HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME SEPTIÈME

LIVRE HUITIÈME

 

CHAPITRE VIII. — PROCÈS DU ROI

 

 

Pourquoi le déchaînement contre Louis XVI. — Rapports de Valazé et de Mailhe. — Bataille gagnée par la Marseillaise. — Dispositions des Girondins. — Dispositions des Montagnards. — Ce qu'était Saint-Just. — Son discours dans l'affaire du roi. — Discours de Robert, de Rozet, de l'abbé Grégoire. — Découverte de l'armoire de fer. — Révolte de la faim, — Opinions opposées de Saint-Just et de Robespierre sur la question des subsistances. — L'abolition du salaire des prêtres combattue par Bazire, par Danton, par Robespierre, par les Jacobins. — Débats sur l'inviolabilité de Louis XVI. — Opinion remarquable de Faure. — Louis XVI a contre lui le progrès des doctrines d'égalité. — Toute-puissance militaire des idées nouvelles. — La Convention proclame solennellement le principe de la solidarité humaine. — La famille royale au Temple. — La vérité à cet égard. — Renouvellement de la Commune. — Anaxagoras Chaumette. — Éclipse du royalisme. — Les Girondins accusés et justifiés. — Discours de Robespierre contre Louis XVI et contre l'idée de le juger. — Violente et fausse logique de Saint-Just et de Robespierre. — Les Girondins attaquent la Montagne ; mauvaise foi de cette attaque. — La statue de Mirabeau voilée. — Le buste d'Helvétius abattu. — Madame Roland devant la Convention. — Artifices de Guadet. — Curieux pamphlet d'Anacharsis Clootz. — Visite au Temple. — Précautions offensantes. — Acte énonciatif des crimes imputés à Louis XVI. — Marat s'habille de neuf pour assister au procès de Louis XVI. — Mademoiselle Fleury aux genoux de Marat. — Louis XVI à la barre de la Convention. — Son attitude. — Son interrogatoire. — Il nie sa propre écriture. — Il affirme n'avoir nulle connaissance de l'armoire de fer. — Retour au Temple. — Marat attendri. — Règne rapide de la pitié. — Les conseils de Louis XVI. — Target consulte Barère. — Visite faite à Barère par Malesherbes. — Olympe de Gouges. — La dignité de la femme méconnue par la Révolution. — Jacob Dupont se proclame athée ; sensation produite en Europe par cet incident. — Décret du 15 décembre ; audacieuse et grande politique de la Convention. — Danton et Lacroix en Belgique. — Mécontentement de Dumouriez. — Un traître futur. — Lettre du général des sans-culottes à l'orateur des sans-culottes. — Custine laisse prendre Francfort. — Agitation des esprits. — La Gironde demande l'ostracisme contre Philippe-Égalité, comme Bourbon. — But de la Gironde en cela. — Elle échoue. — Son imprévoyance. — Appréciation anticipée de l'exécution de Louis XVI.

 

Vint enfin la question tragique que, d'un cœur ému, chacun attendait : celle du jugement de Louis XVI.

Oh ! combien il est difficile au présent de n'être pas injuste, lorsqu'il prononce sur les choses du passé !

Aujourd'hui, quand nous revenons par l'esprit à ces heures terribles qui, pour Louis XVI, furent les dernières, nous nous sentons troublés jusqu'au fond de l'âme. Nous ne pouvons nous empêcher de nous dire à nous-mêmes que les fautes de ce prince infortuné furent, après tout, celles de son éducation et de son rang ; qu'il était bien naturel, de sa pari, de n'aimer point une Révolution qui lui laissait dans la main un tronçon de sceptre et sur la tête une ombre dérisoire de couronne ; que de tous les rois qui le précédèrent, ce fut le meilleur, peut-être ; que le fond de sa nature était la bonté, quoiqu'il fût sujet à des emportements aveugles ; que sa fausseté provenait d'une immense faiblesse de caractère ; que toutes ses trahisons ne furent en quelque sorte que des perfidies de seconde main ; qu'il eut des vertus qui auraient fait le charme et l'honneur d'une condition obscure…

Oui, voilà ce dont il nous est donné, à nous, de tenir compte philosophiquement, libres que nous sommes des mille influences lugubres qui agirent sur nos pères, et n'ayant plus à vivre dans leur atmosphère de feu. Car enfin, les émigrés grinçant des dents le long des frontières, la vieille Europe appelée au sac des libertés nouvelles, Je manifeste de Brunswick, la trompette du jugement dernier sonnée par l'invasion, et l'ancien régime traînant après lui l'appareil de la torture abolie, l'ancien régime annonçant bien haut que son retour serait rendu fameux à jamais par ses vengeances, tout cela ne se présente plus à nous qu'en traits à demi effacés, à la distance de plus d'un demi-siècle ; et nous ne sentons pas, nous, le souffle de l'ennemi sur notre visage, nous ne voyons pas étinceler à deux pouces de notre poitrine la pointe de l'épée. Mais ceux qui flétrirent le prisonnier du Temple de ce nom de tyran qui, appliqué à Louis XVI, nous semble aujourd'hui si ridiculement cruel et inique, ceux-là n'avaient point à parlementer avec la mort : il leur fallait, ou la recevoir, ou la donner.

