CLOVIS ET LES MÉROVINGIENS

 

LIVRE III. — LES IRRUPTIONS DES BARBARES. - LES ORIGIRES DES FRANCS. - LEURS PREMIERS ROIS OU CHEFS.

 

 

Depuis Vespasien, la conquête romaine s'était étendue plus spécialement vers l'Asie et l'Afrique, la Syrie, la Mésopotamie, les frontières de la Perse et de l'Egypte, où se trouvaient les campements militaires ; l'obéissance de toutes les Gaules était aussi assurée que celle de l'Italie heureuse et soumise : les villes, les colonies consacraient des temples, des arcs de triomphes, des cirques aux Césars ; à peine deux légions et huit cohortes restaient dans les Gaules, libres sous leurs magistrats. Ces provinces assurément paisibles étaient néanmoins environnées de barbares, toujours prêts à franchir les limites. Auguste avait prudemment fixé les frontières nord de l'empire : ses successeurs moins réfléchis avaient refoulé les Germains dans les montagnes et les marais, et, à leur tour, ceux-ci avaient poussé leurs expéditions jusque dans les Gaules. Les colonies militaires de Cologne, Trêves, Mayence n'avaient pu toujours les arrêter[1]. Plus l'empire était vaste, plus il était difficile de le protéger également sur tous les points, du Rhin au Danube et au Pont-Euxin.

Il s'était alors opéré un changement notable dans le gouvernement des empereurs. Dioclétien, en plaçant le siège de l'État à Nicomédie, préparait le partage du monde romain en deux empires, l'Orient et l'Occident. Constance habitait Arles, tandis que Constantin restait à Byzance. La politique des empereurs fut désormais celle-ci : quand ils ne pouvaient parvenir à vaincre les barbares, à les arrêter dans leur marche, ils se contentaient de leur payer un tribut[2]. Les empereurs de la dernière époque placèrent même dans les légions romaines des corps tout entiers de ces hommes vigoureux au teint blond, aux cheveux flottants, qui naguère combattaient contre l'empire. Les légions perdirent ainsi leur caractère purement romain : le principe militaire qui avait fait la force des empereurs fut dénaturé.

Enfin, pour civiliser et soumettre les barbares, on essaya de les coloniser en leur distribuant des terres sur les frontières, au cœur de l'empire même, de sorte qu'ils devinrent maîtres d'une portion de territoire soumis à l'administration de Rome ; quand ils avaient dépeuplé une contrée, on les acceptait comme colons[3] ; il en résultait encore un affaiblissement de la puissance des empereurs. Que pouvaient désormais les légions romaines contre l'invasion des barbares, quand elles avaient dans leurs rangs des chefs et des soldats qui appartenaient à ces tribus ? Les envahisseurs devaient trouver aussi des appuis, des auxiliaires naturels parmi les colons d'une même origine qui déjà peuplaient les territoires frontières avec leurs troupeaux, leurs familles. Ces causes expliquent la facilité des invasions dans l'empire romain.

La première irruption, celle des Allemans, fut une réaction, comme l'histoire en présente à toutes les époques. Refoulées jusqu'au Danube, les tribus germaniques revinrent sur la Meuse et le Rhin, lorsque l'empire affaibli n'offrait plus la même résistance[4]. Les Allemans formaient moins un peuple que la réunion de plusieurs tribus, comme semble le dire le mot all man (tous les hommes) ; ils s'avancèrent jusqu'à Reims et Soissons[5].

En présence d'un péril si pressant, le César Julien, récemment associé à l'empire, fut envoyé dans les Gaules. Les cités, les municipes le reçurent avec enthousiasme. Julien fixa sa résidence à Lutèce, point central parfaitement choisi pour la défense commune ; il y fit dresser un vaste camp militaire[6] près du palais des Thermes. Dans ses épîtres, le César fait l'éloge de Lutèce ; s'il blâme en philosophe austère, la légèreté des mœurs des Gaulois, il célèbre en même temps leur piété envers Diane, Mars et Apollon ; il gémit des progrès du christianisme. Ce fut avec l'appui de quelques légions recrutées parmi les Gaulois que Julien résolut sa campagne en Germanie : victorieux, la Gaule reconnaissante lui dressa des arcs de triomphes, les légionnaires le proclamèrent empereur.

Dans ce terrible quatrième siècle, il semble que la terre enfante des myriades de peuples qui se heurtent les uns les autres. Les Goths étaient-ils originaires de la Scandinavie[7], de cette grande presqu'île que Procope appelle la matrice du genre humain, vaginam generis humani ? Venaient-ils de l'Asie, de ces vastes plateaux d où partirent toutes les migrations ? Sans rechercher les origines dans les traditions fabuleuses, les Goths ne furent peut-être que les vieux Gètes, habitant les bords du Danube et du Borysthène et qui, poussés par d'autres barbares, couvrirent d'abord la Scandinavie et se jetèrent ensuite vers le midi ; les Vandales, les Gerulles, les Lombards ne furent que les branches diverses de la grande famille des Goths. A mesure qu'ils se fixaient sur un territoire, ils prenaient une dénomination particulière pour se distinguer les uns des autres ; si par les traits de leur visage, par leurs coutumes ils appartenaient à une vaste et même origine, tous se distinguaient par les dénominations d'Ostrogoths et de Visigoths, en raison qu'ils habitaient l'orient ou l'occident ; c'était toujours les enfants des anciens Celtes. Les empereurs cherchèrent souvent à les apaiser par des tributs : les vieilles sociétés achètent ainsi le repos. Par leur contact avec la race grecque et latine, les Goths acquirent un certain degré de civilisation. La prédication chrétienne avait même pénétré parmi eux ; ils avaient déjà un code de lois, des principes d'organisation politique, lorsqu'ils furent refoulés par une autre irruption soudaine et terrible qui partout sema la désolation.

Dans les immenses déserts de la Tartarie asiatique vivaient de toute antiquité des peuplades guerrières à l'aspect sinistre ; elles n'avaient aucun des caractères particuliers des Goths ou des Vandales, ni les traits de leur physionomie, ni leur chevelure blonde, ni leur teint blanc et coloré. Ces peuples appartenaient à la race mongole ou mantchoue : trapus de taille, au nez épaté, au teint jaunâtre, ils campaient sous la tente au Borysthène. Ils portaient suspendus à leur épaule l'arc et les flèches ; montés sur des petits chevaux, ils lançaient leurs traits, puis fuyaient comme les Scythes de l'histoire antique ; ils n'avaient aucune trace de la civilisation des Ostrogoths, des Visigoths, des Bourguignons devenus chrétiens.

