HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

LIVRE TREIZIÈME

 

CHAPITRE III. — LA CONTRE-RÉVOLUTION EN VENDÉE

 

 

Détresse de La Rochejaquelein. — Son entrevue avec Charette. — Reprise de l'île de Noirmoutiers. — Mort de d'Elbée. — Férocité des Vendéens. — Brutalité de Charette. — Guerre d'extermination. — Mort de La Rochejaquelein. — Mort du faux évêque d'Agra. — Mort du prince de Talmont. — La ville de Cholet prise et reprise. — Le général Moulin se tue de désespoir. — Courses de Charette ; déplorable état de son armée ; son faste. — Haxo se brûle la cervelle. — Les rebelles poursuivis à outrance par Turreau. — Attaque générale contre le Marais résolue. — Manière de combattre des maréchains. — Barbarie du marchand de volailles Pageot, chef des royalistes du Marais ; prisonniers républicains mis en croix. — Pageot forcé de prendre la fuite ; occupation du Marais. — Les chefs vendéens jaloux l'un de l'autre. — Charette fait condamner à mort Marigny, et Stofflet le fait fusiller. — Rappel de Turreau. — Adoption d'une politique à la fois ferme et modérée dans les trois mois qui précèdent le 9 thermidor. — Les rebelles réduits aux abois. — Politique thermidorienne à l'égard des rebelles. — L'arrestation de Turreau décrétée. — Impuissance de Charette à continuer la guerre ; décret du 12 frimaire ; les Thermidoriens mendient la paix. — Premiers et funestes effets de leurs avances. — Hoche nommé au commandement de l'armée de Bretagne, et Canclaux à celui de l'armée de l'Ouest ; comment ces choix sont accueillis par les royalistes. — Canclaux, ami du royaliste Puisaye, en train de négocier alors l'invasion de la France par les Anglais. — Bollet, chef du parti de la paix ; Boursault, chef du parti de la guerre. — Les royalistes, encouragés par des avances dégradantes, crachent publiquement, à Nantes, sur la cocarde tricolore. — Apparition de Cormatin sur la scène. — Lettre de Puisaye à Canclaux saisie. — Négociations entre Cormatin et Humbert. — Hypocrisie de Cormatin. — Boishardy : Hoche cherche à le gagner. — Conférences de la Jaunaye. — Stofflet y est invité ; ses prétentions, son brusque départ. — Charette, pendant qu'il négocie avec les républicains, correspond secrètement avec Monsieur. — La paix de la Jaunaye, pacte entre la bassesse et le mensonge. — Récit rétrospectif ; interrogatoire de Talmont par Rossignol ; abaissement des caractères depuis le 9 thermidor. — Entrée triomphale de Charette à Nantes. — Conduite crapuleuse de ses officiers ; le château de la Jaunaye mis au pillage par l'escorte de Charette. — Encouragements donnés à l'insolence et à la trahison.

 

L'influence de la réaction sur la conduite des armées ne se manifesta qu'au bout de quelque temps ; mais, relativement aux affaires de la Vendée, cette influence, dont tous les historiens jusqu'ici ont dénaturé le caractère, fut aussi rapide dans son action que considérable dans ses effets. Le récit qui va suivre, et dont chaque détail s'appuie sur des autorités péremptoires, montrera jusqu'à quel point l'esprit de parti est parvenu, en ce qui touche les dernières convulsions de la Vendée, à substituer les appréciations systématiques au rude langage des faits.

On a vu comment, devant Ancenis, La Rochejaquelein, Stofflet et quelques-uns des leurs avaient été séparés de l'armée[1]. La détresse à laquelle ils furent réduits a été peinte par madame de La Rochejaquelein en vives images : Toute la journée, ils errèrent dans la campagne sans trouver un seul habitant ; toutes les maisons étaient brûlées, et ce qui restait de paysans était caché dans les bois... Enfin, après vingt-quatre heures de fatigues, Henri et ses trois compagnons — Stofflet, de Langerie et de Beaugé —, arrivèrent à une métairie habitée ; ils se jetèrent sur la paille pour dormir. Un instant après, le métayer vint leur dire que les bleus arrivaient ; mais ces messieurs avaient un besoin si absolu de repos et de sommeil, qu'au prix de la vie ils ne voulurent pas se déranger, et attendirent leur sort. Les bleus étaient en petit nombre, ils étaient aussi fatigués, et s'endormirent auprès des quatre Vendéens, de l'autre côté de la meule de paille. Avant le jour, M. de Beaugé réveilla ses camarades, et ils recommencèrent à errer dans ce pays où l'on faisait des lieues entières sans rencontrer une créature vivante ; ils y seraient morts de faim, s'ils n'avaient attaqué en route quelques bleus, isolés, auxquels ils prenaient leur pain[2].

Apprenant que Charette était à Maulevrier, La Rochejaquelein l'alla rejoindre, suivi de ses compagnons ; mais cette démarche ne servit qu'à mettre en relief cette jalousie du commandement qui avait déjà fait tant de mal aux Vendéens. L'entrevue des deux chefs fut très-froide, et marquée, de la part de Charette, par une insolence brutale ; de la part de La Rochejaquelein, par beaucoup de hauteur. Le premier ayant dit au second : Vous allez me suivre, La Rochejaquelein lui répondit : Je suis accoutumé, non pas à suivre, mais à être suivi ; et il lui tourna le dos[3]. Suivant Turreau, l'entrevue se serait passée dans l'île de Noirmoutiers, devant d'Elbée mourant, qui les aurait exhortés en-vain à se réunir pour relever le parti[4].

Quoi qu'il en soit, suivi d'un certain nombre de paysans qui, abandonnant son rival, n'hésitèrent pas à s'associer à sa fortune, La Rochejaquelein alla s'établir dans la forêt des Vezins. Il y habitait une cahute de branchages, et c'est de là que, vêtu presque en paysan, un gros bonnet de laine sur la tête et le bras en écharpe[5], il s'élançait de temps en temps pour surprendre un poste ou enlever un convoi. Son projet était de se borner, pendant l'hiver, à cette guerre de détail[6].

Le général Turreau avait pris, vers la fin de 1793, le commandement des forces républicaines en Vendée ; sa première opération fut dirigée contre l'île de Noirmoutiers, alors au pouvoir de Charette. La veille de l'attaque projetée[7], celui-ci, à la tête de six mille hommes choisis, entra dans Machecoul, où la Cathelinière, un de ses lieutenants, avait ordre de le venir joindre, et d'où ils devaient se porter ensemble au secours de l'île menacée, de manière à tomber sur les républicains au moment du débarquement. Aussi le général Haxo était-il d'avis de différer l'expédition, que lui-même avait préparée. Turreau insista : il fait attaquer Charette à Machecoul par le général Carpentier, avant la jonction du chef vendéen avec la Cathelinière, et marche sur Noirmoutiers. Non-seulement la descente s'effectua sans difficulté, mais la garnison qui, au nombre de dix-huit cents hommes, s'était rangée en bataille sous les murs de la ville, mit bas les armes à la première sommation : lâcheté qui empoisonna les derniers moments de d'Elbée, retenu au lit dans Noirmoutiers, par une blessure mortelle[8].

Devant Turreau, l'infortuné gentilhomme ouvrit son cœur sans contrainte. Avec un accent de profonde amertume, il dit toute sa pensée sur la désunion des chefs vendéens, cause principale de leurs malheurs ; sur l'ambition du prince de Talmont, qui avait voulu qu'on passât la Loire, pour s'établir dans les États de Laval et devenir chef de parti ; sur l'ambition de d'Autichamp, qui avait secondé Talmont ; sur l'ignorance de Charette et son obstination à s'isoler[9]. Le général ennemi lui ayant demandé : Si nous étions en ton pouvoir que nous ferais-tu ? Il répondit : Ce que vous allez me faire[10]. Il savait bien qu'il n'avait pas de quartier à attendre. Condamné à être fusillé, et porté dans un fauteuil sur la place de l'exécution, il subit son sort sans se plaindre, sans sourciller. Le lendemain, on fusilla madame d'Elbée, conformément au barbare et lâche principe qui avait établi l'égalité de l'homme et de la femme... devant la peine de mort !

Les Vendéens, au reste, en étaient venus à faire la guerre avec une férocité à peine concevable. Malheur aux républicains dont ils pouvaient s'emparer ! Tout ce que la cruauté la plus raffinée est capable d'inventer en fait de tortures était aussitôt mis en œuvre pour le compte de Dieu et du roi[11] ! Madame de La Rochejaquelein avoue elle-même que la guerre s'était mêlée de brigandage et de mille désordres[12]. Il est vrai qu'elle ajoute : La férocité des républicains avait endurci les âmes les plus douces[13]. Mais les républicains, de leur côté, prétendaient n'avoir fait qu'user de représailles, et il est bien certain que l'exemple des atrocités qui changent la guerre en assassinat et déshonorent la victoire avait été donné, à Machecoul, par les Vendéens à la suite de Charette[14].

Pour juger de la manière dont Charette traitait ses ennemis lorsqu'ils étaient en son pouvoir, il suffit de rappeler comment il traitait ses propres soldats. Jamais chef de bande ne rendit le commandement odieux par plus de brutalité et de barbarie. On le vit poursuivre à coups de pieds, autour d'une troupe faisant l'exercice, des officiers coupables de quelque légère erreur dans les manœuvres. Il avait introduit parmi les siens le châtiment du bâton, et il l'appliquait de sa propre main avec une cruauté sauvage[15]. Celui qui en usait de la sorte avec ses soldats n'était pas homme, on le pense bien, à ménager ses prisonniers !

Quant à sa stratégie, rien de mieux approprié au caractère de la situation et à la nature du pays. Habile à ne jamais compromettre l'ensemble de ses forces dans une affaire générale, il était partout et n'était nulle part. Aussi était-ce à peine si trente défaites consécutives l'avaient entamé[16]. Suivant l'expression de Turreau, il faisait la guerre en brigand[17] ; et ce n'était pas autrement que la faisaient, à l'époque que nous décrivons, La Rochejaquelein et Stofflet, tant l'empire des circonstances est quelquefois inexorable !

