FRANÇOIS Ier ET LA RENAISSANCE. 1515-1547

TOME DEUXIÈME

CHAPITRE VIII. — DÉVELOPPEMENT DU PLAN DES CONFÉDÉRÉS, INVASION DE LA FRANCE.

 

 

Les confédérés au nord. — Invasion de la Picardie. — Les Anglais et les Allemands. — Marche sur Paris. — L'ennemi jusqu'à Senlis. — Ardeur des populations. — Résistance du duc de Vendôme et de la Trémoille. — Guerre aux Pyrénées. — Siège de Bayonne par les Espagnols. — Situation de l'armée française en Italie. — Nouvelle invasion du Milanais par l'amiral Bonnivet. — Succès des Français. — Mort du pape Adrien. — Élection de Clément VII. — Défaite des Français. — Mort de Bayard. — Nouveau pacte des confédérés. — Commandement actif accordé au connétable de Bourbon. — Invasion de la Provence. — Peschiere et le connétable. — Siège de Marseille. — Campagne offensive de François Ier. — Combat naval. — Retraite de l'ennemi. — Délivrance du territoire.

NOVEMBRE 1523 - MAI 1524.

 

Pendant que les parlementaires s'absorbaient dans les poursuites criminelles contre le duc de Bourbon et les gentilshommes qui avaient suivi son parti, la confédération ennemie se développait dans des proportions effrayantes pour la monarchie française. Ce n'était pas seulement sur un point des frontières que se déployaient les bannières des confédérés, mais du nord au midi, sans en excepter même les côtes assaillies par les corsaires, les brigantins et les galères espagnoles.

L'invasion se montrait plus menaçante au nord et sur la frontière de Picardie spécialement, car sur ce point les Anglais unis aux Flamands, aux Allemands, pouvaient paisiblement réunir des forces considérables, pour agir ensuite dans la Picardie et le Parisis. A l'aspect de ce danger si menaçant pour toutes les frontières, le roi se hâta de placer son camp militaire à Lyon[1], point central, d'où il pouvait à la fois veiller sur les armées des Alpes, des Pyrénées, du Var, et même, si la nécessité le demandait, se porter à la défense de Paris. Peut-être aussi la préoccupation d'une guerre d'Italie, son goût si prononcé pour une expédition au delà des Alpes, lui fit choisir Lyon comme le point le plus rapproché des terres où son souvenir se plaisait tant. Paris, cité déjà d'une haute importance, néanmoins pouvait tomber aux mains de l'ennemi sans que la monarchie fût perdue ; à ce temps chaque province formait un tout, et chaque cité un point particulier dans l'administration générale. Enfin, ce qui décida François Ier à maintenir son campement militaire à Lyon, c'est qu'il surveillerait de là les anciennes provinces de l'apanage du duc de Bourbon, pour y empêcher un soulèvement favorable à la cause de ce prince.

L'ennemi s'avançait méthodiquement sur une longue ligne s'étendant depuis la Meuse jusqu'au Pas-de-Calais. Les Allemands, conduits par le comte Guillaume de Furstenberg, marchaient par la Franche-Comté et la Bourgogne, et ils vinrent s'emparer de Neufchâtel, entre la Marne et la Meuse. Là seulement ils rencontrèrent le comte de Guise et les lances de France ; la noble maison de Lorraine commençait sa belle carrière de service et dévouement aux rois et à la monarchie. Il n'est pas de puissante renommée sans cause ; les Guise avaient splendidement servi la patrie quand ils se placèrent à la tête du parti catholique. Avec trois cents gendarmes et six cents lances alors, le comte de Guise arrêta douze mille lansquenets, brave infanterie allemande : ici il les affamait en coupant les vivres ; là il tombait sur leur arrière-garde et la taillait en pièces, si bien que, presque sans munitions, sans artillerie, et par la seule vigueur de son bras, le comte de Guise débarrassa la Meuse des Allemands. Il était si sûr de chasser les ennemis, le noble comte, qu'il dit à sa femme et à ses filles : Venez assister à ce hardi tournoi ; messieurs les Allemands sauront ce que pèse notre épée. Ces dames accoururent en effet, et des fenêtres du château elles virent la défaite des lansquenets et reîtres se dérobant à toutes jambes aux fiers coups de lances de l'héritier des ducs de Lorraine.

Dans la Picardie, les Anglais s'avançaient sous le duc de Suffolk[2] en rangs pressés de quinze mille soldats, tous à l'épreuve, et dont l'itinéraire était marqué sur Paris ; vingt-cinq mille Flamands firent leur jonction avec eux ; hommes de noblesse et de commune : spectacle triste à voir pour nos malheureuses frontières que ces troupes couvertes de fer, bardées d'arquebusiers, où se déployaient les longues coulevrines comme les serpents qui montrent leur tête à travers les espaliers. Ils s'avançaient tous fièrement sans s'arrêter, même aux sièges des places fortes[3], tant ils étaient impatients d'arriver à Paris ! Dédaignant de prendre Thérouanne, Montreuil, Hesdin, l'ennemi apparut immédiatement sur la Somme. Qu'opposer à cette grande armée ? comment couvrir Amiens et Ardres, les deux places importantes qui seules pouvaient arrêter l'armée anglaise ? On n'avait nulle troupe ; la Trémoille, chargé par le roi de la défense des provinces du Nord y ne réunissait pas avec lui deux mille lances, réparties sur une large étendue. Mais un noble esprit chevaleresque exaltant toute la noblesse, le ban et l'arrière-ban étaient accourus ; les ravages que faisaient les Anglais, l'impitoyable brutalité des Flamands, avaient inspiré la vengeance dans tous les cœurs ; et l'enthousiasme avait fait le reste. A Corbie, la Trémoille voulut à tout prix empêcher les Anglais de passer la Somme ; il y fit des prodiges de valeur, renouvelant les exploits des preux de Charlemagne. Trente lances héroïques, mais impuissantes, se croisèrent intrépidement avec tout un corps d'Anglais. Toujours unis aux Flamands, ceux-ci s'emparèrent de Montdidier, et, se déployant par Compiègne, leurs avant-postes campèrent jusqu'à Morfontaine et Senlis. Les ennemis n'étaient donc qu'à huit heures de Paris : les portes de la grande cité furent fermées par ordre des échevins ; le guet des bourgeois fut convoqué, et le parlement arrêta des mesures de sûreté générale pour la défense des murailles menacées.

