HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

LIVRE QUINZIÈME

 

CHAPITRE V. — LES ÉMIGRÉS À QUIBERON

 

 

L'expédition de Quiberon met à la voile. — En quoi elle consistait. — Cri des Thermidoriens : Haine aux Anglais ! — Rencontre navale du 29 prairial. — Combat naval du 5 messidor. — Deux généraux en chef ; mésintelligence entre Puisaye et d'Hervilly. — Débarquement des émigrés à Quiberon. — Accueil fait aux émigrés par les Chouans. — Lettre de Puisaye à Pitt. — Les Chouans sur la plage. — Mécontentement de d'Hervilly. — Jugement porté par Puisaye sur les émigrés à la solde de l'Angleterre. — D'Hervilly peint par Puisaye. — Divisions intestines. — Impression produite à Paris par la nouvelle du débarquement ; calme attitude de Hoche. — Frayeur des agents de Paris. — Le comte d'Entraigues. — Brochures menaçantes des royalistes ; cri de ralliement des républicains. — Proclamation de Puisaye corrigée par Pitt. — Secours demandés par Puisaye à M. Windham. — Contraste entre les émigrés et les soldats républicains. — Plaintes, des émigrés à la solde de l'Angleterre. — Dispositions militaires prises par les royalistes. — Plan de Puisaye ; opposition de d'Hervilly. — Le ministère anglais appelé à décider entre les deux rivaux. — Les royalistes s'emparent de la presqu'île de Quiberon. — Le pavillon du roi d'Angleterre sur le fort Penthièvre. — Les émigrés et les Chouans se disputent les vivres. — Nouveaux secours demandés. — Défaite de Tinténiac et de Dubois-Berthelot ; succès partiel de Vauban. — Vauban désobéit aux ordres de d'Hervilly. — Retraite en bon ordre effectuée par les soldats de Vauban et de Georges Cadoudal. — Scène de confusion sous les forts. — Mot terrible de Vauban à d'Hervilly. — Les émigrés enfermés dans Quiberon. — Humanité et fermeté de Hoche. — Dispute parmi les royalistes sur la solde et sur la ration. — Les Chouans renvoyés de Quiberon. — Jean-Jean et Lantivy envoyés du côté de Quimper, et Tinténiac en Bretagne. — Arrivée d'un convoi aux ordres du comte de Sombreuil. — Les troupes soldées, mises par le ministère anglais sous le commandement de Puisaye. — D'Hervilly soupçonné de trahison par Puisaye. — Récit imprimé de Puisaye opposé à son récit manuscrit. — Bataille du 16 juillet ; défaite des royalistes. — D'Hervilly blessé mortellement. — Un frère de Charlotte Corday parmi les royalistes. — Perte des royalistes dans la bataille du 16 juillet. — Ordre relatif au dépouillement des morts. — Sort de l'expédition de Tinténiac. — Sort de l'expédition de Jean-Jean et Lantivy. — Machiavélisme des agents de Paris. — Comment le gouvernement anglais répond aux demandes de Puisaye. — Républicains parmi les débarqués. — Conversation du marquis de Contades et du général Humbert. — Activité de Hoche. — Le fort Penthièvre. — Renseignements fournis à Hoche par des déserteurs. — Tallien dans le camp de Hoche. — Nuit du 20 au 21 juillet. — Le fort Penthièvre surpris par les républicains. — Retraite des émigrés qui ont survécu ; paysans en fuite ; effroyable confusion. — Puisaye se rembarque. — Sombreuil forcé de se rendre. — Documents nouveaux. — Actes de désespoir. — Y eut-il capitulation ? — Émigrés et paysans se jettent à l'eau. — Les embarcations anglaises retenues par l'agitation de la mer. — Scènes affreuses. — Étendue de la catastrophe. — Générosité des soldats républicains. — Aspect de Quiberon après la victoire des républicains. — Les prisonniers envoyés à Auray. — Commissions militaires. — Tallien et ses scènes à poignard. — Les habitants d'Auray et les prisonniers. — Hoche fait offrir à Sombreuil les moyens de fuir ; refus de Sombreuil. — Exécutions à Vannes. Mort de Sombreuil et de l'évêque de Dol. — Lettre de Sombreuil à Hoche. — Lettre de Sombreuil contre Puisaye. — Représailles de Charette.

 

Pendant ce temps, l'Angleterre se tenait prête à seconder l'invasion de la France par les royalistes en armes.

Le soir du 6 juin, raconte Puisaye, j'allai avec M. Windham à l'amirauté, où M. Nepeau me remit un paquet cacheté qu'on me dit contenir les dernières instructions du gouvernement et que je ne devais ouvrir qu'en pleine mer[1].

 

Les préparatifs terminés, le jour venu, l'expédition mit à la voile. Elle se composait de cinquante bâtiments de transport, protégés par une escadre anglaise de neuf vaisseaux : le Robuste, le Tonnant, l'Étendard, la Pomone, l'Anson, l'Artois, l'Aréthuse, la Concorde, la Galatée[2].

Sur cette escadre, aux ordres de sir John Borlase Warren, on embarqua le régiment d'Hervilly, celui de du Dresnay, celui d'Hector ou de la Marine, le régiment connu sous le nom de Royal-Émigrant, et un corps d'artillerie sous le commandement de Rotalier, le tout s'élevant à environ trois mille hommes, — plus une brigade de dix-huit ingénieurs, un petit nombre de gentilshommes officiers, l'évêque de Dol et cinquante prêtres[3].

Puisaye, qui fut bien réellement l'homme de Pitt dans les rapports de ce ministre avec les royalistes, et qui est intéressé à vanter la bonne foi du gouvernement anglais, pour échapper à l'accusation d'avoir été dupe ou traître, assure dans un endroit de ses Mémoires qu'on embarqua des vivres pour une armée de six mille hommes pendant trois mois, et une quantité considérable d'uniformes, de fusils, de baïonnettes, de cartouches, de selles, sabres, pistolets, bottes, souliers, etc.[4]. Et lui-même, dans un autre endroit du même livre, il écrit : A mesure que le débarquement des effets s'avançait, on s'aperçut qu'il nous manquait beaucoup d'objets nécessaires à une guerre régulière, et même une partie de ceux qui étaient portés sur les états remis par le gouvernement à sir John Warren ![5]

Quant aux fonds mis à la disposition des royalistes par le gouvernement anglais, ils ne consistaient que dans une misérable somme de dix mille louis, à laquelle Puisaye avait ajouté une ample quantité de Bons à l'effigie de Louis XVIII, remboursables au trésor royal, et faits sur un papier de couleur transparente, dans la confection duquel on avait introduit des signes secrets de reconnaissance[6].

Ainsi, ce fut sur la foi d'états menteurs, et avec un trésor dû à l'art des faussaires, que les émigrés, au nombre de trois mille, partirent, en compagnie des Anglais, pour la conquête de leur pays !

Le moment étant venu où Puisaye était autorisé à prendre connaissance du paquet reçu par lui au départ, il l'ouvrit et y lut qu'il aurait le commandement des troupes, aussitôt après leur débarquement sur les côtes de Bretagne[7]. Il va trouver d'Hervilly et lui communique le contenu du paquet. J'ai aussi mes instructions, répond ce dernier froidement. — Mais elles ne peuvent être que pour le cas où vous ne débarqueriez pas en Bretagne ?Elles sont pour tous les cas, car aucun n'y est spécifié. Et d'Hervilly produisit la commission qui lui donnait, sans mentionner aucune restriction, le commandement des troupes à la solde de l'Angleterre[8].

Il y avait donc deux chefs suprêmes. Lequel des deux était le véritable ? Qui commanderait ? A qui allait-on obéir ?

Nul doute que l'ambiguïté des ordres du gouvernement britannique ne fût de nature à tout perdre, en donnant naissance à de funestes rivalités : cette ambiguïté cachait-elle quelque noir dessein ?

Un autre fait bien étrange, c'est que Puisaye seul avait été mis dans le secret de la direction que le convoi devait prendre. Seul, parmi les émigrés, si l'on en excepte d'Allègre, Tinténiac et Dubois-Berthelot, il savait qu'on allait droit en Bretagne[9]. D'Hervilly, quoique chargé du commandement des troupes pendant la traversée, croyait qu'on allait en Vendée. On devine combien la préférence donnée à Puisaye sur lui à cet égard dut, quand il en fut instruit, entrer avant dans son cœur !

D'un autre côté, si l'intention du gouvernement anglais était réellement de servir la cause des Bourbons, de les replacer sur le trône, d'où vient qu'au lieu de débarquer sur les côtes de France une poignée d'émigrés, ivres d'espérances folles, il ne prépara pas une expédition imposante, conduite par un prince de la Maison qui était à la poursuite de la couronne, et appuyée par une armée anglaise ?

Tout cela frappa les esprits soupçonneux. Parlant de cette descente des royalistes depuis longtemps annoncée, le Bonhomme Richard, journal qui représentait, dans la presse de Paris, l'alliance des Thermidoriens avec l'ancienne Gironde, publia l'article suivant, expression fidèle des sentiments de la Convention :

Ne croyez pas que l'Angleterre veuille replacer le roi sur le trône : elle hait les Bourbons. Ce qu'elle veut, c'est nous voir déchirer les uns les autres. ; elle veut s'agrandir par nos discordes. Non, ce n'est point pour venger Louis XVI qu'elle a pris les armes. C'était bien à elle, qui avait laissé Cromwell monter sur le trône de Charles Ier, jugé par le parlement d'alors, de reprocher aux Français la chute d'un roi qu'ils avaient voulu rendre plus puissant que jamais, puisqu'il n'aurait eu à redouter, ni la rivalité de la noblesse, ni l'orgueil dominateur du clergé, s'il eût été de bonne foi roi constitutionnel ! Non, ce n'est point Louis XVI que l'Angleterre a voulu venger[10].

 

Telle était aussi, on l'a vu, l'opinion sourdement mais activement propagée par les agents de Paris.

Mais ce qu'il y a de remarquable, c'est qu'il n'était pas un pays en Europe, pas même l'Angleterre, où l'on ne dénonçât, à propos des secours, à la fois trop et trop peu effectifs, fournis aux royalistes, ce qu'on appelait le machiavélisme de Pitt. On lit dans l'Annual Register :

Beaucoup pensèrent que le plan du ministère anglais était, non de mettre au service de Louis XVIII une expédition de quelque importance, mais de porter sur un point de la France la ruine et la mort : conviction qui rendit le ministère anglais odieux, non-seulement à un grand nombre de royalistes, mais aux autres partis en France, et à beaucoup d'amis de l'humanité partout[11].

 

L'Histoire se doit d'enregistrer jusqu'aux impressions des temps écoulés ; mais elle se doit aussi de ne pas accepter à la légère des jugements prononcés, au plus fort de luttes sans exemple, loin, bien loin des régions sereines qu'elle habite.

En tout cas, ce qui fut imputé au gouvernement de Pitt ne pouvait en aucune façon être imputable à la patrie de Fox, de Stanhope et de Priestley.

Avant que l'escadre de sir John Warren fût arrivée à sa destination, on jugea nécessaire d'en détacher deux frégates, chargées de porter à Charette des armes, des munitions, de l'argent[12]. En même temps, sur dix pièces de campagne, deux étaient envoyées au général vendéen[13]. Non-seulement le signal des frégates n'obtint pas de réponse, mais il fut impossible de mettre un homme à terre. Charette avait reçu l'ordre, au nom du roi de France — selon le titre que se donnait le prétendant — de ne pas reprendre les armes avant que l'expédition, repoussée des côtes de la Bretagne, se portât sur celles de la Vendée[14]. Tant le parti royaliste était ardent à se déchirer de ses propres mains les entrailles !

Le gouvernement conventionnel avait été informé à point nommé du projet du Cabinet britannique, l'indiscrétion et la jactance des agents de Paris étant, pour le Comité de salut public, une source de renseignements plus que suffisante[15]. Dix jours avant le débarquement de Quiberon, Boudin, député de l'Indre, se trouvant à dîner avec Rivery (de la Somme), dit : Nous savons que les émigrés vont mettre en mer et aborder sur la côte de Bretagne. Je plains ces malheureux, ils nous sont livrés d'avance[16].

En attendant, le parti qui, alors, dominait la Convention, ne négligeait rien pour enflammer, contre l'Angleterre, les haines nationales. Par un de ses organes, le Bonhomme Richard, il criait de manière à être entendu de tous :

C'est l'Angleterre qui a fait naître le cancer rongeur de la Vendée et le nourrit. Ces misérables brigands s'intitulent l'Armée catholique, et l'Anglais qui les soutient abhorre les papistes !

C'est l'Angleterre qui, d'accord avec d'Orléans, souffla dans son âme vile le désir d'être roi, pour n'avoir pas elle-même à payer les révoltes dont elle avait besoin.

C'est l'Angleterre qui a fait incarcérer les soixante-treize et massacrer les vingt-deux, parce qu'elle craignait la foudre de leur éloquence et le flambeau de leurs lumières.

C'est elle qui s'est réjouie des fusillades à Lyon, rivale de ses manufactures.

C'est elle qui se fit livrer Toulon et qui voudrait y voir son commerce consolidé sur les ruines de Carcassonne, Lodève, Nîmes et Avignon.

C'est elle qui paraît avoir dicté le traité que nous avons fait avec la Toscane, pour se ménager le droit d'aller déposer à Livourne, devenu port neutre, toutes les marchandises qui garnissent les comptoirs d'Italie.

C'est elle qui a fait révolter les Corses, pour avoir dans la Méditerranée un point d'appui d'où elle pût porter le feu de la discorde dans nos ports de Provence et tarir notre commerce du Levant.

Oui, la même main qui a mis le feu à Copenhague, payé une vaste conspiration en Suède, fomenté l'insurrection qui vient d'éclater à Berlin, est celle qui tient la torche qui consumera le reste de nos trésors, si l'on n'y apporte un prompt remède[17].

 

Et le journal girondin donnait pour conclusion à ces déclamations furieuses, cette adjuration, plus furieuse encore :

Femmes, vieillards, citoyens de tous les rangs, de tous les âges, de tous les sexes, criez tous d'un commun accord : Guerre à l'Angleterre ! guerre à mort ! Qu'au berceau, vos enfants balbutient : Guerre à l'Angleterre ! Que, lorsque vous vous rencontrerez l'un l'autre dans les rues ou que vous vous visiterez l'un l'autre, votre bonjour et vos adieux soient : Guerre à l'Angleterre ! Que ce soit l'hymne unique de tous les amis de l'humanité ! Que le mourant expire satisfait, s'il peut encore prononcer ces mots : Guerre à l'Angleterre[18].

 

Cependant, puisqu'on savait qu'une escadre portant les émigrés menaçait nos côtes, la question était de prévenir le débarquement en faisant face sur mer à l'ennemi.

Dès le 21 prairial (9 juin)[19], Villaret-Joyeuse était sorti du port de Brest, pour aller dégager le contre-amiral Vence, qu'on croyait bloqué, à Belle-Isle, par le vice-amiral anglais Cornwallis. C'était une erreur. Vence se trouvait avoir quitté sans encombre le mouillage de Belle-Isle, et retournait à Brest, lorsque Villaret-Joyeuse le rencontra à quelques lieues de l'île Groix[20]. Les deux flottes réunies formaient un ensemble de douze vaisseaux de ligne et onze frégates[21].

Le 29 prairial (17 juin), au point du jour, l'escadre anglaise que commandait lord Cornwallis est aperçue. Elle ne se composait que de cinq vaisseaux de ligne et de deux frégates. L'amiral français se mit aussitôt en devoir de lui donner la chasse. On s'en était déjà beaucoup rapproché, quand Villaret-Joyeuse et le représentant Topsent quittèrent le vaisseau le Peuple, et montèrent une frégate, pour diriger les forces de l'avant-garde[22]. La variété dans les vents ayant été très-favorable, les vaisseaux français le Zélé et les Droits de l'homme furent, dès quatre heures du matin, en position de combattre, et, à neuf heures, le Zélé ouvrit son feu sur le Mars, qui formait l'extrême arrière-garde de l'ennemi, et qui était en même temps assailli avec beaucoup de hardiesse et de vigueur par la Virginie, simple frégate que commandait Bergeret, un de nos plus intrépides capitaines. Tout à coup, au grand étonnement de l'armée[23], le Zélé cesse le feu et abandonne le combat, quoique rien n'annonçât qu'il eût subi des avaries majeures, et qu'il n'eût encore eu personne de tué à son bord[24]. Il est, à l'instant même, remplacé par le Tigre, capitaine Jacques Bedout ; et le Mars allait succomber, lorsque l'amiral anglais envoya à son secours, en compagnie du Triomphe, le Royal-Souverain, vaisseau à trois ponts, qui, lâchant sa puissante bordée, sauva le navire en péril. Le feu continua partiellement, jusqu'à six heures du soir, après quoi la chasse fut abandonnée.

Quels motifs poussèrent l'amiral français à laisser ainsi échapper une proie que la fortune lui mettait sous la main ? Les explications diffèrent.