Comme dit un des plus grands écrivains de l'Angleterre moderne : Les chevaliers errants eux-mêmes, tout généreux qu'ils étaient, avaient coutume de tuer les géants qu'il leur arrivait de vaincre, et ne faisaient grâce qu'aux autres chevaliers errants... Eh bien, en 1792, la nation française se trouvant avoir jeté à terre, par un effort désespéré et comme par un miracle de folie, un formidable Goliath, qui avait mis dix siècles à grandir, ne put s'empêcher de regarder en partie comme un rêve une victoire semblable, et bien que le corps du géant, couvrant des acres, fût étendu sur le sol et enchaîné, elle ne put se défendre de la crainte qu'il ne se relevât tout à coup et ne se remît à dévorer les hommes[1].

C'était bien cela, en effet. Dans ce déplorable jouet de la destinée qui eut nom Louis XVI, dans cette nature incertaine et molle, dans ce pauvre dévot, dans ce prince qui, si volontiers, oubliait son trône pour aller en un coin construire une serrure, il y avait, en dépit de tout., le roi, c'est-à-dire la personnification nécessaire du clergé que le roi protégeait ; des nobles, que le roi avait encouragés sous main ; des ennemis de la France, qui, au nom du roi, déployaient leurs étendards ; en un mot, la personnification du principe auquel se liaient le souvenir de tant de maux, la cause de tant de combats, et la terreur de tant de périls !

Ainsi s'explique le déchaînement extraordinaire des esprits contre Louis XVI dans les derniers mois de 1792. On ne l'appelait plus que Capet. Au Palais-Royal, on vit des bandes d'hommes en délire traverser le jardin et se répandre dans les rues circonvoisines en agitant des sabres, et en criant : A la guillotine Capet ![2] Les sections députaient à la Commune, pour lui exprimer d'homicides vœux. Les harangueurs de carrefour choisissaient pour texte le jugement du prisonnier du Temple[3]. Son sort final entrait dans la composition des scènes dramatiques que les baladins jouaient sur les places publiques. De tous les départements arrivaient au club des Jacobins des adresses qui concluaient à la mort. La Convention dut se décider.

Le 6 novembre[4], Dufriche-Valazé, organe de cette Commission des Vingt-Quatre qui avait reçu mission d'examiner les papiers déposés au Comité de surveillance, présenta son rapport ; et le lendemain, au nom du Comité de législation, Mailhe, avocat du barreau de Toulouse, vint faire l'exposé des questions relatives au jugement de Louis XVI.

Quant au fond, ces deux rapports n'étaient que l'histoire abrégée de toutes les trahisons de cour dont le lecteur a vu le tableau se dérouler dans ce livre[5]. Quant à la forme, elle était plus déclamatoire et plus emportée chez le girondin Valazé, plus sinistre et plus serrée chez Mailhe.

Mêlant à des accusations vraies, et prouvées par des documents qu'il produisit, des faits que rendait seuls criminels le venin de ses commentaires, Valazé, à propos de quelques fonds envoyés hors de France par Louis XVI, s'écriait avec une emphase barbare : De quoi n'est-il pas coupable, le monstre ! Vous allez le voir aux prises avec la race humaine tout entière ! Je vous le dénonce comme un accapareur de sucre, de blé et de café. Septeuil était chargé de cet odieux commerce[6].

Après avoir passé en revue, non-seulement les griefs de la France contre Louis XVI, mais ceux du peuple espagnol contre son roi, mais ceux des Autrichiens et des Hongrois contre François II ; après avoir évoqué l'ombre de Charles Ier d'Angleterre posant sa tête sur le billot ; après avoir reproché à Cromwell de s'être fait roi sous le titre de Protecteur ; après avoir intenté enfin le procès de la royauté en Europe, Mailhe laissait tomber, relativement au fils de Louis XVI, ces paroles qui conduisaient à une interprétation odieuse : Cet enfant n'est pas encore coupable. Il n'a pas encore eu le temps de partager les iniquités des Bourbons. Vous aurez à balancer ses destinées avec celles de la République. Vous aurez à prononcer sur la grande opinion échappée du cœur de Montesquieu : J'avoue que l'usage des peuples les plus libres de la terre me fait croire qu'il y a des cas où il faut mettre pour un moment un voile sur la liberté, comme l'on cache les statues des dieux[7].

Les conclusions du rapport de Mailhe furent :

Que Louis XVI devait être jugé ;

Qu'il devait l'être par la Convention.

Mailhe descendit de la tribune, au milieu d'applaudissements unanimes. Son travail fut, par ordre de la Convention, traduit dans toutes les langues, et envoyé aux départements, aux communes, aux armées[8]. Le 13 novembre, on en commença la discussion.

