HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME DIXIÈME

LIVRE ONZIÈME

 

CHAPITRE PREMIER. — RÉGIME DE LA TERREUR

 

 

La Terreur ne fut pas un système. — Elle naquit de la situation même. — Ce furent les assemblées primaires qui prirent l’initiative de la Terreur. — Les terroristes, les modérantistes, les hommes de la fermeté sans fureur. — Comité de sûreté générale : les gens d'expédition, les écouteurs, les gens de contre-poids. — Jagot, Amar, Vadier Voulland, Louis (du Bas-Rhin), tous terroristes et ennemis de Robespierre. — Le Comité de sûreté générale opposé tout entier à Robespierre, à l’exception de David et de Lebas. — Guerre sourde du Comité de sûreté générale contre Robespierre. — Héron, bras de Vadier. Comités révolutionnaires. — Chaumette essaye vaine ment de s’en emparer. — Physionomie du Tribunal révolutionnaire ; son personnel. — Herman ; il n’était pas l’homme de Robespierre. — Dumas et Coffinhal. — Fouquier-Tinville ; sa cruauté, son éloignement pour Robespierre ; ses rapports avec le Comité de Salut public. — Jurés farouches. — Jurés humains. — Caractère atroce de Vilate. — Le menuisier Duplay. — La buvette du Tribunal révolutionnaire. — Calomnies réfutées. — Indemnité assurée aux accusés qu’on acquittait. — Scènes d’audiences caractéristiques. — Série de condamnations. — Exécutions de Manuel, des généraux Brunet, Houchard et Lamarlière, de Girey-Dupré, de Barnave, de Duport-Dutertre, de Kersaint, de Rabaud-Saint-Étienne, de madame du Barry. — Le Rougiff. — Les plus violents terroristes opposés à Robespierre. — Politique sévère, mais juste, recommandée par ce dernier. — Différence entre son langage et celui soit de Collot-d’Herbois, soit de Barère. — Mots de Chamfort, à propos du régime de la Terreur. — Hommages à l’innocence, une fois reconnue. — La Révolution inexorable, mais sincère.

 

On lit dans les Considérations sur la Révolution française, par madame de Staël :

Pendant les quatorze années de l’histoire d’Angleterre, qu’on peut assimiler à celle de France sous tant de rapports, il n’est point de période comparable aux quatorze mois de la Terreur. Qu’en faut-il conclure ? Qu’aucun peuple n’avait été aussi malheureux depuis cent ans que le peuple français. Si les nègres à Saint- Domingue ont commis bien plus d’atrocités encore, c’est, parce qu’ils avaient été plus opprimés[1].

De son côté, Charles Nodier a écrit :

En vérité, j’ai compris, depuis, que les événements sont bien plus forts que les caractères, et que si certains hommes ont brisé les peuples dans leur passage, c'est qu’ils ont été poussés par une puissance non moins irrésistible que celle qui déchire les volcans et précipite les cataractes[2].

 

Reportons-nous en effet aux circonstances d’où sortirent les plus terribles journées de la Révolution.

Au mois de juillet 1792, l’ennemi s’avance à pas pressés. Jarry, créature de Lafayette, a fait incendier, sous un vain prétexte, les faubourgs de Courtray ; et, laissant pour adieux aux Belges, nos frères, un monceau de ruines fumantes, l’armée française a repassé la frontière, sur l’ordre exprès de Luckner. De son côté, Lafayette, quittant ses troupes, est venu montrer, en pleine assemblée, aux représentants du peuple, la pointe de son épée et les menacer d’un autre Monk. Dumouriez, dans une lettre où il annonce l’occupation d’Orchies par l’ennemi, se plaint de manquer de vivres, d’argent, d’instructions. Vers le Rhin, quarante mille hommes vont avoir à soutenir le choc de deux cent mille Autrichiens, Prussiens et Hongrois, sans compter vingt-deux mille émigrés. À l’intérieur, la révolte court secouer ses torches de ville en ville. Sur quatre-vingt-trois directoires de département, la contre-révolution en possède trente- trois. C’est l’époque où, le sourire du triomphe sur les lèvres, Marie-Antoinette dit à madame Campan : Dans un mois, le roi sera libre, les princes seront à Verdun tel jour, tel autre jour le siège de Lille commencera. Mais ils ont retenti, les mots effrayants, les mots sauveurs : La pairie est en danger, et voilà la France entière debout. Parait un manifeste de Brunswick, déclarant que les habitants qui oseraient se défendre seront punis comme rebelles ; ah ! on prétend imposer un roi à la France ! Le soleil du 10 août 1792 se lève, et la royauté tombe renversée sur une montagne de morts[3].

Au mois de septembre de la même année, les périls n’ont fait que se multiplier, ils sont immenses ; Dumouriez, montrant sur la carte la forêt de l’Argonne, dit à Thouvenot : Voici les Thermopyles de la France. A Paris, Roland, dans un conseil rassemblé à la hâte, déclare qu’il faut partir, et Kersaint, qui arrive de Sedan, s’écrie : Oui, oui ; car il est aussi impossible que dans quinze jours Brunswick ne soit pas ici, qu’il l’est que le coin n’entre pas dans la bûche quand on frappe dessus. Aussi a-t-on vu des royalistes, le compas à la main, mesurer la distance qui sépare Verdun de la capitale. Or, pendant que les ministres agitent des projets de fuite ; pendant que, du haut de la guillotine, des condamnés s’annoncent comme allant être vengés par le soulèvement des prisons, l’égorgement des sentinelles et l’incendie de Paris ; pendant que les cachots se transforment en fabriques de faux assignats ; pendant que des proclamations ministérielles d’un vague effroyable font passer devant les yeux du peuple, à la fois épouvanté et furieux, le fantôme de la trahison ; pendant que Gorsas, révélant le plan des forces coalisées, et sonnant pour ainsi dire la trompette du jugement dernier, crie aux Parisiens : Vous serez conduits en rase campagne, et là on fera le triage : les révolutionnaires seront suppliciés, les autres — voile jeté sur leur sort — ; un grand cri s’élève : L’ennemi est à Verdun. Alors, saisis de celle idée fatale que la liberté entre dans son agonie ; que le flambeau porté par la France pour illuminer la terre, va lui être arraché et va s’éteindre sous les pieds des chevaux prussiens ; que la Révolution n’a plus de quartier à attendre ; que la justice se meurt, que la justice est morte, les esprits tombent dans un noir délire, qui se formule, ô deuil éternel ! par ces trois mots pleins de sang : Courons aux prisons ![4]...

Et maintenant, tournez un petit nombre de feuillets : quels événements déterminèrent les mesures formidables qui marquent le mois d’août et les premiers jours du mois de septembre 1795 ? Des événements dont le concours forme la situation la plus inouïe et la plus affreuse que l’histoire ait jamais léguée à la mémoire des hommes. Le midi de la France en feu, la Bretagne et la Normandie soulevées par les Girondins, la Lozère au pouvoir des royalistes, la Corse appelant les Anglais, Toulon à la veille de les recevoir, Lyon s’armant contre Paris.et lui jetant comme gage de bataille la tête de Chalier, les Vendéens victorieux, les Autrichiens maîtres de Condé, les Prussiens maîtres de Mayence, le duc d’York maître de Valenciennes, la coalition partout, et la Révolution se tordant à demi étouffée entre la guerre civile et la guerre étrangère, voilà ce qui amena, non pas tel ou tel homme, mais les huit mille députés des assemblées primaires à venir dire à la Convention : Il n’est plus temps de délibérer, il faut agir ; nous demandons que tous les suspects soient mis en arrestation. À quoi le président répondit : Que les mots que vous venez de proférer retentissent dans tout l’empire comme le tonnerre de la vengeance et de la destruction ! Danton ne fit donc que constater un fait impossible à nier, lorsqu’il s’écria dans cette même séance (12 août 1795) : Les députés des assemblées primaires viennent d’exercer parmi vous l’initiative de la Terreur[5].

Non, non, le gouvernement de la Terreur ne fut point le produit d’un système ; il sortit, tout armé et fatalement, des entrailles de la situation : les injustices du passé l’avaient conçu, les luttes prodigieuses et les périls sans exemple du présent l’engendrèrent.

Et voici ce qui arriva.

Ceux dont la Terreur servait les passions ou flattait le caractère farouche y cherchèrent un abominable point d’appui. Ainsi firent Hébert, Ronsin, Fouché, Collot-d’Herbois, Carrier.

Ceux en qui un penchant naturel à la clémence s’associait à des convictions fatiguées reculèrent, pour fuir la vue de l’échafaud, jusqu’à la contre-révolution. Ainsi firent Danton et Camille Desmoulins.

Enfin, il y eut ceux qui, voulant que la Dévolution divorçât avec la fureur sans rien perdre de son énergie, se prononcèrent à la fois, et contre le modérantisme, qui est à la modération ce que l’impuissance est à la chasteté, et contre l’excès, qui ressemble à l’énergie comme l’hydropisie à la santé[6]. J’ai nommé Robespierre, Saint-Just et Couthon.

Les faits vont mettre en lumière ces points, qu’on s’est trop plu à obscurcir. Au premier rang des grandes agences de la Terreur se place le Comité de sûreté générale, qui avait la direction de la police et le redoutable maniement de la loi des suspects. Ses membres étaient Moyse Bayle, Élie Lacoste, la Vicomterie, Dubarran, Jagot, Amar, Vadier, Voulland, David, Lebas, Louis (du Bas-Rhin). Selon Senar, qui fut admis au Comité de sûreté générale en qualité de secrétaire-rédacteur, ce Comité se divisait en trois parties :

Celui des gens d’expédition, composé de Vadier, Voulland, Amar, Jagot, Louis (du Bas-Rhin) ;

Celui des écouteurs, composé de David et Lebas ;

Celui des gens de contre-poids, composé de Moyse Bayle, la Vicomterie, Élie Lacoste et Dubarran[7].

Or le premier de ces trois partis appartenait sans réserve au génie de la Terreur.

Jagot, homme d’une brutalité effrayante, appelait la prison un habit de pierres de taille. C’était, dit Senar, un fagot d’épines qui se délie[8].

