HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME DIXIÈME

LIVRE ONZIÈME

 

CHAPITRE DIXIÈME. — PROCÈS ET MORT DES DANTONISTES

 

 

Opposition Dantoniste. — Les royalistes l’encouragent. — Sages avertissements donnés à Camille par ses amis ; lettre de Fréron ; Brune à déjeuner chez Camille. — Numéro VII du Vieux Cordelier ; violentes attaques qu'il contient. — Doctrines contraires de Saint-Just et de Camille Desmoulins, relativement à l'idéal révolutionnaire — Tendances épicuriennes de Camille ; ascétisme de Saint-Just ; rigorisme plus mitigé de Robespierre. — Mauvais livre prêté par Camille à la sœur de la fiancée de Robespierre. — Puritanisme excessif de Robespierre ; laisser-aller cynique de Danton. — Causes d’éloignement entre eux ; on cherche à les rapprocher ; leur entrevue diversement racontée. — C’est Billaud-Varenne qui propose de faire mourir Danton ; fureur et cri de Robespierre, à cette idée. — L’exécution d’Hébert saluée avec joie par les Dantonistes ; leur aveuglement sur ce point ; mot cruel de Camille. — Le Dantonisme devenu, par la fatalité même de la situation, l’avant-garde du royalisme. — Progrès et danger de l’opposition Dantoniste ; le Comité de salut public s’en émeut. — Saint-Just pousse Robespierre à abandonner Danton. — Griefs contre Danton tirés de ses anciens rapports avec Dumouriez ; ce qu’il y eut de louche dans ces rapports ; soupçons admis comme preuves ; là fut l’iniquité. — Robespierre consent à abandonner Danton. — Notes fournies à Saint-Just. — Indices alarmants. — On avertit Danton. — Son engourdissement. — Il se répand en bravades, au lieu d’agir. — Arrestation de Danton, de Camille Desmoulins, de Philippeaux. — Lettre de ce dernier à sa femme. — Les Dantonistes en prison. — Stupeur dans Paris. — Protestation de Legendre ; réponse de Robespierre ; Legendre recule. — Rapport de Saint-Just contre les Dantonistes ; vote de l’Assemblée. — Mot de Danton à Lacroix : Il faut tâcher d'émouvoir le peuple. — Lettre touchante de Camille Desmoulins à sa femme. — Désespoir de Lucile ; ce que son désespoir lui conseille ; noble altitude de la jeune femme de Danton. — Lettre de Lucile à Robespierre, inachevée et non envoyée. — Admirables adieux. — Langage de Danton dans sa prison ; Fabre d’Églantine ne s’occupe que d’une comédie qu'il craint que Billaud-Varenne ne lui vole. — Chabot s’empoisonne ; on le rappelle à la vie ; mot touchant de lui à propos de Bazire. — Les accusés devant le Tribunal révolutionnaire. — Le greffe composé de Dantonistes. — Dispositions de Fouquier-Tinville. — Physionomie du jury. — Y eut-il triage des jurés ? — Demande de Fabre injustement repoussée ; sa défense. — Discours véhément de Danton ; impression produite. — Interrogatoire de Camille, de Lacroix, de Philippeaux, de Westermann. — Belle réponse de Philippeaux. — Refus d'entendre comme témoins seize membres de la Convention ; iniquité de ce refus. — Audience orageuse du 15 germinal. — Hommage rendu par Danton à l'honnêteté d'Hermann. — Lettre d'Hermann et de Fouquier au Comité de salut public. — Dénonciation de La- flotle. — Saint-Just trompe la Convention sur l’attitude des accusés devant le Tribunal. — Décret ordonnant la mise hors des débats des accusés qui résisteront ou insulteront à la justice. — La femme de Philippeaux demande à paraître à la barre. — Pourquoi Billaud-Varenne veut qu’elle paraisse ; pourquoi Robespierre s’y oppose. — Les jurés se déclarent suffisamment éclairés. — Indignation des accusés : on les fait sortir. — Ce qui détermina les jurés. — Mot furieux de Trinchard. — Condamnation et mort des Dantonistes. — Note critique.

 

Pendant la lutte engagée contre les nouveaux Cordeliers, les Dantonistes avaient poursuivi leur mouvement agressif avec une ardeur de nature à émouvoir le Comité de salut public. Le jour où Fabre d’Églantine lut décrété d'accusation, Danton avait demandé que l'accusé et ses compagnons d infortune fussent entendus à la barre, demande à laquelle Billaud-Varenne répondit par celle exclamation terrible : Malheur à celui qui a siégé à côté de Fabre et qui est encore sa dupe ! Il a trompé les meilleurs patriotes[1]. On sait quelle fut la décision de l’Assemblée. Ce vote était resté comme un trait empoisonné dans le cœur de Danton, et Camille avait laissé échapper à cette occasion une parole amère : Le Comité de salut public met la Convention en coupe réglée[2].

Calmer la Révolution était certes une courageuse et noble entreprise, mais qui exigeait beaucoup de prudence tant que la prolongation du combat laissait la victoire incertaine. Rien de mieux que de mettre le gouvernement révolutionnaire en garde contre ses propres excès ; mais il y allait alors du salut de la Révolution et du salut de la France, qu’on s’abstînt de tout ce qui pouvait affaiblir l’unité de l’action révolutionnaire, et désarmer ou décrier un pouvoir aux prises avec l’Europe entière.

Là fut l’écueil de l’opposition Dantoniste. On vit Bourdon (de l’Oise) s’acharner à la suppression immédiate du ministère de la guerre, au risque de désorganiser le service des armées ; on vit Philippeaux, dont Choudieu avait pulvérisé les dénonciations[3], les reproduire avec une obstination lamentable ; et, pendant ce temps, Camille Desmoulins reprenait, non pas la plume à demi repentante d’où était sorti le numéro V du Vieux Cordelier, mais la plume aussi téméraire qu’éloquente, hélas ! qui avait tracé le fatal numéro III. Quant à Danton, il semblait vouloir se tenir à l’écart, fréquentait peu la tribune, et se montrait, tantôt fatigué de la tourmente, tantôt incertain sur la route à suivre. Mais, en appuyant les attaques de Bourdon (de l’Oise) ; en provoquant l’examen delà conduite des fonctionnaires publics ; en appelant les Comités révolutionnaires à rendre compte de leurs opérations, il avait éveillé des alarmes qu’enflaient sa renommée, son importance révolutionnaire et le souvenir de son audace. Autour de lui, d’ailleurs, se groupaient tous ceux qui, sur la Montagne, inquiétaient le Comité de salut public, les Thuriot, les Lacroix, les Merlin (de Thionville). Moins circonspecte, son influence eût été jugée moins dangereuse. Il avait beau chercher un doux abri dans l’amour que lui inspirait sa jeune femme, et parler de vie paisible, de repos, d’heures pleines d’oubli parmi les arbres et les fleurs : ce qu’avait de réel et de profond cette lassitude d’une nature fougueuse échappait à ses adversaires, combattants non encore fatigués ; et ses amis rendaient sa sincérité suspecte, en courant au-devant d’une lutte qui, sans son appui, eût été insensée et semblait impossible. La vérité est qu'ils comptaient sur lui : Danton dort, disait Camille Desmoulins, c’est le sommeil du lion ; mais il se réveillera pour nous défendre[4].

Et puis, par une conséquence naturelle de la situation, ce qui était arrivé déjà aux Girondins arrivait aux Dantonistes. Charmés d’avoir de tels hommes à opposer au gouvernement révolutionnaire, les royalistes se pressaient derrière eux, les encourageaient, les poussaient en avant, les compromettaient sans retour. Ils se répandaient en folles démonstrations de joie sur ce que la fin de l’âge de fer approchait ; sur ce que la Révolution pesait à ses premiers, à ses plus impétueux apôtres, à l’énergique Danton, par exemple, et à cet ardent Camille, qui avait pris le nom — ils s’en souvenaient — de Procureur général de la lanterne. Quel triomphe pour eux que d’entendre ce dernier comparer le régime nouveau, que lui-même, pensaient-ils, avait tant contribué à établir, au règne exécrable et exécré de Tibère ! Aussi les sollicitations affluaient, mêlées à des témoignages de gratitude. Que ne poursuivait-il sa glorieuse entreprise ? Quoi ! la suite de ce Credo politique, promise à la tin du mois de décembre, on l’attendait encore ! Pourquoi ce long silence, dont s’affligeaient les honnêtes gens ? Allons, courage, courage ! Et lui, qui, parce que son libraire Desenne ne pouvait suffire à la vente de ses numéros, se croyait appuyé de toute la France[5], lui, troublé, exalté, fasciné, n’apercevait bien distinctement que l'honneur du rôle fatidique proposé à son enthousiasme !

Non que les avertissements sévères manquassent. De tous les amis de Camille, pas un qui lui fut plus tendrement attaché que Fréron, lequel correspondait avec lui et avec sa bien-aimée Lucile, dans les termes d’une intimité charmante. Ils avaient un langage à eux, et des noms inventés par l’amitié. Fréron, qui, à la maison de campagne de madame Duplessis, belle-mère de Camille, prenait grand plaisir à jouer avec des lapins, s’appelait Lapin ; Rouleau, c’était Lucile ; Melpomène, c’était madame Duplessis : Marius, c’était Danton ; Bouli-Boula, c’était Camille[6]. Or voici ce que Lapin écrivait, de Toulon, à Rouleau : Je m’aperçois qu’on vous chagrine, et que Camille est dénoncé par les mêmes hommes qui m’ont poursuivi aux Jacobins. J’espère qu’il triomphera de ces attaques. J’ai reconnu sa touche originale dans quelques passages de son journal ; et moi aussi, je suis un des vieux Cordeliers. Adieu, Lucile, méchante diablesse. Votre serpolet est-il cueilli ? Je ne tarderai pas, malgré toutes vos injures, à implorer la faveur d’en brouter dans votre main. — Post-scriptum : Mille choses à ton vieux loup-loup... Dis-lui qu’il tienne un peu en bride son imagination relativement à des comités de clémence ; ce serait un triomphe pour les contre-révolutionnaires[7].

Brune, ami de collège de Camille Desmoulins, fut du nombre de ceux qui coururent le supplier de mettre plus île modération dans le tableau des malheurs du temps. Comme il ne répondait que par des plaisanteries, Je ne saurais m’empêcher de t’admirer, lui dit le futur maréchal de l’Empire. Cependant sois certain qu’avec plus de modération tu feras un bien véritable, tandis qu’en continuant tu te livres et ne sauves rien... Brune avait été invité à déjeuner. On se mit à table. Camille était très-animé. Il comptait sur l’opinion publique, sur ses amis : N’avez-vous pas entendu la voix éloquente de Philippeaux ? Danton dort, mais il se réveillera. Et Lucile de l’embrasser, de l’encourager par toutes sortes de paroles douces sorties d'une âme intrépide : Laissez-le faire, Brune, laissez-le faire, il doit sauver son pays ; laissez-le remplir sa mission. Camille, tenant son petit Horace sur ses genoux, disait gaiement : Edumus et bibamus ; cras enim moriemur[8].

Le sort en était jeté. Il remit à son libraire le manuscrit du numéro VII du Vieux Cordelier. Quel fut l’effroi de Desenne ! La première partie de cet écrit, suite à la profession de foi de l’auteur, contenait des attaques d’une violence extrême, non plus seulement, contre, Hébert — il vivait encore, — mais contre Collot-d’Herbois, contre Parère, contre le pouvoir exorbitant du Comité de salut public, contre les comités révolutionnaires : La liberté, c’est la justice, et jamais Néron ne brava la pudeur jusqu’à faire colporter et crier dans les rues l’arrêt de mort de Britannicus[9]. La liberté, c’est l’humanité, et je crois qu’elle ne condamne pas la mère de Barnave, après un voyage de cent lieues fait malgré son grand âge, à frapper en vain pendant huit jours à la porte de la Conciergerie pour parler à son fils[10]. — Je crois que la liberté ne confond point la femme ou la mère du coupable avec le coupable lui-même ; car Néron ne mettait point Sénèque au secret, il ne le séparait point de sa chère Pauline[11]. — Je crois que jamais Commode, Héliogabale, Caligula, n’avaient imaginé, comme les comités révolutionnaires, d’exiger des citoyens le loyer de leur prison, et de leur faire payer, comme à mon beau-père, douze francs par jour les six pieds qu’on leur donnait pour lit[12]. — Je crois que Tibère et Charles IX allaient bien voir le corps d’un ennemi mort, mais qu’ils ne faisaient pas au moins trophée de son cadavre, et ne disaient pas, le lendemain, comme Hébert : Enfin, j'ai vu le rasoir national séparer la tête pelée de Custine de son dos rond[13].

Tout cela était noblement senti, écrit en caractères de feu ; et quelle âme honnête pourrait ne pas être en tout cela de l’opinion de Camille ? Mais, pour être juste et ne pas fournir aux ennemis de la Révolution des armes empoisonnées, il aurait dû rapprocher du tableau des crimes qu’elle couva celui doses impérissables bienfaits et des actes héroïques dont elle fut la source. Pour être juste, il aurait dû rappeler quels transports sacrés excitait alors, soit dans la Convention, soit au sein même du Tribunal révolutionnaire[14], le triomphe de l’innocence reconnue, et avec quelle spontanéité attendrissante, avec quelle effusion de cœur, l’Assemblée venait d’abolir l’esclavage[15]. Et il aurait dû ajouter que les caprices, gratuitement féroces de Commode, d’Héliogabale, de Caligula, n’eurent d’autres causes qu’un égoïsme dévorant, l’orgueil en délire, la frénésie du pouvoir absolu, tandis que les excès révolutionnaires naquirent d’une résistance qui, légitime dans son principe, ne devint furieuse que par l’immensité de l’attaque et du péril.

D’ailleurs, Camille Desmoulins ne pouvait ignorer la consternation où son éloquence, généreuse mais trop peu mesurée, jetait les patriotes. Lui-même a raconté comment, à la fausse nouvelle qu'il avait été rayé du club des Jacobins, les trois quarts de ses abonnés étaient allés chez Desenne effacer leurs noms, de peur d'être suspects d’avoir lu[16]. Et c'est lui aussi qui nous apprend que le numéro V, contenant sa justification, ne fut pas lu par ceux auxquels il s’adressait, les patriotes pauvres, parce que, impatientée mettre à profit la vogue extraordinaire du journal, Desenne faisait payer chaque numéro vingt sous[17]. Et, dès lors, il ne restait à l’auteur qu’un public royaliste !

Dans le numéro VII, intitulé Le Pour et le Contre, ou Conversation de deux vieux Cordeliers, Camille Desmoulins rendait à la liberté de la presse un hommage immortel. Mais quel redoublement d’amertume dans ses attaques ! Quel mélange d’inspirations magnanimes et de provocations ! Quels funèbres défis lancés coup sur coup, et à ce Comité de sûreté générale qui embastille la tiédeur, et aux membres qui le composent, figurants euménides, et aux frères terribles du Comité, Vadier, Voulland, Amar, Jagot ; et à ce Héron, écumeur de pavés, commis officieux dans la Sainte-Hermandad, qui, comme la Dubarry, ne fait pas sauter deux oranges en disant : Saute, Choiseul ! saute, Praslin ! mais prend, en guise d’oranges, des poignées d’assignats et dit : Saute, d’Églantine ! mute, Camille ! et à ce David auquel une éruption d’orgueil a mis la joue de travers, grand peintre à l’âme de Louis XI, qui n’a entassé tant, de monde dans les prisons que pour parvenir à asseoir son c.. sur un fauteuil de maroquin vert ![18]

Robespierre, du moins, est-il ménagé ? Celui-là, Camille Desmoulins ne l’appelle, il est vrai, ni un écumeur dépavés ni un Louis XI ; mais il le classe dans la catégorie des gens à propos desquels Cicéron disait : Si tu ne vois pas ce que les temps exigent ; si tu parles inconsidérément ; si lu te mets en évidence ; si tu ne fais aucune attention à ceux qui l’environnent, je le refuse le nom de sage, ineplus esse dicitur[19]. Il le compare à Caton, qui, en poussant le Jansénisme de républicain plus loin que les temps ne le permettaient, ne contribua pas peu au renversement de la liberté. Il se reproche de ne lui avoir pas fait tête : Robespierre fit preuve d’un grand caractère, il y a quelques années, à la tribune des Jacobins, un jour que, dans un moment de violente défaveur, il se cramponna à la tribune et s’écria qu’il fallait l’y assassiner ou l'entendre ; mais loi, tu fus un esclave, le jour où tu souffris qu’il te coupât si brusquement la parole dès ton premier mot : Brûler n’est pas répondre[20].

Robespierre avait mis à l’ordre du jour des Jacobins la discussion des vices du gouvernement anglais ; Camille Desmoulins se moque de l’inutilité de pareils débats : Qu’est-ce que tout ce verbiage ?... Et, s’attachant au discours prononcé à cette occasion par Robespierre : Quoi ! c’est Robespierre qui s’est tant moqué de Clootz, voulant municipaliser l’Europe, qui se charge de son apostolat et veut démocratiser le peuple anglais ? Car, enfin, tout peuple dans ce cas, et surtout une nation fière comme l’Angleterre, quels que soient les vices de sa Constitution, dit, comme la femme de Sganarelle à Robert : Et moi, si je veux qu’il me batte ? Et c’est Robespierre qui oublie ainsi le discours profondément politique, entraînant, irréfutable, qu’il prononça au mois de décembre 1791, lorsqu’il opinait contre la guerre ! C’est Robespierre qui oublie ce mot énergique qu’il disait alors : Est-ce quand le feu est à notre maison qu’il faut l’aller éteindre chez les autres ?... Pitt dut bien rire en voyant que cet homme, qui l’appelait, lui, Pitt, imbécile et une bêle, à la séance du 10 pluviôse, aux Jacobins, est celui-là même, Robespierre, qui s’y prend si bien pour l’affermir dans le ministère et donner un pied de nez à Fox, à Sheridan et à Stanhope ![21]

La logique de Camille Desmoulins était ici en défaut : il n’y avait nulle contradiction à vouloir, en 1791, qu’on fit tout pour éviter la guerre, et à demander, en 1794, — la guerre une fois engagée et poussée par Pitt avec fureur, — qu’on fit tout pour accabler l’ennemi. Mais Robespierre avait humilié son ancien camarade de collège Camille par des formes de protection trop hautaines, et Camille ne l’avait pas oublié : Oserais-tu bien faire de semblables rapprochements, et rendre à Robespierre le ridicule qu’il verse sur toi à pleines mains depuis quelque temps ?[22] Une chose étonne et contriste dans ce numéro VII du Vieux Cordelier, où se font entendre si souvent les battements d’un noble cœur : c’est l’éloge de Guffroy, éditeur de l'affreux journal intitulé le Rougiff. Est-ce que ce Guffroy, sur l’autorité de qui Camille Desmoulins marque Héron d'un fer rouge, et qu’il appelle notre cher Rougiffet, cet excellent patriote à cheveux blancs[23] ; est-ce que ce Guffroy n’avait pas écrit, en parlant de Charlotte Corday : Les complices de cette guenon n’ont pas tous été rasés comme elle : ils le seront ; pas vrai, Charlot ?[24] Est-ce que de sa plume, trempée dans le sang, n’étaient pas tombées des phrases telles que celle- ci : Allons, dame guillotine, rasez de près tous ces ennemis de la patrie. Allons, allons, pas tant de contes ! Tête au sac ![25] Qu’avait dit de plus le Père Duchesne ?

Si Danton fut consulté sur l’écrit dont nous venons de présenter une rapide analyse, rien ne le prouve, bien qu’on lise dans des notes fournies par Robespierre à Saint-Just : Danton a corrigé les épreuves du Vieux Cordelier ; il y a fait des changements, de son aveu[26]. Ce qui est certain, c’est que Desenne recula devant la publication d’un manifeste qui ressemblait si fort à une déclaration de guerre. Il n’osa imprimer la suite du Credo politique, et, quant au septième numéro, il en retrancha ou y modifia tout ce qui avait rapport, soit aux Comités, soit à Robespierre[27]. C’est peu : ce numéro aurait dû paraître, à en juger par sa date, le 15 pluviôse (3 février), et il ne vit le jour qu’après la mort de l’auteur. Si le secret de ce qu’il contenait fut gardé ou trahi, on l’ignore ; et qu’importe ? Camille n’avait fait qu’exprimer la pensée d’un parti dont les tendances et les projets ne pouvaient plus être un mystère.

La plupart des historiens ont mentionné la fameuse phrase de Desmoulins sur Saint-Just : On voit dans sa démarche et son maintien qu’il regarde sa tête comme la pierre angulaire de la République, et qu’il la porte sur ses épaules avec respect comme un saint sacrement. Prudhomme, en citant cette épigramme, ne parle pas du mot prêté à Saint-Just : Et moi, je lui ferai porter sa tête comme un saint Denis[28]. Il n’en est pas davantage question dans les notes que Camille Desmoulins rédigea lui-même au fond de sa prison, bien qu’il y rappelle son propre mot, et qu’il dise : J'ai mis Saint-Just dans un numéro rieur ; il me met dans un rapport guillotineur[29].

Il serait puéril de nier la part que prirent aux événements de la Révolution les passions humaines déchaînées ; mais ne pas mettre en relief le lien qui si souvent y lit dépendre le choc des passions de la lutte, bien autrement profonde, des idées, serait indigne d’un historien sérieux et philosophe. Entre Camille et Saint-Just, il y avait toute la distance qui, chez les anciens, sépara la doctrine d’Epicure de l’austère philosophie que professèrent Zénon, Chrysippe, Athénodore de Tarse, Epictète, parmi les Grecs, et, à Rome, Caton, Sénèque, Thraséas, Marc-Aurèle. Je crois, écrivait Camille, — et en ceci la grâce charmante de son style n’était que l’ornement de la raison, — je crois que la liberté n’est pas la misère ; qu’elle ne consiste pas à avoir des babils râpés et percés aux coudes, comme je me rappelle avoir vu Roland et Guadet affecter d’en porter, ni à marcher avec des sabots[30]. Il voulait que la République tint à la France cette promesse de la poule au pot pour tout le monde que la monarchie lui avait faite en vain depuis deux cents ans[31]. Il souhaitait que la Convention pût se rendre ce témoignage : J’ai trouvé la nation sans culottes, et je la laisse culottée[32]. Déjà, dans sa Lanterne aux Parisiens, il s’était écrié : Comment ! plus de Palais-Royal ! plus d’Opéra ! plus de Méot ? C’est là l'abomination de la désolation prédite par le prophète Daniel ; c’est une véritable contre-révolution[33]. Et, comme il aimait à revenir sur ces idées riantes ! À Athènes, Solon fut proclamé par l’oracle le premier des sept sages, quoiqu’il ne fit aucune difficulté de confesser son penchant pour le vin, les femmes et la musique... Et ce divin Socrate, un jour rencontrant Alcibiade sombre et rêveur, apparemment parce qu’il était piqué d’une lettre d’Aspasie : Qu’avez-vous, lui dit le plus grave des mentors ? Auriez-vous perdu votre bouclier à la bataille ? Avez-vous été vaincu dans le camp à la course ou à la salle d’armes ? Quelqu’un a-t-il mieux chanté ou joué de la lyre que vous à la table du général ? Ce trait peint les mœurs. Quels républicains aimables ![34] Loin d’être anti-républicaine en soi, cette douce philosophie ne pouvait que gagner à la République beaucoup de ses adversaires, tous ceux qui donnent pour but à la vie la poursuite du BONHEUR ; mais, aux yeux du sombre Saint-Just, elle avait le tort irrémissible de ne pas tenir assez compte de ce qui, selon lui, constituait la véritable base d’un gouvernement républicain : la vertu. D’autant que Camille n’était pas homme à s’arrêter sur la pente de ses pensées, témoin cette attaque violente dirigée contre Chaumette : Je crois que c’est l’adroite politique du parti de l’étranger, qui, se parant d’un beau zèle pour la régénération des mœurs, sous l’écharpe d’Anaxagoras, fermait les maisons de débauche en même temps que celles de la religion, non par un esprit de philosophie qui, comme Platon, tolère également le prédicateur et la courtisane, les mystères d’Eleusis et ceux de la bonne Déesse, qui regarde également en pitié Madeleine dans ses deux états, à sa croisée ou dans le confessionnal ; mais pour multiplier les ennemis de la Révolution, remuer la boue de Paris, et soulever contre la République les libertins et les dévots. C’est ainsi qu’une fausse politique ôtait à la fois au gouvernement deux de ses plus grands ressorts, la religion et le relâchement des mœurs[35].

