HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME DIXIÈME

LIVRE ONZIÈME

 

CHAPITRE DOUZIÈME. — LOI DU 22 PRAIRIAL

 

 

Comment sortir de la Terreur ? obstacles. — Horribles conflits dans le Midi. — Faux révolutionnaires ; leur avidité. — Gaspillage des domaines nationaux. — Rapines à l'ombre de la guillotine. — Jourdan Coupe-Tête et Rovère. — Maignet dénonce Jourdan Coupe-tête ; Robespierre le fait traduire au Tribunal révolutionnaire ; sa condamnation. — Destruction du village de Bédouin. — Etablissement de la Commission populaire d'Orange. — Instructions rédigées par Robespierre. — Il voulait tuer la Terreur par la Terreur. — But de la loi du 22 prairial, sur la réorganisation du Tribunal révolutionnaire. — Déclaration importante de Fouquier-Tinville. — Adoption de la loi du 22 prairial, sur un rapport présenté par Couthon. — Monstrueux sophismes sur lesquels Robespierre et Couthon appuyèrent cette loi néfaste. — Que les articles 10 et 20 n’avaient pas le sens qu’on leur a prêté. — Interprétation alarmante pour la Convention que leur donne Bourdon (de l’Oise) ; décret en conséquence. — Scène violente dans l’intérieur du Comité de salut public. — Séance du 24 prairial ; Couthon traite les commentaires de Bourdon (de l'Oise) de calomnieux, et demande qu’on annule le vote de la veille ; discours de Robespierre ; effroi de Bourdon (de l’Oise) ; Tallien accusé de mensonge ; lettre de lui à Robespierre ; conclusions de Couthon adoptées. — Robespierre décidé à se tenir à l’écart du Comité de salut public ; pourquoi. — Exemple mémorable des dangers qu’entraîne l'adoption de cette doctrine ; Le but justifie les moyens.

 

La fête de l’Être suprême était, de la part de Robespierre, un pas pour sortir de la Terreur. Aussi est-ce à cette époque que se rapporte la proposition faite par lui à ses collègues d'un plan de gouvernement régulier. Seulement il croyait la réalisation de ce plan impossible, si l’on ne frappait d’abord les terroristes du Comité de sûreté générale, tels qu’Amar, Jagot, Vadier, Voulland, et ceux des commissaires de la Convention qu’il accusait de s’être souillés de sang et de rapines[1], tels que Fouché (de Nantes), Fréron, Tallien, Carrier. Là fut l’écueil. Collot-d’Herbois, que Fouché eût entraîné dans sa chute, résista violemment ; Billaud-Varenne le soutint[2], non par aucun sentiment personnel, mais par fanatisme révolutionnaire et en haine de l’ascendant d’un seul homme. Il faut dire aussi que la hauteur de Saint-Just, sur qui Robespierre s’appuyait, était devenue odieuse à plusieurs de leurs collègues. Déjà, au commencement de floréal, une querelle avait eu lieu entre Saint-Just et Carnot ; des paroles très-vives avaient été échangées, et ce dernier, avec un mélange de moquerie et de colère, avait prononcé le mot dictature[3]. Une rupture ouverte était imminente : de part et d’autre on se prépara au combat.

Pour apprécier la conduite que tinrent, en ces circonstances critiques, Robespierre, Saint-Just et Couthon, il importe de se rendre bien compte des obstacles.

Qu’il fût enfin coupé court à la violence révolutionnaire, quoi de plus désirable ? mais l’indomptable hostilité des royalistes rendait la lâche d’une difficulté immense, et tendait à mettre les apparences du patriotisme du côté des républicains inflexibles ; ceux-là s’exposant naturellement au reproche de mollesse, ou même au soupçon de trahison, qui parlaient de vaincre la fureur autrement, que par la fureur. Sur divers points de la France, on avait essayé du système de la modération, et avec si peu de succès malheureusement, qu’il avait fallu reprendre la hache. La Révolution ne paraissait pas plutôt fléchir, que ses ennemis passaient d’une haine sourde à l’audace ; et tout effort pour les gagner n’aboutissait qu’à leur donner l’espoir de vaincre. Rien ne montre mieux dans quels épineux sentiers Robespierre avait à marcher que les événements qui amenèrent rétablissement de la Commission d’Orange, et préparèrent ainsi cette loi du 22 prairial dont il nous reste à tracer la sombre histoire.

Nulle part en France, si l’on excepte l’insurrection vendéenne, la résistance à la Révolution n’avait été plus vive que dans le Midi. Souvent même elle y avait revêtu un caractère sauvage. La veille de mon arrivée, mandait à Payan un de ses amis[4], six hommes masqués se sont présentés, vers neuf heures et demie du soir, à la campagne du citoyen Gras, bon patriote que tu dois connaître ; ils se saisissent des domestiques, les enferment, conduisent Gras dans une cave, et le fusillent, en présence de son jeune enfant, qu'ils forcent à tenir la lampe ! De telles horreurs en provoquant d’autres en sens contraire, rude était la tâche de ceux qui, dans ces contrées ardentes, voulaient donner à la Révolution une altitude à la fois énergique et calme.

D’un autre côté, là, comme partout, le bouleversement des choses anciennes avait éveillé au fond des âmes viles d’âpres désirs auxquels un semblant de patriotisme servait de voile. Le partage des biens nationaux avait de quoi tenter l’esprit de spéculation : des milliers de harpies se préparèrent à fondre sur cette proie ; et, comme l’exercice d’un pouvoir redouté était un moyen sûr de couvrir des manœuvres honteuses, de prévenir les plaintes, d’écarter les concurrents, beaucoup devinrent révolutionnaires exaltés pour participer à la puissance publique, et convoitèrent la puissance publique pour s’enrichir. Les biens nationaux furent l’objet d’un véritable brigandage[5]. Une partie de la bourgeoisie, qui s’était détournée de la Révolution par frayeur, s’en rapprocha par cupidité. Insensiblement, les Comités révolutionnaires se remplirent de procureurs, de clercs, d’huissiers, de praticiens, de prêteurs sur gages, de marchands roués et avides[6]. Jusqu’à des nobles s’y firent représenter par leurs agents d’affaires. Et tous se ruèrent à la curée, à l’ombre de la guillotine. Dans les campagnes principalement, le mal se développa au point que Couthon dut demander la suppression des comités révolutionnaires des petites communes[7].

Un des traits les plus hideux de ce tableau est l’alliance sordide qu’en mainte occasion la soif du gain amena entre les partis opposés. En parlant d’un massacreur devenu propriétaire de riches domaines dans le comtal Venaissin, la marquise d’Airagues disait : A présent que M. Jourdan se rapproche des bons principes, vous verrez qu’on nous l’enlèvera[8]. L’homme en question était Jourdan Coupe-tête, ainsi désigné parce que, lors de l’invasion du château de Versailles, il avait coupé la tête aux deux gardes du corps Deshuttes et Varicourt[9]. C’était lui aussi qui avait arraché le cœur à Foulon : il s’en vantait[10] ! Ce misérable, successivement boucher, garçon maréchal-ferrant, soldat au régiment d’Auvergne, a Haché aux écuries du maréchal de Vaux, marchand de vin à Paris sous le nom de Petit, négociant en garance pour la teinture à Avignon, puis général de l’armée avignonnaise, et enfin chef d’escadron de la gendarmerie[11], avait trouvé un utile complice de ses déprédations dans le montagnard Rovère, qui, après s’être donné le nom de marquis de Fontvielle sous la monarchie, s’était fait élire à la Convention en affirmant qu’il était petit-fils d’un boucher[12]. Ces deux amis[13], bien dignes l’un de l’autre, furent, dans le Midi, les organisateurs des bandes noires. Sous leur direction se forma une association dont le but était l’acquisition à vil prix des domaines nationaux. Chose à peine croyable ! plus de cinq cents personnes, revêtues de fonctions publiques, firent partie de celle association d’hommes de proie, aux manœuvres de laquelle Rovère dut d’obtenir, pour quatre-vingt mille livres en assignats, la terre de Gentilly, qui valait cinq cent mille livres en numéraire[14].