Mais, dans l'intervalle, survint une nouvelle qui, faisant diversion aux noires pensées, enivra Paris de joie et d'orgueil. Dumouriez, d'un élan rapide, avait envahi la Belgique, et la bataille de Jemmapes était gagnée. Par une coïncidence singulière, ce grand coup, qui retentit d'un bout à l'autre de l'Europe, avait été frappé le 6 novembre, au moment où le procès de Louis XVI s'ouvrait devant la Convention, comme s'il eût été dans le destin de la République d'avoir raison de tous ses ennemis à la fois !

Et à Jemmapes, tout ne s'était pas borné, comme à Valmy, à une simple canonnade. C'était la baïonnette au bout du fusil, c'était en gravissant des hauteurs que protégeaient cent bouches à feu, c'était à travers un déluge meurtrier tombant sur leurs têtes, que les volontaires de 1792 avaient abordé l'ennemi.

Il est vrai que l'armée française comptait trente mille hommes[9], tandis que celle du duc de Saxe-Teschen, y compris le corps de Clairfayt, dont le général Valence n'avait pu empêcher la jonction, s'élevait à vingt mille hommes seulement[10]. Mais, en revanche, la position des Autrichiens était formidable. Leur droite, appuyée au village de Jemmapes, près Mons, formait une équerre avec leur front et leur gauche, qui s'appuyait à la chaussée de Valenciennes. Ils étaient placés, dans toute cette longueur, sur une montagne boisée, où s'élevaient en amphithéâtre trois étages de redoutes, garnis de vingt pièces de grosse artillerie, d'autant d'obusiers, et de trois pièces de canon de campagne par bataillon. Sans compter que le feu de l'ennemi plongeait sur nous. Que dire encore ? La position de l'armée autrichienne était si forte, que l'imprudence qu'il y avait eu à l'affronter fut dénoncée, à cette époque, comme une faute dont, aux yeux de beaucoup, Dumouriez ne put se faire absoudre, même par la victoire.

Mais cet homme avait tous les instincts, toutes les intuitions du génie. Dans les trois journées précédentes, il avait vu les soldats de la République manœuvrer et marcher, sous le feu, avec une fierté tranquille et comme à la parade[11]. Lui, le sceptique par excellence, il avait foi — chose bizarre — aux miracles de l'enthousiasme, à la toute-puissance militaire de l'idée. Voilà pourquoi il poussa hardiment devant lui, et pourquoi, au milieu de la bataille, dans un moment d'hésitation apparente, il se mit à entonner d'une voix émue l'hymne des Marseillais[12]. Aussitôt, échappées de tous les cœurs, les notes divines montent dans le bruit du combat. Il ne s'agit plus de terminer l'affaire à coups de canon. A mesure que Dumouriez parcourt le front de la ligne, les soldats demandent à approcher l'ennemi à la baïonnette[13]. Allons, enfants de la patrie ! Et les voilà qui, d'une course indomptée, se hâtent vers la mort. Pas une tête de colonne ne resta en arrière[14], pas un ne fléchit. Les trois étages furent emportés coup sur coup ; les Hongrois, ces guerriers d'airain, demeurèrent pour ainsi dire cloués au sol. Inutile d'ajouter que le succès fut acheté chèrement : deux mille Français tombèrent, dont près de la moitié ne se releva plus[15]. Et ils montrèrent bien qu'ils avaient fait pacte avec la mort, ceux en qui, pour parler le langage de Saint-Just, la Révolution brûlait comme une lampe au fond d'un tombeau. Qui pourrait lire sans attendrissement les chiffres qui suivent : Sur les dix-huit cents volontaires formant les trois premiers bataillons parisiens, il ne restait du premier, à la fin de novembre, que vingt-sept hommes ; du second, que trente-trois, et du troisième, que cinquante-sept[16] ! Mais ce qui rend cette journée de Jemmapes vraiment immortelle, c'est qu'elle ouvrit l'ère des batailles gagnées par l'idée révolutionnaire, par la passion de la liberté, par l'amour de la patrie, par la Marseillaise !

Dans ses Mémoires, qu'on ne saurait lire avec trop de défiance, Dumouriez se plaint de quelques-uns de ses officiers ; il accuse le général Ferrand, qui conduisait la gauche, d'avoir manqué de présence d'esprit et de vigueur, et il va jusqu'à prétendre que le général Dampierre n'était pas à la tête de son corps. Mais l'histoire militaire, très-estimée, qui a paru sous le titre de Victoires et Conquêtes des Français, affirme, au contraire, que Ferrand, quoique chargé d'années, déploya l'ardeur d'un jeune guerrier, poursuivit bravement l'attaque, fut blessé et eut un cheval tué sous lui ; que Dampierre, de son côté, à la tête des bataillons volontaires de Paris, qu'il mena aux redoutes, en précédant les siens de cent pas, fit des prodiges de valeur tels, qu'après la bataille, les blessés oubliaient leurs souffrances pour demander : Dampierre a-t-il survécu ?[17] Se distinguèrent aussi par leur courage et leur sang-froid : le général Moreton, le colonel Thouvenot ; Baptiste Renard, valet de chambre de Dumouriez[18] ; et, surtout le général Égalité, depuis Louis-Philippe. Il avait reçu le commandement du centre ; et Dumouriez, qu'on a toujours soupçonné d'avoir voulu faire passer la couronne dans la maison d'Orléans, fut trop heureux de pouvoir avec justice attribuer en partie à ce jeune prince le gain de la journée.