Là fut le motif qui poussa Turreau à l'adoption du plan terrible qu'on trouve exposé dans ses mémoires.

Refouler les rebelles dans le centre du pays révolté, en occupant fortement les points principaux de la circonférence, — faire parcourir la Vendée en tout sens par douze colonnes mobiles, s'avançant à des intervalles assez rapprochés pour que leur marche, au moyen de leurs flanqueurs respectifs, fit l'effet d'une marche en ordre de bataille, — enlever de l'intérieur de la Vendée les bestiaux, les grains, tous les objets de subsistance, détruire les repaires des rebelles, et, généralement, tous les lieux qui pouvaient leur offrir un asile et des ressources., voilà quel fut le plan adopté par Turreau[18].

On ne l'exécuta que trop bien, si son but était d'arriver à la victoire par l'extermination. Les colonnes se mirent en mouvement et ne parcoururent le pays qu'en le couvrant de ruines. La colonne lancée sur Palluau se distingua par des atrocités telles, qu'elle mérita le surnom d'infernale[19].

Cependant, La Rochejaquelein, ayant réussi à passer, avec douze cents hommes, entre deux des colonnes de droite, s'empare de Chemillé. Son but était d'opérer une diversion en se glissant sur les derrières de l'armée républicaine. Mais cela n'arrêta point Turreau qui, comptant sur une forte garnison qui défendait Chollet, quitta cette ville pour aller chasser de Tiffauges un corps de rebelles, pendant que Cordelier courait battre un autre de leurs détachements aux environs de Gesté[20].

Ce fut quatre jours après cette dernière affaire, que la Vendée perdit son héros. La Rochejaquelein, accompagné d'une ordonnance qui lui tenait lieu de domestique, était à se rafraîchir dans une auberge située sur la route de Doué à Cholet, lorsqu'il vit passer un volontaire républicain. Sur-le-champ, il monte à cheval et se met à sa poursuite. Le volontaire, au bruit du cheval, se retourne, lâche son coup de fusil, atteint La Rochejaquelein, qui tombe mort, et lui-même est tué par l'ordonnance[21]. Les Vendéens tinrent cet événement secret le plus longtemps qu'ils purent, et ils avaient raison : le nom de La Rochejaquelein valait, pour eux, une armée[22].

Ainsi tombaient un à un tous les chefs de cette insurrection fameuse. Le faux évêque d'Agra avait été exécuté à Angers le 6 nivôse (26 décembre 1793), aux acclamations d'un peuple immense[23]. Le 17 nivôse (6 janvier 1794), le général républicain Beaufort écrivait grossièrement, de Vitré, au président de la Convention : L'ex-prince de Talmont, de Pérault, de Bougon, et cinq autres rebelles de marque, ont envoyé leur âme au Père Éternel ; et comme ils n'avaient besoin que d'une obole pour le passage du Styx, je leur ai retenu vingt-quatre mille livres, que j'ai distribuées, par ordre du citoyen Esnue La Vallée, à la garde nationale de la Bazoche, qui a arrêté l'ex-prince, et aux soldats de la division que je commande[24].

Antoine-Philippe de la Trémouille, prince de Talmont, avait été arrêté, près de Fougères, déguisé en paysan, dans la nuit du 8 nivôse (27-28 décembre) 1793. C'était un homme d'une intelligence médiocre, très-hautain et peu fait pour les armes. Gras et goutteux à l'âge de vingt-huit ans, il apporta moins de force que d'embarras aux autres chefs, lorsqu'il les vint rejoindre, à l'époque de l'expédition sur Nantes. C'est à son ambition inquiète que d'Elbée mourant attribuait en partie les revers des-Vendéens[25]. Nommé commandant honoraire de la cavalerie, on lui avait adjoint Forestier, fils d'un cordonnier ; ce fut pour son orgueil une blessure cuisante, que la confiance accordée à Forestier par les paysans ne fit qu'envenimer[26]. On a prétendu que, traîné devant la Commission militaire qui le condamna à mort, il dit à ses juges : Faites votre métier, je fais mon devoir. Ce sont les propres paroles que déjà l'on avait attribuées au marquis de Pontcallec lors de son exécution dans l'affaire de Cellamare[27].

Toujours est-il que le prince de Talmont, après avoir subi un interrogatoire que nous donnerons plus loin, mourut avec courage[28]. Il fut exécuté à Laval, devant le château de sa famille[29].

Restaient Charette, Stofflet et Marigny, qui, après la mort de La Rochejaquelein, se partagèrent le commandement, sans qu'aucun d'eux voulût reconnaître un supérieur, les forces insurrectionnelles du Bas-Poitou obéissant à Charette, celles de l'Anjou à Stofflet, et celles du Poitou à Marigny.

Un succès éphémère précéda les désastres que présageait aux Vendéens cette rivalité de leurs chefs. Stofflet ayant réuni à son armée les débris de celle qui avait été battue à Gesté, résolut de s'emparer de Cholet. Le général de brigade Moulin y commandait, ayant six mille hommes sous ses ordres, et jugeant un échec impossible. Turreau était moins confiant. Informé du dessein de Stofflet, il envoie ordre à Cordelier, qui n'avait pas encore quitté les environs de Gesté, de se rapprocher de Cholet, pour être à portée de secourir cette place. Arrivé à une demi-lieue de la ville, Cordelier trouve toute la garnison en déroute sur le grand chemin de Nantes. Moulin, atteint de deux coups de feu, au moment où il cherchait à rallier ses soldats, s'était brûlé la cervelle de désespoir. Cordelier se fait jour à travers les fuyards, charge les vainqueurs, qui, rompus à leur tour, sont rejetés en désordre dans Cholet, hachés dans les rues, ou chassés et poursuivis jusqu'à deux lieues au delà[30].

Pendant ce temps, Charette était dans le Bocage. En évitant le général Duquesnoy, qui avait l'ordre de l'y chercher, il surprend et enlève le poste de Légé, petite ville dont la situation était très-avantageuse. Mais il ne peut ou n'ose s'y maintenir, et, atteint à peu de distance de là par Duquesnoy, il est vaincu, perd huit cents hommes, et se voit contraint de ramener les débris de son armée dans les repaires du Bocage, où le général Haxo s'élance à sa poursuite, à la tête d'une colonne de quatre mille hommes. D'Elbée avait dit de Charette qu'il était un excellent voltigeur ; et si jamais il le prouva, ce fut alors. Tantôt en avant, tantôt sur les flancs ou les derrières de la colonne républicaine, il la forçait à mille marches et contre-marches, et ne lui laissait pas une minute de repos. Mais ce ne pouvait être qu'à la condition de n'en point avoir lui-même et d'épuiser ses propres troupes. D'ailleurs, Haxo ayant pris le parti d'enlever toutes les denrées qu'il rencontrait sur sa route, de brûler tous les moulins, de détruire tous les fours, Charette ne tarda pas à être réduit aux abois. Les soldats qu'il traînait après lui étaient devenus si desséchés et si pâles, qu'on eût dit une armée de fantômes. Un peu de farine écrasée entre deux pierres et qu'ils faisaient cuire sur des tuiles, fut, pendant près de trois semaines, toute leur nourriture[31]. Ils comptaient parmi eux quantité de femmes venues des marais, et qui, pleurant leurs maris morts, fuyant leurs chaumières incendiées, n'avaient plus d'autre refuge qu'auprès de Charette. La plupart étaient nu-pieds et couvertes de lambeaux. Lui, ne s'était jamais montré moins disposé à renoncer à son faste, comme l'attestaient son chapeau chargé de plumes, sa cravate garnie en dentelles, ses vêtements violets brodés en soie verte et en argent, son cortège, enfin, composé de jeunes et jolies femmes[32].

Il est douteux qu'il eût joui plus longtemps des honneurs de cette souveraineté errante, si la fortune ne fût venue très à propos le délivrer d'un adversaire qui l'égalait en activité, et le surpassait en talent. Dans la chasse qu'elle donnait à Charette, la cavalerie du général Haxo s'étant laissée aller à devancer l'avant-garde de plus d'une lieue, elle fut surprise dans un bois entre Esnay et la Motte-Achard. Haxo accourt, franchit un fossé, et reçoit une balle dans la poitrine. Un instant après, son cheval s'abat au milieu d'un fossé. Il allait être pris vivant : il employa ce qui lui restait de force à saisir un de ses pistolets et se brûla la cervelle[33]. Furieux de sa mort, ses soldats, dont il était adoré, s'écrient tous : Marchons aux brigands ! On reprend le combat, et les Vendéens sont mis en fuite. Mais la division d'Haxo venait de perdre en lui le souffle inspirateur, et Charette y gagna d'être mis à même de prolonger quelque temps encore sa résistance.

Pour imprimer aux opérations un redoublement d'activité et augmenter le nombre des troupes agissant d'une manière offensive, les représentants du peuple près l'armée de l'Ouest avaient lancé deux arrêtés, dont l'un ordonnait l'évacuation de Cholet, et dont l'autre sommait tous les habitants de la Vendée de quitter le pays, sous peine d'être réputés rebelles[34]. Quatre colonnes, dont le point de réunion était Montaigu, sillonnèrent le pays, brûlant bourgs et villages, précédées par la terreur, et laissant derrière elles la dévastation. Harcelés sans relâche, poursuivis sans intermittence, frappés sans miséricorde, les Vendéens qui refusent de se soumettre, cherchent des points d'appui sur différentes parties du rivage de la Loire ; ils sont chassés successivement de Liré, de Châlonne, de Mont-Dejean. Ils se cachent dans les bois et tentent d'y former des établissements ; les forêts de Toufou, de Maudebert, de Lépo, du Princé, de Roche-Servière, de Vezins, sont fouillées tour à tour, et les nouveaux établissements détruits[35].