La résolution prise par François Ier, de poser le centre de son armée à Lyon avait le grave inconvénient de découvrir Paris ; malgré les héroïques efforts de la Trémoille et du duc de Guise, l'un à l'est, l'autre au nord, les ennemis avaient pénétré jusqu'au centre du Parisis et pouvaient former le siège de la cité. Le parlement, qui la gouvernait, pressentant cette situation, avait envoyé message sur message au roi, pour demander du secours : était-il possible que la bourgeoisie seule pût résister à quarante mille ennemis ? Soit que le roi, absorbé par sa passion de l'Italie, voulût à tout prix franchir les Alpes, soit que prévoyant l'invasion de la Franche-Comté, de la Provence, il persistât à former une armée centrale prête à se porter à droite ou à gauche, François Ier se contenta d'écrire au parlement et d'envoyer le jeune Chabot, comte de Brion, avec l'avis de secours rapides et prochains. Admis au parlement pour annoncer cette nouvelle, le comte de Brion entendit les plaintes des murmurants, de ce que le roi leur faisait de belles promesses sans tenir sa parole. Le président Baillet alla même jusqu'à dire : Nos vieillards ont bien souvenance que, sous Louis XI, de forte mémoire, lorsque les Anglais vinrent jusqu'à Beauvais, le roi notre sire ne se contenta pas de députer un brave gentilhomme, porteur de belles paroles, mais il envoya quatre mille lances avec coulevrines, et cela valut mieux que ce que vous nous dites. Chabot répondit que ces lances que l'on demandait n'étaient pas fort loin et que bientôt elles viendraient en aide à la bonne ville.

Les bourgeois de Paris virent s'avancer par la porte Saint-Bernard un corps d'archers et chevaliers, à la mine belliqueuse, montés sur des chevaux de bataille forts et fringants ; on en compta plus de mille à la prestance si intrépide, qu'il faisait beau à voir dans leur attitude martiale. Ils ne se reposèrent que deux jours à Paris, festoyés par les habitants. Le duc de Vendôme, qui les commandait, avait mission de marcher sur Senlis contre les ennemis, et de les arrêter dans leur marche. Certes, ce n'était pas avec ce petit corps seul, aidé même des bourgeois, qu'on pouvait affronter une armée entière ; mais déjà la face de l'invasion avait changé par les victoires du duc de Guise sur les reîtres et les Allemands. A son tour, la Trémoille, plein d'ardeur, avait soulevé, sur les derrières de l'ennemi, châtelains, nobles hommes et communes, depuis Montdidier jusqu'à Hesdin. Le duc de Guise lui-même, par une marche de droite à gauche, s'avançait de la Meuse sur la Somme, de manière que par l'exécution de ce plan, les confédérés pouvaient se trouver en face du duc de Vendôme, s'avançant de Paris sur Senlis ; puis ils avaient la Trémoille qui les poussait au dos, et le duc de Guise sur les flancs ; peu de moyens de retraite leur étaient donc assurés. Ces marches simultanées et intrépides arrêtèrent l'ennemi ; les Anglais et les Flamands se retirent en toute hâte pour prendre leurs quartiers d'hiver dans l'Artois, et y attendre les renforts promis par Henri VIII et Charles-Quint. Sur ce point la frontière fut sauvée par trois beaux noms, certes, qu'il faut glorieusement exalter, ceux de Vendôme, la Trémoille, et de Guise, Guise le plus noble de tous, que nous retrouverons plus tard à la tête de la cause nationale et ligueuse.