Telle était la situation dans le Midi, lorsque Maignet, conventionnel et robespierriste, y fut envoyé. Il joignait à un esprit modéré une probité courageuse[15] : les impurs trafiquants de patriotisme eurent en lui un ennemi qu’aucune considération personnelle n’arrêta dans l’accomplissement de son devoir. A Rovère, qu’il dénonça, la Convention lut un asile ; mais, quant à Jourdan Coupe-tête, de quelque sinistre puissance qu’il parût entouré, s’étant une première fois justifié aux Jacobins, où il reçut le baiser fraternel[16], ses crimes avaient passé la mesure[17] : sur la dénonciation de Maignet, Robespierre obtint que ce scélérat fût livré au Tribunal révolutionnaire, qui le condamna à mort comme convaincu, entre autres forfaits, d’avoir dilapidé les biens nationaux en s’en procurant à vil prix l’adjudication par l’intrigue et la terreur[18].

Plus on pénètre dans l’histoire de la Révolution, plus on est forcé de reconnaître que le parti qu’y représentèrent Robespierre et ses amis fut... le parti des honnêtes gens. Mais ils ne pouvaient faire la guerre avec succès aux révolutionnaires immoraux qu’à la condition de réprimer énergiquement les conspirateurs royalistes, sous peine de passer pour des traîtres et de se livrer aux coups de leurs ennemis. Et de là vient que Maignet, qui, dès son arrivée à Marseille, avait mis en liberté beaucoup de suspects et arraché plusieurs malheureux à la guillotine[19], se vit néanmoins réduit à recourir, envers les habitants de Bédouin, à des mesures extrêmes.

Situé dans le département de Vaucluse, au pied du mont Ventoux, le village de Bédouin n’avait cessé de conspirer contre la République, depuis son origine. Là les machinateurs de trames secrètes avaient toujours eu leur quartier général, et les prêtres insermentés, les religieuses fanatiques, leur rendez-vous favori[20]. A diverses reprises, on y avait mis en délibération l’annulation du vœu de réunion à la France[21]. Non contente de conserver les chaperons des anciens consuls, la municipalité de Bédouin gardait religieusement un écusson aux armes de Louis XVI[22]. On eut la preuve qu’un grand nombre d’habitants correspondaient avec les émigrés, et que beaucoup de maisons contenaient des signes contre-révolutionnaires semblables à ceux de Bésignan et de Jalès : cocardes blanches, brevets monarchiques, patentes du pape, cachets avec fleurs de lis[23]. Tout à coup Maignet apprend que, dans ce foyer habituel de contre-révolution, la loi vient d’être scandaleusement outragée ; que, dans la nuit du 12 au 13 floréal (1-2 mai), l’arbre de la liberté a été arraché, le bonnet qui le surmontait foulé aux pieds, et qu’on a traîné dans la boue les décrets de la Convention[24]. La municipalité est sommée de rechercher les coupables ; elle s’y refuse et répond : Nous ne connaissons pas ici de suspects[25]. Le chef du quatrième bataillon de l’Ardèche écrivit à Maignet qu’il était absolument nécessaire de faire un exemple, et terrible ; il opinait pour la destruction de Bédouin. Cet officier était le même qui, depuis, devint l’allié de la famille impériale, fut duc et maréchal de France ; le même que des rois appelèrent leur cousin[26] : c’était Suchet. A son tour, l’administration du district demande l’anéantissement d’un repaire d’ennemis. Maignet aurait voulu n’atteindre que les coupables : la commune, par le refus de les faire connaître, acceptant la solidarité de l’outrage, on décide qu’après un délai accordé aux habitants pour évacuer leurs maisons et retirer leurs meubles, le feu sera mis au village[27]. Cruel moyen de contenir la contrée ! Maignet hésite. Si vous trouvez cette mesure trop rigoureuse, écrit-il au Comité de salut public, faites-moi connaître vos intentions[28]. Dans une autre lettre, il soumettait la question au jugement de l’Assemblée[29]. Les instructions arrivent : elles condamnaient Bédouin[30]. Suchet exécuta l’arrêt, mais non dans toute sa rigueur. Comme on n’avait d’autre but que d’arrêter par un châtiment exemplaire l’audace croissante des conspirateurs, six habitations seulement[31], et c’était déjà trop, furent bridées. C’est ce qu’on appela l’incendie de Bédouin[32].

Quelques jours avant, Maignet avait écrit à Couthon : Dans le département de Vaucluse, les conspirateurs fourmillent. Si l’on voulait leur appliquer le décret qui ordonne la translation des conspirateurs à Paris, il faudrait une armée pour les conduire, et des vivres sur la roule en forme d’étapes. Il demandait en conséquence l'autorisation de former une commission populaire qui jugeât sur place[33]. Aussitôt les Comités de salut public et de sûreté générale se réunissent ; la question est agitée, et l’on arrête qu’il sera établi à Orange — on croyait la ville d’Avignon dominée par un mauvais esprit — une Commission populaire de cinq membres, pour juger les ennemis de la Révolution, dans les départements de Vaucluse et des Bouches-du-Rhône[34].

Couthon proposa cet arrêté ; tous l’approuvèrent[35]. Il était parfaitement légal, et c’est à tort qu'on le reprocha depuis aux Comités comme un acte qui excédait leurs pouvoirs[36].

Voici quelles furent, rédigées par Robespierre, les instructions qu’on envoya de Paris :

Les membres de la Commission populaire d’Orange sont nommés pour juger les ennemis de la Révolution.

Les ennemis de la Révolution sont ceux qui, par quelques moyens que ce soit, et de quelques dehors qu’ils se soient couverts, ont cherché à contrarier la marche de la Révolution et à empêcher l’affermissement de la République.

La peine due à ce crime est la mort ; les preuves requises pour la condamnation sont tous les renseignements, de quelque nature qu’ils soient, qui peuvent convaincre un homme raisonnable et ami de la liberté.

La règle des jugements est la conscience du juge, éclairée par l'amour de la justice et de la pairie ; leur but, le salut public et la ruine des ennemis de la patrie.

Les membres de la Commission auront sans cesse les yeux sur ce grand intérêt ; ils lui sacrifieront toutes les considérations particulières.

Ils vivront dans cet isolement salutaire qui est le plus sur garant de l’intégrité des juges, et qui, par cela même, leur concilie la confiance et le respect ; ils repousseront toutes sollicitations dangereuses ; ils fuiront toutes les sociétés et toutes les liaisons particulières qui peuvent affaiblir l’énergie des défenseurs de la liberté et influencer la conscience des juges. Ils n’oublieront pas qu’ils exercent le plus utile et le plus respectable ministère, et que la récompense de leur vertu sera le triomphe de la République, le bonheur de la patrie et l’estime de leurs concitoyens[37].

