CHARLEMAGNE

TOME PREMIER. — PÉRIODE DE LA CONQUÊTE

 

CHAPITRE X. — GUERRE CONTRE LES SAXONS, RUINE DE LEUR RÉPUBLIQUE MILITAIRE.

 

 

Caractère des Francs et des Saxons. — Causes des grands succès de Charlemagne. — Les armures. —  La tactique. — Les divisions. — Les chefs. — Witikind. — Tentative de prédication chrétienne. — Invasions des Saxons. — Marche de Charlemagne au delà du Rhin. — Deuxième guerre de Saxe. — Conquêtes. — Otages. — Troisième soulèvement. — Traité de tributs et de liberté pour la prédication chrétienne. — Quatrième révolte. — Exécution des grandes races. — Dispersion des familles. — Les Saxons dans les monastères de France. — Capitulaires sur la conquête. — Organisation par comtés et épiscopats. — Soumission de Witikind. — Fin de la république militaire. — Le peuple de Frise et de Saxe. — Les Danois derniers vengeurs de la liberté saxonne. — La chanson de Guiteclin de Sassoigne.

772-786.

 

Les longues guerres des Francs contre les Saxons ne se rattachent pas exclusivement au règne de Charlemagne ; ainsi que celles des Lombards, elles commencent sous le gouvernement de Pépin, origine et principe des expéditions carlovingiennes ; Pépin a commencé les guerres, Charlemagne les achève, car il est le digne fils de l'homme le plus valeureux peut-être dans sa brève et petite taille[1]. Cette guerre de Saxe va durer trente-trois ans avec de si courts intervalles de repos, qu'on ne peut pas les appeler des trêves ; les Francs ne cessent d'être armés pour en finir avec les tribus de l'Elbe et du Weser, si turbulentes dans le VIIIe et IXe siècles.

Quelles étaient donc ces peuplades saxonnes dont les chroniques, nous parlent incessamment ? Quel était le principe de l'énergique vigueur que ces tribus déployèrent dans la guerre contre Charlemagne, ce prince qui dominait son époque par la persévérance de sa volonté et la puissance de son courage ? Dans l'admirable ouvrage que Tacite a consacré aux mœurs des Germains, le grand historien ne distingue pas les Saxons des autres divisions de la vieille souche allemande[2]. Ces tribus, qui habitaient l'extrémité de l'Elbe, n'étaient-elles pas encore connues des Romains, ou bien se confondaient-elles sans nom précis dans quelqu'une des grandes branches de la famille germanique ? Les annales romaines citent spécialement pour la première fois les Saxons dans la moitié du ive siècle ; au milieu de ce grand remuement de peuples, de cette turbulence qui saisit tout à coup les tribus campées au centre et au nord de l'Europe, les Saxons se montrent dans l'invasion universelle. Saint Jérôme en fait mention dans une de ses épîtres, en déplorant la dévastation des Gaules par les Barbares[3].

Lorsque l'empereur Honorius fit dénombrer les populations diverses de l'empire, lorsqu'il commanda de rédiger le livre sur les dignités du monde romain[4], il indiqua un comte du littoral saxon[5]. Un siècle plus tard, les Saxons formaient un corps de cette garde germanique, dont les empereurs de Constantinople entouraient leur personne[6]. Déjà ils s'étaient rendus célèbres par leurs expéditions maritimes ; Sidoine Apollinaire les présente comme les navigateurs les plus intrépides, et, du fond de l'Auvergne, l'évêque craintif déplore les ravages que pourraient faire ces peuples sur les côtes de la Gaule et de la Bretagne ; les prédictions de Sidoine Apollinaire s'étaient depuis accomplies, et la conquête de l'Angleterre par les Saxons avait prouvé tout ce que pouvaient ces hardis navigateurs[7].

Dans l'origine, les Saxons se mêlèrent à cette niasse de nations scandinaves qui habitaient depuis l'embouchure de l'Elbe, la presqu'île du Jutland, jusqu'à la Norvège et la Suède[8]. Quelques siècles après, au milieu du remuement général des nations conquérantes, ils s'étaient établis jusque sur les bords du Rhin. Il ne faut pas confondre les Saxons avec les Bavarois et les Allemands, qui habitaient la Souabe et la Thuringe jusqu'au. Danube ; ils n'avaient également aucun rapport avec les Huns et les Avares, campés en Hongrie, et qui débordèrent au Xe siècle sur les Gaules[9]. Les Saxons avaient plutôt des identités avec les Nortmans d'origine scandinave ; de là leur alliance avec les Danois, les Frisons[10], peuples maritimes du nord de l'Europe ; ils y trouvaient des appuis, des auxiliaires : vaincus, ils se réfugiaient sur leurs terres ; vainqueurs, ils s'appuyaient sur les tribus du Jutland et de la Frise. Leurs mœurs étaient semblables, leur mythologie se rapprochait de l'Edda ; et au-dessus de tous les cultes les Saxons plaçaient cette grande adoration d'Irminsul, dieu unique qui se séparait de la mythologie scandinave ; on l'adorait sous les grands arbres, on lui sacrifiait des victimes humaines, on l'invoquait les jours de combat, car il donnait ou enlevait la victoire.

Les seules notions- transmises jusqu'à nous sur le culte des Saxons viennent des pèlerinages écrits par les, saints évêques qui avaient cherché à les convertir au christianisme : ils nous disent que les Barbares élevaient leurs' autels sur de vastes pierres, et que dans le parvis du temple les prêtres frappaient au cœur les victimes humaines ; leur dieu appartenait à cette famille du Teutatès gaulois, divinité sombre qui représentait le Temps et Saturne au milieu des offrandes sanglantes[11] ; Eresbourg était le centre du culte des Saxons[12], et de cette république militaire, où tout homme libre était soldat selon l'ancienne coutume des Germains. Les pontifes étaient puissants comme les druides chez les Gaulois, leur temple était orné des dépouilles homicides. Le sacrifice des victimes humaines était la coutume des nations du Nord ; on trouvait dans les mythes gaulois la mort de l'homme au pied des autels comme une idée de rachat et d'expiation. La prédication chrétienne fut le saint mobile qui changea ces fatales idées ; la messe n'était-elle pas comme le sacrifice d'une seule victime pour racheter tout le genre humain ? Ce grand mystère, qui se déploie dans la plus solennelle des cérémonies, révèle comment le monde avait vu les sacrifices sanglants abolis par le sublime sacrifice du Christ : la messe fut l'idée la plus avancée, la plus civilisatrice pour les nations qui visaient sous l'empreinte du culte sanglant ; l'agneau de Dieu sur la croix remplaça les entrailles des victimes[13] ; elle annonça que les holocaustes avaient cessé avec l'immolation de Jésus.

L'histoire doit le dire, la guerre la plus formidable, la plus persévérante que Charlemagne eut à soutenir dans sa vie laborieuse fut celle des Saxons. Elle est renouvelée à chaque tenue de parlement militaire, elle éclate au moindre accident ; les Saxons se soumettent, puis ils se révoltent encore ; ils viennent jusqu'au Rhin, et sont presque toujours refoulés au littoral de la Baltique. Chaque fois qu'ils aperçoivent les armées de Charlemagne engagées dans des expéditions lointaines, en Italie, en Espagne, ils accourent de tous côtés et débordent sur les provinces du Rhin et même de la Moselle ; ils relèvent leurs temples, pillent les églises du Christ, ou renversent les tours crénelées que le roi Charles a bâties sur leur territoire ; c'est une hostilité acharnée de peuplades vagabondes et indomptées.