En même temps, les Espagnols attaquaient les frontières des Pyrénées sous l'épée de Charles-Quint en personne ; le grand empereur, qui venait de saluer les provinces d'Espagne, profitant de l'enthousiasme que partout laissait sa présence, était venu, suivi de ses grands et de ses chevaliers, assiéger Bayonne, et à ses côtés était le duc d'Albe, ce cœur de fer dans un corps de fer. Il y avait longtemps que Charles-Quint convoitait Bayonne comme un point de terre et de mer qui lui ouvrait le royaume de France ; les régiments espagnols franchissant sans obstacle le territoire qui s'étend de Saint-Jean-de-Luz jusqu'à la Doure, se présentèrent devant Bayonne, défendue par Lautrec avec une vaillance telle que l'empereur dut précipiter sa retraite jusqu'aux Pyrénées. Les Espagnols se groupèrent alors autour de Fontarabie. Ce ne sont pas toujours les murailles qui préservent les cités, mais les nobles cœurs et les fiers courages. Si Fontarabie était aussi fortifiée que Bayonne, dans ses murs était un chevalier du nom de Frauget, lieutenant dans la compagnie d'armes du maréchal de Châtillon ; jusque-là nul reproche ne pouvait lui être adressé, et il s'était toujours vaillamment comporté. Cette fois, par trahison ou faiblesse, Frauget livra Fontarabie à Charles-Quint, après un siège d'un mois : acte de lâcheté qui produisit une sensation tellement honteuse, tellement indigne dans l'armée, que le roi dut faire un exemple. Voyez cet échafaud dressé ! un homme y monte, pâle et défait : pourquoi a-t-il la tête nue ? c'est qu'on Ta dépouillé de son casque ; le bourreau lui enlève ses éperons, sa cuirasse et son cuissard, son épée surtout, car il est indigne de la porter, celui qui vient d'abaisser le gonfanon de bataille devant les couleurs de Castille et d'Aragon ! Ce fut à Lyon, en présence du roi et de l'armée, que cette dégradation eut lieu. Il fallait réveiller l'enthousiasme des gentilshommes pour l'honneur, et dire à tous que le moment était venu de vaincre ou de mourir. A Lyon, les yeux fixés sur l'Italie, François Ier suivait les vicissitudes de la campagne du Milanais, alors dirigée par l'amiral Bonnivet. Après la fatale défaite de la Bicoque, les Français dispersés avaient cherché un refuge aux montagnes du Piémont ; les confédérés restaient donc maîtres d'organiser l'Italie selon leur dessein ; les Vénitiens eux-mêmes, délaissant tout à fait la cause de France, avaient soutenu le mouvement purement italien sous l'action du pape. Milan secouait tout vestige de la domination française pour élire duc François Sforza, homme de guerre, d'origine de soldat, nature robuste que les dissensions italiennes avaient fait naître. Sforza avait pour ennemis les Visconti, illustre race plus rapprochée des Français, car Galéas et Barnabé Visconti avaient servi sous l'étendard fleurdelisé. L'énergie du caractère de Sforza se manifesta dans cette révolution et dans ce gouvernement de guerre civile ; il garda la couronne ducale intacte sur son front. Prosper Colonne, Sforza, Visconti, le duc d'Urbin, révélaient des talents militaires purement italiens, sans mélange germanique. L'Italie au moyen âge était aussi fertile en hommes supérieurs que dans l'antiquité elle-même, son époque de grandeur.

Le mouvement rétrograde des Français s'était arrêté dans le Piémont ; l'arrivée de l'amiral Bonnivet avec un millier de lances, une bonne infanterie, les archers de la garde, les gendarmes valides, avait permis de prendre l'initiative, et du haut des Alpes on vit descendre une fois encore la chevalerie de France vers le lac de Côme et Milan. De toutes les places qui naguère appartenaient à François P% il ne restait plus à lui que le petit château de Crémone, défendu par trente gentilshommes intrépides, puis réduits par la famine, la guerre et les privations, à huit seuls chevaliers. Leur invincible courage avait résisté à tous les assauts, et quand l'amiral Bonnivet parut dans les plaines du Milanais, ces braves et nobles hommes se défendaient encore avec une noble intrépidité. Le château de Crémone devint désormais le centre de toutes les opérations de la campagne. Prosper Colonne, avec son armée fort affaiblie, n'était point capable de résister seul à l'amiral Bonnivet, décidé à reprendre par quelque grand coup la domination du Milanais. A son tour. Colonne se mit en retraite : pourquoi l'amiral Bonnivet ne marcha-t-il pas sans hésiter sur Milan ? c'est que Sforza et Prosper Colonne réunis avaient encore une armée puissante que venaient de rejoindre les lansquenets allemands. Il faut aussi tenir compte du réveil enthousiaste de l'esprit italien et populaire qui se manifestait partout, et rien moins que favorable aux Français. Entourés d'insurrections, les mouvements de l'amiral Bonnivet, lents et embarrassés, devaient se réduire à des expéditions de droite et de gauche pour montrer une fois encore la domination des Français en Lombardie : l'amiral entoura Milan. La Monza fut enlevée par un parti d'archers ; Bayard resta maître de Lodi ; les chocs d'armes se multipliaient avec Sforza, le marquis de Mantoue, et surtout avec Prosper Colonne, le vieillard amoureux comme un enfant de Dona Chiera, la belle Milanaise. Si la chevalerie de France croisait les lances avec intrépidité, les Italiens montraient aussi une remarquable valeur, tandis que Milan, comme un vrai cimetière, éprouvait les ravages de la peste.

Lamentable calamité en Italie que ces maladies contagieuses si multipliées depuis le moyen âge ! aucun siècle ne se passait sans que la peste noire vînt décimer les populations. Aux XIVe et XVe siècles, lorsque Boccace dictait son Décameron aux jeunes femmes qui, le front étoile, écoutaient ses récits, la peste désolait Florence. Cette fois l'épidémie parcourut comme un cavalier de feu, Pavie, Lodi, Milan/emportant des masses de cadavres. Gomme si tout devait être contraste, là où le firmament est plus bleu, la mort est plus rapide ; la vigne est bien robuste sur la lave d'un volcan ; la prairie émaillée s'ouvre sous les tremblements de terre ; l'affreuse vipère siffle sous la rose odorante, et le basilic couronné reflète ses mille couleurs sous le soleil le plus beau. Quand cette calamité pressait Milan, l'amiral Bonnivet n'osa point s'approcher des cités dévastées par la mort, il se tint loin des murailles et des tours, et, malgré ces précautions, la contagion vint atteindre les tentes de France ; bien des courages se démoralisèrent, car rien n'abat comme les souffrances du corps et la fièvre brise un colosse. Prosper Colonne, le plus remarquable général de l'Italie, mourut vieillard de quatre-vingts ans[4] ; il était Romain d'origine comme le duc d'Urbin, populaire comme lui, car au pied du Panthéon il restait les traditions des Fabius et des Césars. A Rome aussi venait de toucher la tombe le pape Adrien[5], élu sous la pourpre de Charles-Quint, pontife de race barbare, comme l'appelaient les Italiens toujours si dévoués aux antiquités, aux grandeurs et à la langue de la patrie. Pour lui succéder, le conclave, après de longues hésitations, choisit encore un Médicis sous le nom de Clément VII[6]. Ce nouveau pontife, d'un sang si beau, n'aurait pas sans doute pour Charles-Quint le même dévouement qu'Adrien élevé dans ses palais et son précepteur ; mais Clément VII, tout Italien, de la race éminemment patriotique des Médicis, par la seule tendance de son origine, serait entraîné à soutenir la ligue contre les Français qui envahissaient alors la Lombardie.