 

La minute de ces instructions, de la main de Robespierre, ne fut signée d’aucun autre membre du Comité ; mais, au procès-verbal d’installation de la Commission d’Orange, on retrouve l’instruction tout entière, signée de Carnot, Billaud-Varenne et Couthon[38].

Ce qui frappe tout d’abord dans ce document, c’est la subordination absolue des formes judiciaires à la conscience du juge. Celle conscience, éclairée par l’amour de la justice, voilà la règle des jugements. Point de jurés. Nulle définition précise des actes qui constituent le crime de lèse-patrie. Le but, ce doit être celle chose indéfinie, vague, susceptible de tant d’appréciations diverses : le salut public. Comment Robespierre put-il être amené à fermer les yeux sur les dangers, si manifestes, d’une pareille doctrine ? Comment put-il en venir à méconnaître celle vérité, si élémentaire, que les formes sont la protection nécessaire de l’accusé contre les erreurs possibles ou les passions du juge ? Laissons-le s’expliquer lui-même :

L’aristocratie se défend mieux par ses intrigues que le patriotisme par ses services. On veut gouverner les révolutions par les arguties du palais ; on traite les conspirations contre la République comme les procès entre particuliers. La tyrannie tue ; la liberté plaide ! Et le Code fait par les conspirateurs est la loi par laquelle on les juge ! Quoi ! quand il s’agit du salut de la patrie, le témoignage de l'univers ne peut suppléer à la preuve testimoniale, ni l’évidence même à la preuve littérale ![39]

 

La tyrannie tue, la liberté plaide.... Mais, si la liberté tuait, au lieu de plaider, en quoi différerait-elle de la tyrannie ? Sans doute ii est, dans le cours des événements humains, des heures fatales qui échappent à l’empire des règles ordinaires ; mais, quand ces règles ordinaires se trouvent être des principes absolus de leur nature, qui s’en écarte ouvre des abîmes. Et c’est sur quoi Robespierre s’aveugla, par suite d’une préoccupation que les historiens jusqu’à ce jour n’ont pas signalée. Robespierre partait de ce point de vue, vrai peut-être en certaines circonstances, mais plein de périls, que les formes n’assurent une protection effective qu’aux coupables puissants. Il avait vu de pauvres gens périr sans avoir été défendus, tandis que des conspirateurs de liant rang n’avaient manqué devant la justice d’aucune des ressources qu’une grande position procure ou que l’or achète. Cette pensée le poursuivait sans cesse ; elle le remplissait d’une indignation dont presque tous ses discours témoignent. Il frémissait au spectacle de la Révolution allant si souvent chercher ses ennemis parmi le peuple même, et les jugeant d’après un système de garanties, réelles pour les forts, et pour les faibles, illusoires[40]. A ses yeux, d’ailleurs, les coupables qu’il importait d’atteindre, c’était, non pas les fauteurs de complots royalistes seulement, mais les révolutionnaires immoraux, insincères et persécuteurs, qui mettaient la Terreur au service de leurs passions personnelles ou de leurs vices, et à qui un habile étalage de patriotisme, leur fortune, une popularité mal acquise, leurs excès même, promettaient l’impunité, pour peu qu’on les combattit avec les armes employées contre des coupables moins accrédités et plus obscurs. Il avait fallu toute l’énergie de Saint-Just pour avoir raison de Schneider ; et Jourdan Coupe-tête avait pu exercer longtemps son avide tyrannie avant que Robespierre parvînt à l’abattre : que serait-ce quand on aurait affaire à des membres influents de la Convention, s’appuyant au dehors sur des partisans nombreux, Tallien, par exemple, ou Fouché (de Nantes), ou Carrier ? Contre des Terroristes de cette espèce, Robespierre ne crut possible que la Terreur même, dont ils avaient tant abusé, et une organisation de la justice révolutionnaire qui permît de les frapper sans leur donner le temps de se reconnaître.

Que telle fût sa pensée, ses propres discours le prouvent de reste ; et les passages suivants, trop peu remarqués, ne laissent aucun doute sur les causes déterminantes de sa politique :

Grâce pour les scélérats ?... Non ! Grâce pour l’innocence, grâce pour les faibles, grâce pour les malheureux, grâce pour l’humanité[41] ! Malheur à qui oserait diriger vers le peuple la Terreur, qui ne doit approcher que de ses ennemis ! Malheur à celui qui, confondant les erreurs inévitables du civisme avec les erreurs calculées de la perfidie, ou avec les attentats des conspirateurs, abandonne l’intrigant dangereux pour poursuivre le citoyen paisible ! Périsse le scélérat qui ose abuser du nom sacré de la liberté, ou des armes redoutables qu’elle lui a confiées pour porter le deuil ou la mort dans le cœur des patriotes[42] ! Est-ce nous — lui, Saint-Just et Couthon — qui avons porté la Terreur dans toutes les conditions ? Ce sont les monstres que nous avons accusés. Est-ce nous qui avons déclaré la guerre aux citoyens paisibles, érigé en crimes, ou des préjugés incurables, ou des choses indifférentes, pour trouver partout des coupables et rendre la Révolution redoutable au peuple même ? Ce sont les monstres que nous avons accusés[43], etc., etc.

 

Ainsi Robespierre aurait voulu qu’on fil trembler précisément ceux qui faisaient trembler tout le monde. Il avait conçu le hardi dessein de les écraser avec leur propre massue, de tuer la Terreur par la Terreur. Mais il connaissait la puissance et le nombre de ses adversaires ; il les voyait d’avance, quand le moment serait venu de les traduire devant la justice, l’environnant de leurs intrigues, l’intimidant par leurs clameurs, s'abritant derrière des arguties de palais, opposant à la vérité morale la vérité judiciaire, et les preuves qui résultent d’un texte artificieusement commenté ou d’un témoignage vendu, à ces preuves morales dont l’évidence parle à toute conscience honnête ; il les voyait se servant du ministère des avocats pour attaquer et non pour se défendre, appelant autour d’eux tous leurs partisans sous le nom de témoins, et transformant, ainsi que Danton avait essayé de le faire, le prétoire en champ de bataille[44]. De ces noires pensées qui avaient dicté les instructions adressées à la Commission d’Orange sortit une loi conçue dans le même esprit : la trop fameuse loi du 22 prairial (10 juin), concernant la réorganisation du Tribunal révolutionnaire.

Cette loi, œuvre spéciale de Robespierre, qu’il fil présenter par Couthon sans l’avoir préalablement communiquée à ses autres collègues du Comité de salut public[45], porte une date remarquable. La fête de l’Etre suprême venait d’avoir lieu : rapprochement qui aurait droit d’étonner, si l’on ne se rappelait quelles menaces y avaient retenti à l’oreille de Robespierre, et quelles insultes, comme autant de flèches empoisonnées, lui étaient entrées ce jour-là dans le cœur.