Au milieu de cette guerre incessante, un fait ressort néanmoins, c'est la continuité du succès des armées franques, conduites par Charlemagne contre les Saxons. Ces peuples se jettent comme une multitude jusqu'aux frontières des Francs, ils pillent, ravagent, refoulent les comtes, les évêques ; mais dès que Charlemagne parait, ils sont vaincus et fuient sa présence, comme si le feu de ses regards les foudroyait[14]. Ce prince parcourt leur pays en conquérant, il impose des lois, gagne des batailles et les domine presque absolument. A quelles causes ce résultat tient-il ? Les Saxons et les Francs ont à peu près la même origine, la même force de corps ; blonds et charnus, sanguins et colères, ces deux races sont issues de la Germanie ; Witikind est un chef utilitaire au moins aussi fier que Charlemagne, et pourtant, je le répète, ces peuples de Saxe sont toujours défaits et fuient devant la race victorieuse des Austrasiens ? Cela tenait à la puissante civilisation que les Francs avaient acquise dans leur établissement des Gaules ; ils avaient hérité des armes et des moyens stratégiques des Romains ; les légions tiraient leurs armures des fabriques de Lyon, de Sens, d'Auxerre, elles étaient couvertes de fer ; et les Francs, qui avaient vu les miracles opérés par la discipline, la fermeté des vieux maîtres du monde, avaient adopté leurs moyens de bataille. Ils apparaissaient donc sur le champ des combats avec des cuirasses, des boucliers, des hautberts ; les leudes, les comtes, caparaçonnaient leurs chevaux et les faisaient montoir d'après certains principes de l'art militaire. Si les Saxons conservaient l'audace, l'impétuosité des ancêtres, ils avaient aussi la faiblesse, le désordre des troupes sans discipline ; ils se précipitaient avec fougue, en jetant la terreur sur les points les plus éloignées. Mais dès qu'ils trouvaient devant eux une armée organisée, des moyens d'attaque et de défense d'une certaine étude, d'une vigueur réfléchie, ils étaient incapables de résistance. Charlemagne parait avoir suie : à leur égard sa politique habituellement adroite et tortueuse, qui consistait à toujours diviser les tribus, les chefs et les peuples, et rien n'était plus facile au milieu des Saxons, république nomade qui comptait presqu'un chef par village. Le roi des Francs adopta vis-à-vis d'eux la politique des Romains, quand ils conquirent les Gaules ; il sema la division et dompta les uns par les autres[15].

Le premier essai de domination franque et chrétienne sur les Saxons fut tenté dès l'origine du règne de Charlemagne. Saint Boniface avait établi un siège épiscopal à Mayence, centre catholique, d'où la prédication pouvait s'étendre loin, et lorsqu'il mourut Martyr chez les Frisons, un autre simple prêtre du nom de Lebwin quitta sa solitude d'Angleterre, ainsi que Boniface, pour annoncer l'Évangile aux Saxons. C'était presque toujours des abbayes d'Angleterre que partaient les missions destinées à convertir les peuplades scandinaves. Dans ce pays, on en parlait la langue, et les prédicateurs avaient une origine commune. Saint Lebwin reçut l'anneau sacré et l'imposition des mains de l'évêque d'Utrecht[16] ; traversant le Rhin, il vint annoncer la parole sur les bords de l'Issel où il baptisa des néophytes et bâtit des églises. Les chapelles et les oratoires étaient comme les jalons de la conquête chrétienne. Cette première mission ne fut point assez grande à ses yeux, et il résolut d'aller prêcher plus hautement au milieu de l'assemblée générale des Saxons, qui se tenait sur les bords du Weser.

Tandis que ces tribus ardentes et belliqueuses terminaient leur assemblée par quelques sacrifices au dieu de la patrie, Lebwin parut au milieu de ce tumulte armé ; il portait une croix à la main, ses habits sacerdotaux étaient riches, et il avait sur sa tête le livre des Évangiles. Écoutez ! écoutez ! s'écria Lebwin, celui qui parle par ma bouche : le créateur du ciel et de la terre est le seul Dieu[17] ; les idoles que vous encensez sont de l'or, de l'argent ou des pierres ; le vrai Dieu, qui a compassion de votre aveuglement, m'a envoyé vers vous ; recevez le baptême, et il vous délivrera de tous les maux. Si vous dédaignez mes paroles, retenez au moins ces salutaires avertissements : il y a dans votre voisinage un roi courageux qui s'avance comme un torrent rapide pour ravager vos terres. Entendez-le bien : il emmènera vos femmes et vos enfants en esclavage, une partie de vous périra par ses armes ou par la faim, et tous vous courberez la tête sous le joug de cet homme puissant. Ces paroles, qui annonçaient les conquêtes du grand Charles, firent une impression vive sur les Saxons, et les plus impétueux, courant aux haies voisines, en arrachèrent des pieux pour en frapper le saint missionnaire. Lebwin s'échappa comme par miracle du milieu de cette assemblée orageuse, et alors Dieu suscita d'une manière presque miraculeuse les paroles d'un chef nommé Buton, qui s'exprima en ces termes : Vous tous qui êtes hommes sensés, souvent il nous est venu des ambassadeurs des Normands, des Sclaves, toujours nous les avons reçus avec honneur, nous leur avons fait des présents, et pourquoi chasserions-nous ignominieusement l'ambassadeur de Dieu ? Ces paroles de sagesse et de concorde calmèrent l'assemblée ardente, et Lebwin put ainsi jeter les premiers germes de la prédication chrétienne parmi les Saxons[18].

La pensée d'une paix durable avec les Francs n'était pas dans le caractère des tribus fières et vagabondes qui occupaient les terres du Weser ; la victoire s'était prononcée plusieurs fois contre elles sous Pépin, elles avaient payé tribut. Les Saxons westphaliens surtout, les plus voisins des terres de France, s'agitèrent souvent pour inquiéter les comtes ou les défenseurs des marches qui protégeaient les frontières. Profitant des époques où Charlemagne était le plus éloigné, ils se précipitaient sur le Rhin, et au delà même des limites de la Moselle ; ils profitèrent des troubles soulevés entre Charlemagne et Carloman pour s'affranchir du tribut que Pépin leur avait imposé. La première guerre de Saxe se rapporte à l'avènement du roi Charles comme monarque de toute la nation des Francs. Il était à Worms, où un parlement de leudes, de comtes, s'était réuni dans le but de le saluer et de le reconnaître ; à ce parlement il fut résolu que l'on porterait la guerre contre les tribus qui menaçaient sans cesse la tranquillité de la France orientale[19].

