FRANÇOIS Ier ET LA RENAISSANCE. 1515-1547

TOME PREMIER

CHAPITRE IX. — NÉGOCIATIONS ET GUERRE JUSQU'À LA SUCCESSION DE L'EMPIRE.

 

 

Préoccupation de Léon X — Sa vaste idée d'une croisade contre les Turcs. — Agrandissement de l'empire ottoman. — Offres du pape à François Ier. — Esprit chevaleresque pour la croisade. — Intérêts privés. — Développement de la guerre du Milanais. — Les Allemands au delà des montagnes. — Maximilien devant Milan. — Les Suisses. — Négociations. — Les Vénitiens. — Succession d'Espagne. - Charles d'Autriche. — Intimité avec le roi de France. — Paix avec l'Angleterre. — Nouvelles fiançailles. — Ligue perpétuelle des Suisses. — Développement de l'idée d'une croisade. — Mort de Maximilien.

1515 À 1519.

 

Avec l'amour immense de l'art, une autre pensée noble, puissante, préoccupait Léon X. Le XIVe siècle avait assisté à l'extension effrayante de l'empire des Turcs ; Constantinople voyait ses vieilles tours byzantines couronnées de l'étendard du prophète, et la mer était encore le seul obstacle que Dieu eût laissé entre la chrétienté et de terribles conquérants : que fallait-il pour le franchir ? une flotte d'habiles marins, et les Turcs s'exerçaient déjà sur de vastes galères à mille rames. Jamais ne s'était révélée une plus redoutable succession de sultans : après Mahomet II[1], Bajazet II, son fils aîné, que les Francs avaient nommé dans leurs chroniques Lamoraboquin. Les guerres civiles avec Zizim, son frère, avaient seules empêché le déploiement de la puissance ottomane sous ce règne ; on vit alors Zizim, prisonnier des chevaliers de Rhodes, tour à tour conduit à Home et auprès de Charles VIII, comme otage politique et surtout comme moyen de Jeter la division dans l'empire ottoman. Le séjour de Zizim en Europe avait créé les premiers rapports diplomatiques entre la chrétienté et les Turcs ; Bajazet correspond avec les papes, l'empereur, les chevaliers de Rhodes, sur la destinée de son frère. Depuis la prise de Constantinople, les Turcs étaient devenus puissance active et européenne ; maîtres de la Macédoine et de l'Épire, s'ils n'avaient pas encore débordé sur l'Italie, il fallait en rendre grâce à leurs propres divisions, à la noble valeur des chevaliers de Rhodes, à la politique de Venise, et surtout à ces scènes du sérail, à ces massacres d'enfant, de frère, de père ; terribles fléaux jetés par la Providence pour sauver l'Europe de ces nouveaux barbares.

Sélim Ier venait de succéder à Bajazet, son père[2], d'une manière violente, le poison avait coulé dans les veines du vieux sultan qui allait chercher un abri comme Dioclétien dans la solitude, à Didimotique ; Sélim fait étrangler son frère et son aîné comme il avait fait présenter la coupe empoisonnée à son père ; en vain son dernier frère Korkud veut se soustraire à cette cruelle politique en se jetant dans l'étude des lettres et du Koran. Sélim, toujours impitoyable, lui fait envoyer le terrible cordon. Conquérant superbe, il combat incessamment contre les derniers rois de Perse et les sultans d'Égypte ; ses armées promènent partout les cimeterres étincelants ; maître du Caire, la queue de ses pachas flotte sur le sommet des pyramides, et c'est aux bords du Nil que se fit le terrible massacre des Mameluks ; trente mille tombèrent dans un seul jour, et les flots du fleuve ensanglantés roulèrent des cadavres pendant vingt-deux heures.

C'était contre Sélim que la chrétienté devait combattre : si Venise et les villes commerçantes d'Italie avaient à ménager les mécréants pour conserver les privilèges du trafic dans les comptoirs du Levant, il n'en était pas ainsi des papes, gardiens de l'Europe chrétienne et de la civilisation du monde. Depuis deux siècles, ils appelaient incessamment le retour de l'esprit de croisades ; quand ils provoquaient l'union des deux Églises grecque et romaine dans les conciles, c'est qu'ils voulaient sauver Constantinople et fondre dans une même idée toutes les forces de la catholicité pour ne plus séparer les peuples qu'en deux grandes croyances : d'un côté, les sectateurs de Mahomet avec la barbarie, le glaive ensanglanté ; de l'autre, la foi du Christ sous les clefs de Saint-Pierre, avec les arts, les sciences et le noble esprit de la chevalerie, fière aussi de ses coups d'épée et de ses nobles exploits. Grande idée que les croisades des XIe et XIIe siècles, alors affaiblies et dégénérées ! L'Europe était divisée en trop d'intérêts ; les rivalités de princes et de territoires restaient trop profondes pour que la pensée pontificale pût s'accomplir ; ce qu'on appelait la dictature du pape ne consistait réellement que dans la réalisation d'une pensée d'unité pour préserver l'Europe du schisme et de la conquête des Barbares.

Ainsi avait agi Léon X depuis son avènement au pontificat ; les républiques d'Italie s'endormaient dans leur prospérité commerciale ; les podestats, les comtes, les grandes familles d'Urbin, de Sforza, de Médicis, se disputaient quelques cités, des territoires, tandis que les Turcs menaçaient l'Italie tout entière. Déjà on avait aperçu le croissant sur le rivage ; des flottes avaient paru en Sicile, à l'embouchure du Tibre et de l'Arno ; la papauté craignait un terrible réveil pour l'Italie. Dans les conférences de Bologne y tandis qu'on discutait le concordat, Léon X s'ouvrit complètement sur ses craintes et ses douleurs à François Ier. Quand il le vit à la tète d'une si belle chevalerie, avec des hommes d'une si fière taille, il dut contempler en lui la force et l'espérance de la chrétienté. Il parla donc d'une croisade contre les musulmans ; l'empire grec était tombé par ses divisions et ses fautes ; pourquoi s'était-il séparé de l'Église romaine et de la foi de l'Occident ? S'il était resté dans l'unité, l'unité l'aurait sauvé, toute la grande chevalerie catholique ne se serait-elle pas armée pour sa cause ?