L'historien de la marine anglaise, William James, prétend que Villaret-Joyeuse se laissa prendre à une ruse de guerre ; que des signaux menteurs, habilement employés, lui firent craindre l'approche d'une force ennemie prête à se joindre à celle qui était engagée : crainte que, par un pur effet du hasard, aurait confirmée l'apparition de quelques petits vaisseaux dans le lointain[25].

Selon les rapports français au contraire, le mal serait venu de l'insubordination de quelques équipages et de la désobéissance aux signaux[26].

Ce qui est certain, c'est que nulle part le royalisme ne trouvait plus d'appui que dans les rangs de la marine ; au point que parmi ces émigrés que la flotte française avait à repousser de nos côtes, près de sept cents appartenaient à l'armée navale, et avaient été les compagnons d'armes de ceux qu'on chargeait maintenant de les combattre. Des deux côtés, il y avait beaucoup de nobles. Villaret-Joyeuse lui-même appartenait à l'ordre de la noblesse ; son frère, le marquis de Villaret, servait dans l'armée de Condé[27], et, lui, comme Puisaye le fait observer, était loin d'être républicain[28]. Seulement, on le savait homme d'honneur, et aucun soupçon de trahison ne pouvait l'atteindre. Mais qu'il eût été mal secondé par quelques-uns des marins qui servaient sous lui, et cela de parti pris, c'est ce que l'événement semblait prouver, et ce que la suite tendit à prouver bien mieux encore !

L'escadre française avait repris sa route. Au moment où elle allait entrer dans la baie d'Audierne, un coup de vent de nord-est, tel qu'on n'en avait pas essuyé de semblable de tout l'hiver, l'éloigna des côtes d'environ vingt lieues. Elle s'en rapprochait, quand elle rencontre le convoi que sir John Warren escortait. Encore une faveur de la fortune ! Car la supériorité des forces était du côté de la flotte républicaine. Y eut-il méprise dans l'estimation qui fut faite du nombre des vaisseaux de ligne dont le commodore pouvait disposer ? Toujours est-il que, suivant l'expression de William James, Villaret-Joyeuse perdit une belle occasion de rendre un grand service à son pays[29], en laissant à sir John Warren le temps de l'éviter et d'envoyer un lougre à la recherche de lord Bridport, qui avait fait voile de Spithead avec quatorze vaisseaux de ligne et cinq frégates, et tenait le large pour s'opposer, au besoin, à la flotte de Brest[30]. Lord Bridport arriva.

La grande escadre qui était sous son commandement comprenait deux vaisseaux de ligne de cent canons, le Royal-George et la Reine-Charlotte ; six vaisseaux de quatre-vingt-dix-huit, la Reine, le Londres, le Prince de Galles, le Prince, le Barfleur, et le Prince George ; un vaisseau de quatre-vingts, le Sans-pareil ; cinq vaisseaux de soixante-quatorze, le Vaillant, l'Orion, l'Irrésistible, le Russel, le Colosse, et enfin cinq frégates[31].

En outre, lord Bridport, croyant les forces qu'il avait en tête plus considérables qu'elles n'étaient, envoya demander à sir John Warren, dont l'escadre se trouvait maintenant séparée par la sienne de celle de l'amiral français, de lui envoyer trois vaisseaux de ligne, le Robuste, le Tonnant et l'Étendard[32].

Villaret-Joyeuse avait sous ses ordres, outre quinze frégates, les vaisseaux dont voici la liste : le Peuple, de cent vingt canons ; et l'Alexandre, les Droits de l'homme, le Formidable, le Fougueux, le Jean-Bart, le Mucius, le Nestor, le Redoutable, le Tigre, le Wattignies, le Zélé, tous de soixante-quatorze canons seulement[33].

Ainsi, sans compter les trois vaisseaux demandés par lui à sir John Warren et qui s'efforçaient de le joindre, lord Bridport avait à opposer à douze vaisseaux français, dont un seul à trois ponts, quatorze vaisseaux, dont huit à trois ponts : disproportion considérable, et qui, de l'aveu même de l'historien anglais, autorisait Villaret-Joyeuse à décliner le combat[34].

L'Alexandre qui, ayant été fort endommagé par le coup de vent, était remorqué par une frégate et ne pouvait marcher aussi vite que le reste de l'escadre, fut cause que Villaret-Joyeuse ne put effectuer sa retraite et que le combat s'engagea[35].

A six heures du matin, le 5 messidor (23 juin), l'Irrésistible ouvrit son feu sur l'Alexandre, que, pour sa sûreté, la frégate qui le remorquait avait dû abandonner ; et, quelques instants après, l'Orion étant survenu[36], l'Alexandre, vaisseau de soixante-quatorze, eut à lutter contre deux vaisseaux de même force.

Vers six heures et quart, le Formidable, qui précédait l'Alexandre, essuya la bordée de tribord de la Reine-Charlotte, à laquelle il riposta sur-le-champ par sa bordée de bâbord, et un quart d'heure après, le Sans-pareil commença à le canonner. Cette lutte, si inégale, entre un vaisseau de soixante-quatorze, et deux, dont l'un était de cent, et l'autre de quatre-vingts, fut bientôt rendue tout à fait impossible par un accident étranger au combat. Une fatalité cruelle, une de ces fatalités, dit Doulcet de Pontécoulant à la Convention, qui ne se peuvent concevoir, fit que le feu prit à bord du Formidable. Le brave et malheureux capitaine qui le commandait, Durand-Linois, voyant le feu se propager avec violence, se jette aussitôt au milieu des ennemis, pour sauver son équipage[37].

Cette manœuvre dérangeant l'ordre de la retraite, le vide laissé dans la ligne est à l'instant rempli par un vaisseau anglais, qui coupe le Tigre, déjà engagé contre trois autres vaisseaux à trois ponts. Pressé à la fois par la Reine-Charlotte, le Sans-pareil, le Londres el la Reine, le Tigre, que commandait le capitaine Jacques Bedout, se défendait d'une manière héroïque, et eût été sauvé probablement puisqu'il n'était qu'à une lieue de la pointe de Groix, si le signal d'arriver fait au vaisseau de vent eût été exécuté. Mais ô honte ! cette fois encore, les signaux ne furent pas obéis[38], et le Tigre, abandonné, tomba au pouvoir des Anglais.

Tel fut aussi le sort de l'Alexandre, qui, attaqué par la Reine-Charlotte, ne put résister aux bordées d'un aussi puissant adversaire, surtout dans l'état de délabrement où l'avait mis une résistance vaillante et prolongée[39].

Le désastre était dû, en partie du moins, à une insubordination dont il importait d'approfondir le mystère ; et, en d'autres temps, une enquête sévère eût déchiré le voile. Le gouvernement thermidorien, qui n'avait plus de force que contre lui-même, craignit d'en trop savoir. On laissa les soupçons se dissiper en rumeurs. Et ce qui montre assez qu'il y avait lieu de porter la lampe dans ce triste drame, c'est que, l'escadre étant rentrée à Lorient, il y eut des équipages qui désertèrent et coururent se joindre aux royalistes[40].

Eux, ne se possédaient pas de joie. Ce fut leur crime et leur châtiment d'avoir à s'enorgueillir des humiliations de leur pays, d'avoir à les désirer. J'espère — écrivait plus tard Puisaye, faisant allusion au combat naval du 5 messidor — j'espère que la flotte républicaine va être encore plus complètement battue que la dernière fois. Si nous sommes assez heureux pour cela, alors nos espérances redoubleront et nous serons assurés de réussir en grand ![41]

Ce fut le 7 messidor (25 juin), que les émigrés jetèrent l'ancre dans la baie de Quiberon. Deux généraux royalistes, le chevalier de Tinténiac et le comte Dubois-Berthelot, sont débarqués sur-le-champ et chargés de s'enquérir de l'état des choses dans l'intérieur. Ils revinrent dire que tout était prêt[42]. Puisaye, impatient, demande aussitôt à débarquer. D'Hervilly s'y oppose ; il voulait juger par lui-même de l'état des choses. A bord d'un lougre, il fit le tour de la baie, une lunette d'approche à la main, au grand désespoir de Puisaye, qui écrit amèrement : Cette puérilité nous fit perdre vingt-quatre heures[43].

Quoique d'Hervilly n'eût rien vu, il n'en persista pas moins à s'opposer à la descente, soit exagération de l'esprit de méthode, soit secret dessein de faire échouer l'expédition en Bretagne, pour que, conformément aux vues des agents de Paris, on la dirigeât sur la Vendée. Il fallut tenir un conseil de guerre. Puisaye, placé au point d'intersection du royalisme et de l'Angleterre, n'eut pas de peine à ranger sir John Warren à son avis ; d'Hervilly dut retirer son opposition ; Tinténiac et Dubois-Berthelot retournèrent vers les royalistes de l'intérieur, et, le 9 messidor (27 juin), les émigrés débarquèrent sur la plage de Carnac, entre le golfe du Morbihan et la presqu'île de Quiberon, sans rencontrer de résistance, au milieu des cris de : Vive le roi[44] !

Ce jour-là même, Tinténiac qui, à la tête de sept cents Chouans, attendait l'expédition, débusqua un détachement de deux cents républicains d'un poste qu'ils occupaient sur un monticule appelé le Mont-Saint-Michel. Au pavillon républicain, Tinténiac, à défaut de pavillon blanc, substitua sa chemise. Les républicains, qui avaient les Chouans en dos et les émigrés en tête, se dispersèrent, laissant quelques-uns des leurs sur le carreau[45].

Les choses semblaient s'annoncer aux royalistes sous un jour favorable. Les Chouans accouraient en foule, appelant les nouveaux débarqués leurs libérateurs, leur amenant des voitures remplies de provisions, chassant devant eux leurs bestiaux, et faisant offre de leurs denrées. Un instant Puisaye crut tenir dans sa main les dessinées de la monarchie et la France. Il disait à d'Allègre : Après demain nous coucherons à Vannes[46]. Il mandait au gouvernement britannique que sir John Warren s'était conduit comme un ange[47]. Il écrivait à M. Windham : Si vous aviez vu comme moi cette foule d'hommes simples et vertueux, leur dévouement, leurs transports ! L'hiver prochain, j'irai vous dire tout cela[48] ; et, après avoir pressé le ministre anglais d'envoyer un renfort d'un vaisseau de ligne et de deux frégates, il ajoutait : Avec cela, je réponds de la Bretagne entière avant deux mois[49]. Une seule chose l'inquiétait : toute la France devant nécessairement accourir au-devant de lui, aurait-il des vivres en quantité suffisante ? Il suppliait donc M. Windham de lui faire passer sans retard 40.000 liv. st. en or, parce que, disait-il, il aurait bientôt 80.000 hommes à nourrir, et que, pour inspirer confiance, il fallait tout payer[50]. Quant à l'active coopération de Charette et de Stofflet, il n'en doutait pas ou affectait de n'en pas douter ; car il écrivait à ses patrons de Londres : J'ai reçu de Charette, Stofflet, etc., l'assurance positive qu'ils vont nous seconder par des diversions utiles[51].

Du reste, à côté de Puisaye triomphant, d'Hervilly se faisait remarquer par son air soucieux et le mécontentement de son attitude. C'était avec un mépris à peine dissimulé, et d'un air sombre, qu'il regardait défiler sur la plage, mêlés à de gauches villageois, ces Chouans aux souliers percés, aux vêtements en lambeaux, au visage farouche, ces Chouans pour la plupart desquels le royalisme n'avait été qu'un prétexte de brigandage et comme un passeport de l'assassinat[52].

Et puis, il y avait parmi eux une foule de femmes et d'enfants hors d'état de porter les armes. La confusion était si grande, qu'on eût pu aisément en profiter pour armer des gens malintentionnés : ce danger frappa Puisaye lui-même, qui s'en ouvrit au marquis de la Jaille, non sans un air d'inquiétude[53].

De leur côté, quelques-uns des officiers nobles ne purent se défendre d'un étonnement railleur en voyant quels étranges auxiliaires Puisaye leur avait ménagés. Les uns s'échappèrent en plaisanteries ; les autres s'étudièrent à accréditer parmi les troupes à la solde de l'Angleterre l'idée qu'elles n'avaient rien de commun avec les Chouans et ne devaient aucune obéissance aux officiers qui ne portaient pas l'uniforme anglais[54].

Ajoutez à cela que certains corps à la solde de l'Angleterre avaient la cocarde noire, et les Chouans la cocarde blanche[55] : frappante image de la discorde qui allait régner dans le camp !

La correspondance manuscrite et privée de Puisaye avec le ministre anglais Windham nous a livré le secret du jugement que Puisaye portait sur les émigrés à la solde de l'Angleterre. Ce secret vaut la peine qu'on le révèle :

Le plus grand nombre, et surtout de ceux payés trop chèrement par vous, n'ont pas apporté parmi nous l'esprit qu'on aurait dû leur supposer après six années d'exil et de malheurs : même légèreté, mêmes intrigues qu'autrefois, mais plus de perfidie ou d'insouciance pour leur pays et pour la cause de leur roi, un égoïsme affreux et un attachement à la paye, qu'ils craignent de ne plus recevoir[56].

Dans la même lettre, Puisaye décrivait d'Hervilly comme un homme ambitieux, vain, et aussi dénué de vrais talents que plein d'orgueil et de dureté[57].

La mésintelligence des chefs éclata tout d'abord. Comme on procédait à la distribution des armes, un sergent de Port-Louis, dont les Chouans ne comprenaient pas le langage et dont les manières rudes les irritèrent, réclame une caisse qui leur avait été livrée par mégarde et qui appartenait au régiment d'Hervilly ; une rixe s'élève. D'Hervilly survient, s'emporte, veut faire, sans plus tarder, rembarquer les troupes. Déjà l'ordre de battre la générale était donné, quand Puisaye, paraissant à son tour, parvint à calmer le tumulte[58]. Une explication s'ensuivit entre les deux chefs, explication dans laquelle, selon le comte de Vauban, ami de Puisaye, celui-ci fut très-poli, très-froid, très-digne ; d'Hervilly, au contraire, très-âcre et très-véhément[59]. Il s'agissait de savoir qui commanderait ; mais c'est ce que le gouvernement anglais seul pouvait décider, et l'ambiguïté de ses instructions sur ce point, qu'elle eût été calculée ou volontaire, commençait à porter ses fruits. La question resta indécise. Puisaye eut son quartier général au petit hameau de la Genèse ; d'Hervilly, au bourg de Carnac, au milieu de son régiment[60].

Cependant, l'agitation était extrême en Bretagne et au delà. L'apparition des royalistes en armes, le nom de l'Angleterre associé à la nouvelle de leur débarquement, la retraite précipitée des petits détachements épars le long des côtes, l'affluence des Chouans sur les routes qui menaient à Quiberon, le bruit répandu que les autorités constituées de la province, districts et municipalités, ne songeaient plus qu'à se réfugier à Rennes, avec leurs papiers et leurs archives, tout contribuait à grandir, dans les imaginations émues, le spectre de la guerre civile. La Convention, que ne dirigeaient plus des hommes au cœur indomptable, se sentit inquiète. Le Comité de salut public se troubla[61].

Hoche, seul, mesurait le péril d'un œil dédaigneux. Il fit demander du renfort à Dubayet et à Canclaux, se bornant à recommander du secret et du calme[62]. Son dessein était d'éviter les affaires particulières, qui auraient aguerri les Chouans, et de les amener à une action générale, comptant pour les écraser d'un coup sur la discipline et la valeur des soldats républicains[63].

Chose remarquable ! Le parti que la nouvelle du débarquement alarma le plus, fut celui des agents de Paris. Ils écrivirent : Puisaye est descendu auprès d'Auray, avec les régiments d'Hector, d'Hervilly, etc. Lui et les Anglais vont être maîtres de la Révolution, si l'Espagne ne se hâte[64].

Ce sentiment d'une fraction importante du parti royaliste n'était pas ignoré des Thermidoriens, grâce, aux rapports secrets de Tallien avec les meneurs aux gages de l'Espagne[65]. Aussi, dans leur ardeur à diviser de plus en plus le parti royaliste, les Thermidoriens crièrent-ils bien haut que Pitt trahissait les princes tout en combattant les républicains ; que sa prétendue sympathie pour la cause royale cachait l'affreux dessein de donner la France à déchirer à des Français, et rien de plus. Le Journal du Bonhomme Richard raconta, comme une anecdote caractéristique, que, dans une de nos colonies, quelqu'un disant à un Anglais : Mais vous tuez également le royaliste et le républicain ! — L'Anglais répondit froidement : Laissez donc faire ; ce sont toujours deux Français de moins[66].