Il y avait loin d'une doctrine qui faisait du relâchement des mœurs un des plus grands ressorts du gouvernement aux principes que professait Saint-Just, lorsqu’il disait :

La République n’est point un sénat, elle est la vertu[36]. — Bronzez la liberté[37]. — Nous vous parlâmes du bonheur : l’égoïsme abusa de cette idée pour exaspérer les cris et la fureur de l’aristocratie ; on réveilla soudain les désirs de ce bonheur qui consiste dans l’oubli des autres et dans la jouissance du superflu. Le bonheur ! le bonheur ! s’écria-t-on. Mais ce ne fut point le bonheur de Persépolis que nous vous offrîmes : c’est celui des corrupteurs de l'humanité ; nous vous offrîmes le bonheur de Sparte et d’Athènes dans ses beaux jours, le bonheur de la vertu, de l’aisance et de la médiocrité. Nous vous offrîmes pour bonheur la haine de la tyrannie, la volupté d’une cabane et d’un champ fertile cultivé par vos mains... Le bonheur que nous vous offrîmes n’est pas celui des peuples corrompus. Ceux-là se sont trompés, qui attendaient de la Révolution le privilège d’être aussi méchants que la noblesse et les riches de la monarchie. Une charrue, un champ, une chaumière à l’abri du fisc, une famille à l’abri de la lubricité d’un brigand, voilà le bonheur[38].

 

De son côté, Robespierre avait dit : Le ressort essentiel du gouvernement démocratique, c’est la vertu[39]. Et toutefois l’idéal rigide de Saint-Just n’était pas tout à fait celui de Robespierre ; car ce dernier ajoutait : Nous ne prétendons pas jeter la République française dans le moule de Sparte ; nous ne voulons lui donner ni l’austérité ni la corruption des cloîtres[40].

On voit en quoi ces trois hommes différaient. Difficilement la morale tolérante et facile de Camille Desmoulins se serait-elle conciliée avec l’âpre ascétisme de Saint-Just ; mais, contenue dans les limites de la décence et soumise à son contrôle, elle eût pu trouver grâce devant Robespierre. Malheureusement, il faut le dire, l’extrême légèreté de Camille Desmoulins n’était que trop de nature à laisser voir le côté dangereux de cet épicuréisme qui, dans les pages littéraires de son Vieux Cordelier, n’apparaissait que vêtu de pourpre et d’or. Un jour que Robespierre était absent de la maison de Duplay, Camille y entre. Il avait un livre sous le bras. Au moment de se retirer, il le remet à la plus jeune des filles du menuisier, en la priant de le serrer et de le lui garder. Lui parti, Elisabeth entr’ouvre curieusement le livre ; c’était l’Arétin, orné de gravures obscènes. À son retour, Robespierre remarqua.que la jeune fille était troublée. Il l’interroge, et, apprenant ce qui s’était passé, il pâlit : Oublie cela, dit-il d’une voix émue à la fille de son hôte, à la sœur de sa fiancée. Ce n’est point ce qui entre involontairement par les yeux qui souille la chasteté, mais les mauvaises pensées qu’on a dans le cœur. J’avertirai Camille[41].

Or il y avait un homme qui, bien plus encore que ce dernier, compromettait la cause de la tolérance : c’était Danton. Capable des sentiments non-seulement les plus nobles mais les plus tendres, Danton ne pouvait manquer de passer pour vicieux, par cela seul que, comme Mirabeau, il était un fanfaron de vices. La licence énorme de ses propos le décriait naturellement aux yeux de quiconque ne voyait pas que cet étalage de corruption, tout en paroles, n’avait rien d’absolument inconciliable avec un cœur généreux, une intelligence élevée ; et cela, nul n’était moins en état de le comprendre que Robespierre, esprit sans souplesse, quoique sagace, et étroit à force de rectitude. Le passage suivant d’un de ses manuscrits explique de reste l’éloignement qu’il dut éprouver pour Danton : Quand je montrais à Danton, écrit-il, le système de calomnie de Roland et des Brissotins développé dans Ions les papiers publics, il me répondait : Que m’importe ? l’opinion publique est une p....., la postérité une sottise. Le mot de vertu faisait rire Danton. Comment un homme à qui toute idée de morale était étrangère pouvait-il être le défenseur de la liberté ?[42] Cette conclusion, si sévère, tirée de quelques boutades auxquelles il est peu probable que Danton attachât un sens littéral, quoi de plus caractéristique ? Une assertion de lui qui choquait aussi beaucoup Robespierre, et dont son extrême puritanisme lui faisait mépriser la valeur pratique, c’était celle-ci : Ce qui rend notre cause faible, c’est que la sévérité de nos principes effarouche beaucoup de monde[43]. Il est vrai que les imputations ne se bornent point là, et il en est de réellement graves, du moins en apparence, comme quand Robespierre dit, — lui qui n’était coi tes pas homme à inventer un fait de cette nature — : Il y a un trait de Danton qui prouve une âme ingrate et noire... Dans ma dernière visite, il me parla de Desmoulins avec mépris : il attribua ses écarts à un vice privé et honteux, mais absolument étranger à la Révolution[44]. Le trait eût été en effet d’une âme ingrate et noire, si Danton eût parlé sérieusement ; mais qui ne sent que Robespierre a pu et dû prendre ici pour une accusation en règle ce qui, de la part de son interlocuteur, n’était, selon toute probabilité, qu’une plaisanterie cynique ?

Quoi qu’il en soit, ces deux hommes étaient trop diversement remarquables pour se pénétrer l’un l’autre et s’entendre. Vers la lin de ventôse, leur éloignement était devenu tellement marqué, que leurs amis communs en prirent alarme. Sur l'initiative de Daubigny, adjoint au ministère de la guerre, on songea à les rapprocher ; et Humbert, chef du bureau des fonds des relations étrangères, les invita l’un et l’autre à un dîner où se trouvèrent, indépendamment de Daubigny, Panis, Legendre, le ministre Deforgues, et Boursier, administrateur des subsistances militaires[45].

De ce qui se passa en cette circonstance, il existe deux récits différents : un de Prudhomme, qui ne paraît pas avoir été au nombre des convives, et un autre de Daubigny, qui, défendu dans une circonstance critique par Robespierre, et arrêté, après le 9 thermidor, comme Robespierriste, se déchaîna contre la mémoire de son protecteur dès qu'il le vit abattu, et se montra Dantoniste exalté au plus fort de la réaction Dantoniste[46].

Selon Daubigny, ce fut lui-même qui provoqua une explication entre les deux grands tribuns, en exprimant combien leur mésintelligence étonnait et désolait les amis de la patrie. Sur quoi Danton, prenant la parole, déclara que la haine avait toujours été étrangère à son cœur ; qu’il ne pouvait comprendre l’indifférence que Robespierre lui témoignait depuis quelque temps, indifférence provenant sans doute de la haine que lui portaient Saint-Just et Billaud-Varenne : le premier, parce qu'il lui avait reproché de professer à son âge des principes sanguinaires ; le second, parce qu il l’avait obligé autrefois. Il protesta contre les mensonges répandus concernant l’accroissement de sa fortune. Il se plaignit de la crédulité de Robespierre, entouré, dit-il, de sots et de commères qui lui assombrissaient l’imagination, à force de l’entretenir de complots, de poison et de poignards. Je sais, poursuivit-il, quels sont les projets des deux charlatans dont je t’ai parlé ; mais je connais aussi leur lâcheté. Ils n’oseraient !... Crois moi, secoue l’intrigue, réunis-loi aux patriotes, serrons-nous... — Mais, répondit Robespierre, avec ta morale et tes principes, il n’y aurait donc jamais de coupables ? S’il en faut croire Daubigny, Danton aurait répliqué vivement : En serais-tu fâché ? Daubigny ajoute : La réconciliation néanmoins parut complète. On s’embrassa. Danton y mit de l’effusion. Nous étions tous émus. Robespierre seul resta froid comme le marbre[47].

Ce récit présente des traces d’inexactitude. D’abord, la réponse attribuée à Robespierre : Il n'y aurait donc jamais de coupables à punir ? ne se rapporte guère à ce que Daubigny met dans la bouche de Danton. Ensuite, s’il est vrai que le premier resta froid comme le marbre, on ne s’explique pas comment la réconciliation put paraître complète.

La version de Prudhomme est celle-ci :

Les amis de Danton voulurent le réconcilier avec Robespierre, et l’ancien locataire de ce dernier fut chargé de donner, au Marais, un dîner de réunion. Ce fut Daubigny qui arrangea ce rapprochement. Danton dit : Il faut comprimer les royalistes, mais non confondre l’innocent avec le coupable. Robespierre, fronçant le sourcil : Et qui vous a dit qu’on ait envoyé un innocent à la mort ? Robespierre sortit le premier. Danton dit alors : F..... il faut nous montrer ; il n’y a pas un instant à perdre[48].

Entre des récits aussi contradictoires, la vérité n’est pas facile à saisir ; mais ce qui est hors de doute, c’est que la pensée de frapper Danton ne vint pas de Robespierre, elle vint de Billaud-Varenne, qui s’en est vanté depuis : Si le supplice de Danton est un crime, je m’en accuse. J’ai été le premier à le dénoncer[49]. — C’est moi qui, dans le Comité de salut public, ai dénoncé Danton. Voilà ce que je prends pour mon propre compte[50]. Mais quoi ! porter la main sur Danton, sur Camille Desmoulins, la Révolution le pouvait-elle sans s’ouvrir la poitrine et s’arracher le cœur ? Rien qu’à l'idée d’un pareil suicide, qui n’eût frémi ? La première fois que Billaud-Varenne émit cette proposition sanglante, Robespierre se leva comme un furieux, en s’écriant : Vous voulez donc perdre les meilleurs patriotes ?[51]

Chose étrange et pourtant bien explicable ! La ruine des Dantonist.es, ce fut ce qui semblait assurer leur triomphe, c’est-à-dire l’exécution d’Hébert. Ils se méprenaient si complètement sur les conséquences, que, ce jour-là, Camille Desmoulins, rencontrant Prudhomme sur le pont Neuf, lui dit : Je sors de la mairie pour savoir si l’on a pris les mesures nécessaires afin que le supplice des Hébertistes ne manque pas. Ces coquins ont toute la canaille pour eux ; mais je leur prépare un vilain tour pour animer le peuple contre eux : j’ai donné l’idée de porter au bout d’une pique les fourneaux du père Duchesne[52]. Cela était cruel et témoignait d’une singulière imprévoyance. Car enfin, Camille applaudissant au supplice de Clootz, c’était la Révolution riant à l’idée de ses propres funérailles. Les royalistes le comprirent bien ainsi ; et, par leur triomphant concours sur la place de mort, leurs acclamations, leur curiosité railleuse et joyeuse, ils firent de l’exécution des Hébertistes une pièce à grand spectacle, une fête où le peuple servit à amuser le beau monde ! Et, de leur côté, comment les patriotes ardents n’auraient-ils pas été saisis d’inquiétude ? Danton ne leur parlait plus que d’indulgence à l’égard d’ennemis qu’ils savaient implacables ; Camille Desmoulins ne les entretenait plus de la Révolution que sous la forme de l’anathème ; on tuait Ronsin, qui, après tout, avait combattu les Vendéens avec une bravoure passionnée ; on tuait Clootz, dont l’immolation faisait tressaillir d’allégresse les prêtres fanatiques : où prétendait-on en venir ? A la nouvelle que Ronsin allait être livré au bourreau, les royalistes lyonnais prirent une altitude telle, que les amis de Chalier crurent la Révolution perdue, et que quelques-uns se montrèrent prêts à se donner, comme Gaillard, d’un couteau dans le cœur[53]. De sorte que, par une fatalité lamentable, le Dantonisme semblait être devenu l’avant-garde du royalisme.

Ajoutez à cela que Danton comptait beaucoup de partisans dans l’Assemblée ; que Tallien, un des plus dangereux, venait d’être élevé à la présidence de la Convention, et Legendre, un des plus populaires, à la présidence du club des Jacobins[54].

Celte situation émut violemment le Comité de salut public. Billaud-Varenne ne doutait pas que Danton, si on n’y avisait, ne devînt le point de ralliement de tous les contre-révolutionnaires[55]. Barère avait la colère de la peur ; Collot-d'Herbois, celle de la passion. Saint-Just, inexorable et câline, n’était, pas homme à hésiter : abattre un adversaire qu’on regardait comme un colosse tentait irrésistiblement son orgueil. Restait à entraîner Robespierre, et, par lui, Couthon.

Ah ! quel trouble ne dut pas être le sien, en ces moments funestes ! Qu’ü reculât devant l’horreur du sacrifice proposé, tout le prouve : l’agitation extraordinaire où le jeta la motion de Billaud ; le cri qu’elle lui arracha ; l’empressement avec lequel il avait défendu Danton aux Jacobins ; ses efforts pour empêcher la radiation de Camille ; le rapport dans lequel il s’était étudié si évidemment à écarter d’eux autant que possible la responsabilité des attaques dirigées contre le Comité de salut public[56] ; enfin l’intérêt manifeste et personnel qu’il avait à ce qu’on ne mît pas les grandes réputations révolutionnaires sous la main du bourreau... Quelle tête paraîtrait trop haute pour que la hache ne l’atteignît point, celle de Danton une lois abattue ? Aussi bien, politiquement, qu'avait à leur reprocher Robespierre ? Une exagération dangereuse de ses propres tendances ! Etait-ce un crime digne de mort, et n’y avait-il d’autre moyen de les tenir en échec que de les tuer ? Leur sang versé était-il la seule preuve que le Comité de salut public put donner de sa résolution de ne point mollir ? La Révolution ne pouvait-elle enlever à ses ennemis l’espoir de la voir reculer qu’à la condition de renverser les siens et de leur passer sur le corps ? Mais Saint-Just était là, disant : Il y a quelque chose de terrible dans l’amour sacré de la patrie : il est tellement exclusif, qu’il immole tout sans pitié, sans frayeur, sans respect humain, à l’intérêt public. Il précipite Manlius, il immole ses affections privées, il entraîne Regulus à Carthage[57]. Nous l’avons dit déjà : c’était un présent redoutable que l’amitié de Saint-Just ; en l’acceptant, Robespierre avait revêtu la robe de Déjanire. Il céda devant qui ne céda jamais[58] ; il consentit à abandonner Danton[59]. Condamnable faiblesse, qui, parmi les enfants de la Révolution, sera l’éternelle douleur des âmes justes !

Il faut bien l’avouer, du reste : la carrière politique de Danton n’était pas sans présenter des côtés obscurs.

On a vu à l'aide de quels pourparlers clandestins et dans quel but de trahison Dumouriez, en 1792, avait tout fait aboutir à une simple évacuation du territoire par les Prussiens, au lieu de profiter de leur détresse et des circonstances pour les enterrer dans les plaines de la Champagne[60]. Or quels furent les agents de la négociation qui eut pour résultat de ménager au duc de Brunswick une retraite sûre ? A leur tête figurent Westermann d’abord, créature de Danton, alors ministre, et qu’il envoya lui-même à Dumouriez ; ensuite, Fabre d’Églantine, confident intime de Danton, et également dépêché par lui au général, sous prétexte de le réconcilier avec Kellermann, mais dans le fait pour régler la marche à suivre dans la négociation prussienne sur la base d’une prompte évacuation du territoire[61]. Cependant Dumouriez n’aurait jamais osé prendre l’engagement de ne pas inquiéter la retraite des Prussiens, sans une secrète autorisation des ministres : qui la lui fit avoir et la lui adressa ? Danton. Ainsi que nous l’avons raconté, l’arrêté du Conseil, tel que Danton l’obtint de ses collègues, en cette circonstance, était rédigé de manière à écarter tout soupçon ; il portait : Le Conseil arrête qu’il sera répondu que la République ne peut entendre à aucune proposition avant que les troupes prussiennes aient évacué le territoire. Mais, à cette dépêche officielle et ostensible, Danton avait joint une lettre particulière qui, au nom du Conseil, autorisait Dumouriez à éloigner l’armée prussienne sans s'obstiner à prétendre la détruire[62]. Danton ajoutait que, sur trois commissaires de la Convention qui allaient se mettre en marche pour le quartier général des deux armées réunies, il en était deux, Sillery et Carra, plus particulièrement munis d’instructions relatives à l’exécution de la convention militaire qu’on jugerait à propos de conclure[63]. Mais quoi ! Sillery était l’homme du duc d’Orléans, et Carra le journaliste qui avait posé la candidature du duc de Brunswick au trône de France : pourquoi leur accordait-on plus de confiance qu’à Prieur (de la Marne), le seul des trois commissaires dont le républicanisme fût sans nuage ?

Maintenant, que Danton, en secondant la politique de ménagement de Dumouriez à l’égard de la Prusse, n’ait fait qu'obéir à ses propres inspirations, et embrassé la politique, selon lui, la plus conforme aux intérêts de la France, n’ayant ni connu ni pressenti les projets ultérieurs de Dumouriez, on ne saurait, sur de simples présomptions, affirmer le contraire. Il est bien vrai que, dans ses Mémoires, après avoir exposé son plan définitif, dont faisait partie l’idée de dissoudre la Convention et d’anéantir le Jacobinisme[64], Dumouriez ajoute : Tel est le projet, qui a été connu seulement de quatre personnes, et que, s’il faut en croire Miranda, trois de ces quatre personnes étaient Danton, Lacroix et Westermann[65]. Mais ce ne sont point là des preuves, surtout quand il s'agit d’une accusation aussi grave. Toutefois il importait de rappeler ces circonstances, parce qu’elles donnent la clef des soupçons qui purent conduire à une rupture sanglante quelques-uns des adversaires de Danton.

Mais des conjectures, des craintes, des inductions, des doutes, tout cela suffisait-il dans une question de vie ou de mort ? Non ; là fut l’iniquité. Et, quand l’homme se donne à l’iniquité, bien vainement se flatterait-il de pouvoir ne se livrer qu’à demi : elle le réclame tout entier. Que le bras soit pris dans l’engrenage meurtrier, le corps suivra. Le jour où Robespierre consentit à abandonner, Danton, il se trouva contracter avec le démon des discordes civiles, qu’il s’en rendît compte ou non, l’engagement affreux de prouver aux autres et de se prouver à lui-même que Danton méritait la mort. Car, comment le poursuivre ? que dis-je ? comment s’absoudre de n’avoir pas persisté à le défendre, si on ne le montrait pas coupable ? Laisser faire les fureurs de Saint-Just, c’était se condamner à l’humiliation de les servir. De là les notes accusatrices que Robespierre dut rédiger pour l’usage de son implacable ami, notes dans lesquelles des faits anciens, réputés fort innocents quand ils eurent lieu, prennent soudain une importance démesurée, néfaste, et où l’on donne, entre autres preuves de conspiration, les thés de Robert auxquels on avait vu autrefois Danton assister en compagnie de Fabre et de Wimpfen, thés criminels sans contredit, puisque c’était le duc d’Orléans lui-même qui faisait le punch[66] !...

Cependant les indices alarmants se multipliaient ; on désignait à voix basse les victimes. L’hypocrite Vilate visitait Camille d’un air caressant, ce qui ne l’empêchait pas de dire à Rousselin : Il faut que, sous huit jours, nous ayons les têtes de Danton, de Camille et de Philippeaux[67]. Ce dernier venait d’être impliqué, par Garnier (de Saintes), dans une prétendue conjuration, ourdie au Mans, assurait le proconsul, et dont il se vantait de tenir le fil[68]. Vadier, à propos de Danton, laissait tomber ce mot, aussi ignoble que féroce : Nous viderons bientôt ce turbot farci. De toutes parts les avertissements arrivaient à Danton. Mais il montrait depuis quelque temps une faiblesse de caractère, une incertitude, une hésitation, qu’on aurait eu de la peine à lui soupçonner. Menacé, un engourdissement inconcevable sembla le saisir ; et, s’il en sortait, ce n’était que pour éclater en paroles de mépris ou en bravades. A Thibaudeau, lui annonçant que Robespierre conspirait sa perte, il répondit avec un certain mouvement des lèvres qui, chez lui, annonçait la colère et le dédain : Si je croyais qu’il en eût seulement la pensée, je lui mangerais les entrailles[69]. Il disait encore, en se servant d’une expression que la pudeur de l’histoire nous force de modifier un peu : Robespierre ! je le mettrai au bout de mon pouce, et je le ferai tourner comme une toupie[70]. Il ne pouvait croire que Saint-Just osât ; c’était bien mal le connaître !

Dans la nuit du 9 au 10 germinal (30 au 31 mars), Camille Desmoulins, au moment de se mettre au lit, entend le bruit d’une crosse de fusil sur le pavé. On vient m'arrêter, s’écrie-t-il aussitôt. Il se jette dans les bras de sa chère Lucile, court au berceau où dormait son enfant, qu’il embrasse avec tendresse, et va ouvrir lui-même la porte aux envoyés du Comité de salut public[71]. On le conduisit à la prison du Luxembourg. Il venait de recevoir la nouvelle que sa mère était morte[72].

L’arrestation de Danton n’offrit pas plus de difficultés. Peu de temps auparavant, pressé de fuir par un de ses amis, il avait répondu : J’aime mieux être guillotiné que guillotineur ; et encore : Est-ce qu’on emporte sa patrie à la semelle de son soulier ?[73]

A son tour, Philippeaux fut traîné au Luxembourg, d’où il écrivit à sa femme la touchante lettre que voici :

Je le conjure, ma tendre et vertueuse amie, de soutenir le coup qui nous frappe avec autant de calme et de sérénité que j’en éprouve dans ma nouvelle demeure. Je crois y être aussi bien que peut l’être un prisonnier. La cause qui m’a valu cet acte de vengeance doit élever et agrandir les âmes. Sois digne de cette cause et de moi, en repoussant toute atteinte de douleur et de découragement. Il est beau de souffrir pour la République et le bonheur du peuple. Je te salue et te presse sur mon cœur.

PHILIPPEAUX.

Je viens d’apprendre que Danton, Camille et Lacroix sont également arrêtés ; j’en ignore la cause[74].

 

Une seconde lettre de lui finissait en ces termes : Tous les égards de l’humanité me sont offerts ; et, si tu viens me voir, tu seras contente de mon petit logement[75].

Le mandat d’arrêt contre Danton, Lacroix, Desmoulins et Philippeaux fut le résultat d’une délibération qui eut lieu au sein des deux Comités réunis[76]. Ce mandat, tracé négligemment, non sur le papier destiné aux minutes de ce genre, mais au haut d’une feuille de papier-enveloppe[77], reçut dix-huit signatures, dont aucune ne fut donnée de confiance[78]. La première est celle de Billaud-Varenne, la seconde celle de Vadier, la troisième celle de Carnot. Saint-Just occupe la huitième place, et Robespierre l'avant-dernière[79]. Robert Lindet refusa de signer[80].

Camille avait apporte au Luxembourg des livres sombres, tels que les Méditations d’Hervey, les Nuits d’Young, Est-ce que tu veux mourir d’avance ? lui demanda Réal. Tiens, voilà mon livre, à moi : c’est la Pucelle d’Orléans[81]. Quand Lacroix parut, Hérault de Séchelles, qui jouait-à la galoche, quitta sa partie et courut l’embrasser[82]. La présence des nouveaux venus réjouit fort les prisonniers royalistes. Un d’eux, en voyant passer Lacroix, se mit à dire d’un air goguenard : Voilà de quoi faire un beau cocher ![83] l’insolence, chez certains nobles, ayant survécu à ce qui les rendait insolents. Camille et Philippeaux gardaient le silence ; mais Danton, le rire sur les lèvres : Quand les hommes font des sottises, il faut savoir rire. Je vous plains tous, si la raison ne revient pas : vous n’avez encore vu que des roses. Rencontrant Thomas Payne, qui l’avait précédé dans le gouffre béant, il lui dit : Ce que tu as fait pour le bonheur et la liberté de ton pays, j’ai en vain essayé de le faire pour le mien. J’ai été moins heureux, mais non pas plus coupable. On m’envoie à l’échafaud ; eh bien ! mes amis, j’irai gaiement[84].