Le paie saxon qui a suivi la vie de Charlemagne avec une grande exactitude décrit lui-même la première de ces guerres ; et comme il appartenait aux nations du Nord par la patrie, comme au milieu même des monastères de la Neustrie ou de l'Austrasie, il a pu garder les impressions, les souvenirs de la vieille terre saxonne, c'est lui que je laisserai parler sur cette courte expédition des Francs. Le roi Charles convoqua à Worms une assemblée générale de ses seigneurs, dans laquelle il décréta, de concert avec eux, de faire la guerre aux Saxons ; car si la terre des Saxons touche à celle des Francs, et même si leurs limites ne sont pas bien déterminées, d'un autre côté, plus ces deux nations étaient rapprochées par le fait, plus la discorde jetait entre elles de motifs de division, et des deux pays, sans relâche, l'on portait sur la frontière voisine le meurtre, l'incendie et le pillage. Bien loin d'être dignes de porter le suave joug du Christ, les Saxons, livrés à toute la fougue de leur naturel sauvage, à la rudesse de leur esprit, étaient encore sous la puissance de l'erreur et du démon. Les Francs, au contraire, chrétiens depuis longtemps, fervents appuis de la foi catholique, dominaient un grand nombre de peuples ; c'était sur le secours de ces nations soumises, et surtout sur la puissance de Dieu, dont ils suivaient scrupuleusement les commandements, qu'ils comptaient pour soumettre cette nation. Pareils à un corps dont les membres seraient répandus çà et là, et non réunis ensemble, loin d'obéir à un roi qui seul fût à la tête du gouvernement et de la milice, les Saxons étaient divisés en plusieurs petits états et comptaient presque autant de chefs que de villages[20]. Cependant on partageait généralement les contrées qu'ils habitaient en trois portions distinctes ; jadis les peuples qui les occupaient étaient renommés pour leur valeur, mais maintenant leurs noms seuls sont restés, leur courage n'est plus. Ceux qui, occupant la partie occidentale, avaient leurs limites près du Rhin, s'appelaient les Westphaliens ; les Osterlindi, Ozterlingi ou Ostvali, habitaient le Levant ; les perfides Sclavons infestaient leurs frontières. Enfin les Angarii, troisième peuplade saxonne, occupaient l'espace contenu entre les deux pays précités ; ce sont ces derniers dont les frontières méridionales bordent les terres de France, tandis que vers le Nord leur pays s'étend jusqu'à l'Océan. Voilà les peuples que Charles avait résolu de combattre ; et sans retard, avec toutes les forces des Francs, il se mit à saccager et à brûler leur pays. Une citadelle fortifiée par la nature, et que l'art avait mis encore en plus fort état de résistance, se trouve sur son passage, il la prend. Les Barbares la nommaient Eresburg[21]. Au même endroit existait une idole, divinité du pays, appelée Irminsul ; c'était une colonne travaillée avec beaucoup dé soin et chargée d'ornements 2[22] ; le roi la renverse, et établit son camp tout près de ce lieu. La durée des chaleurs de l'été, le manque de pluie brûlaient les champs ; les fontaines desséchées ne contenaient qu'une aride poussière, et la soif commençait même déjà à fatiguer le camp du roi, lorsque le Tout-Puissant, qui avait vu favorablement la destruction du temple profane, fit éclater son pouvoir en faisant sortir, au milieu du jour, tout d'un coup, et du lit desséché d'un torrent qui se trouvait tout près, une source qui fournit assez d'eau pour les besoins de l'armée[23].

Cette irruption au delà du Rhin précéda la guerre contre Didier, roi des Lombards, et la chute profonde de cette dynastie. Pendant la campagne de Lombardie les armées des Francs ne furent pas tout entières disponibles ; toutefois la Saxe fut toujours le théâtre des exploits de Charlemagne, il semblait s'y complaire : ce pays rappelait aux Francs leur origine primitive, les populations se ressemblaient par plus d'un trait de leur physionomie. Domptés un moment, les Saxons reprirent les armes, quand ils virent le roi des Francs occupé au delà des monts ; ces peuples avaient un instinct très habile pour saisir les circonstances favorables ; alors traversant le Rhin ils se précipitaient aux frontières, ils laissaient engager Charlemagne au loin, ils payaient leurs tributs de troupeaux, de laines, d'argent, tant qu'ils le savaient en sa cour de Mayence, de Worms, de Cologne ou d'Aix ; mais qu'avaient-ils à craindre de lui lorsqu'il menait ses paladins au delà des Alpes et des Pyrénées ? Alors accourant tumultueusement, ils venaient faire acte de liberté en abreuvant leurs chevaux aux rires du Rhin. Tandis que le roi s'occupait ainsi en Italie, dit le poète chroniqueur dont j'ai parlé, les Saxons rentrèrent sur les frontières des Francs et vinrent ravager un bourg nommé Hassi[24], qu'ils mirent à feu et à sang. Ce qui les poussa à de tels excès, æ fut l'éloignement du roi et la pensée où ils étaient que le temps était venu pour eux de se venger des pertes que leur avaient fait essuyer les Francs, et qu'ils devaient agir ainsi avant qu'ils leur en fissent supporter davantage. Ils s'avancèrent même jusqu'à Frideshlar, et là, ils essayèrent de mettre le feu à une église que le martyr Boniface, prêtre chéri du Christ, avait jadis élevée en ce lieu'[25] . Voyant que c'était en vain qu'ils s'efforçaient d'accomplir leur projet, une terreur subite s'empara d'eux, et ils se mirent à fuir vers leur patrie, sans y être contraints par les armes ni par les ennemis, mais seulement par un pouvoir divin. Charlemagne ayant pris Pavie, toutes les autres villes se soumirent ; il retourna dans le pays de ses pères, emmenant avec lui le roi Didier. Puis il fit entrer dans le même temps trois armées dans le pays des Saxons, qui le dévastèrent et le couvrirent de sang et de ruines. Le roi convoqua à Carisi une assemblée des grands et des nobles francs, et là, tout en traitant de diverses choses et des besoins de l'état, il prit la résolution de faire aux Saxons une guerre perpétuelle, car il avait éprouvé que ces peuples sans foi ne voudraient jamais rester en paix. Il résolut donc de ne leur donner aucun repos jusqu'à ce que, ayant abandonné le culte des idoles, ils devinssent chrétiens ; sinon, il voulait les détruire en entier. Sainte sollicitude de Dieu qui veut nous sauver tous ! l'Éternel avait connu que rien ne pourrait adoucir la dureté de l'esprit de ces hommes : eh bien, pour changer leur rudesse naturelle, pour les forcer à se soumettre au joug agréable du Christ, il leur donna pour maitre et docteur le grand Charles, qui, les domptant par la guerre et par de bons raisonnements, les fit ainsi presque par force entrer dans la voie du salut[26].