Ce ne fut pas, toutefois, une inspiration soudaine. Le projet en était mûri depuis quelques jours. On n’en faisait point mystère. Les Comités savaient parfaitement que Robespierre préparait une loi calquée sur les dispositions adoptées déjà pour l’établissement de la Commission populaire d’Orange[46]. Au Tribunal, Dumas et les jurés s’en entretenaient tout haut[47]. Fouquier-Tinville en fut instruit par ces rumeurs[48] ; il apprit même qu’il était question de supprimer les défenseurs ; et il est si faux qu’il fut en tout ceci l’homme de Robespierre, qu’il n’épargna aucune démarche pour faire écarter le projet. Il importe de citer sa déclaration : Informé que les interrogatoires et les défenseurs devaient être abrogés par une nouvelle loi, je me suis présenté au Comité de salut public, et j’en ai témoigné mon inquiétude aux citoyens Billaud-Varenne, Collot-d’Herbois, Barère et Carnot, qui s’y trouvaient. Il m’a été répondu formellement que cet objet regardait Robespierre. Je suis allé de là au Comité de sûreté générale, où j’ai témoigné la même inquiétude aux citoyens Vadier, Amar, Dubarran, Voulland, Louis (du Bas-Rhin), La Vicomterie et Elie Lacoste. Tous m’ont répondu qu’il n’était, pas possible qu’une pareille loi fût portée, et qu’on verrait[49]... Informé que le projet était de réduire les jurés à neuf et à sept par séance, je m’élevai avec force dans le Comité de salut public contre cette réduction, sur le fondement que, si elle avait lieu, elle ferait perdre au Tribunal la confiance dont il avait joui jusqu’alors. Robespierre, alors présent, me ferma la bouche, en m’objectant qu’il n’y avait que les aristocrates qui pussent parler ainsi. Ce débat cul lieu en présence de Billaud, assis, entre Robespierre et moi, à la table du Comité, et des citoyens Collot, Barère et Prieur. Tous ont gardé le silence, et je me suis retiré[50].

Tel était l’état des choses, lorsque le 22 prairial (10 juin) Couthon parut à la tribune. La presque totalité des membres des deux Comités étaient arrivés en grand appareil[51]. Parmi les personnes présentes, on remarquait Billaud, Collot et Barère[52]. Couthon, s’exprimant au nom du Comité de salut public[53], commence en ces termes :

Toutes nos idées dans les diverses parties du gouvernement étaient à réformer ; elles n’étaient toutes que des préjugés créés par la perfidie et par l’intérêt du despotisme, ou bien un mélange bizarre de l’imposture et de la vérité, inévitable effet des transactions que la raison avaient arrachées. Ces notions fausses ou obscures ont survécu en grande partie à la Révolution même... L’ordre judiciaire nous en offre un exemple frappant : il était aussi favorable au crime qu’oppressif pour l’innocence.... Le régime du despotisme avait créé une vérité judiciaire, qui n’était point la vérité morale et naturelle, qui lui était même opposée, et qui cependant décidait seule, avec les passions, du sort de l’innocence et du crime ; l’évidence n’avait pas le droit de convaincre sans témoins ou sans écrits ; et le mensonge, environné de ce cortège, avait celui de dicter les arrêts de la justice. La justice était une fausse religion qui consistait tout entière en dogmes, en rites et en mystères, et d’où la morale était bannie. Les preuves morales étaient comptées pour rien, comme si une autre règle pouvait déterminer les jugements humains ; comme si les preuves les plus matérielles pouvaient elles-mêmes valoir autrement que comme preuves morales ![54]...

Passant à la nécessité de ne pas confondre les mesures prises par la République pour étouffer les conspirations avec les fonctions ordinaires des tribunaux pour les délits privés :

Les délits ordinaires, continuait Couthon, ne blessent directement que les individus, et indirectement la société entière ; et comme, par leur nature, ils n’exposent point le salut public à un danger imminent, et que la justice prononce entre des intérêts particuliers, elle peut admettre quelques lenteurs, un certain luxe de formes, et même une sorte de partialité envers l’accusé ; elle n’a guère autre chose à faire qu’à s’occuper paisiblement de précautions délicates pour garantir le faible contre l’abus du pouvoir judiciaire. Celte doctrine est celle de l'humanité, parce qu’elle est conforme à l’intérêt public autant qu’à l’intérêt privé. Les crimes des conspirateurs, au contraire, menacent directement l’existence de la société ou sa liberté, ce qui est la même chose. La vie des scélérats est ici mise en balance avec celle du peuple, et toute lenteur affectée est coupable ; toute formalité indulgente ou superflue est un danger public. Le délai pour punir les ennemis de la patrie ne doit être.que le temps de les reconnaître : il s’agit moins de les punir que de les anéantir[55].

Relativement au ministère des défenseurs, Couthon disait :

Les membres du Tribunal criminel ont écrit, il y a déjà assez longtemps, au Comité de salut public, que les défenseurs officieux rançonnaient les accusés dune manière scandaleuse ; que tel s’était fait donner 150 livres pour un plaidoyer, que les malheureux seuls n’étaient pas défendus[56].

Ce rapport ne manquait pas d’habileté. Mais quels monstrueux sophismes ! Quoi ! parce que les malheureux n’étaient pas toujours défendus, il fallait supprimer les défenseurs ! Quoi ! parce que les formes servaient quelquefois à abriter les coupables, il fallait en disputer la protection aux innocents ! Et que signifiaient les conclusions tirées de la différence entre les délits qui mettent la société en péril et ceux qui atteignent seulement les particuliers ? quand la justice est invoquée, la première question est de savoir, quelle que soit l’énormité du crime, si celui qu’on accuse est réellement coupable ; que dis-je ? plus le crime est énorme, plus on doit apporter de soins et de scrupules dans la manière de le constater, parce que, dans ce cas, si un innocent succombe, le malheur est d’autant plus affreux et l’injustice d’autant plus criante. Eh ! en quoi donc la logique de Robespierre et de Couthon différait-elle ici de celle qui, dans tous les mauvais jours, a enfanté tribunaux d'exception, chambres étoilées, hautes cours, commissions militaires, et fait de la justice une tyrannie doublée d’hypocrisie ? Diminuer les garanties de l’accusé, en temps de révolution... quelle pitoyable folie ! C’est alors, au contraire, qu'il serait urgent de les multiplier ; car, au sein des discordes civiles, la voix de la conscience n’est que trop souvent étouffée par le bruit des passions en lutte ; dans la sphère des opinions politiques, si controversables de leur nature, ce qui est crime pour l’un étant vertu pour l’autre, l’évidence n’est plus qu’une chose relative ; le juge, en pareilles circonstances, appartenant toujours à un parti, et au parti vainqueur, peut-il être aussi désintéressé dans le résultat du procès que l’est un magistrat appelé à décider entre des intérêts privés ? on l’espérerait en vain. Pas déjugé politique en qui l’accusé n’ait un ennemi ; et, conséquemment, tout ce qu’on ajoute à la puissance arbitraire du premier, on risque de l’enlever à la justice.

Ces principes furent méconnus par la loi présentée le 22 prairial, comme ils l’avaient été avant et l’ont été depuis par tant de lois, produit de moins nobles passions s’appuyant sur les mêmes sophismes !

Voici les principales dispositions du décret que Couthon présenta :

Le Tribunal révolutionnaire se divisera par sections composées de douze membres : savoir, trois juges et neuf jurés, lesquels ne pourront juger en nombre moindre que celui de sept.

Le Tribunal révolutionnaire est institué pour juger les ennemis du peuple...

La peine portée contre les délits qui appartiennent à la connaissance du Tribunal révolutionnaire est la mort.

La preuve nécessaire pour condamner les ennemis du peuple est toute espèce de documents, soit matérielle, soit morale, soit verbale, soit écrite, qui peut naturellement obtenir l’assentiment de tout esprit juste et raisonnable. La règle des jugements est la conscience des jurés éclairés par l’amour de la patrie ; leur but, le triomphe de la République et la ruine de ses ennemis ; la procédure, les moyens simples que le bon sens indique pour parvenir à la connaissance de la vérité dans les formes que la loi détermine.