Grande fut la stupeur de Paris à la nouvelle que de tels hommes étaient arrêtés.

Le 11 germinal (31 mars), la Convention était à peine en séance, que Legendre monte à la tribune, et, d'une voix émue : Citoyens, dit-il, quatre membres de celle assemblée ont été arrêtés pendant la nuit. Danton en est un. J’ignore les noms des autres ; et qu’importent leurs noms, s’ils sont coupables ? Mais ce que je demande, c’est que, traduits à votre barre, ils soient accusés ou absous par vous. Il déclare ensuite qu’il croit Danton aussi pur que lui-même, et il rappelle les services rendus par l’homme qui, en 1792, avait fait lever la France entière[85].

A ce discours, qu’ont interrompu quelques murmures, succède une agitation inaccoutumée. Fayau s’oppose à la demande de Legendre. Robespierre se lève, et, calme, solennel, il dit :

Au trouble, depuis longtemps inconnu, qui règne dans cette assemblée, il est aisé d’apercevoir qu’il s’agit ici d’un grand intérêt, qu’il s’agit de savoir si quelques hommes aujourd’hui remporteront sur la patrie... Legendre paraît ignorer les noms de ceux qui sont arrêtés : toute la Convention les sait. Son ami Lacroix est du nombre des détenus : pourquoi feint-il de l’ignorer ? Parce qu’il sait bien qu’on ne peut sans impudeur défendre Lacroix. Il a parlé de Danton, parce qu’il croit sans doute qu’à ce nom est attaché un privilège ; non, nous n’en voulons point de privilèges ; non, nous n’en voulons point d’idoles. Nous verrons, dans ce jour, si la Convention saura briser une prétendue idole, pourrie depuis longtemps, ou si, dans sa chute, elle écrasera la Convention et le peuple français... On craint que les détenus ne soient opprimés ; on se défie donc de la justice nationale et des hommes qui ont obtenu la confiance de la Convention nationale ; on se défie de la Convention qui leur a donné celle confiance, de l’opinion publique qui l’a sanctionnée ? Je dis que quiconque tremble en ce moment est coupable ; car jamais l’innocence ne redoute la surveillance publique[86].

On applaudit[87]. Il continue :

... Et à moi aussi, on a voulu m’inspirer des terreurs ; on a voulu me faire croire qu’en approchant de Danton le danger pourrait arriver jusqu’à moi... Les amis de Danton m’ont fait parvenir des lettres, m’ont obsédé de leurs discours... Je déclare que, s’il était vrai que les dangers de Danton dussent devenir les miens, je ne regarderais point cette circonstance comme une calamité publique. Qu’importent les dangers ? Ma vie est à la patrie ; mon cœur est exempt de crainte ; et, si je mourais, ce serait sans reproche et sans ignominie.

Les applaudissements ayant recommencé[88] :

C’est ici, reprit-il, qu’il nous faut quelque courage et quelque grandeur d’âme. Les âmes vulgaires ou les hommes coupables craignent toujours de voir tomber leurs semblables, parce que, n’ayant plus devant eux une barrière de coupables, ils restent plus exposés au péril ; mais, s’il existe des âmes vulgaires, il en existe aussi d’héroïques dans celle assemblée, puisqu'elle dirige les destinées de la terre ?[89]

 

Ainsi, avec un singulier mélange d’habileté et de hauteur, Robespierre semblait associer sa destinée à celle de Danton et prendre sa part du péril. Mais il y avait un autre pointa loucher, et fort délicat ; il fallait rassurer l’Assemblée contre la crainte, bien naturelle, de voir la hache levée sur de telles, victimes s’arrêter, une fois rouge de leur sang, sur la tête de chacun. Robespierre alla au-devant de cette crainte en lui opposant la distinction que la Convention nationale et les patriotes savaient établir entre l’erreur et le crime, entre la faiblesse et les conspirations. C’était un mot de circonstance et très-frappant que celui- ci : Il n’est pas si grand le nombre des coupables ![90] L’effet de ce discours fut considérable. Pas un des Dantonismes présents n’osa descendre dans l’arène. Legendre, terrifié, balbutia de lâches excuses[91]. Saint-Just entra. C’était la mort.

Au milieu d’un silence de plomb, et de cette voix qui étonnait, qui glaçait, qui navrait les âmes, il commença par déclarer qu’après avoir abattu la faction des faux patriotes, on avait à abattre celle des modérés, factions, dit-il, nées avec la Révolution et qui l’avaient suivie dans son cours comme les reptiles suivent le cours des torrents[92]. Sans que la parole tremblât sur ses lèvres, il dit ces mots monstrueux : Je viens dénoncer les derniers partisans du royalisme. Il parla du duc d’Orléans, de Mirabeau, des Lameth, de Dumouriez, de Brissot, d’Hébert, de Chabot, de Fabre d’Églantine, ne voyant partout que noirs complots, trames infernales, intervention souterraine de l’étranger. Il raconta l’histoire du plus grand mouvement qui se soit jamais accompli au sein des sociétés humaines, comme s’il n’eût été qu’un prodigieux enchaînement de trahisons. Il donna des opinions qui avaient le malheur de n’être pas les siennes pour des attentats, stupéfait qu’on eût osé attaquer l’immortalité de l’âme, qui consolait Socrate mourant, et pénétré d’horreur à l’idée qu’on n’avait voulu bannir Dieu de la terre que pour y laisser le néant, la tyrannie et le crime. Avec un génie à la fois subtil et altier, avec une éloquence à faire frémir, avec une conviction brutale, farouche, dédaigneuse des preuves et prompte à se payer de celle fausse vraisemblance qui naît de l’art de grouper les faits, il présenta un réquisitoire où le vague des attaques n’était relevé que par l’énergique concision du mot et l’audace sans bornes de l’affirmation. De Fabre d’Églantine, il dit que c’était un nouveau cardinal de Retz, un de ces hommes qui conduisent une révolution à la manière d’une intrigue de théâtre. De Camille et de Philippeaux, qu’il n’attaquait qu’en passant, il fit des instruments de Fabre, de pauvres dupes amenées à devenir des complices. Puis, arrivant à Danton, il le peignit... Mais quelle analyse pourrait ici suppléer au texte ? Il faut citer :

Danton, tu as servi la tyrannie... Les amis de Mirabeau se vantaient hautement qu’il t’avait fermé la bouche. Aussi, tant qu’a vécu ce personnage affreux, lu es resté muet... Dans les premiers éclairs de la Révolution, tu montras à la Cour un front menaçant ; lu parlais contre elle avec véhémence. Mirabeau, qui méditait un changement de dynastie, sentit le prix de ton audace. Il te saisit ; tu t’écartas alors des principes sévères, et l’on n’entendit plus parler de loi jusqu’au massacre du Champ de Mars. Alors tu appuyas aux Jacobins la motion de Laclos, qui fut un prétexte funeste, et payé par la Cour, pour déployer, le drapeau rouge et essayer la tyrannie. Les patriotes qui n’étaient pas initiés dans ce complot avaient inutilement combattu ton opinion sanguinaire. Tu contribuas à rédiger, avec Brissot, la pétition du Champ de Mars, et vous échappâtes à la fureur de Lafayette, qui fit massacrer deux mille patriotes. Brissot erra depuis paisiblement dans Paris, et toi tu allas couler d’heureux jours à Arcis-sur- Aube, si toutefois celui qui conspirait contre sa patrie pouvait être heureux... Quand tu vis l’orage du 10 août se préparer, lu te retiras encore à Arcis-sur-Aube ; déserteur des périls qui entouraient la liberté, les patriotes n’espéraient plus te revoir ; cependant, pressé par la honte, par les reproches, et quand tu sus que la chute de la tyrannie était bien préparée, inévitable, lu revins à Paris le 9 août ; tu voulus te coucher dans cette nuit sinistre ; tu fus traîné par quelques amis ardents de la liberté dans la section où les Marseillais étaient assemblés ; tu y parlas, mais tout était fini, et l’insurrection était déjà en mouvement. Dans ce moment, que faisait Fabre, ton complice et ton ami ? Tu l’as dit toi-même : il parlementait avec la Cour pour la tromper. Mais la Cour pouvait-elle se fier à Fabre sans un gage certain de son dévouement ?... Quiconque est l'ami d’un homme qui a parlementé avec la Cour est coupable de lâcheté. L’esprit a des erreurs ; les erreurs de la conscience sont des crimes... Tu eus, après le 10 août, une conférence avec Dumouriez, où vous vous jurâtes une amitié à toute épreuve, et où vous unîtes votre fortune. Tu as justifié depuis cet affreux concordat, et lu es encore son ami au moment où je parle... Tu l’es efforcé de corrompre la morale publique en le rendant, en plusieurs occasions, l’apologiste des hommes corrompus, les complices... Tu consentis à ce qu’on ne fît point part à la Convention delà trahison de Dumouriez. Tu te trouvais dans les conciliabules avec Wimpfen et Orléans. Dans le même temps, tu le déclarais pour des principes modérés, et tes formes robustes semblaient déguiser la faiblesse de tes conseils... Conciliateur banal, tous tes exordes à la tribune commençaient comme le tonnerre, et lu finissais par faire transiger la vérité et le mensonge... Tu t’accommodais à tout. Brissot et ses complices sortaient toujours contents d’avec foi. A la tribune, quand ton silence était accusé, tu leur donnais des avis salutaires pour qu’ils dissimulassent davantage... La haine, disais-tu, est insupportable à mon cœur, et tu nous avais dit : Je n’aime point Marat. Mais n’es-tu pas criminel de n’avoir point liai les ennemis de la patrie ? Est-ce par ses penchants privés qu’un homme public détermine son indifférence ou sa haine, ou par l’amour de la patrie, que n’a jamais senti ton cœur ? Tu fis le conciliateur, comme Sixte-Quint fit le simple pour arriver au but où il tendait. Eclate maintenant devant la justice du peuple, toi qui n’éclatas jamais lorsqu’on attaquait la pallie !... Mauvais citoyen, tu as conspiré ; faux ami, tu disais, il y a deux jours, du mal de Desmoulins, instrument que tu as perdu, et tu lui prêtais des vices honteux ; méchant homme, tu as comparé l’opinion publique à une femme de mauvaise vie ; tuas dit que l’honneur était ridicule, que la gloire et la postérité étaient une sottise. Ces maximes devaient le concilier l’aristocratie, elles étaient celles de Catilina. Si Fabre est innocent, si d’Orléans et Dumouriez furent, innocents, tu l’es sans doute. J’en ai trop dit : tu répondras à la justice.

 

Ces traits sont caractéristiques : ils suffisent. La fin était d’une grandeur sinistre :

Les jours du crime sont passés ; malheur à ceux qui soutiendraient sa cause ! La politique est démasquée : que tout ce qui fut criminel périsse ! On ne fait point des républiques avec des ménagements, mais avec la rigueur farouche, inflexible, envers tous ceux qui ont trahi. Que les complices se dénoncent, en se rangeant du parti des forfaits ; ce que nous avons dit ne sera pas perdu sur la terre. On peut arracher la vie à des hommes qui, comme nous, ont tout osé pour la vérité ; on ne peut point leur arracher les cœurs, ni le tombeau hospitalier sous lequel ils se dérobent à l’esclavage et à la honte de voir laisser triompher les méchants[93].

L’Assemblée donna les têtes qu’on lui demandait[94].

Quand les détenus reçurent leur acte d’accusation, Camille remonta en écumant de rage, et se promena à grands pas dans sa chambre ; Philippeaux, ému, joignait les mains, regardait le ciel ; Danton revint en riant, et plaisanta beaucoup Camille Desmoulins. Rentré dans sa chambre : Eh bien, Lacroix, qu’en dis-tu ?Que je vais me couper les cheveux, pour que Samson n’y touche pas. — Ce sera bien une autre cérémonie quand Samson nous démantibulera les vertèbres du cou. — Je pense qu’il ne faut rien répondre qu’en présence des deux Comités. — Tu as raison, il faut tâcher d’émouvoir le peuple[95].

Camille écrivit à sa femme :

Ma Lucile, ma Vesta, mon ange, la destinée ramène dans ma prison mes yeux sur ce jardin où je passai huit années à te suivre. Un coin de vue sur le Luxembourg me rappelle une foule de souvenirs de nos amours. Je suis au secret ; mais jamais je n’ai été, par la pensée, par l’imagination, presque par le loucher, plus près de loi, de la mère, de mon petit Horace... Je vais passer tout le temps de ma prison à t’écrire ; car je n’ai pas besoin de prendre la plume pour autre chose et pour ma défense. Ma justification est tout entière dans mes huit volumes républicains. C’est un bon oreiller sur lequel ma conscience s’endort, dans l’attente du tribunal et de la postérité... Ne t’affecte pas trop de mes idées, ma chère amie ; je ne désespère pas encore des hommes et de mon élargissement ; oui, ma bien-aimée, nous pourrons nous revoir encore dans le jardin du Luxembourg... Adieu, Lucile ! adieu, Daronne[96] ! adieu, Horace ! Je ne puis pas vous embrasser ; mais, aux larmes que je verse, il me semble que je vous tiens encore contre mon sein[97].

Il envoya cette lettre, trempée de ses pleurs, à Lucile, qui, après l’avoir lue, s’écria en sanglotant :

Je pleure comme une femme, parce qu'il souffre, parce qu’il ne nous voit pas... Mais j’aurai le courage d’un homme, je le sauverai... Que faut-il faire ? Lequel des juges faut-il que je supplie ? Lequel faut-il que j’attaque ouvertement

 Elle parla d’aller trouver Philippeaux ; mais il était arrêté. Danton, arrêté aussi ! Irait-elle aux Jacobins ? Dans son trouble, elle court chez madame Danton, pleure avec elle, veut l’entraîner chez Robespierre. Mais celle-ci refuse, disant qu’elle ne veut rien devoir à l’ennemi de son mari[98]. Une lettre à Robespierre, pleine de touchants reproches et suppliante, fut commencée par Lucile[99], resta inachevée et ne fut pas envoyée[100]. Le 12 germinal (1er avril), Camille écrivait, à une heure du matin, sa troisième et dernière lettre à Lucile. Non, jamais cris plus déchirants ne s’échappèrent des profondeurs d’une âme que la mort dispute à l’amour.

Le sommeil bienfaisant a suspendu mes maux. On est libre quand on dort... Le ciel a eu pitié de moi. Il n’y a qu’un moment, je te voyais en songe ; je vous embrassais tour à tour, toi, Horace et Daronne, qui était à la maison ; mais notre petit avait perdu un œil par une humeur qui venait de se jeter dessus, et la douleur de cet accident m’a réveillé. Je me suis retrouvé dans mon cachot. Il faisait un peu jour... Je me suis levé pour te parler et t’écrire. Mais, ouvrant mes fenêtres, la solitude, les affreux barreaux, les verrous qui me séparent de toi, ont vaincu toute ma fermeté... Je me suis mis à sangloter en criant dans mon tombeau : Lucile ! Lucile ! ô ma chère Lucile ! où es-tu ?... — Ici la trace d’une larme. — J’ai découvert une fente dans mon appartement : j’ai appliqué mon oreille, J’ai entendu la voix d’un malade qui souffrait. Il m’a demandé mon nom, je le lui ai dit. Ô mon Dieu ! s’est-il écrié à ce nom, en retombant sur son lit, d’où il s’était levé, et j’ai reconnu distinctement la voix de Fabre d’Églantine. Oui, je suis Fabre, m’a-t-il dit. Mais, toi ici ! La contre-révolution est donc faite ?... Ô ma chère Lucile ! j’étais né pour faire des vers, pour défendre les malheureux, pour te rendre heureuse... J’avais rêvé une République que tout le monde eût adorée. Je n’ai pu croire les hommes si féroces et si injustes. Comment penser que quelques plaisanteries dans mes écrits, contre des collègues qui m’avaient provoqué, effaceraient le souvenir de mes services ? Je ne me dissimule point que je meurs victime de ces plaisanteries et de mon amitié pour Danton... Ma Lucile, mon bon Loulou, ma poule à Cachant[101], je t’en conjure, ne reste point sur la branche, ne m’appelle point par les cris ; ils me déchireraient au fond du tombeau. Ya gratter pour ton petit, vis pour Horace, parle-lui de moi. Tu lui diras, ce qu’il ne peut pas entendre, que je l’aurais bien aimé ! Malgré mon supplice, je crois qu’il y a un Dieu. Mon sang effacera mes fautes, les faiblesses de l’humanité ; et ce que j'ai eu de bon, mes vertus, mon amour de la liberté, Dieu le récompensera. Je le reverrai un jour, ô Lucile ! ô Annette ! Sensible comme je l’étais, la mort, qui me délivre de la vue de tant de crimes, est-elle un si grand malheur ?... Adieu, Lucile, ma Lucile, ma chère Lucile ! Adieu, Horace, Annette, Adèle ! Adieu, mon père ! Je sens fuir devant moi le rivage de la vie. Je vois encore Lucile ! Je la vois, ma bien-aimée ! Mes mains liées t’embrassent, et ma tête séparée repose encore sur loi ses yeux mourants[102].

 

Folle de douleur, la malheureuse jeune femme songea, dit-on, à soulever le peuple[103] ; et même elle aurait adressé un billet à Legendre, le suppliant d’aller poignarder Robespierre[104].

Dans la nuit du 12 au 13 germinal (1-2 avril), Danton, Lacroix, Camille Desmoulins et Fabre d’Églantine furent transférés du Luxembourg à la Conciergerie.

Danton, raconte Riouffe[105], placé dans un cachot à côté de Westermann, ne cessait de parler, moins pour être entendu de Westermann que de nous... Il disait, en regardant à travers ses barreaux, beaucoup de choses que peut-être il ne pensait pas ; toutes ses phrases étaient entremêlées de jurements et d’expressions ordurières. En voici quelques-unes que j'ai retenues : C’est à pareil jour que j’ai fait instituer le Tribunal révolutionnaire ; mais j’en demande pardon à Dieu et aux hommes : ce n’était pas pour qu’il fût le fléau de l’humanité ; c’était pour prévenir le renouvellement des massacres de septembre. — Je laisse tout dans un gâchis épouvantable ; il n’y en a pas un qui s'entende en gouvernement. Au milieu de tant de fureurs, je ne suis pas fâché d’avoir attaché mon nom à quelques décrets qui feront voir que je ne les partageais pas. — Si je laissais mes jambes à Couthon, on pourrait encore aller quelque temps au Comité de salut public. — Ce sont tous des frères Caïn. Brissot m’aurait fait guillotiner comme Robespierre. — J’avais un espion qui ne me quittait pas. — Je savais que je devais être arrêté. — Ce qui prouve que Robespierre est un Néron, c’est qu’il n’avait jamais parlé à Camille Desmoulins avec tant d’amitié que la veille de son arrestation. — Dans les révolutions, l’autorité reste aux plus scélérats. — Il vaut mieux être un pauvre pêcheur que de gouverner les hommes. — Les f..... bêtes, ils crieront : vive la République ! en me voyant passer. Il parlait sans cesse des arbres, de la campagne et de la nature[106].

 

Lacroix paraissait fort embarrassé de son maintien[107].

Fabre d’Églantine, malade, n’était occupé que d’une comédie en cinq actes. Il l’avait laissée entre les mains du Comité de salut public, et semblait poursuivi de la crainte que Billaud-Varenne ne la lui volât[108].

Chabot avait été transféré depuis quelques jours à l’infirmerie de la Conciergerie. Au Luxembourg, il avait avalé du poison, et fut un jour trouvé dans son cachot se roulant par terre et poussant des cris affreux que lui arrachait la douleur. On parvint à le rappeler à la vie, c’est-à-dire à le garder pour l’échafaud. Plus lâche que méchant, ce malheureux succombait au remords. Au milieu de ses tortures, il ne parlait que de son ami Bazire : Pauvre Bazire, qu’as-tu fait ?[109]

Chabot, Bazire, Fabre, Delaunay, Julien (de Toulouse), étaient, on l’a vu, poursuivis comme coupables de faux public. Il y avait conséquemment quelque chose de monstrueux à faire comparaître, confondus avec eux sur les mêmes bancs, des hommes auxquels on n’imputait, ainsi qu’à Danton, Lacroix, Camille, Philippeaux, Hérault de Séchelles et Westermann, que des crimes d’un caractère exclusivement politique. C’est cependant à quoi les ennemis de ces derniers ne rougirent pas de descendre, comme si la honte de cet inique amalgame pouvait retomber sur d'autres têtes que celles de ses auteurs !

Le procès commença le 15 germinal (2 avril). Fabre d’Églantine, dont la pâleur disait assez les souffrances physiques, occupait la place distinguée, le fauteuil[110]. Hérault de Séchelles était plein de sérénité ; il avait quitté sa prison, de l’air d’un homme qui va à une partie de plaisir, consolant ses amis, et invitant son domestique, qui fondait en larmes, à avoir bon courage[111]. Interrogé sur son nom et son état avant la Révolution, il répondit : Je m’appelle Marie-Jean, noms peu saillants, même parmi les saints. Je siégeais dans cette salle, où j’étais détesté des parlementaires[112]. On demanda son âge à Camille. Lui : J’ai l’âge du sans-culotte Jésus quand il mourut, trente-trois ans[113]. La réponse de Danton, relativement à son nom et à sa demeure, fut : Ma demeure sera bientôt le néant ; et, quant à mon nom, vous le trouverez dans le Panthéon de l'histoire[114]. Comme on lisait l’acte d’accusation, Lacroix, Camille Desmoulins et quelques autres de leurs co-accusés politiques, se récrièrent sur ce qu’on les accolait à des fripons[115]. On regardait curieusement Chabot, revenu, pour y rentrer, du royaume des ombres. Le poison libérateur n’avait été que trop bien combattu : on remarqua que la voix de l’accusé n’était nullement altérée[116].

Quelle sérail l’issue ? D’un coté, Billaud-Varenne, l’organisateur, si convaincu et si redouté, du gouvernement révolutionnaire ; Saint-Just, ivre de fanatisme, et, d’une main furieuse, traînant avec lui la plus grande autorité du temps, Robespierre ; puis ce Couthon, dont Camille lui-même, tout en l’attaquant, avait salué avec respect l’honnête figure[117] ; puis, les deux Comités, engagés dans une lutte à mort, et engagés désormais sans retour : la Convention, enfin, asservie à son effroi et à son vote. D’un autre côté, Danton, Titan non encore foudroyé ; Camille Desmoulins, le doyen, à trente-trois ans, des vieux Cordeliers, le Voltaire rajeuni de la Révolution ; Westermann, le héros du 10 août, l’ange exterminateur de la Vendée royaliste — sans compter Philippeaux, Bazire, et le rapporteur fameux de la Constitution de 1793, celui en qui s’était personnifiée la République dans la plus auguste de ses solennités, Hérault de Séchelles. La foule, agitée de sentiments divers, étonnée, curieuse, immense, encombrait le Palais-de-Justice, d’où elle débordait au loin, inondant de ses flots pressés les rues voisines, le quai des lunettes, le pont au Change, la place du Châtelet et le quai de la Ferraille.

Le tribunal, d’ailleurs, était loin d’appartenir tout entier, comme on l’a prétendu, aux adversaires des accusés. Le greffe, par exemple, — le procès de Fouquier-Tinville l’attestera plus tard, — ne se composait que de Dantonistes. Les deux commis-greffiers, Wolf et Tavernier, étaient entièrement dévoués à Danton. Paris, le greffier, surnommé Fabricius, était son admirateur passionné, son ami intime[118], et, selon l’expression de Duhem, son chien couchant[119]. Il fut mis en prison, après le procès, pour avoir refusé de signer le jugement[120] ; et c’est son témoignage, très-suspect, évidemment contraire à la vérité sur certains points, qui a servi de base à maint récit, dont le but semble avoir été beaucoup moins de raconter la mort de Danton que de la venger[121]. Fouquier-Tinville, ennemi secret de Robespierre[122], déclara, depuis, avoir tout fait pour sauver les prévenus[123]. On se déliait à tel point de ses dispositions, qu’on lui adjoignit Fleuriot-Lescot. Il avait même été question de l’arrêter, ainsi que Hermann, président du Tribunal révolutionnaire ; et l’ordre, qu’on crut devoir révoquer ensuite, en fut formellement donné à Henriot[124].