On voit que le caractère du vieux Saxon s'est effacé dans l'âme du poète ; il a oublié la patrie antique, il est ramolli, dévoué comme un Neustrien ; le chroniqueur du monastère continue à servir la politique de Charlemagne : Cet utile dessein fut secondé, dit-il, par des faits extraordinaires ; car, étant entré dans le pays ennemi à la tête de sa meilleure jeunesse, qu'il avait convoquée à Duria, le roi prend Eresburg, Sigisburg, y laisse garnison, et continue sa route jusqu'à la Wisure, au pied du mont Brunesberg[27]. Là s'était assemblée une grande masse de peuple qui voulait l'empêcher de passer le fleuve : vains efforts ! au premier choc, cette foule compacte est renversée, et de nombreux ennemis ont mordu la poussière. De là, le roi Charles se rend dans le pays des Osterlindes ; Hesso, l'un de leurs principaux seigneurs, accompagné de presque tout le peuple, se jette en suppliant sur son passage, et remettant les otages qu'il avait demandés, lui jure de rester toujours fidèle. Pendant ce temps, ceux que Charles avait laissés près de la Wisure, à Lisboa, faillirent devenir victimes d'une fraude des ennemis. Le soleil s'abaissait, lorsque des soldats qui avaient été au loin chercher des fourrages rencontrèrent des Saxons qui se joignirent à eux, leur donnant le nom d'amis, et cachant des ennemis féroces sous ce doux nom. Ils se mêlent aux travaux des Francs, leur aident à porter les lourdes bottes de foin vert, et par leur complaisance accroissent encore la confiance que l'on avait en eux. Enfin tous ensemble, Francs et Saxons, rentrent dans le camp. Mais à peine les premiers commençaient-ils à fermer la paupière, que leurs cruels ennemis, se levant tout à coup, se mettent à faire un horrible carnage de ces gens désarmés et à moitié endormis. Cependant quelques-uns des Francs ayant secoué leur pesante léthargie commencent à s'armer et s'opposer aux assaillants ; leur audace porte de fruits heureux, et bientôt l'ennemi est chassé du camp. A la première nouvelle qu'en eut le roi, il fit telle hale pour accourir avec ses soldats sur le lieu du combat, qu'il eut encore le temps de tomber sur les Saxons et d'en tuer un grand nombre[28].

Les Saxons formaient ainsi une réunion de petites tribus sous mille chefs divers, en vertu .du même principe et de la même habitude qui leur avait fait créer l'heptarchie en Angleterre. Chaque peuple est marqué de sa nature propre ; il la porte avec lui-même jusque dans ses migrations. Au milieu de ces hérétogs inconnus il s'était élevé un chef d'une trempe plus mêle, plus élevée, plus vigoureux. Il se nommait Witikind[29], célèbre dans les chroniques et les ballades du Nord. Où était ne cet homme de force ? quelle était son origine ? Il en est de Witikind comme de Charlemagne ; nul ne sait la ville qui lui donna le jour. Son nom, essentiellement germanique, venait de deux mots du vieux saxon, Wite-Kindl'enfant blanc —, ou, pour parler plus exactement, le blond jeune homme aux formes belles. Quelques légendes allemandes le font fils de Werneking, roi ou chef des tribus saxonnes entre le Rhin et l'Elbe. Witikind paraît avoir exercé une influence immense sur les résolutions de ces peuples belliqueux ; il devait être issu de quelque grande race, car les privilèges de famille existaient chez les peuples du Nord avec une régularité remarquable. Chaque fois que Witikind paraissait parmi eux, les Saxons prenaient les armes pour la patrie ; il semblait leur rappeler ce vieil Hermann, l'Arminius des annales de Rome, ce vigoureux défenseur de la liberté germanique ; Hermann et Witikind, deux noms qui retentissent encore toutes les fois que l'Allemagne se lève pour la force et la liberté ! Le dieu Irminsul, ce monument dont parlent si souvent les chroniqueurs de France, n'était-il pas lui-même le symbole de l'Hermann germanique, le vainqueur de Varus, qui semblait protéger de son souvenir les efforts glorieux des Saxons[30] ? C'est maintenant avec ce Witikind que Charlemagne va combattre : c'est le chef puissant que lui opposera la patrie saxonne.

Les divisions, les jalousies des tribus favorisaient les entreprises belliqueuses de Charlemagne contre les Saxons. Quand le roi des Francs en eut fini avec les Lombards, quand il eut orné son front de la couronne de fer, il se précipita avec plus de vigueur sur les peuplades saxonnes qui habitaient le Weser ; les Francs s'avançaient avec tille énergie puissante jusque sur les rives de l'Oder. Dans cette rapide conquête, nous trouvons encore là un chef du nom de Hesso[31] ; il commandait les Westphaliens : les Hessois, peuple si brave, lui durent-ils leur origine et leur nom ? Cette tribu vint offrir des otages pour garantie de sa fidélité. Des bords de l'Oder, le roi retourne en toute hâte dans la Westphalie ; les peuples lui donnent encore des gages et se soumettent à livrer des troupeaux, de la laine, le revenu de quelques mines d'argent et de cuivre. Charles s'éloigne, car il croit ces peuples soumis au moins momentanément ; les Saxons prennent de nouveau les armes, les otages ne suffisent plus ; vaincus dans une nouvelle invasion, ils accourent en foule par la Lippe afin de faire hommage au vainqueur[32]. Charlemagne fortifie et rétablit le château d'Eresbourg, destiné à contenir les Saxons, comme le château de Fronsac devait réprimer les Aquitains.

Chaque peuple vassal des Francs était maintenu par des tours crénelées, et c'est pourquoi la terre est encore semée de ces ruines du moyen âge. Sur ces hauteurs où la mousse s'attache aux pans de murailles dentelées par le vent du nord, étaient autrefois des hommes d'armes fiers et hautains ; sur ces dalles brisées, il y a dix siècles, vivait une génération à la large poitrine, qui s'abreuvait des vins du Rhin et de Moselle dans la coupe des festins ; au faite de cette tour échancrée par les âges était quelque noble fille de Souabe, épouse aimée, puis rejetée de la couche par l'implacable baron ; le temps a passé là, et l'on y n'entend plus que le bruit du vent qui siffle à travers les crevasses, comme un grand orgue que la mort toucherait pour animer la ronde fantastique des vieux comtes, un moment réveillés dans leurs tombeaux.

Après les avoir vaincus, Charlemagne engagea les chefs saxons à embrasser le christianisme ; ce joug moral devait fortifier sa domination souveraine[33]. Tout préoccupé d'en finir avec eux, il s'établit l'hiver sous la tente, dans un lieu qui prit le nom de Heerstal, le camp de guerre ; il y tint sa cour plénière jusqu'au printemps. Un message du roi annonce qu'une assemblée de leudes, de comtes et d'évêques se tiendra à Paderborn ; quelques tribus saxonnes y accourent pour renouveler leur serment de fidélité ; mais le fier Witikind n'y vient pas : il a fui chez les Danois, il s'est abrité dans le Jutland, où campent des tribus alliées aux Saxons ; Witikind est le héros de tout ce qui porte l'empreinte germanique. Au milieu de ces guerres du Rhin, de l'Elbe et du Weser, trois peuplades marchent dans une commune idée de résistance à Charlemagne : les Saxons, les Danois, les Frisons ; ils semblent appartenir au même sang, à la même cause. A mesure que le roi refoule leurs débris les uns sur les autres, ces peuples se concentrent dans la Scandinavie, jusqu'à la réaction des Nortmans[34], qui vinrent venger leurs ancêtres sur l'empire des faibles successeurs de Charlemagne. Les légendes disent que Witikind était marié à Géva, la sœur d'un chef danois du Sleswich : dans la langue franque, ce rex portait le nom de Siegfried ; dans l'idiome danois, il s'appelait Sivard. Une partie des Saxons suivit leur chef Witikind chez les Danois ; l'autre vint à l'assemblée de Paderborn pour traiter avec Charlemagne. Le parlement fut long ; les tribus de la Saxe qui firent leur soumission conservèrent un ensemble de libertés sous la domination franque. Comme les Lombards, ils gardèrent leurs lois, leurs assemblées de chefs dans les champs de guerre ; soumis à un tribut, ils firent seulement acte de vassalité, et consentirent à laisser propager la religion chrétienne au milieu de leurs tentes et de leurs cités[35]. Les évêques, les prêtres eurent toute liberté de parcourir les villes, les bourgs, pour annoncer les vérités du catholicisme. Une dernière condition fut admise par les tribus saxonnes : tous ceux de leurs chefs qui ne voudraient point subir le traité conclu avec Charlemagne pouvaient se retirer là où il leur conviendrait ; c'était la loi générale de ces tribus errantes[36] ; plutôt que de subir un joug, elles fuyaient comme toutes les populations nomades : le sol ne constituait pas invariablement la patrie ; partout où l'on plantait la tente, là était le pays. Plusieurs chefs saxons vinrent donc rejoindre Witikind dans le Danemark.