Devant leur invasion, il se fit comme une grande et horrible cascade de peuples : les Huns se jettent sur les Alpins, les Alains sur les Goths, les Goths sur les Sarmates, et tous marchent ou fuient par la terreur qu'ils s'inspirent mutuellement. Petits, hideux de traits et de forme, dit Claudien, les Huns ne combattent jamais à pied quand ils quittent la tente, ils sont à cheval[8] : ils y donnent, ils y mangent ; dans les batailles, ils se servent de la flèche armée d'os pointus aussi durs que le fer, lancée d'une main vigoureuse par l'arc bandé[9]. Ce fut un terrible spectacle que ce mouvement des peuples accourant depuis les sources du Gange jusque sur le Danube et le Rhin ; en vain les Alains et les Visigoths veulent arrêter les Huns : vaincus et refoulés, les Goths demandèrent aux empereurs de passer en Thrace pour échapper aux barbares. Les Vandales et les Alains réfugiés dans les Gaules ravagèrent toute la première Germanie : les cités de Strasbourg, de Mayence, de Worms et de Spire tombèrent dans cette destruction, puis les provinces de l'Aquitaine, la Lyonnaise, la Narbonnaise. Les Bourguignons, les Hérules, les Gépides eurent leur part dans ce ravage des Gaules. On aurait dit des nuées de gigantesques sauterelles aux ailes de feu s'abattant sur les campagnes pour les dévorer. Dans moins de dix années, cette Gaule naguère si florissante sous la domination romaine, remplie de monuments, d'arcs de triomphes, d'aqueducs, fut dévastée jusqu'au dernier brin d'herbe. Tous ces barbares se plaisaient à la destruction des villes ; campés habituellement sous le ciel, ils n'aimaient pas les cités, pour eux comme des vêtements de pierre lourds et importuns, ils y respiraient à peine ; seuls quelques débris de villes furent sauvés. Enfin, quand un peu de régularité se mit dans l'invasion, quelques-uns de ces peuples s'arrêtèrent dans de grands campements, parce qu'il n'est pas dans la nature même des peuples primitifs de toujours marcher sans repos ni halte : il vient un moment de fatigue et, par conséquent, de stabilité[10].

Il faut lire dans les auteurs contemporains la description des maux horribles que subit la Gaule à cette fatale époque considérés par les évêques comme un fléau et un châtiment de Dieu. Il existe un poème anonyme sur la Providence[11], attribué à saint Prosper, d'une expression lamentable ; on le dirait écrit à la lueur d'un terrible incendie : Les temples du Seigneur ont été brûlés, les vases sacrés profanés, les vierges et les veuves déshonorées, les enfants égorgés dans l'âge le plus tendre, les solitaires massacrés dans leurs grottes, les évêques et les autres pasteurs enlevés, chaînés de chaînes, frappés à coups de fouet et jetés dans le feu : si l'Océan eût inondé toutes les Gaules, il y eût fait de moindres maux. Prosper avait été lui-même emmené captif de compagnie avec son évêque, vénérable vieillard qui accompagnait dans la captivité les misérables restes de son troupeau.

Saint Jérôme n'habitait point les Gaules, mais son génie littéraire le mettait incessamment en rapport avec les cités gauloises et leurs hommes d'intelligence. Dans une lettre écrite à une dame d'Autun, saint Jérôme fait le tableau des grandes calamités de l'Occident ....Des nations féroces et innombrables ont envahi les Gaules. Toute l'étendue de pays qui est entre les Alpes et les Pyrénées, entre l'Océan et le Rhin a été ravagée par les Quades, les Vandales, les Sarmates, les Alains, les Gépides, les Hérules, les Saxons, les Bourguignons, les Allemands et même, ô malheureuse république ! par les Pannoniens.... Mayence, cette ville autrefois si illustre, a été saccagée et plusieurs milliers de ses habitants ont été égorgés dans l'église. Worms a été détruite après un long siège, Reims, autrefois si illustre, Amiens, Arras, Tournay, Spire, Strasbourg, toutes ces places ont été prises et leurs chefs menés captifs dans la Germanie. Tout est devenu la proie du soldat barbare dans l'Aquitaine, la province Lyonnaise et dans la Narbonnaise, à l'exception de quelques villes qui ont échappé ; encore la faim les tourmente-t-elle au dedans tandis que le glaive les menace au dehors[12].

Salvien, l'orateur si hardi dans la peinture des vices de son temps, attribue aux mauvaises mœurs le châtiment fatal que subit la Gaule : C'est sa faute si la Province a péri ; les vices des cités, les abominations de leurs citoyens ont préparé leur ruine ! Leurs crimes les avaient tellement aveuglés qu'ils ne pensaient pas même au péril. On voyait la captivité et on ne la craignait pas. Les barbares étaient à la vue des cités et l'on n'y prenait garde. Personne ne voulait périr et personne ne cherchait les moyens de ne pas périr, tout était dans l'inaction et dans une folle sécurité ; on ne songeait qu'à se livrer à la gourmandise, à l'ivrognerie, au sommeil : un assoupissement s'était répandu sur eux. Trêves venait à peine d'échapper aux fureurs des barbares qu'elle demandait le rétablissement des jeux publics : Vous voulez des jeux publics ! s'écrie Salvien ; mais où les représenterez-vous ? sera-ce sur le bûcher, sur les cendres, sur les ossements, sur le sang de vos concitoyens massacrés ? Quel endroit de la cité ne vous offre-t-il pas ces lugubres spectacles ?... Ville infortunée ! je ne suis plus surpris des maux que tu as soufferts ; parce que tes premiers malheurs ne t'ont pas corrigée, tu as mérité de périr pour la quatrième fois ![13]

Ainsi les évêques des Gaules, génies ardents, en rappelant les malheurs publics, cherchaient à corriger les âmes et à préparer la résistance des cités. La plupart issus des grandes familles gallo-romaines, chefs des municipes et des curies, les évêques donnaient l'exemple du dévouement : ils exhortaient le peuple à une défense nationale et leur patriotisme partout éclatait. Quand ils ne pouvaient repousser les barbares, ils cherchaient à les apaiser,, à les attirer vers la civilisation chrétienne. Les premiers de ces nomades qui donnèrent l'exemple d'une transaction avec les citoyens ce furent les Bourguignons et les Visigoths. Les Bourguignons[14] s'étaient établis dans les terres qui s'étendaient depuis Autun jusqu'à Genève en face de l'Italie : les Visigoths dominèrent l'ancienne Province romaine jusqu'à Narbonne, les Pyrénées et même en Espagne[15].

L'époque de ces troubles profonds, comme contraste, vit l'amour de la solitude. Jamais siècle n'avait présenté une convulsion plus étrange des multitudes ; et de ces agitations naquit la vie monastique. Pour les âmes fatiguées le bruit est importun ; on cherche le repos lorsque partout le heurtement des armes se fait entendre. Les églises devinrent des asiles pour les faibles : autour de la châsse d'un saint, on se groupa pour se préserver ! Les hommes éminents du monde romain fuirent jusque dans le désert : aux agitations incessantes ils opposaient le repos silencieux : à la destruction un certain esprit de conservation : il n'y eut plus de sentiment moral qu'à l'abri des cellules. Tout grand fait social a sa cause : nulle idée nouvelle ne surgit et ne se propage si elle n'a son principe et sa justification dans l'utilité ou la nécessité ; quand les nations marchaient errantes, à l'aventure, les âmes d'élite cherchaient le repos et l'ordre ; il n'y avait plus de frein par les lois, on s'imposait des règles volontaires et ici se révèlent trois hommes d'une rare distinction, saint Martin de Tours, saint Germain d'Auxerre et Cassien, l'organisateur véritable de la règle monastique en Occident[16].