Cette ligue prend dès ce moment une énergie nouvelle : Florentins, Vénitiens, Romains, Génois, unis dans une cause commune, attaquent sans hésiter la chevalerie de France partout où elle se présente en bataille. Il se révélait là une tête ferme et solide, le marquis de Mantoue ; et l'Arioste n'avait pas oublié ce nom parmi ses plus forts chevaliers. Il y eut de tristes défaites pour les archers et gendarmes de France ; à Rebec, sorte de camisade de nuit, Bayard, surpris par le marquis de Peschiere, perdit un bon nombre de lances ; ce qui donna lieu à une dispute entre le chevalier sans peur et l'amiral Bonnivet qu'il accusait de l'avoir délaissé. Le Milanais devint le théâtre des batailles souvent désordonnées où nul ne se connaissait plus et l'armée française se mit en pleine retraite jusqu'au val d'Aoste. Dans cette marche rapide et rétrograde, à travers les torrents et les rivières, Bayard reçut un coup mortel d'arquebuse dans le dos[7]. Son seul cri fut celui-ci : Jésus mon Dieu, je suis mort ! Digne gendarme sans doute que Bayard ; mais sans aucune des qualités remarquables d'un général d'armée ou d'un homme de science militaire. Il demeurait comme l'expression de ce courage individuel qui se révélait aux batailles du moyen âge, dans les joutes, les tournois, et l'on ne peut l'élever jusqu'à la Trémoille, à Lautrec, surtout jusqu'au duc de Guise, le plus capable de tous.

Bayard fut le type choisi de loyauté et d'honneur : à chaque époque périlleuse, on prend un nom, un symbole, pour exalter les nobles cœurs. Il fallait inculquer aux gendarmes les idées de loyauté, de désintéressement, le respect des femmes, on choisit Bayard ; et l'on fit de lui ainsi un mythe de la chevalerie. Non-seulement on écrivit des chroniques, des dires, des récits de sa vie, mais les gendarmes chantèrent la mort de Bayard, leur compagnon, leur chef : ici il avait respecté l'honneur des filles et Dieu sait si les gendarmes avaient toujours ce même respect ! Là il s'était vaincu lui-même dans ses passions, dans sa cupidité ; et, chevalier blessé, il avait élevé son épée en forme de croix, et prié le Dieu des armées, avant de descendre au tombeau, ainsi qu'on voit les antiques statues sur les pierres froides du sépulcre. Puis, il fallait jeter au connétable de Bourbon quelques-unes de ces paroles froides, méprisantes, qui viennent flétrir les trahisons ; et l'on supposa que Bayard, frappé mortellement, avait dit au connétable victorieux et attristé sur le sort du noble chevalier : Pleurez sur vous-même, monseigneur ; pour moi je ne suis point à plaindre ; j'ai fait mon devoir ; vous triomphez en trahissant le vôtre. Ces paroles furent-elles dites en effet ? Nul ne put les entendre. Mais il fallait rappeler dans le duc de Bourbon, l'infamie d'une trahison, et exalter la grandeur de l'héroïsme. Tel fut le sens de la légende de Bayard, brodée comme une belle tapisserie des manoirs[8].

Au reste, dans cette campagne, les véritables capitaines furent les Italiens ; peut-être n'eurent-ils pas toute la hardiesse de l'armée de France ; niais la capacité militaire résulte moins encore de l'intrépidité du soldat que de ces froides combinaisons qui se réfléchissent dans les lois de la stratégie, et font marcher les armées à la victoire avec la rectitude mathématique. Pour cette science, les Italiens furent les premiers comme pour la science politique, ils furent en avant des intelligences avec le livre de Machiavel.

Dans les mouvements actifs de cette guerre le connétable de Bourbon avait à peine paru ; la confédération tout italienne dut choisir un capitaine italien lui-même ; néanmoins la campagne du Milanais fut conseillée par le connétable, qui, dès son arrivée en Italie, concerta sérieusement, avec l'empereur Charles-Quint et le roi d'Angleterre, le plan et le résultat d'une invasion en France. Un nouveau traité secret fut conclu pour le partage de la monarchie de François Ier. Le rêve d'une maison de Bourgogne restaurée dans la personne du connétable de Bourbon avec toute la puissance féodale devait d'abord se réaliser ; et, comme le pape et l'empereur faisaient les rois, il était encore convenu que la maison de Bourbon obtiendrait la couronne fermée sur son écu ; on lui donnerait, indépendamment de ses fiefs anciens, une grande partie du midi de la France, la Provence jusqu'aux confins du Var. Les Pyrénées au delà de Bayonne seraient réunis à l'Espagne et les États de Charles-Quint ainsi s'agrandiraient. Enfin, ce qui restait de cette immense dépouille serait aggloméré sous la main de Henri VIII, avec le titre de roi de France qu'il gardait glorieusement encore dans ses chartes. A la suite de ce traité de partage[9] venaient des stipulations d'argent, des ducats d'or, que le roi Henri VIII s'obligeait de payer pour l'accomplissement de la guerre. Dans ces temps éloignés, déjà l'Angleterre était habituée à fournir des subsides, sans qu'elle eût encore ses merveilleuses relations de commerce ; c'était un pays riche de ses ressources, et le Trésor royal en la tour de Londres était le mieux garni de livres sterling, deniers d'or et d'argent.