Amar, sous un extérieur faux et un langage insidieux, cachait une âme cruelle. Il avait à ses ordres la voilure du comité, son principal soin était d’aiguillonner l’ardeur du tribunal révolutionnaire. Dans son salon, transformé en sérail, se réunissait chaque matin un groupe de jolies femmes, dont l’une lui présentait un placet, une autre des Heurs, cl devant lesquelles il se montrait tour h tour grave, sensible et badin[9]. Un odieux mélange d’orgueil, de barbarie et de lâcheté caractérisait Vadier. Il plaidait contre l’admission des moyens justificatifs comme une partie intéressée, avait baptisé la guillotine le vasistas, et prenait plaisir à y entendre éternuer dans le sac[10].

Quand la colère, à laquelle il était sujet, prenait Voulland, on le voyait frapper du poing sur la table, sauter en l’air ; on eût dit un pantin furieux. Le mot qui, sur ses lèvres, exprimait un vole de sang était : tête rasée, tête grippée[11]. Le jour d’une exécution, apercevant le convoi, il dit à ses voisins : Partons, allons voir célébrer la messe rouge[12].

Louis (du Bas-Rhin) était implacable et hypocrite[13].

Tels furent peints de la main de Senar, rédacteur-secrétaire du Comité, les hommes en qui la Terreur eut ses suppôts les plus actifs, et Robespierre ses plus dangereux ennemis.

La faiblesse est presque toujours complice de la violence. Les Vadier, les Amar, les Voulland, les Jagot, n’eurent donc pas de peine à dominer Moyse Bayle, la Vicomterie, Élie Lacoste, Du bar rail, de sorte que, dans ses efforts pour faire prévaloir une politique également exemple de pusillanimité et de violence, Robespierre se trouva avoir contre lui tout le Comité de sûreté générale, à l’exception de deux membres, le peintre David et Lebas.

Encore Lebas était-il le seul par qui la pensée de Robespierre pût être représentée d’une manière sérieuse. Car David, nature volcanique, se laissait volontiers emporter aux extrêmes ; quel que fût son respect pour le grave génie du premier des Jacobins, le grand et véritable objet de son admiration avait toujours été l’ami du peuple ; et lorsqu’il s’écriait : Broyons, broyons du rouge[14], c’était évidemment le souvenir de Marat qui l’obsédait.

Un fait montre jusqu’où allait l’animosité du Comité de sûreté générale contre Robespierre. Senar se plaignant un jour de ce qu’on n’avait pas fait arrêter Tal- lien, Moyse Bayle lui répondit : Tallien a commis tant de crimes, que de cinq cent mille têtes, s’il les avait, il n’en conserverait pas une ; mais il suffit qu’il ait été attaqué par Robespierre, pour que nous gardions le silence[15]. La guerre continua ainsi jusqu’au 9 thermidor, guerre sourde et pleine d’hypocrisie, mais d’autant plus dangereuse. Robespierre ne pouvait s’y méprendre ; il sentit que le Comité de sûreté générale travaillait ardemment à le renverser, et il essaya de conjurer le péril en opposant au pouvoir de ses ennemis un Bureau de police générale ; mais lorsqu’il eut recours à cette mesure, il était trop tard ; déjà s’entr’ouvrait sous ses pieds l’abîme où lui et la Révolution, qu’il tenait étroitement embrassée, disparurent engloutis. L’assassin privilégié du Comité de sûreté générale était Héron. Chargé des arrestations et toujours accompagné de sbires qu’on désignait sous le nom de héronistes, cet homme était l’effroi des familles. Il se souilla, s’il en faut croire Senar, de toutes sortes de cruautés et de rapines, Il portait un couteau de chasse que maintenait un ceinturon blanc et qu’il cachait quelquefois sous son habit ; une rangée de petits pistolets brillait à sa ceinture ; des espingoles portatives sortaient de ses poches de côté ; lorsqu’il marchait, c’était une artillerie complète. On l’appelait le chef[16]. Fils d’un fourrier des écuries de la mère de Louis XVI, lui-même avait été fourrier des écuries du comte d’Artois[17]. La Révolution, qui fil tant de héros et de martyrs, fit aussi des tyrans : Héron fut du nombre des tyrans subalternes. En lui s’incarna, sous sa forme la plus brutale et la plus grossière, l’esprit qui animait les meneurs du Comité de sûreté générale. Héron fut le bras de Vadier.

Loin d’être, comme Senar le dit quelque part, le bouledogue de Robespierre, Héron n’eut jamais aucune espèce de relation ni avec Robespierre ni avec ses amis. Lorsque le 20 mars 1794, Bourdon (de l’Oise) attaqua Héron, dans le but de rendre les Comités odieux, ses défenseurs furent Vadier et Moyse Bayle. Couthon s’exprima en ces termes : Je ne connais point Héron, je ne l’ai jamais vu ; mais le Comité de sûreté générale, instruit de l’arrestation que vous aviez décrétée, est venu en faire part au Comité de salut public, et nous a déclaré que la République devait à Héron d’avoir découvert et atteint de grands conspirateurs[18]. À son tour, après avoir annoncé qu’il ne parlerait pas de Héron personnellement, Robespierre déclara qu’il ne résultait rien contre lui des informations qu’on avait prises auprès de l’accusateur public[19]. Si donc Héron échappa, celle fois, à un décret d’arrestation, ce fut à la suite d’une démarche spéciale du Comité de sûreté générale, et précisément parce que Robespierre et Couthon furent trompés sur le compte de cet homme, qu’ils ne connaissaient pas, son despotisme s’exerçant dans les bas-fonds de la police[20].

Au-dessous du Comité de sûreté générale et soumis à sa surveillance, fonctionnaient les Comités révolutionnaires.

Créés par la Convention, le 21 mars 1795, sur la motion de Jean Debry cl investis, le 17 septembre de la même année, du droit de faire arrêter les suspects, ils étaient nommés par le peuple dans les sections[21]. Le nombre de ces comités dans toute la France devait s’élever, d’après la loi, jusqu’à quarante-cinq mille : le nombre de ceux qui furent en activité atteignit le chiffre déjà bien assez considérable, de vingt et un mille cinq cents[22]... Vingt et un mille bras donnés au gouvernement de la Terreur !

Mais telle était la fatalité de la situation, que Barère put dire : Il n’y a pas eu de décret plus franchement voté, plus unanimement consenti, que celui par lequel la Convention ordonna, le 17 septembre, aux comités révolutionnaires de faire arrêter les gens suspects[23]. Un pareil pouvoir était un levier trop puissant pour que les divers partis qui divisaient la République ne cherchassent point à s’en emparer. Les hébertistes, qui dominaient la commune de Paris, tentèrent à cet égard un effort désespéré. Le 1er décembre, sous prétexte que Paris ne pouvait se sectionniser sans inconvénient, et qu’il fallait mettre un frein aux excès de l’arbitraire local, Chaumette, dans un véhément réquisitoire, demanda qu’il fut enjoint aux comités révolutionnaires de communiquer avec le conseil de l’Hôtel de Ville en tout ce qui tenait aux mesures de police et de sûreté[24]. C’était demander que la direction des coups à frapper passât du Comité de sûreté générale à la commune, et qu’on mît aux mains de celle-ci un pouvoir qui, en fait, lui eût subordonné, non-seulement la Convention, mais le Comité de salut public. C’est ce que chacun comprit. Vainement Chaumette s’était-il étudié à masquer son but en exaltant la Montagne, en protestant de son respect pour elle, et en s’écriant : Rallions-nous autour de la Convention ! L’habile humilité de ces hommages ne lit que provoquer, de la part du gouvernement, un acte de vigueur qui coupa court à toute entreprise ultérieure.

Donnant suite au réquisitoire de Chaumette, le conseil de la commune avait convoqué pour le 4 décembre (14 frimaire) tous les membres des comités révolutionnaires : ce jour-là, Billaud-Varenne paraît à la tribune de la Convention, y fait ironiquement l’éloge de la sensibilité qui a inspiré à Chaumette son réquisitoire, et conclut à l’annulation d'un arrêté qu’il déclare à la fois pernicieux et contraire au décret du 17 septembre. Ses conclusions sont adoptées. Puis, sur la proposition de Barère, l’assemblée prononce défense expresse à toute autorité constituée de convoquer les comités révolutionnaires, et, sur la proposition de Charlier, décrète dix ans de fers contre les délits de celle espèce[25]. Pendant ce temps, les comités révolutionnaires se réunissaient à l’Hôtel de Ville. Le décret que la Convention vient de rendre y est apporté ; et aussitôt, prenant la parole, Chaumette invite les membres convoqués à se retirer par obéissance à la loi[26]. Tout fut dit, et les comités révolutionnaires continuèrent de correspondre avec le Comité de sûreté générale. Une autre agence de la Terreur, c’était le Tribunal révolutionnaire. Divisé en quatre sections, il se composait de seize juges, y compris les présidents et vice-présidents, et de soixante jurés, auxquels une indemnité de dix-huit livres par jour était allouée[27]. Le président fut Herman, elle vice-président Dumas. Fouquier-Tinville, on l’a vu, remplissait les formidables fonctions d’accusateur public. Parmi les juges figuraient Coffinhal, Foucault, Dobsen, Sellier, Harny, Maire ; et, parmi les jurés, Vilate, l’auteur des Causes secrètes de la Révolution au 9 thermidor ; Brochet, un des séides de Marat ; le limonadier Chrestien ; Nicolas, imprimeur ; Gérard, orfèvre ; Trinchard, menuisier ; Topino-Lebrun et Prieur, peintres ; Renaudin, luthier ; Leroy, surnommé Dix-Août ; le chirurgien Souberbielle ; Duplay, l’hôte de Robespierre[28].