Dans la primitive société gallo-romaine un ordre régulier existait par la triple action des magistrats, des municipes et des évêques. Quand cet ordre disparut sous l'invasion, il fallut chercher à restaurer la règle. A la fin du quatrième siècle, quelques rares monastères florissaient dans les Gaules et saint Martin fonda celui de Tours, type d'organisation : la vie commune, la modestie, la résignation. Mais les véritables fondateurs des ordres monastiques furent Cassien de Marseille et Germain d'Auxerre. Cassien, moine de Saint-Lerins[17], n'était point gaulois. Un vieux livre, d'office de saint Victor de Marseille le fait naître à Athènes la ville policée : tout jeune il quitta la Grèce pour le monastère de Bethléem ; à pied, un bâton blanc à la main, il visita les anachorètes de l'Egypte et de la Thébaïde ; ordonné diacre par saint Chrysostome (la bouche d'or), il habita Rome un moment ; enfin pour fuir les barbares qui envahissaient l'Italie, Cassien vint chercher un refuge à Marseille, où il fonda deux monastères en l'honneur de saint Victor[18] et de saint Pierre. Ses disciples s'élevèrent bientôt au nombre de cinq mille. Entouré de vieillards, Cassien écrivit son livre des Institutions monastiques[19], œuvre tout à la fois d'histoire, d'ordre et d'obéissance, à l'instar de la République de Platon ; tout y est réglé : le vêtement des moines, la nourriture, le travail, les offices. Cassien n'ordonna pas les macérations, pas même les jeûnes quand ils n'étaient pas utiles. Le fondateur poussa si loin l'amour de l'égalité et de la fraternité que dans son institution les plus riches devaient servir les pauvres : nul bien appartient à un seul, pas même la corbeille d'osier qui sert à la distribution du pain ; la pénitence était imposée à celui qui disait : mon livre, mes tablettes, ma tunique. Avec le travail, il ordonna la science et la lecture ; les huit vices capitaux furent : la gourmandise, l'impureté, la colère, l'avarice, la tristesse, la paresse ou l'ennui, la vaine gloire ou l'orgueil : l'homme qui travaille n'a qu'un démon qui le tente ; celui qui demeure oisif en a une infinité. Cette admirable règle fut bientôt appliquée à un grand nombre de monastères dans les Gaules par saint Germain, disciple de Cassien, depuis acclamé évêque par les Auxerrois. II était impossible que les peuples ne fussent vivement frappés par ces idées et ces règles.

Ainsi, sur les débris de l'administration romaine s'élevait l'organisation ecclésiastique : métropole, succursale, abbaye, paroisse. Les évêques interviennent seuls pour défendre la cité, les barbares étaient pénétrés de respect en présence de ces hommes vénérables sous leur mitre d'or et leur vêtement de lin. Quand une ville était menacée, qui faisait entendre la voix d'une courageuse défense ? l'évêque. Le tombeau du martyr devenait le palladium autour duquel se groupait le peuple[20]. L'église donc s'emparait de cette société abandonnée, et rien de plus légitime que l'autorité qui naît des grands services.

Au commencement du cinquième siècle, époque où les Francs apparaissaient, la géographie des Gaules s'était sensiblement modifiée. Indépendamment de la classification gallo-romaine, l'invasion des barbares avait déterminé d'autres limites, groupé d'autres nationalités. Le peuple qui avait poussé le plus loin ses conquêtes, surtout vers l'extrémité méridionale des Gaules, c'étaient les Visigoths ; leurs établissements s'étendaient au delà des Pyrénées, sur une fraction de l'Espagne ; ces peuples avaient apporté avec eux-mêmes de certains principes de civilisation ; les Goths n'étaient plus des barbares[21] dans l'acception du mot. Depuis deux siècles en rapport avec les Byzantins, sur le bas du Danube et le Pont-Euxin, ils en avaient gardé l'empreinte ; chrétiens déjà, les évêques, profondément versés dans le droit romain, formulaient un code de lois ; la plupart des cités restées municipes gardaient la magistrature civile ; les possessions territoriales des Goths s'étendaient depuis les Pyrénées presque jusqu'à la Loire ; ils créèrent des ducs pour les sept cités, dans la première Narbonnaise, Toulouse, Béziers, Arles, Nîmes, Mende, Montpellier et Lodève. Les Visigoths, sous un roi élu, obéissaient à des comtes ; les lois étaient discutées et proclamées par un conseil ou concile, composé de comtes, d'évêques plus versés que les leudes dans la connaissance des institutions gallo-romaines.

A côté des Visigoths, et pour ainsi dire sur leur flanc, les Bourguignons s'étaient groupés depuis Mâcon jusqu'à Genève et aux Alpes. Un moment même, ils prolongèrent tellement leur pointe vers le Midi que Marseille reconnut leur souveraineté[22]. De cette manière leur territoire était placé entre les Visigoths et les Lombards, maîtres de l'Italie. Les chefs des Bourguignons, également sous le titre de rois, résidaient à Lyon (cité bien déchue de sa splendeur), à Dijon ou à Genève. Les Lombards, moins avancés dans la civilisation que les Visigoths, étaient la plupart dévoués à l'arianisme[23], dogme qui paraissait plaire aux barbares par sa simplicité ; tous d'origine vandale, ils avaient conservé profondément l'empreinte du nord de l'Europe (la Vandalie ou Suède). Comme le souvenir de l'empire des Césars était encore puissant sur les imaginations, les Bourguignons ainsi que les Visigoths n'étaient point complètement affranchis de la suprématie byzantine ; les chefs recevaient le pallium de pourpre avec un titre consulaire[24], comme une reconnaissance de leur souveraineté légale.

La domination suprême des empereurs, considérée dans l'exercice réel du pouvoir, n'était même pas toute effacée de la Gaule. Il existait encore des comtes, des préfets romains à qui les chroniques donnent souvent le titre de roi ; tels qu'Aëtius ou Syagrius ; leur puissance était réelle ; esprits d'élite souvent consultés ou appelés eu aide par les princes barbares. Ainsi, l'autorité impériale s'était conservée de plusieurs manières sur les Gaules ; en Auvergne elle était réelle, comme le constatent les médailles ; sur les Lombards, les Goths, les bourguignons elle n'était que nominale. Les chefs barbares s'honoraient souvent du titre de consul ou de patrice, dignités byzantines De là résulte une certaine confusion dans les actes publics et la langue des diplômes. Les rares médailles des rois bourguignons ou lombards portent des légendes grecques ou latines, la société gallo-romaine seule avait ses chroniques et ses écrivains. Nous connaissons les mœurs des peuples, par saint Prosper, Prudence, Jérôme et Grégoire de Tours. Jornandès seul appartient à la nationalité lombarde et celtique. La société gallo-romaine est encore la force et l'éclat du pays. Les barbares campent, les romains demeurent. Ainsi saint Germain définit la situation des Gaules, au quatrième siècle[25].