Elle se borne aux points suivants :

Tout citoyen a le droit de saisir et de traduire devant les magistrats les conspirateurs et les contre-révolutionnaires. Il est tenu de les dénoncer dès qu’il les connaît.

Nul ne pourra traduire personne au Tribunal révolutionnaire, si ce n’est la Convention nationale, le Comité de salut public, le Comité de sûreté générale, les représentants du peuple commissaires de la Convention et l’accusateur public (Art. 10).

L’accusé sera interrogé à l’audience et en public ; la formalité de l'interrogatoire secret qui précède est superflue ; elle ne pourra avoir lieu que dans les circonstances particulières où elle serait jugée utile à la connaissance de la vérité.

S’il existe des preuves, soit matérielles, soit morales, indépendamment de la preuve testimoniale, il ne sera point entendu de témoins, à moins que cette formalité ne paraisse nécessaire, soit pour découvrir des complices, soit pour d’autres considérations majeures d’intérêt public...

La loi donne pour défenseurs aux patriotes calomniés, des jurés patriotes ; elle en refuse aux conspirateurs...

La Convention déroge à toutes celles des lois précédentes qui ne concorderaient pas avec le présent décret, et n'entend pas que les lois concernant l’organisation des tribunaux ordinaires s’appliquent aux crimes de contre- révolution, et à l’action du Tribunal révolutionnaire (Art. 20)[57].

 

Être ennemi du peuple, c’était, aux termes du décret : provoquer le rétablissement de la royauté. — Travailler à l’avilissement de la Convention. — Trahir la République dans l’exercice d’une fonction publique, militaire ou civile. — Créer la disette. Mais à côté de ces crimes en figuraient d’autres d’un caractère horriblement vague, comme ceux qui consistaient à semer le découragement ; à répandre de fausses nouvelles pour diviser ou troubler le peuple ; à égarer l’opinion ; à dépraver les mœurs ; à corrompre la conscience publique[58]. Combien ne fallait-il pas compter sur l’intelligence et l’intégrité des juges, pour être sûr qu’ils n’abuseraient pas des armes que leur livraient des définitions aussi peu précises !

Deux articles semblaient renfermer une menace à l’adresse de la Convention et demandaient à être expliqués. C’étaient le dixième et le vingtième. Jusqu’alors nul membre de la Convention n’avait pu être traduit devant le Tribunal révolutionnaire, sans un décret préalable de l’Assemblée elle-même : les auteurs de la loi du 22 prairial entendaient-ils attribuer désormais aux deux Comités, aux Commissaires en mission, à l’Accusateur public, le droit de poursuivre les représentants du peuple, indépendamment de tout décret de l’Assemblée ? C’est ce qui paraissait en effet résulter de l’article 10 rapproché de l’article 20, et ce qui a fait croire à plusieurs historiens que la loi du 22 prairial, dans la pensée de Robespierre, n’avait qu’un but : enlever subtilement aux membres qu’il voulait frapper la protection de leurs collègues, désarmer la Convention[59].

Selon nous, cette hypothèse, qui n’a d’autre fondement qu’un vice de rédaction, ne saurait être admise. Nul homme n’était plus convaincu que Robespierre de la nécessité de tout rapporter à la Convention, comme seule source légitime du pouvoir. A ses yeux, elle était l’organe de la souveraineté du peuple, et rien ne devait se faire que par l’action de ce grand principe, à son ombre du moins et en son nom. Aux Jacobins, il revenait sans cesse à cette profession de foi, en cela si sincère, qu'au R thermidor, l’idée de se lever contre la Convention le troublant jusqu’au fond du cœur, il demanda héroïquement à ceux qui le pressaient de signer la révolte : Mais au nom de qui ? et que, forcé de choisir entre l’abandon de sa croyance et la mort, il choisit la mort[60] !

Qu’aurait-il gagné, d’ailleurs, à mettre chaque membre de la Convention à la merci des Comités ? Est-ce que leur puissance était la sienne ? Est-ce que, dans le Comité de salut public, il n’avait point contre lui une majorité écrasante ? Est-ce que le Comité de sûreté générale n’était pas composé de ses plus cruels ennemis ? Comment comprendre que, voulant atteindre sur les bancs de la Convention Bourdon (de l’Oise), Tallien, Fouché, Rovère, Carrier, il eût réclamé le pouvoir de les faire arrêter sans décret préalable... pour qui ? Pour lui- même ? Non, mais pour la majorité que conduisait, dans le Comité de salut public, ses adversaires Billaud-Varenne, Collot-d’Herbois, et, dans le Comité de sûreté générale, les Vadier, les Voulland, les Jagot, les Àmari. Son grand moyen d’influence étant l’impression que sa parole avait coutume de produire sur l’Assemblée, quel intérêt avait-il à abdiquer cet avantage ?

C’est peu : dans l’hypothèse que nous combattons, Robespierre aurait aussi entendu conférera l’Accusateur public le droit de traduire directement les membres de la Convention devant le Tribunal révolutionnaire. Or, pour qu’une pareille disposition eût été favorable à ses desseins, il aurait fallu que l’Accusateur public lui fût entièrement dévoué[61] : il n’en était rien ; Fouquier-Tinville, au contraire, haïssait Robespierre, et son opposition à la loi du 22 prairial dit assez qu’il n’était pas dans la confidence des motifs qui lui donnèrent naissance. Ces motifs, nous les avons exposés : pour Robespierre, méditant la punition de quelques puissants coupables, la question était de leur ôter la ressource de faire de leur procès une bataille.

Toujours est-il que le décret fut interprété par ses ennemis dans le sens d’une attaque aux droits de la Convention, soit crainte réelle, soit artifice de la haine. On avait écouté en silence le rapport de Couthon : à peine a-t-il lu le décret, que Ruamps s’écrie : Je demande l’ajournement ; si l’ajournement n’était pas adopté, je me brûlerais la cervelle[62]. Lecointre appuie la proposition. Barère, habile à se ménager une issue, exprime le vœu qu’au moins l’ajournement ne passe pas trois jours, les législateurs, dit-il, ne pouvant avoir qu’une opinion relativement à une loi toute en faveur des patriotes[63]. Billaud-Varenne et Collot-d’Herbois sont présents : ils se taisent[64]. Robespierre, prenant la parole avec vivacité, insiste pour qu’on vote séance tenante, dût-on discuter jusqu’à neuf heures du soir. On adopte ses conclusions ; et, après un très-court débat, la loi est votée. Les pouvoirs du Comité étaient expirés : Couthon en propose le renouvellement et ne rencontre aucune résistance[65].

Mais sous cette adhésion empressée couvaient de vifs ressentiments, qui, le soir même, éclatèrent en scènes scandaleuses. Comme Tallien et deux de ses collègues se promenaient aux Tuileries, causant d’un air très-animé et parlant tout haut de guillotine, ils crurent remarquer qu’on les suivait, marchèrent droit aux curieux, les traitèrent d’espions du Comité, et, les saisissant au collet, les firent conduire au corps de garde. Parmi ces hommes figuraient deux courriers du gouvernement et un membre du club des Jacobins, nommé Jarry[66]. L’affaire lit du bruit, et le Comité y vit, de la part de Tallien, le parti pris de noircir le gouvernement.