La coalition avait pris l'initiative des batailles : au Nord, dans la Picardie et la Champagne ; au Midi, dans les Pyrénées. Le plan du connétable de Bourbon était d'attaquer la monarchie par le centre et d'amener une sorte de révolte simultanée de la noblesse et du peuple, très-irrités des levées de deniers imposés par François Ier. En général, les mécontents et les transfuges comptent toujours sur les désordres publics pour assurer le succès d'une cause, parce qu'ils jugent tous les cœurs par leur cœur, tous les dépits par leurs propres ressentiments. Le connétable de Bourbon croyait qu'à son apparition sur les Alpes, tous les gentilshommes, vassaux et arrière-vassaux, prendraient les armes pour suivre son étendard, et qu'ils recommenceraient la féodalité du moyen âge en faisant rétrograder la monarchie jusqu'aux troubles de Charles VI et à la faiblesse de Charles VII. Charles-Quint, trop habile pour croire immédiatement possible la réalisation de ce plan, préférait s'assurer le littoral de la Méditerranée, qui ouvrait les communications de l'Espagne avec l'Italie par Marseille et Toulon. Dans ses projets de puissance et d'universalité, l'empereur croyait indispensable d'avoir une ligne de côtes depuis Barcelone jusqu'à Gênes, pour que ses galiotes à voiles, ses galères à rames pussent s'abriter. Le projet de Charles-Quint, subi par le connétable de Bourbon, fut donc d'envahir la Provence par le comté de Nice, et de marcher par Toulon et Hyères sur Marseille ; de là, remontant par Aix à Avignon, on se joindrait aux troupes de la confédération italienne, traversant les Alpes pour préparer un soulèvement de la noblesse du Dauphiné, de l'Auvergne, du Lyonnais, si dévouée au connétable de Bourbon.

Le commandement de l'expédition destinée à soumettre la Provence fut confié non point au seul connétable ; Charles-Quint, avec son habileté accoutumée, avait bien aperçu que si Bourbon, seul, conduisait les troupes, une fois en France, il prendrait nécessairement plus d'importance dans la guerre, et que, maître de plusieurs provinces, peut-être songerait-il à se rapprocher de son droit suzerain, François Ier. Cette considération fit adjoindre au duc de Bourbon le marquis de Peschiere, vieux général expérimenté, jaloux de la grandeur et de l'incontestable supériorité du connétable[10]. Il y avait entre Peschiere et le connétable des différences de caractère et de mérite très-distinctes ; le duc de Bourbon, capitaine du premier ordre pour les vastes combinaisons, et par-dessus tout ; homme d'intrépidité au combat ; le marquis de Peschiere trop prudent pour être grand capitaine, et n'ayant pas cette bravoure de gendarme qui distinguait le connétable. D'ailleurs, une campagne en Provence n'entrait que secondairement dans les idées du duc de Bourbon, qui aurait plutôt désiré prendre la monarchie par le flanc et pénétrer directement en Dauphiné à travers les Alpes ; néanmoins il obéit aux ordres de l'empereur, et, se déployant par Nice, il marcha sur Toulon avec quelques régiments d'arquebusiers espagnols[11], un bon nombre de coulevrines, des soldats italiens, des bandes d'Allemands qui ravagèrent tout sur la route de droite et de gauche, les ravissants jardins d'Hyères aux orangers fleuris, et les belles campagnes qu'arrose le Var. Bientôt la poussière qui s'élevait en tourbillon du côté du village de Gemenos (la pierre précieuse) et d'Aubagne (que baignent les eaux) annonça que l'ennemi approchait de Marseille, tandis que des tours de la Joliette (la porte de César) on vit se déployer dans le golfe de Marseille une flotte aux couleurs espagnoles, celle de Hugues de Montcade[12], un des amiraux les plus renommés de Charles-Quint.

À cette époque Marseille s'élevait sur la petite colline qui s'étend depuis la tour Saint-Jean, la place Vivaux, jusqu'aux moulins agitant leurs ailes au vent du mistral. À l'autre extrémité du port se trouvaient le monastère de Saint-Victor, fortifié des hautes murailles élevées par Cassien contre les Barbares, et qui n'avaient rien à craindre des coulevrines espagnoles. Le monastère était défendu par la montagne de la Garde, et aux extrémités par l'arsenal, où se tenaient les galères du roi. La ville, à proprement dire, s'élevait en amphithéâtre, entourée d'une de ces murailles moitié romaines et moitié moyen âge, flanquée de tours de la plus haute antiquité, telles que la Joliette par où entra Jules César, à côté de porte Galle (portus Galliæ), attenant à la tour Sainte-Paule, qu'enfant je voyais encore tout enfumée, et que le vandalisme récent a détruit ; vieille tour, au milieu du boulevard des Dames, car les Marseillaises vont s'illustrer dans ce siège. Le gouvernement de la cité était municipal et républicain, à l'imitation de Gênes, de Barcelone, cités libres, orageuses, avec lesquelles l'antique Marseille avait des rapports, des traités politiques et de commerce, Marseille avait ses statuts particuliers, ses échevins et sa noblesse civique. En rivalité avec Aix, la ville du parlement, néanmoins les Marseillais s'étaient confédérés avec les gentilshommes pour défendre la province contre l'invasion. Les banderoles avec la croix municipale flottaient aux tours, entourées des blasons des Sabran, des Pontevès, races aussi vieilles que les rochers où viennent battre les vagues de la Méditerranée.