Deux ans sont à peine écoulés depuis le parlement de Paderborn, que nous retrouvons Witikind soulevant de nouveau les Saxons ; il conduit les Danois et les tribus exilées dans le Jutland. Ses forces sont considérables ; les anciennes tribus soumises à Charlemagne le saluent, et il s'avance victorieux jusque sur le Rhin. Toutes les bourgades franques sont exterminées sur son passage, il renverse les châteaux, les tours de surveillance ; il brûle les signes militaires de la domination de Charlemagne, alors occupé à l'expédition d'Espagne. Un capitulaire ordonne de repousser ces masses d'hommes par la terreur et la violence. Tous les possesseurs de terre, les gardes des marches, les leudes doivent prendre les armes, et cette levée de la race franque arrête un moment les ravages des Saxons sur le Rhin et la marche de Witikind victorieux. Bientôt le grand Charles arrive lui-même ; il disperse les envahisseurs[37], s'établit de nouveau dans son camp de Heerstal et y passe l'hiver, pour s'élancer ensuite sur les Westphaliens : rien ne résiste à cet homme fort, à ce roi gigantesque, dont la seule parole porte l'effroi partout. Plusieurs tribus saxonnes accourent lui demander la paix ; Charles se fait livrer des otages selon l'usage, mais il ne veut plus traiter partiellement avec une ou plusieurs peuplades, il demande que les Saxons viennent à un parlement pour traiter des conditions de la paix. Witikind, toujours inébranlable, ne veut point assister à cette cour plénière, car sa patrie est humiliée, et il se retire une seconde fois dans le Danemark.

Pendant l'hiver, Charles réunit à Heerstal toutes ses forces : c'est son poste militaire de prédilection ; il est à la tête d'une armée tellement puissante, que nul ne peut résister à ses coups ; il impose sans résistance des lois impératives aux Saxons. L'acte qui résulta du parlement qu'il a assemblé est le capitulaire intitulé : De partibus Saxoniæ[38], véritable organisation de la Saxe ; les évêques, nombreux au parlement militaire, prêchèrent sous la tente, et un grand nombre de Saxons reçurent le baptême. Le roi avait essayé le système des tribus, en laissant chaque vassalité indépendante ; comme il avait mal réussi, on stipula désormais que les Saxons seraient gouvernés par des comtes de la nation franque. On les soumettait à un système commun, et leur indépendance de race leur était ainsi ravie ; tous devaient obéissance à ces comtes, et le Saxon qui blesserait ou outragerait les délégués du roi aurait ses terres confisquées et dévolues au fisc royal ; les Saxons ne pourraient plus tenir assemblée ni diète, à moins d'un permis et licence du roi, et en présence de commissaires désignés par lui.

A ce système de police militaire, Charlemagne ajouta des articles spécialement chrétiens : des églises seraient bâties çà et là dans le pays des Saxons, sacrées et plus sacrées encore que les temples de l'idolâtrie ; celui qui tuerait un prêtre chrétien, ou qui sacrifierait des victimes humaines aux vieilles divinités de la patrie, serait puni de mort. Comme le baptême devait être désormais le signe de l'obéissance, les Saxons qui se cacheraient pour échapper à la sainte onction de l'église, ceux qui mangeraient de la viande les jours maigres seraient considérés comme rebelles et punis de mort[39] ; le retour à la vieille religion du Nord était le signe de la révolte. Toute peine serait rachetée par la pénitence ecclésiastique ; car la loi chrétienne se confond perpétuellement avec le gouvernement politique.

C'est à cette époque de conquête et de soumission des tribus saxonnes que l'on rapporte en Allemagne la création des huit évêchés de Bremen, Verden, Minden, Halberstadt, Hildesheim, Paderborn, Munster et Osnabrück[40], sièges chrétiens devenus depuis la source des sciences et de la civilisation pour l'Allemagne ; la prédication catholique fut l'origine de la domination carlovingienne en Saxe. Au parlement de Horheim, les Saxons passèrent du système de la vassalité indépendante à l'organisation par comtés et évêchés. Ils ne furent plus seulement des vassaux, mais une partie du grand tout soumis au gouvernement des comtes et des évêques. Ainsi trois époques déjà pour cette histoire de la soumission saxonne : 1° la vassalité par tribus ; 2° la déférence à la prédication chrétienne ; 3° l'organisation uniforme par comtés et évêchés, et la soumission au système administratif du roi[41].

Ce gouvernement des comtes et des évêques francs fut d'abord très odieux aux Saxons. Les comtes administraient la justice et gouvernaient a u nom de Charlemagne ; les évêques cherchaient à grandir l'influence de l'église et à soumettre les nations barbares à un joug religieux : tout cela brisait la liberté des peuplades germaniques. La présence de Charlemagne, la terreur de son nom pouvaient seules maintenir la domination des Francs ; or le roi, obligé de parcourir incessamment l'Europe, d'aller en Espagne, en Italie, des Pyrénées aux Alpes, ne pouvait toujours veiller sur les terres d'Allemagne, et les Saxons profitèrent plus d'une fois de cet éloignement du suzerain pour reprendre les armes. Les voilà donc encore soulevés ! Ils se portent en masse sur le Rhin, secouant le joug des comtes et des évêques.

Cette prise d'armes universelle jeta la plus vive inquiétude dans l'esprit de Charlemagne ; elle éclata à l'occasion de l'appel que firent les comtes francs à la fidélité des Saxons, pour repousser l'irruption des populations slaves. Witikind reparut parmi ses frères de nationalité, et leur dit : Le moment est arrivé de vous venger des hommes qui oppriment le pays. Les Saxons le suivent, ils se réunissent au pied d'une haute montagne, sur le flanc droit de l'armée de Charlemagne, que conduisaient les trois comtes principaux, Adalgise, Géilon et Wolrade ; quand les comtes parurent sur le Weser, au lieu de trouver les Saxons comme auxiliaires, ils les virent prêts à s'élancer sur eux. Le comte franc Théodoric, accouru du Rhin, résolut de commencer la guerre contre les Saxons rebelles à leur foi. La mêlée fut sanglante ; le grand Charles n'était pas là : les Saxons, pleins de haine contre les comtes, attaquèrent vigoureusement. Presque tous les chefs des Francs périrent dans cette bataille, les autres furent mis en fuite ; les Saxons entonnèrent le chant de victoire de Witikind, en refoulant les oppresseurs jusque sur le Rhin[42]. Charles accourut bientôt pour venger les humiliations de ses armes ; à ses yeux, les Saxons n'étaient plus des ennemis à combattre, mais des peuples rebelles qu'il fallait exterminer. Il vint donc tenir sa diète à Paderborn ; fit sommer les principaux d'entre les Saxons en son parlement de bataille, et il leur demanda pourquoi ils avaient commencé la guerre. Pourquoi ils s'étaient révoltés contre leurs comtes ! Tous répondirent qu'ils avaient obéi aux volontés de Witikind, et que lui seul était coupable de cette rébellion. La colère du roi ne s'apaisa pas, et il résolut de venger ses leudes morts sous la framée, les évêques des basiliques récemment élevées, martyrisés ou chassés par Witikind.