Sur l'extrême territoire, vers les rives de l'Océan, les Bretons s'étaient maintenus[26]. Les invasions des barbares les avaient à peine atteints ; ils formaient un peuple a part, dont Angers était la limite. Le christianisme pénétrait lentement ; on peut voir dans la Vie des Saints quelles peines, quels soucis les évêques prenaient pour détruire les vestiges du druidisme. Têtus et durs comme leurs rochers, les Bretons défendaient leurs légendes et coutumes religieuses. Ce fut l'époque de l'archidruide Merlin qui remplit la Bretagne de ses prophéties, qui plus tard retentirent dans le cycle des chansons et gestes carlovingiens. Semées au milieu de ces grands groupes de peuples, il y avait des colo -nies dispersées sur le sol : ainsi, à l'extrémité de la Seine et de la Loire, on trouvait des Saxons, des Vandales, restés comme un limon après le reflux des expéditions qui avaient ravagé les Gaules. Les Saxons, pirates du Nord, fondaient aussi des colonies sur les côtes[27], dans des territoires sans culture, en vertu du simple droit d'occupation. Une grande partie de la Flandre et des côtes de la Normandie étaient déjà peuplées de Saxons, de Frisons, qui cultivaient la terre de leurs mains.

Ainsi, en résumant les faits : le territoire de la Gaule romaine avait été partagé entre divers groupes de peuples envahisseurs. Les Bourguignons s'étendaient des Alpes jusqu'à la Saône ; les Visigoths des Pyrénées à la Loire. Les Romains gardaient le centre avec les cités des Auvergnats ; les Bretons occupaient les terres d'Angers jusqu'à la mer ; les Saxons et les Frisons colonisaient le Nord : c'est alors que parut une vaillante tribu sous le nom particulier de Francs. Nous devons précieusement en recueillir les origines, car nous lui devons le plus pur de notre sang, l'énergie de notre caractère, la puissance de notre nationalité. Les autres monarchies, fondées par les barbares, n'ont duré qu'un temps. Que reste-t-il des lois bourguignonnes ? Que sont devenus leurs monuments, leurs actes, leurs écrits ? A la Monza de Milan, une couronne de fer est le seul débris du règne des Lombards en Italie, tandis que les Gesta Dei per Francos et les Chansons de Gestes retentissent encore dans notre histoire.

Les antiquités nationales sont un patrimoine si sacré pour la France, qu'on s'explique l'intérêt vif et soutenu qu'elles ont toujours inspirée[28]. II est impossible d'admettre la tradition romanesque qui rattache les Francs aux Troyens, croyance du moyen âge. L'érudition la plus pure, la plus sérieuse n'a-t-elle pas ses imaginations colorées et ses légendes ? Il fut un temps où l'on faisait descendre les rois de France d'Hector[29] ; rien ne justifie cette filiation fabuleuse, si ce n'est l'opinion moderne des savants de Suède et du Danemark : ils disent qu'aux siècles les plus reculés une immense émigration asiatique s'était jetée sur le Nord de l'Europe. Les Francs étaient-ils un vaste rameau du vieil arbre germanique ? Formaient-ils une nation i part ou une réunion de peuples qui, en vertu de leur liberté généreuse, prenaient le nom de Francs ? La lecture attentive des monuments, des chroniques et des actes peut expliquer d'une manière plus naturelle cette origine ; l'expression de Franc ne désigne pas une nation groupée sur un territoire fixe et limité. Les guerriers de cette tribu belliqueuse portaient à la fois les noms de Sicambres, de Saliens, de Teutons ou de Suèves. Le mot de Franc ne serait donc qu'un surnom, une qualité donnée d'une manière générique et commune à des peuples confédérés pour la défense, l'invasion ou la conquête, en un mot, l'élite de plusieurs fractions de la grande famille germanique. Le caractère fédératif était essentiellement allemand ; en partant donc de ce fait d'une confédération militaire, tout s'explique dans l'histoire des origines, surtout cette invasion confuse, par bandes, qui fait qu'on trouve les Francs partout avec des rois ou des chefs élus ; ici colons, là auxiliaires, et toujours d'une bravoure singulière, d'une intelligence active. L'orateur Libanius, parlant des nations innombrables de Celtes établies sur le Rhin, s'exprime ainsi sur les Francs : Cette nation, si exercée à la guerre et si vaillante par ses exploits, avait mérité le nom de Francs[30]. Libanius, l'ami, le panégyriste de l'empereur Julien, qui avait fait ses plus belles campagnes sur le Rhin, devait bien connaître les diverses tribus germaniques. Refoulés par les invasions des Suèves, des Bourguignons, des Vandales, des Alains, les Francs s'étaient campés à l'extrémité des Gaules, sur la frontière de la Belgique et du Rhin. Après une victoire du césar Aurélien, près de Mayence, les soldats des vieilles légions, prêts à quitter les Gaules pour une expédition en Perse, chantèrent leurs triomphes militaires sur les Francs : Nous avons tué plusieurs milliers de Sarmates (nom primitif que les Romains donnaient aux Francs) comme nous tuerons plusieurs milliers de Perses[31].

Quelques années plus tard, des tribus franques traversèrent les Gaules pour transmigrer en Italie et en Espagne. Elles obtinrent de l'empereur Probus de grandes terres en Belgique moyennant le cens payé au fisc romain. Les Francs bientôt reprirent les armes, et, à l'exemple des antiques Gaulois, ils vinrent jusque dans la Grèce ; quelques chefs s'établirent à Syracuse[32]. Dans les historiens grecs et latins, on trouve certains noms francs mêlés aux invasions si nombreuses qui désolaient les Gaules. L'empereur Maximilien Hercule marcha contre eux, les força à demander la paix, leur accordant en échange des champs incultes aux environs de Trêves, et les cités de Langres, de Beauvais et d'Amiens, comme colons soumis au service militaire. Eu l'an 291, des privilèges furent accordés par Constance Chlore à ces nouveaux colons[33].

Ainsi, l'établissement des Francs dans les Gaules ne se fit pas à la suite d'une irruption soudaine, comme le dit l'histoire vulgaire, mais lentement, peu à peu, comme pour des colonies régulières. Deux ans après, l'empereur Constance attaque les Francs réfugiés dans la Batavie (Hollande), et en vertu du même système, il leur concède des terres comme colons dans le centre de la Gaule pour y conduire leurs troupeaux, protéger les cités contre les autres barbares, et se livrer à la culture des terres sous la domination des empereurs. Le jeune césar Constantin lit prisonniers les chefs des Francs Ascaric et Ragaise après une bataille sanglante ; et, comme on devait célébrer, à Trêves, le jour heureux de la fête de l'empereur dans l'amphithéâtre, le césar ordonna qu'Ascaric et Ragaise seraient livrés aux bêtes, selon l'usage des triomphes[34]. Constantin n'eut jamais l'intention de détruire la race des Francs, mais de la dompter, de la coloniser et de la soumettre à l'empire. A la cour de Byzance, des chefs francs s'élevèrent aux premières dignités. Un d'entre eux, sous le nom de Sylvanus (l'homme des forêts), se fit proclamer Auguste par les légions à Cologne, triomphe éphémère à peine compté dans les annales.