Ce que Léon X offrait à François Ier devait séduire un cœur si fier, une nature aussi entreprenante. Chef de la chevalerie, le roi de France le serait aussi d'une nouvelle croisade ; le pape plaçait dans ses mains l'étendard de la croix, et renouvelait la donation faite à Charles VIII sur Constantinople et la Grèce ; Léon X reconnaissait la succession des Paléologues aux rois de France, qui prendraient au titre d'empereurs d'Orient. Qu'elles étaient brillantes, ces offres ! que de séductions pour ces esprits si pleins d'émotions romanesques ! Conquérir la Grèce, c'était s'assurer les plus belles terres du monde, les meilleurs fiefs, les plus riches cités, Constantinople, Trébizonde, Nicée ! Nul ne pouvait refuser un tel lot, et moins encore la chevalerie de France. A cette offre étaient jointes de magnifiques concessions : toute croisade donnait droit à la levée d'un décime sur les monastères et les clercs, nulle terre consacrée à Dieu ne devait régulièrement d'impôt ; mais lorsque le but de la guerre était saint, l'exemption n'existait plus, et chaque église payait le décime pour la croisade. C'était un riche appât dans les nécessités impératives du trésor royal.

Pour arriver à un armement général contre les Turcs, il fallait préparer la paix de l'Europe et une suspension d'armes parmi les princes. Ce but difficile, quelle puissance humaine pouvait l'atteindre ? La dernière guerre du Milanais avait montré toutes les vieilles querelles prêtes à se manifester. Au fond, Marignano n'avait été qu'une journée contre les Suisses ; ce terrible combat s'était donné entre eux et les lances de France, sans que nulle autre puissance y eût pris part, et cependant toutes étaient à la veille d'hostilités nouvelles. Les troupes de l'empereur Maximilien n'étaient-elles pas aux frontières du Milanais, préparées à l'envahir ; en guerre ouverte avec Venise, alliée de la France, l'empereur ne disputait,il pas à la république les fiefs de terre ferme ? Quand Henri VIII, le roi d'Angleterre, avait vu François Ier si rapproché des terres du Milanais, il avait également surveillé les côtes de France, et ses hommes d'armes occupaient une partie de l'Amiénois prêts à fondre sur le royaume. Mêmes sentiments d'hostilités en Espagne, à Naples ; les maisons d'Aragon et de France ne pouvaient se supporter en face ; Charles, archiduc d'Autriche, dans ses protestations d'obéissance et d'amitié filiale pour François Ier, ne cachait-il pas ses desseins d'ambition et son désir d'être soutenu dans la succession de Castille ? Dans cette agitation des esprits et des ambitions bouillantes, comment espérer une fusion de toutes ces forces contre les Turcs ; pour cela il aurait fallu une puissante dictature dans les mains du pape, comme au xi" siècle, et la réforme de Luther affaiblissait alors l'éclat de cette immense tiare. A ce point de vue, la réforme était encore une cause de morcellement et de décadence au milieu des intérêts si divers déjà. Les papes seuls eurent la pensée et la volonté de sauver l'Europe de l'invasion des Turcs.

A peine la conquête du Milanais était accomplie par les Français que déjà elle se trouvait compromise ; Sforza avait traité avec les Français pour une pension[3], et, comme les Suisses, il avait renoncé au duché de Milan ; mais Maximilien, le protecteur et le suzerain de Sforza et du Milanais, n'avait pas ratifié le traité, et par conséquent il se croyait libre de tout engagement. D'ailleurs, l'empereur était en guerre ouverte avec Venise, et souverain impératif, il espérait reconquérir toutes les terres, fermes de la république. Or, Venise était la puissante alliée de la France ; naguère l'Alviane avait achevé la glorieuse journée de Marignano, et son arrivée sur le champ de bataille n'avait-elle pas décidé du succès ? François Ier ne pouvant abandonner Venise à ses propres forces, lui avait donné Trivulce[4] et les meilleures troupes de ses lances.

La guerre existait donc de fait entre François Ier et Maximilien. Dans ces circonstances, l'empereur résolut d'envahir le Milanais en vertu de ses droits souverains ; ce n'était pas la première fois que les hommes d'Allemagne descendaient dans la Lombardie. Depuis Charlemagne, cette route était frayée par leurs chevaux bardés de fer : par le Tyrol, ils touchaient Vérone, par les chaînes des Alpes, le Splügen, le Saint-Gothard, ils étaient à la face de Milan. Maximilien avait pris à sa solde non-seulement les lansquenets et reîtres, mais encore les Suisses des ligues : singulières troupes que ces montagnards, partout engagés, là où il y a de l'argent à gagner, une solde à mettre en leur escarcelle de cuir ; sans foi ni loi les voilà maintenant à la solde de Maximilien pour reconquérir le Milanais, comme ils seront demain à la solde de François Ier.

