, très-supérieur pour manier la langue logique, avec un art de dire les choses très-fortes sous les paroles les plus douces ; une certaine manière de poète qui pénètre au cœur en même temps qu'elle saisit l'esprit. Calvin est aussi une tète politique ; car, au point de vue gouvernemental, il marche violemment à l'ordre ; il oppose l'autorité, la dictature inquiète, absolue, aux prédications si désordonnées de Servet ; il sème ses idées partout, en flattant les rois par des éloges illimités ; ses passions mêmes, vives, implacables, se rattachent à l'organisation d'un système. Socin, l'esprit logique et inflexible de la réforme, comme Calvin est une tête de gouvernement : Socin, et Servet après lui, comprend que quand on secoue le frein, il faut aller jusqu'au bout, et quand on n'est pas catholique on est déiste nécessairement. Comme esprit de conciliation se posant entre le catholicisme et la réforme, on doit placer Érasme, l'homme d'esprit et de finesse qui veut, avant tout, garder sa position mixte et scientifique : sorte d'intelligences qui se montrent souvent aux époques agitées ; elles iraient bien jusqu'au bout, mais pour cela il faut trop marcher, et elles craignent de se fatiguer. Érasme, à la suite de son temps, s'aperçoit qu'on est très-monté contre les moines et les papelards, et il écrit contre eux ; c'est se mettre dans la cause victorieuse, et on n'y craint rien. Il aime assez Luther, mais ses hardiesses lui font mal ; esprit littéraire, il est railleur, non point à la manière grossière et injurieuse de Luther, mais avec finesse et bon goût ; son Éloge de la folie est un petit chef-d'œuvre, parce que, à l'aide d'une contre-vérité, il atteint les vices et les ridicules de son temps[19]. A toutes les époques il y a des gens qui, n'ayant pas le courage d'attaquer de face les vices de leur siècle, se contentent de les railler ; ceci leur donne un peu de popularité et beaucoup de repos, objet de leur ambition sensuelle. Un homme de l'importance d'Érasme ne pouvait rester en dehors du mouvement des esprits, seulement il désirait s'y ménager une situation paisible et inoffensive. Il en est un peu ainsi de Melanchthon[20] ; caractère plus convaincu et plus franc, il voudrait faire de la réforme un fait de conciliation ; à chaque phase du mouvement il espère transiger, non point parce qu'il se sert, comme Érasme, des deux partis, et que septique il ne croit pas profondément aux choses même qu'il enseigne ; mais Melanchthon s'effraie des conséquences trop sérieuses, trop profondément significatives de la réforme ; il souhaite, il appelle une transaction de toutes ses forces, et si elle n'arrive pas, c'est que dans les crises les opinions extrêmes dominent presque toujours les tendances modérées.

Il y a dans la réforme plus qu'on ne croit de l'es, prit universitaire, sorte de mouvement intellectuel qui se fait sentir contre le moyen âge religieux et monastique ; c'est du cloître que part le premier cri de réforme, et immédiatement il se révèle deux idées sur la manière de l'entendre et de l'expliquer : on espère cette réforme par l'Église et dans l'Église seulement, et ce sentiment est appuyé par l'unanimité du clergé sous la direction des papes eux-mêmes, si haut par leurs lumières. Une autre réforme, hardie, inconsidérée, marche droit par Luther aux idées de renversement, et celle-là se sert des passions et du besoin de secouer l'autorité.