Quant aux jurés, est-il vrai que le président Hermann et Fouquier-Tinville, au lieu de les tirer au sort, suivant les prescriptions de la loi, les choisirent, en ayant soin de prendre ceux qu'on nommait les solides ? C’est ce qu’à l’époque de la réaction Dantonisme, Fabricius Pâris déclara dans une pièce anonyme, qui fut rejetée par la Convention, et qu’il ne signa qu’après coup[125]. De plus, ce fait, trop légèrement admis par la plupart des historiens de la Révolution, reçut, lorsqu’on le mil au jour, des démentis formels, qu’il eût été juste de ne point passer sous silence, et qui, tout au moins, permettent le doute[126].

Des jurés qui siégèrent dans le procès de Danton, il existe deux listes, fournies l’une et l’autre par Fabricius Pâris, et qui diffèrent. Voici la première : Trinchard, Renaudin, Brochet, Leroy surnommé Dix-Août, Prieur, Aubry, Châtelet, Didier, Vilate, Laporte, Gauthier, Duplay, Lumière, Desboisseaux et Bénard ![127]. Voici la seconde : Renaudin, Trinchard, Dix-Août, Ganney, Topino-Lebrun[128], etc. On le voit : bien que la première énumération semble donnée comme complète, elle ne contient pas les noms de Ganney et de Topino-Lebrun, qui figurent dans la seconde. En outre, Pâris oublie de mentionner Souberbielle, qui fut cependant un des jurés[129] ; ce qui porte, en tout cas, à dix-huit le nombre des jurés qui siégèrent en ces heures redoutables. Or, qu’il n’y eût parmi eux que des hommes vendus, corps et âme, à l’iniquité, c'est ce que contredisent des témoignages peu suspects de partialité. Quand, plus tard, on interrogea Montané sur le compte de Ganney, de Brochet et de Leroy, il répondit qu’il les avait connus honnêtes gens[130], et qu’il ignorait s’ils avaient changé. Il est très-vrai que Leroy avait l’oreille dure, mais pas au point de ne pouvoir suivre les débats ; pour mieux les entendre, il avait soin de se placer au premier rang des jurés[131]. Souberbielle était animé d’un fanatisme, aveugle si l’on veut, mais dont les glaces même de la vieillesse ne purent calmer l’ardeur, inapaisable et sincère. Châtelet était un homme bon, un vrai patriote, toujours prêt à se sacrifier pour les siens, et ami des malheureux[132]. Duplay avait des vertus auxquelles les plus violents ennemis de Robespierre furent obligés de rendre hommage : une extrême droiture, un caractère doux et indulgent, une probité incapable de se ployer aux vues de l’ambition[133]. Il y a loin de là à ce jury qu’un illustre historien de nos jours décrit comme s il n’eût été composé que de cinq individus, natures ambitieuses ou serviles, plus un idiot qui tuait au hasard, faute de comprendre ; et un sourd, qui tuait au hasard, faute d'entendre[134]. Au reste, la suite de ce récit dira par quels motifs la conduite du jury fut déterminée. L’examen porta d’abord sur les manœuvres corruptrices relatives à la compagnie des Indes. A l’égard du fournisseur d’Espagnac, Cambon fit une déposition accablante[135].

Fabre d'Églantine, avant de se défendre du crime de faux qui lui était imputé, demanda communication des pièces originales : demande qu'on ne pouvait repousser sans une criante injustice, et que le président ne rougit point d’éluder, en faisant observer[136] au prévenu qu’il lui suffisait de reconnaître ou de désavouer les changements et altérations mis sous ses yeux. Quoique privé de la sorte d’un puissant moyen de défense, Fabre se défendit très-bien[137]. Malheureusement, Cambon, qu’il semblait accuser de n’avoir pas été assez hostile à la compagnie des Indes, se tourna contre lui, et affirma qu’il n’était pas possible que Fabre n’eût cru signer qu’un projet de décret, les projets n’étant signés que très-rarement[138].

Est-il vrai qu’en ce moment Cambon, interpellé par Danton et Camille de déclarer s’il les regardait comme des conspirateurs, des contre-révolutionnaires, répondit qu’il les regardait, au contraire, comme d’excellents patriotes, qui n’avaient cessé l’un et l’autre de rendre les plus grands services à la Révolution ? Ce fait, sur lequel le compte rendu du tribunal se lait, est un de ceux dont Daubigny déposa dans le procès de Fouquier-Tinville[139]. Mais ce qui rend l’exactitude de l’assertion au moins douteuse, c’est qu’elle fut indirectement contredite, depuis, par Cambon lui-même, déclarant en pleine assemblée que Danton était un conspirateur, et qu’il avait fait partie, avec Pache, avec Robespierre, du Comité secret de Charenton[140].

Aux preuves qui s’élevaient contre lui, Chabot opposa sa qualité de révélateur. Delaunay nia tout. Bazire s’écria, avec l’accent d’une âme honnête : Si les apparences m’accusent, la vérité doit m’absoudre[141].

Vint le tour de Danton. Sa voix tonnante pouvait être entendue au dehors et au loin, les fenêtres du tribunal étant ouvertes. Il connaissait la puissance de sa parole, et s’en servit en homme qui brave ses juges, dédaigne ses ennemis, et n’entend s'adresser qu’au peuple, bien décidé à l’entraîner en l’émouvant. Ma voix, qui tant de fois s’est fait entendre pour la cause du peuple, n’aura pas de peine à repousser la calomnie. Les lâches qui me calomnient oseraient-ils m’attaquer en face ? Qu’ils se montrent, et je les couvrirai d’opprobre !... Ma tête est là, elle répond de tout... La vie m’est à charge ; il me larde d’en être délivré !... Le président l’interrompit : Danton, l’audace est le propre du crime ; le calme est le propre de l’innocence... Mais lui : L’audace individuelle est sans doute réprimable, et elle ne put jamais m’être reprochée ; l’audace nationale, dont j’ai tant de fois servi la chose publique, est nécessaire en révolution ; elle m’est permise, et c’est de celle-là que je m’honore... Est-ce d’un révolutionnaire tel que moi qu’il faut attendre une défense froide ? Les hommes de ma trempe sont impayables : sur leur front est imprimé en caractères ineffaçables le sceau de la Liberté, le génie républicain... Saint-Just, tu répondras à la postérité de la diffamation lancée contre le meilleur ami du peuple !... En parcourant cette liste d’horreur, je sens toute mon existence frémir... Il allait continuer. Hermann, avec dignité : Marat fut accusé comme vous. Il sentit la nécessité de se justifier, remplit ce devoir en bon citoyen, établit son innocence en termes respectueux, et n’en fut que plus aimé du peuple... Je ne puis vous proposer de meilleur modèle... Danton reprit, sans pouvoir commander à son indignation : Je vais donc descendre à ma justification !... Moi, vendu à Mirabeau, à d’Orléans, à Dumouriez ! Moi, le partisan des royalistes ! À peine avait-il abordé cette accusation, que, ressaisissant le rôle de l'attaque, le seul qui convînt à son génie, il éclata en menaces : Que mes accusateurs se montrent, et je les replonge dans le néant... Vils imposteurs, paraissez ! Pour la troisième fois, le président l’arrêtant et lui faisant observer que ce n’était point par de telles sorties qu’il convaincrait le jury de son innocence : Un accusé comme moi, répliqua-t-il fièrement, connaît les mots et les choses ; il répond devant un jury, mais ne lui parle pas. Il continua sur ce ton, tour à tour emporté, méprisant, ironique ; tantôt annonçant qu’il avait des choses curieuses à révéler sur les trois plats coquins qui avaient perdu Robespierre, tantôt se répandant en railleries sur ce que la Convention avait appris si tard à le connaître, lui Danton ; et, à mesure que, d’une voix calme et grave, le président le rappelait à la modération, lui, redoublait de véhémence. Il affirma que jamais l’ambition et la cupidité n’avaient dirigé ses actions, que jamais il ne leur avait sacrifié la chose publique[142]. Il rappela sa résistance à Pastoret, à Lafayette, à Bailly, à Mirabeau, et comment il avait combattu la royauté, et que, lors du voyage de Saint-Cloud, loin de protéger la fuite de Louis XVI, il avait fait hérisser son passage de piques ou de baïonnettes et saisir la bride des chevaux. Sur ce qu’on lui imputait d’être allé en Angleterre le 17 juillet 1789, inculpation ridicule que l’emploi du mot émigré par Hermann rendait odieuse, il expliqua que, ses beaux-frères ayant passé le détroit pour affaire de commerce, il avait profilé de l’occasion ; et, comme Hermann, très-mal à propos, lui opposait l’exemple de Marat. Et moi, répliqua-t-il, je soutiens que Marat est passé deux fois en Angleterre. Il se défendit d’avoir cherché à sauver Duport. Il avoua que, ministre, on lui avait confié des fonds[143] ; mais il offrit d’en rendre un compte fidèle, ajoutant qu’ils avaient pour objet d’accélérer le mouvement de la Révolution. Lui, d’intelligence avec la Gironde ? L’animosité que lui portaient Guadet, Brissot, Barbaroux, attestait assez le contraire. Il fit justice des inductions venimeuses tirées contre lui de l’élection du duc d’Orléans, parce qu’il l’avait appuyée. Il donna de ses rapports avec Dumouriez une explication naturelle, sinon décisive. A l’allégation absurde de Saint-Just, que la fameuse pétition du Champ de Mars n’avait été qu’un prétexte, payé par la Cour, pour déployer le drapeau rouge et essayer la tyrannie, il répondit par l’évidente pureté des motifs dont cette pétition portait l’empreinte ; mais, relativement à sa présence à Arcis-sur-Aube pendant le massacre qui suivit, la justification était impossible[144], et il ne put qu’éluder l'accusation. Il ne fit pas face non plus au reproche que Saint-Just lui avait adressé de s’être retiré à Arcis-sur-Aube au moment où l’orage du 10 août se préparait, et de n’être revenu à Paris, pressé qu’il était par les reproches des patriotes, que la veille de cette journée terrible. Il assura qu’à cette époque il avait dit : Le peuple français sera victorieux, ou je serai mort ; il me faut des lauriers ou la mort. Ce n’était point précisément là le point en question. Quant à sa part dans le mouvement, il dit qu'informé par Pétion que l'attaque des royalistes était concertée pour la nuit, mais que tout était arrangé de manière à renvoyer le combat au lendemain, il s’était rendu à la section, y était resté douze heures de suite, ne l’avait quittée qu’en recommandant à ses amis de l’avertir si quelque chose de nouveau arrivait, et y était retourné à neuf heures le lendemain[145].

En parcourant ainsi la série des accusations qui lui étaient personnelles, Danton avait peine à contenir des mouvements de fureur. De sa voix, puissante quoique altérée, il écrasait la sonnette du président. Est-ce que vous ne m’entendez pas ? lui crie Hermann. Danton : La voix d’un homme qui défend sa vie et son honneur doit vaincre le bruit de ta sonnette[146]. Le public murmurait pendant les débats : lui, éclata par celle apostrophe : Peuple, vous me jugerez quand j’aurai tout dit. Ma voix ne doit pas être entendue de vous seulement, mais de toute la France[147]. Et il parlait, en effet, comme s'il eût voulu que la France entière l’entendît, poussant parfois des rugissements tels, qu’ils parvenaient au delà de la Seine, jusque sur le quai de la Ferraille, où chacun de ses mots saillants, transmis de bouche en bouche, semaient l’agitation. Le voyant fatigué, les juges l’invitèrent à suspendre sa défense, pour la reprendre ensuite avec plus de calme[148]. Il se tut.

On interrogea Hérault de Séchelles, accusé d’avoir eu des relations intimes avec Proly et Dubuisson ; d’avoir cherché à faciliter à une femme, soupçonnée d’émigration, la preuve de sa résidence en France ; d’avoir écrit à un prêtre de prendre patience, et que l’ordre ne larderait pas à se rétablir. Il fallait les yeux de la haine pour découvrir là tout autant de crimes. Un seul fait eût été accablant s’il eût été prouvé. Une lettre fut produite qui faisait de Hérault de Séchelles un agent secret de l’ennemi ; mais la teneur même de cette lettre et le style maladroitement perfide du rédacteur indiquaient de reste une de ces fabrications impudentes auxquelles l’étranger, à cette époque, avait si souvent recours pour perdre les uns par les autres les patriotes. Et c’est ce que l’accusé exposa d’un ton ferme et digne[149].

Camille avait récusé un des jurés, Renaudin : le tribunal rejeta cette récusation, comme contraire à la loi, attendu qu’elle n’avait point été formulée par écrit et dans les vingt-quatre heures avant l’ouverture des débats[150]. Quant aux griefs dont on s’armait contre lui, l’accusé protesta de son dévouement à la Révolution ; il rappela comment il avait dénoncé Dumouriez et les traîtres ; il demanda qu’on ne jugeât point le Vieux Cordelier sur des phrases détachées ; il déclara n’avoir fait que suivre l’exemple des meilleurs patriotes en proposant un Comité de clémence ; à l’égard de Dillon, dont on lui reprochait d’avoir été le défenseur, il assura n’avoir réclamé autre chose pour lui qu’un jugement prompt qui le punit, s’il avait été coupable, ou mît au jour son innocence. Hermann lui ayant posé cette question : N’est-il pas vrai que vous vous êtes opposé de toutes vos forces à la saisie des Liens des Anglais ? Que vous avez traité les commissaires de proconsuls et combattu leurs rapports d’une manière indécente, il répondit : Je nie le fait, et j’en demande la preuve à mes accusateurs[151].

Parmi les prévenus, il en était un que poursuivaient depuis longtemps des soupçons cruels, dont l’injure avait rejailli jusque sur Danton. A la veille de mourir de la main du bourreau, le général Miaczinski avait fait, concernant la conduite de Lacroix en Belgique, des déclarations dont le procès-verbal portait : Lacroix dit au général Miaczinski : Ecoutez, vous êtes étranger ; pillez, nous partagerons*[152]. Or, bien que ces déclarations n’eussent été consacrées par aucun vole de l’Assemblée, et que Drouet, l’un des deux commissaires chargés de les recevoir, les eût attribuées à un lâche espoir de conserver la vie, — supposition démentie, au surplus, par la mort intrépide de Miaczinski[153], — l’intégrité de Lacroix était restée problématique. On se rappelait bien que, confronté avec Miaczinski, il avait déployé, selon Drouet[154], l’assurance d’une conscience tranquille ; mais on se rappelait aussi que son accusateur n’avait rien rétracté[155], et que lui-même avait avoué avoir dit au général, en présence de Danton : Vous avez perdu vos effets ? Eh bien, vous êtes en pays ennemi : houzardez, et dédommagez-vous de votre perte[156]. Le passage suivant du manuscrit de Robespierre, publié en 1841, peut donner une idée des rumeurs qui couraient sur le compte de Lacroix : Dans le pays de Lacroix, on ne parle que des serviettes de l'archiduchesse, rapportées de Belgique et démarquées dans le pays[157].

Quoiqu’il en soit, Hermann glissa très-légèrement sur des faits que, pour l’honneur de la Révolution au dehors, il importait, en tout cas, de couvrir d’un voile. Il rappela les déclarations de Miaczinski, mais dans des formes adoucies, et manifestement adoucies avec intention : Miaczinski vous accuse de lui avoir dit : Vous êtes en pays étranger, la Convention ne vous doit aucune fourniture ; c’est au pays étranger à vous ravitailler. — Pouvez-vous donner au tribunal quelques détails sur votre mission en Belgique ?Lacroix a-t-il eu connaissance d’une voiture qui contenait quatre cent mille livres d’effets précieux ?[158] La défense de l’accusé consista à dire que les déclarations de Miaczinski étaient mensongères ; que, logé en Belgique, lui, Lacroix, chez un général assez mal meublé, il avait acheté du linge pour l’usage des représentants du peuple, et l’avait déposé dans une voiture, qu’on avait arrêtée à Béthune ; qu’une autre voiture, contenant de l’argenterie, avait été pillée dans un village, et qu’il en avait été dressé procès-verbal[159]. Ce fut tout. Le président se hâta de passer à la partie politique de l’accusation. Mais ici Lacroix avait à invoquer le témoignage de quelques-uns de ses collègues de la Convention, et il l’invoqua.

On a vu que le plan de défense de Danton et de Lacroix consistait à émouvoir le peuple[160], à donner au procès les proportions d’une grande bataille politique. En conséquence, les accusés déclarèrent qu’ils avaient à dénoncer la dictature du Comité de salut public, et ils demandèrent au tribunal d’écrire à l’Assemblée pour qu’elle reçût leur dénonciation[161]. Accéder à une pareille demande, c’eût été mettre les accusés sur le siège des juges et les juges sur le banc des accusés : le tribunal n’y pouvait consentir sans changer la nature de ses attributions, il refusa ; et l’on a de la peine à concevoir que cela lui ait été imputé à crime, même par les historiens qui n'ont fait que servir d'écho à Fabricius Pâris[162].

Où il y eut iniquité flagrante, ce fut dans le refus d’appeler en témoignage seize membres de la Convention ; dont les accusés avaient fourni la liste.

Le Comité avait bien prévu qu’ils entreraient dans cette voie, et, la veille du jour où ils furent mis en jugement, il avait été enjoint à Fouquier-Tinville de résister[163]. Il est certain qu’en admettant la requête présentée on ouvrait une arène à la guerre civile. Mais à qui la faute ? L’admission des témoins indiqués était de droit rigoureux ; et qui superpose la raison d'Etat à la justice est sur la pente de tous les crimes. Celte pente, Fouquier-Tinville la descendit effrontément, lorsque, organe servile d’une pensée qu’il prétendit plus tard n’avoir pas été la sienne[164], il opposa aux réclamations, passionnées mais légitimes, des accusés, cette fin de non-recevoir pitoyable : L’accusation portée contre vous émanant de la Convention en masse, aucun de ses membres ne peut vous servir de témoin justificatif[165].

Toutefois, comme Lacroix insistait et protestait ; Eh bien, dit l’accusateur public, je vais écrire à la Convention ; et son vœu sera exactement suivi[166].

Vint ensuite l’interrogatoire de Philippeaux et celui de Westermann, qui ne présentent de remarquable que cette belle réponse de Philippeaux à Fouquier-Tinville, lui criant : Il ne manque à ce que vous dites que les actions : Il vous est permis de me faire périr ; mais, m'outrager, je vous le défends[167].

Ceci se passait le 14 germinal. Dans la soirée. Fouquier court au Comité. Il aurait voulu, quant à lui, qu’on fit droit à une requête qu'on ne pouvait repousser que par une violation manifeste de tous les principes. Billaud-Varenne et Saint-Just montrèrent un front menaçant. Il se retira[168].

Le lendemain, avant l’audience, Hermann et Fouquier, entrant dans la chambre des jurés, leur font part delà réponse du Comité[169]. L’audience s’ouvre. Danton, soutenu par ses co-accusés, renouvelle avec force sa demande de la veille. Il était très-animé ; et ses formes robustes, sa puissante laideur, le désordre même de son éloquence emportée, ajoutaient à l’effet de ses protestations. Il se déchaîna contre Robespierre et Couthon, contre Saint-Just et Billaud, contre Amar et Voulland, contre Vadier surtout[170]. Du refus d’entendre les témoins, il menaçait d’appeler au peuple entier, que sa forte voix faisait tressaillir. L’entassement de la foule étant tel que beaucoup ne pouvaient rien voir, Thirion était monté sur une chaise ; Danton l’aperçoit et lui crie avec passion : Allez à l'Assemblée ; allez demander que nos témoins soient entendus[171]. Il n’est pas vrai que les accusés, ce jour-là, insultèrent le tribunal, ni qu’ils lancèrent aux juges des boulettes de pain[172] ; et même, Danton dit à Hermann : Président, je te respecte ; tu as l’âme honnête[173]. Ce qui est vrai, c’est que l’émotion des accusés s’était communiquée au peuple ; c’est qu’il frémissait comme les feuilles d’une forêt au souffle d’un vent d’orage ; c’est que les juges étaient troublés, et que, selon l’expression d’Hermann, il y avait dans la salle de grands mouvements[174].

Les murmures du peuple inquiétant le tribunal, Fouquier-Tinville écrivit sur-le-champ aux Comités la lettre suivante, dont il donna lecture aux accusés et à l’audience[175] :

Citoyens représentants, un orage horrible gronde depuis que la séance est commencée ; les accusés, en forcenés, réclament l’audition des témoins à décharge, des citoyens députés Simond, Courtois, Laignelot, Fréron, Panis, Lindet, Calon, Merlin (de Douai), Gossuin, Legendre, Robert Lindet, Robin, Goupilleau (de Montaigu), Lecointre (de Versailles), Drivai et Merlin (de Thionville). Ils en appellent au peuple entier du refus qu’ils prétendent éprouver ; malgré la fermeté du président et du tribunal, leurs réclamations multipliées troublent la séance, et ils annoncent hautement qu’ils ne se tairont pas que leurs témoins ne soient entendus, sans un décret. Nous vous invitons à nous tracer définitivement notre règle de conduite, l’ordre judiciaire ne nous fournissant aucun moyen de motiver ce refus[176].

Cette lettre, qu’Hermann et Fouquier-Tinville signèrent[177], constatait un fait vrai, savoir, les réclamations véhémentes des accusés ; elle ne parlait ni d’insultes adressées aux magistrats ni de révolte ; loin de tendre à dépouiller les prévenus de leurs moyens de défense, elle semblait viser au but contraire, en informant la Convention des dangers d’un refus qu’elle signalait la difficulté de motiver judiciairement[178]. Aussi ne provoqua-t-elle aucun murmure de la part de ceux qu’elle concernait, quand elle leur fut communiquée[179]. Restait à savoir quel usage en ferait le Comité de salut public.

Or, pendant ce temps, une agitation inaccoutumée régnait dans les prisons. À Saint-Lazare, où l’on avait confondu pêle-mêle Millin-Grandmaison, Gilibert, Lapai ue, Grammont père et fils, d’Estaing, des hommes de tous les partis, le bruit s’était répandu, dès le 14 germinal, que la Convention était divisée ; que le Tribunal révolutionnaire avait été forcé de suspendre les débats ; qu’une insurrection populaire se préparait ; qu’elle devait éclater cette nuit-là même ; que les détenus pouvaient s’attendre à être délivrés. Et ce bruit s’accrédita tellement dans le corridor numéro 3 de la maison, que plus de trente détenus y restèrent toute la nuit sur pied, prêts à profiter de l’occasion[180]. Lebois, un d'eux, disait que les femmes, dans Paris, empêcheraient bien les accusés d’être guillotinés[181].

Au Luxembourg, où l’on formait des vœux ardents pour Camille Desmoulins[182], on apprit ce qui se passait par Dillon, ami de Camille, et qui recevait deux fois par jour des nouvelles du tribunal[183]. Jusque-là, rien de mieux ; mais, malheureusement, la prudence, chez Dillon, n’était pas la qualité dominante, et il commit une imprudence fatale. Dans la prison se trouvait un certain Laflotte, ancien ministre de la République à Florence, homme d’un caractère peu sûr, — la suite ne le prouvera que trop ! — Le soir du 14, Dillon se rend auprès de lui, et, après lui avoir parlé de l’impression produite sur le peuple par l’attitude des accusés, il lui dit que les prisonniers sont menacés d’un égorgement ; qu’il faut résister à l’oppression, se réunir ; qu'il a formé un projet, lui Dillon, pour l’exécution duquel il s’entend avec Simond, homme à la tête froide et an cœur chaud ; qu’il le lui amènera, ainsi que Thouret, autre détenu, et qu’ils lui confieront leurs vues. Puis, en présence de Laflotte, qui a feint l’assentiment, Dillon donne à un porte-clefs nommé Lambert une lettre dont il coupe la signature, sans cacher que cette lettre était à l’adresse de madame Desmoulins, et mettait à sa disposition mille écus, pour envoyer du monde autour du Tribunal révolutionnaire. A huit heures et demie, Dillon, accompagné de Simond, reparaît chez Laflotte, qui ouvre l’oreille à des confidences qu’il se réservait bassement de trahir. Et en effet, le lendemain, 15 germinal, l’administrateur de police Wichterich, sur une lettre du concierge du Luxembourg, allait recevoir, de la bouche de Laflotte, la déclaration des faits qui précèdent[184].