Chose honteuse ! dans cette loi du 22 prairial, ouverte à tant d’objections accablantes, un seul article frappa les ennemis de Robespierre : celui qui semblait menacer leur sûreté personnelle. Ils avaient voté sous le coup d’une espèce de surprise : pendant la nuit, ils se consultent ; et, le lendemain, profitant de l'absence des membres du Comité[67], Bourdon (de l’Oise) s’élance à la tribune. La Convention, dit-il d’une voix émue, n’a pas entendu, par le vote d’hier, que le pouvoir des Comités s’étendrait sur les membres de l’Assemblée, sans un décret préalable[68]. Le cri Non ! Non ! retentissant de toutes parts, Je m’attendais à ces heureux murmures, continue l’orateur, ils m’annoncent que la liberté est impérissable[69]. Il proposa de décréter que, comme par le passé, l’arrestation de tout représentant du peuple serait subordonnée au consentement formel de la Convention[70]. A C’était dire que les auteurs de la loi du 22 prairial avaient voulu le contraire, et que la Convention, avertie de leur dessein, les condamnait. Pour éviter le tour hostile de cette déclaration, en affirmant néanmoins le principe posé par Bourdon (de l’Oise), Merlin (de Douai) présenta la rédaction suivante, qui fut adoptée : La Convention, considérant que le droit exclusif de la représentation nationale de décréter ses membres d’accusation et de les faire mettre en jugement est un droit inaliénable, décrète qu’il n’y a pas lieu de délibérer[71].

Pendant ce temps, la discorde était au Comité de salut public.

Le 9 septembre 1793, Billaud-Varenne, insistant pour qu’on gardât le nom de Tribunal révolutionnaire, substitué à celui de Tribunal extraordinaire, avait dit : Celui-ci suppose des formes ; l’autre n’en doit point avoir[72]. Si donc un homme avait perdu le droit de s’élever contre la loi du 22 prairial, c’était certainement Billaud. D’autre part, on se rappelle que, lorsque Fouquier-Tinville alla témoigner au Comité de salut public ses inquiétudes sur l’effet de la loi annoncée, Billaud fut un de ceux qui répondirent que cet objet regardait Robespierre[73]. Ce n’est donc pas sans quelque surprise que, dans un récit publié ultérieurement par le premier, de concert avec Collot-d’Herbois et Barère, on le trouve, le lendemain du 22 prairial, reprochant à Robespierre d’avoir présenté, sans communication préalable à ses collègues le décret abominable qui faisait l’effroi des patriotes[74]. Il est peu croyable que de tels mots aient été prononcés, et il ne faut pas oublier que le récit en question fut fait à une époque où, pour les auteurs, il y allait de la vie de repousser la responsabilité de la loi du 22 prairial et de la qualifier d’abominable. Ce qui est moins improbable, c’est que Billaud, ainsi qu’il le raconte, reprocha effectivement à Robespierre d’avoir agi, en cette circonstance, avec Couthon seul. Il paraît que la scène fut très-violente. Robespierre se rejeta sur ce que tout jusqu’alors s’était fait de confiance dans le Comité. Billaud protestant de plus belle, la fureur, s’il faut l’en croire, s’empara de Robespierre, dont les cris devinrent si forts, qu’on les entendait de la terrasse des Tuileries, et qu’il fallut fermer les fenêtres. Personne ne me soutient, disait-il avec désespoir. Les complots m’enveloppent. Se tournant vers Billaud : Je sais qu’il y a dans la Convention une faction qui veut me perdre, et tu défends ici Ruamps. — Il faut donc dire, reprend Billaud, d’après ton décret, que tu veux guillotiner la Convention nationale. Ces mots portent au comble l’agitation de Robespierre. Vous êtes tous témoins, s’écrie-t-ii, que je ne dis pas que je veuille guillotiner la Convention nationale. Alors, l’œil fixé sur Billaud, il ajoute : Je te connais maintenant. — Et moi aussi, répond ce dernier, je te connais comme un contre-révolutionnaire. Robespierre était si profondément ému, qu’il ne put retenir ses larmes, et la séance avait été si orageuse, que, pour dérober au public le secret de ces déchirements intérieurs, il fut convenu que désormais le Comité tiendrait ses séances un étage plus haut[75].

Voilà à quoi se réduisait celle prétendue dictature de Robespierre, dont l’idée, si habilement accréditée depuis, a servi à le rendre comptable, aux yeux du monde, de tant d’excès qu’il désavouait, qu’il combattit et qu’il avait résolu de punir, au péril de sa vie.

Le 24 prairial (12 juin), Couthon alla se plaindre à la Convention du sens attaché aux articles 10 et 20 de la loi présentée par lui l’avant-veille. Avec des éclats d’indignation et une véhémence où la sincérité débordait, il repoussa l’interprétation de Bourdon (de l’Oise). Il accorda que ce dernier pouvait n’avoir pas eu de mauvaises intentions, mais, après avoir prononcé le mot : calomnie atroce, il demanda pourquoi, quand certaines dispositions d’une loi soumise à la Convention paraissaient obscures, on n’appelait pas le Comité à s’en expliquer, au lieu de l’insulter, en son absence, par l’adoption d’hypothèses hâtives. Il finit en demandant que l’Assemblée passât à l’ordre du jour sur les propositions de la veille, et les frappât ainsi du juste dédain qu’elles méritaient[76].

A ce discours emporte et hautain, qui fut applaudi à plusieurs reprises[77], Bourdon (de l’Oise) fit une réponse dont l’excessive modération ressemblait à la peur. Il réclama comme un droit inhérent à la Liberté celui de concevoir des inquiétudes peut-être mal placées. Il assura qu’Audoin, un de ses collègues, était allé prévenir le Comité des observations que la loi provoquait. Une phrase de son discours souleva de vifs applaudissements, c’était celle-ci : J’estime Couthon, j’estime le Comité, j’estime l’inébranlable Montagne qui a sauvé la Liberté[78].

Aussitôt Robespierre monta à la tribune et, d’un ton sévère : Le préopinant, dit-il, a cherché dans la discussion à séparer le Comité de la Montagne. La Convention, la Montagne, le Comité, c’est la même chose. Interrompu par de vifs applaudissements[79], il continue : Tout représentant du peuple qui aime sincèrement la Liberté et est déterminé à mourir pour la patrie, est de la Montagne. Ici de nouveaux applaudissements se font entendre, et l’Assemblée se lève d’un élan spontané en signe d’adhésion[80]. Ce serait, ajoute-t-il, outrager la patrie, que de souffrir que quelques intrigants, plus méprisables que les autres parce qu’ils sont plus hypocrites, s’efforçassent d’entraîner une portion de la Montagne et de s’y faire les chefs d’un parti[81]. À ces mots, Bourdon (de l’Oise) proteste que jamais son intention n’a été de se faire chef de parti. Robespierre reprend : Ce serait l’excès de l’opprobre que quelques-uns de nos collègues, égarés par la calomnie sur nos intentions et le but de nos travaux... — Je demande, interrompt Bourdon (de l’Oise), qu’on prouve ce qu’on avance. On vient de dire assez clairement que j’étais un scélérat. La réplique du sombre orateur qui occupait la tribune fut courte et terrible : Je n’ai pas nommé Bourdon. Malheur à qui se nomme lui-même ![82] Bourdon (de l’Oise) veut répliquer ; mais son trouble est si grand, que la parole expire sur ses lèvres[83]. Au sortir de la séance, il se mit au lit, et le garda pendant un mois. Un moment, les médecins craignirent pour ses jours ; ils eurent, écrit Lecointre, beaucoup de peine à le rappeler à la raison et à la vie[84].