Sur ces entrefaites, le comte d'Entraigues fit réimprimer et répandre dans Paris ses Observations sur la conduite des Puissances coalisées. Ce comte d'Entraigues était le même qui, en 1788, avait, dans son célèbre Mémoire sur les États généraux, prêché la croisade des peuples contre les souverains, et appelé la noblesse héréditaire le présent le plus funeste que le ciel irrité ait pu faire à l'espèce humaine[67]. Depuis, devenu royaliste furieux, il avait émigré, et un traitement de trente-six mille francs que lui faisaient les diverses Cours pour services occultes[68], l'encourageait à infester son pays de pamphlets où la folie le disputait à la violence. Dans celui dont il est question, il déclarait régicides au premier chef tous ceux qui avaient prêté le serment du Jeu de paume, ajoutant qu'il n'était au pouvoir d'aucune justice humaine de leur pardonner, et que les monarchistes coupables d'avoir pactisé avec la Révolution devaient être plus impitoyablement châtiés que les Jacobins. En même temps paraissaient des brochures atroces, une entre autres intitulée Révélations importantes, où l'on se vantait d'avoir provoqué les excès des Jacobins, pour déjouer les constitutionnels et armer les Puissances. C'est en rendant compte de ces publications, œuvre d'esprits en délire, que le royaliste Mallet du Pan, désespéré, écrivait au comte de Sainte-Aldegonde : Je vous laisse à penser l'impression que ces horreurs ont faite à Paris. Chacun y a lu sa destinée ; chacun s'est dit : Entre des ennemis si implacables et les républicains qui nous tendent les bras, il n'y a pas à hésiter[69].

Il est facile de deviner quel effet Doulcet de Pontécoulant dut produire lorsque, au nom du Comité de salut public, il vint dire à la Convention, à Paris, à la France : Jusqu'ici les républicains ont combattu pour la gloire ; aujourd'hui, tous les Français combattront pour leur vie. Républicains anglomanes de 1789, constitutionnels de 1791, le même sort vous est réservé. Marchez donc tous, marchez ensemble pour exterminer des bourreaux qui n'ont d'autre désir que la vengeance[70].

A Paris, la majorité de la garde nationale était, selon l'expression de Mallet du Pan : 89[71] ; et Raffet, qui la commandait, figurait parmi les constitutionnels : comment les paroles de Doulcet de Pontécoulant auraient-elles pu être perdues ? Il n'y eut qu'un cri : Anathème sur ceux qui ont mendié de l'Angleterre le glaive qui doit servir à nous égorger[72] !

De son côté, Puisaye lançait, de son quartier général, une proclamation où, pour ne point paraître l'instrument de l'étranger, il prenait le titre de commandant en chef de l'armée catholique et royale de Bretagne, en vertu des pouvoirs à lui donnés par Monsieur, régent de France. Mais lui-même nous apprend que cette proclamation, rédigée quand le fils de Louis XVI vivait encore, avait été soumise à l'examen et à la révision des ministres anglais. Parmi les corrections qu'ils y firent, une mérite d'être citée. Puisaye avait dit : Il est beau de recevoir le prix du courage des mains d'un roi qu'on a couronné : aux trois derniers mots, Pitt fit substituer : Qu'on a rétabli dans ses droits[73], soit que ce trait fût dirigé contre l'ambition sans frein qu'on supposait au comte de Provence, très-peu aimé du gouvernement anglais, soit que Pitt voulût par là repousser l'accusation qui le montrait lui-même disposé à placer la couronne sur la tête du comte d'Artois, et à semer ainsi en France le germe de nouvelles discordes[74].

Si l'on en juge par la correspondance de Puisaye, il ne fut pas longtemps sans s'apercevoir du vide de ses espérances. Il est très-vrai de dire que les Chouans affluaient ; qu'ils demandaient à grands cris des armes ; qu'on en arma plusieurs milliers en trois jours[75]. Mais les nourrir ! Comment les nourrir ? Puisaye, qui, dans ses Mémoires, assure, page 60 du tome VI, que l'Angleterre lui avait donné des vivres pour une armée de six mille hommes pendant trois mois, et qui, page 144, nous montre les bons Morbihannais accourant de toutes parts, et conduisant leurs bestiaux, leurs voitures, à ceux qu'ils appelaient leurs libérateurs, Puisaye cite, page 209, la lettre suivante que, le surlendemain même du débarquement, il écrivait à M. Windham : Notre position est brillante, mais nous allons bientôt manquer de tout. Je vous supplie de ne pas perdre un instant. Les minutes sont précieuses. La Bretagne serait à nous, si nous avions le strict et très-strict nécessaire[76].

Or, pendant qu'on était en peine du strict et très-strict nécessaire, les émigrés à la solde des Anglais, par un trait qui peint l'ancienne noblesse, déclaraient bien haut que des personnages de leur espèce n'étaient pas faits pour chouanner ; ils se plaignaient de n'avoir pas leurs aises ; ils songeaient à briller ; il leur fallait des chevaux de selle, des chevaux de peloton ; il leur fallait. tout ce qui manquait[77].

Chez les républicains, rien de semblable. Hoche, qui, après avoir rassemblé et échelonné une partie de ses troupes sur Rennes, Ploërmel et Vannes, pour garder ses derrières, marchait avec le reste sur Auray, avait su répandre autour de lui l'ardeur de son âme de feu. Dans ses rangs, tout respirait un enthousiasme viril, la simplicité des camps, le rude génie de la guerre ; et Puisaye ne put se défendre d'un serrement de cœur douloureux, la première fois qu'il aperçut de loin des officiers républicains conduisant les travaux en manches de chemise, sans autre chose qui les distinguât du soldat que leur hausse-col[78].

Au surplus, Puisaye n'avait pas compté un seul instant sur la régularité militaire pour le succès. Le plan qu'il avait apporté d'Angleterre consistait à pousser en avant ses troupes, à peine débarquées, à soulever les campagnes, à étonner les villes, à ne rien attendre que de l'insurrection. D'Hervilly s'opposant à l'exécution de ce plan, Puisaye dut écrire au gouvernement anglais de décider à qui, de d'Hervilly ou de lui, appartenait le commandement suprême. En attendant la réponse, les deux chefs restèrent chargés, l'un de la direction des troupes soldées, l'autre de la direction des Chouans ; et, au lieu de faire une pointe dans le pays, on se contenta de former une ligne de défense.

On avait sous la main quatorze mille Chouans environ : on en forma trois divisions, qui furent mises sous les ordres : l'une du comte Dubois-Berthelot ; l'autre, du chevalier Tinténiac ; la troisième, du comte Vauban. La division Dubois-Berthelot fut postée à une demi-lieue à droite, à une montagne située devant la ville d'Auray ; la division de Tinténiac prit position à une lieue à gauche, devant la petite ville de Landevant ; Vauban, qui reçut le commandement de toute la ligne, occupa Mendon, au centre[79].

L'objet de ces dispositions était de couvrir une attaque projetée sur la presqu'île de Quiberon.

Cette presqu'île, liée à la grande terre par une langue de sable très-étroite qu'on nomme la Falaise, était défendue, du côté de la terre, par le fort Penthièvre, qui s'élevait à l'entrée même, c'est-à-dire au point où la Falaise, en se rétrécissant, vient aboutir.

Le jour fixé pour l'entreprise, Puisaye attaque la presqu'île du côté de la mer, avec trois mille hommes, parmi lesquels cent cinquante Anglais, pris des garnisons des vaisseaux, tandis que d'Hervilly marchait sur le fort, le long de la Falaise. La garnison, composée en partie de soldats qui avaient appartenu à l'ancien régiment de la Reine, se rendit sans combat, et Puisaye eut la triste satisfaction de pouvoir arborer sur le fort de Penthièvre, en France, le pavillon du roi d'Angleterre à côté de celui de Louis XVIII[80] !

De nouveaux démêlés entre d'Hervilly et Puisaye, une nouvelle rixe occasionnée par la distribution des logements que se disputèrent avec fureur les Chouans d'une part, et, d'autre part, les troupes soldées, voilà ce que produisit ce premier succès des émigrés[81]. Il rassurait si peu le vainqueur, que, le jour même de la prise du fort, Puisaye écrivit à Windham[82] : Des renforts ! Des hommes ! De l'argent ! Des armes, surtout des armes ! De la cavalerie, ne fût-ce que six cents hommes ! Mais point de délai ! L'armée ennemie se grossit.

Et de plus, elle s'avançait, d'un pas rapide, d'un pas sûr !

Tinténiac, qui avait occupé Landevant, et Dubois-Berthelot, qui avait occupé Auray, ne tardent pas à y être attaqués. Voyant Tinténiac en péril, Vauban se porte rapidement du centre à la gauche avec deux mille hommes. Il arrive ; la déroute commençait. Il essaye de l'arrêter, mais elle l'entraîne, et, pour rejoindre le reste de sa division à Mendon, il lui faut traverser deux bras de mer à la nage[83].

Pendant ce temps, l'aile droite, attaquée aussi, avait plié. Mais les républicains qui avaient forcé Dubois-Berthelot à la retraite n'étant guère que deux mille, Vauban les contraignit à abandonner la poursuite et à se renfermer dans Auray, en faisant mine de les attaquer avec la division du centre, qui ne s'élevait pas alors à moins de huit mille hommes[84].

Cessant ainsi d'être menacé à sa droite, il retourne à la gauche pour tomber sur les vainqueurs de Tinténiac, acharnés à la poursuite des fuyards. Un village que les vainqueurs venaient de traverser se trouve sur son passage ; il y envoie le marquis de Saint-Aulaire ; et, devant la maison d'un des leurs, les Chouans trouvent, gisant sur le pavé, les cadavres de sa mère, de sa femme, de ses deux enfants, qu'il a lui-même portés là, en criant vengeance ! A ce spectacle affreux, hommes, femmes, tous les habitants du village se joignent, ivres de rage, aux Chouans de Saint-Aulaire ; on se lance sur les traces des républicains, qui marchaient par petites bandes, séparées les unes des autres ; on les attaque avec furie, avant qu'ils aient eu le temps de se rallier ; on en tue cent cinquante, et l'on fait huit cents prisonniers[85].

Cet avantage pouvait consoler de la défaite essuyée, mais ne la réparait pas. La première position assignée à Vauban n'étant plus tenable, il reçut ordre d'établir son quartier général à Carnac, sa droite s'appuyant au Mont-Saint-Michel, et sa gauche à Sainte-Barbe[86].

Carnac et le Mont-Saint-Michel s'élevant sur la côte, et le poste de Sainte-Barbe étant le seul qui communiquât avec la presqu'île de Quiberon, laisser forcer ce dernier poste, c'était tout perdre ; car, dans ce cas, le centre et la droite se trouvaient absolument coupés, sans autre retraite possible que la mer.

Vauban ne se dissimulait pas l'extrême danger de cette position. Le 18 messidor (6 juillet) informé par une lettre de Georges Cadoudal, qui commandait la division de gauche à Sainte-Barbe, que les républicains se disposaient à attaquer toute la ligne ; qu'ils s'avançaient sur trois colonnes ; que déjà ils étaient à Plumel, village situé à deux lieues en avant du centre de la position, Vauban ne songe qu'à défendre Sainte-Barbe. Convaincu de la nécessité de renforcer sa gauche à tout prix, il ordonne à sa droite de se reployer sur le centre ; et au centre de se reployer sur la gauche.

En cela, il désobéissait aux ordres de d'Hervilly, qui lui avait enjoint de tenir à Carnac et au Mont-Saint-Michel, jusqu'à la dernière extrémité. Mais Vauban était plus irrité contre d'Hervilly que Puisaye lui-même. Ayant réclamé, lorsqu'il occupait Mendon, un renfort de troupes soldées qui avait été envoyé d'abord, puis retiré ; ayant insisté pour qu'on lui envoyât des canons qu'il n'avait pas reçus, il croyait, de la part des troupes soldées, à un parti pris d'humilier les Chouans, de les compromettre. En outre, il tenait en fort petite estime la capacité militaire de d'Hervilly, tournant en ridicule ses prétentions à l'esprit de méthode, et rappelant, à ce sujet, que le grand Condé entendant un jour le P. Joseph faire une dissertation savante sur l'art militaire, lui donna une chiquenaude sur le nez, et lui dit : Apprenez, Père, qu'une armée ne marche pas comme le doigt d'un capucin. Il n'hésita donc pas à prendre les dispositions auxquelles le salut des siens lui semblait attaché, disant : J'aime mieux être traduit devant un conseil de guerre que de laisser égorger ou noyer dans trois heures les gentilshommes et les fidèles Bretons que je commande[87].

Arrivé à Sainte-Barbe et apprenant que les républicains commençaient à se former à une petite distance, dans une position qu'il jugea mauvaise, il veut qu'on attaque sur-le-champ. Mais, cette fois encore, du canon, demandé à d'Hervilly, n'avait pas été envoyé, et les Chouans, se croyant abandonnés, étaient furieux. Tout le camp retentissait d'imprécations contre les troupes soldées. Était-ce donc pour fournir aux malheureux paysans de la Bretagne l'occasion de se faire égorger comme un vil troupeau, que messieurs les émigrés avaient passé la mer ? Les régiments de d'Hervilly attendaient-ils donc pour se rapprocher de l'ennemi que les Chouans leur fissent un rempart de leurs cadavres ? Où étaient ces secours de l'Angleterre, si pompeusement promis et tant vantés ? Georges Cadoudal, nature impétueuse, n'était pas moins irrité que ses troupes. Il se reprochait d'avoir été un des plus ardents à protéger cette descente, où il ne voyait plus maintenant que la ruine du parti royaliste. Pressé par Vauban de marcher en avant, il répondit avec emportement qu'il ne le pouvait ni ne le voulait ; que ses gens n'entendaient pas qu'on les livrât ainsi à la mort ; que la seule chose possible était une retraite, et précipitée, une retraite à qui marcherait le plus vite. Mais quoi ! avant d'arriver sous les forts qui fermaient la presqu'île de Quiberon, il y avait deux lieues de falaise à traverser. Et qu'allait devenir cette multitude de vieillards, d'enfants et de femmes, dont l'armée des Chouans traînait après elle le pâle cortège ? Il ne fallut pas moins que cette observation, faite par Vauban d'une voix émue, pour ramener Georges à l'idée d'une retraite en règle. Elle se fit donc en bon ordre, toujours à la demi-portée de fusil, avec un feu des mieux nourris, telle enfin qu'il y eut, de part et d'autre, des hommes tués à la baïonnette[88].

Mais, pendant cette marche, qui dura trois heures, la terreur avait passé, comme un ouragan, sur toutes les paroisses de cette contrée qui s'étaient levées pour le royalisme, et l'entrée de la presqu'île présenta bientôt un spectacle terrible. Près de dix-huit mille personnes de tout âge et de tout sexe étaient entassées, devant le fort Penthièvre, sur le parapet du chemin couvert, avec ou sans armes, se lamentant ou tirant en l'air au hasard, se poussant, se blessant les unes les autres, et enfin finissant par se précipiter du haut de la palissade dans le chemin couvert, pêle-mêle avec les voitures, les chevaux et les bœufs. La confusion était si effroyable, que, si les troupes de Vauban, animées par l'extrémité du péril, n'eussent fait halte sous les forts, et combattu de pied ferme jusqu'à ce qu'on eût fait passer dans l'intérieur de la presqu'île femmes, enfants, vieillards, la campagne était terminée[89].

Vauban frémissait de colère. Rencontrant d'Hervilly, au moment où il entrait dans le fort : Monsieur, lui dit-il, j'espère que vous trouverez juste que la journée d'aujourd'hui soit expliquée entre vous et moi devant un conseil de guerre[90].

Ceci avait lieu le 19 messidor (7 juillet). A cette date, Hoche écrivait au général Chérin : Mon cher général, les anglo-émigrés-chouans sont, ainsi que des rats, enfermés dans Quiberon, où l'armée les tient bloqués. J'ai l'espoir que, dans quelques jours, nous en serons quittes. Annoncez cette nouvelle aux bons citoyens[91].

Et il fallait qu'il fût bien sûr de pouvoir frapper sans retard le coup décisif, car il ajoutait : Je suis sans secrétaire, sans aide de camp, sans adjudant-général, presque sans vivres[92].

Du reste, son impatience d'assurer le triomphe des armes de la République ne l'empêchait pas de se préoccuper avec une anxiété magnanime du sort de tant de pauvres familles qui, cherchant à Quiberon un refuge, risquaient d'y trouver un tombeau. Il repoussait comme impolitique, cruelle, impossible, l'idée, horrible en effet, de les détruire ; et, dans des lettres où il semble qu'on entende les battements d'un cœur généreux, il insistait sur la nécessité de distinguer l'erreur du crime ; mais, à l'égard du crime, il demandait qu'on fût inexorable, et, l'impunité des traîtres révoltant son âme non moins ferme que généreuse, il écrivait, précisément à la même époque : Un tribunal inique, profitant de la terreur qu'a pu inspirer la descente des émigrés, vient de mettre en liberté les complices, les aides de camp de Cormatin. Bientôt, peut-être, ce conspirateur odieux va paraître dans les rangs de nos ennemis. J'ai vu couler mon sang, et n'en ai point pâli. Maintenant, je ne puis voir, sans détester le jour, les assassins de ma patrie en liberté[93].