Mais, outre que l'excès de cette répression farouche donnait à la résistance l'énergie du désespoir, tous les fugitifs courant se grouper soit autour de Charette, soit autour de Stofflet, il en résultait pour ceux-ci un accroissement de forces ; et, s'ils avaient à lutter contre la pénurie des subsistances, c'était là un fléau que les colonnes dévastatrices ne pouvaient répandre sur leur passage sans en souffrir cruellement elles-mêmes[36].

Vers la fin du mois de mars, par exemple, les troupes qui occupaient l'arrondissement de Machecoul et de Challans étaient réduites au quart de la ration de pain[37], et ce fut la nécessité d'avoir des vivres qui, plus encore que le désir de purger la côte, fit prendre la résolution d'attaquer le Marais.

L'entreprise était difficile. Nul moyen d'introduire de l'artillerie ou de faire usage de la cavalerie dans un pays entrecoupé de fossés. Et quels ennemis étranges que les habitants du Marais ! Prodigieusement agiles, et capables d'égaler un cheval à la course, ils étaient gens à franchir, au moment où on croyait les atteindre, des fossés de quinze pieds de large. Chaque maréchain portait sa carabine en bandoulière, et tenait à la main une longue perche à l'aide de laquelle il sautait de marais en marais, de manière à défier toute poursuite. Il y avait des compagnies entières ainsi organisées, et c'est ce que Pageot appelait sa cavalerie[38].

Ce Pageot était un marchand de volailles, devenu chef des royalistes dans le Marais, à force d'audace et de férocité. Quand ses soldats saisissaient un prisonnier républicain, son grand plaisir était de le faire mettre en croix et de l'exposer aux regards des troupes de la République, que les marais séparaient des siennes[39]. Il occupait le bourg du Perrier, où il avait fixé son quartier général, et d'où il lançait ses ordres sanguinaires. C'était une bête fauve qu'il s'agissait de forcer dans son antre.

Sur ces entrefaites, Turreau fut rappelé, mais l'expédition n'en fut pas moins poussée avec vigueur ; on réunit tous les moyens de communication prompte ; on fit venir de Nantes des canots ; on organisa un bataillon de pionniers[40].

A la nouvelle de ces préparatifs, Charette songe à tenter une diversion en faveur de Pageot, son digne émule ; et, le 18 germinal (7 avril), il vient fondre, à la tête d'un rassemblement de huit mille hommes, sur le poste de Challans, qui n'était défendu-que par huit cents républicains[41]. Quelque inégal que fût le combat, les républicains, sous le commandement du général Dutruy, se battirent avec tant de furie, qu'ils demeurèrent maîtres du terrain.

Charette, après avoir perdu quatre cents des siens, prit la fuite le dernier, et rentra dans le Bocage, la rage dans le cœur. Il ne tarda pas à y être rejoint par Pageot, qui non-seulement ne put repousser l'invasion du Marais, mais ne parvint à s'échapper que grâce à la parfaite connaissance qu'il avait du pays[42].

Quelques avantages remportés aux environs de Saint-Florent, par Stofflet et Marigny, ne compensaient pas ces revers des royalistes, que vint bientôt aggraver la rivalité de leurs chefs.

Charette et Stofflet, jaloux l'un de l'autre, l'étaient tous les deux de Marigny. Cependant, la nécessité d'agir en commun devenant de jour en jour plus manifeste, une conférence, dans ce but, eut lieu à Jallais entre les trois chefs. Là il fut convenu que les trois armées attaqueraient de concert. La marche à suivre fut réglée, le jour de l'attaque fixé, un lieu de rendez-vous indiqué. Marigny, en s'en retournant, rencontre sur la route un petit bourg où l'on vendait d'excellent vin. Ils en burent beaucoup, lui et les officiers qui l'accompagnaient. Ceux-ci, qui avaient leurs propriétés près du bourg de Cérisais, proposent d'y aller, au lieu de se réunir aux autres divisions et de marcher vers Coron, ainsi que cela était convenu. Marigny, en pointe de vin, eut le malheur de céder : le projet manqua[43]. Aussitôt Charette et Stofflet convoquent un conseil de guerre, Charette faisait fonction de rapporteur : il conclut à la mort, et ses conclusions sont adoptées. Peu de temps après, Stofflet se rendit à Cérisais, où l'état-major de Marigny était rassemblé. Il entre, et, d'un air sombre : Messieurs, dit-il, M. de Marigny était condamné à mort ; il vient d'être exécuté. Chacun se tut, consterné ; et il sortit[44]. En effet, Marigny, malade, était dans une petite maison de campagne, à une demi-lieue de Cérisais, lorsque avaient paru les soldats envoyés par Stofflet pour le fusiller. Saisi de stupeur et d'horreur, il ne pouvait croire que ses frères d'armes voulussent sérieusement sa mort. Il fut cruellement détrompé. On poussa la dureté jusqu'à lui refuser un confesseur, qu'il demandait pour toute grâce. Conduit dans le jardin, il commanda lui-même le feu, et tomba mort[45].

Charette avait promis sa grâce à madame de Sapinaud[46] : tel fut l'effet de cette promesse ! Pour ce qui est de Stofflet, les royalistes supposent qu'en cette occasion il ne fit que céder à l'influence, très-grande sur lui, de l'abbé Bernier. Ce qui est certain, c'est que Stofflet, homme du peuple, haïssait et méprisait les nobles, dont les sentiments à son égard sont vivement exprimés dans ces mots de Marigny, que madame de Sapinaud nous a conservés : Ce Stofflet est un cheval, c'est un homme de rien[47].

Dans les quatre mois qui s'écoulèrent entre le rappel de Turreau et le 9 thermidor, le système de répression suivi en Vendée fut marqué par un mélange de fermeté et de modération qui produisit les plus heureux résultats.

D'une part, on évita tout acte de faiblesse et toute ouverture timide, de nature à enfler l'orgueil des royalistes et à relever leurs espérances ; et, d'autre part, il fut coupé court à ces excès qui servaient d'aliment à des excès contraires. On lit dans les Mémoires de madame de la Rochejaquelein cet aveu remarquable : On ne peut dissimuler que la fureur des soldats républicains s'était grandement ralentie pendant cet été de 1794, et avant l'événement du 9 thermidor, qui l'adoucit encore bien davantage [48]. Le retour aux maximes de modération, qui fit sourire l'humanité désolée, commença d'affaiblir le parti des insurgés : il brisait, ou du moins, relâchait son principal ressort, le désespoir du malheur[49].

La vérité est que l'adoucissement de la politique adoptée à l'égard des Vendéens n'eut point pour date, comme on l'a tant dit, la chute de Robespierre. L'époque qui précéda cette chute fut, pour les Vendéens, un temps de repos armé. Aux approches de la récolte, et afin de la rendre possible, les commissaires de' la Convention reçurent ordre d'inviter, par des proclamations rassurantes, les habitants des campagnes à rentrer dans leurs foyers ; un armistice fut accordé ; Turreau, le représentant de la Terreur en Vendée, fut rappelé[50], et l'on mit provisoirement à sa place le général Vimeux, en qui beaucoup de modération s'associait au courage du soldat[51].

Si cette politique, exempte à la fois de violence et de faiblesse, eût été suivie jusqu'au bout, nul doute que la guerre ne fût bien vite arrivée à son terme. D'après les évaluations du comte Joseph de Puisaye, Charette, vers le milieu de l'été de 1794, disposait à peine de dix mille hommes ; on en prêtait moins du double à Stofflet ; Sapinaud commandait un corps intermédiaire de trois mille hommes, et les rassemblements du vicomte de Scépeaux s'élevaient à peu près au même nombre[52]. Or, il ne faut pas perdre de vue que ces chiffres étaient loin d'exprimer des forces réelles ; que ce qu'on appelait les armées vendéennes se composait d'une foule de femmes, de vieillards et d'enfants ; que les chefs, loin d'agir de concert, étaient animés l'un contre l'autre d'une jalousie presque féroce ; qu'ils manquaient de munitions de guerre, et que la destruction des moulins et des fours les laissait sans munitions de bouche[53] ; qu'une épidémie cruelle était venue joindre ses ravages à ceux de la disette, et que les insurgés, pour comble de détresse, n'avaient point d'asile à offrir aux malades et aux blessés[54].

De toute façon, leur ruine était devenue inévitable. Seulement il était conforme à l'humanité et d'une saine politique de ne pas réduire au désespoir cette portion égarée de la famille française, d'essayer au contraire de la ramener par la douceur, mais cela sans s'humilier devant les chefs de la révolte et sans leur donner la République à fouler aux pieds. C'est dans ce système que la Convention était entrée, lorsque arriva le 9 thermidor : on jugera bientôt de la valeur du système que la réaction fit prévaloir, après la chute de Robespierre.

Que l'énergie, une énergie indomptable, eût été la source des succès fabuleux de la République au dehors et au dedans, comment le nier ? Sans doute, des forcenés n'avaient confondu que trop souvent, hélas ! le terrorisme avec l'énergie. Faire justice de ce sanglant alliage, et, tout en rejetant ce qui avait rendu la Révolution odieuse, conserver ce qui l'avait rendue invincible, voilà ce qu'avait voulu le parti qui fut renversé le 9 thermidor, — et c'est justement le contraire qui eut lieu sous l'empire de la réaction. Le Terrorisme continua, mais au profit des contre-révolutionnaires, — et, devant le royalisme en armes, la faiblesse des nouveaux meneurs de la République descendit jusqu'à l'avilissement. Ceci va, pour la première fois, être mis en pleine lumière.

Un décret d'arrestation lancé contre Turreau, alors absent[55], sur la dénonciation de Merlin (de Thionville)[56], fut un des premiers actes par où se révélèrent les vues de la réaction à l'égard de la Vendée.