La nouvelle des succès de nos armes ne fit qu'une diversion passagère aux préoccupations que le procès de Louis XVI avait éveillées et concentrait. Déjà, du reste, les dispositions diverses des partis commençaient à se dessiner.

Les Girondins ne mettaient en doute ni que Louis XVI fût coupable ni qu'il dût être jugé. Mais le jugement serait-il la mort ? Devant cette question, ils hésitaient. Oui, ils hésitaient, et par compassion, eux qui avaient inauguré le système des proscriptions en masse, élevé les prêtres à la dignité de martyrs, suspendu la foudre sur la tête de tout noble émigré ; eux qui avaient amnistié les assassinats de la Glacière ; eux qui avaient les premiers posé, par l'organe d'Isnard, le principe de la loi des suspects ; eux qui les premiers, par l'organe de Guadet, avaient sacré l'échafaud[19] ! Mais pour sauver Louis XVI, pour l'essayer du moins, il aurait fallu un courage qu'ils n'avaient pas : celui de jeter leur popularité aux vents. Ils s'abstenaient donc d'élever la voix en faveur du monarque déchu, et même, comme s'ils eussent craint qu'on ne les soupçonnât d'être trop généreux, ils affectaient l'outrage en paroles, ne cessant d'appeler le prisonnier du Temple un parjure, un traître, un tyran, un monstre[20]. Et ils mentaient ainsi à leur propre cœur, ces pauvres grands hommes !

Pour ce qui est des Montagnards, ce qu'ils voulaient, c'est que Louis XVI fût jugé, qu'il le fût par la Convention, et qu'on abattit sa couronne en faisant tomber sa tête. Ils ne pouvaient croire à la réalité de la République, tant que serait planté devant elle l'étendard royal, tant qu'il y aurait un point de ralliement pour les conspirateurs royalistes. Par une erreur que seules peuvent expliquer les passions du moment, ils s'imaginaient que tuer le roi, c'était tuer la royauté. Comme s'il était jamais arrivé dans l'histoire qu'une idée mourût d'un coup de hache ! Au surplus, ils ne se dissimulaient pas qu'à la vue de Louis XVI debout sur la planche de la guillotine, les cours étrangères seraient saisies d'horreur, et lanceraient contre nous toutes leurs armées, dût le sang des hommes monter jusqu'au poitrail des chevaux. Mais cela même plaisait à l'audace de ces successeurs des Titans. Leur politique étant de creuser derrière eux un abîme où les précipiterait un seul pas fait en arrière, ils couraient le front haut à une guerre universelle d'extermination, et c'était afin de mieux braver les rois en marche, qu'ils leur jetaient, comme un gage de bataille, la tête d'un roi.

Il était difficile, ce semble, de professer une politique plus hardie : eh bien ! parmi les Montagnards, quelques-uns allaient encore au delà. Ils demandaient, ceux-ci, la mort sans jugement. Un roi, disaient-ils, se croit un être à part, et il agit en cette qualité. Placé en dehors, placé au-dessus de la loi commune, de quel droit, lorsqu'il est vaincu, en réclamerait-il le bénéfice ? Ce qui est applicable à un citoyen ne saurait l'être logiquement à qui se prétend plus qu'un citoyen. Que la royauté porte la peine de son insolence ! Louis n'est pas un accusé pour nous, c'est un ennemi. Il s'agit, non de le juger, mais de le frapper.

Arrêtons-nous ici un instant devant l'imposante figure de l'homme qui allait donner à ce dernier système des développements conformes à son noir génie.

Né à Decize, dans le Nivernais, le 25 août 1767, Saint-Just venait d'atteindre sa vingt-cinquième année, lorsqu'il fut envoyé à la Convention. Mais, dès l'abord, tout en lui frappa les uns de stupeur et les autres d'une prophétique épouvante : son visage d'une beauté étrange et triste, son regard plein de mornes pensées, je ne sais quoi d'implacable que trahissait son maintien, sa violence sourde, son ton bref, son austérité, son calme terrible. Il est de lui, ce mot : L'empire est au flegmatique[21].

Un jour, la main ouverte sur un brasier où venait d'être jeté un libelle contre-révolutionnaire, il avait prêté serment à l'avenir, pendant que les flammes dévoraient sa chair. Voilà, du moins, ce que la feuille des Jacobins avait raconté de lui, citoyen très-obscur alors[22]. On crut la chose, aussitôt qu'on vit l'homme.