Comme toute situation nouvelle enfante nécessairement des institutions jeunes elles-mêmes, il faut expliquer par cette nécessité des temps, le développement inouï que prit dès son début l'institution d'Ignace de Loyola. Ce n'est point seulement parce que la vie chevaleresque du noble fondateur de cet ordre immense, correspondait aux sentiments, à l'esprit de l'époque ; chevalier de la Vierge, Ignace de Loyola devait plaire à un temps de chevalerie, sous un règne tel que celui de François Ier ; mais il y avait dans son institution un sentiment profonde, ment éclairé du besoin et des tendances de l'époque : que reprochait, on aux ordres religieux ? le désir de s'emparer des bénéfices et des dignités de l'église ? Comme première et absolue condition, Saint Ignace posa qu'aucun membre de Tordre nouveau ne pourrait parvenir à ces dignités[21] : pour eux, nulle richesse, nuls honneurs, l'obligation d'incessamment prêcher pour maintenir la foi dans sa pureté instinctive. L'autorité et la suprématie du pape est, elle contestée par la réforme ? Ignace la pose comme l'élément indispensable dans l'Église catholique. Enfin il fait une condition de la science à cette compagnie nouvelle, qui se destine entière à prêcher et enseigner la foi.

De là sa première lutte contre l'esprit universitaire. Ignace de Loyola, élève du collège Montaigu, était accouru avec de jeunes Castillans comme lui, pour écouter les leçons des grands maîtres, et dans ses méditations ardentes, dans, ses solitaires réflexions, il avait aperçu les vices du système universitaire appliqué à l'éducation de l'homme, il y voyait trop de formules et pas assez de cette pénétration du cœur humain qui remue et domine les intelligences et les volontés, de manière à ce que les écoliers fussent toujours sous l'impression morale de l'éducation ; en un mot, l'esprit de direction et de gouvernement manquait à l'Université ; de là cette sollicitude, ce soin qu'Ignace de Loyola prend de grandir et fortifier l'autorité. Il veut sans doute que la science soit étendue, parfaite, développée, que rien ne soit négligé pour faire participer les élèves au mouvement intellectuel ; mais en même temps il parle à leur cœur, à l'intimité de leurs sentiments ; il veut que le jeune homme sache d'où il vient, ce qu'il est et ce qu'il deviendra. Il n'a pas cette sécheresse d'âme désolante qui nous enivre de l'arbre de la science, sans nous enseigner le bien et le mal, dans la périlleuse carrière de la vie.

Cette position admirable d'intelligence et d'avenir que sait prendre saint Ignace[22] avec une supériorité si éminente, explique la haine que sa compagnie inspira toujours à l'Université, institution à formules dogmatiques. Il y eut dans cette Université, au XVIe siècle, une tendance vers la réforme ; si François Ier avait permis à ces hommes scientifiques de suivre leur sentiment un peu haineux contre le clergé, moines et papelards, aucun professeur du collège de France n'aurait résisté à cette tendance ; presque tous liés avec les réformateurs d'Allemagne, ils en partageaient les préventions et les étroites idées, à ce point que les facultés de théologie même se prononcèrent d'abord pour le divorce de Henri VIII avec Catherine d'Aragon, en se fondant sur les principes de Luther contre l'autorité du pape qui cherchait à maintenir la sainteté et l'unité du mariage. Les universitaires marchaient constamment à cette guerre contre les clercs, les moines j qui se révèle spécialement dans les œuvres d'esprit de cette époque ; et en tête de ces œuvres, les livres de maître François Rabelais, le Tourangeau, moine d'abord comme Luther et avant tout bouffon bas et rampant. Car ses œuvres, quelque importance qu'on ait voulu leur donner, ne sont, à vrai dire, que les rêveries d'un de ces esprits bouffons, qui semblables aux fous du roi avaient permission de tout dire dans les cours plénières du moyen âge. Gomme à cette époque tout prenait une tendance scientifique, Rabelais fut érudit sur le grec, le chaldéen et l'hébreu ; mais il n'est aucune grandeur dans ses études[23] aucune pensée haute ; son livre capital, la vie inestimable du grand Gargantua, ne dut sa réputation qu'aux satires contre les moines et papelards, mélange d'érudition, de sarcasmes, de plaisanteries, bonnes ou mauvaises. Des érudits ont passé leur vie à expliquer et commenter le livre de Rabelais, parce qu'on grandit toujours l'importance de ce que l’on étudie ; quelques-, uns ont vu dans Panurge, François Ier aux aventures merveilleuses et fantastiques, et dans ce livre un tableau des fausses entreprises du roi sur l'Italie.