Pendant ce temps, les royalistes, resserrés dans Quiberon, continuaient à se déchirer entre eux. Les Chouans taxaient les émigrés de trahison ; les émigrés reprochaient aux Chouans d'avoir reculé avant de combattre[94]. Chez plusieurs officiers supérieurs le découragement était complet et n'était égalé que par la dureté avec laquelle d'Hervilly en punissait les manifestations. Le trait suivant est doublement caractéristique. Un jour, voyant qu'il y avait encore des canons au bord de la mer, Pourquoi cela ? demande brusquement d'Hervilly à Rotalier. Parce que, répond ce dernier, l'artillerie se trouvera là toute rendue, quand il nous faudra nous rembarquer, ce qui nous sauvera la peine de la charoyer sur la grève. D'Hervilly infligea sur-le-champ les arrêts à Rotalier[95]. Un autre jour, Vauban étant venu lui faire part d'une observation militaire qu'il jugeait importante, Retirez-vous, lui dit sèchement d'Hervilly. — Mais, monsieur. — Retirez-vous et taisez-vous[96]. Immédiatement après l'occupation de la presqu'île, on avait débarqué en grande quantité farines, sacs de biscuit, vin, rhum, etc. Mais, comme il n'y avait pas ombre d'administration, et que la confusion était au comble, tout avait été mis au pillage. J'ai vu voler derrière moi, dans l'instant même où je faisais punir un voleur, écrit avec tristesse le marquis de la Jaille[97]. Et puis, c'était chaque jour entre d'Hervilly et Puisaye quelque nouveau sujet d'aigreur. Des officiers qui, tels que les vicomtes de Pontbellangé, de Saint-Pierre, La Marche et Guernissac, avaient pris rang parmi les Chouans, quoiqu'ils appartinssent aux troupes soldées, furent traités par d'Hervilly comme démissionnaires et menacés de perdre leur traitement[98]. On s'était disputé les logements : on se disputait maintenant les vivres, d'Hervilly donnant aux troupes qu'il commandait ration entière de tout ce que Puisaye faisait acheter dans le pays, et ordonnant en secret au commissaire des guerres de n'accorder aux Chouans qu'une demi-ration de riz qu'ils ne savaient pas même cuire[99], et qui n'empêcha pas plusieurs d'entre eux de mourir de faim[100] !

Tel était l'état des choses, lorsqu'une tentative fut faite par les troupes soldées pour reprendre le poste de Sainte-Barbe. Dans la nuit du 6 au 7 juillet, elles se mirent en marche, Puisaye suivant les colonnes plutôt comme volontaire que comme chef, sans donner d'ordres et sans qu'on crût avoir à en recevoir de lui[101]. Le marquis de la Jaille, son premier aide de camp, l'accompagnait, et le récit manuscrit de ce dernier, que nous avons sous les yeux, peint trop vivement la situation pour que nous ne reproduisions pas ici ce document :

L'armée parvint en bon ordre, avant la pointe du jour, à portée de mousquet des avant-postes ennemis. Leurs sentinelles avancées firent feu, et l'on battit la générale dans leur camp, où des cris confus qui venaient jusqu'à nous, annonçaient du désordre. Les avant-postes ennemis firent en se retirant un feu de peloton. M. de Puisaye, M. de Contades et moi étions fort près. Nos trois chevaux furent blessés ; le mien fit volte, et m'emportait, lorsque les chevaux, effrayés d'un chariot d'artillerie, se jetèrent sur moi et me désarçonnèrent ; je tombai sur le sable. Plusieurs soldats de la seconde compagnie de grenadiers de d'Hervilly faisaient, en fuyant, rouler mon chapeau que j'eus de la peine à ressaisir. Je joignis M. de Puisaye, qui leur barrait le chemin pour les faire rallier ; j'y fis moi-même tous mes efforts, ainsi qu'un officier et plusieurs bas-officiers qui étaient désolés de cette lâche conduite. L'officier me dit, dans son désespoir, qu'on ne pouvait compter sur des hommes d'aussi mauvaise volonté. Ne pouvant rien obtenir par mes exhortations et mes menaces, je saisis un de ces grenadiers par son fourniment, et je le poussai en avant du bras et de l'épée. Après avoir fait quelques pas, il tira son coup de fusil en l'air, sans ajuster, et me dit qu'il n'en tirerait pas davantage dussé-je lui passer mon épée au travers du corps[102].

 

C'est ici que se place le mot de d'Hervilly à ceux de ses soldats qui lui demandaient de charger : Je ne suis pas assez content de vous aujourd'hui pour vous faire ce plaisir, mot que le marquis de la Jaille ne mentionne pas[103].

Cette retraite, en même temps qu'elle ajoutait au découragement des esprits, fournit un nouveau sujet de discorde. Hoche n'avait nul besoin de disputer Quiberon aux royalistes : ils s'y dévoraient les uns les autres. Puisaye comprit qu'il était perdu, s'il ne débarrassait pas la presqu'île d'une partie de ceux qui l'encombraient sans la défendre. Un grand nombre de paysans furent successivement embarqués sur des chasse-marées et reportés sur la grande terre[104].

D'un autre côté, Tinténiac eut ordre de conduire trois mille cinq cents Chouans et une compagnie de Royal-Emigrant vers Saint-Jacques, dans le canton de Sarzeau, tandis que trois mille autres, sous le commandement du chef de division Jean-Jean et du comte Lantivy, iraient débarquer au nord de Lorient[105].

Dans ses Mémoires imprimés, Puisaye prétend — et tous les narrateurs de ces événements l'ont copié, depuis Rouget de Lisle jusqu'à M. Thiers — que, dans sa pensée, la destination des deux corps expéditionnaires se rattachait à un grand plan stratégique ; que dès le 10 juillet, il avait fait consentir d'Hervilly au projet d'une attaque décisive sur le poste de Sainte-Barbe ; qu'ils avaient ensemble fixé cette attaque au 16 juillet, et que les deux corps expéditionnaires commandés par Tinténiac et Lantivy avaient pour instruction de se réunir à Baud le 14, et d'attaquer les derrières de l'armée républicaine, le 16, à la pointe du jour, pendant qu'elle serait attaquée de front du côté de la presqu'île[106].

Eh bien, tout ceci est inexact, et le réfutateur de Puisaye, en cette circonstance, est, chose singulière, Puisaye lui-même !

En effet, dans son manuscrit, qui est sous nos yeux, nous lisons :

M. d'Hervilly avait résolu d'attaquer le poste de Sainte-Barbe, le 16. La force de la position de l'ennemi, sa supériorité en nombre, son artillerie, me firent considérer cette entreprise comme insensée[107].

Il n'est donc pas vrai, ainsi que Puisaye l'affirme dans ses Mémoires imprimés, que le projet d'attaque vînt de lui.

Le même manuscrit porte : Je souhaitais au moins avoir le temps d'envoyer des ordres à MM. de Tinténiac et Georges de la seconder[108]. Il n'est donc pas vrai, ainsi que Puisaye l'affirme dans ses Mémoires imprimés, qu'il eût déjà donné à Tinténiac des instructions précises sur le jour et l'heure où celui-ci devrait attaquer.

La suite de ce récit dira le mot de ces pitoyables contradictions. En attendant, il importe de noter que, le 14 juillet, l'ami de Puisaye, son aide de camp, son homme de confiance, le marquis de la Jaille, s'étant rendu chez d'Hervilly, chercha à le détourner de l'attaque, dont ce dernier lui montrait le plan, en objectant les perles énormes auxquelles on s'exposait si l'on abordait les républicains par la Falaise. La réponse de d'Hervilly fut : On pourra y perdre mille hommes, mais ce sacrifice est nécessaire[109].

Le 14 juillet, arrive la nouvelle qu'on va voir paraître un convoi portant le reste de l'infanterie des légions de Rohan, Salm, Damas, Béon et Périgord, le tout formant environ onze cents hommes, y compris les officiers, sous le commandement du comte de Sombreuil.

A cette flotte devait s'en réunir une autre portant les émigrés de Jersey ; mais les agents de Paris manœuvrèrent si bien, qu'ils réussirent à empêcher cette jonction. Le chevalier de Lavieuville, chef de division près de Dol, et un de leurs instruments les plus actifs, ayant écrit au gouvernement britannique que, si une flotte se présentait à Saint-Malo, on lui livrerait la ville et le port ; qu'il en avait la preuve ; qu'il l'affirmait sur l'honneur[110], la flotte qui portait les émigrés de Jersey, au lieu de mettre à la voile pour Quiberon, mit à la voile pour Saint-Malo ; où elle fut reçue à coups de canon. Le temps qu'elle perdit devant cette place et le circuit que cette manœuvre lui fit faire l'empêchèrent de se trouver à Quiberon, ce qui, selon la remarque du chevalier de Chalus, eût presque doublé le nombre des émigrés, et, peut-être, prévenu leur perte[111].

Les deux certificats qui suivent complètent l'enseignement qui résulte du tableau des divisions royalistes, tel que des royalistes eux-mêmes l'ont tracé :

Je certifie que, dans la nuit du 30 au 31 décembre 1796, MM. de la Prévalaye, de Coniac et de Bonville, membres de la commission intermédiaire de la province de Bretagne, ont déclaré en ma présence que, peu de temps après la descente effectuée à Quiberon, M. de Talhouet de Bonamour, accrédité secrètement par Cormatin près les agents du roi à Paris, notifia dans l'arrondissement de Rennes, au nom desdits agents, l'ordre formel de n'y point prendre les armes en cette circonstance.

Londres, ce jour 25 mai 1798.

L'abbé GUILLOT[112].

 

Je certifie le contenu ci-dessus véritable, pour avoir entendu moi-même la déclaration, y contenue, de MM. de la Prévalaye, de Coniac et de Bonville, en présence de M. le comte Joseph de Puisaye.

A Londres, ce 25 mai mil sept cent quatre-vingt-dix-huit.

DE CHALUS[113].

 

Voilà comment la discorde, ainsi qu'un cancer incurable, rongeait le parti royaliste.

L'on était à la veille du jour fixé par d'Hervilly pour l'attaque du poste de Sainte-Barbe, et les soldats de Sombreuil n'étaient pas encore débarqués. Ajournerait-on l'attaque jusqu'après le débarquement de ce renfort ?

Puisaye fut fortement de cet avis, mais d'Hervilly en décida autrement : Il faut en finir, dit-il. Impatience étrange, que Puisaye, dans le manuscrit qui est devant nous, explique par une supposition terrible : Il n'est pas possible que M. d'Hervilly ait une seule minute espéré quelque succès de cette attaque ; mais il n'est pas possible aussi qu'il n'ait pas vu qu'elle le conduirait à la nécessité de se rembarquer, de quitter la Bretagne, et d'aller porter la guerre en d'autres lieux qui avaient plus d'attraits pour lui[114].

Il est à remarquer qu'en ce moment Puisaye se trouvait en possession de la réponse du ministre anglais, laquelle le nommait lieutenant général au service du gouvernement britannique et lui conférait le commandement absolu, même des troupes soldées[115]. Par quelle indigne faiblesse soumit-il sa volonté à celle d'un homme qui n'était plus désormais que son subordonné ? Par quel criminel oubli des devoirs de son rang laissa-t-il la cause à lui confiée courir les hasards d'une aventure qu'il jugeait devoir aboutir à un désastre, et au fond, de laquelle il soupçonnait une trahison ? C'est sans doute parce qu'il sentit lui-même à combien d'amers reproches tant de pusillanimité, le livrait en proie, qu'il fut amené à présenter mensongèrement comme le résultat d'ordres émanés de lui tous les malheurs qui suivirent. La vérité est qu'il en reste responsable devant son parti, mais pour n'avoir pas empêché les fautes où ils prirent naissance, non pour les avoir commises[116].

Dans l'après-midi du 27 messidor (15 juillet), ordre est donné à Vauban d'aller débarquer à Carnac, avec douze cents Chouans : tentative de diversion. Il devait partir à neuf heures, arriver à minuit. Mais les bateaux se firent attendre. Il partit trop tard, et, quand il arriva, il faisait jour. Alors, on ne surprend personne[117].

Ce jour-là même, deux transfuges royalistes parurent aux avant-postes de l'armée républicaine. Ils demandent à parler au général Lemoine, qui commandait, en l'absence de Hoche, le camp de Sainte-Barbe, et l'informent qu'il sera attaqué le lendemain, au point du jour[118].

En effet, le 28 messidor (16 juillet), de très-grand matin, l'armée royaliste, composée de deux mille cinq cents hommes de troupes de ligne et de seize cents Chouans, se mit en marche. Le régiment de la Marine formait la colonne de droite, celui de du Dresnay en formait une seconde à la gauche du régiment de la Marine, à la distance de quarante toises. Derrière ces deux petites colonnes venait un corps de six cents Chouans, commandé par le duc de Lévis. A la gauche, et très-séparé des colonnes de droite, s'avançait le régiment d'Hervilly, avec mille Chouans commandés par le chevalier de Saint-Pierre. En tête, Royal-Émigrant, et l'artillerie de Rotalier : huit pièces de canon. Les colonnes, devant archer parallèlement à la côte, se rapprochaient ou s'éloignaient, d'après les sinuosités du terrain.

Puisaye suivait l'armée, sans donner d'ordres et sans qu'on lui en demandât[119].

Le jour commençait à poindre, lorsque, du côté de Carnac, l'armée en marche aperçut une fusée. C'était le signe par lequel il était convenu que Vauban annoncerait son débarquement. Il devait en tirer une seconde, dans le cas où il serait forcé de se rembarquer. On fait halte, et l'on attend un quart d'heure, les yeux tournés avec anxiété du côté de Carnac. Il paraît que la seconde fusée fut tirée ; mais le soleil montait à l'horizon, le ciel était sans nuages : elle ne fut point aperçue. On continua d'avancer.

Les avant-postes de l'armée républicaine, que les royalistes évaluèrent à dix mille hommes, étaient sous les hauteurs de Sainte-Barbe, leurs lignes à mi-côte ; et le général Humbert, placé à l'avant-garde, avait ordre de reployer ses troupes, dès qu'il serait attaqué, jusque sous le feu de la ligne.

Lorsqu'on fut à demi-portée de canon, d'Hervilly, s'apercevant que l'ordre dans lequel on s'avançait offrait comme point d'attaque le côté le plus fort de la position à enlever, fait marcher les deux colonnes de la Marine et de du Dresnay obliquement de droite à gauche, de sorte qu'elles se présentaient diagonalement à la ligne de l'ennemi, la prolongeant à demi-portée de fusil.

Le signal de l'attaque étant donné, Humbert se replie, conformément à ses instructions. Le croyant en fuite, les volontaires de Royal-Émigrant courent sur les retranchements avec ardeur, et déjà quelques-uns s'y sont précipités. Mais soudain un escadron de cavalerie, qui couvrait deux batteries placées sur la hauteur, fait un mouvement pour les démasquer, et bientôt un feu terrible d'artillerie et de mousqueterie enveloppe les royalistes par le front et par le flanc droit. Chaque décharge enlevait au régiment de la Marine des rangs entiers ; celui de du Dresnay, était, lui aussi, écrasé sous une pluie incessante de mitraille, de bombes et d'obus. Il devenait manifeste que ces deux colonnes seraient fondues avant que d'arriver à la gauche : d'Hervilly ordonne une attaque générale des retranchements et fait battre la charge. De Froyé, aide-major du régiment de la Marine, vient lui faire observer que les deux colonnes de droite sont beaucoup plus avancées que celles de gauche. En avant ! vous arriverez trop tard ! lui crie d'Hervilly, comme éperdu ; et, courant à Rotalier, il le pousse aussi en avant avec tout son canon de campagne, qui reste engagé dans le sable jusqu'aux jarrets des chevaux. Pour comble, le duc de Lévis, qui avait porté ses Chouans dans l'intervalle que la marche oblique du régiment de la Marine laissait entre ce régiment et la côte, venait d'être blessé au pied, et le désordre s'était mis parmi les siens. D'Hervilly passe à la gauche, où était son régiment. Le carnage continuait. Pas d'espoir de succès. Le baron de Gras est blessé à côté de Puisaye. Un boulet de canon vient tuer entre les bras du marquis de la Jaille un malheureux dont un premier boulet avait emporté la cuisse et que le marquis retirait du champ de bataille. Le régiment d'Hervilly avait comparativement peu souffert, mais ceux de la Marine et de du Dresnay étaient brisés. Et la cavalerie, républicaine, sûre maintenant de tenir la victoire, descendait des hauteurs en poussant de grands cris. D'Hervilly donne l'ordre de la retraite. En ce moment, il est frappé d'un biscaïen dans la poitrine, et, un instant après, l'aide de camp, chargé de porter l'ordre aux colonnes de droite, est tué dans le trajet. Alors se produisit ce fait étrange, que tandis qu'on sonnait la retraite à gauche, on continuait à battre la charge à droite. La déroute commença. Des huit canons qui se trouvaient enfoncés dans le sable, cinq furent pris. Sur soixante-douze officiers, le seul régiment de la Marine en laissa cinquante-trois sur le champ de bataille. Les dragons et les hussards républicains, lancés à la poursuite de l'armée royaliste, se jetèrent si avant dans ses rangs et, avec une intrépidité si téméraire, que la plupart y périrent. Puisaye en vit deux tués sous ses yeux à la baïonnette par un volontaire de Royal-Émigrant. Il demanda son nom, et apprit que c'était un frère de Charlotte Corday[120].