Rigide dans ses mœurs, dans ses habitudes, il le fut : l'avait-il toujours été ? Un écrivain de notre temps, biographe de Saint-Just, et son ennemi, s'est plu à le représenter donnant les premières heures de son adolescence au plaisir et savourant l'amour ; au Caton du Comité de salut public, il a opposé, pour le convaincre d'hypocrisie, l'Alcibiade des villages du Soissonnais[23]. Mais, avant d'admettre l'accusation, l'histoire exige des preuves, et elle les veut sérieuses, et elle ne reconnaît point pour telles des allégations risquées sur la foi de vieillards qu'on s'abstient de nommer, sûr moyen de soustraire leur témoignage à l'analyse[24]. Le nom des vaincus, qui l'ignore ? est exposé à la souillure de bien des mensonges, quand ce sont les vainqueurs qui règnent, qui ont la parole ou qui tiennent la plume. Malheur à qui succombe après avoir tout fait trembler ! La haine descend avec lui dans son tombeau, s'y établit, et les vers du sépulcre ont depuis longtemps achevé de ronger son corps, que la calomnie est là continuant de ronger sa mémoire.

Que Saint-Just, à l'âge où la vie est en fleur, se soit passionné pour une jeune fille, s'en soit fait aimer, l'ait demandée en vain aux parents, et la voyant sacrifiée à un autre par cette tyrannie barbare qu'on appelle les convenances de famille, lui ait néanmoins gardé son cœur, c'est un crime que le puritanisme monarchique a toute liberté de trouver impardonnable ; mais, si l'on parle de relations adultères, la démonstration est de rigueur. Quand Saint-Just se rendit à Paris, enleva-t-il madame de Thorin pour y vivre avec elle ? Les documents à l'appui, — on ne le croirait jamais, — se réduisent à cette fin d'une lettre, écrite en 1793 à Saint-Just par un de ses amis de province, au sujet de la situation de leur pays, et qu'après sa défaite on découvrit dans ses papiers :

J'ai eu des nouvelles de la femme Thorin, et tu passes toujours pour l'avoir enlevée. Elle demeure hôtel des Tuileries, vis-à-vis les Jacobins, rue Saint-Honoré. Il est instant, pour effacer de l'opinion publique la calomnie qu'on a fait imprimer dans le cœur des honnêtes gens, de faire tout ce qui convient pour conserver l'estime et l'honneur que tu avais avant cet enlèvement. Tu ne te fais pas une idée de tout ceci, mais il mérite ton attention. Adieu, mon ami. La poste part. Fais pour l'ami ce que tu lui as promis.

Ton sincère ami pour la vie, THUILLIER[25].

 

Ainsi, en 1793, madame de Thorin était à Paris ; mais qu'elle y eût été conduite ou non par l'amour qu'elle portait à Saint-Just, toujours est-il que celui-ci n'avait aucun rapport avec elle, puisqu'il ne connaissait pas même son adresse. Cependant, comme les ennemis du rigide conventionnel faisaient passer le voyage de madame de Thorin à Paris pour un enlèvement, Thuillier conseillait à son ami d'agir de façon à mettre fin à cette calomnie, probablement en priant la dame de retourner dans son pays, et il lui apprenait où elle demeurait. Eh bien, voilà ce qu'on produit comme une preuve invincible que Saint-Just avait entraîné madame de Thorin à Paris ; qu'il lui en coûtait trop de se séparer de sa belle et spirituelle maîtresse[26] ; que, par conséquent, cette austérité que tous les auteurs, ses contemporains, s'accordent à lui reconnaître, ne fut chez lui qu'affectation trompeuse et hypocrisie !

Plus tard, nous ferons justice des calomnies infâmes qui attribuèrent le supplice de madame de Sainte-Amaranthe à son refus de céder aux désirs de Saint-Just et de Robespierre. Disons dès à présent, néanmoins, pour donner une idée de l'impudeur de ces mensonges, si légèrement accueillis par le récent biographe de Saint-Just, qu'à l'époque où l'on a placé l'odieuse et absurde fable de Robespierre soupant chez madame de Sainte-Amaranthe, et y laissant échapper, dans l'ivresse, de dangereux secrets, cette dame et sa famille étaient en prison depuis trois mois, ce qu'affirme... la date des écrous[27] !

Non, Saint-Just ne fut pas un hypocrite : son orgueil le lui défendait, et plût au ciel qu'il n'eût pas fourni de sa sincérité tant d'effroyables témoignages ! Son poème d'Organt, cette satire outrée qu'inspirèrent les scandales de l'affaire du collier, cette débauche littéraire encouragée par le souvenir de la Pucelle, son poème d'Organt avait été le caprice, certainement très-blâmable, d'un écolier roulant sur la pente du dix-huitième siècle, à la suite de Voltaire ; mais le Temple de Cnide est-il la balance qui sert à peser Montesquieu ? A peine entré dans l'histoire, Saint-Just fut le premier à oublier un livre où on ne le retrouve en effet que dans la préface, qui est d'une ligne : J'ai vingt ans. J'ai mal fait. Je pourrai faire mieux[28].