Quelques mots sur le personnel de ce Tribunal fameux. Herman était fds d’un homme de probité et de savoir, qui avait été greffier en chef des Etats d’Artois. Compatriote de Robespierre, Herman, après être entré dans la congrégation de l’Oratoire, où il resta peu de temps, avait acheté, jeune encore, la charge de substitut de l’avocat général du conseil supérieur d’Artois. Il l’occupa jusqu'en 1789, et y montra autant d’intégrité que de talent[29]. Il avait tous les dehors de la sensibilité, et beaucoup de ses actes répondirent à ces apparences[30]. Nommé, plus lard, commissaire des administrations civiles, il signala son entrée en fonctions par une conduite et une correspondance où respiraient les principes d’une philanthropie si aimable cl d’une justice si exacte, que, ne pouvant à cet égard qu’obscurcir la vérité, ses ennemis, devenus vainqueurs, furent réduits à le taxer d’hypocrisie[31]. Les crimes qu’à une époque de réaction furieuse ils lui reprochèrent, par l’organe du dantoniste Thirriet-Grand-Pré, étaient : d’avoir établi îles inspecteurs pour s’assurer de la ponctualité des employés[32] ; d’avoir diminué les traitements[33] ; d’avoir interdit l’entrée des bureaux aux femmes qui, par leur mise et leurs manières, n’annonceraient pas être de la classe respectable du peuple[34] ; en d’autres termes, d’avoir éloigné les jolies solliciteuses ! Quant à sa part de responsabilité dans les actes qui se rattachent à l’affaire de la conspiration des prisons, nous verrons à quoi elle se borne quand nous en serons là. Ce qu'il importe de constater, pour le moment, c’est qu’il est faux, en tout cas, qu’Herman fût, comme on l’a tant dit, l’homme de Robespierre[35].

Que ce dernier regardât Herman comme un homme probe et éclairé, c’est certain[36] ; qu’il l’ait indiqué à la Convention pour le poste de président du Tribunal révolutionnaire, c’est possible, probable même, quoique non démontré. Mais en cela Robespierre avait si peu l’idée de se donner un instrument, qu’Herman ignora toujours à qui il était redevable de sa nomination. Voici ce qu’il a écrit lui-même à ce sujet, dans un temps et un milieu où il eût été bien facile de le confondre, s’il eût trahi la vérité. J'ignore qui m’a indiqué pour le Tribunal révolutionnaire. Je le jure dans toute la sincérité de mon âme, et je ne voudrais pas racheter ma vie par un mensonge. Il a écrit encore : J’affirme que, durant huit mois que j’ai été au Tribunal révolutionnaire, je ne suis allé que deux fois chez Robespierre, quoiqu’il fût de la même ville que moi, et que je l’eusse quelquefois rencontré à Arras, sans avoir été jamais lié avec lui. Et plus loin : Durant les quatre mois que j’ai été commissaire des administrations civiles, quoique voisin de la maison qu’habitait Robespierre, je suis allé trois fois chez lui seulement, par occasion, parce qu’on m’y a mené ; et je jure que jamais un mot confidentiel ne m’a été dit[37]. Il est à remarquer que, dans le procès où Herman fut impliqué par la contre-révolution victorieuse, ses ennemis n’eurent pas un seul fait à opposer aux déclarations qu’on vient de lire[38].

Le vice-président Dumas, un de ceux qu’emporta la tempête de thermidor, a eu le sort qui attend tous les vaincus dont l’histoire n’est écrite que par les vainqueurs : il a été beaucoup attaqué sans avoir été en position, soit d’être défendu, soit de se défendre. Ce qui est certain, c’est que, dans un moment où les plus fermes pouvaient pâlir, il déploya un courage qui, s’il ne dément pas la violence attribuée à son caractère, témoigne au moins delà sincérité de ses convictions et de la force de ses attachements personnels.

Même justice est due à Coffinhal, esprit fougueux cl entreprenant, âme intrépide dans un corps d’Hercule. Ancien procureur au Châtelet, Coffinhal ressemblait moins à un juge qu’à un soldat. Il avait une haute stature, un teint jaune, des yeux noirs couverts d’épais sourcils[39]. Sa place eût été sur les champs de bataille, si les champs de bataille alors n’eussent été partout.

Pour connaître Fouquier-Tinville, il suffisait de le voir. Tête ronde, cheveux noirs et unis, front blême, petits yeux chatoyants, visage plein et grêlé, taille moyenne, jambe assez forte, regard tantôt fixe, tantôt oblique, tel était l’homme extérieur[40]. Quand il allait parler, il fronçait le sourcil. Sa voix rude passait soudain de l’aigu au grave ; elle avait, pour les accusés, le son de la hache sur le billot. Fouquier-Tinville était fils d’un cultivateur d’Hérouelles, village situé près de Saint-Quentin. Procureur au Châtelet comme Coffinhal, il avait, en 1781, composé des vers à la louange de Louis XVI[41]. D’abord juré du Tribunal révolutionnaire, puis accusateur public, il fut, à Paris, le représentant de ce génie exterminateur qui allait se personnifier clans Collot-d’Herbois et Fouché à Lyon, et dans Carrier à Nantes. Son opinion était presque toujours la mort. Il avait de tels accès d’impatience sanguinaire, qu’il faisait préparer à l’avance les jugements, la guillotine et les charrettes[42]. Un détenu avant réclamé sa liberté, Fouquier-Tinville le fil mettre en jugement, sur ce qu’il fallait le satisfaire, puisqu’il était si pressé[43]. En certaines circonstances, il résulta de ses hâtives fureurs qu’il y eut substitution de personnes[44]. Quelquefois, il laissait sans les ouvrir des paquets que lui avaient adressés les détenus et qui contenaient des pièces à décharge : on trouva de ces paquets chez lui, après son arrestation[45]. Un jour, un huissier ayant reçu l’ordre d’aller chercher au Luxembourg une citoyenne Biron, et lui étant venu dire qu’il avait trouvé deux femmes de ce nom : Eh bien, s’écria-t-il, amène-les toutes les deux ; elles y passeront[46]. Il se plaignait souvent de ce que les huissiers n’allaient pas assez vile en besogne : Vous n’êtes point au pas, leur disait-il ; et il ajoutait, en parlant des accusés : Il m’en faut deux à trois cents par décade[47]. On l’entendit rugir, à certains acquittements[48]. De là le cri que, plus tard, poussa Fréron, qui lui-même avait bu tant de sang : Je demande que Fouquier-Tinville aille cuver dans les enfers tout le sang dont il s’est enivré[49]. Désigné enfin à son tour pour être la proie de cette guillotine dont il avait été le pourvoyeur, Fouquier-Tinville attendit son sort avec un front d’airain. Pendant le résumé de l’accusateur, il feignit de s’endormir, ou s’endormit[50].

Et toutefois, cet implacable ministre de la Terreur ne fut pas sans ouvrir quelquefois son cœur à la pitié, tant la nature de l’homme est complexe ! Lui qui poussa la barbarie jusqu’à ordonner qu’on lui amenât des prisonniers, malades, sur des brancards, on le vit recevoir avec beaucoup d’humanité des pères de famille éplorés qui venaient réclamer leurs enfants mis en prison[51]. Il lui arriva de soulager les malheureux détenus[52]. Il lui échappa de dire qu’il aimerait mieux labourer la terre que d’être accusateur public[53]. Directeur du jury au tribunal du 17 août, il s’était conduit avec franchise, intégrité et humanité[54]. Au mois d’avril 1795, les généraux Harville, Bouclier et Froissac ayant été décrétés d’accusation par la Convention, Fouquier-Tinville, après un examen attentif du dossier, reconnut qu’il n’y avait pas lieu à les poursuivre, décida qu’en dépit du décret il s’abstiendrait, et eut le courage de le déclarer dans une lettre publique[55]. On a prétendu qu’il avait coutume d’entrer dans la chambre des jurés pour les influencer : mensonge de la haine[56] ! Il n’est pas vrai non plus qu’il eût coutume de se livrer à des orgies avec les membres du Tribunal, au sortir des audiences[57]. On lui imputa des malversations : autre calomnie ! A la veille de monter sur l'échafaud, il put écrire : J’avais cinquante mille livres de patrimoine avant la Révolution : aujourd’hui, j’ai pour tout patrimoine une femme et cinq enfants[58]. Fouquier-Tinville n’eut jamais de relations qu’avec les Comités de salut public et de sûreté générale, et cela dans le lieu de leurs séances. II s’y rendait chaque soir entre dix et onze heures, remettait la liste des jugements prononcés dans le jour, faisait part des actes du tribunal aux membres présents, et recevait leurs instructions[59]. Il n’avait de rapports particuliers ni avec Robespierre, qu’il n’aimait pas, ni avec Saint-Just. Pour ce qui est de Couthon, c’est à peine s’il le connaissait personnellement, attendu que Couthon ne paraissait jamais le soir au Comité[60]. Un fait curieux et qui montre jusqu’à quel point Fouquier-Tinville était étranger au parti que représentaient Robespierre, Couthon et Saint-Just, c’est que, lorsque Robespierre fit établir le Bureau de police générale, Fouquier-Tinville n’en fut pas informé autrement que le public. Aujourd’hui encore, écrivait-il lors de son procès, j’ignore dans quel lieu du Comité ce bureau était situé[61].

Les membres les plus farouches du tribunal révolutionnaire, après l'accusateur public, étaient Trinchard, Leroy, surnommé Dix-Août, Brochet, Chrestien, Renaudin, Gérard, Prieur, Vilate. C'étaient là les jurés solides, ceux  dont on se servait pour ces condamnations collectives que, dans son affreux langage, Fouquier-Tinville appelait des feux de file[62].

Leroy était un marquis, le marquis de Montflabert[63]. Il avait l’oreille un peu dure ; mais il tenait à siéger !

Brochet était l’auteur de la prière : Ô sacré cœur de Jésus ! Ô sacré cœur de Marat ![64]

Renaudin se considérait comme l’instrument aveugle de la loi. Lorsque la contre-révolution, triomphante, le conduisit à la Conciergerie, il dit : Je n’étais que la hache dont on se servait ; on ne peut pas faire le procès à la hache[65].

Chrestien tenait un café où se réunissaient les plus violents d’entre les Jacobins, Excellent patriote, courageux et franc[66], mais exalté jusqu’au délire, il gouvernait despotiquement la section Lepelletier[67].

Prieur passait le temps des débats à faire en caricature le portrait des accusés dont la physionomie l’avait frappé. En les regardant, il disait : Celui-ci est de l’anisette de Bordeaux ; celui-là est de la liqueur de M. Amphoux[68].