Avant de repasser les Alpes pour revoir sa cour d'Amboise, le roi avait confié le gouvernement de Milan au connétable de Bourbon. Nul n'avait donné de plus dignes coups d'épée ; et puis il avait conçu et exécuté le plan de la bataille de Marignane y sur de belles proportions. Le connétable s'était fortifié dans la cité et la citadelle ; obligé de prêter secours à Venise, trois cents lances, d'après ses ordres, avaient pris la route de Vérone et de Padoue. Le connétable restait donc à Milan avec bien peu de gens d'armes, lorsqu'on vint lui annoncer la marche rapide de Maximilien et de ses Allemands à travers les Alpes ; les Suisses, prenant parti pour lui, voulaient essayer une revanche de leur défaite. Quatorze mille d'entre eux avaient pris sous la protection de leurs hallebardes et pertuisanes la cause de Maximilien, pour chasser une fois encore les Français de Milan. Le nombre de lances que commandait le connétable de Bourbon n'était pas assez considérable pour résister ; les Vénitiens alliés de la France étaient occupés à se défendre eux-mêmes contre une puissante irruption d'Allemands qui menaçaient Vérone et Brescia. Maximilien ne pouvait choisir un meilleur moment pour témoigner aux Espagnols qu'il défendait vigoureusement leur cause ; les idées d'une monarchie universelle germaient toujours dans la tête des empereurs ; Maximilien marchait avec l'assentiment de Henri VIII, roi des Anglais, vivement irrité de l'alliance de François Ier avec le roi d'Ecosse[5], alliance naturelle et déjà ancienne comme le règne de Charles VII : quels services n'avaient pas rendus les braves Écossais au roi de France exilé, proscrit à Bourges ? Henri VIII poussait donc Maximilien à une irruption soudaine du Milanais, comme à une diversion favorable à la guerre d'Ecosse.

A Milan, la chevalerie du connétable de Bourbon était si peu nombreuse que nul ne doutait de la voir forcée d'abandonner sa récente conquête ; rappelant tous les corps qu'il avait dispersés pour défendre l'alliance des Vénitiens, le maréchal de Lautrec abandonna le siège de Brescia pour accourir sous son chef naturel, le connétable de Bourbon. Milan devenait ainsi le point central de tout système défensif, et par une rigueur militaire en rapport avec le caractère du connétable, les mineurs détruisirent les faubourgs de la noble cité y pour que l'armée pût mieux se protéger à l'abri des murailles : de beaux édifices croulèrent ainsi sous la sape des ouvriers ; à l'aspect de ces ruines, les Milanais disaient tout haut : que ceci se faisoit pour satisfaire la jalousie des Vénitiens ; la république du lion de Saint-Marc étoit envieuse de la grandeur et de la prospérité de Milan. Dans cette Italie, vaste foyer de discussions et de jalousies, on se vouait de cité à cité des haines terribles que la poésie du Dante a si puissamment retracées. Le connétable ne s'arrêta devant aucune remontrance des citoyens ; sa fermeté étouffa les complots, tandis que la renommée de sa tactique et de sa valeur lui rattachait un parti de Suisses sous le capitaine Albert de la Pierre[6]. Tout ce qu'il y avait de guerre alors se faisait par les Suisses ; les véritables batailles se donnaient entre eux, et souvent ils croisaient les hallebardes sur la poitrine de leurs compatriotes. Le Milanais fut sauvé parce que les Suisses de Maximilien ne reçurent pas leur solde de quatre-vingt mille écus : Qui nous paiera, disaient ces avares montagnards ? En vain l'empereur leur donna des acomptes, ce n'était pas assez ; il leur fallait tout ; on le leur refusa, et ils se révoltèrent, à ce point que Maximilien fut obligé de les licencier. Cette rébellion mit un terme à l'invasion des Allemands dans le Milanais ; l'étendard fleurdelisé reparut sur les riches cités que l'empereur avait conquises ; les plus fermes corps de lances se portèrent à la défense de Venise menacée. La possession de l'héritage de Sforza fut complètement acquise aux Français.

Cette puissance de la couronne de France s'étendait avec une indicible activité sous un roi fier et jeune de pensée ; la politique commençait à être une science, une étude que Machiavel mettait en axiome. Charles d'Espagne et François Ier, ces deux princes que l'Europe vit ensuite sur tant de champs de bataille, continuaient à se donner les marques les plus vives, les plus sincères, d'une tendre amitié. Charles, l'archiduc, donnait an roi de France le titre de père, et François lui répondait comme à son cher fils. Toutes les difficultés se traitent personnellement entre eux dans une suite de lettres bien précieuses pour l'histoire[7] : Monsieur mon père, bien humblement à votre bonne grâce me recommande, écrit Charles au roi François. Après plusieurs longues poursuytes, intercessions et dilligences par moy faictes avec l'Empereur monseigneur et père, lesquelles j'ay continué incessamment depuis le premier traictié fait entre vous et moy, comme l'avez pu cognoistre, j'ay tellement besongné que iceluy empereur s'est condescendu à prendre appointement et amytié avec vous et que vos ambassadeurs estant ycy et moy avons présentement conclu iceluy appointement à votre désir. Je vous assure qu'il a esté bien dur à l'Empereur de habandonner Vérone et que sans grant paine et grosse despense que j'en ay et aurey à supporter, je n'en fusse venu au bout, et vous prie vouloir considérer que je l'ay fait pour mieulx assurer nostre alliance et la rendre plus ferme, espérant et congnoissant aussy que ce sera le bien de toute la chrétienneté, et que les choses traictées seront mieulx gardées qu'elles n'ont esté le temps passé, croiant fermement que vostre intencion est telle et soyez seur que de ma part n'y aura jamais faulte. Vous entendrès plus à plain l'issue de cest affaire par vos ambassadeurs qui en reportent la despesche, par quoy sera fin de ma lettre priant notre Seigneur, vous donner bonne vie et longue. Etcript à Bruxelles, le VII de décembre de la mein de vostre bon fils Charles.