Quand le connétable de Bourbon et le marquis de Peschiere s'approchèrent simultanément des murs de Marseille, il ne se manifesta ni terreur ni forfanterie dans la cité ; les matelots des galères, les marins qui avaient vu les mers lointaines, conservaient la main dure, la tête chaude, et tous jurèrent par Notre-Dame-de-la-Garde, que ni Peschiere ni le connétable ne toucheraient au reliquaire de Saint-Victor, ni à la Vierge noire des catacombes, ni au buste d'or de saint Lazare, abrité sous la cathédrale de la Major (ancien temple de Diane). Il se fit donc partout un mouvement d'enthousiasme, et les dames mêmes (que leur nom soit toujours en mémoire !) s'offrirent vertueusement pour aider à la défense des murailles. Tandis que les jeunes hommes se portaient aux remparts, aux brèches pour repousser l'ennemi, les dames devaient recueillir la terre pour les fascines, distribuer les vivres et panser les blessés.

Les premiers coups de coulevrine sifflaient à travers les pinèdes embaumées de thym[13] ; habitué à la faiblesse de la bourgeoisie des villes du centre, Auvergne et Bourbonnais, le connétable de Bourbon ne s'était pas fait une idée juste de tout ce que pouvaient d'énergie les populations maritimes accoutumées à se jouer avec les boulets des corsaires et les vagues écumeuses. Il disait donc par vanterie : Avec trois coups de coulevrine, j'amènerai ces bourgeois la corde au col, la clef aux mains. Le vieux marquis de Peschiere durant ses séjours à Naples, Gênes, et Barcelone, avait mieux connu l'intrépidité des Marseillais ; il savait combien était redoutée par les Levantins la bannière ornée d'une croix municipale, surtout au combat des galères ; il raillait souvent les propos du connétable, fort méprisants pour les Marseillais. Jaloux peut-être de sa gloire, Peschiere ne cherchait qu'un prétexte pour lui faire éprouver un échec qui détruisît la renommée militaire du duc de Bourbon : à chaque coup de boulet qui, des murailles de Marseille, venait dans le camp, le Napolitain railleur s'empressait de dire : Monseigneur, voilà les bourgeois qui viennent la corde au col implorer leur grâce. Et ces bourgeois tiraient bien, car un coup de boulet, parti de la tranchée des dames, vint tuer le prêtre qui disait la messe sous la tente de Peschiere et deux gentilshommes qui l'entendaient. Quoi d'étonnant ? les marins des galères savaient comment il fallait enfiler une bonne ligne de matelots ennemis, et l'œil de la coulevrine les guidait merveilleusement à cette œuvre. Cependant Marseille eût succombé si des secours n'étaient arrivés aux courageux habitants : en se plaçant à Lyon, centre de toute opération défensive, François Ier avait eu pour motif, je le répète, de se porter de droite et de gauche sur tous les côtés menacés. Dès qu'il apprit la pointe du connétable sur Marseille, il résolut un mouvement de stratégie vigoureux dont il confia la direction à son chambellan, Chabot de Brion ; une bande de trois cents lansquenets et de deux cents lances devait se porter d'Avignon sur Aix et prendre ensuite la route de Marseille avec mission de ravitailler la cité. Au plus fort de leur défense glorieuse, les Marseillais purent saluer trois cents braves gens décidés à frapper d'estoc et de taille. En même temps, douze' mille reîtres et lansquenets se hâtèrent de passer les Alpes pour faire diversion dans le Milanais, et le roi, de sa personne, prenant la montagne par la route de Gap, dut marcher par Grasse sur Toulon, afin de couper la retraite au connétable[14]. Ce mouvement, très-bien combiné, ne permettait plus à l'ennemi de continuer le siège de Marseille, s'il ne parvenait à se rendre maître de la ville par une attaque soudaine ; or ces diables de matelots, ces bourgeois naguère si timides, ces dames qui, en temps paisible, tenaient des cours d'amour et de plaisance, et maintenant couchaient sur la dure aux pieds des murailles, redoublaient d'efforts avec une intelligence merveilleuse. Au delà de la brèche faite aux remparts, les dames avaient rempli un fossé d'artifices, de pétards, de balles incendiaires, destinés à éclater sous les pas des Espagnols, au moment où ils mettraient le pied dans la ville. Puis le marquis de Peschiere, le railleur des opérations du connétable, ne cessait de démolir le courage des plus intrépides soldats : Vous voulez donc tous mourir ici, officiers et soudards ; quant à moi, je m'en vais ; et ce rôle un peu odieux que la jalousie militaire inspirait n'était pas de nature à relever le courage des archers du connétable. L'impétuosité d'un homme aussi hardi que le duc de Bourbon seule pouvait alors persister à prendre Marseille d'assaut ; la prudence commandait la retraite. Le comte de Chabannes avec l'avant-garde de François Ier était arrivé à Aix ; le roi touchait Grasse à travers la montagne. La voie même de la mer était fermée ; ces banderoles à la croix éclatante, ces drapeaux fleurdelisés qui s'unissent à elles, c'est la flotte de galiotes et de galères que conduit André Doria[15], le Génois, au service de Marseille, et qui rallie les navires de Mottier de Lafayette[16], l'amiral de François Ier, André Doria guide seul l'escadre, car seul il est bon marin. De l'esplanade de la tourette, près des murs de Marseille, on peut voir le combat qui s'engage avec les Espagnols, les rames qui s'agitent et les crocs qui cramponnent les navires. La victoire reste aux Marseillais ; l'amiral Montcade prend le vent et s'enfuit à toutes rames vers Barcelone, et le soir la cité resplendit aux flambeaux de résine pour célébrer la glorieuse journée ; des vivres circulent en abondance afin de réjouir les habitants, épuisés par les fatigues d'un long siège.