Vilate était un prêtre[69].

La Terreur n’eut pas d’agent comparable à cet homme, auteur d’un livre où il anathématise la Révolution, au nom de l’humanité. Il avait pris le nom de Sempronius Gracchus. Quand Robespierre le vit pour la première fois, c’était dans la compagnie de Barère. Quel est ce jeune homme ? demanda-t-il. Barère ayant répondu : Il est des nôtres ; c’est Sempronius Gracchus, Robespierre répliqua vivement : Sempronius Gracchus, un des nôtres ! Vous n’avez donc pas lu le Traité des offices ? L’aristocrate Cicéron, afin de rendre odieux le projet des deux Gracques, exalte les vertus du père, et traite les enfants de séditieux[70].

La sagacité de Robespierre, en cette occasion, ne s’était point démentie : Vilate fut un double apostat ; et il n’est pas sans intérêt de constater ici quels sont ses litres à la confiance de ceux qui le considèrent comme une autorité historique irrécusable ! Son acharnement contre les accusés était tel, que, lorsque les débats lui paraissaient durer trop longtemps, il marquait son impatience par des postures indécentes ou des propos atroces. Il se promenait dans la salle des témoins pendant que ses collègues étaient en délibération, assurant qu’il était toujours convaincu. Un jour, il eut l’impudeur de dire à Dumas, qui présidait l’audience : Voici l’heure du dîner ; les accusés sont doublement convaincus, car en ce moment ils conspirent contre mon ventre[71]. Brochet, Leroy, Trinchard, Chrestien, Prieur, furent des terroristes impitoyables, mais sincères ; et leur attitude, à deux pas de la mort, prouva l’énergie de leurs convictions : Vitale fut un sceptique sans entrailles. Quand vint le moment suprême, on ne l’entendit point dire, comme Prieur : J’ai jugé selon mon opinion ; je n’en dois compte à personne ; ou, comme Trinchard : Si l’on appelle solides ceux qui ont servi la patrie, je suis solide ; ou, comme Leroy : J’ai jugé en mon âme et conscience ; ma tête est prête ; ou, comme Chrestien : Nous sommes prêts[72]. Vilate, devant l’échafaud, joua le remords, pour sauver sa tête[73], que celle lâche comédie n’a point sauvée.

Si, parmi les membres du Tribunal révolutionnaire, il y en eut d’inflexibles, il y en eut d’autres en qui le culte de l’humanité s’associa toujours au sentiment de la justice.

Sur la sensibilité de Naulin, de Sellier, de Maire, de Harny, les témoignages abondent[74].

Naulin mettait la plus grande fermeté à heurter de front ceux de ses collègues dont les opinions, trop dures, auraient pu nuire à la défense des accusés[75].

Maire et Harny, lorsque l’évidence des preuves les amenait à voter la mort, furent quelquefois aperçus versant des larmes[76].

Villam d’Ambigu y, appelé à déposer sur Châtelet, s’exprima en ces termes : Je connais Châtelet depuis longtemps ; il n’est personne qui, le connaissant, ne rende comme moi justice à sa bonté, à son patriotisme, surtout aux sacrifices qu’il n’a cessé de faire, depuis les premiers instants de la Révolution, pour obliger ses frères et secourir l’infortune[77].

Nous avons déjà eu occasion de parler du menuisier Duplay. Quand la Révolution éclata, Duplay, un des protégés de madame Geoffrin, possédait une fortune d'environ quinze mille livres de rente en maisons[78]. On ne saurait donc le soupçonner d’avoir cherché dans les troubles de son pays un moyen de s’enrichir. Voici son portrait, tracé par un des plus violents adversaires du parti auquel il se dévoua : J’ai toujours vu Duplay bon père, bon mari, d’une probité sûre, d’un caractère doux et indulgent, incapable de ployer sa probité aux caprices de quelques ambitieux[79]. A quelles qualités Robespierre dut-il l’attachement de Duplay et de toute sa famille ? Un homme qui, mieux que personne, fut dans le secret de cet attachement, a répondu : A la douceur de son caractère, à la facilité de son commerce et à la bonté de son cœur[80]. Duplay recevait chez lui Camille Desmoulins, Buonarotti, Lebas. Ce dernier, amateur passionné de la musique italienne, se faisait souvent entendre dans ces réunions intimes, où Buonarotti tenait le piano. Lorsque la soirée n’était point consacrée à la musique, elle l’était à la lecture des plus belles tragédies de Racine, que Lebas et Robespierre déclamaient avec beaucoup d’âme[81].

Duplay n’avait accepté qu’avec répugnance les fonctions de juré au Tribunal révolutionnaire. Il les exerça rarement, et n’assista ni au jugement de Marie-Antoinette ni .à celui de Madame Elisabeth. Un jour qu’il avait siégé comme juré, son hôte lui demanda vaguement ce qu’il avait fait au Tribunal. Maximilien, lui répondit-il, jamais je n’ai cherché à connaître ce que vous faites au Comité de salut public. Robespierre, sans répliquer, lui serra affectueusement la main[82]. De tous les jurés qui figurèrent dans le procès intenté à Fouquier-Tinville, il n’y en eut qu’un d’acquitté, à la fois sur le fait et sur l’intention : ce fut l’hôte, l’ami, l’admirateur passionné de Robespierre ; ce fut Duplay ![83]

Nous compléterons ce tableau du Tribunal révolutionnaire par une citation qui répond à deux calomnies :

Prieur ne buvait pas de vin ; Vilate ne prenait que du lait ; Trinchard prenait du café ou du chocolat ; les autres jurés ne buvaient le matin qu’un carafon ; le soir, ils avaient une bouteille de vin. Lorsque le garçon portait un bouillon dans la chambre des jurés, il sortait aussitôt. Je n’ai pas connaissance qu’il soit entré des étrangers dans cette chambre pendant les délibérations. Ganney, pour qu’on n’entendît pas, ôtait la clef de la porte qui est dans l’escalier[84].

Voilà à quoi se réduit l’histoire des orgies dont la buvette du tribunal était le théâtre, et des influences étrangères qui pesaient sur les délibérations de ses membres !

Une chose bien digne de remarque, c’est que les hommes delà Révolution sont les seuls qui aient compris qu’un dédommagement est dû aux victimes de poursuites injustes. Un décret spécial assurait aux accusés qu’on acquittait une indemnité proportionnée à la durée de leur détention[85].

Il est juste aussi de reconnaître que, souvent, le Tribunal révolutionnaire fut le théâtre de scènes où la jus- lice et la vérité reçurent de solennels hommages. Un jour, un vieillard, nommé Delhorre, et sa femme sont traduits devant le sombre aréopage pour propos tendant au rétablissement de la royauté et à l’avilissement des pouvoirs constitués. Le fait ne fut pas prouvé : verdict d’acquittement. Mais voilà qu’à leur tour les témoins sont accusés de faux témoignages. Tous les assistants frémissent d’horreur. Le Tribunal ordonne sur-le-champ que les témoins soient arrêtés pour être jugés sans délai. La femme de Delhorre, saisie d’un mouvement de compassion généreuse, implore la grâce de ses calomniateurs. L’auditoire est ému, les larmes coulent ; mais le peuple demande justice et applaudit à la sentence du Tribunal en criant : Vive la République ![86]

Du 24 brumaire (14 novembre) au 11 nivôse (31 décembre), les principaux personnages que condamna le Tribunal révolutionnaire furent Manuel, les généraux Brunet et Houchard, Girey-Dupré, le général Lamarlière, Barnave, Duport-Dutertre, Kersaint, Rabaud Saint-Etienne, la du Barry, Biron.

La condamnation de Manuel fut motivée sur ce qu’il avait facilité l’évasion du prince de Poix, sur ce qu’il s’était opposé à l'incarcération de la famille royale au Temple, sur ce qu’il avait hautement gémi de la sentence rendue contre Louis XVI, et, chose remarquable ! sur ce qu’il avait trempé dans les massacres de septembre[87]. Il mourut sans courage[88].

Tout autre se montra devant l’échafaud le général Brunet. Mais ce n’était pas le sentiment de son innocence qui pouvait fortifier son cœur, car des pièces produites et de ses propres lettres résulta la preuve que, non content do refuser d’envoyer cinq bataillons contre les rebelles de Toulon et de Marseille, il avait entretenu avec eux une correspondance suivie[89].

Contre Houchard, il pouvait y avoir des apparences, il n'y avait pas de preuves. Esprit timide, âme intrépide, ses hésitations à Hondschoote ne démontrent nullement qu’il y fut vainqueur malgré lui, et les autorités militaires ne s’accordent pas sur le point de savoir s’il lui eût été possible, après la victoire, de jeter les Anglais dans la mer[90]. En tout cas, une faute n’est pas un crime ; et, quant aux trois millions que le duc d'York aurait promis à Houchard si ce dernier lui laissait prendre Dunkerque, il faudrait, pour établir historiquement un fait de cette importance, autre chose qu’un propos de table tenu devant Levasseur[91]. La défense de l’infortuné général fut d’une simplicité touchante et forte : J’ai toujours été attaché aux succès de la Révolution française. De simple lieutenant, devenu général en chef, quel intérêt avais-je à trahir la nation, à passer à l’ennemi ? Il m’aurait haché par morceaux pour tout le mal que je lui avais fait. J'ai pu commettre des fautes ; quel général n’en commet pas ? Mais je ne suis point un traître. Les jurés méjugeront selon leur conscience : la mienne est pure et tranquille[92]. Malheureusement pour l’accusé, l’idée alors dominante était que la Révolution périrait le jour où la hache aurait cessé de faire contre-poids à l’épée ; et cette crainte, qui conduisait si facilement au soupçon, rendait le soupçon impitoyable. Houchard avait été transféré à la Conciergerie le 9 novembre ; le 15, il comparaissait devant le Tribunal ; le 16, il était mort.

Ici, un rapprochement se présente. Dans la séance du 7 août, c’est-à-dire un peu plus de trois mois auparavant, le général Aubert Dubayet avait été appelé à la barre de la Convention pour y raconter le siège de Mayence. On l’annonce, il entre, et sa présence est le signal des plus vifs transports. Plusieurs députés, courant à lui, le serrent dans leurs bras. Maure demande que le président lui donne le baiser fraternel, au nom de la République, et c’est ce que Danton, qui présidait, s’empresse de faire, au milieu d’un attendrissement universel[93].