Les Saxons avaient méconnu la loi de vassalité, ils étaient donc rebelles ; on imposa un grand exemple, et comme tous les conquérants, Charlemagne n'hésita pas à verser des flots de sang pour laisser de longues traces de terreur et de soumission[43] : tous les chefs, tous les hommes les plus hardis de la nation de Saxe lui furent livrés ; Charlemagne parut au milieu d'eux, le glaive en main, promettant son regard courroucé comme un géant qui secoue sa massue sur la tête des vaincus. Il ordonna que dans son camp de Ferden, au bord de l'Aller, tous les Saxons rebelles fussent décapités ; les chroniques en portent le nombre à 4.500 ; ce fut une boucherie qui dura tout un jour. Terrible talion, car les Saxons avaient tué les comtes, les évêques, et poursuivi les Francs jusque sur leur territoire : il fallait inspirer la terreur à ces peuples, et Charlemagne dut les frapper de sa terrible épée.

Cette exécution sanglante ne calma pas l'animosité des Saxons ; d'autres tribus prirent les armes ; quand l'une était domptée, une autre accourait sur le champ de guerre : c'étaient des peuplades jalouses, indépendantes, toutes placées sur les confins de peuples ennemis naturels de Charlemagne ; les Danois, les Slaves, les Frisons, les Saxons, excités par leurs alliés, prenaient les armes au premier signal, pour faire cause commune avec les ennemis des Austrasiens ; guerre infinie de peuples et de races. Mais les armées de Charles avaient une véritable supériorité militaire, et les Saxons ne parurent jamais sur les champs de bataille que pour être vaincus ; jamais ils n'obtinrent un succès décisif contre Charlemagne ; ils le redoutaient comme un dieu, ils craignaient son glaive de fer.

Le roi, établi dans ses métairies d'Allemagne, vent en finir avec les Saxons[44]. Il fait relever la forteresse d'Eresbourg, et il tient sa cour plénière à Paderborn, entouré de ses hommes d'armes. A chaque moment il envoie ravager le pays des Saxons par de grandes troupes de Francs qui parcourent les terres au loin et s'établissent dans des camps à la manière des Romains. Ainsi la guerre se renouvelant sans cesse, Charles résolut de s'adresser à Witikind, l'Arminius de l'Allemagne, pour traiter de la paix d'homme à homme. Witikind et Albion, les deux chefs renommés parmi les Saxons, demandèrent des otages et vinrent trouver Charlemagne dans le palais de Paderborn ; ils y furent reçus avec honneur, les comtes leur firent fête et les évêques les catéchisèrent. Charlemagne proposa à Witikind le titre de duc de Saxe et les honneurs de son palais, s'il voulait embrasser le christianisme, signe d'obéissance pour les Saxons, car pour eux la religion des Francs était le joug, joug souvent odieux. Witikind accepta ; et avec lui, les principaux chefs saxons reçurent le baptême[45]. Ce fut une grande conquête et la fin pour ainsi dire de la sauvage indépendance de ces tribus.

Cette soumission fut plus qu'un événement, car el le mit un frein à la mémorable résistance des Saxons : privées du chef valeureux qui les menait à la guerre, ces peuplades n'osèrent plus que des révoltes partielles, qui toujours furent comprimées par la main ferme de Charlemagne.

Les légendes qui racontent la conversion de Witikind disent des merveilles inouïes ; car toutes les fois qu'un chef de guerre embrassait la loi du Christ, il y avait une légende d'or- qui s'attachait à lui. Witikind ne pouvait se convertir que par un miracle ; quand il vint à la cour plénière d'Attigny, il fut frappé de la splendeur de toutes ces tentes du roi franc, de la magnificence des autels et des grandeurs du christianisme : Au milieu des saints mystères célébrés en sa présence, ce qui le frappa le plus vivement, dit le légendaire, c'est qu'il aperçut sur l'hostie la figure du Christ, toute radieuse de gloire, telle qu'elle était peinte sur les images. Quel ne fut pas son pieux étonnement et son saint enthousiasme ! Il fallait aux yeux de ces barbares relever incessamment les deux mystères chrétiens, le baptême et la messe : le baptême, parce qu'il était le symbole de la régénération dans une vie civilisée ; la messe, parce qu'elle représentait le sacrifice de Jésus sur la croix, comme l'abolition de tous les sacrifices de victimes bu-mines aux divinités implacables de la Germanie.

La conversion fut dès ce moment rapide ; Witikind s'agenouilla devant le vrai Dieu, et il reçut le baptême de la main des évêques[46]. Désormais, vassal fidèle de Charlemagne, il ne prit plus les armes et se retira dans un monastère. Presque toutes les grandes lignées d'Allemagne voulurent être sorties de cette souche ; si l'on ne pouvait se dire de la race de Charlemagne, on se glorifiait d'avoir pour ancêtre Witikind[47] : quand il y a un homme fort, chacun le revendique comme un ancêtre ; on aime à le voir briller sur les imagés avec sa barbe vénérable, son front haut, ses yeux de feu. La race qui eut le plus de droits de se dire issue de Witikind fut celle des Capet ; les chroniques rapportent que Robert le Fort, le vigoureux comte de Paris, était l'arrière-petit-fils du glorieux Saxon[48]. Entre ces hommes de batailles, il y avait toujours comme une chaîne mystérieuse qui les liait les uns aux autres, de gloire en gloire, de force en force, et c'était une belle souche que celle des Witikind. Le héros saxon, devenu très pieux, fut honoré comme un saint ; on le plaça dans les antiennes, chants d'honneur, panthéon du moyen âge : à son exemple, les Saxons convertis se jetaient avec sincérité dans le christianisme. La renommée de Witikind et la grandeur de l'expédition de Saxe devaient naturellement fournir une vaste épopée aux chansons de gestes. Sous le titre de la chanson de Guiteclin de Sassoigne, un trouvère du nom de Jehan Bodel, né à Arras, dans le commencement du XIIIe siècle, a publié un poème tout entier sur Guiteclin et les Saxons[49] ; il se ressent de l'époque féodale ; la plus vive, la plus colorée de cette période de confusion où les barons hautains dominaient les rois. Voici l'esprit de cette chanson de gestes : Les Saxons menacent l'empire des Francs, il faut donc des secours, des aides, des moyens militaires, et Charlemagne demande quatre deniers à ses barons hurepés[50] d'Anjou, de Bretagne et de Neustrie ; ce tribut, les Écossais, les Anglais, les Allemands, les Bavarois le payaient ; eh bien, les barons hurepés de Charlemagne s'y refusent ; on veut les avilir : que deviendraient leurs franchises si on les soumettait à un tribut ? Que font donc ces féodaux superbes ? Ils prennent la résolution de renfermer quatre deniers dans le pennon de chaque lance ; ils se présentent ainsi à la face de Charlemagne, dans la cour plénière d'Aix-la-Chapelle, et lui disent : Empereur, viens prendre toi-même le treuage si tu l'oses. Ici le poète se complaît à abaisser Charlemagne. Quand il apprend que ses barons accourent, il vient au devant d'eux, pieds nus, sans sa couronne au front ; il renonce à leur demander le treuage, à ne jamais requérir tribut d'eux. Voici donc la liberté féodale dans toute son empreinte. Le baron doit son corps, niais de l'argent jamais ; la paye de denier n'est un devoir que pour le vilain et l'homme de poeste[51].