Dès ce moment il n'y a plus à hésiter pour le connétable sur la nécessité d'évacuer la Provence ; une seule route demeure ouverte aux confédérés, celle de Toulon, par Aubagne, et le Beausset ; les Italiens, les Espagnols et les Allemands sous la conduite du connétable de Bourbon et du marquis de Peschiere s'amoncelèrent dans ces gorges à travers les montagnes que couvrent la bruyère et le genêt odorant ; or, les pâtres qui mènent leurs chèvres sous le thym signalaient par des feux le passage des ennemis, et presque aussitôt les archers marseillais tombaient sur les bagages et l'arrière-garde. Il y eut des traits d'héro,me dans cette population, révélés par les belles lettres que François Ier écrivit au maire, aux prud'hommes, aux échevins pour les remercier de leur bonne défense. Pendant huit jours il se fit des processions où l'on promena la Vierge noire par toute la ville ; les dames portaient les plus éclatantes bannières, et une place leur fut réservée parmi les braves chevaliers, blasonnés de toute pièce.

Le temps, moins destructeur que les hommes, avait encore épargné quelques traditions de l'héroïsme marseillais, et surtout cette vieille tour de Sainte-Paule qui rappelait le courage du peuple. De tous ces souvenirs municipaux que reste-t-il debout ? la tour a été brisée, ainsi que ces fontaines des Méduses, souvenir de la peste de Marseille, où Belsunce dressa son autel de reconnaissance, et ces vieux arbres du cours, plantés au temps de Puget pour couronner son œuvre, abri des millions d'oiseaux qui chantoyaient au lever de l'aurore de nos aïeux. Tout cela a disparu : est-ce que les grandes choses du passé importuneraient les générations présentes ? n'existe-t-il plus au cœur cet amour des ancêtres, qui faisait l'honneur et la forée des vieilles républiques ?

La délivrance de la Provence ne laissa plus un seul ennemi sur le territoire du royaume ; la Champagne, la Picardie avaient secoué l'étranger par ce beau mouvement de chevalerie et d'insurrection : aux Pyrénées, Charles-Quint était venu échouer au siège de Bayonne, et la lâcheté seule lui avait livré Fontarabie. En Provence le connétable était obligé de repasser le Var, de sorte que l'invasion venait mourir sur cette terre de France, tant de fois attaquée ; et qui se défendit avec un merveilleux instinct de sa nationalité ! Il ne faut pas croire que ce soit seulement dans les temps modernes que notre énergie de nation se soit manifestée ; à tous les siècles nous avons eu de beaux feux de gloire, de nobles inspirations, et c'est honneur de les recueillir dans les annales publiques.

Les opérations des alliés dans cette campagne avaient été, au reste, mollement conduites ; il n'y avait pas d'unité, parce que mille intérêts divers séparaient déjà leur cause ; au Nord, les Anglais ne s'entendaient pas avec les Flamands ; au Midi, il y avait des antipathies entre les Allemands, les Espagnols et les Italiens. Chaque peuple avait ses capitaines, orgueilleux de leur renommée, railleurs de celle des autres, et quelquefois fort aises des échecs de leurs rivaux de gloire, ainsi qu'on venait de le voir au siège de Marseille ; Peschiere s'était applaudi des disgrâces du connétable de Bourbon.

 

 

 



[1] Lettre de François Ier au maréchal de Montmorency, 20 août 1523. — Mss. De Béthune, vol. cot. 8569, fol. 54.

Mon cousin, je m'en pars ceste après disnée et m'en vais coucher près Tarare pour estre demain à Lyon d'où je vous feray sçavoir de mes nouvelles actendant ce que j'auray de votre levée de laquelle et de ce que vous y aurés fait, je vous prie m'advertir en dilligence, et à Dieu mon cousin, qui vous ait en sa garde. Escript à Rouanne, ce XXe jour d'aoust. François.

[2] Le beau-frère du roi d'Angleterre.

[3] Lettre de François Ier au maréchal de Montmorency. — Mss. de Béthune, vol. coté 8620, fol. 4.

Mons. le mareschal, j'ai veu ce que vous m'avés escript par votre lettre du XXIIIe de ce mois et par icelle entendu comme avez esté visiter Boullongne et Montereul, dont je suis très aise. J'ay ordonné argent pour les parachever de fortiffier, ensemble les autres places de la frontière de Picardie, tant Sainct-Quentin, Dour-lans, Hedyn, Therouanne, le passage de Bray et autres, à ce qu'il s'y face dilligence sur ce temps nouveau et cependant que l'on face les provisions des matières nécessaires pour ce faire.