Cette bienveillance naturelle s'explique par les événements. Une succession venait alors de s'ouvrir, et pour raffermir sur son front la couronne d'Aragon et de Castille ; Charles espérait l'appui de François Ier. Ces deux rois avaient entre eux à résoudre de vieilles et puissantes difficultés ; la première touchait au royaume de Naples disputé par les maisons d'Aragon et de France. Dans l'entrevue de Bologne avec Léon X, il fut entendu que cette question de Naples serait suspendue jusqu'à la mort du vieux roi d'Aragon et de Castille : n'aurait-on pas le loisir de se disputer plus tard le prix du tournoi sur une tombe ? Mais Charles, l'archiduc, venait de succéder à la couronne du vieux roi[8] ; et n'était-ce pas le moment d'obtenir de François Ier une cession complète de ses prétentions sur Naples en échange de la médiation que Charles d'Espagne lui offrait pour le Milanais auprès de l'empereur ? Comme la France mettait aussi dans les premiers de ses devoirs de protéger les rois de Navarre, François Ier demandait la restitution des terres méridionales usurpées sur le domaine navarrais. Tout ceci appelait un règlement immédiat avant même qu'il ne fût question de saluer Charles d'Autriche comme roi des Espagnes.

Les rapports intimes de François Ier et de Charles, désormais roi d'Espagne, étaient jusqu'ici pleins d'affection, surtout de la part du chevaleresque roi de France ; ils ne présageaient pas d'orageuses disputes et un duel à mort sur un champ de bataille. Depuis son enfance, Charles, l'archiduc, avait suivi une politique toute de famille à l'égard de François Ier : il se fiançait avec les filles de la maison de France, l'une après l'autre, de manière à se maintenir toujours à l'aide de ces alliances d'avenir. Quand des contestations furent soulevées à l'avènement de Charles à la couronne de Castille et d'Aragon, on convint d'une réunion de plénipotentiaires pour arrêter les clauses définitives d'un traité entre les princes qui s'appelaient si affectueusement dans leur correspondance. Noyon fut choisi pour le lieu des conférences, et par une attention délicate les rois désignèrent pour leurs plénipotentiaires deux amis, deux savants, les gouverneurs de leur jeunesse : François Ier, le grand maître de Boisy, l'homme de sa confiance et de sa tendresse ; Charles d'Espagne, ce seigneur de Chièvres qui lui avait enseigné les premières notions de l'art de la chevalerie, comme Erasme les avait entendues dans son livre de Amicitia. François Ier dut se montrer généreux avec un prince qui s'alliait de si près à sa race ; Une demanda ni les Pays-Bas, ni la Franche-Comté, éparpillement du grand-duché de Bourgogne, les deux seules difficultés portèrent sur Naples et le royaume de Navarre. Il fut dit, quant au premier points que les rois s'en tiendraient au traité conclu entre Louis XII et Ferdinand le Catholique, sorte de partage de la monarchie de Naples. Toutefois, en faveur de Madame Louise de France[9], fille de François Ier et de Charles, roi d'Espagne, la portion du royaume de Naples appartenant à la France, reviendrait au roi Charles, à titre de dot.

La politique des alliances par mariage se développait déjà dans la tête de Charles-Quint comme un moyen d'agrandissement. En échange de ces bons procédés, le roi d'Espagne s'engageait sur l'honneur à faire rendre toute justice au roi de Navarre. Le traité de Noyon[10] fut moins une convention politique qu'une alliance de famille, un pacte de mutuelle amitié. La correspondance entre les deux rois plus affectueuse que jamais est comme l'expression de l'accolade fraternelle[11] ; ils se donnent les colliers de leurs ordres. Charles envoie à son bon père de fiers chevaux d'Espagne pour figurer aux tournois, et le roi de France lui fait présent de deux ouvrages d'orfèvrerie garnis de rubis et d'émeraudes. Reconnu et salué par son peuple, Charles s'empresse de l'annoncer au roi ....pour continuation de la fervente amour que je vous porte, j'ai voulu vous faire part que j'ai été proclamé roi dans mes royaumes de Castille, Léon et Grenade, et que j'espère l'être de même en Aragon[12]. Il ajoute qu'il sera toujours fier de lui complaire ; de s'entendre avec lui dans les actions de la vie. Ces paroles attendrissaient l'âme chevaleresque de François Ier, tout plein de cette foi, de cette sincérité que donne le courage à qui se sent fort et loyal ; nul cœur fier ne se courbe pour dissimuler. Charles-Quint est moins un chevalier qu'un politique ; François Ier apparaît comme un dernier reflet du moyen âge. Charles, roi d'Espagne, représenté le XVIe siècle, époque de négociations et de diplomatie ; à peine vient-il de signer son traité avec François Ier qu'il conclut alliance peut-être plus intime encore avec le roi d'Angleterre[13], et prépare une ligue entre Henri VIII, l'empereur et l'Espagne. Or, contre qui cette ligue est-elle dirigée ? on l'ignore encore, mais son dernier mot n'est-il pas une alliance contre la France et son valeureux roi ?