Le secret d'être fort dans la vie, c'est de ne s'inquiéter point de sa durée. Ce secret, nul ne le posséda mieux que Saint-Just. Il savait que le repos des révolutionnaires est dans la tombe, il le disait[29], et n'en fut que plus porté à se hâter de vivre, le sommeil funèbre dont parle Hamlet n'ayant rien qui troublât son âme.

Oser est toute la politique d'une révolution, disait-il ; mais son audace, à lui, ne ressemblait ni à celle de Danton, ni à celle de Marat ; elle n'était point véhémente, point brutale ; elle ne s'évaporait pas en provocations, elle ne se vantait pas : c'était une audace froide, réfléchie, silencieuse, qui prenait son élan dans l'ombre et frappait sans avertir.

Dans un ouvrage de la première jeunesse de Saint-Just, écrit d'un style incisif, serré à la manière de Montesquieu, on lit un éloge de la monarchie constitutionnelle et de Louis XVI, et cela n'a rien de surprenant ; c'était dans le temps où chacun jugeait possible l'alliance d'un roi et d'un peuple ; dans le temps où Barère pleurait d'attendrissement au seul nom de Louis XVI, tandis que Bonneville écrivait : Ô mon roi, ô mon père ! Mais quelle main les burina, ces magnanimes axiomes : Les lois qui règnent par le bourreau périssent par le sang. — Plus la République est étendue, plus les lois doivent être douces. — Qu'est-ce qu'un gouvernement qui a perdu la pudeur de l'échafaud ?L'arbre du crime est dur, la racine en est tendre ; rendez les hommes meilleurs et ne les étranglez pas. — Il est impossible de concevoir le bourreau. Quoi ! cela se lit dans l'Esprit de la Révolution et de la Constitution de France[30], par Saint-Just, ce Saint-Just dont on put dire, quand il était à la Convention, que ses rapports parlaient comme une hache ?[31] Ah ! ils ne comprendront jamais la Révolution française, ceux qui ne comprennent pas son irrésistible action sur ses amants ; et ignorent avec quelle facilité elle sut leur persuader que son caractère exceptionnel était la justification de sa grandeur sauvage ; qu'elle venait rendre le monde à la paix en épuisant la guerre, et au droit en épuisant la force ; que le bourreau lui était indispensable pour tuer le bourreau ; et qu'elle ne pouvait purifier la terre qu'à la façon du déluge !

Saint-Just avait une intelligence trop haute pour ne pas voir qu'en tant que système suivi et permanent, la cruauté est affaire de rois, comme l'inquisition est affaire de prêtres. La théorie de la Terreur ? Eh mais, le premier qui en fit un moyen de gouvernement, fut celui qui, le premier, donnant pour base à la religion une lâcheté imbécile, inventa l'enfer. Impossible que Saint-Just ne sût point cela. Mais son farouche orgueil, sa volonté de fer, son organisation de fanatique le disposant à être cruel par voie de transition, la Révolution le fit tel, à l'instant même où elle le prit à son service. Vainement avait-il écrit : Pour fonder la République, il faut la faire aimer, la règle de ses actes révolutionnaires allait être : Pour fonder la République, il faut la faire craindre. Et certes son âpre talent n'était que trop propre à prêcher l'ajournement des lois douces ! Plusieurs, que la contagion n'aurait point gagnés peut-être, subirent l'influence de ce nouveau venu. Robespierre lui-même ne put s'en défendre, à demi transformé qu'il était déjà par les persécutions sans fin de la Gironde ; et chacun remarqua combien son sang s'aigrit et s'altéra dans ses veines, dès qu'il fut enveloppé dans cette robe de Déjanire : l'amitié de Saint-Just !

On a vu que le 13 novembre avait été fixé pour la discussion du rapport de Mailhe : ce jour-là effectivement le débat s'ouvrit.

Morisson, qui parla le premier, reconnut que Louis XVI avait trahi la France ; qu'il s'était plusieurs fois parjuré ; qu'il avait hypocritement couvé le despotisme ; qu'il avait soulevé contre la Révolution une partie de l'Europe ; qu'il avait sous main poussé à tous les désordres ; qu'il avait fait passer le numéraire de la France à ses ennemis ; que son trône était teint du sang de plusieurs milliers de citoyens égorgés... Mais, ajoutait l'orateur, aux termes de la Constitution, le roi, lorsqu'il commit ces crimes, était inviolable. Je le dis donc à regret, la loi reste muette ici à l'aspect du coupable, malgré l'atrocité de ses forfaits. Nous ne pouvons le juger[32].

Cela revenait à prétendre que le dogme conventionnel de l'inviolabilité était contraire à la justice, à la raison, à l'intérêt public, et que, néanmoins, cette convention devait l'emporter sur l'intérêt public, sur la raison, sur la justice !