L'expédition de Vauban avait manqué. Débarqué à Carnac avec l'amiral Warren, qui s'était offert à être de la partie, la présence du chef de brigade Romand à la tête de quelques colonnes mobiles l'avait forcé à regagner ses chaloupes à la hâte[121]. Ce fut un bonheur pour les royalistes, parce que le retour de Vauban, au moment même où ils se pressaient vers les forts, lui permit de se jeter dans les ouvrages avancés pour y protéger la retraite que l'amiral Warren protégea bien mieux encore, en formant de tous les bateaux qui portaient du canon lesquels furent embossés avec beaucoup de célérité, une batterie formidable. On doit à ce hasard, écrit Vauban[122], que les forts n'aient pas été pris ce jour-là.

En apprenant que d'Hervilly était blessé, Puisaye avait prié Sombreuil de se charger de la retraite ; mais la confusion était telle, que les talents militaires qui avaient acquis à ce dernier tant de réputation parmi les royalistes ne lui fournissant aucune ressource, il répondit : Il n'y a rien à faire[123].

La joie de cette victoire fut empoisonnée pour le général Hoche, qui, du reste, se trouvait absent le jour du combat[124], par la perte qu'il y fit de l'adjudant Dejeu, son ami le plus cher, et par la nouvelle que des mains avides avaient dépouillé le corps de ce brave officier, trouve sanglant sur le champ de bataille. Il y a quelque chose de touchant dans les lignes suivantes que Hoche fit publier à l'ordre : Le général prie les personnes qui auraient des effets au général Dejeu, de les lui remettre : il les payera ce qu'on lui demandera[125].

Pendant que ces choses se passaient, Tinténiac se laissait attirer au château de Coëtlogon, par un billet lui annonçant que, là, des dames étaient chargées de lui transmettre les ordres du roi. Il y trouva ces ordres et la mort, l'entrevue ayant été troublée par une brusque attaque des républicains, qu'il courut repousser et qui lui coûta la vie.

On lit dans le manuscrit de Puisaye :

M. de Tinténiac avait pour second M. de Pontbellangé, homme adroit, qui était sous l'influence des agents du roi, et qui, connaissant son goût pour les combats, l'entraînait loin de son objet, à des attaques de villes et villages bons à piller. Dans une de ces attaques, M. de Tinténiac fut tué. Pontbellangé lui succéda, sortit du Morbihan, marcha sur Saint-Brieuc, où son ami le chevalier de Lavieuville, autorisé par les agents du roi, l'appelait. Enfin ce M. de Pontbellangé, lassé des représentations de Georges pour le ramener à son objet, finit par déserter secrètement son armée, accusé d'en avoir dérobé la caisse, qui contenait les sommes provenues du pillage[126].

 

Cela s'appelait défendre la cause de Dieu et du roi !

L'ordre de marcher sur Saint-Brieuc avait aussi été envoyé par les agents de Paris à la bande de Jean-Jean et Lantivy. Mais c'était l'époque de la récolte ; elle appelait les Chouans aux champs qu'ils avaient semés, et ils jetèrent l'épée pour la faucille[127].

Ainsi joué par les meneurs royalistes, ses rivaux, vaincu par les républicains, et comme prisonnier dans Quiberon, Puisaye se rongeait le cœur. Pour pousser l'Angleterre à quelque chose de décisif, que n'avait-il pas fait ? Il avait écrit à Windham : Tous les yeux sur le rivage sont fixés sur l'Angleterre. Votre nom est dans toutes les bouches, il est dans tous les cœurs ![128] Il écrivait à Pitt, après la déroute du 16 juillet : Il est indispensable que je conserve la presqu'île qui, en vous donnant un port assuré dans cette partie, nous ouvre avec vous une communication sûre, à laquelle rien ne peut s'opposer[129]. Dans une autre de ses lettres à Windham, on lit cette phrase extraordinaire : Envoyez en abondance les objets de première nécessité ; hâtez-vous, monsieur, et, je vous le répéterai toujours, la France est à vous ![130]

De plus, il mandait au gouvernement britannique, soit que ce fût vrai, ou qu'il se crût intéressé à le faire croire : J'ai ouvert des communications avec le général Canclaux. J'en aurai forcément une réponse sous huit jourset aussi avec des membres de la Convention dont je connais l'opinion[131].

Mais l'Angleterre elle-même, quoiqu'il n'ait jamais osé se l'avouer ou l'avouer, lui faisait défaut. Des pelles, des pioches, des tenter d'un nouveau modèle, voilà ce que, d'une main libérale, le ministre Dundas lui envoyait. Mais ce que Puisaye désirait le plus était précisément ce qui n'arrivait pas. Il avait beau écrire lettres sur lettres, pour qu'on lui fît passer un renfort de troupes britanniques avec le comte d'Artois à leur tête ; il avait beau affirmer — tant il connaissait peu son pays ! — que la présence d'un pareil renfort serait décisive ; il avait beau tracer ces lignes honteuses : Je préférerais maintenant deux mille Anglais à six mille Français[132], ses supplications se heurtaient à toutes sortes de prétextes : tantôt, le corps de lord Moira, qui devait servir d'escorte au comte d'Artois, était prêt, mais le prince ne l'était pas ; tantôt un renfort de trois mille Anglais, commandé par le général Graham, se trouvait retenu loin des côtes de France par les vents contraires[133].

En attendant, tout n'était, dans Quiberon, que jalousies réciproques, défiances, découragement ; d'Hervilly se mourait de sa blessure ; beaucoup ne parlaient plus que d'aller en Vendée ; et ceux des soldats qui, captifs parmi les Anglais, ne s'étaient laissé enrôler que par le désir d'être libres[134], brûlaient de courir se ranger sous les drapeaux de la République, leur secrète idole, et de la France, leur mère.

Une conversation qui, sur ces entrefaites, fut hautement racontée dans la presqu'île, y fit germer dans un assez grand nombre d'esprits l'idée d'une capitulation. Des officiers royalistes étant un jour sortis du fort pour se promener sur la Falaise, aperçurent de loin quelques républicains qui en faisaient autant. Tout à coup, un de ces derniers met un mouchoir blanc au bout de son épée, et deux d'entre eux s'avancent comme pour un entretien amical. C'était le général Humbert, accompagné d'un capitaine de dragons. Aussitôt, du côté des royalistes, le comte de Vauban et le marquis de Contades se portent en avant ; on s'aborde, la conversation s'engage. Il y eut échange de paroles plus que polies. Humbert, qui, depuis les conférences de la Jaunaye, se croyait destiné au rôle de négociateur, demanda d'un air affligé pourquoi l'on se battait, ajoutant qu'il vaudrait mieux être d'accord ; que Tallien était à Lorient ; que, si on lui écrivait, les choses pourraient s'arranger ; qu'il était affreux de penser à tant de braves officiers de marine qu'avait moissonnés la journée du 16 juillet ; que c'était là une grande perte pour la France. De son côté, le marquis de Contades parla de ce qui était contenu dans les forts comme d'une richesse que des Français, au lieu de se battre les uns contre les autres, feraient bien mieux de se partager. Cet entretien, auquel Vauban mit fin brusquement, le jugeant dangereux et impolitique, fut connu, et servit, peut-être, à affaiblir parmi les royalistes la résolution de ne mourir que l'épée au poing[135].

Ce qui est sûr, c'est que, ce jour-là, Hoche adressait au général Drut cette recommandation énergique : Ne mangez, ne buvez, ne dormez, que la batterie de 24 ne soit établie[136].

Il était pressé de vaincre : des transfuges lui en fournirent le moyen.

Le fort Penthièvre, qui défendait l'entrée de la presqu'île, s'élevait sur un rocher couvert d'un tuf sablonneux et d'un talus susceptible d'être gravi dans tout son pourtour. Le feu du fort, uni à celui du camp retranché, suffisait pour couvrir la Falaise, sans compter que les chaloupes canonnières de l'amiral Warren étaient là, prêtes à la balayer, au besoin. Mais la mer basse laissait à sec de chaque côté une plage de quatre cents toises de largeur, par laquelle il était aisé de tourner et le fort et les ouvrages[137]. Si donc un siège régulier était impossible, une surprise ne l'était pas.

Les renseignements de nature à en assurer le succès furent portés à Hoche par deux sergents-majors, nommés Nicolas Litté et Antoine Mauvage, un certain David, natif de Dieppe, et d'autres, dont le rapport de Tallien, qui cite ceux-là, ne nous a pas conservé les noms[138]. La désertion de ces hommes témoignait assez de leur détermination ; car il leur avait fallu se laisser couler un à un le long des rochers à l'ouest du fort Penthièvre, se jeter dans la mer à la marée basse, et parcourir un espace de plus d'une demi-lieue, ayant de l'eau jusqu'à la poitrine[139].

Le 2 thermidor (20 juillet), à dix heures du soir, Vauban monte à cheval, pour aller visiter les postes avancés. La nuit était très-noire, il pleuvait. Vauban, inquiet, recommanda la plus stricte vigilance[140]. Puisaye en fit de même, et, retournant à son quartier général, qui était à quatre lieues du fort Penthièvre, se mit au lit[141].

Pendant ce temps, Hoche formait son plan d'attaque.

Avec lui était Tallien, qui, engagé plus avant qu'il n'avait cru par ses rapports avec les agents de Paris, trompé sur l'étendue de leur influence, et craignant les suites de leur perfidie, s'était fait envoyer, avec Blad, dans le Morbihan, pour mieux mettre à l'abri des soupçons son zèle contre les royalistes[142]. Et ce zèle, il s'étudiait, en l'outrant, à le faire paraître sincère[143].

Une nuit orageuse se prêtait admirablement à une surprise : on résolut de ne pas perdre un moment. Une colonne d'élite, commandée par l'adjudant général Ménage, reçoit ordre de filer par la droite le long de la mer, jusqu'au pied du fort, de l'escalader, de s'en emparer, tandis qu'une autre colonne, sous le commandement du général Valletaux, attaquerait de front, et qu'une troisième, sous la conduite des généraux Humbert et Botta, tournerait le fort par la gauche en suivant la lesse de basse mer[144].

Il était onze heures du soir, quand les troupes républicaines s'ébranlèrent. L'avant-garde s'avance dans les ténèbres, suivie par le reste de l'armée, qui marchait à pas lents et en silence. Ménage passe les avant-postes, guidé par quatre transfuges, vêtus de l'uniforme rouge sous lequel ils avaient déserté, et, à la tête de ses intrépides grenadiers, il entre dans la mer. Elle montait ; la pluie tombait à grands flots, et un vent impétueux la jetait au visage du soldat. Heureusement, le bruit des vagues soulevées par la tempête couvrait celui de la marche des hommes dans la mer. Ménage et les siens, ayant de l'eau jusqu'à la ceinture, longent le fort, arrivent au pied du rocher qui en défend la gauche, s'efforcent de le gravir. Les quatre guides se sont fait connaître. Ceux de leurs compagnons qui étaient dans le secret tendent aux assaillants la crosse de leurs fusils, les aident à monter. C'en est fait : les républicains sont dans la place. En cet instant, de Folmont, commandant du fort, sortait pour faire sa ronde : il se trouve au milieu des assaillants, qui gardaient un profond silence, recule, crie aux armes et tombe mort. Aucun de ceux qui dormaient là dans cette nuit terrible ne se réveilla[145].

Cependant, la colonne centrale, celle qui s'avançait le long de la Falaise, a été aperçue par quelques canonniers toulonnais de service aux premières batteries, au moment où le jour commençait à poindre ; et aussitôt le canon du fort se fait entendre dans la direction de la Falaise. Ce bruit donnant l'éveil à une chaloupe canonnière anglaise postée dans le voisinage, elle découvre à son tour la colonne de gauche que conduisait Humbert, et fait feu. Cette colonne, dans les rangs de laquelle marchait le célèbre auteur de la Marseillaise, Rouget de Lisle, était sans défense contre la mitraille : elle se disperse, les uns se portant du côté de Sainte-Barbe, les autres vers la division centrale[146]. Mais là aussi l'artillerie du fort avait mis le désordre ; et déjà les soldats reprenaient le chemin de leurs lignes, lorsque tout à coup un cri retentit : Un détachement des nôtres a pénétré. Ils lèvent les yeux vers le fort : le drapeau tricolore y flottait à la place de l'étendard royaliste. En cet instant même, le général Botta reçoit une blessure mortelle, et tombe en criant : Vive la République ![147] Quelques-uns racontent que, pour mieux animer les soldats, le général Lemoine les gourmanda en ces termes : Lâches, vous fuyez, et nous sommes maîtres du fort ![148] Eux, pour toute réponse, courent sur les batteries la baïonnette en avant, s'en emparent, entrent dans le fort à leur tour. Ce fut alors que la première compagnie du bataillon d'Hervilly s'y présenta. Cantonné à K'ostein, à un quart de lieue du fort Penthièvre, ce bataillon s'était mis en marche, au premier bruit de l'attaque, croyant aller défendre le fort. La première compagnie est taillée en pièces. De la seconde, qui suivait, une partie prend la fuite, le reste se joint aux assaillants, au cri mille fois répété de : Vive la République ! Le lieutenant-colonel, comte d'Attilly, fut tué en arrivant, et tué par ses propres soldats. Le comte de Grammont et le lieutenant Saint-Didier ne purent pas même, selon le mot douloureux de Vauban, se faire tuer[149] !

Puisaye, qui, au bruit, s'était élancé de son lit, accourait, lorsqu'un hussard lui apporte la sombre nouvelle. Désespéré, il tourne bride et prend le chemin du quartier de Sombreuil, placé à plus de deux lieues de là. Beaucoup de pauvres paysans le suivaient, pâles, éperdus, et courant presque aussi vite que les chevaux qui l'emportaient, lui et son escorte[150].

Averti, à son tour, par le canon, Sombreuil avait mis sa division sous les armes, et s'avançait. Mais à peine avait-il fait un quart de lieue, qu'il vit paraître des centaines d'hommes qui, échappés au carnage, arrivaient tout couverts de sang. Il se retourne vers les siens, le visage bouleversé, et leur dit, avec un trouble qu'il ne cherchait pas à cacher : Mes amis, le fort est pris, mais nous allons le reprendre à la baïonnette. Replions-nous sur nos camarades, qui tout à l'heure vont nous rejoindre[151]. En effet, la division de Sombreuil ne se fut pas plutôt repliée, qu'elle rencontra les régiments de Béon et Damas, postés plus loin, en arrière du fort Penthièvre[152].

Malheureusement pour les royalistes, il y avait parmi eux beaucoup de femmes de la campagne, qu'avaient attirées dans la presqu'île, soit la curiosité, soit le désir d'apporter des vivres à leurs maris. Hoche ayant pris position à la tête de l'isthme, elles n'avaient pu ressortir. A l'aspect des malheureux qui revenaient du fort défigurés et sanglants, ces femmes prennent la fuite, les unes portant dans leurs bras leurs bagages, les autres pressant leurs enfants contre leur sein, et toutes remplissant l'air de cris lamentables. Les soldats républicains ne tardèrent pas à se montrer ; et, alors, plus de trois mille Chouans se mirent à fuir, comme les femmes, dans la direction du petit fort Saint-Pierre, jetant au loin leurs fusils, se dépouillant de leurs habits rouges[153], et maudissant le jour qui avait jeté les émigrés sur leurs côtes[154].

Puisaye, en abordant Sombreuil, le trouva très-inquiet et très-étonné de ne voir arriver ni les chaloupes armées ni celles de débarquement. Puisaye avait déjà envoyé un pilote nommé Rohu à sir John Warren, pour lui demander la protection de ses chaloupes : il ordonne au marquis de la Jaille d'aller chercher une réponse, et ce dernier part. Le temps s'écoulait. Les inquiétudes de Sombreuil redoublant : Au nom de Dieu, dit-il à Puisaye, — s'il faut en croire celui-ci — allez trouver vous-même le commodore. Cela est nécessaire au salut de tout ce qui reste ici d'honnêtes gens. Puisaye répondit — toujours d'après ce qu'il assure : Eh bien, j'y consens. Songez à conduire votre retraite sur le port Aliguen avec assez de mesure pour que les chaloupes aient le temps d'arriver et que l'embarquement s'effectue avec le plus d'ordre possible. Faites embarquer le régiment de la Marine le premier. Par-dessus tout, gardez-vous de croire qu'on puisse traiter avec l'ennemi. Quelque capitulation que vous offrissent ces gens-là, vous et vos officiers n'en seriez pas moins massacrés[155]. Il se rendit sans plus de délai au port Aliguen, où il rencontra le marquis de la Jaille, qui n'avait pu encore s'embarquer. Ils montèrent sur des bateaux séparés, et se dirigèrent vers la Pomone, où le marquis de la Jaille arriva le premier, le patron du bateau qui portait Puisaye n'ayant voulu mettre qu'une de ses voiles, à cause de la violence du vent et de l'agitation de la mer[156].