Singulier caractère que ce Henri VIII qui règne sur les Anglais ! Sous un corps épais de graisse, il cache un tempérament sanguin et si violent que nul n'ose lui résister ; il ne reconnaît pas d'obstacle à l'impétuosité de ses désirs ; il a étudié comme un clerc, et il en a pris l'esprit disputeur et sophistique ; ardent copiste, il écrit des livres contre Luther. Le feu de ses passions l'entraîne à tous les excès ; son sang bouillonne et reflue incessamment vers la tête et le cœur ; il aime les femmes avec frénésie ; il n'a pas de goût pour la guerre, et dans l'impuissance de se montrer noble cavalier, il préfère traiter par négociations. A peine a-t-il satisfait Charles d'Espagne, qu'il se trouve en présence du roi de France ; quelque froideur s'était depuis longtemps manifestée entre les deux couronnes. Henri VIII avait vu avec méfiance l'expédition du Milanais, et bien que François Ier se fût déjà occupé à cette époque de calmer les craintes du roi des Anglais, Henri, dès que l'armée de France fut au delà des Alpes, donna des ordres pour qu'une troupe de lances sous le lion d'Angleterre prît possession de Tournay, cité mixte et disputée. A peine de retour de la conquête de Milan, François Ier se plaignit de cette infraction à la paix : A quel titre, les Anglois s'emparent-ils de Tournay ? et pour en obtenir la restitution, il envoya une ambassade extraordinaire. Bonnivet, récemment créé amiral[14], son ami, son confident, beau gentilhomme qui, selon Brantôme, devoit réchauffer les froides températures des dames et demoiselles de Windsor et de Wincester ; Bonnivet eut pour instruction de gagner spécialement la confiance du cardinal de Wolsey[15], tête puissante et catholique qui maîtrisait Henri VIII. Le chancelier Duprat avait désigné Bonnivet comme un esprit habile, bon observateur, et il ne se trompa pas.

Le résultat de la négociation de Londres fut encore une alliance de famille i si Charles d'Espagne s'était fiancé avec Louise de France, la fille de François Ier, Marie, la fille unique de Henri VIII fut destinée au jeune Dauphin[16]. On abusait peut-être de ces alliances de famille qui n'étaient, à vrai dire, que des éventualités ; car Marie d'Angleterre avait à peine quatre ans, et monseigneur le Dauphin venait de naître. Ces sortes d'alliances ne constataient alors qu'un immense besoin de la paix ; Tournay fut rendu pour une somme d'argent[17], et Henri VIII exigea comme garantie du payement huit otages de grande noblesse, les seigneurs de Morette, de Mouy, de la Meilleraye, de Montpezat, de Melun, de Mortemart, de Grimault, de Montmorency-Rochepot et de Hugueville ; ces braves chevaliers devaient attendre à Londres l'exécution du payement promis par le roi. Long sans doute serait leur exil, car François Ier n'avait pas force écus d'or !

Ce besoin immense de paix révélait un danger permanent, continu, celui d'une invasion des Turcs en Europe ; la présence d'une ruine fatale pour tous déterminait les princes à des alliances religieuses. La clef et la tête de ce mouvement d'union des puissances chrétiennes, Léon X, avait concédé, dans l'entrevue de Bologne, la conduite de la croisade à François Ier. Dans cet immense mouvement de prédication, il fallut réveiller le zèle et réunir les moyens nécessaires pour un grand armement : les corsaires turcs avaient déjà insulté les cités d'Italie, et les janissaires apparaissaient sur le Danube et aux frontières de la Hongrie. Les ordres religieux s'étaient puissamment dévoués à cette œuvre patriotique ; et partout des troncs furent placés pour recueillir les aumônes destinées à repousser les Barbares ; par cette croisade purement défensive, l'Occident allait se lever. Il existe des instructions signées de la main du roi dans le château d'Amboise, au sujet de la croisade, car François Ier veut qu'on environne cette guerre d'une certaine solennité ; il faut frapper les yeux pour animer

les cœurs d'un beau zèle, d'un noble enthousiasme : les troncs seront donc ornés des saintes images de la Vierge au visage si doux, de Pierre et de Paul, les grands disciples du Christ. Le zèle excité par la prédication produisit des miracles de dévouement : le plus beau revenu du roi pendant deux ans, fut le produit de la croisade. Indépendamment des dons volontaires qu'elle réalisa en abondance, comme toute entreprise nationale, elle autorisait la levée d'un décime sur les propriétés cléricales sans distinction ; les biens des clercs ne devaient rien habituellement que la prière. En temps de croisade tous devaient concourir, car c'était pour glorifier la croix que l'Europe allait se lever eu masse. Le dessein patriotique d'une guerre contre le Turc était alors dans l'esprit du roi sans qu'il dominât toutes les autres pensées ; trop d'intérêts paraissaient en jeu dans le mouvement général des souverainetés européennes.

Un plan de croisade rédigé par le roi d'Espagne fut communiqué à toutes les puissances catholiques, afin de populariser son avènement et lui donner l'empreinte religieuse d'une résistance de la chrétienté[18] contre l'invasion des Barbares. Il semble, disait-il, que pour ceste année l'on ne pourra envahir ne assaillir le Turcq ne la Turquie à cause que la saison est trop avancée et les princes mal prests, et se pourroit l'on préparer pour l'année à venir faire l'invasion, il souffira ceste année de pourveoir garder et deffendre la chrétienté et mettre bonne provision ez lieux plus nécessaires, se comme a Naples, Sicile, la Marche d'Ancomne et autres lieulx. Et pour ce faire fauldra mettre sus 25 mille hommes ; à savoir 20 mille à pied et 5 mille à cheval, et iceulx départis et mettre ez places et lieulx plus nécessaires. Geste dépense se furnira par nos-tre saint père le pape, et par lesroys de France et d'Espagne, et aussi par les Vénitiens, Florentins et aultres potentats d'Italie. Et si le Turcq faisoit sa descente en quelque lieu de chrestienté si puissante, que la provision dessus dicte ne feust souffisante, seroit besoing que les princes dessus nommés et aultres roys et princes chrestiens y menissent toute leur puissance. Et quant à Hongrie, la majesté de l'empereur avec les roys de Hongrie, de Bohême, Polonie et toutes les Allemangnes feront la résistance nécessaire de ces costés. C'est qu'alors le sultan Sélim annonçait partout d'implacables projets contre les nations de l'Europe ; vainqueur des Perses et des Égyptiens, il voulait promener son cimeterre étincelant sur l'Italie, la Hongrie et l'Allemagne ; et cet appel à la chevalerie pour une croisade avait pour but de repousser la conquête et l'envahissement de la barbarie. L'Europe avait besoin une fois encore de se sauver de l'islamisme, comme à l'époque de Charles Martel.