Ce mauvais bouffon des choses saintes ne pouvait comprendre la gloire, ce savant en niaiseries ne pouvait deviner les feux d'honneur qui rayonnaient au front de cette noble chevalerie, pas plus qu'un nain tout contrefait ne peut apprécier la beauté parfaite. Au reste, le livre fort ennuyeux de Rabelais ne fut qu'un canevas de mauvaises fantaisies destinés à l'amusement de la cour, comme les bouffonneries d'un fou du roi, qui se permettait tout, parce qu'il était assez bas pour que les injures ne s'élevassent pas bien haut.

Ce qui a fait la renommée de Rabelais, ce sont moins ses récits inintelligibles sur Panurge l'aventureux, que ses impiétés railleuses et épicuriennes. Toute une école de philosophie a exalté l'écrivain tourangeau ; parce qu'il a déclamé souvent contre l'Église. Le matérialiste qui avait dit : Tirez le rideau, la farce est jouée fut considéré comme le précurseur de Montaigne : combien d'hommes d'ailleurs veulent se faire un mérite de tout trouver dans les livres qu'ils étudient, afin de se donner à eux-mêmes un cachet d'originalité ! Toute sa vie on commente Rabelais ; Rabelais est donc le premier homme du monde ! Ceux qui s'arrêtent sur la couverture d'un livre et mettent de l'importance à chaque virgule, s'élancent naturellement avec Rabelais dans d'incommensurables commentaires ; lisez froidement : Pantagruel ou Panurge inspirent-ils la moindre gaîté franche ou sincère ? Au lieu de chercher un parallèle entre la vie de Panurge et celle de François Ier, pourquoi ces pérégrinations imaginaires et ridicules ne seraient-elles pas plutôt une dérision des belles et grandes découvertes dans les Amériques et l'Inde ? A toutes les époques il se trouve des hommes qui prennent à tâche de tourner en ridicule ce qui est élevé ; l'esprit humain ne leur fournit de cadres que pour des pasquinades. Maître Rabelais n'eut donc aucun dessein, aucune pensée haute ; moine défroqué, il se moqua des moines, et quand l'esprit de réforme se manifestait partout, on dut saluer avec un intérêt curieux et attentif ces déclamations contre l'Église et ses mystères écrites en style sale et libertin.

Clément Marot, comme la plupart des poètes, doit être envisagé sous deux faces, ou comme l'expression des idées de son temps, des changements politiques qui surgissent autour de lui, ou bien comme écrivain avec son type original et la nature de son génie. Il y a de la politique partout, même dans les choses les plus futiles de la société ; on ne vit pas au milieu d'un temps sans qu'on s'empreigne de ses opinions par tous les pores. Un homme peut-il rester étrangère son siècle ? Comme poète, bien que Clément Marot ouvre une ère nouvelle, néanmoins ses œuvres ne sont pas considérablement au-dessus des poésies de Charles d'Orléans[24], qui semblent clore le moyen âge. Poète élégiaque, Clément Marot n'a fait qu'imiter Tibulle et Catulle dans son Temple de Cupido et dans son Dialogue des deux Amoureux. Properce est son maître pour l'élégie ; l'imitation des anciens se révèle partout dans ses œuvres ; une des plus remarquables de ses poésies est son dixain sur le riche et infortuné Jacques de Beaune, seigneur de Samblançay. L'épître de Maguelone à son ami Pierre de Provence, est une traduction en vers d'une légende du moyen âge, douce, et bien douce, Marot, courtisan avant tout, adresse la plupart de ses épîtres à la duchesse d'Alençon, si tendrement aimée de son frère, noble dame qui protège les écrivains. Marot, le faiseur de vers de la cour, écrit par ses ordres comme un valet de chambre, et les poètes ne le sont, ils pas tous un peu ? Ici c'est un épithalame à la reine Éléonor, là au connétable de Montmorency ou au duo de Lorraine. Comme tous ces gens de guerre n'ont ni le loisir ni la facilité nécessaire pour écrire à leurs dames pour les toucher par des ballades ou des élégies, c'est Clément Marot poète à la suite qui s'en charge. Si monseigneur de Guise a besoin de vers pour charmer l'ennui de sa maîtresse, Marot lui fait une ballade fort amoureuse. Maître Clément très-intéressé, adresse une fort jolie requête a madame d'Alençon pour être couché en son état, c'est-à-dire pour obtenir un traitement sur sa cassette. Que ne lui dit pas Marot pour toucher son cœur et appeler sa munificence : Princesse au cœur noble et ravi, la mauvaise fortune a souvent assis le pauvre Clément Marot au froid giron de triste vie ; mais s'il pouvoit estre couché sur le bon estat des pensions, il criera plus haut qu'une pie qu'il sera fort bien couché. Ce jeu de mots si plat est tout l'esprit de cette poésie (requête d'argent porterait-elle malheur ?). Dans ses ballades, Marot, souvent plus heureux, est surtout remarquable dans celle de la vie du pélican comparé à la passion de Jésus-Christ ; puis il revient à la poésie utile, flatteuse, lucrative lâchant nuptial pour le mariage de madame Renée de France avec le duc de Ferrare, chant royal pour la conception de ladite dame, chant pastoral, chant de joie, chant de folie, et tous adressés à des personnages généreux et fort libéraux d'argent. Il est un de ces chants dont François Ier daigna dicter lui-même le refrain, sorte d'allégorie ou de rêve sous un vert laurier, où le poète dormait après travail de noble poésie[25].