Julien accouru dans les Gaules, nous l'avons vu, pour arrêter la marche des Sarmates, fit la paix avec les chefs saliens qui colonisèrent le Brabant. Le nord des Gaules devint ainsi le territoire aimé des Francs. Beaucoup furent incorporés dans les légions par Constance. Sorte de tours immobiles et hautes, dit Libanius[35], qu'il plaça au milieu de ses prétoriens. Du sein de ces braves légions sortit Arbogaste, destiné à finir la guerre que l'empereur Julien avait commencée contre les Allemands. Arbogaste dompta les Huns et les Goths avec une valeur et une habileté supérieures. Il protégea la Thrace, la Macédoine et le Rhin ; il fut enfin élevé au titre de maître de la milice, la première dignité de la cour de Byzance. Appelé ensuite dans les Gaules pour exécuter les ordres de l'empereur, Arbogaste s'empara d'un pouvoir absolu sur ses anciens compagnons (les Saliens révoltés). Les monuments donnent encore trois chefs ou rois à ces tribus de Saliens : Genebold, Marcomer et Sunnon. Groupés autour de Cologne, le centre de leur domination, ces chefs signèrent des traités de partage. Marcomer, bientôt allié d'Arbogaste, le seconda dans le projet de s'emparer de l'empire, dessein déjoué par Stilicon, un des consuls les plus remarquables dans les fastes[36]. Stilicon eut surtout l'habileté de diviser les Francs, de susciter des haines, des jalousies[37]. Comme tous les Barbares, ceux-ci vivaient dans de continuelles hostilités ; les chefs étaient élevés, renversés, et cependant les Romains ne cessaient de les ménager en leur donnant des terres à titre de lètes ou colons. L'empire devenait un mélange de toutes les races : les Vandales, les Alains, les Suèves, les Francs, étaient enrôlés dans les légions qui perdaient ainsi leur unité et leur nationalité tout en grandissant leur force numérique et en doublant la vigueur de leur caractère par l'infusion du sang du Nord.

Ce fut en présence de cette colonisation moitié romaine que les Francs choisirent des rois ou chefs d'une manière plus fixe et plus régulière. Rex ne signifiait alors que conducteur d'hommes, chef de tribus ; et, sur cette transformation, je laisserai parler les bénédictins, si savants annalistes : L'an 406, les Vandales, les Alains, les Suèves, passent le Rhin le 31 décembre et entrent dans les Gaules qui, depuis cette année jusqu'en 416, furent désolées par les ravages de ces barbares. On place vers l'an 418 le commencement de l'empire des Francs dans les Gaules. Divisés jusqu'alors en différents peuples et gouvernés par des rois particuliers, ils se réunirent pour ne former qu'une nation sous un même chef : ils élurent Théodemer, fils de Ricimer ou Richemer, qui fut consul en 384[38]. Clodion n'était pas fils de Théodemer comme porte l'épitomé de Grégoire de Tours, mais de la même famille que ce prince, auquel il succéda l'an 427 ou environ. La chronique de Tiro-Prosper et l'auteur des Gestes des rois français mettent entre ses deux rois, Pharamond, inconnu à Grégoire de Tours, dont le silence à cet égard semble devoir prévaloir sur leur témoignage.

Les bénédictins, ces critiques puritains de l'histoire de France, n'admettent donc pas d'une manière certaine Pharamond parmi les rois. Mais la chronique de Saint-Denis, plus facile, souvent un peu romanesque, dit : Marchomires eut un fils qui eut nom, Pharamons, noble chevalier[39] et preus en armes ; les Français, qui voulaient avoir un roy prirent ce Pharamons par le conseil dé Marchomires, son père : seigneur et roy le firent sur eux, et lui laissèrent le pays à gouverner. Pharamons fut le premier roi de France, car en ce temps n'avaient oncques roy. Il gouverna le royaume tout comme il vesqui ; mort fu quant il eut régné vingt ans[40].

Les bénédictins continuent : L'an 432, les Francs ayant passé le Rhin, furent défaits par Aëce, qui, après les avoir vaincus, leur accorda la paix. Elle fut rompue l'an 438, et Clodion enleva Beauvais aux Gallo-Romains avec plusieurs autres places voisines[41]. L'an 445, il se rend maître de Tournai, de Cambrai, pousse ses conquêtes jusqu'à la Somme et entre dans Amiens, où il établit, selon quelques savants, le siège de son empire. L'an 446, il vint fondre sur les terres des Atrébates ; mais ses conquêtes furent arrêtées par Majorien et le Romain Aëtius, qui enlevèrent son camp. Clodion mourut l'an 448, après un règne de vingt ans. Grégoire de Tours l'appelle très-noble, très-vaillant.

La chronique de Saint-Denis, trop patriotique pour raconter cette victoire des Romains, parle même de leur décadence : Dès lors commençoit jà l'empire de Rome à abbaisser et à décheoir, et la force des Romains qui souloit estre comparée a force de fer estoit jà chéue en la fragilité qui est comparée à pos de terre... Les Romains ne tenoient plus de toute Gaule fors cale partie qui est enclose entre Loire et le Rhin[42]. Les bénédictins, dans l'Art de vérifier les dates, continuent la liste des rois avec un soin plus critique que la chronique de Saint-Denis : Si Clodion est ce roi des Francs dont parle le rhéteur Prisque, et dont il met la mort en 450, il laissa deux fils qui se disputèrent la couronne. Le cadet, que quelques-uns croient être Mérovée, vint en ambassade l'an 432 (et non 450) à Rome où Prisque le vit, legationem obeuntem. Il y fut bien accueilli de l'empereur Valentinien III. Clodion, fils de Pharamond porta les cheveux longs sur le trône, et c'est par lui que les Francs ont commencé d'avoir des rois à longue chevelure. Clodius filius Pharamundi rex crinitus regnat super Francos, Ex hoc Franci crinitos reges habere cœperunt. Cet usage, à ce qu'il parait, dura tout le temps de la première race de nos rois. Les Francs l'avaient apporté de Germanie et le regardaient comme une marque d'indépendance. La coutume en tout pays était de couper les cheveux aux esclaves.

La chronique de Saint-Denis (sous le titre : Du tiers roy (le troisième roi) qui eut nom Mérovée, et de laquelle la première génération sorti) ne consacre que quelques lignes à ce règne : Quant le roy Glodio eut régné vingt ans, il païa le tribut de nature. Après lui régna Mérovée. Ce Mérovée ne fut pas son fils, mais de son lignage. De lui sortit la première génération des rois de France.... Mort fut le roy Mérovée après qu'il eût régné dix-huit ans[43]. Childéric Ier succéda l'an 458 à Mérovée, son père. L'année suivante, il fut contraint de descendre de son trône par sa mauvaise conduite, et se retira en Thuringe : Un fils eut le roy Mérovée, continue la chronique, nom de Childéric ; couronné fu après la mort de son père, mais il ne commença pas à régner moult gracieusement ; haïestoitde ses barons pour les vilennies et les hontes qu'il leur faisoit, car il prenoit à force leurs filles ou leurs femmes quant elles lui plaisoient pour accomplir les délis[44] de sa char, et pour cest raison le chascièrent hors du royaume.