Une lettre de Sombreuil, dont il sera question plus loin, donne au récit de Puisaye un démenti terrible. En tout cas, même en supposant que le motif qui le décida, comme il l'affirme, à partir, fût le désir de sauver sa correspondance et les secrets redoutables qu'elle contenait, il faut le plaindre de n'avoir pas compris qu'il pouvait, qu'il devait confier ce soin à un autre : pour lui, l'auteur et le chef de cette fatale entreprise, il n'y avait de possible qu'une de ces deux choses : être le dernier à quitter le rivage, ou mourir.

Pendant ce temps, les grenadiers républicains pénétraient dans la profondeur de la presqu'île, chassant devant eux la foule éplorée des femmes, des enfants et des vieillards.

Sombreuil, qui battait en retraite, fait halte aussitôt qu'il se trouve avoir atteint le port Aliguen, et dispose ses troupes dans une position assez favorable. Il avait autour de lui les restes des régiments de la Marine, de du Dresnay, d'Hervilly et de Royal-Émigrant, ne formant pas moins de 3.500 hommes. Or, les républicains envoyés à sa poursuite s'élevaient à peine au nombre de 700 hommes, Hoche ayant sans doute jugé ce nombre suffisant pour délivrer la presqu'île, et ne voulant pas tout exterminer[157]. Le combat commence. Mais, parmi les royalistes, les gémissements des femmes, les cris des enfants, avaient troublé le cœur des plus intrépides. A une demi-lieue derrière eux était le fort Saint-Pierre. Une partie des soldats de Sombreuil prend la fuite de ce côté ; le torrent de la déroute entraîne les autres, et tous arrivent pêle-mêle au fort Saint-Pierre[158]… Au delà, c'était l'Océan.

Les républicains avançaient toujours.

Nous avons laissé Puisaye à bord de la Pomone. Son récit manuscrit contient le saisissant passage que voici : Je trouvai sir John Warren très-irrité de ce que, malgré les signaux qu'il avait réitérés depuis l'arrivée de Rohu, les transports n'eussent point mis leurs chaloupes à la mer ![159] Il fallut répéter le signal[160] ; les chaloupes canonnières se mirent enfin en mouvement, et la corvette anglaise l'Alouette, embossée à demi-portée du rivage, commença son feu.

Hoche était, en ce moment, devant le fort Saint-Pierre, à la tête de ses grenadiers, qu'il avait rangés en bataille dans un fond, de manière à les mettre à l'abri du feu des Anglais[161]. Amis, crie-t-il aux siens, prenez haleine, et finissons-en. Puis, s'adressant à un petit tambour, qui était près de lui : Toi, tiens-toi prêt à battre la charge[162]. Voyant Rouget de Lisle très-ému à l'idée de ce qui allait se passer, et probablement plus ému lui-même qu'il n'osait le paraître : Eh bien, allez leur signifier de rendre les armes, ou qu'ils seront jetés à la mer. Il ajouta : Qu'ils fassent cesser le feu des Anglais. Si je perds un homme, ils sont tous morts[163].

Rouget de Lisle pousse son cheval vers le fort. Une affreuse agitation y régnait. A son approche, beaucoup accourent au bord du rocher. Il leur transmet les paroles de Hoche. Une voix cria : Eh, monsieur, vous voyez bien que les Anglais tirent sur nous comme sur vous ![164] C'était calomnier, non pas les Anglais seulement, mais l'espèce humaine. Au même instant, Rouget de Lisle entendit derrière lui le galop d'un cheval, et vit paraître Ménage qui accourait le sabre à la main, la tête enveloppée d'un mouchoir blanc. Les royalistes profitant du répit qui leur était laissé, pour se précipiter vers le petit nombre de barques à leur portée, Ménage s'en plaint avec colère, et s'écrie : N'y a-t-il donc plus que des émigrés parmi vous ? N'y a-t-il plus de Français ? Beaucoup[165] s'élancent, en entendant ces mots, au bord de la roche, se jettent à corps perdu dans la plaine et entourent Ménage, que plusieurs prirent pour le général Humbert[166].

Il paraît certain que quelques soldats républicains, saisis d'horreur et de pitié, à l'idée d'égorger des Français, eux Français, sous les yeux d'une flotte anglaise, crièrent : Rendez-vous, on ne vous fera rien ; et si ce cri fut, plus tard, nié par Hoche, c'est qu'il ne l'entendit pas, le mensonge étant impossible à des hommes de sa trempe. Mais, ce qui est encore plus certain, c'est que les émigrés n'eurent que trop l'occasion de connaître d'avance le sort qui les attendait. Le chevalier de Chalus raconte avoir entendu un officier républicain leur dire : Si vous vous rendez, vous serez tous fusillés. Sauvez-vous, sauvez-vous ! Et sur l'observation de Chalus qu'il n'y avait point de barques, l'officier républicain répondit avec une émotion profonde : Je ne puis vous en dire davantage. Ah ! malheureuse opinion, que tu vas faire de victimes ![167]

Quant à cette prétendue capitulation dont on a tant parlé depuis, et qui, malgré les dénégations formelles de Hoche[168], malgré celles de Rouget de Lisle[169], est restée au nombre des points historiques débattus, le passage suivant du manuscrit du chevalier de Chalus nous semble résoudre définitivement la question.

..... Un instant après, MM. de Sombreuil et Humbert, — l'auteur prend ici Ménage pour Humbert — se séparèrent. M. de Sombreuil, passant devant le front du fort, nous dit : Mes amis, sauvez-vous, ou mettez bas les armes. En prononçant ces mots, il allait fort vite. Je sautai à la bride de son cheval, et l'arrêtai en lui disant : Général, comment l'entendez-vous ? Avez-vous fait des conditions ? Est-ce que les émigrés ne seront pas fusillés ? Comme j'achevais de prononcer ces paroles, le hussard de M. de Sombreuil, qui était Allemand, me déchargea un coup de sabre, que je parai, en menaçant cet homme de le tuer. M. de Sombreuil lui parla aussi, et me dit : Mon ami, nous sommes perdus, sauvez-vous. Je répondis : Cela n'est pas possible, il ne paraît pas de chaloupes. M. de Sombreuil aussitôt piqua des deux vers la côte, s'élança sur un rocher, et s'efforça de se précipiter dans la mer ; mais son cheval prit le mors aux dents, et sauta sur la terre à dix pas. Il est donc écrit que je ne périrai pas dans les flots ! s'écria Sombreuil, et il retourna avec la même vitesse[170].

 

De fait, il n'y eut pas de capitulation, et il ne pouvait y en avoir : il y eut sommation de mettre bas les armes, sous peine d'un massacre immédiat, sommation à laquelle se mêlèrent des cris de : On ne vous fera rien, adressés à ceux qui n'étaient pas émigrés, et proférés çà et là par des voix inconnues. A des Français combattant contre leur pays sous le drapeau de l'étranger, et pris les armes à la main, la loi n'accordait pas de quartier : quel général eût osé se mettre, en cette circonstance, à la place de la loi ! Aussi, quand le chevalier de Chalus demanda à Sombreuil : Avez-vous fait des conditions ? Est-ce que les émigrés ne seront pas fusillés ? que répondit Sombreuil ? Rien, et, ne songeant plus qu'à se sauver, il poussa son cheval vers la mer.

Ce qui est vrai, c'est que, par une illusion bien concevable, beaucoup, parmi les royalistes, crurent réellement qu'ils auraient la vie sauve, s'ils se rendaient. Lorsque Boson de Périgord, envoyé pour faire cesser le feu des Anglais, aborda sir John Warren sur la Pomone, il lui dit expressément que Sombreuil avait fait une capitulation honorable. Puisaye, qui n'y croyait pas, pressa le commodore de continuer le feu[171], et l'y aurait probablement décidé, si un officier de marine, nommé de Géry[172], ne fût venu à la nage dire à l'amiral anglais, de la part de Sombreuil, que, si le feu ne cessait, tout allait être égorgé. Sir John donna l'ordre sollicité, mais il envoya à terre le lieutenant Cotton avec un billet que le marquis de la Jaille écrivit et qui était conçu en ces termes : Le commodore demande quelles sont les conditions de la capitulation[173]. Hoche renvoya le billet, en disant : Qu'une pareille missive ne méritait pas de réponse[174].

Au reste, l'illusion dont beaucoup de royalistes se bercèrent, fut loin d'être partagée par tous ; et la preuve, c'est que plusieurs d'entre eux refusèrent de se rendre, et furent massacrés sur-le-champ ; d'autres se retirèrent dans les rochers et se jetèrent sur la pointe de leurs épées ; d'autres enfin se précipitèrent dans les flots et y périrent[175].

Vauban avait prévenu Sombreuil qu'il n'y aurait pas de quartier : préférant, quant à lui, le risque d'être noyé à la certitude d'être fusillé, il entra dans la mer[176].

Jamais plus lamentable spectacle ne s'offrit au regard des hommes ! Là étaient déjà, luttant avec angoisse contre les flots qu'ils dépassaient à peine de la tête, près de dix-huit cents royalistes : officiers, soldats, paysans, parmi lesquels des femmes. Tout ce que l'escadre anglaise pouvait pour leur salut, elle le fit ; et si le tardif envoi des chaloupes fut un malheur, la faute n'en doit pas être attribuée à sir John Warren, dont on a vu que les signaux ne furent pas exécutés. Quant à lui, sa conduite fut jusqu'au bout d'une loyauté parfaite, et son zèle trouva de dignes émules dans plusieurs de ses officiers, et notamment dans le capitaine Keats. Ceux qui ont prétendu le contraire, ont trahi la vérité. Mais, hélas ! les embarcations n'approchaient qu'avec une peine infinie, repoussées qu'elles étaient par la marée et parle vent. Et puis, la crainte d'exposer les bateaux à chavirer en recevant une charge trop lourde les retenait forcément à quelques pas du rivage. Il fallait y arriver en fendant les vagues ; il fallait pouvoir saisir à temps le cordage, la perche ou l'aviron que tendaient à ces infortunés les matelots envoyés à leur secours. Ceux qui avaient des amis parmi les Anglais, les appelaient à grands cris ; les généraux royalistes, tenant au-dessus des eaux leurs chapeaux surmontés d'un panache blanc, l'agitaient en l'air pour se faire reconnaître de ceux de l'escadre. Il y eut des scènes effroyables. Un ancien page du prince de Condé, nommé Rouxeville, se sauvait à la nage. Il atteint une chaloupe et en saisit le bord de la main droite : un coup de sabre le force à lâcher prise ; de la main gauche, il s'accroche au bordage : un autre coup de sabre lui abat la main, et il est englouti dans les flots. Plusieurs périrent de cette manière. C'était, dans toute son horreur, un naufrage, et pis qu'un naufrage ; car de la côte, on faisait feu sur les têtes qui se mouvaient au-dessus de l'abîme[177] !

Le fort Saint-Pierre était évacué, lorsque Tallien et Blad s'y présentèrent. Un aide de camp, qui les attendait à l'entrée, leur rapporta qu'à l'extrémité de la plate-forme, élevée à pic de plusieurs toises au-dessus de la mer, il avait rencontré un jeune homme d'une beauté frappante, qui demandait à avoir un entretien avec Hoche. Ce jeune homme était Sombreuil. L'entrevue qu'il désirait lui fut accordée ; et Rouget de Lisle, qui a conservé ces détails à l'histoire, écrit : En débouchant sur la plate-forme, nous vîmes Hoche et Sombreuil qui se promenaient paisiblement l'un à côté de l'autre, tout au bord du rocher, Hoche le plus près du bord ; de sorte que, d'un coup de coude, le chef royaliste pouvait précipiter le général républicain, de cinquante ou soixante pieds, dans la mer[178].

Mais ils avaient l'âme trop haute, l'un pour commettre cet acte de trahison, l'autre pour le craindre.

Hoche présenta Sombreuil aux deux représentants. Blad ayant assez inconsidérément nommé la sœur de Sombreuil : Monsieur, lui dit ce dernier, les malheurs de ma famille sont connus, il m'a dû être permis de les venger. Tallien répliqua avec calme et dignité : Nous et les nôtres, nous avons été ou failli être les victimes des horreurs dont vous parlez ; cela ne nous a point engagés à prendre les armes contre notre patrie. Selon le récit de Rouget de Lisle, qui était présent, Sombreuil ne répondit que par un geste de résignation[179]. Il aurait voulu qu'on lui permît de se rendre, pour une heure, sur la flotte, afin, disait-il, d'aller démasquer les auteurs de la catastrophe. Sur le refus de Tallien, et sur l'observation de Hoche qu'il était prisonnier, il détacha son sabre, en tira la lame, et, après l'avoir portée à ses lèvres, la remit à Tallien[180].

Le 8 juillet, le marquis de la Jaille avait écrit à Windham, au sujet des prisonniers républicains :

J'oubliais, monsieur, de vous dire, par l'ordre du général en chef (Puisaye), que les prisonniers qui seront transférés en Angleterre ne sont, par aucune raison, susceptibles d'indulgence... Le général Puisaye a protégé tous les prisonniers qui vous sont envoyés, mais sa pitié ne va pas jusqu'à pardonner au crime, et ce n'est pas trop que d'exiger de votre justice que vous confondiez, dans les prisons, les officiers qui ont refusé de prêter serment de fidélité au roi avec les scélérats dont les excès ont prononcé l'arrêt[181].

 

Or, d'après un témoignage royaliste, les émigrés faits prisonniers à Quiberon traversèrent l'armée républicaine sans entendre un seul mot qui insultât à leur malheur ou fût de nature à l'aggraver[182]. Tel était le sentiment d'humanité qui animait les soldats républicains, qu'on en vit plusieurs escorter de vieux chevaliers de Saint-Louis, les soutenir, les aider à marcher, et donner leurs shakos à ceux dont la tête chauve était exposée nue aux injures de l'air[183]. D'autres s'empressèrent de partager leurs rations de pain noir avec les prisonniers[184]. Les femmes chouannes, leurs enfants, furent mis en liberté, et cette mesure fut accueillie dans l'armée avec la joie la plus généreuse[185].

Enfin l'escadre anglaise s'éloigna de ces côtes ensanglantées ; et, le 6 thermidor (24 juillet), Hoche écrivit au Comité de salut public[186] : Quiberon offre à l'œil le spectacle du port d'Amsterdam. Il est couvert de ballots, de tonneaux, de caisses remplies d'armes, de farine, de légumes secs, de vins, liqueurs fortes, sucre, café, etc. Il paraîtra surprenant qu'un bataillon d'infanterie se soit emparé de bâtiments chargés de riz, de légumes, de sucre : ce fait est cependant réel.

Puisaye avait apporté plus de dix milliards de faux assignats : il furent déchirés en morceaux et foulés aux pieds par les soldats[187].

Des prisonniers, l'on forma deux colonnes, qui furent dirigées sur Auray, l'une le 21 juillet, et l'autre deux jours après. Sombreuil et l'évêque de Dol faisaient partie de l'une d'elles[188]. On avait à cheminer dans un pays où le royalisme dominait, le long d'une route bordée de haies et de fossés, et six cents républicains seulement avaient charge d'escorter plus de trois mille royalistes. Plusieurs s'évadèrent. Les autres n'essayèrent même pas de se dérober à leur sort, quoique l'attitude de l'escorte semblât les y inviter. Le chevalier de Chalus raconte qu'un de ceux qui les conduisaient lui dit : Sauvez-vous, monsieur, sauvez-vous ! Il y a déjà assez de victimes ![189]

Quand la seconde colonne arriva à Auray, il était neuf heures du soir. Nulle part en France le royalisme ne comptait plus de partisans qu'à Auray. Aussi l'émotion y fut-elle extrême quand les prisonniers y parurent. Toutes les femmes étaient aux fenêtres avec des flambeaux ; et l'expression de leurs visages disait assez de quel sentiment leurs cœurs étaient agités[190]. On plaça d'abord Sombreuil et ses compagnons dans une église ; mais, le lendemain, les officiers, séparés des soldats, furent transférés dans une maison d'arrêt, où les habitants d'Auray vinrent de toutes parts leur apporter du vin, des fruits, des fleurs, que les soldats de garde leur remettaient avec la plus grande fidélité[191].

Hoche avait demandé au Comité de salut public qu'on épargnât ceux qui n'étaient pas chefs ; et il était certes au pouvoir de la Convention, puisqu'elle faisait la loi, d'en adoucir, en cette occasion, la rigueur. Mais Tallien était là ! Rouget de Lisle, qui l'avait accompagné lorsqu'il se rendait à Quiberon, et l'accompagna lorsqu'il revint à Paris, assure que, pendant la route, il se montra fort enclin à la douceur, mais qu'une fois à Paris il changea de dispositions, ayant reçu des renseignements qui lui firent craindre de s'être compromis avec les royalistes.