Aussitôt Saint-Just et Billaud-Varenne courent à la Convention. Elle venait de chasser ignominieusement de la barre deux pétitionnaires qui avaient osé lui proposer de mettre la mort à l’ordre du jour. Saint-Just paraît et s’exprime ainsi : L’accusateur public du Tribunal révolutionnaire a mandé que la révolte des coupables avait fait suspendre les débats de la justice... Mensonge indigne ! Dans la lettre d’Hermann et de Fouquier, il n’était nullement question de révolte. Celte lettre, pourquoi ne pas la lire ? Au moins aurait-il fallu faire savoir à la Convention ce que les accusés réclamaient ! Mais non : de l’objet de leurs réclamations et de la liste des députés qu’ils voulaient qu’on entendit comme témoins, pas un mot. Jamais omission ne fut plus criminelle ; jamais réticence ne ressembla davantage à un assassinat. Il y a là une souillure qui, éternellement, suivra le nom de Saint-Just. Vous avez échappé, continua-t-il, au danger le plus grand qui jamais ait menacé la liberté... La révolte des criminels, aux pieds de la justice même, explique le secret de leur conscience... Quel innocent s’est jamais révolté contre la loi ?[185]

Et au nom des deux Comités, il proposa le décret suivant :

La Convention décrète que le Tribunal révolutionnaire continuera l’instruction relative à la conjuration de. Lacroix, Danton, Chabot et autres ; que le président emploiera tous les moyens que la loi lui donne pour faire respecter son autorité et celle du Tribunal révolutionnaire, et pour réprimer toute tentative de la part des accusés pour troubler la tranquillité publique et entraver la marche de la justice.

Décrète que tout prévenu de conspiration qui résistera ou insultera à la justice nationale sera mis hors des débats sur-le-champ[186].

On a dit et répété que Saint-Just fit rendre par la Convention un décret qui mettait Danton et ses amis hors des débats : c’est une erreur manifeste. Le décret du 15 germinal enjoint, au contraire, de continuer l’instruction, c’est-à-dire l’audition des témoins et tout ce qui appartient à la procédure. La mise hors des débats n’est, décrétée que pour le cas où la rébellion des accusés nécessiterait le recours à cette mesure extrême[187]. Mais l’odieux était dans la constatation fausse qui provoqua le décret du 15 germinal, et dans le silence artificieux gardé sur une demande que la Convention eût admise peut-être, si on la lui avait loyalement exposée.

Pour mieux entraîner l’Assemblée, Billaud-Varenne ne manqua pas de lui lire le rapport de Wichterich, rapport prouvant, dit-il, quelle intimité règne entre les conspirateurs traduits au tribunal, et ceux des prisons[188]. Ainsi fut emporté le vote.

En ce moment, la femme de Philippeaux sollicitait la permission de se présenter à la barre. Billaud fut d’avis qu’on l’admît sur-le-champ et que, pour toute réponse, on lui lût la lettre de Garnier (de Saintes), afin qu’elle apprît qu’elle sollicitait en faveur d’un conspirateur. Heureusement, écrit Daubigny, — tout ennemi de Robespierre qu’il se montrait quand il traça ces lignes, — heureusement, Robespierre, plus humain cette fois que Billaud- Varenne, s’y opposa ; et vous n’eûtes point à rougir de voir sous vos yeux insulter à la douleur d’une femme qui venait vous implorer[189]. Amar était au Comité des procès-verbaux quand on vint y expédier le décret : il se charge de le porter au tribunal[190]. De son côté, Voulland portail la déclaration de Laflotte. Fabricius Pâris, ennemi mortel de Fouquier-Tinville[191], et dont il est juste par conséquent de n’admettre le témoignage qu’avec réserve, raconte qu’il vit arriver les deux messagers le visage pâle, et pleins de la crainte sinistre que les victimes n’échappassent au bourreau. Il peint Voulland remettant à Fouquier le papier fatal, avec ces mots : Nous les tenons enfin, les scélérats ; ils conspiraient au Luxembourg... Voilà de quoi vous mettre à votre aise ; et Fouquier répondant, le sourire sur les lèvres : Ma foi, nous en avions besoin[192].

Cependant lecture est donnée du décret de la Convention et de la dénonciation de ballotte. En entendant prononcer le nom de sa femme, Camille pousse un cri déchirant : Les scélérats ! non contents de m’assassiner, ils veulent assassiner ma femme ![193]

Danton se lève, transporté de colère. Il somme les juges, les jurés, le peuple, de déclarer si le fait de révolte, motif du décret, est vrai[194]. Apercevant derrière les gradins et Fouquier, certains membres du Comité de sûreté générale, accourus à ce triste spectacle : Voyez, s’écrie-t-il, ces lâches assassins, ils nous suivront jusqu’à la mort[195]. Le peuple est ému, il s’agite. Hermann, effrayé, lève la séance[196]. Le 16 germinal était le quatrième jour du procès ; et la loi prescrivait au président, lorsqu’une affaire avait duré plus de trois jours, de poser aux jurés cette question : Êtes-vous suffisamment éclairés ? Comment, dans cette circonstance, auraient-ils pu l’être ? Danton avait parlé longuement, il est vrai, et la parole lui avait été plusieurs fois accordée[197]. Mais l’interrogatoire de Hérault de Séchelles, celui de Camille, celui de Philippeaux, celui de Westermann, celui de Chabot, quelles lumières si grandes avaient-ils donc fournies, qu’un plus ample examen devînt superflu ? Et les pièces, qu’on n’avait pas produites ! et les témoins, qu’on n’avait pas appelés ! et les avocats, qu’on n’avait pas entendus ! Aussi, ce ne fut qu’un cri parmi les accusés, cri d’étonnement, de douleur et de fureur. Vadier était assis, en ce moment, auprès d’une petite table, dans l'imprimerie de Nicolas, dont la fenêtre donnait directement sur la première de celles de la salle d’audience[198], et il put voir en effet ce que, ce jour-là même, il alla raconter à la Convention, savoir, que les accusés avaient jeté aux juges des boulettes de pain[199]. La vérité est que c’est alors qu’eurent lieu, de la part des accusés, furieux, les démonstrations insultantes dont on a faussement reporté la date à l’audience précédente, pour faire croire qu’elles avaient motivé le décret du 15. Camille Desmoulins était tellement hors de lui, que, déchirant son projet de défense, il en lança les morceaux à la tête de Fouquier-Tinville[200]. Il appelait les juges des bourreaux ; et, de leur côté, Danton et Lacroix exhalaient leur indignation en paroles brûlantes : Jugés sans être entendus !... Point de délibération !... Nous avons assez vécu pour nous endormir dans le sein de la gloire ![201]... On fit sortir les accusés, et les jurés entrèrent dans leur chambre pour délibérer.

Quelques écrivains, sur la foi de Fabricius Pâris et sans discuter son témoignage, ont affirmé que Hermann et Fouquier-Tinville se rendirent auprès des jurés, et, pour mieux les influencer, leur montrèrent une lettre venue de l’étranger, disaient-ils, et adressée à Danton[202]. Il eût été juste de ne point taire que ce fait, comme plusieurs autres venant de la même source, fut d’une manière formelle démenti par Hermann, et verbalement, et dans une protestation écrite[203] ; que, de plus, Paris, témoin suspect, parlait ici par ouï-dire, prétendant tenir la chose de Topino-Lebrun, un des jurés, assertion dont on ne put vérifier l’exactitude, parce qu’alors Topino Lebrun était en fuite[204]. Ce qui est mieux établi et ressort d’ailleurs de la situation même, c’est que les jurés, sauf quelques fanatiques, se déterminèrent par des considérations purement politiques et sacrifièrent la justice au culte de cette affreuse déesse : la raison d’Etat ! Ils voyaient une guerre à mort engagée. Nul espoir de réconciliation désormais. Ils eurent la vision de Robespierre étendu mort aux pieds de Danton resté debout. Ils se crurent condamnés à choisir[205] !...

Quand ils reparurent, le trouble de leur cœur dut se lire sur leur visage. Fabricius Pâris trouva à plusieurs d’entre eux l’air de forcenés[206]. À leur tête s’avançait Trinchard, qui, en passant devant Paris, lui dit, avec un geste furieux : Les scélérats vont périr ![207] L’arrêt fatal était porté. Un seul, parmi les prévenus, avait été jugé digne de vivre ; c’était Luillier ; et celui-là, dans Ja prison où il fut ensuite transféré, s’ouvrit les quatre veines[208].

La loi voulait que le jugement fût prononcé en présence des accusés ; mais, comme on craignait les mouvements qui avaient déjà éclaté dans l’audience, la loi à cet égard fut violée[209]. Ils avaient été reconduits à la Conciergerie : c’est là qu’on envoya le greffier leur lire le jugement. A l'endroit où était cité l’article de la loi qu’on leur appliquait, ils interrompirent la lecture, ne voulant point en entendre davantage, et s’écriant qu’il leur importait peu avec quelle arme on les assassinait[210].

Camille Desmoulins ne put retenir ses larmes. Ma femme ! mon enfant ! répétait-il sans cesse[211].

Les condamnés furent exécutés le 16 germinal (5 avril). Ils affrontèrent la mort : Hérault de Séchelles, avec le sang-froid d’un philosophe ; Westermann, avec l’intrépidité d’un soldat ; Philippeaux et Bazire, avec le calme d’une conscience droite.

Sénar rapporte, et quelques historiens ont répété d’après lui, que, quelques instants avant de partir pour l’échafaud, Danton s’écria : Qu’importe si je meurs ? J’ai bien joui dans la Révolution ; j’ai bien dépensé, bien ribotté, bien caressé les filles : allons dormir[212]. Mais, outre que Sénar ne mérite en général aucune créance, et ne donne ici aucune indication de nature à confirmer son témoignage, les ignobles paroles qu’il prétend citer sont en complet désaccord avec l’élévation imposante, quoique un peu théâtrale, que, selon tous les récits, Danton déploya dans ses derniers moments. On ne saurait non plus regarder que comme une boutade calomnieuse de la haine ces mots de Mercier : Le sauvage Danton, dont tous les décrets sentaient le vin, mourut ivre[213]. Danton était cynique, sans doute ; mais il avait l'instinct de la grandeur, et cet instinct, chez des hommes de sa trempe, ne se développe jamais mieux qu’en présence de la mort.

Quant à Camille Desmoulins, l’excès de l’indignation lui avait ôté l’empire de lui-même. Durant le trajet de la prison à la guillotine, il mit à ce point ses habits en lambeaux, qu’il arriva presque nu devant l’exécuteur[214]. A cette abjecte portion de la foule qui a des acclamations pour tous les triomphes et des huées pour toutes les chutes, il criait : Peuple, on te trompe ! on te trompe ! on immole tes meilleurs défenseurs. Mais Danton : Reste donc tranquille, et laisse là cette vile canaille[215].

Le funèbre cortège avait à passer rue Saint-Honoré, devant la maison de Duplay. Robespierre ayant fait fermer la porte cochère, les fenêtres et les volets, celle maison ressemblait à un tombeau. Un gémissement s’en échappa, au moment où passait Camille[216] !...

Qui ne connaît le reste ? Qui ne sait qu’au moment de l’exécution, Hérault de Séchelles s’approchant de Danton pour l’embrasser, et un des exécuteurs paraissant vouloir s’y opposer, Danton lui dit : Est-ce qu’on t’a ordonné d’être plus cruel que la mort ? Va, tu n’empêcheras pas nos têtes de s’embrasser au fond du panier ?[217] Au souvenir de sa jeune femme, alors enceinte, il s’attendrit : Ô ma bien-aimée, je ne le verrai donc plus ! Mais, rappelant aussitôt sa fermeté et se tournant vers le bourreau : Tu montreras ma tête au peuple : elle en vaut la peine[218]. Camille mourut tenant dans sa main des cheveux de Lucile[219].

Le soir, comme Fleuriot Lescot, accompagné de Lumière, un des jurés, longeait le port Saint-Nicolas, plusieurs patriotes connus de la section du Museum coururent à lui, se répandant en exclamations de surprise et de douleur. Fleuriot Lescot leur dit : Vos réflexions seraient justes, appliquées à tout autre tribunal que le Tribunal révolutionnaire, qui est moins un tribunal de justice que de politique... Il allait continuer, les autres l’arrêtèrent : N’en dites pas davantage... nous comprenons... Adieu ![220]... Mais entre la justice et la politique, quand celle-ci diffère de la justice, il y a cette différence que la première est un bouclier à l’usage de tous, et la seconde une épée dont nul n’est sur de pouvoir toujours à son gré diriger la pointe. Ah ! elle est d’une beauté poignante, — et combien vraie ! — cette expression de M. Michelet, parlant du cimetière de Monceaux : Danton en ouvrit les fosses, et y attendit Robespierre ![221]

 

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Dans le récit qui précède, nous croyons n'avoir ni rien dit qui ne fût profitable à la vérité, ni rien omis de ce que la justice défendait de taire. Nous avons apporté d’autant plus de scrupule à produire et à peser les témoignages divers ou contradictoires, que nous avons cru remarquer, de la part de nos prédécesseurs, une tendance à reléguer dans l’ombre certains documents de nature soit à combattre, soit à affaiblir l’autorité de ceux qui servaient le mieux leurs prédilections respectives.

Et d’abord, comment les choses sont-elles présentées dans l’Histoire parlementaire ? Les auteurs, Robespierristes quand même, ne font pas de doute (t. XXXII, p. 103 et suiv.) que le rapport de Saint-Just ne fût rigoureusement vrai au fond, quoique basé sur des convictions morales plutôt que sur des preuves matérielles. Et ils concluent de certaines révélations venues depuis, que le Comité de salut public, borné, sur bien des points, à des soupçons, à des conjectures, à des probabilités, à des apparences, n’en eut pas moins raison de tuer les Dantonistes. Voilà, il faut en convenir, un étrange système de justice ! Et à quoi se rapportent les révélations ultérieures dont il s’agit. A la vénalité de Danton ? Mais, si Danton eut la faiblesse de toucher l’argent de la Cour, ce fut à l’origine des événements révolutionnaires, et il faudrait prouver au moins que, comme conséquence, il combattit la Révolution, au lieu de la servir. Les auteurs de l’Histoire parlementaire donnent comme une preuve certaine de trahison les intelligences de Danton avec Dumouriez ; mais, si ces intelligences furent, en effet, de nature à éveiller des soupçons, il n'est nullement démontré qu'elles aient été criminelles ; et il faut remarquer que, jusqu'au moment où la défection de Dumouriez fut connue, on était si peu disposé à voir un traître dans le héros de l’Argonne, dans le vainqueur de Valmy et de Jemmapes, que Billaud-Varenne lui-même y fut trompé. Quant aux liaisons de Danton avec les Girondins, telles qu’elles ressortent des Mémoires de Garat, invoqués par les auteurs de l’Histoire parlementaire, il est singulier qu'ils s’arment contre Danton du livre le plus propre à le faire aimer ! En ce qui touche le procès, ils se bornent à copier le Bulletin du Tribunal révolutionnaire, en faisant suivre cette reproduction de quelques remarques très-partiales, où ils supposent arbitrairement que Danton comptait sur une conspiration tramée au Luxembourg, et où ils opposent ce qu’ils nomment ses grossièretés à la dignité déployée par le président du tribunal, ainsi qu'à la justesse et à la convenance de ses interpellations. Mais le monstrueux amalgame des causes ; l’injuste refus fait par Hermann à Fabre d’Églantine de lui communiquer les originaux nécessaires à sa défense ; le refus non moins injuste fait aux accusés d’appeler certains de leurs collègues en témoignage ; le mensonge par omission et par affirmation au moyen duquel Saint-Just obtint de la Convention le décret du 15 germinal : la violation de la loi résultant de l’absence des accusés lors du prononcé de l’arrêt, violation avouée par Hermann lui-même... rien de tout cela ne trouve place dans les commentaires des auteurs de lHistoire parlementaire, qui, pour comble, représentent le peuple comme absolument hostile aux accusés, sans tenir compte des témoignages contraires, et même sans les mentionner.

Non moins frappantes les erreurs en sens inverse.

Il fallait assurément le fanatisme farouche de Saint-Just et de Billaud-Varenne pour classer, sur de simples conjectures, un Danton, un Camille Desmoulins, dans la catégorie des royalistes et des traîtres. Mais prétendre que Danton et Camille ne furent frappés que parce qu’ils s'étaient faits les apôtres de l’humanité, c’est vraiment trop se hâter de mettre la Révolution au ban de l’humanité et donner trop beau jeu aux contre-révolutionnaires. La vérité est que le mouvement Dantoniste, tel qu’il se révèle dans les derniers écrits de Camille Desmoulins, revus et corrigés par Danton (voyez le manuscrit de Robespierre, publié par M. Louis Dubois, p. 25), fournissait aux royalistes des armes terribles ; et leurs manifestations à l'apparition de ces écrits ne l’attestèrent que trop. Recommander la clémence, quand la victoire est remportée, rien de mieux ; mais, tant que la bataille dure, quel système est préférable à celui de la justice ? La Révolution, attaquée avec une multiplicité de ressources et une rage qui n’eurent jamais d’exemple, n'avait-elle donc rien de mieux à faire qu’à se désarmer en présence de ses innombrables ennemis ? Et dans quel espoir ? Qu’on lui ferait grâce, au premier changement île roue ? Ah ! il fut inauguré, le lendemain du 9 thermidor, ce système de la clémence au profit des contre- révolutionnaires, et le résultat fut la Terreur blanche ! Modération et vigilance, équité et fermeté, voilà ce que les circonstances exigeaient, rien de moins, mais rien de plus. Or, si l'on juge le Vieux Cordelier, non point par telle ou telle phrase, mais par l'impression générale qui résulte de l’ensemble, et en ayant soin de se reporter aux circonstances, comment nier la portée funeste de pages où le régime révolutionnaire était comparé aux règnes des plus exécrables tyrans ? Car, il est juste de ne pas l’oublier, le Vieux Cordelier, à partir du numéro 5, fut plus qu’un appel à la douceur, ce fut une satire sanglante de la Révolution, et la plus sanglante des satires. Il était donc parfaitement légitime et même nécessaire de combattre le mouvement dantoniste ; l’horreur fut de le combattre au moyen de la violence, d'accusations dénuées de preuves ou évidemment fausses, et du bourreau !

Maintenant, quel fut, dans ce drame lamentable, le vrai rôle de Robespierre ? Nous croyons l’avoir décrit avec une rigoureuse vérité.

Robespierre commence à s’unir à Danton et à Camille pour empêcher la Révolution de mourir de ses propres excès, et les deux premiers numéros du Vieux Cordelier lui sont montrés. Mais bientôt il s’aperçoit que l'idée qu’il se proposait de poursuivre en commun avec Danton et Camille n’est pas la sienne. Il ne voulait que fuir un extrême, et eux courent évidemment vers l'extrême opposé. Il sent que la modération va se perdre dans la faiblesse. Le troisième numéro du Vieux Cordelier venant à paraître, il mesure d’un œil inquiet l'intervalle qui sépare ce numéro des deux premiers ; il entend les cris de triomphe des royalistes ; et le soupçon commence à hanter son esprit déliant. Ce n'est pas toutefois Camille qui fixe ses appréhensions. Il le sait impressionnable, léger, prompt à subir l’influence d'une nature plus forte. Il le défend donc aux Jacobins, comme il a déjà défendu Danton, et cela de la manière la plus propre à le sauver, c’est-à-dire en le présentant tel qu'il est, avec ses qualités et ses défauts : qualités de républicain sincère, d'homme de cœur, d’homme de talent ; défauts d’homme faible. Et pour mieux ôter tout prétexte d’accusation, il demande qu’on brûle les numéros qui ont irrité et déconcerté les patriotes, ne faisant en cela, du reste, que proposer ce que Camille lui-même avait offert. — Voyez le numéro 5 du Vieux Cordelier, p. 90 : Je suis prêt à brûler mon numéro 5. — Mais, en échange d'un appui dont les formes l’ont offensé, Camille lance à son protecteur l'un des traits les plus aigus de son carquois. N’importe ! Quelques jours se sont à peine écoulés, que Robespierre vient encore au secours de Camille, et obtient que l’arrêté qui prononçait son exclusion du club des Jacobins soit rapporté. Que fait Danton pendant ce temps ? Sa conduite a toutes les apparences du mystère. Personnellement, il semble tenir à s’écarter de la scène politique, mais ses amis la remplissent et s’y agitent en son nom. Rien de plus incertain que le jour qui éclaire sa marche. Tantôt il se présente humblement comme le second de Robespierre ; tantôt il prête à l'opposition systématique de Bourdon (de l’Oise) un concours dont les formes réservées ne servent qu’à rendre le résultat plus efficace. Tandis que Camille Desmoulins, dans le Vieux Cordelier, fait une guerre à mort aux Hébertistes, lui, leur ennemi bien connu, il leur tend un beau jour la main du haut de la tribune ; et si Ronsin, si Vincent sont mis en liberté, c’est à Danton, chose étrange, qu’ils le doivent ! Tout cela, Robespierre l’observe, et il en prend alarme. Alors, — le manuscrit cité plus haut nous permet de suivre la trace de ses pensées, — il se rappelle la sympathie prolongée de Danton pour Mirabeau, ses relations avec le duc d’Orléans, les liens équivoques qui l’unirent à Dumouriez, le penchant à peine voilé qui l’entraînait vers les Girondins ; il remarque que l’entourage de Danton est un entourage singulièrement mêlé, où figurent des hommes qu’il réputé très-dangereux, comme Fabre d’Églantine, et d’autres qu’il méprise, comme Lacroix, les croyant souillés de rapines ; il repasse dans sa mémoire les traits par où s'est révélée, en sa présence même, de la part de Danton, une certaine manière cynique d’apprécier et d’exprimer les choses que lui, Robespierre, ne peut comprendre et réprouve ; enfin, il regarde autour de lui, et il voit Danton devenu l’idole de tous les ennemis du Comité de salut public et le véritable centre d’une opposition qui tend à diviser, à énerver l’action révolutionnaire, dans un moment où il faut à la Révolution toute son énergie et toute l’unité de ses forces pour se défendre.

Cependant, et quelque soupçonneuse que soit sa nature, Robespierre est si peu préparé à l’idée de frapper Danton, que cette idée, lorsque Billaud l’émet pour la première fois, le fait tressaillir, que dis-je ? le jette en fureur. (Voyez la déclaration de Billaud-Varenne, dans la séance du 9 thermidor.) Car enfin, la ruine de Danton, c’est celle de Camille ! Mais Saint-Just, l’implacable Saint-Just, est là, disant que l’amour de la patrie a quelque chose de terrible ; qu’il immole tout sans pitié, etc. Quel parti prendra Robespierre, pressé, aiguillonné, fasciné par cet homme d'acier qui, selon le mot de Levasseur, ne céda jamais ? S’exposer à perdre dans Saint-Just, dont, aussi bien, le dévouement révolutionnaire lui est connu, un admirateur passionné, un allié fanatique, un ami sûr, ou bien abandonner Danton, qu'il n’estime pas, qu’il redoute, et dont la foi révolutionnaire lui est devenue tout au moins suspecte, telle est désormais pour Robespierre l'alternative. Puis, ô comble de fatalité ! voilà que certains amis de Danton, avertis du sort qui le menace, s'étudient à écarter le péril par des moyens qui ne peuvent que l’aggraver ; ils adjurent Robespierre de prendre garde que les dangers de Danton sont les siens ; que Danton lui est un rempart ; que, ce rempart une fois renversé, nul dans la Révolution ne restera protégé contre les traits de l’ennemi. Et eux-mêmes, en tenant ce langage, ils ne songent pas qu’ils fournissent à Robespierre le sophisme dont il a besoin pour se tromper, le sophisme qui, à ses yeux, couvrira d’un faux vernis de patriotisme et de courage ce qui ne saurait être qu'un acte injuste et barbare. Il fallait bien peu savoir ce qu’il y avait d’orgueil mêlé à la vertu de Robespierre, et bien peu connaître la nature humaine, pour ne pas comprendre que ses scrupules s’évanouiraient, le jour où on l’aurait mis en état de dire aux autres, et surtout de se dire à lui-même : On me prévient qu’en défendant la vie de Danton je défends ma propre vie. Eh bien, je montrerai qu’un pareil motif n’est pas de ceux qui parlent à mon âme. Je montrerai que mon cœur est exempt de crainte. Ma vie ! elle appartient à mon pays. (Voyez son discours, dans la séance du 11 germinal.) Et, suivant l’expression significative de Billaud-Varenne, il consentit à abandonner Danton. Inutile, après cela, de demander pourquoi il livra à Saint-Just les notes dont celui-ci fil usage dans son rapport, en leur donnant l’accent de ses propres fureurs : abandonner Danton, c’était se condamner soi-même, s'il n’était pas trouvé coupable. L’iniquité a sa logique : malheur à qui l’affronte !