Les grandes chroniques racontent comment les barons firent roi Gilon[45] le Romain : Après qu'ils eurent chascié le roy Childeric, puis comment le roy Childeric fut rappelé et Gélon bouté hors. Le roi accrut son royaume jusqu'à Orléans et Angers (c'est toujours le même mélange des deux races latine et francque). Les Romains, malgré leur décadence, exerçaient encore un certain prestige sur les barbares. Gilon survécut peu au retour de Childéric, disent les bénédictins, une maladie épidémique l'ayant emporté au mois d'octobre 464. Mais les Francs s'accordèrent avec les Romains pour lui substituer son fils Syagrius. D'un autre côté Adovacre ou Odoacre, roi des Saxons, fit une descente dans les Gaules par l'embouchure de la Loire et remonta sur ses vaisseaux après avoir fait quelque butin. Revenu sept ans après jusqu'aux portes d'Angers, le comte Paul, avec ses Romains et les Francs de Syagrius, marchent contre lui. Adovacre accepte le combat qu'ils lui livrent, tue de sa propre main le comte Paul et entre victorieux dans Angers. Childéric arrive le lendemain de la bataille, fait un traité d'alliance avec Adovacre. Ils marchent ensemble contre les Allemands, qui, après avoir ravagé l'Italie, étaient entrés dans les Gaules et les subjuguent. Basine, femme de Ba-sin roi de Thuringe, avait suivi Childéric à son retour. Ce prince l'épousa et eut d'elle Clovis et Alboflède ou Anaflède, mariée vers l'an 497 à Théodoric roi des Ostrogoths, et Lanthilde. Childéric mourut l'an 481, après un règne d'environ vingt-trois ans, et fut enterré près de Tournay, où il faisait sa résidence[46].

On découvrit, en 1665, son tombeau, nous l'avons dit, tout plein de médailles, de haches d'armes, de massues avec deux têtes de bœuf qui constatent que le christianisme n'était pas accepté par les chefs mérovingiens. Le bœuf était l'éternelle image d'Apis, le dieu qui présidait aux funérailles ; la tête de cheval était le symbole des traditions d'Odin ; le guerrier ne mourait pas tout entier ; le cheval était placé à côté de lui pour le servir après la mort comme durant la vie. La chronologie donnée par les bénédictins jette quelque clarté sur cette époque confuse ; elle fait connaître ces rois ou chefs qui avaient placé le siège de leur gouvernement entre Tournay, Cambrai et Soissons où reposent les ossements gigantesques de ces rois, les débris de ces armures, de ces joyaux, colliers, bagues jetés dans la sépulture avec quelques figurines des dieux de la Germanie.

Les colonies de Francs ne cessaient pas d'être en rapports continuels avec les Gaules romaines, toujours influentes sur la destinée des barbares. Parmi les Gallo-Romains s'élève la figure d'Aëtius, né en Mœsie, et que l'empereur Valentinien avait chargé de la protection des Gaules[47] ; latin par les formes et les études, barbare par l'énergie et le courage, Aëtius exerça une dictature sur les Francs et les Bourguignons. Ce n'était pas trop de toutes les forces réunies pour détourner l'orage terrible qui menaçait les Gaules : Aëtius dut réunir toutes les tribus. Le moment était suprême : Attila, le chef des Huns, approchait des provinces gallo-romaines ; entouré d'un respect superstitieux par les Tartares presque comme le Dieu de la guerre, Attila menait groupés autour de lui, les Vandales, les Gépides, les Ostrogoths et même quelques tribus franques germaniques attirées par son prestige et par l'appât du butin[48] : on s'exagérait les richesses de la Gaule. Attila passa le Rhin et la Moselle, nulle résistance ne put l'arrêter : les villes n'offraient plus que des ruines. Dans toutes les campagnes où passait cette nuée d'hommes, il ne restait pas un arbre, pas une plante sur pied : Le fléau des nations se révélait ainsi aux hommes comme un coursier couvert de sang et les naseaux en feu, dit Grégoire de Tours. Des pleurs intarissables étaient versés ; on voyait de loin s'élever des nuages de poussière ; les peuples se précipitaient les uns sur les autres entraînant leurs femmes, leurs enfants, leurs troupeaux pour fuir le glaive d'Attila[49].

En présence de cette destruction, Francs, Goths, Romains, Armoricains, Bourguignons réunis se placèrent volontairement sous le préfet Aëtius à qui l'empereur venait de confier la province gallo-romaine. Mérovée, roi des Francs, Théodoric, roi des Goths de la Septimanie, le reconnurent également pour chef (rex). Dans cette terrible résistance, la fusion des races fut complète, sans distinction d'origine, sans rivalité parce que la défense était commune : les Lètes voulaient garder leurs terres concédées, leurs familles, leurs troupeaux : l'alliance des Francs et des Romains fut cimentée par le consulat que Mérovée reçut de Valentinien III[50]. L'alliance intime des peuples avait été préparée par l'intervention d'Annian que les habitants d'Orléans venaient d'élire évêque comme le meilleur citoyen : seul, couvert de ses habits pontificaux, il était allé jusqu'à Arles afin de sanctionner l'alliance d'Aëtius avec les chefs des Goths et des Francs.

A son départ l'évêque, comme inspiré, avait dit au peuple d'Orléans alarmé : Attendez, voici venir le secours de Dieu. Le secours ne manqua pas. La poussière des campagnes de la Loire, soulevée comme au jour des tempêtes, annonça l'approche des Francs, des Goths et des Romains alliés. Attila leva en toute hâte le siège d'Orléans. Ce grand barbare s'était aperçu qu'une puissante résistance l'attendait dans les cités. Lutetia Parisii avait donné l'exemple : les habitants encouragés, secourus par une jeune fille de Nanterre du nom de Geneviève, n'avaient pas désespéré de leur salut. Geneviève était issue d'une famille gallo-romaine, liée avec le grand évêque saint Germain[51] ; elle avait reçu la croix monastique lorsqu'Attila vint camper autour de Paris. Geneviève releva le courage des citoyens (cives) en prédisant que les barbares n'entreraient pas dans la cité : elle conduisit sept barques pleines de blé par la Seine, afin de nourrir les habitants exténués de fatigue et de faim. La résistance d'Orléans sous son évêque surprit plus encore Attila[52], et quand il vit se déployer l'armée des Francs, des Goths et des Romains réunis, il craignit d'être pris entre deux masses d'hommes : le grand barbare hâta sa retraite vers le Rhin, à travers la Champagne : harcelé, poursuivi, il choisit comme champ de bataille pour déployer ses cavaliers innombrables une vaste plaine près d'un bourg du nom de Campi Catalaunici, non loin de Châlons[53] : là fut livrée cette bataille qui décida du sort de l'invasion (451). Attila y prit l'offensive par une attaque soudaine espérant séparer les Francs, les Romains en deux bandes éparses. Aëtius, héritier de la tactique romaine, l'attaqua de front avec ses légions fortement armées tandis que les Goths et les Francs les prenaient par la télé et la queue : terrible massacre ! Une longue marche avait épuisé les Huns ; ils n'avaient plus l'énergie soudaine, l'audace impétueuse de l'invasion : autour d'eux les peuples de la Gaule étaient soulevés, les cités en armes. Dans ces circonstances la perte d'une bataille achève la dispersion d'une armée.