Ce n'est pas que Turreau n'eût fait la guerre en barbare. Qu'imaginer de plus horrible que cet ordre de lui, qu'Alquier lut du haut de la tribune : Le général Moulin se portera avec la colonne de gauche sur Mortagne, et fera désarmer, égorger, sans distinction d'âge ni de sexe, tout ce qui se trouvera sur son passage ?[57] Aussi l'histoire n'aurait-elle rien à reprendre au coup frappé sur Turreau, si, d'une part, les Thermidoriens qui votèrent contre lui n'avaient pas été les premiers à plonger leurs mains dans le sang, et si, d'autre part, ceux qui se disaient républicains avaient été disposés, alors qu'ils châtiaient les cruautés du républicain Turreau, à ne pas faire grâce aux cruautés du royaliste Charette. Mais quoi ! dans le temps même où ils se montraient inexorables envers ceux qui avaient été de leur parti, ils se préparaient à amnistier, ou plutôt, à récompenser les excès commis par les chefs du parti contraire.

A cette époque, en effet, la grande préoccupation des Thermidoriens était de fortifier leur alliance avec les royalistes — connus quoique non encore déclarés — de l'Assemblée ; et, dans ce but, ils ne rougirent pas d'envoyer mendier la paix auprès de Charette par des commissaires, parlant au nom de la République. Or, quand cette négociation fut entamée, il n'y avait pas longtemps que Charette avait mis en pièces les troupes républicaines qui occupaient les camps de Flessigné et de la Rouillière. Dans le dernier, il n'y avait que des réquisitionnaires, la plupart très-jeunes et qui se laissèrent surprendre. L'ennemi étant entré dans le camp comme en une place ouverte, beaucoup de ces malheureux tombèrent à genoux, les mains jointes, exposant qu'on les avait arrachés à leurs charrues et contraints de marcher. Le farouche Vendéen répondit par l'ordre de tout massacrer, ce qui eut lieu[58].

Et voilà l'homme devant qui on était à la veille d'abaisser le drapeau de cette République dont les victoires faisaient encore, en ce moment même, l'étonnement et l'admiration du monde !

Le premier entremetteur de la négociation fut un nommé Bureau ; et les dangers qu'il eut à courir avant de pénétrer jusqu'à Charette, bien qu'il s'annonçât comme porteur de paroles de paix, montrent assez ce que signifiait le droit des gens aux yeux des Vendéens[59]. On employa aussi auprès de Charette sa sœur et quelques autres de ses parents, que Ruelle, commissaire de la Convention, fit mettre en liberté vers le milieu du mois d'octobre[60].

Au fond, le chef vendéen désirait la paix, non avec l'intention de l'observer, mais pour se donner les moyens de reprendre avantageusement les armes ; non par inclination, mais par nécessité ; car, en dépit de quelques égorgements partiels dont s'était enflée la liste de ses sinistres triomphes, sa situation était désormais désespérée[61]. Des terreurs sans cesse renaissantes, des fatigues dont on n'entrevoyait pas le terme, une anxiété de chaque instant, les dégoûts inséparables d'une vie errante et cachée, avaient enfin lassé le fanatisme des Vendéens. De l'aveu d'un écrivain royaliste, ce que trois mois plus tôt un détachement de deux mille hommes n'aurait pu entreprendre, quelques brigades de gendarmerie l'achevaient sans coup férir ; l'armée républicaine formait comme un filet jeté sur la province[62].

Charette, en particulier, avait intérêt à un accommodement. Le meurtre de Marigny lui avait créé beaucoup d'ennemis parmi les siens ; sa dureté lui avait aliéné les meilleurs d'entre ses officiers ; un de ses lieutenants, Delaunay, s'était révolté contre lui et menaçait son ascendant[63]. La paix ne pouvait donc venir pour lui plus à propos.

Parut, sur ces entrefaites, le décret du 12 frimaire (2 décembre) 1794, promettant le pardon et l'oubli à tous ceux qui, dans le délai d'un mois, auraient posé les armes. Dans la proclamation qui accompagnait ce décret, les Vendéens purent lire : La parole de la Convention est sacrée. Si d'infidèles délégués ont abusé de sa confiance, il en sera fait justice[64].

Ces derniers mots se rapportaient principalement à Carrier, dont on avait commencé le procès, et dont les Thermidoriens entendaient faire servir la tête de gage de réconciliation[65]. Puisaye, après avoir cité la proclamation dans ses mémoires, commente en ces termes la phrase il en sera fait justice :Il est ici question de Carrier, de Collot-d'Herbois, de Billaud-Varenne, de Barère, etc., comme si le sang de quelques misérables pouvait entrer en compensation de tout celui qui avait été versé et en absoudre leurs complices ![66] C'est ainsi que les royalistes se disposaient à récompenser de ses avances le parti des républicains défectionnaires !

La Convention avait chargé trois de ses membres, Delaunay jeune, Bollet et Ruelle, de porter à la connaissance des Vendéens le décret pacificateur. Dans le document qu'ils publièrent à cet effet, les trois commissaires firent une maladroite énumération des départements auxquels leur mission s'étendait ; sur quoi Puisaye remarque qu'ils apprirent de la sorte sa force au parti royaliste ; et il ajoute : Ces offres hypocrites n'eurent d'autre effet que de donner aux insurgés un surcroît de confiance, et de leur fournir un moyen de plus de persévérer[67].

La propagation de la révolte au delà de ce qui avait jusqu'alors constitué son sanglant théâtre fut le résultat du système de ménagement adopté par la réaction à l'égard des rebelles. Les prisonniers de Brest ayant obtenu de prendre l'air un peu librement à certaines heures du jour, trois ardents royalistes, d'Allègre, ami de Puisaye, Georges et Mercier, profitèrent de cette condescendance pour s'évader, et, de chaumière en chaumière, gagnant le Morbihan, contribuèrent à y organiser la guerre civile[68].

Si, de son côté, l'habile et intrépide Boishardy parvint à mettre le département des Côtes-du-Nord en insurrection et y attaqua les républicains avec succès, ce fut précisément parce que ce département avait été beaucoup moins surveillé que ceux de la Mayenne, d'Ille-et-Vilaine et du Morbihan[69].

Nous avons raconté en son lieu l'arrestation de Hoche. En ne voyant point figurer sur son mandat d'arrestation la signature de Robespierre, Hoche avait compris qu'il l'avait eu pour défenseur au Comité de salut public, et le 1er prairial, il lui écrivait la lettre suivante :

Le soldat qui a mille fois bravé la mort dans les combats ne la craint pas sur l'échafaud. Son seul regret est de ne plus servir son pays et de perdre en un moment l'estime du citoyen qu'il regarda de tout temps comme un génie tutélaire. Tu connais, Robespierre, la haute opinion que j'ai conçue de tes talents et de tes vertus ; les lettres que je t'écrivis de Dunkerque, et mes professions de foi sur ton compte, adressées à Bouchotte et Audoin, en sont l'expression fidèle ; mais mon respect pour toi n'est pas un mérite, c'est un acte de justice, et s'il est un rapport sous lequel je puisse véritablement t'intéresser, c'est celui sous lequel j'ai pu utilement servir la chose publique. Tu le sais, Robespierre, né soldat, soldat toute ma vie, il n'est pas une seule goutte de mon sang que je n'ai (sic) consacré (sic) à la cause que tu as illustrée. Si la vie, que je n'aime que pour ma patrie, m'est conservée, je croirai avec raison que je la tiens de ton amour pour les patriotes ; si, au contraire, la rage de mes ennemis m'entraîne au tombeau, j'y descendrai en bénissant la République et Robespierre[70].

 

Cette lettre ne parvint pas à Robespierre ; Fouquier-Tinville, chargé de la lui remettre, la garda, ce qui prouve le peu d'influence qu'exerçait sur lui Maximilien, et Hoche, qui ne fut mis en liberté que le 17 thermidor, dut attendre assez longtemps avant d'obtenir sa nomination au commandement de l'armée des côtes de Brest. Que, lors de la pacification de la Prévalaye, Hoche ait dit à quelques royalistes : La Convention m'a retenu six semaines dans les fers, et je m'en souviendrai quand il en sera temps, c'est ce que Puisaye assure[71], mais ce que dément le caractère du guerrier auquel on prête ces indignes paroles. Toujours est-il que sa nomination ne déplut pas aux royalistes. Le résultat de mes informations sur le compte de Hoche, écrit Puisaye, avait produit dans mon esprit l'impression que, parmi les individus alors en évidence, nul n'était plus propre que lui à faire triompher la cause du roi, si l'on savait s'y prendre de manière à tirer parti de son ambition et de son ressentiment sans alarmer sa confiance[72]. Nul doute que, sur ce point, Puisaye n'eût été trompé et ne se trompât. Mais l'opinion que les royalistes avaient de Hoche explique mieux que ses grandes qualités d'homme et de soldat l'empressement de la réaction à le choisir.

Quant au général Canclaux, qui fut appelé au commandement de l'armée de l'Ouest, nul choix ne pouvait être alors plus agréable aux chefs de la rébellion. Dans un homme qui appartenait à la noblesse par sa naissance, dans l'ancien protégé du prince de Conti, dans l'ami[73] de ce comte Joseph de Puisaye qui, à celte époque-là même, négociait à Londres l'invasion de son pays par les Anglais, comment les chefs de la révolte vendéenne auraient-ils craint un ennemi bien décidé ?

Aussi Canclaux était-il pour une politique de ménagements, et c'est de ce côté que penchait également Hoche, forcé qu'il était d'opter entre les deux partis qui divisaient la Bretagne républicaine : celui du conventionnel Bollet, très-ardent à rechercher l'amitié des Vendéens, et celui du conventionnel Boursault, très-ardent à réclamer leur soumission absolue[74].

Cette divergence d'opinions enfanta d'âpres querelles. Bollet traitait de vil histrion Boursault, qui avait été comédien ; Boursault affectait pour l'intelligence de Bollet le plus profond mépris, et s'étudiait à perdre dans l'esprit des Comités Hoche, dont il était jaloux[75].