Touchant le payement des gensdarmes l'on y faict toute la dilligence qu'il est possible de faire pour le recouvrer et pour ce faire davantage ay envoyé à Paris Samblançay, les généraux et les trésoriers des guerres pour le trouver par tous les moyens qu'ils pourront et l'envoyer à toute dilligence, ce qu'ils feront et surtout leur ay commandé envoler le premier argent pour la compaignie de mon cousin de Longueville, que j'entends aller à Therouennes, ainsy que j'ay escript au cappitaine Loges. François.

[4] Le 30 décembre 1523. — Belcar, lib. XVII, n° 58.

[5] Adrien VI mourut le 14 septembre 1523.

[6] Jules de Médicis. Il était fils naturel et posthume de Julien de Médicis, assassiné en 1478 ; Léon X, son cousin, après l'avoir légitimé par une bulle, le nomma archevêque de Florence, puis cardinal en 1543. Il fut élu pape le 19 novembre 1523.

[7] Le 30 avril 1524. Le corps de Bayard resta au pouvoir des ennemis, qui le firent embaumer ; on le transporta ensuite à Grenoble, et il fut inhumé dans une église des Minimes, à une demi-lieue de cette ville.

[8] Comparez la vie de Bayard par son secrétaire, sous le nom du Loyal Serviteur. Paris, 1527, in-4°. Symphorien Champier, Paris, 1525, in-4°. Vie des hommes illustres de France, par d'Auvigny, tome IX, et Etienne Pasquier, Recherches sur la France, liv. VI, chap. 48, 49, 20,24 et 22.

[9] Guichardin, liv. XV. — Belcar, lib. XVIII, n° 8.

[10] Autant le connétable de Bourbon est détesté par François Ier, autant le roi exalte le marquis de Peschiere ; on a toujours le sentiment de ceux qui vous sont favorables. Dans l'épître ou poème composé par François Ier sur cette campagne, on trouve les vers suivants :

En mauldissant Bourbon et ses pratiques

Congnoissant bien ses trahisons iniques,

Avecques eulx avoit ung chef louable ;

Et de vertu trop fort recommandable,

Celluy estoit pour guerre et paix exquis

De Pesquierre se disoit le marquis.

(Bibl. Roy., Poésies de François Ier, manuscrit in-4°, fonds Lavallière, n° 136.)

[11] L'armée des impériaux était de cinq cents lances, huit cents chevau-légers, quatre mille hommes d'infanterie espagnole, trois mille Italiens et cinq mille Allemands. Ces troupes devaient être jointes par trois mille hommes d'armes de l'armée d'Italie et cinq mille lansquenets. — Guichard., liv. XV.

[12] Hugues de Montcade, d'une illustre maison de Catalogne, commença sa carrière au service de Charles VIII, en Italie ; après la retraite du roi de France, il accepta un commandement dans les bandes espagnoles, sous Gonzalve de Cordoue, puis avec quelques galères se mit à la poursuite des pirates qui dévastaient les côtes d'Italie, et devint dès ce moment un puissant homme de mer.

[13] Or doncques, le dit Bourbon se transporta avec l'armée dudit empereur du pays d'Italie, par les montagnes, le long de la rivière de Gennes, comme dit est, es marches et jusques auprès de ladite ville de Marseilles, laquelle, avecques une bonne et grosse bande d'artillerie bien équipée de tout équipaige, assiégea la d. ville, et icelle fit canoner et bombarder en plusieurs endroits et faire brèche pour y entrer. A laquelle inconsidérée entreprise vaillamment résistèrent les nobles et vertueulx chevaliers et cappitaines cy dessus nommés, y estant avec certain nombre de gens de guerre, de pyé et de cheval. (La prinse et délivrance du Roi, par Sébastien Moreau, Bibl. Roy., Mss. N° 9902.)

[14] Le d. messire Charles de Bourbon donna troys assaulx à lad. ville, bons, royde et hardys ; mays les dessus dicts nobles et vaillants chevalliers, avec l'ayde des souldars y estans et avec Tayde de nostre seigneur, le reboutèrent si rudement desdits troys as-saulx, que beaucoup de ses gens furent occis et les autres nayvrés, et les autres prins prisonniers. Ce voyant au troysiesme et dernier assaulx, après qu'il avoit entendu que le roi estoit en Avignon, au cap de Rousse, ou là ès environ, faisant grant amas de gens de guerre à pyé, tant Suysses, lansquenez, francoys et aultres, pour le venir trouver et chicquer, considérant qu'il n'avoit du meilleur et qu'il n'estoit bien assurecté, par une nuyt se délogea et lad. armée de devant lad. ville de Marseilles ; mais ce ne fut sans y laisser des enseignes de son artillerye, comme double canons, coulevrines et autres choses en assez bonne quantité, à son très grant deshonneur et honte, car honteusement s'en fouyt et fondit camp et armée par les montagnes, s'en retournant par où il avoit passé. (Bibl. Roy., Mss, n° 9902.)

[15] André Doria, de la grande famille de Gênes, né en 1468, entra à dix-neuf ans dans les gardes du pape Innocent VIII, ensuite au service du roi de Naples, puis passa en terre sainte, où il fut reçu chevalier de Saint Jean-de-Jérusalem. A vingt-quatre ans il abandonna l'armée de terre pour la marine, où ses exploits contre les barbaresques lui acquirent une brillante renommée. Dès le commencement de la guerre, Doria embrassa le parti de la France et se mit à la solde du roi.

[16] Gouverneur de Boulogne à l'avènement de François Ier.