Tandis que la pensée générale d'une croisade préoccupait l'Europe, François Ier cherchait aussi à conserver sa conquête du Milanais, deux fois menacée par les Allemands et les Espagnols. La bataille de Marignano, victoire éclatante sur les Suisses, avait abaissé l'orgueil indomptable des montagnards. Ce résultat obtenu, la politique de la France commandait d'attirer ces mêmes Suisses à une alliance définitive. Quand les Allemands descendraient sur l'Italie, comment la chevalerie de France pourrait-elle défendre le Milanais, si les Suisses demeuraient hostiles[19] ? Le principe d'une alliance sûre et définitive triompha, et c'est à quoi tendirent les négociations engagées à Fribourg avec les treize cantons confédérés.

La république de Venise, toute reconnaissante de l'aide des Français pour ses possessions de terre ferme, voulut donner au roi des marques de sa gratitude ; et le Conseil des Dix lui vota cent mille sequins pour la guerre. Les noms du connétable de Bourbon et de Trivulce furent inscrits sur le livre d'or ; magnifique témoignage de la gratitude politique. Ces bourses de sequins étaient un beau lot pour François Ier, un appât qu'il pouvait jeter à l'alliance suisse ; et ce fut sous cette influence que s'ouvrirent les négociations de Fribourg. Jusqu'ici cinq cantons seulement étaient toujours restés liés à la France ; possesseurs de quelques bourgs et terres du Milanais, ils ne voulurent pas les céder ; mais la Ligue scella ce traité solennel connu depuis sous le nom de Paix perpétuelle[20] qui assura l'alliance des treize cantons avec le concours des rois de France. Désormais les montagnards, très-largement payés au reste, demeurèrent fidèles et dévoués comme une belle infanterie de bataille.

Si la chevalerie, toujours impatiente de gloire, s'élançait çà et là pour chercher des périls ; si l'on trouvait de nobles aventuriers en Danemark, sur les terres suédoises, bravant la neige et les tempêtes ; si d'autres brisaient encore quelques lances sur les bords du Rhin ou en deçà des Alpes, les souverains chrétiens réunis sous l'influence de la papauté, songeaient à la grande croisade contre les Turcs. Les récits qui venaient d'Orient étaient terribles ; on parlait de la puissance des janissaires ; des myriades de cavaliers sur leurs coursiers bondissants ; des spahis, beaux jeunes hommes, et corps privilégiés ; des Timariots groupés sous l'étendard du prophète à la première convocation, sorte de féodaux dans l'Orient. A ces récits sur les progrès des infidèles, la digne chevalerie chrétienne devait accourir pour briser la lance et l'épée contre les Barbares ; la croisade partout prêchée soulevait des milliers de bras s Constantinople et la Syrie apparaissaient comme une terre de merveilles et de miracles. On se préparait au départ pour le printemps, lorsque la nature en fleur ouvrirait les Alpes. C'était fête aux châteaux ; la chevalerie saluerait comme les ancêtres les terres de la Grèce, l'Hellespont, la Syrie et le tombeau du Christ. On se faisait mille riants tableaux de cette expédition lointaine, la trompette retentissante éclatait en mille chants de départs. Tout à coupon apprend que l'empereur Maximilien, l’un des chefs naturels de la croisade, vient de mourir à Wels[21], après les débats vifs et solennels de la diète d'Augsbourg. Caractère bizarre que celui de Maximilien ; ambitieux de tous les titres comme de toutes les dominations, il avait voulu être pape, et s'était montré théologien dans les disputes contre Luther. Cette pensée de papauté le préoccupe à ce point qu'il écrit à Marguerite[22] sa fille qu'il va devenir sainte et discute le culte qu'on lui rendra ; il renouvelle ainsi les prétentions des empereurs de la vieille Rome, qui, au lit de mort, sentaient qu'ils devenaient Dieux. Maximilien, le prince le plus extraordinaire de son siècle, avec sa force herculéenne, sa taille de six pieds, reproduis Sait les géants du moyen âge, le saint Christophe des églises du Rhin et de la Forêt-Noire ; on ne rapprochait qu en tremblant, car sa colère était grande, et lorsqu'il brisait son silence habituel, c'était pour s'exprimer d'une bruyante parole i sa voix avait l'éclat du tonnerre et ses yeux lançaient les éclairs ; on aurait dit que la Germanie avait retrouvé son Charlemagne sous sa pesante armure ; et avec cela s'enivrant beaucoup, moqueur en parole et en pensées, érudit des choses du passé, et comme César écrivant des commentaires sur les faits de son temps.

Aujourd'hui, dans la cité d'Insprück, on peut voir encore quelques débris de cette magnifique grandeur ; à l'extrémité de la ville, dans un quartier presque ignoré, s'élève une basilique modeste ; on soulève la tenture qui sert de porte, tout à coup on voit devant soi vingt-huit colosses de bronze antiques, couverts d'armures, le casque en tête et la grande épée en main. Ils sont là muets avec leurs armoiries allemandes ; ce sont les ducs d'Autriche qui font tous cortége autour d'un tombeau. Sur ce cénotaphe gigantesque est couché l'empereur Maximilien[23], lui aussi couvert d'une vieille armure, avec ses éperons aux pieds, ses brassards, ses cuissards, son casque et sa lourde épée. L'admirable artiste a reproduit sur les bas-reliefs toutes les belles actions de Maximilien, les batailles livrées, les sièges accomplis, les entrevues, les traités, et sur toutes choses domine toujours l'Empereur, le digne aïeul de Charles-Quint.