De quelque manière qu'on envisage les œuvres de Clément Marot, elles se ressentent toutes du mouvement de la réforme ; si Rabelais attaque les moines et les papelards, Clément Marot n'est pas moins déchaîné contre les nonnains, pauvres religieuses qui abritent leur cœur sous les épaisses murailles du monastère. Deux femmes le protègent spécialement, et ces deux femmes sont presque huguenotes, Madame d'Alençon, la sœur de François Ier[26], et la duchesse de Ferrare, la fille de Louis XII. Plusieurs fois Clément Marot est compromis par la hardiesse de ses opinions, et toujours il trouve protection et appui sous l'épée de François Ier, parce qu'il est poète, et que le poète comme les bouffons sont affranchis de toute espèce de responsabilité ; leurs paroles et leur muse sont libres, parce que dans la renaissance des arts tout se pardonne pour quelques grandes œuvres qui dominent le siècle. Ainsi Amyot, tout jeune homme encore, et qui, professeur au collège de France, commence ses remarquables traductions des Grecs, Amyot est aussi soupçonné de huguenoterie, et François Ier ne veut pas qu'il soit poursuivi, persécuté, parce que si en matière de gouvernement, il désire rester ferme dans le catholicisme, pour les choses d'art et de science il laisse la liberté pleine et entière.

Jacques Amyot, enfant de Melun, d'origine fort roturière, domestique d'abord au collège des Écossais, se prit d'un tel amour pour l'étude, qu'il fixa l'attention de Jacques Colin, lecteur du roi ; et tant fut grande sa persévérance, que madame Marguerite d'Alençon lui fit obtenir une chaire de grec et de latin ; il travaillait alors à son livre capital, la traduction des Hommes illustres de Plutarque[27]. Il se révèle dans Amyot un peu de cette philosophie de la réforme, matérialisme qui éteint toute émotion, tout sentiment vaste et généreux ; si Rabelais est le précurseur de Montaigne, Amyot est celui de Brantôme, tant les esprits s'enchaînent à travers la longue suite des générations.