Son ami Tallien ne déploya guère plus de fermeté. Attaqué sur le fait du 22 prairial au soir, qu’il prétendit n’avoir pas été présenté d’une manière exacte, il fut flétri par Robespierre comme un de ces hommes qui appellent le mensonge au secours du crime ; et Billaud-Varenne dit en propres termes : L’impudence de Tallien est extrême ; il ment à l’Assemblée avec une audace incroyable[85]. La discussion, arrivée à ce point d’aigreur, ayant été fermée, cette circonstance explique peut-être le silence que garda Tallien ; mais ce que rien n’explique, si ce n’est une indigne frayeur, c’est la lettre qu’il écrivit à Robespierre, le lendemain de la séance, lettre pleine de ménagements, d’une humilité singulière, où il se défend avec beaucoup de douceur d’être un homme immoral, un mauvais citoyen, et qui respire un sentiment d’effroi avoué maladroitement dans cette phrase : Ne crois pas que ce soit la crainte qui me fasse parler ainsi[86].

Pour en revenir à la séance du 24 prairial, la défaite de ceux qui avaient trouvé à redire au rapport de Couthon y eut le caractère d’une déroute. Lacroix (de la Marne) déclara qu’il n’avait jamais été dans son esprit de suspecter les intentions des Comités[87]. Merlin (de Douai) expliqua sa motion de manière à la faire considérer comme une atténuation de celle de Bourdon (de l’Oise), ajoutant : Si mon esprit a erré, il n’en a pas été de même de mon cœur[88]. Barère, voyant de quel côté le vent tournait, se mit à lire des lettres particulières rendant compte d'un bal masqué à Londres, bal moitié politique, où l’on avait remarqué une Charlotte Corday sortie du tombeau, et poursuivant Robespierre un poignard à la main[89]. Sa conclusion lut que le considérant volé la veille devait être rapporté ; et c’est ce qui eut lieu, après quelques paroles de Couthon, qu’accueillirent les plus vifs applaudissements[90].

De tout ceci, deux choses résultent clairement : la première, que l’ascendant moral de Robespierre dans la Convention était considérable ; la seconde, que son influence dans le Comité de salut publie était très-contestable et très-contestée. Quant au Comité de sûreté générale, sa perte y était depuis longtemps résolue[91], et il le savait bien. En réalité, il n’avait, comme membre du gouvernement, que deux appuis : Saint-Just, presque toujours en mission, et Couthon, souvent malade. Or, le système qui consistait à concentrer sur lui toutes les haines en le rendant seul responsable de tous les actes du pouvoir, n’en prenait pas moins chaque jour un développement formidable ! Tant d’injustice l’accabla. Il sentit son cœur flétri à l’idée de cet affreux piédestal où ses ennemis le posaient dans l’altitude d’un tyran. La dernière sortie de Billaud-Varenne ne lui permettant plus aucune illusion sur le caractère furieux des résistances qui l’attendaient, il se crut réduit à l’impuissance de faire le bien et d’arrêter le mal. Que résoudre alors ? Il imagina d’abandonner, sinon le titre, au moins les fonctions de membre du Comité de salut public, pour qu’il restât bien démontré que les maux de la patrie n’étaient point son ouvrage ; pour que le fait de la tyrannie, subsistant dans toute sa force après la retraite du tyran, servît à confondre les calomniateurs[92].

Mais, en se retirant, il laissait entre les mains de ses ennemis une arme dont ils firent un abominable usage, et dont l’invention devait à jamais charger sa mémoire, puisque cette arme, c’était lui qui l’avait forgée. S’il se flatta de l’espoir que la postérité, lui tenant compte des intentions, oublierait les résultats, son erreur fut profonde. Le sang dont nous l’entendrons bientôt déplorer l’effusion, et que versèrent des hommes qui lui faisaient horreur, ce sang est resté sur son nom. Qu’on dise donc encore que le but justifie les moyens ! Robespierre tomba un moment dans le piège de cette doctrine captieuse, et l’expiation pour lui n’a pas été épuisée par la mort !

 

FIN DU DIXIÈME VOLUME

 

 

 



[1] C’était le mot dont il se servait.

[2] Voyez les Mémoires de Levasseur, t. III, chap. X, p. 189.

[3] Réponse des membres des deux anciens Comités aux imputations de Laurent Lecointre, p. 105 et 104, dans la Bibl. hist. de la Révol. (1097-8-9). — British Museum.

[4] Lettre d’Agricol Moureau à Payan ; papiers de Robespierre publiés par Courtois.

[5] Voyez, relativement aux plaintes qui s’élevèrent à cet égard, le Moniteur, an III, n° 84.

[6] Voyez la séance des Jacobins du 1er floréal (20 avril) 1794, Moniteur, n° 214.

[7] Voyez la séance des Jacobins du 1er floréal (20 avril) 1794, Moniteur, n° 214.

[8] Mémoires de l'abbé Guillou de Montléon, t. II, p. 335.

[9] Beaulieu, art. Jourdan, dans la Biographie universelle.

[10] Beaulieu, art. Jourdan, dans la Biographie universelle.

[11] Voyez le Moniteur, an II (1794), n° 255.

[12] Beaulieu, art. Rovère, dans la Biographie universelle.

[13] Quand Rovère fut attaqué aux Jacobins, Jourdan Coupe-tête, avec beaucoup de vivacité, se porta son défenseur. Voyez le Moniteur, an II (1794), n° 121.

[14] Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 172.

[15] Michaud jeune, tout ultra-royaliste qu'il est, ne peut s’empêcher de reconnaître, dans l'article qu’il a consacré à Maignet (voyez supplément à la Biographie universelle), qu'il jouissait d'une réputation de talent et de probité. Maignet fut de ceux qui restèrent inébranlablement fidèles à leurs convictions. Après 1850, il reparut au barreau, où il figura avec honneur jusqu’à sa mort, qui eut lieu le 15 octobre 1854. Il était alors bâtonnier de l’ordre.

[16] Voyez le Moniteur, an II (1794), n° 105.

[17] Voyez la pétition par laquelle la société populaire d’Avignon sollicite de l’Assemblée le châtiment de Jourdan Coupe-tête. Séance du 28 floréal (17 mai) 1794, Moniteur, n° 240.

[18] Moniteur, an II (1794), n° 255.

[19] Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 172. Dans l’article de Michaud jeune, quoique composé par un ennemi, le fait n'est point nié.

[20] Considérants d’un arrêt rendu par le tribunal de Vaucluse, et lu par Maignet à la Convention, séance du 17 nivôse an III, Moniteur, n° 110.

[21] Séance du 17 nivôse an III, Moniteur, n° 110.

[22] Séance du 17 nivôse an III, Moniteur, n° 110.

[23] Séance du 17 nivôse an III, Moniteur, n° 110.

[24] Séance du 17 nivôse an III, Moniteur, n° 110.

[25] Séance du 17 nivôse an III, Moniteur, n° 110.

[26] Michaud jeune, biographie de Maignet.

[27] Arrêté du 17 floréal de l’an II de la République.

[28] Moniteur, an III, n° 110.

[29] Moniteur, an III, n° 110.

[30] Moniteur, an III, n° 110.

[31] Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 175.

[32] Il est à remarquer que, la conduite de Maignet en cette circonstance lui ayant attiré, après le 9 thermidor, de vives attaques de la part de Rovère, dénoncé par lui comme déprédateur de la fortune publique, il sortit vainqueur de ces attaques, même en ces jours de réaction furieuse, et tout robespierriste qu’on le savait. Une chose plus frappante encore, c’est que, lorsque les habitants de Bédouin, longtemps après l’exécution de l’ordre fatal, portèrent leurs plaintes à la Convention, ils s’abstinrent d’accuser nominativement Maignet, dépouillé alors de toute influence. Voyez la séance du 15 frimaire (5 décembre) 1794.