D'Aix-la-Chapelle, Charlemagne et ses barons se mettent en marelle pour la guerre de Saxe : ici, mille descriptions de combats ; les lances se croisent, les pennons se mêlent ; le duc Guiteclin est tué dans la bataille. Là se mêlent les amours de Bérard et d'Hélisandre, de Baudouin et de la reine Sebile[52] ; les croisades ont tellement frappé les imaginations, qu'on voit partout le souvenir du royaume de Jérusalem. Mais Guiteclin a des frères, ils se lèvent pour venger la mort de leur aîné, et brisent Bérard et Baudouin ; nul ne résiste à leurs coups, et alors se manifeste encore dans le souvenir du poète la mémoire de l'invasion des Normands et des Hongres au Xe siècle : la confusion est la même ; seulement, le nom de Witikind est partout célèbre[53] ; la guerre des Saxons est la grande épreuve du règne de Charlemagne ; on dut la chanter comme Roncevaux, comme tout ce qui rappelait les hauts faits militaires.

Le système que suivit Charlemagne dans la troisième période de ses guerres de Saxe fut plus efficace que les premières mesures de vassalité ; comme les populations des races nomades ne tiennent pas au sol, il fit transporter les principales familles saxonnes dans l'intérieur de la France, et ce pays fut donné à d'autres peuples — les Obotrites — plus fidèles, plus soumis à Charlemagne. Les familles saxonnes les plus rebelles, les plus actives, transportées en France, reçurent les terres du fisc comme partage, ou bien furent jetées dans les monastères et condamnées aux solitudes du désert. Sous Louis le Débonnaire, on retrouve de ces familles dans les abbayes ; d'ardents religieux, des saints même sont d'origine saxonne[54]. On y retrouve des chroniqueurs et des poêles qui s'occupent à écrire les annales du pays.

Si la guerre des Saxons fut la plus cruelle, la plus sanglante, elle témoigne du moins de la grandeur et de la fermeté de Charlemagne, de l'énergie et de l'habileté qu'il y déploya ; mais c'était une œuvre de conquête qui devait amener plus tard sa réaction. Charlemagne avait refoulé les peuplades dans le Nord, dans le Danemark, dans le Jutland ; et par qui fut renversé son empire ? Par ces mêmes populations qui, à leur tour, vinrent attaquer les Francs. L'histoire du monde, c'est l'action et la réaction. Les conquérants refoulent les nationalités, et celles-ci reviennent énergiques, et brisent le trône et l'épée de ces hommes qui ont rêvé la domination du monde !

 

 

 



[1] Carloman avait commencé la guerre contre les Saxons en 743 ; Pépin se joignit à lui l'an 744 ; et depuis cette époque, la guerre fut continue ; voici les années des principales expéditions de Pépin : 745, 748, 752, 757 ; quoique toujours vainqueur, il ne put les soumettre. La première expédition de Charlemagne contre les Saxons est de 772.

[2] J'ai parcouru avec une grande attention l'œuvre de De moribus Germanorum, les Saxons me paraissent évidemment compris dans les généralités du grand historien.

[3] Épître 91, saint Jérôme dit : Alemanni, Saxoni, etc.

[4] Honorius : Notitia dignitatum imperii.

[5] Comes littoris Saxonici. Une partie du littoral de la Gaule est nommée Littus Saxonicum.

[6] Dans les expéditions de Bélisaire, on voit en Afrique une ala Saxonum (détachement de Saxons).

[7] Ainsi, sous le règne de Pépin, le nom de Saxon était très répandit déjà même dans les Gaules.

[8] Ce pays, que Jornandès, dans son énergique expression, appelle Pagina generis humani.

[9] L'invasion des Hongrois au Xe siècle fut plus terrible que toutes les autres ; elle a laissé des traces sanglantes dans les chroniques. Voyez mon Hugues Capet, t. Ier.

[10] Vitikind se refugiait incessamment dans le Jutland.

[11] L'Allemagne a retenti de mille dissertations sur le caractère et la nature du dieu Irminsul : tout a été conjectures, car les documents positifs manquent : on le voit écrit Hormensule, Adurmensule, Hermesuel.

[12] La chronique écrivait Heresburgium.

[13] L'Agnus Dei a le sens le plus haut, le plus profond ; c'est le sacré cœur de Jésus qui saigne avec les misères et les gémissements de la vie, c'est l'oblation mystique opposée à l'oblation du sang de païens et des barbares.

[14] Lorsqu'on étudie les vieilles chroniques, on trouve toujours la même phrase sur les invasions vagabondes des Saxons : Les Saisnes yssirent de leur terre à grant ost, et entrèrent ès marches de France. (Chronique de Saint-Denis.) Il ne faut pas même en excepter la chronique en vers qui porte le nom de Poète saxon ; sauf quelques détails, le chroniqueur développe peu les incidences de son œuvre.

[15] J'ai vivement déploré que les recherches de l'école allemande ne se soient point portées vers l'étude des grandes causes qui ont assuré la supériorité de Charlemagne sur les Saxons. Lisez au reste les savantes notes de Pertz dans son 2e vol., surtout Monumenta Germaniœ. La vérité est qu'il n'existe pas de monuments positifs et que tout se borne souvent à des conjectures.

[16] Il portait le nom de Grégoire.

[17] Voyez Huchaldus : In vita Lebwini. (Boll., 12 nov.) C'est un curieux récit pour l'histoire des Saxons.

[18] Je dois remarquer que Hucbald écrivait sa légende sous Louis le Débonnaire, et que ses prédictions n'ont été peut-être que de l'histoire accomplie ; voyez les notes de D. Bouquet.

[19] Le roy assembla parlement de ses barons en la cité de Garmacie, pour ce qu'il vouloit ostoier en Sassoigne. (Chronique de Saint-Denis, ad ann. 771.)

[20] Je ne sache rien de plus précis que ce passage du poète saxon sur lée mœurs et les habitudes de ses vieux compatriotes. Il y a une certaine imitation De moribus Germanorum de Tacite.

[21] C'est aujourd'hui Stadberg entre Cassel et Paderborn.

[22] Irminsul ou Hermann-Saule (colonne de Hermann ou Arminius). Ce passage, comme on le sent, a donné lieu à une multitude de dissertations en France et en Allemagne. Le voyageur qui s'arrête à Hildesheim a dû lire dans le rituel, comme je l'ai fait moi-même, l'antienne chantée le dimanche à Lœtare en la mémoire de la destruction de l'idole Irminsul ; la traduction veut que la grande colonne ait été donnée à l'église par ordre de Louis le Débonnaire.

[23] Une médaille antique a consacré cet événement, le travail en est grossier ; mais on aperçoit assez distinctement un torrent en face d'un trophée : Saxonibus ad torrentem devictis.