Ce qui est certain, c'est que le 9 thermidor (27 juillet), jour anniversaire de la chute de Robespierre, et pendant qu'on la célébrait en grande pompe, Tallien courut renouveler, à la Convention, la mise en scène qui, un an auparavant, lui avait si bien réussi. Au milieu de son rapport, il saisit un. poignard, et le faisant briller du haut de la tribune, il s'écrie : Il faut apprendre à toutes les nations qu'un animal ayant été frappé de ce poignard, il a été vérifié que la blessure était empoisonnée. Il affirma que c'était là l'arme dont tous ces chevaliers étaient armés[192]. Le rapport, d'une violence étudiée, contenait ces mots significatifs : En vain nous envoient-ils des parlementaires. Qu'y avait-il de commun entre nous que la vengeance et la mort ?[193]

Les Thermidoriens, qui, dans les royalistes, leurs alliés de circonstance, avaient fini par craindre d'avoir des maîtres, applaudirent ; et ceux des royalistes déguisés qui avaient aidé les Montagnards, ennemis de Robespierre, à le renverser, se continrent, n'osant se donner pour ce qu'ils étaient, dans un moment où le royalisme venait d'être écrasé. Ce fut là ce qui décida de la vie des prisonniers faits à Quiberon.

Le 10 thermidor (28 juillet), un officier de gendarmerie alla chercher, à Auray, Charles de Sombreuil, Joseph de Broglie ; de La Londel, chef des Chouans ; l'évêque de Dol, et quatorze prêtres. Ils furent conduits à Vannes[194].

Pour juger ceux qu'on laissait à Auray, on forma, dès le lendemain même, une commission militaire dans laquelle il fallut appeler des Belges et d'autres étrangers, par suite de la répugnance des officiers français à y siéger[195].

Hoche s'était éloigné d'un théâtre où il y avait à frapper, alors qu'il n'y avait plus à combattre ; mais avant de partir, il tenta de soustraire à la mort Sombreuil dont la jeunesse, le courage et les grandes qualités d'âme l'avaient profondément ému. Les prisonniers avaient été renfermés dans la cathédrale de Vannes : pendant la nuit, Borelli, aide de camp de Hoche, y pénétra, et s'approchant de Sombreuil, qui était couché sur un matelas, près du maître-autel, il lui proposa de la part de son général de faciliter sa fuite. A ces offres, Sombreuil répondit : Je suis prêt à partir si je puis emmener avec moi tous mes compagnons ; sinon, je reste. J'ai quitté pour venir une femme que j'adore et que j'allais épouser, mais je dois l'exemple à mes soldats : à la bataille, comme à la mort, je marcherai le premier[196].

Après le départ de Hoche, ce fut au général Lemoine qu'échut le triste soin de présider aux exécutions. Le 30, il arrive à Auray, menace de faire fusiller tout militaire qui refusera de faire partie d'une commission, casse celle d'Auray, et en établit trois autres, une pour cette dernière ville, une seconde pour Quiberon, et la troisième pour Vannes, où il y en avait déjà une, qui venait de juger l'évêque de Dol et Sombreuil[197].

L'exécution de ces infortunés, telle que le tableau en est tracé dans une lettre envoyée à Chaumereix par une femme qui l'aimait, présente quelques détails d'un intérêt navrant. Comme on liait aux condamnés les mains derrière le dos, Sombreuil, quand vint son tour, se récria contre cette humiliation. Votre roi a bien été attaché, lui dit-on, et il se soumit. On conduisit les condamnés sur la place publique de Vannes, appelée la Garenne. Sombreuil marchait le premier. Arrivé au lieu de l'exécution, il refusa de se mettre à genoux. L'évêque de Dol demanda qu'on lui découvrît la tête. On présenta un bandeau à Sombreuil. Non, dit-il, j'aime à voir mon ennemi. Lorsque les soldats le mirent en joue, il leur cria : Visez plus à droite, vous me manqueriez. Ces mots étaient à peine prononcés, qu'il tomba mort[198].

Quelques-uns racontent[199] que, devant ses juges, il avait invoqué la protection de cette capitulation dont les royalistes firent alors et ont fait depuis tant de bruit. Pour l'honneur de Sombreuil lui-même, il faut douter de cette circonstance. S'il s'était cru en droit d'invoquer une capitulation, c'est ce qu'il n'eût certes pas négligé de faire en termes formels dans la lettre que, le 4 thermidor (22 juillet) il avait, pour sauver ses compagnons, adressée à Hoche. Or, voici, sur le point en question, ce que contient cette lettre.

Toutes vos troupes se sont engagées envers le petit nombre qui me restait, qui aurait dû nécessairement succomber[200]. Mais, monsieur, la parole de tous ceux qui sont venus dans les rangs la leur donner doit être sacrée pour vous. Je m'adresse à vous pour la faire valoir. S'ils ne doivent pas y compter, veuillez m'annoncer leur sort[201].

 

On le voit, Sombreuil, en termes très-obscurs et très-embarrassés, fait ici allusion à des promesses qu'il ne spécifie pas, émanées d'hommes qu'il ne peut nommer ; mais d'une capitulation arrêtée entre lui et Hoche-capitulation dont il n'aurai t pas manqué, si elle eût existé, de rappeler à Hoche, d'une manière précise, et les circonstances, et les termes — pas un mot ! Ce document, qu'on a, ou ignoré, ou voulu ignorer, est décisif.

Sombreuil, avant de mourir, avait écrit une autre lettre, celle-ci adressée à sir John Warren. La conduite de Puisaye au moment du désastre y était flétrie comme celle d'un fourbe et d'un lâche[202].

Cette lettre, remise à Hoche pour qu'il la fit tenir au commodore anglais, fut publiée par le général républicain, et cette publicité donnée aux anathèmes d'un homme tel que Sombreuil, lorsqu'il était à la veille de mourir, fut un coup de foudre pour Puisaye. Lui, se rejeta sur ce que c'était là un document fabriqué. Hoche, un faussaire ! C'est un trait caractéristique des royalistes, que certains d'entre eux aient pu imaginer un seul instant qu'on croirait cela[203] !

Il importe de remarquer que les conseils de guerre chargés de juger les prisonniers de Quiberon eurent soin de distinguer entre les émigrés et les soldats que les émigrés avaient enrôlés. Ces derniers échappèrent aux sévérités de la loi. Il en fut de même de ceux qui parlaient quelque langue étrangère : les juges crurent ou feignirent de croire qu'ils n'étaient pas Français[204]. Quant à ceux qui, ayant émigré, s'étaient mis à la solde de l'étranger et étaient venus avec lui porter la guerre en France, ils furent déclarés traîtres à la patrie, condamnés comme tels, et fusillés.

Charette n'avait pas attendu jusque-là pour violer la foi jurée, rompre la pacification, reprendre les armes, et il l'avait fait brusquement, sans dénoncer la trêve[205], à la façon d'un héros. de grand chemin. Au poste des Essarts, sur lequel il était tombé à l'improviste, les républicains étaient dans une telle confiance, que beaucoup d'entre eux furent surpris jouant aux boules[206].

Dans un mémoire manuscrit de Puisaye, qui est au British Museum, on trouve la révélation du secret affreux que voici : Stofflet — écrit Puisaye[207]était l'objet de la vénération et de la confiance de la majeure partie de la Vendée. Sa droiture, sa fermeté, étaient incorruptibles. Il devait donc être suspect, au moins incommode. Le chevalier d'Autichamp reçut, par une lettre de M. de Charette, l'ordre de le faire périr. Cet ordre, encore dans les mains de d'Autichamp, a été communiqué par lui-même à Georges Cadoudal.

Voilà ce qu'était Charette ! Il y avait de la bête fauve dans cet homme, et la bête fauve se réveilla en lui, aussitôt qu'il apprit la mort de Sombreuil et de ses compagnons. Mettant odieusement sur la même ligne les prisonniers que, lui, rebelle et parjure, avait faits à la suite d'une trahison, et les Français qui, à Quiberon, avaient été pris les armes à la main, combattant contre leur pays dans les rangs de l'étranger, dont ils servaient les desseins et touchaient la solde, il s'attribua ce qu'il ne rougissait pas d'appeler le droit de représailles. Mais il ne se donna pas, lui, la peine de nommer des commissions militaires et d'imaginer des distinctions clémentes : non, il fit tout simplement traîner cent républicains qui étaient en son pouvoir, dans un bois, où on les assomma à coups de pieu et de bâton. D'autres furent tués, par son ordre, dans la cour du château de Belleville. C'était un dimanche ; et, au moment même où tombaient les victimes, — assez près des mourants pour que leurs cris parvinssent à son oreille — Charette entendait la messe[208] !

 

 

 



[1] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 58.

[2] Naval Chronicle, vol. III. Biographical Memoir of sir John Borlase Warren.

[3] Voyez les Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 60, et les Mémoires pour servir à l'histoire de la guerre de la Vendée, par le comte de *** (Vauban), p. 50 et 51.

[4] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 59-60.

[5] Ibid., t. VI, p. 304.

[6] Puisaye, Mémoires, t. VI, p. 25.

[7] Lettre de service en date du 6 juillet 1795, et signée W. Windham.

[8] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 64.

[9] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 62.

[10] Journal du Bonhomme Richard, n° 6.

[11] To many it appeared, that it was not the plan of the English ministry to trust any important expédition into the hands of Lewis XVIII, but only to waste and destroy a part of France : a conviction which rendered the English administration odious, not only to the royalists, but to the other parties in France, and not a few of the friends of humanity in all nations. Annual Register, vol. XXXVII, p. 68.

[12] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 189.

[13] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 60.

[14] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 189.

[15] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 58 et 63.

[16] L'abbé Montgaillard, t. IV, p. 339, cite, à l'appui de ce fait, le témoignage recueilli par lui-même, de l'hôte de Boudin.

[17] Journal du Bonhomme Richard, n° 6.

[18] Journal du Bonhomme Richard, n° 9.

[19] Courrier républicain, n° 617.

[20] James Naval History of Great Britain, p. 204. London, 1859.

[21] James Naval History of Great Britain, p. 204. London, 1859.

[22] Rapport d'un officier présent à l'action, Courrier républicain, n° 617.

[23] Rapport d'un officier présent à l'action, Courrier républicain, numéro 17.

[24] Rapport d'un officier présent à l'action, Courrier républicain, numéro 17. William James, dans son Histoire navale d'Angleterre, dit, volume I, p. 265, que le Zélé avait perdu le perroquet du grand mât et avait souffert dans son engagement avec le Mars.

[25] James Naval History of Great Britain, vol. I, p. 268.

[26] Rapport de Doulcet de Pontécoulant, au nom du Comité de salut public, Moniteur, an III, n° 286. Voyez aussi le compte rendu déjà cité d'un officier présent à l'action, Courrier républicain, n° 617.

[27] Voyez l'article Villaret-Joyeuse dans la Biographie universelle.

[28] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 84.

[29] ..... Missed a fine opportunity to benefit bis country. James' Naval history of Great Britain, vol. I, p. 271.

[30] Naval Chronicle, vol. III, n° 18.

[31] James' Naval History of Great Britain, vol. I, p. 270-271.

[32] James' Naval History of Great Britain, vol. I, p. 274.

[33] James' Naval History of Great Britain, vol. I, p. 264.

[34] James' Naval History of Great Britain, vol. I, p. 276.

[35] Compte rendu d'un officier présent à l'action, Courrier républicain, n° 617. Voyez aussi le rapport de Doulcet, Moniteur, an III, n° 286.

[36] Voyez le récit de William James, Naval History of Great Britain, t. I, p. 273.

[37] Courrier républicain, n° 617. — Moniteur, an III, n° 286. — William James dit bien que le feu prit à bord du Formidable, mais il ne dit pas que ce fut par un accident étranger au combat.

[38] Rapport de Doulcet, au nom du Comité de salut public, Moniteur, an III, n° 286. Voyez aussi le compte rendu déjà cité, n° 617 du Courrier républicain.

[39] In a very crippled state from the gallant résistance she bad previously made. William James, Naval History of Great Britain, vol. I, p. 273.

[40] Mémoires de Vauban, p. 52.

[41] Lettre de Puisaye au Comité central catholique-royal, en date du 26 décembre 1795. Voyez la Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye, etc., t. I, p. 121-122.

[42] Mémoires de Vauban, p. 52. — Puisaye, Mémoires, t. VI, p. 92-96.

[43] Puisaye, Mémoires, t. VI, p. 96.

[44] Vauban, Mémoires, p. 53. — Puisaye, Mémoires, t. VI. p. 141.

[45] Puisaye ne dit pas que les républicains, au nombre de deux cents seulement, eurent affaire à sept cents Chouans. Je tire ces chiffres d'un récit inséré dans le Naval Chronicle, vol. III, n° 18, récit déclaré très-exact par Puisaye lui-même.

[46] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 151.

[47] Correspondance de Puisaye avec le gouvernement britannique. Papiers de Puisaye, vol. IX. Manuscrits du British Muséum.

[48] Lettre de Puisaye à Windham, datée de Carnac, 28 juin 1795, dans les Papiers de Puisaye, vol. IX. Manuscrits du British Muséum.

[49] Lettre de Puisaye à Windham. Papiers de Puisaye, vol. IX.

[50] Lettre de Puisaye à Windham. Papiers de Puisaye, vol. IX.

[51] Lettre de Puisaye à Windham. Papiers de Puisaye, vol. IX.

[52] Dans la correspondance de Hoche et d'Aubert Dubayet, hommes d'honneur l'un et l'autre, et ennemis loyaux de ceux qu'ils avaient à combattre, les Chouans sont sans cesse qualifiés d'assassins.

[53] Récit manuscrit du marquis de la Jaille, dans les Papiers de Puisaye, vol. CVIII. Manuscrits du British Museum,

[54] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 150 et 166.

[55] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 200.

[56] Lettre de Puisaye à Windham, datée de l'Île-d'Houat. 29 juillet 1795. Papiers de Puisaye, vol. IX. Manuscrits du British Museum.

[57] Lettre de Puisaye à Windham, datée de l'Île-d'Houat. 29 juillet 1795. Papiers de Puisaye, vol. IX.

[58] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 147-150.

[59] Mémoires du comte de Vauban, p. 55. — Ce fait est rapporté en termes absolument identiques dans le journal manuscrit de Beaupoil de Saint-Aulaire, Papiers de Puisaye, vol. CVIII. Manuscrits du British Museum.

[60] Puisaye, dans ses Mémoires, se plaint fort de cet arrangement, qu'il n'eut pas pouvoir d'empêcher.

[61] C'est ce qu'avoue Rousselin, dans sa Vie de Lazare Hoche.

[62] Correspondance de Hoche. Lettre au général Chérin, en date du 9 messidor.

[63] Correspondance de Hoche. Lettre du 13 messidor.

[64] Correspondance des agents, citée par Puisaye, Mémoires, t. VI, p. 375.

[65] Voyez le chapitre précédent, Les agents de Paris, et le chapitre ci-après, Les armées pendant la Réaction.

[66] Journal du Bonhomme Richard, n° 9.

[67] Beaulieu, Biographie universelle, art. d'Entraigues.

[68] Beaulieu, Biographie universelle, art. d'Entraigues.

[69] Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, t. II, chapitre VIII, p. 173.

[70] Lettre de Mallet du Pan au comte de Sainte-Aldegonde. Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, t. II, chapitre VIII, p. 173.

[71] Lettre de Mallet du Pan au comte de Sainte-Aldegonde. Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, t. II, chapitre VIII, p. 173.

[72] Voyez ce qu'un royaliste, observateur sensé, écrivait sur ce point à Mallet du Pan, dans les Mémoires et correspondance de ce dernier, t. II, chap. VIII, p. 174.

[73] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 47 et 48.

[74] Cette dernière interprétation est celle que Puisaye était intéressé à donner et qu'il donne.

[75] Puisaye, Mémoires, t. VI, p. 152, dit 17.000 ; Vauban, Mémoires, p. 61, dit 10.000.

[76] Lettre de Puisaye à M. Windham, en date du 29 juin. Le débarquement, on s'en souvient, s'était opéré le 27. — Ce passage des Mémoires imprimés de Puisaye est fidèlement reproduit du manuscrit, que nous avons sous les yeux.

[77] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 206.

[78] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 274.

[79] Mémoires de Vauban, p. 62.

[80] C'est lui-même qui le raconte, Mémoires, t. VI, p. 230.

[81] Puisaye, Mémoires, t. VI, p. 256.

[82] La lettre est datée du 3 juillet 1795. Papiers de Puisaye, vol. IX. Manuscrits du British Museum.

[83] Mémoires de Vauban, p. 65.

[84] Mémoires de Vauban, p. 65.

[85] Mémoires de Vauban, p. 67-69.

[86] Mémoires de Vauban, p. 71-72.

[87] Voyez les Mémoires de Vauban, p. 63.

[88] Mémoires de Vauban, p. 74-76.

[89] Mémoires de Vauban, p. 76. — Le journal manuscrit de Beaupoil de Saint-Aulaire donne sur ce point les mêmes détails que les Mémoires de Vauban, et cela dans les mêmes termes. En réalité, les deux récits sont tellement identiques, que l'un doit avoir été copié sur l'autre.

[90] Mémoires de Vauban, p. 76-77.

[91] Correspondance de Hoche.

[92] Correspondance de Hoche.