Dans ce mouvement des intelligences studieuses où tout se tournait vers la science, l'imprimerie dut trouver d'actifs éléments ; elle était alors plus qu'une profession ; et François Ier établit l'imprimerie royale, vaste atelier destiné à publier gratuitement les grandes productions de l'esprit. On peut suivre l'histoire de l'art typographique, lorsque, pèlerin de science, on parcourt solitaire les rayons poudreux des vastes bibliothèques de l'Europe, en partant des éditions princeps qui datent du milieu du XVe siècle jusqu'à l'époque où l'art se perfectionné encore sous François Ier ; temps d'érudition où les Aldes Manucius donnaient l'impulsion à la belle topographie ; Lyon, Paris disputaient la beauté des types à Bologne, Ferrare, Venise, et les meilleurs ouvriers typographes étaient appelés à la confection des ouvrages grecs, latins, hébreux, avec cette pureté de texte qu'on ne retrouve qu'alors ; parce que l'art était un sentiment, un devoir, une croyance.

La multiplication des livres imprimés prépara la formation des bibliothèques ou des librairies comme on les appelait alors ; si l'on trouve évidemment des traces d'une librairie royale depuis Charles V, elle est peu nombreuse, et le catalogue fait foi qu'elle ne s'élevait pas à cinq cents manuscrits. François Ier eut la gloire d'établir et de fonder une bibliothèque spéciale de livres imprimés qu'il fit recueillir partout avec un soin particulier, et qui devint la plus complète de l'Europe ; chacune de ses belles résidences, Fontainebleau, Amboise, Chenonceaux, eut une bibliothèque particulière comme distractions aux fatigues de la chasse : on y remarque la richesse des ornements, la somptuosité des reliures toutes fleurdelisées d'or sur fond de soie ou de maroquin ; quelques-unes de ces reliures portent la Salamandre, devise de François Ier, avec des gravures informes encore, sorte de stéréotype qui a survécu au premier art de l'imprimerie : ce goût des choses scientifiques, François Ier l'avait puisé dans son esprit, dans son éducation, dans la belle amitié qu'il portait à madame d'Alençon, sa noble sœur. Lui-même n'était-il pas écrivain, poète, il avait pour lui l'imagination et le sentiment, les éléments de toute poésie.

 

 

 



[1] Il existe une Vie de saint Ignace spirituellement écrite et pleine d'intérêt, par L. Duterrail, Paris, 1844. Je ne sache pas de petit livre plus attachant.

[2] François de Xavier, né dans le château de Xavier, au pied des Pyrénées, d’une famille noble, le 7 avril 1506, devint l'un des premiers et fervents disciples de saint Ignace ; il fut surnommé l'Apôtre des Indes, et béatifié par Paul V en 1609, puis canonisé par Grégoire XV en 1623. Voyez sa Vie par le père Bouhours, Paris, 1621, in-4°.

[3] François Vatable a peu écrit, on lui attribue faussement des notes sur l'Ancien Testament publiées par Robert Estienne, à Paris, en 1545, dans une édition de la Bible latine de Léon de Juda avec la Vulgate, édition appelée à tort la Bible de Vatable ; ces notes sont des fragments pris de Caléon, de Munster, de Fagius, etc.

[4] Ce concile avait été d’abord indiqué à Mantoue pour l'année 1537, puis à Vicence, enfin à Trente (Tridentinum), où il commença le 13 décembre 1545.

[5] Paul Manuce, né à Venise en 1512, avait trois ans lorsque son père mourut ; il ne rouvrit l'imprimerie d'Aide qu'en 1533, et de nouvelles éditions, principalement des classiques latins, vinrent lui rendre son ancienne splendeur. Ces éditions très-correctes sont enrichies de préfaces, de notes et d'index d'une grande science. Voyez les Annales de l'imprimerie des Aldes, par M. Renouard.

[6] Voyez mon travail sur la Réforme et la Ligue.

[7] La première édition des œuvres d'Alciat est de Lyon, 1560, 5 vol. in-f°. Elles furent souvent réimprimées : Bâle, 1571, 6 vol. in-f° ; Bâle, 1582, 4 vol. in-f° ; Strasbourg, 1616, 4 vol. in-f° ; Francfort-sur-le-Mein, 1617, 4 vol.