Maximilien laissait une immense succession : l'empire d'abord dont le sceptre était dans ses mains, la couronne d'Autriche, la suzeraineté de Hongrie et de Bohème, et puis le grand héritage de la maison de Bourgogne ; son fils aîné, Philippe, avait été roi d'Espagne ; François était mort enfant, et Marguerite[24], sa fille, révélait une tête prodigieuse de sciences et de gouvernement. Il y avait donc dans cet héritage de belles terres à disputer, et puis cette couronne impériale, toujours élective, et que la mort jetait au milieu de l'Europe comme une pomme de discorde. Deux grands faits allaient ainsi arrêter la croisade chevaleresque contre les Turcs ; la prédication de la réforme, guerre implacable à l'unité catholique, puis la mort de Maximilien, qui ouvrait le champ de la discorde à tous les prétendants. C'était un beau lot que la succession de Charlemagne et plus d'un souverain se croyait assez fort pour ramasser la grande épée !

 

 

 



[1] Mahomet II, fils d'Amurath II, succéda à son père à l'âge de vingt ans, l'an de l'hégire 855 (1451 de J. C.). Il mourut le 5 dgioumadi 1 de l'année 886 (2 juillet 1481).

[2] An 918 de l'hégire (1512 de J. C.).

[3] De 30.000 ducats d'or.

[4] Théodore Trivulce, qu'il ne faut pas confondre avec son oncle le maréchal Trivulce, fut fait lui-même maréchal de France en 1524.

[5] Traité entre François Ier et le roi d'Ecosse (1517). — Bibl. du Roi, Mss. de Dupuy, vol. 267.

[6] Fleuranges et du Bellay, liv. I.

[7] Lettre de Charles d'Espagne à François Ier, du 9 juin 1516 ou 1517 (autographe). — Bibl. du Roi, Mss. de Béthune, n° 8487.

Mons. mon bon père j'ay receu les lettres que m'avez escriptes en faveur des manans et habitans de la ville de Tournay, contenant comme ils Vous ont averty que plusieurs particuliez d'icelle ville ont quelquefois esté arrestez par mes subjects en Flandre pour les debtes deues par le corps et communausté de la d. ville qui n'est aucunement raisonnable me requérant faire cesser tels et semblables arrêts et ne permette que les d. habitans et marchands du d. Tournay soient doresnavant arrestés molestez ou travaillez pour cause d'icelle sur quoy Mons. mon bon père, je me suis esclairey des d. arrêts et trouvé qu'ils ont esté faitz a requeste.... par voye ordinaire de justice pour raison de debtes.... procédans.... rentes et autres deues par le corps et communaulté de la d. ville au payement desquelles les dits bourgoiz manans et habitans d'icelle, sont submiz et obligés par quoy quant les parties ont requis justice leur estre adminiztrée selon les lettres obligatoires qu'ils en ont des d. de Toumay n'a esté ny seroit licite ne raisonnable de la leur reffuscé, mais si les d. de Tournay avoient esté ou estoient cy après aucunement foulez et traitez hors termes de raison, j'en feroye voulentiêrs faire réparation deue et leur administrer si bonne justice qu'ils auroient cause deulx en contenter dont je vous ay bien voulu advertir priant Dieu vous avoir en sa garde. Escript à Gand le IXe jour de jung.

Votre bon filz. Charles.

Mons. mon bon père le roy très chrestien.

[8] 1516. Clausula del ultimo testamento del may alto muy catholico y muy poderoso senor el senor rey don Fernando de muy gloriosa recordacion. — Bibl. du Roi, Mss. de Mesmes, Int. mémoires des testaments des rois, reines, princes et autres seigneurs tant français qu'étrangers, in-f°, tome XC, n° 9438-7, et Mss. originaux de Dupuy, vol. 81, p. 434.

Por que a nos como Padro y senor, conviene exortar, amonestar, y mandar a la dictia serenissima reina dona Juana nostra primogenita y al dictio illustrissimo principe don Carlos su primogenito nuestro nieto en loque es del cargo suyo y bien de los reynos y senorios y haviendo tant justa y urgente causa proucèr en el buen regimientoy y gonierno de aguellos-parades ques de mestros dias loque compte al deseargo de la dictia serenissima reyna loqual leguntodo loque de cella hanemos prodido conoscer en nostravida esta muy apartada de entender en governacion ni regimiento de reynos ni liene la disposicion para ello que convenia loquesabe nuestro senor quanto sentimos y porsa muy necessaria la provision dero para el buen stanientoy govierno de los dictios nuestros reynos y senorios y delos poblados enaquellos anos y atodos nuestros progèniteres fidelisimos da quien es muy fusto rengamos. Muctio recuerdo en nuestra sin para en ei iren dellos como en vida lo hanemos hecho en loque nos haseydo posiblo haunque no como quisieremos y erantos tenidos con otras grandes occupaciones y cierto y a que de l'impedimiento de la dicha serenissima reyna nostra hija primogenita sentimos la pena como Padro que es de las mas graves que en este mundo. Se puedo ofrecer nos paren quenlotro nuestra consiensia estaria muy a graviada y con muctio timor si no provey e semos en ello como conveniese porende en la mejor via y manera que podemos y deuemos. Dexamos y nombramos por governador general de todos los dictios reynos y senorios nostros al dictio al illustrissimo principe don Carlos nostro muy caronieto, etc.