[93] Correspondance de Hoche. Lettre aux représentants du peuple, en date du 26 messidor (14 juillet) 1795.

[94] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 270.

[95] Récit manuscrit du marquis de la Jaille, dans les Papiers de Puisaye, vol. CVIII. Manuscrits du British Museum.

[96] Récit manuscrit du marquis de la Jaille, dans les Papiers de Puisaye, vol. CVIII.

[97] Récit manuscrit du marquis de la Jaille, Papiers de Puisaye, vol. CVIII.

[98] Voyez Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye et autres, t. II, p. 315-317.

[99] Lettre de Puisaye à Windham, en date de l'Île-d'Houat, 29 juillet 1795, dans les Papiers de Puisaye, vol, IX. Manuscrits du British Museum.

[100] Lettre de Puisaye à Windham, en date de l'Île-d'Houat, 29 juillet 1795, dans les Papiers de Puisaye, vol, IX.

[101] Récit manuscrit du marquis de la Jaille, dans les Papiers de Puisaye, vol. CVIII.

[102] Récit manuscrit du marquis de la Jaille, Papiers de Puisaye, vol. CVIII.

[103] Mais il se trouve, et dans les Mémoires manuscrits de Puisaye, et dans le journal manuscrit de Beaupoil de Saint-Aulaire, Papiers de Puisaye, vol. CVIII. Manuscrits du British Museum.

[104] Mémoires de Vauban, p. 80.

[105] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 296-297.

[106] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 296-297.

[107] Papiers de Puisaye, vol. CVIII. Manuscrits du British Museum.

[108] Papiers de Puisaye, vol. CVIII. Manuscrits du British Museum.

[109] Récit de M. de la Jaille, écrit de sa propre main, dans les Papiers de Puisaye, vol. CVIII.

[110] Relation manuscrite du chevalier de Chalus, dans les Papiers de Puisaye, vol. CVIII. Manuscrits du British Muséum.

[111] Relation manuscrite du chevalier de Chalus, dans les Papiers de Puisaye, vol. CVIII.

[112] Certificat de la main de l'abbé Guillot, Papiers de Puisaye, vol. CVIII. Manuscrits du British Muséum.

[113] Certificat de la main de l'abbé Guillot, Papiers de Puisaye, vol. CVIII.

[114] Les derniers mots qui avaient plus d'attraits pour lui sont raturés dans le manuscrit, et non remplacés. Mais le sens de ce passage n'en est pas moins clair : ce n'est pas moins qu'une accusation en règle de trahison, dirigée par Puisaye contre d'Hervilly. Que penser, après cela, de la véracité des Mémoires imprimés de Puisaye, Mémoires où il se donne comme ayant conçu le plan de l'attaque, comme y ayant fait consentir d'Hervilly, et comme l'ayant lui-même brusquée, pour ne pas compromettre le succès du plan convenu, d'après lequel Tinténiac devait se trouver sur les derrières de Hoche, à point nommé ? Et c'est de ces Mémoires imprimés de Puisaye, que tous les historiens nos prédécesseurs ont tiré leur récit de l'affaire de Quiberon…, sans le dire, toutefois !

[115] Cette réponse, c'était Sombreuil qui l'avait apportée, comme Puisaye lui-même le dit, t. VI, p. 239 de ses Mémoires.

[116] Il est curieux qu'il n'y ait qu'un habile mensonge dans cette déclaration des Mémoires imprimés de Puisaye, qui, au premier abord, parait si noble : A partir de ce jour (l'arrivée de Sombreuil), si l'on peut prouver qu'il était au pouvoir des hommes d'éviter ces malheurs, je suis seul coupable. (Voyez t. VI, p. 329).

[117] Vauban, Mémoires, p. 85. — Journal manuscrit de Beaupoil de Saint-Aulaire. Manuscrits du British Museum.

[118] Voyez dans la Correspondance de Hoche, son compte rendu de l'engagement du 28 messidor (16 juillet).

[119] Récit manuscrit du marquis de la Jaille, dans les Papiers de Puisaye, vol. CVIII. Manuscrits du British Muséum.

[120] Le récit de cette bataille, tel que Vauban le donne, est une reproduction presque textuelle du journal manuscrit de Beaupoil de Saint-Aulaire. C'est ce journal qui, rapproché du récit manuscrit du marquis de la Jaille, nous a guidé. La narration de Puisaye dans ses Mémoires imprimés ne mérite aucune confiance, en ce qui touche le rôle qu'il s'y attribue.

[121] Vauban, Mémoires, p. 83. — Relation de Hoche.

[122] Vauban, Mémoires, p. 87.

[123] Récit manuscrit du marquis de la Jaille, dans les Papiers de Puisaye, vol. CVIII.

[124] Voyez le récit de Rouget de Lisle, dans le tome II des Mémoires de Tous, p 55.

[125] Correspondance de Hoche. Ordre du 29 messidor.

[126] Papiers de Puisaye, vol. CVIII. Manuscrits du British Museum.

[127] Récit manuscrit du marquis de la Jaille, dans les Papiers de Puisaye, vol. CVIII.

[128] Lettre de Puisaye à Windham, en date du 8 juillet 1795. Papiers de Puisaye, vol. CVIII. Manuscrits du British Museum.

[129] Lettre de Puisaye à Pitt, en date du 18 juillet 1795. Papiers de Puisaye, vol. CVIII.

[130] Ce qui est très-frappant, c'est que, dans le manuscrit, la lettre V est surchargée, mais le soin avec lequel Puisaye a cherché à la remplacer par la lettre n n'empêche pas que, sous la seconde, on n'aperçoive la première, d'autant que la lettre n est d'une autre encre que la lettre V et de beaucoup postérieure. Or, comme les lettres qui sont sous nos yeux sont, non pas des copies, mais, ainsi qu'il résulte d'une note de Puisaye lui-même, les originaux de ses lettres à Windham, que celui-ci voulut bien lui rendre en les apostillant de sa propre main, la lettre en question, lorsque Windham la reçut, portait bien véritablement les mots : et la France est à vous, ce que, plus tard, Puisaye essaya de changer en : et la France est à nous !

[131] Lettre de Puisaye à Windham, en date du 11 juillet 1795. Papiers de Puisaye, vol. CVIII. Manuscrits du British Museum.

[132] C'est lui-même qui a soin de nous en instruire. Mémoires, t. VI, p. 441.

[133] 2 Voyez le t. VI des Mémoires de Puisaye, passim.

[134] Les Anglais ne s'y trompèrent pas un seul instant. Voyez à cet égard l'Annual Register, vol. XXXVII, p. 70.

[135] Vauban, Mémoires, p. 93, raconte le fait d'une manière si formelle et avec des détails si personnels, si vivants, si précis, qu'il est difficile de comprendre que sa présence à l'entretien soit niée par Puisaye, Mémoires, t. VI, p. 451.

Dans le récit manuscrit du marquis de la Jaille, il est dit de la façon la plus expresse que Vauban était présent à l'entrevue.

Vauban, Puisaye en convient, était un homme d'honneur et très-instruit de tout ce qui s'est passé à Quiberon. Mais n'aurait-on pas intercalé quelques passages dans son manuscrit ? Voilà ce que Puisaye suppose. Toutefois il n'explique pas le but, impossible à concevoir, d'une intercalation relative au passage en question. Et ce qu'il n'explique pas davantage, c'est comment Vauban, homme d'honneur, aurait pu souffrir qu'on publiât son manuscrit sans protester contre l'intercalation de passages qui lui auraient fait dire ce qu'il n'aurait pas dit et voir ce qu'il n'aurait pas vu.

Du reste, quant au fait même de la rencontre, Puisaye ne le nie pas, et, d'accord eu ceci avec Vauban, il traite les avances de Humbert d'hypocrisie ; ses assertions, de mensonges.

[136] Correspondance de Hoche. Lettre au général Drut, en date du 30 messidor.

[137] Je me sers ici des propres expressions de Vauban. Voyez ses Mémoires, page 89.

[138] Voyez le Moniteur, an III (1795), n° 315.

[139] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 455.

[140] Mémoires de Vauban, p. 93-94.

[141] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 457, 470, 471.

[142] Il avait été nommé commissaire, dans la séance du 13 messidor (1er juillet). Voyez le Courrier républicain, n° 605.

[143] On en aura plus loin la preuve.

[144] Rapport de Tallien, Moniteur, an III (1795), n° 315.

[145] Sur la prise du fort Penthièvre, voyez, en les rapprochant, le récit de Vauban, Mémoires, p. 97-98 ; celui de Puisaye, Mémoires, t. VI, p. 474 et 540 ; celui de Hoche, dans le Moniteur, an III, n° 315, et enfin le rapport officiel de Tallien, ibid.

[146] Rouget de Lisle, p. 77, t. II des Mémoires de Tous.

[147] Rouget de Lisle, Mémoires de Tous, t. II, p. 77.

[148] Relation manuscrite du chevalier de Chalus, dans les Papiers de Puisaye, vol. CVIII. Manuscrits du British Museum.

[149] Vauban, Mémoires, p. 97-98.

[150] Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 516.

[151] Relation manuscrite du chevalier de Chalus, vol. CVIII des Papiers de Puisaye.

[152] Relation manuscrite du chevalier de Chalus, vol. CVIII des Papiers de Puisaye.

[153] Relation manuscrite du chevalier de Chalus, vol. CVIII des Papiers de Puisaye.

[154] C'est Puisaye qui s'exprime ainsi ! Voyez ses Mémoires, tome VI, page 476.

[155] Récit manuscrit de Puisaye, vol. CVIII de ses Papiers. Manuscrits du British Museum.

[156] Récit manuscrit du marquis de la Jaille. Récit manuscrit de Puisaye, vol. CVIII de ses Papiers.

[157] Voyez l'hommage que, sur ce point, Puisaye lui-même rend à la modération de Hoche, dans le tome VI de ses Mémoires, p. 585.

[158] Relation manuscrite du chevalier de Chalus, qui était là, dans les Papiers de Puisaye, vol. CVIII. Manuscrits du British Museum.

[159] Papiers de Puisaye, vol. CVIII. Manuscrits du British Museum.

[160] Récit de Rouget de Lisle, qui était présent, p. 95 du tome II des Mémoires de Tous.

[161] Récit de Rouget de Lisle, qui était présent, p. 95 du tome II des Mémoires de Tous.

[162] Récit de Rouget de Lisle, qui était présent, p. 95 du tome II des Mémoires de Tous.

[163] Récit de Rouget de Lisle, qui était présent, p. 96-98 du tome II des Mémoires de Tous.

[164] Récit de Rouget de Lisle, qui était présent, p. 96-98 du tome II des Mémoires de Tous.

[165] Tout ce qui n'était pas émigré, dit Rouget de Lisle, mais la suite des faits indique que, parmi ceux qui se mirent en contact avec les républicains, il y avait aussi des émigrés.

[166] Il importe d'en faire la remarque, parce que cette erreur explique certaines contradictions apparentes qui, même l'esprit de parti à part, existent entre le récit de Rouget de Lisle et celui de royalistes, comme lui témoins oculaires.

[167] Relation manuscrite du chevalier de Chalus, dans les Papiers de Puisaye, vol. CVIII.

[168] Lettre de Hoche aux journaux, à la date du 16 thermidor.

[169] Voyez son récit dans le tome II des Mémoires de Tous.

[170] Récit manuscrit du chevalier de Chalus, dans les Papiers de Puisaye, vol. CVIII.

[171] Récit manuscrit de Puisaye, vol. CVIII de ses Papiers. Manuscrits du British Museum.

[172] Relation de Chaumereix, officier de marine, échappé au massacre de Quiberon, p. 7 et 8.

[173] Récit manuscrit du marquis de la Jaille, dans les Papiers de Puisaye, vol. CVIII. Manuscrits du British Museum.

[174] Rouget de Lisle, p. 107-108, t. II des Mémoires de Tous. Le marquis de la Jaille dit que le lieutenant Cotton rapporta une réponse verbale, de laquelle il résultait que, le général républicain et le représentant du peuple étant à Auray, les articles de la capitulation ne pourraient être arrêtés que le lendemain. Le témoignage de Rouget de Lisle, présent quand la réponse de Hoche fut donnée, dit assez que le marquis de la Jaille se trompe ici.

[175] Voyez les Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 548, 549.

[176] Mémoires de Vauban, p. 103.

[177] Voyez les Mémoires de Puisaye, t. VI, p. 525 et 598 ; les Mémoires de Vauban, p. 105-105. — L'abbé Montgaillard affirme, t. IV, p. 343, que l'ordre de couper la main à Rouxeville fut donné par un officier anglais. De son côté, Puisaye assure que ceux qui en abordant les chaloupes menaçaient de les faire chavirer, furent précipités à la mer par leurs propres compatriotes.

[178] Récit de Rouget de Lisle, dans le tome II des Mémoires de Tous, p. 101-102.

[179] Récit de Rouget de Lisle, dans le tome II des Mémoires de Tous, p. 101-102.

[180] Récit de Rouget de Lisle, dans le tome II des Mémoires de Tous, p. 101-102.

[181] Lettre du marquis de la Jaille à M. Windham, en date du 8 juillet 1795, dans les Papiers de Puisaye, vol. IX. Manuscrits du British Museum.

[182] Relation du chevalier de Chalus, vol. CVIII des Papiers de Puisaye. Manuscrits du British Museum.

[183] Récit de Rouget de Lisle, p. 100-101, t. II des Mémoires de Tous.

[184] Relation du chevalier de Chalus, vol. CVIII des Papiers de Puisaye. Manuscrits du British Museum.

[185] Sur cette conduite des soldats républicains, tous les témoignages s'accordent. A cet égard, le chevalier de Chalus parle comme Hoche, Chaumereix comme Tallien et Rouget de Lisle.

[186] Correspondance de Hoche.

[187] Correspondance de Hoche.

[188] Récit de Rouget de Lisle, p. 5, dans le tome II des Mémoires de Tous.

[189] Relation du chevalier de Chalus, citée par Puisaye, Mémoires, t. VI, p. 557.

[190] Relation de M. de Chaumereix, officier de la marine, échappé au massacre de Quiberon. Londres, 1795.

[191] Relation de M. de Chaumereix..., p. 15-17.

[192] Moniteur, an III (1795), n° 315.

[193] Moniteur, an III (1795), n° 315.

[194] Chaumereix, Relation déjà citée, p. 19.

[195] Chaumereix, Relation déjà citée, p. 19.

C'est par cette commission d'Auray, et le 27 juillet, que M. de Barante, Histoire de la Convention, t. VI, p. 59, fait condamner Sombreuil. Le récit de Chaumereix prouve, de reste, combien M. de Barante se trompe. Sombreuil, l'évêque de Dol, etc., furent transférés à Vannes, le 28 juillet, et ce fut à Vannes qu'ils furent, d'abord jugés, puis exécutés.

[196] Nous tenons ce fait, aussi honorable pour Hoche que pour Sombreuil, de M. Maxime Du Camp, qui, lui-même, l'a entendu raconter au lieutenant général Borelli, pair de France.

[197] Relation précitée, p. 20.

[198] Relation précitée, p. 21, 22.

[199] Chaumereix, par exemple ; mais il faut remarquer que ce n'est plus comme témoin oculaire qu'il parle ici : il ne fait que transcrire des détails contenus dans une lettre à lui envoyée par une femme nommée Sophie, et qui n'est même pas de l'écriture de cette femme.

[200] Ce fait, avancé par Sombreuil, était inexact. Les témoignages, rapprochés, de Hoche, de Vauban, de Puisaye, du chevalier de Chalus, etc., établissent surabondamment que, dans le dernier acte de la tragédie de Quiberon, en avant du fort Saint-Pierre, le désavantage du nombre était du côté des républicains.

[201] Correspondance secrète de Puisaye, Charette, Stofflet et autres, t. II, p. 322-323.

[202] Voyez le texte de cette lettre dans la correspondance précitée.

[203] Puisaye, dans le dernier volume de ses Mémoires, a recours, pour prouver que cette terrible lettre ne pouvait pas être de Sombreuil ; à toutes sortes de subtilités, tellement puériles et ridicules, qu'elles seraient inconcevables, si elles ne s'expliquaient par l'intérêt immense qu'il avait à repousser une accusation aussi grave, et à la repousser coûte que coûte. Il est juste de dire qu'à son lit de mort, d'Hervilly disculpa généreusement Puisaye des fautes commises, dont il se déclara responsable en présence du marquis de Balleroy et du marquis de la Jaille. Leur attestation, qui fait partie des Papiers de Puisaye, est sous nos yeux.

[204] Mémoires sur la guerre civile de la Vendée, par un ancien administrateur militaire, p. 208. Collection des Mémoires relatifs à la Révolution française

[205] Mémoires de madame de la Rochejaquelein, n° XIV des Éclaircissements historiques, p. 504.

[206] Mémoires de madame de la Rochejaquelein, n° XIV des Éclaircissements historiques, p. 504.

[207] Vol. CVIII des Papiers de Puisaye. Manuscrits du British Museum.

[208] Voyez les Éclaircissements historiques à la suite des Mémoires de madame de la Rochejaquelein, p. 504.