Cette victoire d'Aëtius sur Attila grandit nécessairement la puissance romaine dans les Gaules. La tactique des vieilles légions s'était réveillée pour triompher encore une fois. Aëtius glorifiait l'étendard de l'empire, comme Bélisaire l'avait fait triompher en Afrique et plus tard le patrice Narsès en Italie : les Francs et les Goths, auxiliaires des Romains, devaient donc accepter tôt ou tard l'influence du christianisme, la religion grecque et latine. Les évêques avaient rempli une mission suprême dans la résistance : leur ascendant municipal s'accrut avec celui des idées romaines 1 Comme on jouissait de quelque repos dans les diocèses, les évêques établirent la foi d'une manière permanente et le témoignage du triomphe chrétien se manifesta par l'érection des basiliques. Dans l'opinion du peuple, les tombeaux et les châsses des saints avaient sauvé les cités : à Bourges, à Tours, à Orléans. Une fois délivrés des barbares, les habitants voulurent constater la reconnaissance publique : sur le tombeau de saint Martin de Tours, il n'existait à l'origine qu'une petite chapelle : l'évêque Perpetus, la trouvant indigne du saint sacrifice, prépara la construction dune basilique de cent soixante pieds de long, sur soixante de large, avec trente-deux fenêtres du côté de l'autel et cent vingt colonnes dans l'intérieur : huit portes s'ouvraient à la foule qui venait prier nuit et jour. A Autun, une autre magnifique église s'éleva en l'honneur du martyr saint Symphorien ; à Clermont, fut bâtie la cathédrale de cinquante pieds de haut[54] ; à la manière des basiliques romaines elle était précédée d'un pronaos ou baptistère à colonnes tout en marbre travaillé avec beaucoup d'art : la population heureuse, avait l'espérance qu'après la retraite d'Attila, la paix de la cité serait à jamais assurée.

Le chef des Francs auxiliaires d'Aëtius dans la bataille livrée contre Attila, nous le répétons, était Mérovée, de la même famille que Clodion le chevelu. Après lui donc il gouverna les tribus des Saliens, fidèles à l'alliance de l'empire, sans en adopter complètement les idées et les usages : les Francs conservaient la religion de leurs ancêtres. Très-attachés à leurs dieux comme à une pièce de leur armure, les Francs n'avaient pas, à l'imitation des Bourguignons, adopté le christianisme : Les Francs, dit Grégoire de Tours, se faisaient des images, des eaux, des oiseaux, des bêtes sauvages et s'accoutumaient à les adorer[55]. Toutefois, à mesure qu'ils fondaient une colonie, les Francs devaient se rapprocher des évêques, pour conquérir l'appui du peuple gallo-romain : n'étaient-ils pas les premiers et les grands citoyens, les chefs des sénats et des municipes ? Tant que vécut Mérovée, il conserva l'alliance des Romains représentés par Aëtius qui inspirait une confiance indicible aux populations diverses de la Gaule. L'autorité des empereurs était encore respectée : un grand pouvoir ne tombe pas sans garder le prestige des souvenirs.

A Mérovée succéda Childéric, qu'on disait son fils, né d'une concubine : telle était alors l'influence gallo-romaine sur les Francs que ces libres tribus préférèrent à Childéric, le comte romain, Egidius (Gilon) : Childéric un moment exilé vint se retremper dans les forêts de la Germanie, laissant quelques amis parmi ses leudes : la chronique de Saint-Denis rapporte qu'avant de partir pour les Thuringes, Childéric partagea, en la brisant, une pièce d'or en deux et en laissa la moitié à un de ses leudes fidèles qui lui dit : Quand je vous enverrai cette moitié, vous pourrez revenir en toute sûreté parmi nous. Or le temps ne fut pas long ; il y eut une révolte contre Egidius et la moitié de la pièce d'or fut envoyée à Childéric. Le chef des Francs retrempé dans les forêts de Thuringe, beau de corps, puissant d'énergie, attira vers lui la femme du chef Thuringien et d'elle naquit ce fils du nom de Clovis qui essaya l'œuvre d'unité des Francs dans les Gaules[56]. Ces tribus des Saliens servirent néanmoins les Romains dans leurs expéditions en Germanie. Le comte Syagrius invoqua leur fidélité comme le faisait Aëtius contre les Saxons qui désolaient l'embouchure de la Loire. Ce fut avec ses auxiliaires (les Francs) que Syagrius refoula vers la mer les pirates. Sept ans après, nouvelle invasion des pirates et toujours Syagrius accourt à la tête des Francs en Bretagne. Lors des invasions des Goths et des Allemands, les Francs se montrèrent encore fidèles aux préfets de l'empire. Cette longue alliance franco-gauloise, il ne faut jamais l'oublier dans l'histoire de l'origine de la monarchie, parce qu'elle fut la source du pouvoir de Clovis. Ce pouvoir fut le résultat d'une fusion lente et successive des Francs avec les Gallo-Romains : les uns cultivaient la terre comme colons, les autres combattaient comme soldats à côté des Romains. La monarchie de Clovis fut la consécration de l'alliance franco-gauloise : il n'y eut pas une conquête violente et armée, mais une convention tacite, une fusion de races consacrée par l'élévation d'un roi (rex).

Les évêques, les hommes politiques du temps, aidèrent tous Clovis dans son œuvre ; persécutés par les Ariens plus cruels et plus durs que les païens, ils avaient besoin d'un appui[57]. Si les Francs chevelus étaient encore fidèles aux dieux de leurs forêts, au moins ils n'étaient pas persécuteurs et les évêques espéraient que pour consolider leur établissement, tôt ou tard ils adopteraient la foi catholique : car les Francs étaient trop liés avec les Gallo-Romains pour ne pas accepter leur civilisation : le baptême deviendrait le symbole de l'alliance définitive entre les deux peuples. Cette tâche suprême était réservée à saint Remy, évêque de Reims. Il y eut bien des incidents, des obstacles, avant que la monarchie de Clovis ne se fît l'héritière de la puissance romaine dans les Gaules en recevant le baptême.

 

 

 



[1] Les colonies frontières étaient Cologne, Trêves, Metz, Liège, Tournay.

[2] Le premier des empereurs qui paya ce tribut avec régularité fut Aurélien.

[3] On a beaucoup écrit sur l'origine et la colonisation des barbares dans l'empire romain : les travaux les plus sérieux, les plus achevés sont encore les Mémoires de l'ancienne Académie des inscriptions, tome IV à VIII.

[4] Voyez Asinius Quadratus dans Agathias, liv. I, cap. VI.

[5] Zosime (liv. III) dit que c'était une multitude de barbares.

[6] On a trouvé des vestiges de ce camp dans le jardin du Luxembourg. Quelques ruines du palais des Thermes sont conservés.

[7] Comparez sur l'origine et l'histoire des Goths : Jornandès, de reb. Goth., cap. III, IV et XVII, avec Isidore, Chronic Goth. — Procope, de bello Gothor., surtout l'immense érudit Grotius in Prolegom. ad Hist. Goth.

[8] Zosime, lib. IV, cap. XX, dit : que les Huns ne savaient pas se tenir à pied, mais toujours à cheval.

[9] Voici le portrait que Claudien trace des Huns dans son latin incorrect :

Turpes habitus, obscæna que visu

Corpora mens duro numquam cessura labori

Præda libus vitanda Ceres frontemque sicari,

Ludus et occisos pulchram juvare parentes, etc.