[33] Rapport de Saladin, numéro XL des pièces à l’appui.

[34] Arrêté du 21 floréal de l’an II de la République française.

[35] Après le 9 thermidor, Billaud, Collot et Barère, sans aller jusqu’à prétendre qu’ils s’y fussent opposés, cherchèrent à en décliner la responsabilité. Billaud oubliait ce que lui-même avait répondu sur ce point à Lecointre, dans la séance du 15 fructidor : Je ne sais si je l'ai signé ; mais, si je ne l'ai pas fait, je le ferai tout à l'heure. Voyez Lecointre au peuple français, p. 76 et 77. Bibl. hist. de la Révol., 1100-1. — (British Museum.)

[36] Un décret de la Convention du 29 ventôse (15 mars) avait expressément chargé les Comités réunis d’organiser six commissions populaires pour juger les ennemis de la Révolution. Il est bien vrai que la loi du 19 floréal (8 mai) supprimait les tribunaux révolutionnaires de province, et portait qu’il n’en pourrait plus être établi à l’avenir qu’en vertu d’un décret de la Convention. Mais dans leur Réponse aux pièces communiquées par la Commission des 21, Billaud-Varenne, Collot-d’Herbois et Barère firent observer avec raison que la loi du 19 floréal concernait les tribunaux révolutionnaires et non les commissions populaires, qui avaient un caractère à part. Aussi bien, la Commission d’Orange ne fil que remplacer celle de Marseille, organisée d’après des principes beaucoup plus rigoureux. Voyez la Réponse sus-mention-.née dans la Bibl. hist. de la Révol., 1097-8-9. — (British Museum.)

[37] Rapport de Saladin, au nom de la Commission des 21, p. 50 et suiv. dans la Bibl. Hist. de la Révol., 1097-8-9. — (British Museum.)

[38] Rapport de Saladin, au nom de la Commission des 21, p. 50 et suiv. dans la Bibl. Hist. de la Révol., 1097-8-9. — (British Museum.)

[39] Rapport sur les principes de morale politique, séance du 17 pluviôse (5 février 1794).

[40] Le rapport de Couthon sur la loi du 22 prairial n’est, comme on va le voir, que le développement de cette idée.

[41] Rapport sur les principes de morale politique, séance du 17 pluviôse (5 février) 1794.

[42] Rapport sur les principes de morale politique, séance du 17 pluviôse (5 février) 1794.

[43] Dernier discours de Robespierre, prononcé le 8 thermidor an II (26 juillet 1794).

[44] Que telles fussent les pensées de Robespierre ; le rapport de Couthon dont il va être parlé le démontre de la manière la plus péremptoire.

[45] Observations de Barère sur le rapport de Saladin, numéro VI, p. 5. Bibl. hist. de la Révol., 1004 8-9. (British Museum.)

[46] Déclaration de Fouquier-Tinville. Voyez Laurent Lecointre au peuple français, p. 74. Bibl.hist.de la Révol., 1100-1. — (British Museum.)

[47] Bibl. hist. de la Révol., 1100-1. — {British Museum.)

[48] Bibl. hist. de la Révol., 1100-1. — {British Museum.)

[49] Bibl. hist. de la Révol., 1100-1. — {British Museum.)

[50] Bibl. hist. de la Révol., 1100-1, p. 75. — {British Museum.)

[51] Laurent Lecointre au peuple français, p. 86, Bibl. hist. de la Révol., 1100-1. — (British Museum.)

[52] Laurent Lecointre au peuple français, p. 86, Bibl. hist. de la Révol., 1100-1. — (British Museum.)

[53] Voyez le Moniteur, an II (1794), n° 264.

[54] Voyez le Moniteur, an II (1794), n° 264.

[55] Voyez le Moniteur, an II (1794), n° 264.

[56] Voyez le Moniteur, an II (1794), n° 264.

[57] Voyez le Moniteur, an II (1794), n° 264.

[58] Voyez le Moniteur, an II (1794), n° 264.

[59] Voyez ce que disent à cet égard les auteurs de l'Histoire parlementaire, t. XXXIII, p. 185.

[60] Voyez dans le volume suivant, le récit du 9 thermidor.

[61] M. Villiaumé, dans son Histoire de la Révolution, t. IV, p. 117, le dit, sans en fournir la moindre preuve ; et il se trompe, Voyez plus haut le chapitre intitulé la Terreur.

[62] Moniteur, an II (1794), n° 264.

[63] Moniteur, an II (1794), n° 264.

[64] Laurent Lecointre au peuple français, p. 86, Bibl. hist. de la Révol., 1100-1. (British Museum.)

[65] Moniteur, an II (1794), n° 264.

[66] Voyez la séance du 24 prairial (12 juin), Moniteur, an II (1794), n° 266.

[67] Voyez le discours de Couthon, séance du 24 prairial.

[68] Séance du 23 prairial (11 juin), Moniteur, an II (1794), n° 264.

[69] Séance du 23 prairial (11 juin), Moniteur, an II (1794), n° 264.

[70] Séance du 23 prairial (11 juin), Moniteur, an II (1794), n° 264.

[71] Séance du 23 prairial (11 juin), Moniteur, an II (1794), n° 264.

[72] Rapport de Saladin, Bibl. hist. de la Révol., 1097-9. (British Museum.)

[73] Déclaration de Fouquier-Tinville, dans Laurent Lecointre au peuple français, p. 74.

[74] Réponse des membres des anciens Comités aux imputations renouvelées contre eux par Laurent Lecointre, p. 108 et suiv. Bibl. hist. de la Révol., 1097-8-9. (British Museum.)

[75] Réponse de Billaud-Varenne dans la séance du 15 fructidor, reproduite par Laurent Lecointre, en son Appel au peuple français, p. 76, Bibl. hist. de la Révol., 1100-1. (British Museum.)

[76] Séance du 24 prairial (12 juin), Moniteur, an II (1794), n° 266.

[77] Moniteur, an II (1794), n° 266.

[78] Moniteur, an II (1794), n° 266.

[79] Moniteur, an II (1794), n° 266.

[80] Moniteur, an II (1794), n° 266.

[81] Moniteur, an II (1794), n° 266.

[82] Moniteur, an II (1794), n° 266.

[83] Laurent Lecointre au peuple français, p. 97, Bibl. hist. de la Révol., 1100-1. (British Museum.)

[84] Laurent Lecointre au peuple français, p. 97, Bibl. hist. de la Révol., 1100-1. (British Museum.)

[85] Séance du 24 prairial, Moniteur, an II (1794), n° 266.

[86] Voyez cette lettre dans l’Histoire parlementaire, t. XXXIII, p. 224 et 225. Elle est tirée de l’édition que MM. Berville et Barrière ont donnée du rapport de Courtois sur les papiers de Robespierre.

[87] Moniteur, an II (1794), n° 206.

[88] Moniteur, an II (1794), n° 206.

[89] Moniteur, an II (1794), n° 206.

[90] Moniteur, an II (1794), n° 206.

[91] Voyez ce que Lecointre raconte d’une conversation qu'il eut avec Moyse Bayle et Amar, deux jours après le vote de la loi du 22 prairial. Appel au peuple français, p. 78. Bibl. hist. de la Révol., 1100-1. [British Museum.)

[92] On trouve un exposé complet et tragique de ses motifs dans son discours du 8 thermidor, auquel nous renvoyons le lecteur.