[8] La Chronique de Froissart depuis l'an 1326 jusqu'en 1400 (continuée par un auteur anonyme jusqu'en 1498), est en 4 vol. in-f°, Paris, Ant. Verard, sans date. Elle fut réimprimée à Paris en 1503, 1514, 1518, 1530 ; l'édition de 1544 contient une continuation jusqu'à l'an 1543. Ses poésies sont à la Bibl. du Roi, manuscrit 7214, in-f°.

[9] Guillaume du Bellay-Langey, était né près de Montmirail en 1494 ; ses Mémoires ont été imprimés plusieurs fois dans le XVIe avec ceux de Martin du Bellay. 1569-72-82-88, in-f° ; 1570-86, in-8°. — L'abbé Lambert en a donné une édition, Paris, 1753, 7 vol. in-12°. — Le cardinal du Bellay, leur frère, a laissé des poésies latines et quelques autres ouvrages également en latin.

[10] Paul Jove, ou plutôt Paolo Giovo, était né à Como le 14 avril 1483. Son principal ouvrage est intitulé : Historiarum sui temporis ab anno 1494 ad annum 1547 libri XIV, Florence, 2 vol. in-f°, 1550-1552.

[11] Antoine Musa Brassavola était né à Ferrare en 1500. Ses principaux ouvrages sont : Examen simplicium medicamentorum, etc. Rome, 1536, in-f°. In octo libros aphorismorum Hippocratis commentaria et annotationes, Bâle, 1544, in-f°. Quod nemini mors placeat, Lyon, 1534, in-8°. De radicis Chinœ usu, cum questionibus de ligno sancto, Venise, 1566, in-f°.

[12] Thomas de Vio, plus connu sous le nom de Cajetan, était né à Gaëte le 20 février 1469 ; dès l'âge de quinze ans, il entra dans l'ordre de Saint-Dominique et devint en 1500 procureur général de cet ordre, puis général en 1508. Léon X le fit cardinal en 1517 et le nomma l'année suivante son légat en Allemagne. Il mourut à Rome le 9 août 1534, laissant plusieurs ouvrages en manuscrit qui furent publiés depuis ; son plus remarquable est un Commentaire de la Bibl., Lyon, 1539, 5 vol. in-fol.

[13] Jérôme Alexandre, né le 13 février 1480, dans la Marche Trévisane, fut fait archevêque de Brindes par Clément VII, et cardinal du titre de Saint Chrysogone par Paul III. Quoique ayant beaucoup écrit il ne reste de lui que peu d'ouvrages, tels que Lexicon Grœce Latinum, Paris, 1542, in-f° (édit. très-rare). — Tabulœ sane utiles grœcarum musarum adyta compendio ingredi volentibus, Argentorati, 1545, in-4°. La bibliothèque Vaticane conserve un manuscrit qui contient des lettres et des écrits relatifs à ses légations contre l'hérésie de Luther.

[14] Gaspard Contarini, né à Venise en 1483, fut créé cardinal par Paul III en 1535. Le recueil de ses ouvrages a été imprimé à Paris, 1571, in-f°. Les principaux sont : De immortalitate animœ. — Conciliorum magis illustrium summa. — De potestate Pontificis.

[15] Jean Pierre Caraffa, né à Naples en 1476, nommé évêque de Chieti par Jules II, puis cardinal, fut le fondateur avec Saint-Gaétan, de l'ordre religieux des Théatins. Il avait soixante-dix-neuf ans lorsqu’on l'éleva au saint-siège (1555).

[16] Jacques Sadolet, né à Modène en 1477, fut fait évêque de Carpentras, par Léon X, et créé cardinal par Paul III en 1536. Il a composé un grand nombre d'ouvrages, Tiraboschi, Bibl. Modenese, IV, 437-55, en a donné les titres exacts ; l'édition la plus recherchée de ses œuvres est celle de Vérone, 1737, 4 vol. in-4°.

[17] Ses œuvres complètes ont été réunies et publiées à Padoue, sous ce titre : Gregorii Cortesii monachi Casinatis S. R. E. cardinalis, omnia quœ huc usque colligi potuerunt opera ab eo soripta, sive ad illum spectantia, 1774, 2 vol. in-4°.