Ainsi, les grandes défiances de la Révolution à l’égard des hommes d’épée ne l’empêchaient pas d’offrir les plus belles de ses couronnes civiques à ceux d’entre eux dont la fidélité était sans nuage ; et si, en poursuivant la trahison, il lui arriva de s’égarer, que de fois sa lourde main ne s’abaissa-t-elle pas sur des coupables ? Un écrivain royaliste assure que le général Lamarlière. dont la condamnation suivit de près celle du général Houchard, fut traduit au Tribunal révolutionnaire sur un chef d’accusation ridicule, savoir : la lettre d’un émigré adressée à une inconnue[94]. Rien de plus inexact ; les charges, au contraire, étaient accablantes. Ou l’accusait d’avoir voulu livrer Lille à l’ennemi, et d'avoir préparé le succès de cette horrible trahison : en faisant ouvrir les portes à toutes les heures de la nuit, sans égard aux représentations du commandant de la place, que Custine lui avait irrégulièrement subordonné ; en accumulant un grand nombre de prisonniers dans la citadelle, malgré la faiblesse de la garnison et la rareté des vivres ; en souffrant que des parlementaires ennemis fussent introduits sans avoir les yeux bandés ; en logeant dans la citadelle, avec liberté de la parcourir, un aide de camp et un trompette ennemis, soupçonnés d’être des espions ; en s’abstenant de transmettre au commandant de la place la série des mots d’ordre ; en parlant de faire sortir de la ville une portion considérable de l’artillerie, au moment même où il s’apprêtait à fortifier les trois faubourgs de Lille et à distribuer ainsi sur trois points une garnison que son exiguïté y eût livré à une destruction certaine. Ce n’étaient certes pas là de légers griefs ; et leur réalité fut établie par la correspondance de l’accusé, par les témoignages écrits des généraux Favart et Dufrêne, par celui de l’adjudant général Merlin-Lejeune, enfin par les témoignages oraux des représentants du peuple Duchêne et Lesage-Sénault, qui l’un et l’autre avaient été en mission auprès de Lamarlière[95].

Pour ce qui est de Girey-Dupré, de Barnave, de Kersaint, de Rabaud-Saint-Étienne, qui furent frappés successivement par le Tribunal révolutionnaire, dans les derniers jours de novembre cl au commencement de décembre, c’étaient de généreux esprits, et leur sort a droit à la pitié ; mais comment taxer la Révolution de cruauté froide cl d’iniquité, lorsqu’on rapproche les causes de leur condamnation des circonstances où elle fut prononcée ?

De tous les Girondins, pas un n’avait fait d’aussi brûlants appels à la guerre civile que Girey-Dupré, pas un n’avait sonné la charge contre la Montagne avec plus de fureur[96]. C’était lui qui, transformant Danton en complice de Cobourg, tonnant contre un triumvirat qui n’exista jamais, et, jetant en Bretagne une torche allumée, avait en ces termes pressé la province de marcher sur Paris :

Quoi ! sur cette place fameuse

Qui fume encor du sang breton.

On verrait la troupe hideuse

Et de Cobourg et de Danton !

Brisons les sceptres sanguinaires

D’un triumvirat criminel.

Au rendez-vous du Carrousel,

Nous allons embrasser nos frères[97].

On sait quel fut le résultat de ces excitations néfastes. Arrêté à Bordeaux, où il était allé attiser la révolte départementale, Girey-Dupré fui conduit à Paris, et comparut devant le Tribunal révolutionnaire, le 1er frimaire (21 novembre). Sa défense ayant consisté à désavouer toute participation à l’insurrection girondine, il est permis de mettre en doute cette réponse que lui prête, au sujet de Brissot, Riouffe, qui était alors en prison : Brissot a vécu comme Socrate ; il est mort comme Sidney[98]. Quoi qu’il en soit, Girey-Dupré, à ses derniers moments, déploya le même courage et la même violence de caractère qu’il avait apportés dans sa lutte contre la Montagne. La charrette qui le conduisait à la guillotine ayant passé devant la maison de Duplay, et le hasard ayant voulu qu’en cet instant les filles du menuisier se trouvassent à la fenêtre, il se mil à crier : À bas les tyrans ! à bas les dictateurs ! et répéta cette exclamation jusqu’à ce qu’il eût perdu la maison de vue[99].

Huit jours après, le 9 frimaire (29 novembre), Barnave fut appelé, à son tour... Nul n’avait été plus avant que lui dans la faveur populaire ; nul n’avait travaillé plus ardemment que lui à saper les fondements de l’ancienne monarchie. Mais il n’était pas encore à mi-chemin que la lassitude le prit. Il n’y a point de divinité en toi, lui disait un jour Mirabeau. Ce mot qui, appliqué à l’éloquence de Barnave, était très-juste, l’était aussi appliqué à son caractère. C’était un homme naturellement froid, et qui faisait consister, comme il l’a écrit lui- même, l’élévation d’esprit dans la mesure[100]. Quand il vit de quel impétueux élan la Révolution courait vers dos régions inexplorées, un grand trouble s’empara de lui ; et le retour de Varenne, en lui donnant Marie-Antoinette à protéger, acheva de changer la direction de ses sentiments. C’est alors qu’on le trouve désertant peu à peu le parti dont il était un des chefs, puis s’engageant dans une voie tortueuse, se faisant avec Duport et Lameth le mystérieux conseiller de la reine, lui écrivant, et, lorsqu’il cul à quitter Paris, recevant d’elle, pour récompense, l’honneur de lui baiser la main[101] : dangereux honneur, qu’il lui fallut cruellement expier !

Le 15 août 1792, Larivière, qui avait été envoyé aux Tuileries en' qualité de commissaire de l’Assemblée, communiquait à ses collègues une pièce qu’il venait de découvrir dans le secrétaire de Louis XVI. Le titre, qui, écrit en marge de l’original, paraissait être de la propre main du roi, portait : Projet du comité des ministres concerté avec MM. Alexandre Lameth et Barnave.

Quant au document, qui était de la main du ministre de Lessart, voici quelle en était la teneur :

1° Refuser la sanction — du décret relatif aux prêtres et aux émigrés ;

2° Écrire une nouvelle lettre aux princes d’un ton fraternel et royal ;

3° Nouvelle proclamation sur les émigrants, d’un style ferme, et marquant Rien l’intention de maintenir la Constitution ;

4° Réquisition motivée aux puissances de ne souffrir sur leur territoire aucuns rassemblements, armements ou préparatifs hostiles ;

5° Établir trois cours martiales, et faire, s’il est nécessaire, de nouvelles dispositions relativement aux démissions, désertions, remplacements, etc.

 

Suivaient des conseils sur le langage que devaient tenir à l’Assemblée les ministres de la justice, des affaires étrangères, de la guerre, de l’intérieur ; et, comme conclusion :

On estime que le roi ferait une chose extrêmement utile, en demandant à chaque département un certain nombre d’hommes pour être placés dans sa garde[102].

 

Un semblable document ne contenait rien que Bar- nave n’eût été en droit de soutenir à la tribune ; mais il prouvait que Barnave entretenait avec la cour des intelligences secrètes que lui interdisait sa qualité de représentant du peuple, et cela dans un moment où la cour conspirait contre la Révolution. Aussi, quoiqu’on ne connût pas encore l’existence de l’armoire de fer, il n'y eut qu’un cri dans l’Assemblée sur le caractère criminel de la pièce lue par Larivière. Cette pièce, dit Cambon, convaincra les plus incrédules de la réalité du foyer de conjuration qu’on vous a dénoncé sous le nom de Comité autrichien. Et il demanda que les deux ex-constituants lussent décrétés d’accusation, ce que l’Assemblée vota unanimement[103].

Barnave fut donc arrêté dans sa maison de campagne à Saint-Robert, et conduit à Grenoble, d’où, après six mois de captivité, il fut transféré au fort de Barreaux. Ses amis s’adressèrent, pour le sauver, à Danton et à Bazire. Mais Danton se contenta de faire conseiller au prisonnier d’écrire une lettre à la Convention, humble démarche à laquelle celui-ci se refusa noblement ; et Bazire répondit avec tristesse à Boissy-d’Anglas, qui sollicitait son intervention : J’ai moins d’influence que vous, et vous ne tarderez pas à le voir. De sorte qu’à la fin de novembre l'infortuné Barnave était à Paris ! Pendant le trajet, il avait écrit à sa sœur. J’ai quitté hier ma mère et Julie... et je vais peut-être m’éloigner pour toujours de toi. Ce moment est cruel, mais ne nous l’exagérons pas... Je suis jeune encore, cl cependant j’ai déjà éprouvé tous les biens et tous les maux dont se forme la vie humaine. Doué d’une imagination vive, j’ai cru longtemps aux chimères ; mais j’en suis désabusé, et, au moment où je me vois prêt à quitter la vie, les seuls biens que je regrette sont l’amitié — personne plus que moi ne pouvait se flatter d’en goûter les douceurs — et la culture de l’esprit, dont l’habitude a souvent rempli mes journées d’une manière délicieuse[104].

Si, même avant que la preuve complète des complots de la cour eût été acquise, la conduite de Barnave avait paru coupable à tous les membres de l’Assemblée législative, combien ne dut-elle pas paraître plus coupable encore, en novembre 1795, aux juges du Tribunal révolutionnaire ? Il fut condamné, en compagnie de Duport-Dutertre. Sur l’échafaud, après avoir harangué le peuple, il jeta les yeux sur le couteau, et ses dernières paroles furent : Voilà donc le prix de ce que j’ai fait pour la liberté ![105]

Dans sa défense, il lui était échappé de dire : J’atteste sur ma tête que jamais, absolument jamais, je n’ai eu avec le château la plus légère correspondance ; que jamais, absolument jamais, je n’ai mis les pieds au château. Que penser de cette dénégation si formelle, mais intéressée, quand on la rapproche, et du récit, parfaitement désintéressé, de madame Campan, et du document qui motiva le décret d’accusation ?[106]

L’exécution de Kersaint, le 15 frimaire (5 décembre) ; celle de Rabaud-Saint-Etienne, qui eut lieu le même jour, et la mort de Clavière, qui, le 9, se frappa d’un coup de couteau, dans la chambre où il était détenu[107], furent la suite trop facile à prévoir, hélas ! du grand drame de la Gironde vaincue.