[9] Louise de France, née le 19 août 1513, n'avait pas encore un an. Charles était déjà cependant fiancé à Mlle Renée, sœur de la reine, par le traité du 24 mars 1515. Voyez dans ce volume le chap. V.

[10] Traité de paix, confédération et alliance entre le roi François Ier et Charles, roi de Castille, pour lequel est convenu du mariage dudit Charles avec Louise de France, fille aînée de François Ier. Ledit traité fait à Noyon, le 13 août 1516. — Bibl. du Roi, Mss. de Colbert, vol. 36, reg. en parchem. — Rec. de Léonard, tome II, page 138.

[11] Lettre de Charles d'Espagne à François Ier. — Mss. de Béthune, vol. coté 8489, fol. 44. (Autographe.)

Monsieur mon bon père, par les lettres que par le sieur de la Chan m'avés escriptes, et son raport, ay entendu le bon vouloir en quoy continués tousjours vers moy, dont assés ne vous saroye mercyer, vous assurant monsieur que tel me trouvères envers vous, que par le d. de la Chan vous a esté dict, et comme bon fils doit estre sans en rien vouloir diminuer de notre alliance et amitié, que je désire entretenir sur toutes autres, comme plus à plain entendrés par mon ambassadeur et dom Prévost, priant sur ce Dieu, qu'il a vous, Mons. mon bon père, doint la somme de vos désirs. C'est de la main de vostre bon fils. Charles.

[12] Bibl. Roy., Mss. de Béth., cot. 8489.

[13] Le 29 octobre 1516 ; cette alliance portait que l'empereur, le roi d'Angleterre et l'archiduc, roi d'Espagne, se secoureroient mutuellement contre tout prince qui voudroit attaquer l’un des trois.

[14] Guillaume Gouffier, seigneur de Bonnivet, était frère du grand maître Gouffier de Boisy. Il fut élevé à la dignité d*amiral de France, par lettres patentes datées d'Amboise, le 31 décembre 1517.

[15] Le cardinal Thomas Wolsey, né en 1471, dans le comté de Suffolk, était aumônier du roi à l'avènement de Henri VIII, qui le fit bientôt son premier ministre et archevêque d'York.

[16] Promesse faite au roy et à la reine d'Angleterre, par l'amiral Bonnivet, pour le mariage de M. le Dauphin avec la princesse d'Angleterre (20 octobre 1518.) — Bibl. du Roi, Mss. de M. de la Mare, conseiller au parlement de Dijon, in-4°, parchem., vol. coté 10332-3.

[17] Traité entre le roi François Ier et Henri VIII, roi d'Angleterre, qui rend à la France, Tournay, Mortagne et Saint-Amand. Fait à Londres, le 4 octobre 1518. Rec. des traités de Léonard, tome II, page 156. Bibl. du Roi, Mss. de Bigot, in-f°, parch., vol. coté 9655-2, pièces 5, 6 et 7.

[18] Mémoire concernant le dessein de faire la guerre aux infidèles, 1517-18. — Mss. de Béthune, vol. coté S489, f° 20.

[19] François Ier, sous la médiation du duc de Savoie, son oncle, avait déjà conclu un traité de paix et d'alliance, avec les cantons de Zurich, de Berne, de Lucerne, Ury, Schwitz, Undervalden, Zoug, Glaris, Basle, Fribourg, Soleure, Schaffousen et Appenzel, la ligue grise, la ville et abbé de Saint-Gall et le pays de Valais. A Genève, l'an 1515, le 7 novembre. — Bibl. du Roi, invent. Mss. du trésor des chartes, in-f°, vol. VIII, vol. coté 9425, fol. 342, n° Ier.

[20] Fribourg, 29 novembre 1516. Léonard, Rec. des trait., t. II.

[21] Le 12 janvier 1519.

[22] Lettre autographe de Maximilien à sa fille Marguerite (1543).

Très chère et très amée fille, je entendu l'avis que vous m'avez donné par Guillain Pingun, noire garde robbe uyées dont nous avons encore pensé dessus, et ne trouvons point pour nulle resun bon, que nous nous devons franchement marier, mais avons plus avant mis notre délibération et volonté de jamais plus hanter faem nue, et envoyons demain M. de Gurec, eveque à Rome devant le pape, pour trouver Fachion que nous puyssun accorder avec ly de nous prenre pour ung coadjuteur, afin qu'après sa mort pourons être assuré de avoer le Papat, et devenir prêtre ; et après être saint ; et que yl vous sera de nécessité que après ma mort vous serez contraint de me adorer dont je me trouverai bien glorifioes, et à Dieu fuet de la main de votre bon père Maximilianus futur pape, le XVIIIe jour de septembre.

A ma bonne fille l'archi duchesse d'Ostrice, douairière de Savoye et en ses mains.

[23] Maximilien, inhumé après sa mort à Neustadt, fut ensuite transporté à Insprück, dans l'église de Hofkirche (église de cour), où l'empereur Ferdinand Ier, son petit-fils, lui fit élever le magnifique mausolée qu'on y admire encore aujourd'hui ; il est l'œuvre d'Alexandre Collin.

[24] Marguerite d'Autriche, née en 1480, épousa en 1496, l'infant Jean (fils de Ferdinand le Catholique) héritier de la couronne d'Espagne, qui mourut la même année d'une chute de cheval. S'étant remariée en 1504, avec Philibert II, duc de Savoie, elle devint encore veuve trois ans après. L'empereur Maximilien lui confia, en 1507, le gouvernement des Pays-Bas, pendant la minorité de Charles d'Espagne, son neveu, petit-fils de ce prince. Marguerite mourut à Malines, le 27 novembre 1530. Il ne faut pas la confondre avec Marguerite d'Autriche, fille naturelle de Charles-Quint, gouvernante des Pays-Bas sous Philippe II.