Ce fut le parti de la paix qui l'emporta ; et, si elle eût été conquise réellement, si elle eût été conquise sans bassesse, il n'y aurait eu qu'à se féliciter d'un semblable résultat. Quel ami de l'humanité, quelle âme de patriote aurait pu ne pas saluer avec bonheur et attendrissement la fin de celte horrible guerre, la réconciliation des Français ?

Malheureusement, tout ne fut que concessions dégradantes de la part des uns, insolence ou hypocrisie de la part des autres ; et les vainqueurs, à force de descendre gratuitement au rôle de vaincus, ne firent que préparer de nouveaux malheurs. Il est certain que le passage subit d'une politique d'airain à un système d'inconcevable faiblesse fut pris par les royalistes pour une reconnaissance formelle de leurs prérogatives. Quand ils virent que la République fléchissait devant eux, qu'elle semblait leur promettre, comme dédommagement de leurs maux, la tête d'hommes par qui le gouvernement républicain avait été dirigé ; quand ils apprirent que ce gouvernement faisait supplier Charette, réduit aux abois, de vouloir bien vendre la paix, les pieds dans le sang des républicains ; quand ils furent témoins des ovations extraordinaires ménagées par les commissaires de la Convention aux rebelles, tout à coup mis en liberté[76] ; quand ils lurent l'arrêté qui interdisait, sous peine de trois jours de prison, de nommer brigands[77] les auteurs des assassinats de Machecoul et les sicaires à la suite de Pageot, ils se jugèrent à la veille du rétablissement de la royauté. Profitant de l'armistice, les officiers vendéens se rendirent à Nantes, la cocarde blanche au chapeau, et là on entendit plusieurs d'entre eux tourner publiquement en dérision tout ce qui tenait aux opinions et aux habitudes républicaines. On ne croirait pas, si le fait n'avait été attesté par des royalistes, qu'ils allèrent jusqu'à cracher sur la cocarde tricolore[78]. Boursault disait donc vrai lorsqu'il écrivait : Les brigands ont paru dans Nantes, au théâtre, sur les places publiques, décorés des couleurs de la révolte, et insultant à la République, au moment même où sa clémence les rappelait dans son sein[79].

Il est à remarquer que, pendant ce temps, le royalisme entretenait en Angleterre des agents chargés de pousser Pitt à tenter une descente sur les côtes de France. Et le caractère odieux de cette négociation était si bien senti par ceux qui en poursuivaient ou souffraient qu'on en poursuivît en leur nom le bénéfice, que plus tard, le 13 août 1795, M. d'Avaray, l'intime de Monsieur, écrivait à Charette : Atténuez le mauvais effet que peut produire en France la confiance apparente accordée aux Anglais[80].

Le comte Joseph de Puisaye était arrivé à Londres vers la fin de septembre 1794 ; et, avant de partir de France, il avait fait accepter pour major général aux insurgés de Bretagne[81] un intrigant dont nous allons voir le nom figurer en première ligne dans l'œuvre ténébreuse qui nous reste à décrire.

Cet intrigant était fils d'un chirurgien de village, faisant les fonctions de barbier. Il se nommait Désotteux ; il avait commencé par s'attacher servilement aux Lameth.

Lors des 5 et 6 octobre, il avait été un de ces hommes déguisés en femmes qui marchèrent à Versailles. Envoyé ensuite par les Lameth auprès de Bouillé, il était devenu, de Jacobin ardent, royaliste furieux. Émigré à l'époque de la fuite de Louis XVI à Varenne ; repoussé, à Coblentz, comme démagogue ; placé, à son retour en France, dans la maison constitutionnelle du roi ; émigré de nouveau après le 10 août[82], il parvint à s'introduire auprès de Puisaye, qui ne le connaissait pas, porteur d'une recommandation du conseil des princes et d'un certificat du marquis de Bouillé[83]. Il avait de l'assurance, de la faconde. Puisaye, qui manquait d'hommes, en fit, au moment de s'absenter, un personnage important ; et lui, habile à tirer parti des circonstances, ne tarda pas à supplanter Boishardy dans la conduite des négociations relatives à la paix. C'est alors qu'il changea de nom, et se trouva être, au lieu de M. Désotteux, le baron de Cormatin[84].

Son premier pas dans la carrière diplomatique ne fut pas heureux ; il égara, en se rendant à Nantes, une lettre que Puisaye écrivait à Canclaux, et qui, entre autres phrases significatives, contenait celle-ci : Mon cher Canclaux, voulez-vous être Monk ou Custine ? Cette lettre étant tombée entre les mains des commissaires de la Convention, c'était plus qu'il n'en fallait pour compromettre le général républicain. Toutefois, il aurait pu s'excuser sur ce que ce n'était point sa faute si on lui adressait une lettre contraire à ses sentiments ; mais il était bien disposé pour moi, écrit Puisaye à ce sujet ; il prétendit donc, quoique nous eussions correspondu fréquemment, depuis mon entrée au service du prince de Conti jusqu'en 1792 et qu'il connût parfaitement mon écriture, il prétendit que la lettre n'était pas de Puisaye, que c'était un faux, et réussit à le faire croire[85].

Cependant, la réaction à Paris suivait son cours ; et plus elle se développait, plus le gouvernement se montrait disposé à traiter avec les rebelles de puissance à puissance. Dans un arrêté signé Bollet, ils étaient désignés le parti qui dirige les habitants de ces départements[86]. Les modifications introduites dans la composition des Comités, l'impulsion nouvelle donnée à l'esprit public, la clôture du club des Jacobins, expliquaient de reste ce changement de langage. L'exécution de Carrier eut lieu, et elle fut présentée aux insurgés royalistes comme une preuve de la sincérité du désir qu'on avait de se réunir à eux contre les Terroristes. Ce motif figura parmi ceux que fit valoir le général républicain Humbert, dans les conférences qu'il eut, à la fin de décembre 1794, avec Cormatin, Chantreau et Boishardy[87]. Et, le 31 du même mois, Cormatin écrivait à Puisaye pour presser son retour, ajoutant : Nous avons eu, Boishardy et moi, une entrevue avec le général Humbert. Il n'est pas d'avantages qu'il ne nous propose. Il y a, à Nantes, pareille entrevue entre Canclaux et Charette. J'y vais, avec un sauf-conduit, afin de voir sur quel pied ils traitent[88].

Cette lettre, où la loyauté du général Humbert était fort vantée, avait été écrite sous les yeux de Humbert lui-même. Mais Cormatin trouva moyen de la faire suivre de quatre lignes de chiffres dont lord Grenville découvrit le sens ; elles contenaient ce qui suit : Jamais nous ne nous rendrons. Nous allons amuser. De l'argent ! de l'argent ! Nous dépenserions le Pérou[89].

Et c'était le moment où Hoche, trompé par ce misérable hypocrite, écrivait au Comité de Salut public : Cormatin m'a assuré les larmes aux yeux que les propositions de ses chefs et les siennes étaient sincères et qu'il ne tiendrait qu'au gouvernement de rendre à la patrie des hommes que les préjugés ont égarés[90].

De leur côté, et, tandis que Hoche envoyait dire au chevalier de Boishardy mille choses honnêtes[91], les chefs royalistes du mouvement breton, de concert avec Boishardy, pressaient le retour de Puisaye et sollicitaient sous main l'or et l'épée de l'Angleterre[92] !

Inutile de demander si Charette était plus sincère : la politique convenue entre lui et Cormatin consistait à faire une paix simulée, pour la rompre à la première occasion favorable[93].

Ce fut dans cette disposition d'esprit que Charette voulut bien consentir à ce que des conférences régulières eussent lieu entre les deux partis. Il fut arrêté d'un commun accord qu'elles s'ouvriraient au château de la Jaunaye, situé à une lieue de Nantes. Charette s'y rendit, quoique les ennemis de la paix eussent fait courir le bruit que, s'il hasardait cette démarche, il serait assassiné[94]. Il est vrai qu'il avait eu soin de s'entourer d'une forte escorte. Lui, les autres généraux vendéens et huit principaux officiers furent logés au château même, la cavalerie d'escorte étant stationnée dans un château voisin[95]. Tout d'abord, les royalistes exprimèrent le vœu qu'on invitât Stofflet aux conférences. C'est ce qui fut fait ; et l'on ne tarda pas à le voir paraître, mais bien accompagné, le dédain dans le regard et le défi sur les lèvres. Les plates avances des représentants de la réaction thermidorienne avaient à ce point enflé son orgueil, qu'il déclara insolemment rejeter d'avance tout traité dont le premier article ne stipulerait pas la restauration de la monarchie[96]. Cette clause ayant été, comme on le conçoit, jugée impossible à proposer, il ne voulut pas en entendre davantage ; et, lorsque, le lendemain, dans la matinée, il apprit qu'un négociateur républicain venait d'arriver de Nantes, il se fit amener son cheval, dit aux siens : En route, cavaliers ! et, agitant son chapeau au-dessus de sa tête, il partit au galop, après avoir crié : Vive le roi ![97]

Stofflet était alors le seul homme de son parti qui ne tremblât point devant Charette. Le général vendéen Beauvais s'étant avisé de présenter quelques observations sur ce qu'avait de peu honorable cette comédie de pacification, Charette le regarda de manière à couper court au débat : Je me tus, a raconté l'officier royaliste, sachant qu'il n'y avait pas de sûreté pour moi à en dire davantage[98].

Le local des conférences avait été fixé, à quelque distance du château, au milieu d'une lande, sous une tente. Là se réunirent chaque jour, à une heure convenue, pendant près d'une semaine : d'une part, les commissaires de la Convention ; d'autre part, les chefs insurgés ; ceux-ci, comme ceux-là, accompagnés d'une escorte déterminée, qui se rangeait à quelques pas du pavillon[99].

Dans les débats, l'habitude de la tribune donnait une grande supériorité aux négociateurs républicains, et ils furent frappés de l'attitude embarrassée de leurs adversaires. Charette surtout, qui était très-ignorant et avait beaucoup de difficulté à s'exprimer, leur parut bien au-dessous de sa réputation. Cormatin, qui avait sur le rude chef de partisans, son collègue, l'avantage d'être fort verbeux, joua le rôle important[100].