La guillotine attendait une moins noble victime : le 27 frimaire (17 décembre), madame du Barry expia sous la main du bourreau les avilissantes splendeurs de sa fortune passée. Au mois de juillet 1792, elle était partie pour l’Angleterre, voulant, dit-on, faire de ses diamants un usage que lui avaient conseillé les inspirations d’un cœur resté fidèle à la famille de Louis XV[108]. Cette générosité de sentiment, qui jette quelque honneur sur sa mémoire, lui fut fatale. La crainte d’encourir la rigueur des lois portées contre les émigrés l’ayant ramenée en France, elle fut dénoncée pour avoir dissipé les trésors de l'Etat, conspiré contre la République et porté, à Londres, le deuil du tyran. Devenue maîtresse du duc de Brissac, elle habitait Luciennes ; c’est là qu’elle fut arrêtée dans la nuit du 30 au 31 août 1792. Elle avait caché dans sa maison Montsabré, ancien page : il fut trouvé blotti au fond d’une chambre qu’on avait longtemps refusé d’ouvrir, sous prétexte qu’elle était condamnée[109]. Déclarée coupable par le Tribunal révolutionnaire, elle ne put affronter l’idée de la mort sans tomber dans une sorte de délire, annonça des révélations, se fit conduire à l’Hôtel de Ville et y accusa au hasard deux cent quarante personnes. Sur le chemin du supplice, elle criait d’un air égaré à la foule qui la poursuivait de ses injures : Bon peuple, délivrez-moi. Je suis innocente ! Elle se débattit contre l’exécuteur d’une manière lamentable : Monsieur le bourreau, lui disait-elle, ayez pitié de moi ! Un moment encore ! plus rien qu’un moment ![110]

Et à ce bruit de la hache qui chaque jour se levait et retombait, d’affreux émules du Père Duchesne répondirent trop souvent par des déclamations forcenées. Au 31 mai, Guffroy, avocat du Pas-de-Calais, s’était fait l’éditeur d’un journal qu’il avait intitulé Rougiff, anagramme de son nom. Les extraits suivants montreront à quel langage certains écrivains ne rougissaient pas de descendre.

Les complices de cette guenon — Charlotte Corday — n’ont pas été tous rasés comme elle. Ils le seront ; pas vrai, Charlot ![111]C’est en ce moment qu’il faut dans chaque maison, dans chaque rue, des argus patriotes... Allons ! vite, allons ! que la guillotine soit en permanence dans toute la République. Tribunaux, à l’ouvrage ![112]Le fluide du corps politique était vicié ; on ne le purge pas, on le fait couler[113]. — La Tour-du-Pin est pris ; Altier, ci-devant prieur, est pris ; vingt-huit mille Marseillais, républicains à la Barbaroux, sont pris. Eli bien, vite, ma recette. Allons, dame guillotine, rasez de près tous ces ennemis de la patrie. Allons, allons ! pas tant de contes ! Tête au sac ![114]

Notons d’avance que le rédacteur de ce journal atroce figura plus tard au premier rang des sanglants comédiens du 9 thermidor, au premier rang des terroristes qui prétendirent vouloir tuer la Terreur dans la personne de Robespierre ! „ Lui, cependant, il combattait ces encouragements au meurtre par l’exposé d’une politique sévère, mais juste : Comme on est tendre pour les oppresseurs, s'écriait- il, et inexorable pour les opprimés ! grâce pour les scélérats ? non, grâce pour l’innocence ! grâce pour les faibles ! grâce pour les malheureux ! grâce pour l’humanité ![115]Malheur à celui qui, confondant les erreurs inévitables du civisme avec les erreurs calculées de la perfidie ou avec les attentats des conspirateurs, abandonne l'intrigant dangereux pour poursuivre le citoyen paisible ! N’existât-il dans toute la République qu’un seul homme vertueux persécuté par les ennemis de la liberté, le devoir du gouvernement serait de le rechercher avec inquiétude et de le venger avec éclat[116].

Il y avait loin de là au langage de Barère, lorsqu’il énonçait ce prétendu axiome : Il n’y a que les morts qui ne reviennent pas[117] ; ou à celui de Collot-d'Herbois, lorsque, trouvant trop douce la déportation dans les déserts de la Guyane française, il disait : Il ne faut rien déporter ; il faut détruire et ensevelir dans la terre de la liberté tous les conspirateurs[118].

Au reste, si le lecteur veut être équitable, qu’il ne perde pas un seul instant de vue les circonstances, et avec quel empire elles s’imposèrent aux âmes les moins orageuses. A ceux qui se plaignaient de trop de rigueur, Chamfort répondait : Vous voudriez qu’on nettoyât les écuries d’Augias avec un plumeau ! Et à qui lui reprochait de prêcher le désordre : Quand Dieu créa le monde, le mouvement du chaos dut faire trouver le chaos plus désordonné que lorsqu’il reposait dans un désordre auguste[119].

Aussi bien, le déchaînement des plus terribles colères ne fut pas sans laisser place aux inspirations de l’humanité, témoin tant de mesures bienfaisantes prises par le Comité de salut public, et, pour n’en citer que quelques-unes, celle qui ordonnait de pourvoir aux besoins des otages détenus à l’Abbaye[120] ; celle qui enjoignait aux administrations de police de veiller à ce qu’aucune exaction ne lut commise en ce qui louchait l’approvisionnement des prisonniers[121] ; celle qui concernait l’assainissement de la Conciergerie[122] ; celle qui avait pour objet de parer à l’inconvénient de la tuerie des bestiaux à l’Archevêché, où il y avait des malades[123] ; celle qui faisait passer à Mayence trois cent mille livres destinées au soulagement des Français captifs[124] ; celle qui chargeait le Conseil exécutif de s’occuper du sort des prisonniers ennemis[125] ; celle qui ouvrait le Val-de-Grâce aux femmes en couche et aux enfants trouvés[126].

Il importe aussi de rappeler quels transports excita toujours le triomphe de l’innocence reconnue. Un député, nommé Robert, avait été dénoncé comme violateur de la loi contre les accapareurs des objets de première nécessité, à cause de plusieurs pièces de rhum trouvées chez lui. Le châtiment, c’était la mort. Joseph le Bon paraît à la tribune ; il dit qu’une loi obscure est comme si elle n’existait pas ; il demande qu’on renvoie au Comité de salut public la question de savoir si le rhum est compris parmi les objets de première nécessité. On applaudit de toutes parts, et le renvoi est décrété à l’instant même[127]. Le fils d’un marchand avait écrit sur la porte du magasin de son père, pendant l’absence de ce dernier. Magasin de vin en gros, sans détailler, conformément aux prescriptions de la loi, la quantité et la qualité de ces vins. Le scandale des accaparements, à cette époque de disette et de souffrance, avait provoqué une répression impitoyable : le marchand est traduit au Tribunal révolutionnaire, et, dans les questions posées au jury, celle qui était la plus favorable à l’accusé ayant été omise, on le condamne. Une lettre de Gohier en informe aussitôt l’Assemblée, qui, au milieu des applaudissements et à l’unanimité, décrète que la condamnation sera suspendue. Danton se lève, et d’une voix pleine d’émotion : L’on s’honore, dit-il, quand on sauve un innocent. Les applaudissements recommencent. Je vole, continue-t-il, signifier moi-même le décret que la Convention vient de rendre. Il sort, et plusieurs de ses collègues se précipitent sur ses pas pour aller arrêter l’exécution du jugement[128].

Oui, si l’on étudie avec bonne foi la Révolution, dans la marche des hommes qui véritablement représentèrent son génie, on verra qu’elle fut aussi sincère qu’inexorable. Enveloppée par l'intrigue et la trahison comme par une nuit épaisse, et forcée de combattre des ennemis qu’elle n’aperçut le plus souvent qu’à la lueur des éclairs, il lui arriva sans nul doute d’égarer ses coups sur des innocents ; mais ceux-là mêmes, elle ne les frappa que parce qu’elle eut le malheur de les croire coupables.

 

 

 



[1] Madame de Staël, Considérations, etc., troisième partie, chap. XVI.

[2] Charles Nodier, Souvenirs de la Révolution et de l'Empire, p. 15, édition Charpentier.

[3] Voyez dans le tome VII de cet ouvrage, le chapitre qui le termine, et, dans le volume suivant, le chapitre qui le commence.

[4] Voyez, dans le septième volume de cet ouvrage, le chapitre intitulé : Souviens-toi de la Saint-Barthélemy.

[5] Ces circonstances furent rappelées par Barère dans la défense qu'il présenta, le 5 germinal, au nom des trois membres des anciens comités, qu’on venait de dénoncer. Voyez Bibliothèque historique de la Révolution, 1097.8, 9. (British Muséum.)

[6] Rapport de Robespierre sur les principes du gouvernement révolutionnaire, Histoire parlementaire, t. XXX, p. 459.

[7] Mémoires de Senar, chap. XIV, p. 149 et 150, publiés par Alexis Dumesnil, en 1824.

La Biographie universelle fait observer, à l'article Senar, qu’il faut écrire Senar et non Sénart, comme on l’a imprimé dans le titre de ses Mémoires.

[8] Mémoires de Senar, p. 138.

[9] Mémoires de Senar, p. 138.

[10] Mémoires de Senar, p. 141.

[11] Mémoires de Senar, p. 142.

[12] Mémoires de Senar, chap. XIII, p. 107.

[13] Mémoires de Senar, passim.

[14] Mémoires de Senar, p. 143.

[15] Mémoires de Senar, p. 152.

[16] Mémoires de Senar, p. 112.

[17] Voyez la Biographie universelle, art. Héron.

[18] Voyez l’Histoire parlementaire, tome XXXII, p. 41.

[19] Histoire parlementaire, tome XXXII, p. 42 et 43.