[24] Poète saxon, D. Bouquet, Galliœ hist., t. V.

[25] La Chronique de Saint-Denis indique ce fait, entièrement d'accord avec le poète saxon : En un lieu approchièrent qui avoit nom Frisdilar : là estoit une chapelle que saint Boniface le martyr avoit fondée, et avoit dit au dedier ainsi comme par prophétie qu'elle ne seroit jà arse. Aussi la Chronique de Saint-Denis raconte-t-elle un grand miracle : Deux jouvenciaus en robe blanche apparurent en l'air pour défendre la chapelle du feu que les paiens alumoient. Frisdilar est le moderne Fritzlar, près des ruines de la vieille Burabourg.

[26] Poet. Saxon., lib. II.

[27] Cette géographie de la guerre de Saxe a été naturellement un peu corrompue ; cependant, lorsqu'on parcourt la Westphalie on y trouve partout des traces visibles : Bruneber est Brunsberg, sur le Weser ; l'Oacre est l'Ocker. La plupart des expéditions de Charlemagne se faisaient par Francfort, qui n'était alors qu'une grande ferme royale sur le Mein. Francfort vient de Francone-furr (passage des Francs), Francorum dixisse vadum, comme le dit un ancien poète en souvenir du passage de Charlemagne.

[28] Poète saxon, dom Bouquet, t. V.

[29] L'origine et la destinée de Witikind a exercé, comme on le sait, l'érudition de l'Allemagne. Sagittarius a publié en 1679 une dissertation sur les tombeaux des Witikind. On peut consulter aussi Witenkendi Annales ; le plus remarquable travail est celui de Boecler, intitulé le Grand Witikind, 1713, in-8°.

[30] Voyez sur Arminius le savant article de M. Stapfer (Biographie universelle) ; sa victoire sur les légions de Varus est rappelée par mille souvenirs en Allemagne ; ici Wintfeld ou Champ de la victoire ; là, Rodenbecke ou Ruisseau du sang ; Knochenbach ou Ruisseau des os ; Feldrom, le champ des Romains ; Herminsberg, mont d'Arminius.

[31] Voici le récit de la Chronique de Saint-Denis : Là, vint au devant Helsis, un des princes de Sassoigne ; avec luy amena tous les Ostfalois et se rendit au roy luy et toute sa gent. (Ad ann. 775.)

[32] Serement et ostages luy donnèrent à sa volonté ainsi comme avoient fait les Ostfalois. (Chronique de Saint-Denis, ad ann. 775.)

[33] Merci lui crièrent et promistrent de recevoir le saint baptesme et la foy crestienne. (Chronique de Saint-Denis, ad ann. 776.)

[34] Tout écolier j'avais fait un mémoire sur ces invasions des Normands, qui eut le 1er accessit à l'Institut.

[35] Une médaille fut encore frappée pour rappeler le souvenir des Saxons convertis : Saxonibus sacro lavacro regeneratis, 777.

[36] Je donnerai dans le second volume les capitulaires d'organisation pour la Saxe, curieux monument de cette époque.

[37] Poet saxonib., ad ann. 779.

[38] Ce capitulaire a été inséré dans le t. II, Concil. Gall., dans Baluze et Pertz.

[39] Voyez l'art. 19, modifié et adouci par l'art. 14.

[40] Toutes ces cathédrales sont restées debout, mais la réforme leur a enlevé leur empreinte historique et nationale.

[41] On ne saurait trop consulter sur les traditions allemandes relatives à la Saxe le vieil ouvrage d'Albert Krantz, sous le titre : Metropolis sive historia ecclesiastica Saxonæ ; il y a mille légendes curieuses. Krantz écrivait à la fin du XVe siècle.

[42] La triste défaite de Germanie fut presque le Roncevaux du Nord. Deux des messages du roi, Adalgise et Gille, quatre des contes et vingt autres des plus nobles furent occis, sans le nombre des autres gens qui suivis les avoient. (Chronique de Saint-Denis, ad ann. 782).

[43] Toutes les chroniques ont parlé sans indignation de ces massacres des Saxons ; ils étaient dans les mœurs du temps ; la Chronique de Saint-Denis n'a pas un seul mot de blâme : Charles, tous les plus grands hommes de la terre manda, et enquist par quel conseil ce dommage lui avoit esté fait, et par qui ils s'étoient contre luy tournés. Ils s'écrièrent tous qu'ils avoient ce fait par Guiteclin. Mais ils ne luy povoient livrer pour ce qu'il s'enfuyt aux Normans ; mais ils luy livrèrent jusques à quatre mil et cinq cens de ceulx qui par luy avoient esté principal en ceste félonie, et le roy les fit mener en une cane qui a nom Alarain (l'Aller), en un lieu qui a nom Ferdi, là leur fist à tous les chiefs couper. (Chronique de Saint-Denis, ad ann. 782.)

[44] Il passa tout un hiver en Saxe, et particulièrement en sa cour plénière de Paderborn : Tout cet yver ostoia parmy la terre, une heure çà et l'autre là. (Chronique de Saint-Denis, ad ann. 785.)

[45] Annal. Metens, ad ann. 786. Dans une lettre de Charlemagne à Offa, son ami, roi des Merciens, il lui annonce cette conversion de Witikind et d'Albion, les principaux chefs des Saxons ; Offa s'intéresse vivement à ces peuples, qui lui sont si intimement unis par l'origine. L'orthographe des noms est latinisé Witimondus et Albionus (Dom Bouquet, tome V).

[46] Voyez sur cette légende Krantz : Metropol. saxonib. On trouve dans le Cod. Carol. une lettre de Charlemagne au pape Adrien, dans laquelle il le consulte sur la manière d'administrer le baptême aux Saxons. Epist. 80.

[47] Voir le livre très érudit de Sagittarius : de Tumul. famil. Witikind. Le caustique Pasquier dit : La postérité de Witikind commença de s'établir en France et fut destinée pour la fin et clôture de celle de Charlemagne. Sur les familles qui tirent leur origine de Witikind, on peut consulter la Bibliothèque politique d'El. Reusner.

[48] Voyez cette généalogie dans mon Hugues Capet, t. Ier.

[49] La chanson de gestes de Guiteclin de Sassoigne existe dans plusieurs manuscrits ; le meilleur texte en appartenait à M. Lacabane ; elle a été récemment publiée, et se trouve maintenant en Angleterre. Il y a deux copies à Paris, Bibliothèque royale et Bibliothèque de l'Arsenal.

[50] Hurepés doit s'entendre des hauts féodaux ; je ne pense pas, comme M. Pâris, que cela puisse remonter jusqu'à la Gallia comata.

[51] Potestas ; l'homme sous la puissance d'autrui.

[52] La chanson est divisée en trois parties.

[53] Le poète avoue qu'on chantait Witikind avant même son poème :

Cil bastart jugleor qui vont par ces viliaus

A ces grands vielles en depeciés forriaux

Chantent de Guiteclin . . . . . . . . . . .

Mais cil qui plus en scet ses dires n'est pas biaus

Que il ne savent mie les riches vers nouviaux

Né la chanson rimée que fisi Jehans Bodiaus.

[54] Ils formèrent comme des colonies monacales, dont on retrouve trace dans la lecture des Bollandistes aux IXe et Xe siècles.