Enfin, le 29 pluviôse (17 février) 1795, une déclaration fut arrêtée, que signèrent Charette, Fleuriot, de Conctus, Sapinaud, pour les armées du centre et des Pays-Bas ; Delaville et Bougé, pour l'armée d'Anjou ; Cormatin et Scepeaux, pour les Chouans, — car on avait admis à traiter d'égal à égal avec les représentants du peuple jusqu'à ces Chouans dont la plupart n'étaient que des détrousseurs de grand chemin[101], ces affreux Chouans qui, lorsqu'ils faisaient un républicain prisonnier, s'amusaient à lui arracher les yeux avec des tire-bourre[102] ! — Or, la déclaration commençait en ces termes, qui, non-seulement légitimaient la prise d'armes, mais imprimaient à la République une flétrissure : Des attentats inouïs contre notre liberté, l'intolérance la plus cruelle, le despotisme, les injustices, les vexations les plus odieuses, nous ont mis les armes à la main[103]. Ceci bien entendu, les chefs vendéens déclaraient se soumettre à la République française une et indivisible, et prenaient l'engagement — qu'ils se réservaient de violer et qu'ils violèrent — de ne jamais porter les armes contre la République[104].

Les arrêtés relatifs à la pacification portaient :

Que les Vendéens sans profession seraient libres d'entrer dans les armées de la République ;

Que ceux qui avaient des biens meubles ou immeubles seraient remis en possession de ces biens ;

Qu'on laisserait aux populations le libre exercice de leur culte ;

Que, pour relever les maisons ou chaumières en ruines, réveiller l'industrie, ranimer l'agriculture, on accorderait des secours[105].

Conditions humaines et réparatrices, auxquelles il serait doux d'applaudir, si le traité s'était borné là. Mais il renfermait des conditions honteuses, tellement honteuses, qu'il fallut les tenir secrètes. A chaque rebelle, on promit, en numéraire, une indemnité proportionnée à son rang dans l'armée, — on en était venu à appeler ainsi les rassemblements d'insurgés[106], — et Charette eut, pour sa part, deux millions[107] !

Ce n'est pas tout : il obtint — chose monstrueuse — de conserver le commandement et la police du territoire occupé par son armée, sous l'autorité de la Convention[108].

C'était lui laisser le pouvoir de rallumer la guerre quand bon lui semblerait, et la suite dira s'il se fit scrupule d'en profiter.

Or, quelques jours auparavant (le 1er février 1795), il avait reçu du frère de Louis XVI, celui qui s'intitulait Régent de France, une lettre où il était dit : Enfin, monsieur, j'ai trouvé le moyen que je désirais tant ; je puis communiquer avec vous ; je puis vous parler de mon admiration, de ma reconnaissance. Si cette lettre est assez heureuse pour vous parvenir à la veille d'une affaire, donnez pour mot d'ordre : Saint Louis : et, pour cri de ralliement : le Roi et la Régence. — A quoi, Charette, qui jurait alors de se soumettre à la République française une et indivisible, avait répondu : La lettre dont Votre Altesse royale vient de m'honorer transporte mon âme. Combien les mots d'ordre et de ralliement que Votre Altesse royale indique sont encourageants et faits pour nous conduire ! Ils furent ma devise dès le principe, et je ne les oublierai de ma vie[109].

De sorte que celte prétendue pacification dont on allait faire tant de bruit, ne fut qu'un pacte entre la bassesse et le mensonge.

Avant de poursuivre ce récit, et comme contraste bien digne d'arrêter les regards de l'histoire, nous placerons ici un document très-curieux, que nos prédécesseurs semblent avoir ignoré, et qui remonte à une date antérieure au 9 thermidor. Rien de plus frappant comme indication de la pente que, depuis ce moment, les esprits avaient descendue, en tout ce qui était force d'âme, conviction fière et dignité. C'est l'interrogatoire du prince de Talmont par Rossignol. Le langage, de part et d'autre, est d'une hauteur qui rappelle une scène de Corneille. On en va juger[110].

TALMONT. — N'est-ce pas au général Rossignol que j'ai l'honneur de parler ?

ROSSIGNOL. — Oui. Le représentant du peuple et moi, nous vous avons mandé pour avoir de vous des renseignements certains sur les moyens, sur les intentions, sur les correspondances de votre parti. Vous n'ignorés pas ce que la loi prononce sur votre sort ; vous n'avez plus rien à espérer et à craindre, et les lumières que vous nous donnerez peuvent être encore utiles à votre pays[111]. Quel a été le résultat de votre dernier conseil tenu à Blain ?

TALMONT. — Vous n'êtes pas sans doute dans l'usage de divulguer les plans de campagne que vous arrêtés dans vos conseils. Nous sommes généraux l'un et l'autre, et vous savez comme moi ce que nous devons au secret de nos opérations.

ROSSIGNOL. — Général comme vous !... Vous combattiez pour la tyrannie, et je commande aux soldats de la raison et de la liberté. Savez-vous qui je suis ?

TALMONT. — Sans doute un homme à talents, qui devez votre élévation à votre courage et à vos lumières.

ROSSIGNOL. — Vous me flattés. Je suis compagnon orfèvre.

TALMONT. — Cela n'est pas possible.

ROSSIGNOL. — C'est aussi vrai que vous étiez ci-devant prince de Talmont.

TALMONT. — Je le suis encore.

ROSSIGNOL. — Laissons cela. Quel était le but de l'armée soi-disant catholique ?

TALMONT. — L'armée catholique combattait pour son roi, pour l'honneur et le rétablissement des anciennes lois de la monarchie.

ROSSIGNOL. — Quoi ! c'était pour servir un maître que vous répandiez tant de sang, que vous ravagiez tant de pays !

TALMONT. — Chacun de nous avait servi avec distinction, et nous préférions la tyrannie d'un seul, puisque c'est ainsi que vous l'appelés, à celle de six cents hommes, dont les passions, l'orgueil et l'immoralité font de leur patrie un théâtre d'oppression et de carnage, où personne n'ose énoncer librement son opinion, et où il n'est pas une seule famille qui n'ait à regretter un père, un frère, un ami. Vous même, général, vous que la fortune et la guerre couronnent en ce moment, croyez-vous échapper à la faux de l'anarchie ? Désabusés-vous. La Convention ne met dans les places des hommes intègres et de bonne foi que pour les livrer, sous le prétexte frivole de trahison et de perfidie, au glaive de la vengeance, qu'on appelle celui de la justice.

ROSSIGNOL. — Arrêtez, Talmon !... Vous calomniés la représentation nationale ; elle a frappé tous les scélérats qui s'entendaient avec vous et vos pareils pour la prolongation de la guerre, ou pour l'établissement des rois ; mais elle décerne des couronnes civiques aux hommes qui se battent de bonne foi pour la liberté, et savent sans regret mourir pour elle. Mais revenons. N'avez-vous pas eû avec l'Angleterre une correspondance qui vous promettait, à une époque déterminée, des secours en hommes, en vivres, en munitions, et surtout une combinaison simultanée d'attaque sur Granville ?

TALMONT. — Oui.

ROSSIGNOL. — D'où vient donc que cette opération a échoué ?

TALMONT. — On avait répandu dans l'armée royale des bruits qui tendaient à déshonorer les chefs, et elle n'a pas donné avec sa chaleur ordinaire. D'ailleurs, l'Angleterre a manqué de parole, ou des causes physiques et locales ont empêché le débarquement.

ROSSIGNOL. — Si l'Angleterre vous a manqué de parole, vous devez être irrité contre ses ministres, et n'ayant plus rien à ménager avec eux, vous pourriez, en mourant, rendre service à votre patrie en dévoilant les complots ourdis contre elle.

TALMONT. — Je veux, en mourant, emporter au tombeau l'estime de tous les partis. Vous n'avez pas sans doute espéré que je me déshonorerais par une bassesse. Amis ou ennemis, les puissances étrangères et nous, servions la même cause ; elle triomphera, et je ne veux pas qu'on dise que je ne l'ai pas servie jusqu'à ma dernière heure.

ROSSIGNOL. — Elle triomphera !... Vous ignorés donc les succès de la République ?

TALMONT. — Non, j'ai entendu parler de ses prétendues victoires. Au surplus, la guerre a ses vicissitudes, et vous n'ignorés pas, général, que dans soixante-huit combats livrés contre vous, nos armes n'ont pas toujours été malheureuses.

ROSSIGNOL. — Non, je vous le répète : vous avez vaincu quand des généraux perfides vous livraient nos armes et nos munitions. Votre armée n'a pas trouvé parmi nous les mêmes ressources, et vous n'aviez plus de poudre, m'a-t-on dit, lorsque votre colonne s'est dissoute.

TALMONT. — Si j'en avais eu, je ne serais pas ici, et il faut avouer que nous n'en avons pas manqué longtemps. La nation nous en fournissait, et c'est ce qu'il y avait de commun entre elle et nous.

ROSSIGNOL. — D'où vient que vous n'êtes pas venu en chercher à Rennes ?

TALMONT. — On n'a pas toujours suivi mes avis dans le Conseil. Ma première intention, après avoir passé la Loire avec cent mille hommes, était de marcher sur Paris ; depuis, j'ai eu des projets sur Rennes et le reste de la Bretagne ; mais des paysans, jaloux de retourner dans la Vendée, dégoûtés de courses et de fatigues, ont dicté impérieusement nos démarches et précipité notre ruine en hâtant la leur.

ROSSIGNOL. — Voilà donc où ont abouti tant de dévastations, tant de pillages, tant d'assassinats, tant de convulsions du fanatisme !