Telle est la part que, dans la mort de Danton, les faits assignent à Robespierre, et.ces faits, nous devons le reconnaître, ne permettent d’accepter que sous toutes réserves ce curieux passage des Mémoires de Charlotte Robespierre :

Un des plus forts griefs que l’on met en avant contre mon frère fut d’avoir sacrifié Danton. Je ne sais pas si cette accusation est fondée ; mais tout ce que je sais, c'est que mon frère aimait beaucoup Camille Desmoulins, avec qui il avait fait ses études, et que lorsqu’il apprit son arrestation et son incarcération au Luxembourg, il se rendit dans cette prison avec l’intention de supplier Camille dé revenir aux véritables principes révolutionnaires qu’il avait abandonnés pour faire alliance avec les aristocrates. Camille ne voulut point le voir, et mon frère, qui probablement aurait pris sa défense et l’aurait peut- être sauvé, s’il avait pu le déterminer à abjurer ses hérésies politiques, l’abandonna à la terrible justice du tribunal révolutionnaire. Or Danton et Camille étaient trop intimement liés pour qu’il en sauvât un sans sauver l’autre ; si donc Camille ne l’avait point repoussé au moment où il lui tendait les bras, Camille et d’autres n’eussent point péri. (Mémoires de Charlotte Robespierre sur ses deux frères.)

Mais voyons maintenant comment son rôle a été décrit par les historiens Dantonistes quand même.

Nous avons eu déjà occasion de signaler le système qui consiste à rendre Robespierre responsable des actes d'autrui, par voie de supposition, et sans ombre de preuve à l’appui. Ce système, on le rencontre ici à chaque pas. S’agit-il, par exemple, de la dénonciation lancée contre Camille Desmoulins, par Nicolas, dans la séance du 1er nivôse (21 décembre 1793) ? M. Michelet (livre XV, chap. II, au sommaire) écrit : Robespierre fait attaquer Desmoulins et Philippeaux. Or, en premier lieu, la sortie de Nicolas ne concernait en rien Philippeaux, qui, dans la séance en question, fut dénoncé, non par Nicolas, mais par Hébert, ennemi de Robespierre. (Voir le compte rendu de la séance des Jacobins, du 1er nivôse, Histoire parlementaire, t. XXX, p. 458 et 459.) Et, d'un autre côté, où est la preuve que ce fut Robespierre qui fit attaquer Camille par Nicolas ? L’unique raison qui porte M. Michelet à l’affirmer, c’est que ce Nicolas était un grand admirateur du patriotisme de Robespierre, jusque-là, qu'on le citait pour avoir accompagné souvent ce dernier, de peur qu’on n’attentât â sa vie ! Mais quoi ! la supposition de M. Michelet avait été réfutée d’avance d’une manière décisive... par qui ? Par Camille Desmoulins lui-même qui, dans le n° V du Vieux Cordelier, oppose en ces termes Robespierre à Nicolas : Vous, Nicolas, qui avez aux Jacobins l’influence d’un compagnon, d’un ami de Robespierre... comment avez-vous cru les propos qu'on tient en certains bureaux, plutôt que les discours de Robespierre, qui m’a suivi depuis l’enfance, et qui, quelques jours auparavant, m’avait rendu ce témoignage que j’oppose à la calomnie : Qu'il ne connaissait pas un meilleur républicain que moi ; que je l'étais par instinct, par sentiment plutôt que par choix, et qu'il m'était même impossible d'être autre chose. Citez-moi quelqu’un dont on ait fait un plus bel éloge ? Cet éloge, Robespierre l’avait prononcé le 25 frimaire (15 décembre), huit jours seulement avant l’attaque de Nicolas, et, le 18 nivôse (7 janvier), quinze jours après, il prenait de nouveau la défense de Camille aux Jacobins, et demandait, à propos du numéro III du Vieux Cordelier qui avait si fort indigné les patriotes, qu’on distinguât la personne de Camille de ses écrits. En présence de ces faits, que devient la supposition hasardée par M. Michelet ?

Autre exemple : M. Michelet, après avoir attribué à ce qu’il appelle la peur du rire l'aversion de Robespierre pour le grand comique, Fabre d’Églantine, dit expressément que le faux imputé à ce dernier ne fut qu’un prétexte mis en avant pour l’arrêter, et il insinue que la vraie cause fut la crainte que Robespierre avait d’une comédie en cinq actes, dont M. Michelet parait croire que Robespierre était le héros. Or, sur quoi tout ceci est-il basé ? Je cite les propres paroles de M. Michelet (liv. XV, chap. III, p. 54) : On nous apprend que Fabre en prison, malade, et tout près d’aller à la mort, n’était occupé, ne parlait que d'une grande comédie en cinq actes, qu'on lui avait prise en l'arrêtant. (Mémoires sur les prisons, I, 69). Il est regrettable que M. Michelet n’ait pas cru devoir reproduire textuellement le passage auquel il renvoie. Le voici : Fabre d'Églantine, malade et faible, n’était occupé que d'une comédie en cinq actes, qu'il disait avoir laissée entre les mains du Comité de salut public, et de la crainte que Billaud-Varenne ne la lui volât. Donc, selon Fabre d’Eglantine lui- même, la personne qui pouvait être intéressée en cette affaire de la comédie était... non pas Robespierre, mais Billaud-Varenne. Et tout ce que prouve le passage auquel M. Michelet se réfère sans le citer complètement, c’est que Fabre, en véritable auteur qu’il était, tremblait que sa comédie ne lui fût volée par Billaud-Varenne, qui lui aussi s’était occupé de théâtre. Ici encore, en présence du fait, que devient la supposition ?

Pour prouver sans doute la dureté de Robespierre, M. Michelet raconte (liv. XVII, chap. VII, p. 217), que la femme de Philippeaux étant à la barre en larmes, Robespierre dit : Point de privilège ! et la fit repousser au nom de l’égalité. Mais il oublie de mentionner la proposition que Robespierre en cela eut pour but de faire tomber, proposition cruelle, lancée par Billaud-Varenne et conçue en ces termes : Pour achever de démasquer les auteurs de cette nouvelle intrigue, je demande que la femme de Philippeaux soit admise à la barre ; vous acquerrez une nouvelle preuve combien cet homme est coupable. Sur quoi, Robespierre se hâta de dire : Je m’oppose à cette proposition ; on n'a pas besoin de confondre la femme de Philippeaux avec lui-même, il est devant la justice, attendons son jugement. J’observe que la Convention ne doit pas s’écarter des règles de l’égalité, etc. (Voyez la séance du 15 germinal). D'après Daubigny, Billaud-Varenne, en cette occasion, alla jusqu’à demander qu’on lût à madame Philippeaux, en pleine séance, la dénonciation de Garnier (de Saintes), pour lui apprendre qu’elle sollicitait en faveur d’un conspirateur. Et c’est cet acte inhumain que Robespierre voulut prévenir. Aussi Daubigny, quoique ennemi de Robespierre alors, ne peut-il s’empêcher d’ajouter ; Heureusement, Robespierre, plus humain cette fois que Billaud-Varenne, s’opposa à la proposition de ce dernier, et vous n’eûtes point à rougir de voir sous vos yeux insulter à la douleur d’une femme qui venait vous implorer. (Précis historique par Vilain Daubigny.) Et voilà comment par le fait d’une simple omission, un acte d’humanité peut se trouver métamorphosé en un acte de dureté.

De même, en parlant (liv. XVII, p. 216) de la lettre de Lucile à Robespierre, M. Michelet écrit : Nulle réponse. Mais ce qu’il oublie, c’est que la lettre ne fut pas envoyée (Matton, Essai sur la vie de Camille Desmoulins, page XXIV). Robespierre est bien excusable de n’avoir pas répondu â une lettre qu’il ne connut pas !

M. Michelet (liv. XVII, ch. III, p. 178) écrit en rappelant la proposition faite par Billaud-Varenne au Comité de salut public de tuer Danton, et le cri que cette proposition arracha à Robespierre : Il fut, je n’en fais nul doute, effrayé, navré, ravi. Mais est-ce bien là la couleur donnée à ce fait important par Billaud-Varenne lui-même ? Les propres paroles de Billaud sont : La première fois que je dénonçai Danton au Comité, Robespierre se leva comme un furieux, en disant qu’il voyait mes intentions, et que je voulais perdre les meilleurs patriotes.

C’est en mettant de la sorte, et invariablement, la supposition ou l’interprétation à la place du fait, qu'on est parvenu à faire de Robespierre le bouc émissaire de la Révolution. Écoutez M. Matton, racontant (page XXI) l’arrestation de Camille Desmoulins : Camille va ouvrir lui-même la porte aux satellites de Robespierre. Et pourquoi de Robespierre, plutôt que de Billaud-Varenne ou de Saint-Just, plutôt que du Comité de salut public tout entier ? Pourquoi ce parti pris de tout rapporter à un seul homme, même là où il est certain que son rôle a été tout au plus secondaire et passif ? On ne peut vraiment s’empêcher de sourire, pour peu qu’on ait étudié l’histoire de la Révolution, en entendant certaines gens parler de la royauté de Robespierre. Son trône fut l’échafaud. Sans doute son autorité morale était grande auprès du peuple ; mais à quoi se réduisait dans le Comité son influence active ? Non-seulement il y avait là contre lui une majorité considérable, mais les membres de cette majorité — ils s’en sont vantés — n’avaient qu’à se lancer un coup d’œil pour déjouer ses plans. (Voyez Laurent Lecointre au peuple français, p. 127, 172, 203.) Il est vrai que lorsque, après avoir contribué à le renverser, Billaud-Varenne, Collot-d’Herbois et Parère furent appelés à rendre leurs comptes devant cette réaction qu’ils n’avaient que trop bien servie au 9 thermidor, leur unique ressource, pour se défendre, fut de renvoyer à Robespierre, muet dans son tombeau, la responsabilité de toutes les violences commises. Ajoutez à cela l’immense intérêt que les royalistes, que les prêtres, avaient à dénigrer la Révolution dans l’homme qui avait déployé à son service le plus de probité et de talent.

Relativement au procès des Dantonistes, il existe deux sources principales d’information, très-différentes, contradictoires, et l’une et l'autre évidemment suspectes de partialité. La première est le compte rendu du tribunal, Bulletin du Tribunal révolutionnaire. La seconde est le procès de Fouquier-Tinville, qui ne fut autre chose que la revanche de celui de Danton, et comme le champ de bataille où tous les Dantonistes accoururent pour venger sa mort. Rien de plus vrai que ces paroles de Fouquier, qu’il ne cessa de répéter dans tout le cours de son procès sous diverses formes : Le témoin Pâris et d’autres ont formé une coalition pour me perdre ; ils ont employé pour cela tout ce que la haine et la passion ont pu leur suggérer ; ils en trouvent la cause dans le ressentiment qu’ils ont de la mort de Danton, leur intime ami, que je n’ai mis en jugement que d’après un décret de la Convention. (Voyez l’Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 459.) Que résulte-t-il de là ? D'abord que la vérité sur le procès de Danton est très-difficile à découvrir ; ensuite, que pour la découvrir la première condition est de comparer les témoignages contradictoires, de les peser, de les discuter. C’est ce que, pour notre compte, nous nous sommes étudié à faire ; et ce qui, nous regrettons d'avoir à le dire, ne nous semble pas avoir été fait avec assez d’attention avant nous.

Les uns, comme les auteurs de l’Histoire parlementaire, n’ont tenu aucun compte, dans leurs appréciations, des lumières que pouvaient fournir les témoins entendus dans le procès de Fouquier-Tinville.

Les autres, comme MM. Villiaumé et Michelet, pour ne citer que les plus récents, ont exclusivement basé leur récit sur des témoignages à la façon de celui du greffier Fabricius Pâris, l’ami intime et passionné de Danton, l’ennemi déclaré et bien connu de ceux qui le poursuivirent, et qui, emprisonné pour avoir refusé de signer son jugement, avait à venger, en même temps que son ami, ses propres injures — Voyez les déclarations de Fouquier-Tinville, Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 459, 404, 478 ; la séance du 15 fructidor, déclaration de Duhem ; et, sur l’animosité personnelle qui existait entre Fouquier-Tinville et Pâris, la déposition de la femme du buvetier du Tribunal révolutionnaire, déposition citée plus haut.

Que les affirmations de ce Paris aient été regardées comme autant d'articles de foi par des écrivains de nos jours, c’est ce qui étonne, quand on a sous les yeux le passage suivant de la Réponse des membres de l'ancien Comité de salut public dénoncés, aux pièces communiquées par la Commission des vingt et un. D’une déclaration de Pâris, il résulte que, lors de l’affaire de Danton, il y eut un tirage de jurés pour composer la section qui devait la juger, fait par Fleuriot et Fouquier ; qu’Amar et Voulland apportèrent le décret qui ordonnait que les accusés fussent mis hors des débats, en disant à Fouquier : Voilà de quoi vous mettre à votre aise ; que, les jurés n’étant point d’accord, Amar, Voulland, Vadier, Moyse Bayle et David, accompagnés du président Hermann, se rendirent à la buvette ; que Hermann entra dans la chambre des jurés et leur parla contre les accusés. Mais il est à remarquer que cette pièce fut rejetée par la Convention nationale, à qui elle avait été d’abord présentée comme anonyme, et que, souscrite ensuite par Paris, elle ne doit paraître que plus digne de réprobation, loin d’acquérir aucune valeur par une signature donnée après coup. (Voyez Réponse des membres de l'ancien Comité, etc., p. 54, dans la Bib. hist. de la Rév., 1100-1. British Museum.)

Au reste, les erreurs de Paris, pour ne rien dire de plus grave, sont bien faciles à relever.

Dans sa déposition, lors du procès de Fouquier, il dit (Voyez Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 466-476) : On surprit la religion de la Convention nationale, en lui arrachant un décret qui mettait les accusés hors des débats. Or cela n’est pas vrai. Loin de mettre les accusés hors des débats, le décret du 15 germinal porte que le Tribunal révolutionnaire continuera l'instruction relative à la conjuration de Lacroix, Danton, Chabot et autres. Aussi l’instruction fut-elle effectivement continuée dans la journée du 15 germinal ; et si, le lendemain, les débats furent clos, ce fut, non point en vertu du décret du 15, mais parce que les jurés, interrogés comme la loi voulait qu’ils le fussent, après trois jours de débats, sur la question de savoir s’ils étaient suffisamment éclairés, répondirent affirmativement. Chose odieuse sans doute, mais qui regarde les jurés, et n’a rien de commun avec le décret du 15 germinal, tel que l’avait proposé Saint-Just, et tel que l’adopta la Convention.

Pâris prétend que, Camille ayant récusé Renaudin, on se garda bien de faire droit à cette demande, parce qu'on avait besoin d’un juré comme Renaudin, et qu'on ne délibéra même pas. Or ceci se trouve formellement contredit par la déposition du commis-greffier Robert Wolf, autre ami de Danton, autre ennemi de Fouquier, lequel dit cependant (Voyez l’Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 452) : Camille récusa Renaudin, motivant sa récusation ; mais, sur délibération, il fut arrêté que Renaudin resterait juré. Le fait est que la demande de Camille fut repoussée comme n’étant pas conforme à la loi, n’ayant pas été formulée par écrit et dans les vingt-quatre heures avant l'ouverture des débats.

On lit encore dans la déposition de Pâris : Naulin, Subleyras et Coffinhal, juges, recueillaient les notes des débats ; tous les soirs ils se rassemblaient pour réunir ces notes et en faire un travail destiné à l’impression. Il parait que ce travail a été tellement dénaturé qu’on a supprimé les preuves qui pouvaient exister contre Pache et Henriot, dans le procès d'Hébert, et qu’on a mis sur le compte de Danton ce qui était sur celui de Pache. Or le compte rendu imprimé du procès d'Hébert existe ; on peut le lire reproduit in extenso dans l’Histoire parlementaire, t. XXXI, p. 360-399 ; il est là sous nos yeux, et nous n’y trouvons pas une seule fois le nom de Danton mis à la place de celui de Pache. Il est clair que si M. Michelet s’était un peu plus défié des assertions de Pâris et les eût vérifiées, il n’aurait pas écrit (liv. XVII, ch. II, p. 109) : Dans le procès d'Hébert, partout où l’on mentionnait le dictateur et le grand juge, à la place du nom de Pache on mit hardiment le nom de Danton. Encore est-il à noter que ce qui, dans la déposition de Paris, n’est après tout présenté que sous une forme dubitative : Il parait, devient, dans le sommaire du ch. n du liv. XVII de M. Michelet, une affirmation péremptoire : Faux matériel pour perdre Danton. Ce n’est pas tout. L’assertion de Paris, au moment où elle se produisit, demeura-t-elle sans réplique ? Aon. Naulin déclara n’avoir recueilli des notes dans le procès d’Hébert que pour son propre compte, et sans y rien altérer. (Voyez l’Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 479.) Et Naulin était un homme honnête, incapable d’une action basse, reconnu tel enfin par les hommes mêmes qui, au procès de Fouquier, figurèrent en qualité de témoins à charge. (Voyez la déposition de Tavernier, commis greffier du tribunal. Ibid., t. XXXV, p. 5.) Quant à Coffinhal, un des vaincus de thermidor, ses ennemis avaient maintenant beau jeu pour l’attaquer ; il était mort. Quoi qu'il en soit, c'est évidemment de la déposition qui vient d'être examinée que M. Michelet a pris ce qu'il dit (liv. XVII, ch. VI, p. 210) des mutilations que le faussaire Coffinhal aurait fait subir au compte rendu du procès de Danton, et l’on peut voir jusqu’à quel point la preuve est suffisante ! Il est vrai que M. Michelet ajoute (voyez la note au bas de la page 210) : Personne n’y mit jamais moins de façon que cet Auvergnat. Dans le fameux malentendu qui permit au père Loizerolles de mourir à la place de son fils, Coffinhal, voyant arriver un vieillard au lieu d’un jeune homme, n’a pas pris la peine d’éclaircir la chose. Il a tranquillement falsifié l'acte, changé les prénoms, surchargé les chiffres d’années, etc. C’est en effet de la sorte que la chose fut présentée par le substitut Ardenne dans le procès de Fouquier-Tinville. Mais, sans examiner à fond, pour le moment, un point historique sur lequel nous aurons à revenir, nous nous bornerons à citer le passage suivant de la Réponse d'Antoine-Quentin Fouquier-Tinville aux accusations, etc. : C’était Loizerolles père qui avait été dénoncé ; c’est lui qui a été écroué, le 7 thermidor, à la Conciergerie, lui qui a été jugé et condamné. Son identité fut reconnue et constatée à l’audience. Seulement, l’huissier qui était allé à Lazare prendre les prénoms, âge et qualités du père, n’ayant pas demandé s’il y avait plusieurs Loizerolles, avait pris les prénoms, âge et qualités du fils. Cela fut rectifié à l’audience. La minute du jugement porte que c’est le père qui fut condamné. Loizerolles fils n'avait jamais été dénoncé. (p. 20, dans la Bibl. hist. de la Rév., 947-8, British Museum.) D'où il résulte que Loizerolles père ne fut pas mis à mort, comme on l'a tant dit et répété, à la place de son fils, et que ce qui est reproché à Coffinhal comme un faux par M. Michelet fut tout simplement une rectification devenue nécessaire.

C’est à peine s'il est besoin de faire remarquer combien a d'importance cette épithète de faussaire jetée à Coffinhal sur la foi de Pâris, qui, dans le passage même de sa déposition relatif à Coffinhal, est pris en flagrant délit d’erreur. Car, s’il est vrai que Coffinhal ait rédigé le compte rendu officiel du procès, et si, d’autre part, la bonne foi du rédacteur est mise en doute, voilà d’un coup ce compte rendu rayé de la catégorie des documents à consulter, et alors il ne reste plus, pour apprécier historiquement le procès de Danton, que les témoignages des ennemis mortels de ceux qui le jugèrent. Aussi est-ce exclusivement sur ces témoignages, non contrôlés, non discutés, acceptés comme paroles d’Évangile, que M. Michelet base son récit, et tout ce qui, dans le Bulletin du Tribunal révolutionnaire, n’est pas ou favorable à Danton, ou défavorable à ses ennemis, il le suppose mensonger. Par exemple, le compte-rendu porte, à la suite du discours de Danton, que, sa voix altérée indiquant assez qu’il avait besoin de repos, cette position pénible fut sentie de tous les juges, qui l’invitèrent à suspendre ses moyens de justification pour les reprendre avec plus de calme et de tranquillité. Certes, rien de plus concevable, si l'on songe que Danton parla très-longtemps, qu'il parlait avec une véhémence extraordinaire, et qu’il poussait de tels éclats de voix qu’ils parvenaient jusqu’au quai de la Ferraille. M. Michelet lui-même dit (liv. XVII, chap. VI, p. 210) que Danton parla presque tout le jour du 5. S'il parla presque tout le jour du 5, et avec la plus grande animation, qu'y a-t-il donc de si impossible à comprendre dans le fait du tribunal l'invitant à prendre du repos et à céder la parole à un autre ? Mais non : dans ce fait si naturel, M. Michelet ne voit (p. 211) que l’hypocrisie du rédacteur des notes envoyées aux journaux. A la vérité, Pâris présente la chose en ces termes (voyez sa déposition dans le procès de Fouquier, Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 470) : Le président lui retira la parole sous prétexte qu'il était fatigué et qu’il fallait que chaque accusé parlât à son tour. Mais ceci est l’interprétation donnée à une circonstance toute simple par un ennemi cherchant à perdre son ennemi, et la question se réduit à savoir s’il est besoin de recourir à l'hypothèse d’hypocrisie pour s’expliquer qu’un homme paraisse fatigué après avoir parlé une journée entière.

Autre grief contre la rédaction du Bulletin du Tribunal révolutionnaire : il ne consacre au discours de Danton que six petites pages (voyez M. Michelet, t. VII, p. 210). Une reproduction plus développée eût été sans doute très-désirable, bien qu'il ne fût point conforme aux habitudes du tribunal de publier tous les discours des accusés in extenso ; mais enfin six pages sont toujours plus que deux lignes. Or, dans le compte rendu dantoniste du procès de Fouquier-Tinville, arsenal ouvert à tous les accusateurs des juges de Danton, dans ce compte rendu où furent entendus contre les accusés quatre cent dix-neuf témoins, et qui, reproduit par l’Histoire parlementaire, n'occupe pas moins de trois cent quatre-vingts pages, on lit, après onze pages consacrées à la déposition d'un seul témoin à charge, Thierret Grandpré, ennemi personnel d'Hermann et de Lanne : Hermann et Lanne ont expliqué ou nié les faits qui leur sont reprochés. (Voyez le procès de Fouquier-Tinville, t. XXXV de l’Histoire parlementaire, p. 57.) Et, quant à la défense générale d'Hermann, voici en quoi elle consiste dans le même compte rendu : Hermann a été entendu !... (Voyez ibid., p. 144.)

Il n’est point exact d’ailleurs, ainsi que M. Michelet le dit (t. VII, p. 211), que le rédacteur du Bulletin du Tribunal révolutionnaire, dans le procès de Danton, fasse de lui un burlesque et un grotesque. Et ici M. Michelet ajoute : conformément au mot d'ordre donné le 2 par Robespierre : l'idole, l'idole pourrie ; supposant ainsi de la façon la plus arbitraire qu'une parole dans la bouche de Robespierre était un mot d'ordre pour le tribunal. Le discours de Danton, tel que le rapporte le Bulletin du Tribunal révolutionnaire, n’a rien, du moins selon nous, de burlesque et de grotesque : il a tout l'emportement de l'indignation, tout le désordre d'une improvisation passionnée ; il a moins le caractère d'une défense d’avocat que celui d’une harangue destinée à émouvoir le peuple ; il est plein de bravades orgueilleuses. Mais tout cela, c'est Danton même.