[18] Jean Calvin était né à Noyon le 10 juillet 1509. La première édition de son Institution chrétienne porte la date de 1536, Bâle, in-f° ; d'abord publiée en latin, il en donna lui-même une traduction française quelques années plus tard.

[19] Érasme mourut à Bâle le 12 juillet 1536. Ses œuvres furent recueillies et publiées en 9 vol. in-f°, quelques années après, par les soins de Beatus Rhénanus, son ami (Bâle, imprimerie de Froben, 1543.)

[20] Philippe Melanchthon, né à Bretten le 17 février 1497, fut nommé en 1548 professeur de grec à l'académie de Wittemberg, et là il s’unit d'amitié avec Luther, qui y professait la théologie. Ses ouvrages sont très-nombreux. V. Miscellanes litteraria de Strobel, part. VI. Bibliotheca Melanchthoniana.

[21] L'institut d'Ignace fut approuvé le 27 septembre 1540, par une bulle du pape Paul III, sous le nom de clercs de la compagnie de Jésus. Le nom de jésuites leur vint de l'église nommée il Giesù qu'il leur donna dans Rome.

[22] La vie de saint Ignace a souvent été écrite, la plus remarquable est du père Maffei, son contemporain, de Vita et moribus S. Ignatii Loyolœ libri tres, Venise, 1585, in-8° ; elle a été réimprimée bien des fois, et traduite en français, 1594. Celle du père Bouhours, Paris, 1679, mérite aussi d'être citée. Les querelles du temps présent ont rajeuni ces vieux écrits.

[23] Voici les titres des ouvrages scientifiques de Rabelais : Ex reliquiis venerandœ antiquitatis, Lucii Cuspidii testamentum ; item contractus vinditionis initus, antiquis Romanorum temporibus ; Lyon, 1532, in-8°. — Hippocratis ac Galeni libri aliquot ; Lyon, 1536, in-16°. — Joannis Bartholomœi Marliani typographia antiquœ Romœ ; Lyon, 1534, in-8°.

[24] M. Aimé Champollion les a publiées avec des notes, Paris, 1843.

[25] Les meilleures éditions des poésies de Clément Marot sont celles de Lyon, 1538 ; de Niort, in-16°, 1596, très-rare et d'Elzevir, 2 vol. in-16°.

[26] Lettre de Marguerite d'Alençon au grand-maître de Montmorency. — Mss. de Béthune, vol. cot. 8551, fol. 48.

Mon nepveu, avant mon parlement de Compiègne pour aller en Béart, je vous priay ne vouloir oblyer Marot aux prochains états, et pour ce que la souvenance depuys ce temps vous en pourroit estre passée, vous l'ay bien voulu ramentevoyer vous priant de rechef, mon nepveu, le mectre hors de paine d'estre plus payé par aoquitz et suyvant l'intention du roy, le mectre en l'estat de ceste présente année. Ce faisant me ferez bien grand plaisir, estimant que l'aurez traité comme l’ung des miens, priant Dieu mon nepveu, vous donner et contenuer sa grâce. Escript à Saint-Germain-en-Laye, le XXVe jour de mars. Votre bonne tante et amye, Marguerite.

[27] Cet ouvrage parut plus tard sous ce titre : Les Vies des hommes illustres grecs et romains, comparées l'une avec l'autre, translatées du grec en français, 1559, 2 vol. in-fol. Les autres productions remarquables d'Amyot, sont : Histoire œthiopique d'Heliodorus, traduite du grec en français, 1547, in-fol. ; 1549, in-8° ; Amours pastorales de Daphnis et Chloé, traduites du grec, 1559, in-8° ; elles out été depuis souvent réimprimées ; la plus belle édition est celle dite du Régent, commandée par ce prince pour sa bibliothèque avec 28 gravures faites sur ses propres dessins, petit in-8°, 1718.