TALMONT. — On nous accuse de fanatisme, et c'est à tort. Nous n'avons jamais eu dans nos armées d'autres pratiques que celles de nos pères ; et quant aux malheurs que cette guerre a entraînés, ce n'est pas à la République à s'en plaindre ; elle les a nécessités en portant le fer et le feu dans nos possessions, en fusillant nos prisonniers, en égorgeant nos malades. Nous nous battions avec fureur mais avec loyauté, et celui de nous qui, dans l'action, se livrait à la destruction avec le plus de force, n'eût pas touché un seul soldat patriote le lendemain du combat. Vos prisonniers de Saint-Florent attesteront à jamais cette vérité ; mais les nôtres[112]...

ROSSIGNOL. — La République ne traite point d'égal à égal avec des rebelles, et l'opinion de la France entière s'élèverait contre toute disposition de paix et de conciliation[113].

TALMONT. — L'opinion !... L'accueil qu'on nous a fait partout prouve qu'elle était en notre faveur. L'opinion ! ah ! si j'étais seul avec chacun de vous, peut-être votre langage serait-il bien différent.

ROSSIGNOL. — Vous ne connaissez pas les amis de l'égalité. Ils n'ont pas, comme les courtisans, un langage pour le théâtre, un autre pour l'intimité ; il n'y a pas dans l'armée un soldat qui ne sache qu'il combat pour ses plus chers intérêts. Au surplus, nous nous écartons toujours. Quels étaient vos agents pour correspondre avec l'Angleterre ?

TALMONT. — Des hommes sûrs qui prenaient tous différentes routes, différents moyens pour arriver à Jersey et en rapporter les réponses. — Charette, par exemple, à Noirmoutier, a pour cela les plus grandes facilités.

ROSSIGNOL. — N'en connaissez-vous aucun qui soit actuellement dans la République ?

TALMONT. — J'ai déjà répondu combien j'étais éloigné de trahir ma cause. Je n'achèterai pas la vie à ce prix ; je ne forme qu'un vœu, c'est de hâter le moment où je dois la perdre.

ROSSIGNOL. — C'est à la Convention nationale à prononcer[114].

 

Reprenons notre récit. Le jour où fut signée la paix de la Jaunaye, Charette arriva au rendez-vous avec une escorte, et, en abordant le général Canclaux, lui dit à haute voix : Le général Canclaux veut-il permettre à Charette de lui offrir le baiser fraternel ? Canclaux, pris à l'improviste, hésite, se tourne vers Bollet, et semble attendre son approbation. Oui, oui, dit Bollet, en le poussant brusquement. Charette changea de couleur, frappé qu'il fut d'une pusillanimité aussi imprévue[115].

Lorsque la nouvelle de la paix se fut répandue et qu'on en connut les conditions, elles parurent si fortement empreintes de royalisme, que cela donna lieu aux rumeurs les plus étranges. On prétendit que les envoyés de la Convention s'étaient engagés à rétablir la monarchie. On alla jusqu'à affirmer qu'une clause secrète promettait aux royalistes le fils de Louis XVI, alors enfermé au Temple[116].

Mais ce qui mit le comble à l'humiliation que les représentants de la République infligeaient à la République, ce fut l'entrée de Charette à Nantes. Elle eut tout l'éclat, toute la pompe d'un triomphe. Un panache blanc flottait à son chapeau et il portait tous les insignes de son parti. On cria sur son passage : Vive le pacificateur de la Vendée ![117]

Lui, s'avançait d'un air sombre, que chacun remarqua et que rien ne put adoucir[118], soit qu'il craignît pour sa sûreté, ou que, décidé à enfreindre la paix qu'il venait de signer, il se fît intérieurement honte à lui-même. On eut beau l'inviter à des fêtes brillantes, lui donner des repas somptueux, l'entourer d'hommages, il ne cessa point, tant que dura son séjour à Nantes, d'être taciturne et de se montrer inquiet.

Quant à ses officiers, leur conduite fut scandaleuse. Leur ignorance, leur forfanterie, indisposèrent contre eux les cercles de bon ton ; les cabarets retentirent des éclats de leur joie grossière, et quelques-uns d'entre eux y donnèrent le spectacle des mœurs les plus crapuleuses[119]. L'escorte de Charette, casernée dans un château voisin de celui de la Jaunaye, le mit au pillage avant de le quitter, à ce point que les cavaliers de cette armée qui prétendait combattre pour la religion et le bon ordre, emportèrent jusqu'aux rideaux de lit[120].

Telle fut cette paix de la Jaunaye que Hoche, le 1er ventôse (19 février) 1795, annonça aux troupes qu'il commandait, non sans ajouter qu'il en éprouvait un plaisir bien vif[121]

La Bretagne restait à pacifier : on la pacifia de la même façon. A la Prévalaye, près Rennes, des conférences s'ouvrirent, d'où Cormatin eut l'insolence de demander que Hoche et les généraux fussent exclus, ce que des représentants de la réaction eurent la bassesse d'ordonner[122].

Enfin, un traité qui était pour l'armée de Bretagne ce que celui de la Jaunaye était pour l'armée de Charette, fut signé à la Mabilaye, le 1er floréal (20 avril) 1795.

Cormatin avait eu soin de faire stipuler qu'on lui donnerait quinze cent mille francs[123] : c'était mettre à haut prix, comme on voit, la trahison qu'il méditait et dont il porta la peine trop tard.

Pendant ce temps, Charette, rentré dans le pays insurgé, ne prenait même pas la peine de dissimuler. C'était la cocarde blanche que les siens portaient au chapeau ; c'était le drapeau blanc qu'ils promenaient aux exercices et aux cérémonies. Rien n'ayant changé, sinon qu'on ne se battait plus et que les insurgés jouissaient de toute la sécurité désirable, Charette put attendre à son aise le moment de violer ses promesses. Aussi s'adonna-t-il plus que jamais à ses habitudes de luxe, passant son temps à la chasse ou au bal, se moquant de ceux qui lui avaient acheté ce qu'il ne leur avait pas vendu, ne daignant pas ouvrir leurs lettres, et se servant de leurs gazettes pour allumer sa pipe[124].

 

 

 



[1] Voyez le dixième tome de cet ouvrage, livre XI, chapitre II.

[2] Mémoires de madame de La Rochejaquelein, ch. XXIII, p. 403, 404.

[3] Mémoires de madame de La Rochejaquelein, ch. XXIII, p. 405.

[4] Mémoires du général Turreau, liv. IV, p. 145.

[5] Le manque de repos avait empêché sa blessure de guérir. Mémoires de madame de La Rochejaquelein, p. 406.

[6] Mémoires du général Turreau, liv. IV, p. 145.

[7] Elle eut lieu le 13 nivôse (2 janvier) 1794.

[8] Mémoires du général Turreau, liv. IV, p. 142 et 143.

[9] Mémoires du général Turreau, liv. IV, p. 144.

[10] Mémoires de madame de Sapinaud, p. 64.

[11] Mémoires du général Turreau, liv. IV, p. 146.

[12] Mémoires de madame de La Rochejaquelein, p. 414.

[13] Mémoires de madame de La Rochejaquelein, p. 414.

[14] Nous avons rapporté dans un précédent volume les horreurs qui furent commises à Machecoul. C'était au commencement de la guerre.

[15] Éclaircissements historiques, à la suite des Mémoires de madame de La Rochejaquelein, X.

[16] Mémoires du général Turreau, p. 147.

[17] Mémoires du général Turreau, p. 147.

[18] Mémoires du général Turreau, p. 152 et suiv.

[19] Mémoires sur la Vendée, par un ancien administrateur militaire, chap. VIII, p. 135.

[20] Mémoires du général Turreau, p. 164 et 165.

[21] La mort de La Rochejaquelein est racontée autrement par les écrivains royalistes, dont les récits, d'ailleurs, sont fort contradictoires. Selon madame de La Rochejaquelein, qui ne peut parler ici que par ouï-dire, La Rochejaquelein, en se portant de Trémentine sur Nouaillé, suivi des siens, aurait aperçu deux grenadiers républicains, et aurait empêché qu'on ne tombât sur eux, en disant : Non, je veux leur parler. Sur quoi, il se serait avancé et aurait reçu de l'un d'eux le coup mortel, au moment où il venait de lui crier : Rendez-vous, je vous fais grâce (Mémoires de madame de La Rochejaquelein, p. 407). Madame de Sapinaud dit, elle, qu'étant à la poursuite de deux dragons, il en tua un, et tenait le sabre levé sur l'autre, quand celui-ci demanda grâce ; elle lui fut accordée, et aussitôt il aurait tué d'un coup de pistolet l'homme qui lui sauvait la vie (Mémoires de madame de Sapinaud, p. 65). Ces deux versions royalistes, qui ne s'accordent guère, ont toutefois cela de commun qu'elles font résulter la mort de La Rochejaquelein, d'un lâche et abominable assassinat commis gratuitement par un soldat républicain. La version que nous avons adoptée est celle que donnent les Mémoires sur la Vendée, par un ancien administrateur militaire, p. 147. Et nous avons adopté celle-là, parce qu'elle nous a paru plus vraisemblable, moins visiblement dictée par l'esprit de parti, l'auteur étant, du reste, défavorable aux républicains et grand admirateur de La Rochejaquelein.

[22] Sur la date de la mort de La Rochejaquelein, il règne la plus grande incertitude. Les uns la placent vers la fin de février, les autres au commencement du même mois, d'autres le 4 mars.

[23] Lettre du représentant du peuple Francastel, Moniteur, an II (1794), n° 110.

[24] Moniteur, an II (1794), n° 117.

[25] Voyez ce qu'il disait au général Turreau dans les Mémoires de ce dernier, p. 144.

[26] Notes fournies à l'auteur par M. Benjamin Fillon.

[27] Cette remarque est de M. Benjamin Fillon, qui cite à l'appui la complainte de Pontcallec dans les chants bretons recueillis par M. de la Villemarqué.

[28] Nous lisons dans les notes de M. Benjamin Fillon : C'est en effet le témoignage qu'a rendu devant moi des derniers instants du prince de Talmont un témoin oculaire, M. Benjamin Fillon, frère ainé de mon père, mort il y a quelques années officier supérieur en retraite. Il était alors maréchal des logis en chef au 19e dragons, et avait été commandé pour assister au supplice de cette triste victime de nos guerres civiles.