[20] On peut voir, dans la biographie universelle, à l’article Héron, comment, à l’aide d’omissions calculées, tout ceci a été défiguré par l’esprit de parti.

En général, le système historique adopté par les ennemis de Robespierre a été celui-ci : désespérant île pouvoir le noircir, au gré de leur animosité, en citant ses propres actes, ils se sont étudiés à le rendre responsable des actes d’autrui, et, pour cela, l’ont représenté faussement comme l'instigateur de misérables qu’il ne connut pas, ou qu'il détestait, ou même qu’il combattit. Cet abominable système, au piège duquel, il faut bien le dire, s’est laissée prendre la bonne foi de M. Michelet, est celui qu’on rencontre à chaque page du livre de Senar, livre qui, à côté de détails vrais, contient une infinité de mensonges. Nous n’avons pas hésité à nous appuyer du témoignage de l’auteur, en ce qui touche les meneurs du Comité de sûreté générale, parce qu’il n'y a pas de raison pour ne le pas croire, quand, amené à parler de choses qu’il a vues ou entendues, et d'hommes au milieu desquels il a vécu, il se trouve n'avoir aucun intérêt à mentir. Mais tel n’est pas le cas lorsqu’il parle de Robespierre ou de Saint-Just. Grand terroriste, oppresseur de Tours, Senar fut emprisonné après le 9 thermidor ; et ce fut au plus fort de la réaction contre Robespierre, avec l’échafaud en perspective, quand ceux dont la tête était menacée n’avaient pas de meilleur moyen de la sauver que de déclamer contre le tyran, ce fut alors que Senar rédigea ses prétendues révélations puisées dans les cartons des Comités de salut public et de sûreté générale.

Au reste, il est bien remarquable que Senar, si prodigue de faits, et de faits précis, concernant les Vadier, les Voulland, etc., n’a rien à articuler de semblable contre Robespierre. Il affecte à son égard une haine violente ; il ne manque pas de l’appeler tyran, selon la mode du jour ; il lance à sa mémoire toutes sortes d'injures vagues ; mais voilà tout. Quelle preuve, par exemple, donne-t-il que Héron fut le bouledogue de Robespierre ? Aucune. Cette injure, sans un seul fait à l’appui, figure comme ornement d'une tirade déclamatoire. Et Senar sent si bien lui-même ce qu’on a le droit de lui demander et de lui reprocher, que, dans un endroit de son livre, il s’écrie soudain : C’était bien inutile de chercher dans les papiers de Robespierre la preuve de ce grand système de dépopulation. Dans l’intervalle qui a précédé sa mort, n’avait-il pas pris ses précautions ? (p. 117). Il avait si peu pris ses précautions, que Courtois a pu faire un gros volume des papiers trouvés chez lui après sa mort. Et, quant à l'intervalle qui la précéda, on verra, quand nous raconterons sa chute, s'il put avoir l’idée ou le temps de prendre ses précautions.

Comme ce livre de Senar est un arsenal où les ennemis systématiques de la Révolution ont beaucoup puisé, cl qui est de nature à égarer ceux qui n’ont pas soin d’éclairer l’histoire par la critique, je donnerai ici quelques exemples des énormités qu’il contient. Senar prétend avoir entendu dire à un évêque, à propos de Louis XVI : Ce cochon-là ne peut plus nous servir, et il en tire la conclusion qu’il y avait projet arrêté de la part du duc d’Orléans d’assassiner le roi (ch. I, p. 7). Il dit de Santerre qu’il fut à la fois le distributeur des sommes de Pitt et de celles du duc d’Orléans (ibid., p. 11). Il parle d’écrits de Santerre, où celui-ci aurait traité le peuple de scélérate canaille (ch. VI, p. 33). Il attribue l’insurrection de la Vendée aux machinations de Marat (ch. VIII, p. 58 et suiv.). De la même plume avec laquelle il trace ces mots ; l'adultère Marceau (ch. VII, p. 51), il écrit que le féroce Saint-Just fit arrêter la Sainte-Amaranthe par ressentiment de n’avoir pu jouir d’elle, (ch. XIII, p. 104). Est-ce assez de calomnies bêtes ?

[21] Partie de la défense des trois membres des anciens Comités dénoncés, présentée par Barère dans la séance du 5 germinal. Biblioth. hist. de la Révolution. 1097. 8, 9. (British Muséum.)

[22] Relevé fait au Comité des finances. Biblioth. hist. de la Révolution. 1097. 8, 9. (British Muséum.)

[23] Biblioth. hist. de la Révolution. 1097. 8, 9. (British Muséum.), p. 6.

[24] Voyez le réquisitoire de Chaumette, dans le tome XXX de l'Histoire parlementaire, p. 306.

[25] Histoire parlementaire, t. XXX, p. 307-309.

[26] Voyez son discours, Histoire parlementaire, t. XXX, p. 309.

[27] Voyez l'Histoire parlementaire, t. XXIX, p. 48.

[28] Voyez pour la liste complète, l’Histoire parlementaire, t. XXV, p. 500 et 507.

Il importe ici de prémunir le lecteur contre une misérable rapsodie publiée en 1815 par Roussel, sous le pseudonyme de Proussinalle, et intitulée Histoire secrète du Tribunal révolutionnaire. Cette prétendue histoire secrète ne contient rien de secret, rien de nouveau. C’est un ramassis de tous les mensonges épars çà et là dans les libelles contre-révolutionnaires. L’auteur n’a pas le mérite d’une seule calomnie originale. On peut suivre page par page la trace de ses plagiats, tant il se met peu en peine de les dissimuler ! Par exemple, tout ce qu’il dit, soit d’un repas de quelques membres du Comité de salut public chez Venus, soit de la condamnation des Girondins, est copié mot pour mot dans Vilate, qu’il ne cite pas. On sait, par les Mémoires de Charlotte Robespierre, quelle tendre affection régnait entre elle et son frère. Eh bien, l’auteur n’hésite pas, sur ouï dire, à accuser Robespierre d’avoir envoyé sa sœur à Joseph Le Bon pour qu'il la fît guillotiner ! Voilà pourtant à quelles sources ont puisé, sans les indiquer, cela va sans dire, des écrivains qui se piquent d’être des hommes graves !

[29] Biographie universelle, article Herman.

[30] Dans le procès de Fouquier-Tinville, qui fut le champ de bataille où tous les dantonistes accoururent pour venger la mort de leur chef, Thirriet-Grand-Pré, dantoniste exalté et ennemi mortel d’Herman, qui avait présidé à la condamnation de Danton et de Camille, Thirriet- Grand-Pré ne peut s’empêcher, malgré sa haine, de parler de la confiance que lui avaient d’abord inspirée la sensibilité apparente et les actes extérieurs d’humanité qu'affectait Herman. Voyez le procès de Fouquier-Tinville, t. XXXIV de l’Histoire parlementaire, p. 434.

[31] C’est ce que fit, dans sa déposition, Thirriet Grand-Pré. Voyez le Procès de Fouquier-Tinville, t. XXXV de l’Histoire parlementaire, p. 47. Et M. Michelet a suivi, sans plus ample examen !

[32] Déposition de Thirriet-Grand-Pré, Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 47 et 48.

[33] Thirriet-Grand-Pré : Plusieurs chefs, du nombre desquels j’étais, avaient 5.000 liv. Herman nous réduisit à 4.000. Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 48. Quel crime !

[34] Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 49.

[35] C’est ainsi que M. Michelet le présente dans tout le cours de son livre sans fournir une seule preuve à l’appui de cette prétendue intimité.

[36] Cela résulte d’une note écrite de la main de Robespierre et trouvée parmi ses papiers. (Voyez les pièces à la suite du rapport de Courtois.)

[37] Mémoire justificatif pour le citoyen Herman, dans la Bibl. hist. de la Révolution, 947. 8. (British Muséum.)

[38] Qu’on parcoure en effet tout le procès, on n’y trouvera rien qui justifie historiquement ces paroles de l’acte d’accusation, à la suite d’une phrase où le nom de Robespierre est prononcé : Herman obtint la place de commissaire des administrations civiles, pour que, dans ce nouveau poste, il fût plus à la portée de servir leur vengeance et leurs passions. Ce sont ces paroles que citent, comme une démonstration décisive, dans la biographie d’Herman, Lamoureux et Michaud jeune. Encore ne citent-ils pas exactement ; car ils substituent les mots ses vengeances et ses passions aux mots : leur vengeance et leurs passions. (Voyez la Biographie universelle, supplément, et rapprochez l’article Herman de l’acte d’accusation dressé par Antoine Judicis, tel qu'on le lit dans l’Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 31.

[39] Biographie universelle, art. Coffinhal.

[40] Voyez Mercier, le Nouveau Paris, t. IV, chap. CLVII.

[41] Biographie universelle, art. Fouquier-Tinville.

[42] Voyez dans les tomes XXXIV et XXXV de l’Histoire parlementaire, le procès de Fouquier-Tinville. On ne cite ici contre lui, cela va sans dire, que les faits auxquels il n'a pas répondu d’une manière satisfaisante.

[43] Pièces originales du procès de Fouquier-Tinville. Bibl. hist. de la Révolution, 947-8. (British Muséum.)

[44] Pièces originales du procès de Fouquier-Tinville. Bibl. hist. de la Révolution, 947-8. (British Muséum.)

[45] Pièces originales du procès de Fouquier-Tinville. Bibl. hist. de la Révolution, 947-8. (British Muséum.)

[46] Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 450. — Déposition de Wolf, commis-greffier du Tribunal depuis son établissement.

[47] Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 12 et 14-15. — Dépositions de Boucher et de Tavernier, huissiers du Tribunal.

[48] Pièces originales, etc., dans la Bibl. hist. de la Révolution, 947-5. (British Muséum.)

[49] Biographie universelle, art. Fouquier-Tinville.

[50] Biographie universelle, art. Fouquier-Tinville.

[51] Voyez Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 444-446, une déposition remarquablement impartiale de Duchâteau, secrétaire du parquet de Fouquier.

[52] Déposition de la femme de Morizan, buvetier du tribunal. — Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 19.

[53] Déposition de la fille de Morizan. — Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 20.

[54] Déposition de Réal. — Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 597.