Saint-Just se leva calme et sombre. Il dit :

J'entreprends de prouver que le roi peut être jugé que l'opinion de Morisson, qui conserve l'inviolabilité, et celle du Comité., qui veut qu'on le juge en citoyen, sont également fausses, et qu'il doit être jugé dans des principes qui ne tiennent ni de l'une ni de l'autre.

L'unique but du Comité fut de vous persuader que le roi devait être jugé en simple citoyen, et moi je dis que le roi doit être jugé en ennemi ; que nous avons moins à le juger qu'à le combattre, et que n'étant pour rien dans le contrat qui unit les Français, les formes de la procédure ne sont point dans la loi civile, mais dans la loi du droit des gens.

Un jour peut-être les hommes, aussi éloignés de nos préjugés que nous le sommes de ceux des Vandales, s'étonneront de la barbarie d'un siècle où ce fut quelque chose de religieux que de juger un tyran, où le peuple qui eut un tyran à juger l'éleva au rang de citoyen avant d'examiner ses crimes.

On s'étonnera qu'au dix-huitième siècle on ait été moins avancé que du temps de César ; le tyran fut immolé en plein sénat, sans autres formalités que vingt-deux coups de poignard, sans autres lois que la liberté de Rome ! Et aujourd'hui l'on fait avec respect le procès d'un homme assassin d'un peuple, pris en flagrant délit, la main dans le sang, la main dans le crime ! Ceux qui attacheront quelque importance au juste châtiment d'un roi ne fonderont jamais une république. Parmi nous, la finesse des esprits et des caractères est un grand obstacle à la liberté. On embellit toutes les erreurs, et le plus souvent la vérité n'est que la séduction de notre goût.

Le pacte est un contrat entre les citoyens, et non point avec le gouvernement. On n'est pour rien dans un contrat où l'on ne s'est point obligé ; conséquemment, Louis, qui ne s'était point obligé, ne peut point être jugé civilement. Ce contrat était tellement oppressif qu'il obligeait les citoyens et non le roi ; un tel contrat était nécessairement nul ; car rien n'est légitime de ce qui manque de sanction dans la morale et dans la nature.

Outre tous ces motifs qui vous portent à ne pas juger Louis comme citoyen, mais à le juger comme rebelle, de quel droit réclamerait-il pour être jugé civilement l'engagement que nous avions pris envers lui, lorsqu'il est clair qu'il a violé le seul qu'il avait pris avec nous, celui de nous conserver ? Quel sera cet acte dernier de la tyrannie, que de prétendre être jugé par des lois qu'il a détruites ? Quelle procédure, quelle information voulez-vous faire des entreprises et des pernicieux desseins du roi, lorsque ses crimes sont partout écrits avec le sang du peuple, lorsque le sang de vos défenseurs a ruisselé, pour ainsi dire, jusqu'à vos pieds par son commandement ? Ne passa-t-il point avant le combat les troupes en revue ? Ne prit-il point la fuite au lieu de les empêcher de tirer ? Et l'on vous propose de le juger civilement, tandis que vous reconnaissez qu'il n'était pas citoyen ?

Juger un roi comme un citoyen ! ce mot étonnera la postérité froide. Juger, c'est appliquer la loi. Une loi est un rapport de justice. Quel rapport de justice y a-t-il donc entre l'humanité et les rois ? Qu'y a-t-il de commun entre Louis et le peuple français pour le ménager après sa trahison ? Il est telle âme généreuse qui dirait dans un autre temps que le procès doit être fait à un roi, non point pour les crimes de son administration, mais pour celui d'avoir été roi ; car rien au monde ne peut légitimer cette usurpation, et de quelques illusions, de quelques conventions que la royauté s'enveloppe, elle est un crime éternel contre lequel tout homme a le droit de s'élever et de s'armer ; elle est un de ces attentats que l'aveuglement même de tout un peuple ne saurait justifier. Ce peuple est criminel envers la nature par l'exemple qu'il a donné. Tous les hommes tiennent d'elle la mission secrète d'exterminer la domination en tout pays. On ne peut point régner innocemment, la folie en est trop évidente. Tout roi est un rebelle et un usurpateur.

J'ajoute qu'il n'est pas nécessaire que le jugement du ci-devant roi soit soumis à la sanction du peuple ; car le peuple peut bien imposer des lois par sa volonté, parce que ces lois importent à son bonheur ; mais le peuple même ne peut effacer le crime de la tyrannie : le droit des hommes contre la tyrannie est personnel, et il n'est pas donné à la souveraineté d'obliger un seul citoyen à lui pardonner[33].

 

Cette éloquence brève, sauvage et forte ; l'imprévu de ces maximes débitées avec roideur et sang-froid ; tant d'inflexibilité dans un tout jeune homme ; l'attitude même de Saint-Just à la tribune, son regard fixe, la rigidité métallique de son maintien, le contraste qu'il y avait entre ses dures paroles et la beauté féminine de son visage, tout cela présentait un caractère extraordinaire et nouveau. L'Assemblée resta un moment comme pétrifiée.