[10] Grotius est très-important à consulter.

[11] Les Bénédictins ont placé ce poème dans les œuvres de saint Prosper ; Carmen de Providentia, inter opera sancti Prosperii.

[12] Hieronymi, Epist. ad Ageruchiam.

[13] Le livre de Salvien porte le titre de Providentia (lib. VI, p. 233). La meilleure édition est celle de Paris 1594.

[14] Une grande fraction des Bourguignons avait embrassé la foi catholique mêlée à l'arianisme.

[15] La loi des Visigoths fut tout entière rédigée sous l'influence des évêques.

[16] La vie de Cassien et ses règles sont du plus grand intérêt.

[17] Il était placé dans l'île qu'on appelle aujourd'hui Saint-Honorat, près de Fréjus. Il faut la distinguer des îles Sainte-Marguerite : elle est appelée par Strabon Planesia et par Sidoine Apollinaire, Insula plana.

[18] De l'antique abbaye de Saint-Victor, il ne reste aujourd'hui que l'église et la crypte.

[19] C'est un beau livre de gouvernement (Institutio monastic., lib. I).

[20] On peut s'en convaincre par la lecture des fragments publiés par Dom Bouquet, dans le Ier volume du Hist. gallic., la si précieuse collection.

[21] Déjà nous l'avons dit, sous Valens, lors de l'invasion des Huns, les Goths avaient demandé à l'Empereur un asile : Ut partem Thraciæ sive Mœsiæ, si illis traderet ad colendum, ejus legibus viverent ; ils avaient même promis de se faire chrétiens : promittunt se si doctores linguæ suæ donaverit, fieri christianos. (Jornandès, chap. XXV.)

[22] Orose (lib. VII, cap. XXII).

[23] Quelques-uns des rois étaient catholiques.

[24] Plusieurs même furent consuls. Je les ai indiqués dans mes Fastes consulaires, mémoire couronné par l'Institut.

[25] Les médailles de cette époque confuse sont bien rares : sur la langue et la littérature des Gaules il n'y a rien de plus parfait que l'Histoire littéraire des Bénédictins, in-4°.

[26] Les limites de la Bretagne sont fixées dans la Notitia imperii : Extenditur tamen tractus Armoricani et Nerviniani limites per provincias quinque per Aquitaniam primam et secundam.

[27] Ainsi s'exprime Sidoine Ajtollinaire dans son latin corrompu. (Avit. 369.)

Quin et Armoricus piratam Saxona tractus

Sperabat ; impelle salun sulcare Britannum

Ludus et assisto glaucum mare, frindere lembo.

[28] Comparez les ingénieux systèmes de Freret, Dubos, Mabli, sur l'origine des Francs. Montesquieu s'est laissé entraîner à beaucoup d'antithèses et de discussions passionnées. Consultez surtout les premiers volumes des Mémoires de l'ancienne Académie des inscriptions.

[29] Cette origine est acceptée par tous les historiens du dix-septième siècle.

[30] Les Bénédictins en ont recueilli le texte grec.

[31] Le vieux chant des légions a été conservé dans son texte : Mille Sarmatas semel, semel occidimus mille, mille Persas quærimus.

[32] Zosime, Annal.

[33] Les terres ainsi concédées portèrent le nom de Lætique. La Bretagne eut tant de terres lætiques qu'on la nomma Lætivia.

[34] Le rhéteur Eumenius célèbre les victoires de Constantin.

[35] Libanius, Elog, Julian.

[36] J'ai donné exactement le consulat de Stilicon dans mon mémoire sur les Fastes consulaires, couronné par l'Institut.

[37] Comparez Sidoine Apollin., liv. IV, Ep. 17, avec Zosime, liv. IV. Toute la partie byzantine des événements est parfaitement résumée.

[38] Les Fastes consulaires contiennent plusieurs noms des chefs francs. J'ai rectifié ces fastes.

[39] C'est le langage du temps de Charles VII.

[40] Chronique de Saint-Denis, chap. IV, sous ce titre : Comment et quant la cité de Paris fut fondée et du premier roy de France.

[41] Art de vérifier les dates, tome II, in-4°.

[42] Les grandes Chroniques de Saint-Denis, cet admirable monument de notre histoire, ne sont pas contemporaines des événements qu'elles racontent : le texte épuré date de Charles V, mais elles étaient composées sur les documents les plus sérieux par les moines de l'abbaye. La Bibliothèque, impériale possède plusieurs manuscrits des grandes Chroniques.

[43] Mss., Bibliothèque impér.

[44] Délices.

[45] Egidius dans la langue latine.

[46] Les Bénédictins procédaient à leur travail en rapprochant et en comparant tous les textes, il en résulte sans doute une haute critique en histoire, mais peu de couleurs : les Chroniques de Saint-Denis au contraire prennent de toutes mains, elles ont l'intérêt d'une légende ou d'une chanson de Gestes (roman de chevalerie).

[47] Aëtius était d'origine scythe ; il avait pour père Gaudentius, chef de la milice de Valentinien ; lui-même avait servi dans les gardes de l'empereur.

[48] Les récits sur cette expédition d'Attila sont fort obscurs : rien de complet n'est parvenu jusqu'à nous. On doit bien regretter que l'exact poète Sidoine Apollinaire n'ait pas pu tenir sa promesse de raconter l'histoire des expéditions d'Attila : Exægeras mihi, ut promitterem tibi, Attilæ bellum stylo me posteris intimaturum ; cœperam scribere, sed operis arepti fasce perspecto tæduit inchoasse.... (Sidon. Apollin., liv. VIII, Epistol. XV, p. 326.)

[49] On trouve dans le panégyrique d'Aëtius écrit en latin très-barbare un tableau coloré des ravages de l'invasion d'Attila ; le roi des Huns inspirait une telle terreur que la plume des écrivains tremblait.

[50] Voir mes Fastes consulaires.

[51] Il ne faut pas le confondre avec saint Germain de Paris. Fortunat a écrit sa vie recueillie par Mabillon, Acta sanctor., tome I.

[52] Comparez Vit. S. Lupi Anianensis et S. Genovefœ, Dom Bouquet, t. III, page 644.

[53] Catalanum, littéralement le Chalonais (Châlons), dépendait alors de la métropole de Reims ; il porta le nom de Duro Catalanum, D'Anville est toujours le savant qu'il faut consulter pour la géographie de la Gaule. La Champagne était désignée par Grégoire de Tours sous le nom générique de Campania.

[54] Il faut lire Grégoire de Tours pour l'histoire pittoresque et chronologique de la fondation des cathédrales, liv. VI, chap. I.

[55] Grég. de Tours, liv. Ier. Il existe, sur la religion des Francs, un excellent mémoire dans le recueil de l'Académie des inscriptions.

[56] Le systématique abbé Dubos traite tout cela de fable, d'invention de Grégoire de Tours, quelle preuve en donne-t-il ? Quels sont les monuments qu'il invoque ? La critique de Fréret est plus sûre et plus ferme. La Chronique de Saint-Denis a copié Aimoin et confirmé ses récits.

[57] Il faut voir l'histoire des persécutions des Ariens contre les Catholiques dans Sidon. Apollinar.. lib. VII, ad Basiliam.