[55] Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 598. — Réal, qui déposa de ce fait au procès de Fouquier, était le défenseur des généraux qu’on avait décrétés d’accusation.

[56] Voyez les dépositions de Leclercq, huissier du tribunal, et de la fille de Morizan. — Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 419, et t. XXXV, p. 20.

[57] Voyez la déposition de la fille du buvetier du Tribunal. — Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 20.

[58] Réponse d’Antoine-Quentin Fouquier aux différents chefs d'accusation portés contre lui, etc. — Bibliothèque historique de la Révolution, 947-8. (British Muséum.)

[59] Bibliothèque historique de la Révolution, p. 28 et 29.

[60] Bibliothèque historique de la Révolution, p. 29.

[61] Bibliothèque historique de la Révolution, p. 29.

[62] Voyez dans le procès de Fouquier-Tinville, Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 74, la déposition de Sézille ; et p. 15, celle de Tavernier, huissier du tribunal.

[63] Déposition de Sézille, Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 74.

[64] Nous l’avons mentionnée déjà.

[65] Déposition de Carentan, dans le procès de Fouquier. Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 102.

[66] Déposition d’Antonelle, ex-maire d’Arles. Ibid., p. 106.

[67] Déposition du cinquante-sixième témoin. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 465.

[68] Dépositions de Wolf, commis-greffier du Tribunal, et de Tavernier, huissier du Tribunal. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 458, et t. XXXV, p. 15.

[69] Voyez le procès de Fouquier. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 578.

[70] C‘est le récit de Vilate lui-même, dans les Causes secrètes de la Révolution du 9 au 10 thermidor, p. 178. — Collection des Mémoires sur la Révolution.

[71] Voyez la déposition d’Anne Ducret, conseil public, et celle de Masson, greffier, Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 484, et t. XXXV, p. 89.

[72] Voyez le procès de Fouquier. Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 75 et 76.

[73] Il écrivit son livre dans la prison.

[74] Voyez dans le procès de Fouquier, t. XXXIV de l'Histoire parlementaire, p. 554, 398, 411, 458, et t. XXXV, p. 5, 6 et 15, les dépositions de Pépin, de Réal, de d’Aubigny, de Wolf, de Tavernier, de Boucher.

[75] Déposition de Réal. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 599. — Déposition de Doucher. Ibid., t. XXXV, p. 15.

[76] Déposition de Wolf. Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 458. — Déposition de Tavernier. Ibid., t. XXXV, p. 6.

[77] Histoire parlementaire, t. XXXIV, p. 111 et 112.

[78] Lebas, de l’Institut. Dictionnaire de la Conversation.

[79] Déposition de d’Aubigny, dantoniste exalté, dans te procès de Fouquier-Tinville, t. XXXIV de l’Histoire parlementaire, p. 412.

[80] Lebas, de l’Institut. Dictionnaire de la Conversation, au mot Duplay.

[81] Lebas, de l’Institut. Dictionnaire de la Conversation, au mot Duplay.

[82] Lebas, de l’Institut. Dictionnaire de la Conversation, au mot Duplay.

[83] Voyez le jugement, dans l’Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 147.

[84] Déposition de la femme de Morizan, buvetier du Tribunal révolutionnaire. Histoire parlementaire, t. XXXV, p. 19 et 20.

[85] Déposition de Wolf, dans le procès de Fouquier-Tinville, t. XXXIV de l’Histoire parlementaire, p. 452.

[86] Audience du 25 brumaire an II. (Voyez le Moniteur, 1795, an II, n° 55.)

[87] Moniteur, 1795, an II, n° 56.

[88] Bulletin du Tribunal révolutionnaire cité dans l’Histoire parlementaire, t. XXXI, p. 150.

[89] Moniteur, 1793, an II, n° 56.

[90] Nous avons cité à ce sujet l’opinion de Jomini. Voyez dans le tome IX de cette histoire le chapitre intitulé : La Coalition repoussée.

[91] Voyez ce que nous avons cité des Mémoires de Levasseur, dans le chapitre ci-dessus du tome IX de cette histoire.

[92] Bulletin du Tribunal révolutionnaire, deuxième partie, n° 95.

[93] Moniteur, 1795, n° 221.

[94] Michaud jeune, Biographie universelle, art. Lamarlière.

[95] Voyez l’Histoire parlementaire, t. XXXI, p 139 et 140.

[96] Voyez, dans le précédent volume de cet ouvrage, le chapitre intitulé : Le Comité des douze.

[97] Hymne des Bretons, par Girey-Dupré. Voyez le livre de Louis du Bois sur Charlotte Corday, n° V des Pièces justificatives.

[98] La remarque n’est pas de nous, elle est des auteurs de l'Histoire parlementaire ; mais elle nous a paru juste. Voyez l’Histoire parlementaire, t. XXXI, p. 159.

[99] Lamoureux, Biographie universelle. Supplément.

[100] Voyez, dans les Causeries du lundi, de M. Sainte-Beuve, son étude sur Barnave.

[101] Tous ces faits sont affirmés par madame Campan, et racontés avec de tels détails, qu'il est impossible de supposer qu'elle les ait inventés. Dans quel intérêt, d’ailleurs, une pareille série de mensonges ? — Voyez les Mémoires de madame Campan, t. II, chap. X et XIX.

[102] Moniteur, 1792, n° 250.

[103] Moniteur, 1792, n° 250.

[104] Le fac-similé de cette lettre, dont nous n'avons cité que le passage qui se rapporte aux sentiments politiques de Barnave à la fin de sa carrière, se trouve à la suite des Œuvres de Barnave, mises en ordre par M. Bérenger (de la Drôme).

[105] Nouvelle Biographie universelle.

[106] A la suite du travail de M. Sainte-Beuve sur Barnave, dans les Causeries du lundi, nous lisons :

Je dois à la bienveillance de M. le marquis de Jaucourt, lequel a beaucoup connu Barnave, quelques explications qui répondent à la question que je me suis posée au sujet des rapports du célèbre orateur avec la reine. Voici ce que M. de Jaucourt et les personnes les mieux informées de sa société croyaient à cet égard (je ne fais que reproduire exactement ce qui m’est transmis) :

Barnave ne vit jamais la reine. C’est Duport qui la voyait, au nom de Barnave ; mais l’intermédiaire habituel était le chevalier de Jarjayes, dont la femme était de la maison de la reine, quand la reine voulait faire à Barnave une communication quelconque, elle mettait un écrit cacheté dans la poche de Jarjayes, et celui-ci le transmettait à Barnave, lequel, après en avoir pris connaissance, le replaçait, cacheté, dans la poche du messager, de façon que la reine pût le reprendre et le détruire. Le même procédé servait aux avis que Barnave voulait donner à la princesse ; même passage par ladite poche et même retour aux mains de Barnave. Il en résulte que Barnave pouvait dire, à la rigueur ou à peu près, devant le Tribunal révolutionnaire, qu’il n’avait jamais eu avec la reine de relations directes, qu’il ne l’avait jamais vue... Il reste, sans doute — à examiner les choses avec une précision mathématique —, une certaine restriction, une certaine interprétation à donner au mot de Barnave devant le Tribunal révolutionnaire : Je n’ai jamais eu de correspondance avec le château. Mais tel tribunal, telle déposition.

M. Sainte-Beuve ajoute, et avec raison : Voilà l’explication la plus plausible, dans les termes mêmes où je la reçois ; et, malgré tout, le sentiment moral persiste à souffrir d'une dénégation si formelle de la part de Barnave.

D’un autre côté, quand M. de Jaucourt dit que Barnave ne vit jamais la reine, il dit ce qu’il croit et ce qu’il pouvait bien ignorer, puisque la condition d’entrevues de ce genre était, de la part de Barnave, le secret le plus absolu ; de sorte que l’affirmation de madame Campan reste entière.

Il est surprenant, puisque M. Sainte-Beuve tenait à approfondir la question des rapports de Barnave avec la cour, qu’il n’y ait pas un seul mot, dans son travail, qui fasse allusion à la pièce lue par Lariviëre.

M. de Barante, dans son Histoire de la Convention, t. III, p. 515, édition Méline, ne se borne pas à des réticences, il s’écrie ; Il est certain que, depuis les premiers jours de 1792, Barnave ne fut pour rien dans les relations d’Adrien Duport et de Lameth avec la cour. Depuis les premiers jours de 1792 ! Soit. Mais avant ?

Au moins devait-on s’attendre à voir le point en question abordé et discuté par M. Bérenger (de la Drôme), dans la notice historique qu’il a placée en tête des Œuvres de Barnave. Mais non. Si les détracteurs systématiques de la Révolution ne disaient que la vérité ou disaient toute la vérité, leur tâche deviendrait trop difficile. On se tait sur certaines choses, et l’on triomphe de la lacune !

[107] Voyez l’Histoire parlementaire, t. XXXI, p. 140-142.

[108] Biographie universelle.

[109] Moniteur, 1792, n° 246.

[110] Biographie universelle.

[111] Le Rougiff, n° 7.

[112] Le Rougiff, n° 7.

[113] Le Rougiff, n° 8.

[114] Le Rougiff, n° 14.

[115] Rapport de Robespierre sur les principes de morale politique qui doivent guider la Convention nationale. Séance du 18 pluviôse (6 février 1794).

[116] Rapport de Robespierre sur les principes de morale politique qui doivent guider la Convention nationale. Séance du 18 pluviôse (6 février 1794).

[117] Rapport de Saladin, au nom de la Commission des 21. — Bibliothèque historique de la Révolution, n° 1097-8-9.

[118] Rapport de Saladin, au nom de la Commission des 21. — Bibliothèque historique de la Révolution, n° 1097-8-9.

[119] Chamfort, par P. J. Stahl (Hetzel) ; préface, p. XIV.

[120] Arrêté du 26 vendémiaire.

[121] Arrêté du 25 brumaire.

[122] Arrêté du 8 ventôse.

[123] Arrêté du 12 floréal.

[124] Arrêté du 25 nivôse.

[125] Arrêté du 14 pluviôse.

[126] Arrêté du 15 pluviôse.

[127] Moniteur, 1795, an II, n° 19.

[128] Moniteur, 1795, n° 95 (25 décembre).