Le récit de M. Michelet, et j'en dirai autant de celui de M. Villiaumé, est coloré, d’un bout à l’autre, par un sentiment profond de sympathie pour les hommes illustres qui périrent dans cette journée à jamais néfaste du 10 germinal. Et ce sentiment, qui a sa source si haut, j’aurais honte de ne le point partager. Mais combien il est aisé à des âmes généreuses de se laisser aller trop loin, en prenant le parti des victimes ! Ce qui exige un douloureux effort, c’est d’être juste, même à l’égard de ceux qui les frappèrent !

 

Un point nous reste à éclaircir. Danton, en 1791, reçut-il de l’argent de la Cour ? Nous nous sommes, dans le cours de cet ouvrage, prononcé pour l’affirmative ; et notre opinion à cet égard a donné lieu, de la part de M. Despois, critique très-distingué et très au courant des choses de la Révolution, à une fort belle dissertation que la Revue de Paris du 1er juillet 1857 a publiée. Énumérons d'abord les témoignages, sauf à les analyser ensuite :

Bertrand de Moleville : Après la retraite de M. de Montmorin, M. de Lessart, qui continua d’employer le sieur Durand pour les services du genre de ceux dont il était chargé par son prédécesseur, étant avec nous chez le garde des sceaux, rompit brusquement le Comité, pour aller traiter une affaire qu’il disait très-importante, avec une personne à laquelle il avait donné rendez-vous. Je le ramenai chez lui, parce qu’il y avait quelque chose de dérangé à sa voiture. Il me confia que l'affaire si pressée qui le rappelait chez lui était de donner 24.000 livres à une personne qui devait les remettre à Danton, pour une motion à faire passer le lendemain aux Jacobins. (Mémoires de Bertrand de Moleville, t. I, p. 554 et 555.)

Le même : Quand le procès du roi fut mis en délibération, Danton, l’infâme Danton, dont la liste civile avait acheté si chèrement les services, fut un de ceux qui montrèrent le plus de violence. Je ne fis aucun scrupule d’employer le mensonge pour calmer la furie d'un monstre, et je lui écrivis le 11 septembre ainsi qu’il suit : — suit copie d’une lettre dans laquelle Danton est menacé, s’il ne sert pas le roi, de voir publier la preuve des sommes par lui reçues sur les dépenses secrètes des affaires étrangères ; — après quoi, Bertrand de Moleville continue : La vérité est que M. de Montmorin m’avait effectivement communiqué toute cette affaire et les pièces ; mais jamais il ne me les avait remises. Danton cependant, qui savait mon intimité avec le comte de Montmorin, ne pouvait douter, sur ma lettre, que je n’en fusse dépositaire. Il ne me répondit pas ; mais je vis que, deux Jours après celui où il avait dû recevoir ma lettre, il se fit donner une mission pour les départements du Nord ; il ne revint à Paris que la veille du jour où l'on condamnait le roi. Il vola pour la mort, mais, contre son usage, son opinion ne fut soutenue d’aucun discours. (Histoire parlementaire, t. XXXII, p. 105.)

Lafayette : Danton s’était vendu à condition qu'on lui achèterait 100.000 livres sa charge d’avocat au conseil, dont le remboursement, d'après la suppression, n’était que de 10.000 livres ; le présent du roi fut donc de 90.000 livres. Lafayette avait rencontré Danton chez M. de Montmorin, le soir même où ce marché se concluait.... Plus tard, il reçut beaucoup d’argent ; le vendredi avant le 10 août, on lui donna 50.000 écus. La Cour, se croyant sûre de lui, voyait approcher avec satisfaction le moment prévu de cette journée, et madame Elisabeth disait : Nous sommes tranquilles ; nous pouvons compter sur Danton. Lafayette eut connaissance du premier payement, et non des autres. Danton lui-même lui en parla à l’Hôtel de Ville, et, cherchant à se justifier, lui dit ; Général, je suis plus monarchiste que vous. (Note trouvée dans les papiers du général Lafayette.)

Brissot : Danton recevait de toutes mains. J’ai vu le reçu de 100.000 écus qui lui furent comptés par Montmorin. (Mémoires de Brissot, t. IV, p. 195 et 191.)

Rœderer. Le 5e volume des œuvres inédites de P. L. Rœderer, publiées par son fils, contient un portrait de Danton où est cette phrase ; d’abord sans autre but que de se faire acheter par la Cour, ensuite de gouverner la République.

Robespierre : Danton eut à Mirabeau une obligation bien remarquable ; celui-ci lui fit rembourser sa charge d’avocat au conseil ; on assure même que le prix lui en a été payé deux fois. Le fait du remboursement est facile à prouver. (Manuscrit publié en 1841, p. 5.)

Garat : Quand une fois Mirabeau fut corrompu, les plus grands moyens de corruption de la Cour se tournèrent vers Danton ; il est possible qu’il en ait reçu quelque chose ; il est certain que, s'il eut un marché, rien ne fut délivré de sa part, et qu’il resta fidèle à ses complices les républicains. (Mémoires de Garat, t. XVIII de l’Histoire parlementaire, p. 447.)

Mirabeau : Beaumetz, Chapelier, etc., ont reçu les confidences de Danton ; quant à celui-ci, il a reçu hier trente mille livres, et j’ai la preuve que c'est Danton qui a fait faire le dernier n° de Camille Desmoulins.... Enfin, c’est un bois ! (Lettre du 10 mars 1791, adressée par Mirabeau au comte de la Marck, dans leur correspondance, t. III, p. 82.)

Parmi ces divers témoignages, il en est un, celui de Bertrand de Moleville, que M. Despois récuse, et en cela il aurait tout à fait raison, si ce témoignage était isolé. Nous avons eu déjà nous-même occasion de faire remarquer combien les affirmations de Bertrand de Moleville méritaient peu de créance, et nous nous rangeons de l’avis du savant critique quand il dit : .... On conçoit quel intérêt Bertrand avait à noircir tous les républicains. Indépendamment de ses haines personnelles, il est d'une crédulité rare pour les questions de vénalité : c’est ainsi que, selon lui, pour combattre l’esclavage, Brissot a reçu 500.000 livres ; Condorcet, 150.000 livres ; l’abbé Grégoire, 80.000 livres ; Pétion, 60.000 livres. Et qui avait donné ces sommes ? Non pas précisément les nègres, mais les mulâtres. Bertrand veut bien convenir qu’ils en avaient offert autant à Robespierre, mais qu’il n'avait voulu rien accepter, quoique les servant avec zèle. Relativement à l’effet des prétendues menaces de Bertrand de Moleville, M. Despois observe avec raison que les mots violents par lesquels Danton motiva son vote contre Louis XVI n'annoncent pas un homme intimidé, lit puis, quelle foi ajoutera ce Bertrand de Moleville qui, de son propre aveu, ne se fait pas scrupule, en certains cas, d’employer le mensonge ? Mais, je le répète, il ne s’agit pas ici d'un témoignage isolé, et cela change un peu la question.

Une affirmation beaucoup plus grave, c’est celle de Lafayette. M. Despois trouve peu vraisemblable que Danton ait parlé à Lafayette, sinon du remboursement de sa charge, au moins du prix honteux qu’il en aurait touché, à supposer que ce prix fût au-dessus de ce que la charge valait en effet. Mais M. Despois a oublié de reproduire dans sa critique ces mots que Lafayette met dans la bouche de Danton : Je suis plus monarchiste que vous, mots qui indiquent comment Danton put être amené à faire la confidence que Lafayette mentionne.

Et puis, il n’y a pas de milieu : ou il faut admettre l’exactitude du fait, ou bien il faut condamner dans Lafayette le plus lâche et le plus impudent des menteurs ; car sa déclaration est nette, péremptoire ; rien n'y manque : ni l'endroit où il reçut la confidence, ni les paroles caractéristiques, si frappantes, qui l’accompagnèrent, ni le chiffre précis de la somme indiquée. Or Lafayette était un honnête homme, et absolument incapable d’un assassinat moral au moyen d’une imposture. D’un autre côté, M. Despois nous apprend que, d’une notice manuscrite à lui communiquée par un compatriote de Danton, son camarade de collège, il résulte qu'en 1791 Danton acheta quelques biens à Arcis-sur-Aube avec les quatre-vingt mille francs qu'il venait de recevoir pour le remboursement de sa charge d’avocat au conseil. C’est là une circonstance qui, loin de contredire le récit de Lafayette, tend à le confirmer, puisqu’elle prouve que Danton reçut, comme prix de sa charge, bien au delà de sa valeur, telle que Lafayette la détermine, c’est-à-dire dix mille livres. Mais était-ce bien là la valeur réelle de la charge ? Cela revient à demander si Lafayette savait ce qu’il disait ; et M. Despois, qui avance que nous sommes réduits sur ce point à l'ignorance la plus complète, admet, quelques lignes plus bas, en rappelant le discours d’installation de Danton à la Commune, discours où il fut question, et qui resta sans réplique, du remboursement dont il s’agit, qu’on savait pourtant alors ce que valait une charge d’avocat. Eh oui, sans doute ; et c’est pourquoi il est permis de croire Lafayette bien informé lorsqu’il dit avec tant d’assurance que cette charge d’avocat, pour laquelle Danton lui avoua avoir touché cent mille livres, n’en valait que dix mille. Quant aux doutes que M. Despois parait timidement élever sur l’authenticité de la note d’où ces détails sont tirés, parce que, dit-il, les éditeurs mettent Note du général Lafayette, quand une note est de Lafayette lui-même, la question est tranchée par ce passage des Mémoires de Lafayette, qui est bien évidemment et bien incontestablement de lui, pour le coup : Danton, dont la quittance de cent mille livres était dans les mains du ministre Montmorin, demanda la tête de Lafayette : c’était compter beaucoup sur la discrétion de Lafayette à garder un secret que Danton savait ne lui être pas inconnu. (Mém. de Lafayette, t. III, p. 85.)Mais pourquoi cette discrétion ? s’écrie M. Despois. — Lafayette avait répondu d’avance : Parce que c'eût été livrer à la mort le ministre Montmorin. Et cette réponse, qui ne paraît pas satisfaire entièrement M. Despois, nous la trouvons, nous, décisive, en nous rappelant combien d’hommes périrent, dans ces jours terribles, auxquels on avait bien moins que cela à reprocher.

Est-il besoin d’insister sur l’extrême gravité de la déclaration de Brissot, affirmant qu’il a vu le reçu de cent mille écus qui furent comptés à Danton par M. de Montmorin ? M. Despois demande où et comment Brissot a vu ce reçu, lui qui n’était pas ami du ministre. Mais M. Despois oublie qu’en mars 179J Brissot était l’âme du comité diplomatique ; que le ministère des affaires étrangères était précisément de son domaine ; qu'il eut charge expresse d'en fouiller les secrets ; que ce fut de la connaissance des pièces qui y étaient contenues qu’il tira son accusation contre le ministre de Lessart ; que la correspondance et beaucoup des papiers de Montmorin lui passèrent sous les yeux, et que, lorsque, dans la séance du 25 mai 1792, il demanda un décret d’accusation contre Montmorin, il basa sa demande sur les pièces qui étaient soit au comité de surveillance, soit au comité diplomatique, et sur celles qui lui avaient été directement confiées à lui-même ? (Voyez Opinion de Brissot sur l'existence d'un comité autrichien.) Quant à dire que le chiffre donné par Brissot, cent mille écus, n’est pas identique à celui donné par Lafayette, cent mille livres, il faudrait, pour que cet argument eût quelque valeur, que Brissot eût entendu parler du même payement que Lafayette, ce que rien ne prouve ou même n’indique. Il ne reste donc plus qu’un moyen de repousser ce témoignage, qui est de mettre en doute, ou l’intelligence de Brissot, ou sa bonne foi ; et c’est ce que M. Despois essaye de faire en disant de Brissot qu'il était tout à la fois très-crédule et assez menteur. Mais admettre en ceci l’appréciation du savant critique nous est impossible. La crédulité de Brissot eût été de l’idiotisme, si elle eût pu l’amener à se tromper sur un fait aussi simple que celui dont il parle, un fait purement matériel. Or Brissot avait non-seulement beaucoup d’intelligence, mais une intelligence très-déliée. Et, pour ce qui est de l'épithète assez menteur que M. Despois lui applique, nous trouvons, s'il faut l'avouer, l’arrêt bien leste. Quelles qu’aient pu être ses fautes politiques, et certes nous ne les avons pas cachées, Brissot avait un grand fonds d’honnêteté, auquel ont rendu hommage tous ceux qui le connurent. Le supposer capable d'avoir de sang-froid et à ce point calomnié un innocent, en affirmant qu’il avait vu ce qu’il n’aurait jamais vu en effet, c'est arbitrairement charger sa mémoire d’un crime.

Nous ne nous arrêterons pas aux témoignages de Rœderer et de Robespierre, que nous n’avons rappelés que comme constatant une opinion, et que nous sommes loin de vouloir donner comme des preuves ; mais l’appréciation de Garat est très-digne d’être pesée, quelque soin qu’il prenne d’employer la forme dubitative, car il ne faut pas perdre de vue que Garat avait à Danton une obligation essentielle, qu’il lui était personnellement attaché, et que les lignes reproduites plus haut sont extraites d’un passage où l'auteur parle de Danton avec affection, et l'on pourrait dire avec attendrissement.

Mais ce qui lève, hélas ! tous les doutes, — nous reprenons ce mot, — c’est la lettre adressée, le 10 mars 1791, par Mirabeau au comte de la Marck. Comment M. Despois a-t-il pu s’aveugler généreusement au point de supposer qu’en constatant, dans une lettre toute confidentielle à Y homme de la cour, M. de la Marck, d’une part, le fait de l’argent reçu par Danton, et, d’autre part, le fait de ses engagements non remplis, Mirabeau avait tout simplement entendu jeter à Danton l’injure la plus sanglante que pût rencontrer sa plume, c’est-à-dire le nom de vendu, et cela pour se venger d’un article de Camille Desmoulins dirigé contre lui, Mirabeau, et dont il croyait Danton l’inspirateur ?

Quoi ! Mirabeau, voulant se venger de Danton, n’aurait trouvé rien de mieux que de l’insulter en s’écriant, lui qui s’était vendu : Il s’est vendu ! Et devant qui aurait-il prétendu insulter de la sorte Danton ? Non pas devant le public, mais devant l’agent des ventes de ce genre, M. de la Marck ? Et il ne lui serait pas venu un moment]à l’idée qu’il ne pouvait bafouer ainsi Danton, sans se bafouer lui- même, et sans offenser par-dessus le marché l’homme auquel il s’adressait ? En vérité, tout cela est absolument inadmissible ; et je m’étonne que M. Despois ait pu avoir recours à une explication aussi extraordinaire, quand l’explication vraie est si claire et se présente si naturellement. De quoi s’agit-il ? Danton a fait faire à Camille — du moins Mirabeau croit le savoir — un article où sont vivement attaqués Chapelier et Beaumets, avec lesquels Danton est censé s’entendre, et Mirabeau lui-même. Là-dessus, Mirabeau, qui est au courant des engagements de Danton avec la Cour, s’indigne de les voir violés de la sorte ; il entre en fureur, et contre la duplicité de Danton, et contre la bêtise de la Cour, qui emploie si mal son argent, et il écrit ab irato au comte de la Marck : Danton a reçu hier trente mille livres, et j'ai la preuve que c’est lui qui a fait faire le dernier numéro de Camille Desmoulins... c’est un bois. En d’autres termes : Est-ce pour qu’on vous attaque et qu'on m'attaque que vous payez les gens ? Ceux qui prennent votre argent vous trompent, ils vous volent. C’est si évidemment là le sens de la lettre de Mirabeau, qu’un peu plus bas il ajoute, à propos de six mille livres qu’il doit dépenser dans l’intérêt de la Cour : Il est possible que je les hasarde. Mais au moins elles sont plus innocemment semées que les trente mille livres de Danton.

Est-ce assez clair ? Le reproche que Mirabeau fait à Danton ne porte aucunement sur ce qu’il a pris des engagements avec la Cour — reproche qui, dans la bouche de Mirabeau, serait le comble de l’imbécillité, lui-même se trouvant dans ce cas : — le reproche porte sur ce que Danton, qui a pris des engagements avec la Cour et touché pour cela trente mille livres, gagne si peu son argent, que c’est lui qui inspire les numéros agressifs de Camille. Après cela, que Mirabeau ne nous apprenne pas dans sa lettre tout ce que M. Despois désirerait savoir sur les circonstances du marché en question, rien de plus simple. Ce n'est pas à nous que la lettre de Mirabeau est adressée — ce document était destiné à ne pas voir le jour, — ce n’est pas au public, c’est à M. de la Marck, homme auquel Mirabeau n'a rien à apprendre sur ce point. Aussi lui parle-t-il des trente mille livres reçues par Danton comme d'une chose qu’ils connaissent parfaitement l’un et l’autre, qui n’est à prouver ni pour celui qui écrit la lettre ni pour celui qui la reçoit, comme d'une chose certaine enfin, et si certaine, que de là vient sa colère contre la duperie de la Cour, qui paye et qu’on n’en attaque pas moins.

Ici se place le mot de Carat : Il est certain que, si Danton eut un marché, rien ne fut délivré de sa part, et qu’il resta fidèle à ses complices les républicains. Sauf la forme adoucie et dubitative que l’amitié de Carat pour Danton lui commandait, nous estimons que la vérité est là.

Et c’est précisément ce qui explique comment, plus tard, le comte de la Marck, écrivant à M. de Merey-Argenteau, rangeait Danton au nombre des républicains qu’on s’attendait à voir entrer dans la législature.

Au reste, et puisque le nom de M. de Mercy-Argenteau se trouve sous notre plume, rappelons un fait, doublement curieux en ce qu’il montre : d’abord que ce même M. Mercy-Argenteau, correspondant du comte delà Marck, croyait, en 1703, à la possibilité de s’entendre avec Danton, et ensuite que Danton, quelles qu’aient pu être ses faiblesses en certaines occasions, était capable, en d’autres circonstances, du plus entier désintéressement. On lit dans les Mémoires du prince de Hardenberg : A la nouvelle de la translation de la reine à la Conciergerie, le ministre d’Autriche, comte de Mercy, alors à Bruxelles, dépêcha un émissaire à Danton pour l’engager à épargner l’auguste victime, s’imaginant que ce chef de parti avait toujours une grande influence. Il s’abusait... Toutefois on assure qu’il promit son appui, et que même il rejeta l'offre d'une somme considérable pour prix d’un tel service, ajoutant que la mort de la reine n’était jamais entrée dans ses calculs, et qu'il consentait à la protéger sans aucune vue d'intérêt personnel. (Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État.)

Une dissertation plus approfondie nous conduirait trop loin : il faut nous arrêter. M. Despois — et nous l’en remercions du fond du cœur — nous met hors de la classe de ceux qu'une turpitude de plus, découverte dans la nature humaine, inonde de joie. C’est un éloge que nous acceptons sans détour, sûr qu’il est mérité, et nous eussions été heureux de pouvoir partager ce que le critique distingué auquel nous venons de répondre présente modestement comme ses doutes. Mais, s’il est un despotisme contre lequel il nous soit interdit de nous mettre en révolte, c'est celui de la vérité, telle qu’elle apparaît à notre conscience.

Au reste, lorsque, avec une tristesse si éloquente, M. Despois représente Danton entourant sa mère des plus tendres soins, s’occupant du bien-être de sa nourrice, adorant sa première femme au point de faire exhumer son cadavre après sa mort pour l’embrasser une dernière fois, épousant ensuite, — tant la vie de famille lui était nécessaire ! — une jeune fille sans fortune, celle dont l'image fut au moment de le troubler sur l’échafaud...., qui ne se sentirait ému. ? Le fait est que la nature de Danton était composée de contrastes, et qu'il y eut dans sa vie beaucoup d’ombre avec beaucoup de lumière. Sa mort ah ! que n’est-il possible d’écarter le souvenir affreux de sa mort, de celle de ses amis, de celle du pauvre et charmant Camille, surtout ? Ce que nous avons dit des Girondins, comment ne pas le dire des Dantonistes La Révolution, qui les tua, portera leur deuil à jamais.

 

 

 



[1] Moniteur, an II (1794), n° 116.

[2] Mémoires de Levasseur, t. III, chap. V.

[3] Rapport de Choudieu sur la Vendée, présenté le 18 pluviôse (6 février) 1794.

[4] Correspondance inédite de Camille Desmoulins, publiée par M. Matton aîné, p. 17 (1856).

[5] Correspondance inédite de Camille Desmoulins, p. 16.

[6] Correspondance inédite de Camille Desmoulins, passim.

[7] Correspondance inédite de Camille Desmoulins, p. 209 et 210.

[8] Voyez pour plus de détails sur cette scène intéressante, la Correspondance inédite de Camille Desmoulins, publiée par M. Matton aîné, p. 16 et 17.

[9] Suite de mon Credo politique, dans les Œuvres complètes de Camille Desmoulins, publiées par M. Matton, t. II, p. 162.

[10] Œuvres complètes de Camille Desmoulins, p. 162.

[11] Œuvres complètes de Camille Desmoulins, p. 163.

[12] Œuvres complètes de Camille Desmoulins, p. 164.

[13] Œuvres complètes de Camille Desmoulins, p. 165.

[14] Voyez plus haut, le chapitre intitulé la Terreur.

[15] Levasseur, qui demanda l’abolition de l’esclavage, était te neveu d’un riche colon, par lequel il avait été déshérité, pour avoir en sa présence flétri le trafic des noirs. (Voyez les Mémoires de Levasseur, t. III, chap. V, p. 82.)

[16] Numéro VII du Vieux Cordelier.

[17] Le prix exorbitant du cinquième numéro est cause qu'aucun sans-culotte n'a pu le lire. (Numéro VI du Vieux Cordelier, p. 126.) Collection des Mémoires relatifs à la Révolution.

[18] Œuvres complètes de Camille Desmoulins, publiées par M. Matton aîné, numéro VII. Voyez p. 206-211.

[19] Épigraphe du numéro VII du Vieux Cordelier.

[20] Voyez le numéro VII du Vieux Cordelier, tel qu'on le trouve dans les Œuvres complètes de Camille Desmoulins, publiées par M. Matton aîné, p. 188.

[21] Œuvres complètes de Camille Desmoulins, publiées par M. Matton aîné, p. 203 et suiv.

[22] Œuvres complètes de Camille Desmoulins, p. 205 et suiv.

[23] Œuvres complètes de Camille Desmoulins, p. 215.

[24] Le Rougiff, numéro VII.

[25] Le Rougiff, numéro XIV.

[26] Manuscrit publié par M. Louis Dubois, p. 25.

[27] C’est ce que nous apprend l’éditeur des Œuvres de Camille Desmoulins, M. Matton, dans l’ouvrage duquel on trouve une version complète du numéro VII du Vieux Cordelier, avec indication des changements que Desenne jugea nécessaires.

[28] Prudhomme, Histoire impartiale des erreurs, des fautes et des crimes commis pendant la Révolution française, t. I, p. 140.

[29] Voyez le livre de M. Matton, p. 233 et 234.

[30] Numéro VI du Vieux Cordelier, p. 120 et 121. Collection des Mémoires relatifs à la Révolution française.

[31] Numéro VI du Vieux Cordelier, p. 121.

[32] Numéro VI du Vieux Cordelier, p. 123.

[33] Numéro VI du Vieux Cordelier, p. 125.

[34] Numéro VII du Vieux Cordelier, p. 150 et 151.

[35] Voyez la suite du Credo politique de Camille Desmoulins, dans ses Œuvres complètes, publiées par. M. Matton, p. 167 et 168.

[36] Rapport du 8 ventôse an II (26 février 1794). Histoire parlementaire, t. XXXI, p. 304.

[37] Rapport du 8 ventôse an II (26 février 1794). Histoire parlementaire, t. XXXI, p. 310.

[38] Rapport de Saint-Just sur les factions de l'étranger, t. XXXI de l'Histoire parlementaire, p. 346 et 347.

[39] Rapport de Robespierre sur les principes de morale politique, t. XXXI de l'Histoire parlementaire, p. 271.