[29] Prudhomme, dans sa liste des condamnés à mort pendant la Révolution, place cette exécution au 6 pluviôse (26 janvier) 1794. C'est évidemment une erreur, puisque la lettre adressée au président de la Convention par le général Beaufort pour lui annoncer la mort de Talmont, est du 17 nivôse (6 janvier).

M. Crétineau-Joly a écrit la biographie du prince de Talmont, et, dans sa Vendée militaire, tracé le portrait du chef vendéen. Ce sont pures fantaisies littéraires qui n'ont aucune valeur aux yeux de l'histoire.

[30] Mémoires du général Turreau, p. 168 et 169.

[31] Mémoires sur la Vendée, par un ancien administrateur militaire, p. 145.

[32] Mémoires de madame de Sapinaud, p. 96 et 97.

[33] Mémoires sur la Vendée, p. 148.

[34] Mémoires du général Turreau, p. 171.

[35] Mémoires sur la Vendée, p. 153.

[36] Les Mémoires sur la Vendée, écrits par un des administrateurs républicains chargés du soin des subsistances, fournissent de ceci une preuve frappante. Quand les quatre colonnes dont le point de réunion était Montaigu y arrivèrent, elles s'y trouvèrent en présence de la famine ! Voyez p. 154.

[37] Mémoires sur la Vendée, p. 160.

[38] Mémoires sur la Vendée, p. 161.

[39] Mémoires sur la Vendée, p. 161.

[40] Mémoires sur la Vendée, par un ancien administrateur militaire, p. 161.

[41] Mémoires sur la Vendée, p. 163.

[42] Mémoires sur la Vendée, p. 163.

[43] Il existe du fait qui vient d'être rapporté deux versions royalistes qui diffèrent : l'une, par madame de La Rochejaquelein, l'autre par madame de Sapinaud. Nous avons suivi la dernière, parce que madame de Sapinaud donne l'explication qu'elle tenait de la bouche de Marigny lui-même.

[44] Mémoires de madame de la Rochejaquelein, p. 411.

[45] Mémoires de madame de la Rochejaquelein, p. 411.

[46] Mémoires de madame de Sapinaud, p. 96.

[47] Mémoires de madame de Sapinaud, p. 96.

[48] Nous verrons tout à l'heure de quelle manière.

[49] Éclaircissements historiques, X.

[50] Sa conduite ayant été réprouvée par le Comité de Salut public, ainsi que cela résulte d'une déclaration ultérieure de Billaud-Varenne.

[51] Mémoires sur la Vendée, 1. III, chap. Ier.

[52] Mémoires de Puisaye, t. II, p. 565.

[53] Voyez la déclaration de La Cathelinière, fait prisonnier, dans les Mémoires de Turreau, p. 173.

[54] Mémoires de Turreau, p. 175.

[55] Il était à l'armée des Alpes. Moniteur, an III (1794), numéro 12.

[56] Séance du 8 vendémiaire (29 septembre) 1794. Voyez le Moniteur, an III (1794), numéro 11.

[57] Turreau, dans ses Mémoires, ne dit pas un mot de cet ordre féroce, qu'il était si fort de son intérêt de nier, s'il n'avait pas existé.

[58] Mémoires sur la Vendée, par un ancien administrateur militaire, p. 178.

[59] La remarque est d'un royaliste ; seulement il lui donne un sens plus général, que le fait ne comporte pas. Voyez les Éclaircissements historiques, à la suite des Mémoires de madame de La Rochejaquelein, IX.

[60] Moniteur, an III (1794), numéro 94.

[61] C'est ce qu'affirme le général Danican, qui était bien instruit. Voyez les Brigands démasqués, 3e édition, p. 174. Londres, 1796.

[62] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 132.

[63] Éclaircissements historiques, à la suite des Mémoires de madame de La Rochejaquelein, X.

[64] Moniteur, an III (1794), numéro 74.

[65] C'est ce que Beauchamp, dans son Histoire de la Vendée, dit en propres termes.

[66] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 167.

[67] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 172.

[68] Mémoires de Puisaye, t. II, p. 554.

[69] Mémoires de Puisaye, t. II, p. 140.

[70] Ernest Hamel, Histoire de Robespierre, t. III, p. 500.

[71] Mémoires de Puisaye, t. III, p 427.

[72] Mémoires de Puisaye, t. III, p. 438-439.

[73] Mémoires de Puisaye, p. 433.

[74] Danican, les Brigands démasqués, p. 175.

[75] Danican, les Brigands démasqués, p. 175.

[76] Voyez les Mémoires de madame de La Rochejaquelein, p. 385.

[77] L'arrêté qui défend de donner le titre de brigands aux rebelles est mentionné par madame de La Rochejaquelein elle-même comme ayant encouragé les Vendéens à insulter publiquement la République devant les républicains.

[78] Mémoires de madame de La Rochejaquelein, p. 385.

[79] Lettre officielle de Boursault au Comité de Salut public.

[80] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 27.

[81] Ibid., t. II, p. 590.

[82] Moniteur, an III (1795), numéro 255.

[83] Mémoires de Puisaye, t. II, p. 590.

[84] Moniteur, an III (1795), numéro 255.

[85] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 261.

[86] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 225.

[87] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 209 et suiv.

[88] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 209 et suiv.

[89] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 222.

[90] Lettre de Hoche au Comité de Salut public, en date du 23 nivôse, an III.

[91] Lettre du général Humbert au chevalier de Boishardy, en date du 25 nivôse an III.

[92] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 365.

[93] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 448. — Le lecteur remarquera que tout ceci repose sur des témoignages royalistes.

[94] Moniteur, an III (1795), numéro 176.

[95] Éclaircissements historiques, n° IX, à la suite des Mémoires de madame de La Rochejaquelein.

[96] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 450.

[97] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 454.

[98] Mémoires du général Beauvais sur la Vendée, p. 67 et suiv.

[99] Éclaircissements historiques, n° IX, à la suite des Mémoires de madame de La Rochejaquelein.

[100] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 446 et 447.

[101] Voyez le Moniteur, an II (1794), numéro 140. — Ibid., an IV, numéro 57. — Beaulieu, t. IV, p. 165.

[102] Voyez le Discours de Louvet, séance du 19 thermidor 1795.

[103] Moniteur, an III (1795), numéro 176.

[104] Moniteur, an III (1795), numéro 176.

[105] Bibliothèque historique de la Révolution. 1046, 7-8. (British Museum.)

[106] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 460.

[107] Montgaillard, t. IV, p. 312.

[108] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 460.

[109] Correspondance secrète de Charette, Stofflet, Puisaye, Cormatin, d'Autichamp, etc., imprimée sur pièces originales saisies par les armées de la République, an VII. — Ce document est parfaitement authentique. Puisaye lui-même en convient dans ses Mémoires. On en trouve dans le Moniteur un compte rendu très-circonstancié.

[110] Nous devons communication de ce document d'un intérêt à la fois si historique et si dramatique à M. Benjamin Fillon. Il fait du reste partie de pièces importantes imprimées en 1794 et formant une brochure in-8° de 22 pages, devenue presque introuvable. La copie que nous donnons est textuelle.

[111] Rossignol, on le voit, ne cherchait pas à amener Talmont à des aveux par de menteuses promesses. Il l'avertissait d'avance, avec une franchise caractéristique, qu'il n'avait plus rien à espérer, et laissait à son patriotisme le soin de décider de ses réponses.

[112] Ce que Talmont disait ici était absolument inexact. Il est certain que ce furent les affreux massacres de Machecoul qui ouvrirent l'ère des représailles inexorables en Vendée. Même dans l'armée dont Talmont faisait partie, Marigny ne se faisait aucun scrupule d'égorger les prisonniers après le combat, et sa barbarie ne fut jamais dépassée. Nous en avons donné d'effroyables preuves. Ce qui est vrai, c'est que Lescure, La Rochejaquelein et Bonchamps déployèrent beaucoup d'humanité. Mais, partout où ils n'étaient pas, et quand ils ne furent plus, la férocité vendéenne ne connut pas de bornes.

[113] On eût en effet regardé comme un déshonneur, à cette époque, de traiter avec la révolte armée. Et il est à remarquer que ces mêmes Thermidoriens qui achetèrent la paix à Charette argent comptant, avaient repoussé, quelques mois auparavant jusqu'à l'idée d'une amnistie proposée en faveur des Vendéens. Par qui ? Par Levasseur, un montagnard ! Carrier rappela ce fait dans sa défense.

[114] La copie sur laquelle celle-ci a été faite est de la main de Rossignol. Elle paraît provenir des papiers du Comité de Salut public, auquel elle avait sans doute été adressée par le général. Elle porte cette note marginale : numéro 6124, 16 pluviôse. — Elle passa ensuite entre les mains de Courtois, auteur du rapport sur les papiers de Robespierre. Note de M. Benjamin Fillon.

[115] Danican, les Brigands démasqués, p. 179.

[116] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 461.

[117] Mémoires sur la Vendée, par un administrateur militaire, p. 185.

[118] Mémoires sur la Vendée, p. 185. — Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 162. Puisaye s'exprime ainsi : Des témoins oculaires m'ont assuré que le regret et la douleur étaient peints sur sa figure.

[119] Éclaircissements historiques, n° XI, à la suite des Mémoires de madame de La Rochejaquelein.

[120] Éclaircissements historiques, n° XI, à la suite des Mémoires de madame de La Rochejaquelein.

[121] Moniteur, an III (1795), numéro 162.

[122] Vie de Lazare Hoche, p. 238.

[123] Mémoires de Puisaye, t. IV, p. 491.

[124] On peut voir de quelle manière la conduite de Charette est jugée dans les Éclaircissements historiques à la suite des Mémoires de madame de La Rochejaquelein. Mais que dire de la politique thermidorienne, qui donna lieu à cette conduite et la toléra ?