[40] Rapport de Robespierre sur les principes de morale politique, t. XXXI de l'Histoire parlementaire, p. 273.

[41] Ce fait est rapporté dans l’Histoire des Montagnards. Nous avons écrit à notre estimable ami, M. Alphonse Esquiros, pour savoir de qui il tenait cette anecdote caractéristique. Il nous a répondu : De madame Lebas, c’est-à-dire de la personne même à laquelle la chose était arrivée.

[42] Manuscrit de Robespierre, publié en 1841 par M. Louis Dubois, p. 10. — C’est la réunion des fragments qui servirent au rapport de Saint-Just contre Danton.

[43] Manuscrit de Robespierre, publié en 1841 par M. Louis Dubois, p. 10.

[44] Manuscrit de Robespierre, publié en 1841 par M. Louis Dubois, p. 7.

[45] Lettre de V. Daubigny à Billaud-Varenne, dans la Bibl. hist. de la Révol., 947-8. (British Museum.)

[46] Dans le procès de Fouquier-Tinville, qui fut la revanche de celui de Danton, nul ne déploya plus de violence contre les Robespierristes que l’ex-Robespierriste Vilain Daubigny.

[47] Lettre de V. Daubigny à Billaud-Varenne. Bibl. hist. de la Révol., 947-8. (British Museum.)

[48] Prudhomme, Histoire générale et impartiale des erreurs, des fautes et des crimes de la Révolution française, t. I, p. 146 et 147.

[49] Séance du 12 fructidor. Discours de Billaud, cité dans Laurent Lecointre au peuple français, etc. Bibl. hist. de la Révol., 1100-1101. (British Museum.)

[50] J. N. Billaud à ses concitoyens, p. 4. Bibl. hist. de la Révol., 1100-1101. (British Museum.)

[51] Ceci raconté par Billaud-Varenne lui-même dans la séance du 9 thermidor.

[52] Prudhomme.

[53] Voyez le discours de Robespierre, dans la séance des Jacobins, du 1er germinal.

[54] Mémoires de Levasseur, t. III, chap. V, p. 159.

[55] Discours de Billaud-Varenne, dans la séance du 12 fructidor, cité dans Laurent Lecointre au peuple français, etc. Bibl. hist. de la Révol., 1100-1. (British Museum.)

[56] Voyez le projet de rapport sur la faction de Fabre d Églantine.

[57] Ce sont les propres expressions dont Saint-Just, dans son rapport, se servit pour exprimer sa pensée.

[58] C’est ce que Levasseur dit de Saint-Just dans ses Mémoires, précisément en parlant des rapports de Saint-Just avec Robespierre, t. III, chap. IV, p. 73.

[59] Ces mots sont de Billaud-Varenne. Ils caractérisent le rôle de Robespierre dans ces déplorables circonstances. Voyez Laurent Lecointre au peuple français, etc. Bibl. hist. de la Révol., 1100-1. (British Museum.)

[60] Nous recommandons au lecteur de relire avec attention, dans le septième volume de cet ouvrage, le chapitre V, qui donne sur tout ceci des détails d'une importance extrême et qu'il ne faut pas perdre de vue.

[61] C'est ce que dit en propres termes le prince de Hardenberg. Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 485. Ainsi s'est trouvé confirmé, par des révélations ultérieures, ce passage du manuscrit inédit de Robespierre, publié en 1841 : Au mois de septembre, Danton envoya Fabre en ambassade auprès de Dumouriez ; il prétendit que l'objet de sa mission était de réconcilier Dumouriez et Kellermann. Or Dumouriez et Kellermann n’écrivaient jamais à la Convention sans parler de leur intime amitié. Le résultat de cette union fut le salut du roi de Prusse et de son armée. (p. 8 et 9.)

[62] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 517.

[63] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. I, p. 517.

[64] Mémoires de Dumouriez, t. IV, liv. III, chap. I, p. 14.

[65] Mémoires de Dumouriez, t. IV, liv. III, chap. I, note de la page 14.

[66] Voyez le manuscrit publié en 1841 par M. Louis Dubois, sous ce titre : Projet rédigé par Robespierre du rapport fait à la Convention par Saint-Just contre Fabre d’Églantine, Danton, Philippeaux, Lacroix et Camille Desmoulins.

La pièce ne répond pas tout à fait au titre qui lui a été donné. Elle n’est, à proprement parler, qu’un recueil de souvenirs personnels que Saint-Just, qui s’était chargé du rapport, demanda à Robespierre de lui fournir.

[67] Notes de Camille Desmoulins sur le rapport de Saint-Just, dans l’ouvrage de M. Matton, p. 257.

[68] Lettre de Garnier (de Saintes) à la Convention, 9 germinal (29 mars).

[69] Mémoires de Thibaudeau, t. II, chap. V, p. 60.

[70] Ce mot nous a été rapporté par un de nos amis, homme grave et considérable, qui le tenait de Merlin (de Thionville).

[71] Correspondance inédite de Camille Desmoulins, publiée par M. Matton aîné ; Essai sur la Vie de Camille Desmoulins, p. 18. — Voyez la note placée à la fin de ce chapitre.

[72] Correspondance inédite de Camille Desmoulins, publiée par M. Matton aîné, p. 212.

[73] Mémoires de Levasseur.

[74] Cette lettre se trouve à la suite de la Réponse de Philippeaux à tous les défenseurs officieux des bourreaux de nos frères dans la Vendée. Bibl. hist. de la Révol., 1082. (British Museum.)

[75] Réponse de Philippeaux à tous les défenseurs officieux des bourreaux de nos frères dans la Vendée. Bibl. hist. de la Révol., 1082. (British Museum.)

[76] Réponse des trois membres de l'ancien Comité de salut public aux pièces communiquées par la Commission des vingt et un, p. 99. Bibl. hist. de la Révol., 1100-1. (British Museum.)

[77] Rapport de Saladin, au nom de la Commission des vingt et un. Pièce LXX. Bibl. hist. de la Révol., 1097-8-9. (British Museum.)

[78] Réponse des trois membres, etc., ubi supra.

[79] Rapport de Saladin ; pièce LXX.

[80] M. Villiaumé, dans son Histoire de la Révolution, t. IV, p. 55, déclare tenir ce fait de la sœur de Marat. Effectivement, sur le mandat d'arrêt, on ne trouve pas la signature de Robert Lindet.

[81] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 152. Collection des Mémoires relatifs à la Révolution.

[82] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 152.

[83] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 153.

[84] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 153.

[85] Moniteur, an II (1794), n° 192.

[86] Moniteur, an II (1794), n° 192.

[87] Moniteur, an II (1794), n° 192.

[88] On applaudit à plusieurs reprises, porte le Moniteur.

[89] Moniteur, an II (1794), n° 192.

[90] Moniteur, an II (1794), n° 192.

[91] Si j'ai fait la proposition que le préopinant a combattue, c'est qu'il ne m'est pas démontré encore que les détenus soient coupables... Je n'entends défendre ici aucun individu, etc. Voyez le Moniteur, an II (1794), n° 192.

[92] Moniteur, an II (1794), n° 192.

[93] Moniteur, an II (1794), n° 192.

[94] Le décret, dit le Moniteur, fut adopté à l’unanimité et au milieu des plus vifs applaudissements !

[95] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 154. Collection des Mémoires relatifs à la Révolution française.

[96] Nom familier donné par Camille â sa belle-mère, madame Duplessis.

[97] Correspondance inédite de Camille Desmoulins, publiée par M. Matton aîné, p. 214 (1836).

[98] Nous lisons dans le t. IV de l’Histoire de la Révolution, par M. Villiaumé, p. 55 : Je tiens cette particularité de madame Danton elle- même, alors enceinte. Elle accoucha quinze jours après la mort de Danton ; mais son enfant ne vécut pas.

[99] Voyez cette lettre dans l'ouvrage de M. Matton.

[100] Correspondance inédite de Camille Desmoulins, publiée par M. Matton aîné, p. 217.

[101] En allant voir madame Duplessis au village de Cachant, où elle avait une maison de campagne, Camille et Lucile avaient souvent remarqué une poule qui, inconsolable d'avoir perdu son coq, restait jour et nuit sur la même branche et poussait des cris déchirants. (Note de M. Matton.)

[102] Correspondance inédite de Camille Desmoulins, publiée par M. Matton aîné, p. 220-227.

[103] Lacretelle, cité dans les Aperçus historiques et littéraires sur Camille Desmoulins.

[104] Danican, les Brigands démasqués.

[105] Mémoires de Riouffe, p. 66. Collection des Mémoires relatifs à la Révolution française.

[106] Mémoires de Riouffe, p. 66-68.

[107] Mémoires de Riouffe, p. 68.

[108] Mémoires de Riouffe, p. 69.

[109] Voyez les Mémoires sur les prisons, t. II, p. 155.

[110] Moniteur, an II (1794), n° 195.

[111] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 155.

[112] Moniteur, an II (1794), n° 195.

[113] Moniteur, an II (1794), n° 195.

[114] Moniteur, an II (1794), n° 195.

[115] Moniteur, an II (1794), n° 195.

[116] Moniteur, an II (1794), n° 195.

[117] Voyez le numéro VII du Vieux Cordelier.

[118] Voyez ce que déclara à cet égard Fouquier-Tinville dans son procès. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 459. Voyez aussi la déposition de Daubigny. Ibid., p. 405.

[119] Séance du 15 fructidor, citée par Laurent Lecointre, dans son Appel au peuple français, p. 117-120. Bibl. hist. de la Révol., 1007-8-9. (British Museum.)

[120] Voyez le procès de Fouquier-Tinville. Histoire parlementaire, t. XXXIV p. 464.

[121] Voyez la note placée à la suite de ce chapitre.

[122] Voyez plus haut le chapitre intitulé la Terreur.

[123] C'est à cette déclaration que Daubigny fait allusion dans le procès de Fouquier. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 406.

[124] Ceci résulte d’une note de la main de Collot-d'Herbois, trouvée à l'ancienne secrétairerie d'État, et que M. Villiaumé a eue sous les yeux. (Voyez son livre, t. IV, p. 57.) Quant aux motifs que M. Villiaumé suppose avoir déterminé la révocation de l’ordre, voyez la note placée à la suite de ce chapitre.

[125] Réponse des membres de l'ancien Comité de salut public dénoncés aux pièces communiquées par la Commission des vingt et un. Bibl. hist. de la Révol., 1100-1. (British Museum.)

[126] Voyez la note placée à la suite de ce chapitre.

[127] Déposition de Fabricius Pâris, dans le procès de Fouquier-Tinville. Voyez l'Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 467.

[128] Autre déposition du même. Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 131.

[129] Nous l’avons connu personnellement, et nous tenons le fait de lui-même.

[130] Déposition de Montané, dans le procès de Fouquier-Tinville, t. XXXIV de l’Histoire parlementaire, p. 443.

[131] Déclaration de Leroy, t. XXIV de l’Histoire parlementaire, p. 479.

[132] Déposition de Daubigny, Dantoniste exalté. Histoire parlementaire, t. XXIV, p. 412 et 414.

[133] Déposition de Daubigny. Histoire parlementaire, t. XXIV, p. 412 et 414.

[134] Voyez l’Histoire de la Révolution, par M. Michelet, liv. XVII, ch. V, p. 199.

[135] Voyez le procès de Danton, dans l’Histoire parlementaire, t. XXXII, p. 119 et 120.

[136] Avec fondement, ajoute le compte rendu ! Histoire parlementaire, t. XXXII, p. 120.

[137] Histoire parlementaire, t. XXXII, p. 120-127.

L’explication qu'il donna de sa conduite au tribunal est identique à celle qui se trouve dans le Mémoire de lui que nous avons déjà fait connaître au lecteur.

[138] Histoire parlementaire, t. XXXII, p. 125 et 124.

Sur les falsifications qu'à ce sujet M. Michelet attribue au compte-rendu officiel, voyez la note placée à la suite de ce chapitre.

[139] Voyez l'Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 405.

[140] Moniteur, an III (1794), n° 14. — Ceci a échappé à M. Michelet, qui a basé exclusivement son récit de la mort de Danton sur des témoignages Dantonistes, comme ceux de Fabricius Pâris, de Daubigny, sans en discuter la valeur, et sans prendre garde aux circonstances sous l’empire desquelles ces témoignages se produisirent.

[141] Histoire parlementaire, t. XXXII, p. 128.

[142] Voyez la note placée à la suite de ce chapitre.

[143] Le compte rendu porte cinquante millions ; mais ceci doit être une erreur de chiffres. Cinquante raillions n'est pas une somme qu’on ait pu confier à un seul ministre.

[144] Voyez dans un des précédents volumes de cet ouvrage, le chapitre relatif au massacre du Champ de Mars.

[145] Voyez pour la défense de Danton, le Compte rendu du Tribunal révolutionnaire, Histoire parlementaire, t. XXXII, p. 152-141 ; et, en ce qui touche ce compte-rendu, la note critique placée à la suite de ce chapitre.

[146] Fait raconté dans les prisons par un citoyen, témoin des débats. Voyez Mémoires sur les prisons, t. II, p. 83.

[147] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 83.

[148] Sur les commentaires auxquels cette invitation a donné lieu, voyez la note critique placée à la suite de ce chapitre.

[149] Il faut tout dire : il y a dans les Mémoires du prince de Hardenberg un passage qui fait comprendre que Hérault de Séchelles ait été soupçonné. Après avoir raconté (t. II, p. 399) que, à la nouvelle de la translation de Marie-Antoinette à la Conciergerie, le comte de Mercy, alors à Bruxelles, dépêcha un émissaire à Danton pour l’engager à épargner la reine ; qu'on lui offrit pour ce service une somme d’argent considérable, et qu’il la rejeta, disant qu’il consentait à protéger la reine sans aucune vue d’intérêt personnel, le prince de Hardenberg ajoute : Plein de confiance dans la protection de Danton, le comte de Mercy crut d'autant mieux qu'elle suffirait à la sûreté de la reine, que, pendant plus d’un mois, l’illustre captive parut oubliée à la Conciergerie. Mais on vit bientôt tout le vide et l'inefficacité de cette négociation clandestine. Il paraît certain que Danton et ses amis cherchèrent à en tirer parti dans des vues de domination particulière. Danton s’étant concerté avec Hérault de Séchelles, ce dernier se rendit mystérieusement en Savoie, et là, se servit, pour ses relations au dehors, de son intimité avec mesdemoiselles de Bellegarde. Il eut même avec Barthélemy, ambassadeur en Suisse, des conférences que le Comité de salut public, à qui elles furent révélées, regarda comme suspectes. On répandit que Danton rêvait à faire la paix et qu'il aspirait à être régent. Peu de mois après, lui et ses amis montèrent sur l’échafaud. (Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 400 et 401.)

[150] Voyez sur le témoignage de Pâris relativement à ce fait, la note critique placée à la suite de ce chapitre.

[151] Voyez le procès de Danton, t. XXXII de l’Histoire parlementaire, p. 147-148.

[152] Procès-verbal des déclarations du général Miaczinski. Voyez l’Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 162.

[153] Le compte rendu du Tribunal criminel constate qu’il mourut avec le plus grand courage. (Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 119.) Au reste, il résulte du rapport de Drouet lui-même que la lettre par laquelle Miaczinski offrait de faire des révélations, si on lui accordait un sursis, n’était pas de lui. (Ibid., p. 165.)

[154] Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 166.

[155] Rapport de Drouet, dans l’Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 166 : Lacroix demanda à Miaczinski : Vous ai-je effectivement conseillé de piller, en ajoutant que je partagerais avec vous le produit de ce brigandage ? Miaczinski : Je l'ai dit, et je le répète. — Rapport de Rouzet, l’autre commissaire, ibid., p. 165 : Nous avons interpellé Miaczinski sur ce mot : Pillez, nous partagerons. Il répéta ce mot.

[156] Rapport de Rouzet. Histoire parlementaire, t. XXVII, p. 166.

[157] Saint-Just ne crut pas devoir faire usage, pour son rapport, de ce passage, qui se trouve biffé par lui dans le manuscrit de Robespierre, soit que de telles rumeurs lui aient paru sans fondement, soit qu'il n’ait pas voulu mentionner un détail aussi bas, à cause de l’impression que cela pourrait produire à l’étranger. On a vu, par la censure que Billaud-Varenne et Robespierre firent du rapport d’Amar dans l'affaire Chabot, combien le Comité de salut public craignait cette impression.

[158] Voyez le procès, t. XXXII de l’Histoire parlementaire, p. 149 et 150.

[159] Voyez le procès, t. XXXII de l’Histoire parlementaire, p. 150.

[160] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 154.

[161] C’est du moins ce que Pâris affirma au procès de Fouquier-Tinville. Voyez l’Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 470.

[162] Voyez ubi supra, sa déposition. Il assure que le tribunal n’avait aucune raison valable à opposer à la requête des accusés, lui greffier, et qui devait savoir ce que c'est qu'un tribunal.

[163] Réponse d'Antoine-Quentin Fouquier aux différents chefs d'accusation, etc.

[164] Réponse d'Antoine-Quentin Fouquier aux différents chefs d'accusation, etc.

[165] Voyez le procès. Histoire parlementaire, t. XXXII, p. 152.

[166] Voyez le procès. Histoire parlementaire, t. XXXII, p. 152.

[167] Voyez le procès. Histoire parlementaire, t. XXXII, p. 155.

[168] Déposition de Daubigny dans le procès de Fouquier-Tinville. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 403. Dans son Précis justificatif et historique, Daubigny donne le même détail, comme le tenant de Fouquier lui-même, lorsqu'ils étaient ensemble à Sainte-Pélagie. Bibl. hist. de la Révol., 947-8. (British Museum.)

[169] Déclaration d’Hermann et de Fouquier, dans le Procès de ce dernier. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 477.

[170] Précis justificatif et historique, par Vilain Daubigny. Bibl. hist. de la Révol., 947-8. (British Museum.)

[171] Déclaration de Thirion dans la séance du 13 fructidor, citée par Lecointre dans sa brochure Appel au peuple français. Bibl. hist. de la Révol., 1097-8-9. (British Museum.)

[172] Voyez la déclaration d’Hermann, dans le procès de Fouquier-Tinville, t. XXXIV de l’Histoire parlementaire, p. 402.

[173] Voyez la déclaration d’Hermann, dans le procès de Fouquier-Tinville, t. XXXIV de l’Histoire parlementaire, p. 402.

[174] Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 462. Voyez Précis justificatif et historique, par Daubigny, et la déposition de Pâris dans le procès de Fouquier.

[175] Cette dernière circonstance, très-digne d’être remarquée, est affirmée par Daubigny dans son Précis justificatif et historique. Voyez la Bibl. hist. de la Révol., 947-8. (British Museum.)

[176] Voyez le procès de Fouquier, t. XXXIV de l’Histoire parlementaire, p. 461.

[177] Fouquier en avait écrit une autre dont Hermann trouva le style trop violent et qui fut remplacée par celle-ci. Voyez la déclaration d'Hermann dans le procès de Fouquier. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 462.

[178] C’est ce que Fouquier-Tinville fait ressortir victorieusement dans sa Réponse aux différents chefs d'accusation. Voyez la Bibl. hist. de la Révol., 947-8. (British Museum.)

[179] Il n’en est nullement question dans le récit de Daubigny. Précis justificatif et historique, ubi supra.

[180] Renseignements donnés par Léonard Bourdon. — Rapport de Saladin, numéro XXII des pièces à l'appui.

[181] Renseignements donnés par Léonard Bourdon. — Rapport de Saladin, numéro XXII des pièces à l'appui.

[182] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 155.

[183] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 155.

[184] Voyez le rapport de Wichterich, t. XXXII de l’Histoire parlementaire, p. 187-190. Voyez la note critique placée à la suite de ce chapitre.

[185] Histoire parlementaire, t. XXXII, p. 185-187.

[186] Histoire parlementaire, t. XXXII, p. 187.

[187] C’est ce que Billaud-Varenne, Collot-d’Herbois et Barère firent observer avec raison dans leur Réponse aux pièces communiquées par la Commission des vingt et un. Bibl. hist. de la Révol., 1100-1. (British Museum.)

[188] Histoire parlementaire, t. XXXII, p. 187.

[189] Précis justificatif et historique, par Vilain Daubigny. Bibl. hist. de la Révol., 917-8. (British Museum.) — Voyez la note critique placée à la suite de ce chapitre.

[190] Déclaration d’Amar dans la séance du 13 fructidor. Il avait commencé par nier le fait ; mais, devant le témoignage de Tallien, il fut obligé de se rétracter.

[191] Il régnait de l’animosité entre Pâris et Fouquier. Déposition de la femme du buvetier du tribunal. Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 20.

[192] Déposition de Pâris, dans le procès de Fouquier-Tinville. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 471 et 472.

[193] Déposition de Pâris, dans le procès de Fouquier-Tinville. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 471 et 472.

[194] Déposition de Daubigny, ubi supra, p. 405.

[195] Déposition de Pâris, ubi supra.

[196] Déposition de Daubigny.

[197] Hermann : Je puis affirmer que Danton a eu plusieurs fois la parole. Voyez le procès de Fouquier. Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 129.

[198] Précis justificatif et historique, par Vilain Daubigny, dans la Bibl. hist. de la Révol., 917-8. (British Museum.)

[199] Ce fait, affirmé par Vadier à la tribune de la Convention, dans la séance du 16 germinal, se trouve confirmé dans V Essai sur la Vie de Camille Desmoulins, servant d’introduction à sa Correspondance, publiée par M. Matton aîné. Voyez p. 25.

[200] M. Matton, Essai sur la Vie de Camille Desmoulins, p. 25. — C’est ce chiffon qui, ramassé après l’audience, arriva aux mains de Lucile, et put être ainsi rangé au nombre des documents publiés par M. Matton.

[201] Compte rendu du procès. Histoire parlementaire, t. XXXII, p. 162.

[202] Voyez la déposition de Pâris, dans le procès de Fouquier. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 475.

[203] Dans le procès de Fouquier, il déclara n’avoir eu aucune connaissance de la lettre en question, et n’être entré dans la chambre des jurés que le 15, à neuf heures du matin, avant l’audience, pour leur apprendre que le Comité de salut public s’opposait à l’audition des témoins réclamés par les accusés. Voyez l’Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 477.  — De plus, la déclaration de Paris, en ce qui touche Hermann, se trouve formellement contredite par ce dernier, dans une lettre qu’il adressa à la Commission des vingt.et un, et qu’on trouve mentionnée dans la Réponse des membres de l'ancien Comité de salut public dénonces aux pièces communiquées par la Commission des vingt et un. Bibl. hist. de la Révol., 1100-1. (British Museum.)

[204] Voyez le procès de Fouquier. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 475 et 477.

[205] C’est ce qui nous a été expliqué par Souberbielle, un des jurés, nullement intéressé alors à donner cette couleur à sa conduite. Dans le procès de Fouquier, Hermann dit : Cette affaire était un procès extraordinaire et politique. (Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 150.) Plus loin, on trouvera la confirmation de ceci.

[206] Déposition de Pâris, ubi supra, Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 473.

[207] Déposition de Pâris, ubi supra, Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 473.

[208] Mémoires sur les prisons, t. II, p. 95.

[209] Hermann en convint dans le procès de Fouquier-Tinville. Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 151.

[210] Déposition de Wolf, commis greffier du Tribunal révolutionnaire, dans le procès de Fouquier-Tinville. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 452.

[211] Essai sur la Vie de Camille Desmoulins, servant d’introduction à sa Correspondance inédite, publiée par M. Matton aîné, p. 26.

[212] Révélations tirées des cartons des Comités de salut public et de sûreté générale, par Sénar, p. 99.

[213] Nouv. Tabl., 102.

[214] Essai sur la Vie de Camille Desmoulins, par M. Matton, p. 26.

[215] Essai sur la Vie de Camille Desmoulins, par M. Matton, p. 26.

[216] Essai sur la Vie de Camille Desmoulins, par M. Matton, p. 26.

[217] Précis justificatif et historique, par Vilain Daubigny, dans la Bibl. hist. de la Révol., 947-8. (British Museum.)

[218] Beaulieu, Biographie de Danton.

[219] Essai sur la Vie de Camille Desmoulins, par M. Matton, p. 27.

[220] Précis justificatif et historique, par Vilain Daubigny, p. 54.

[221] Histoire de la Révolution française, t. IX, livre XVII, chap. III, p. 184.