Après Saint-Just, Fauchet prit la parole, et dans une harangue véhémente, diffuse, désordonnée, développa cette thèse singulière que Louis XVI méritant plus que la mort, il n'y avait qu'à le condamner au supplice de vivre[34].

Parurent successivement à la tribune Robert, Rozet, l'abbé Grégoire :

Le premier pour se répandre en outrages vulgaires contre le prisonnier du Temple ;

Le second pour adjurer la Révolution triomphante de ne point ensanglanter sa victoire et d'envelopper dans sa magnanimité sa justice ;

Le troisième pour montrer ce qu'avait de monstrueux le dogme de l'inviolabilité, si on le destinait à couvrir les crimes personnels du monarque, si l'on en faisait un bouclier à l'abri duquel un homme pût à coup sûr et impunément arracher l'âme à un peuple. L'histoire, s'écriait l'orateur[35], l'histoire qui burinera les crimes de Louis XVI pourra le peindre d'un seul trait. Aux Tuileries, des milliers d'hommes étaient égorgés ; le bruit du canon annonçait un carnage effroyable, et ici, dans cette salle, il mangeait !

Sur ces entrefaites eut lieu une découverte fatale à Louis XVI : le serrurier Gamain alla révéler à Roland l'existence de l'armoire de fer[36]. Elle contenait divers documents de nature à compromettre non-seulement le roi captif, mais plusieurs membres, soit de l'Assemblée constituante, soit de l'Assemblée législative. S'il s'y trouvait des pièces dont la Gironde eût intérêt à ne point laisser percer le mystère, rien de moins probable ; mais ce qui est certain, c'est qu'au lieu de faire apposer les scellés sur ces papiers précieux, Roland les entassa dans des serviettes, qu'il se hâta d'emporter[37] : conduite louche qui mit et laissa sur sa vertu la tache du soupçon !

Le lendemain du jour où l'Assemblée reçut communication officielle de la découverte de l'armoire de fer, le 21 novembre, Thomas Paine, qui ne pouvait s'énoncer en français, écrivit à la Convention une lettre où il demandait qu'on jugeât Louis XVI, non comme individu, non pas même comme roi agissant à part, mais comme membre de la grande conspiration formée contre la France révolutionnaire par les brigands couronnés de l'Europe[38]. Idée vraiment révolutionnaire, qui tendait à faire du procès d'un roi le procès de la royauté elle-même !

Malheureusement, on n'aurait pu élever la question à cette hauteur, sans courir la chance des retards. Or, tous les partis avaient la fièvre, et regardaient, les uns avec l'anxiété de l'effroi, les autres avec l'impatience du désir, cette hache suspendue en l'air !

Pas une circonstance, d'ailleurs, qui ne semblât concourir au dénouement. Quoique la récolte eût été bonne, le pain manquait là où il ne se vendait pas à un prix impossible à atteindre pour l'ouvrier. Et à cela il y avait diverses causes : d'abord, et incontestablement, les calculs meurtriers d'hommes accoutumés à spéculer, par l'accaparement, sur la détresse publique et sur la faim ; ensuite, le peu de confiance qu'avaient dans les assignats beaucoup de laboureurs, lesquels aimaient mieux garder leurs grains qu'amasser dans leurs coffres ce qu'ils considéraient comme des chiffons de papier[39] ; et enfin les menées des royalistes et des prêtres, qui, excitant le peuple, l'encourageant à exiger la taxation du pain[40], semaient partout une inquiétude d'autant plus funeste, qu'en matière de disette, la peur du mal centuple le mal.

Affreux désordres ! Dans plusieurs départements, on vit se former des attroupements qui se portaient aux marchés, taxaient les grains et même les enlevaient sans les payer. Or, plus il se commettait de violences, plus les grains se cachaient ; et plus les grains se cachaient, plus le peuple au désespoir criait anathème à ceux qui, fermiers timides ou accapareurs sans entrailles, le laissaient mourir. La ville de Chartres eut à repousser trois mille hommes armés qui vinrent à ses portes demander qu'on taxât les grains. Au Mans, les administrateurs durent signer, sous le couteau, un arrêté portant que la taxe serait éternellement, pour le pain mollet, à 2 sols 3 deniers la livre, et pour le froment, à 43 sols le boisseau. Des bandes furieuses menaçaient la Ferté-Bernard, Boitert, Saint-Calais[41]. Où s'arrêterait cette révolte d'ignorants affamés ?

Roland, effrayé, écrivait lettres sur lettres à la Convention, n'hésitant pas à dire que le foyer des troubles était à Paris[42]. Mais sur quel point de Paris ? Au Temple ! s'écrièrent, en entendant la lecture d'une de ces missives, plusieurs membres de l'Assemblée[43]. De sorte qu'il n'était pas jusqu'au spectre de la faim qui ne se dressât contre l'infortuné Louis XVI, odieusement rendu responsable de malheurs qu'il ne lui était plus possible de prévenir, ou de complots qu'il ignorait !

Le département du Loiret étant celui où la fureur populaire menaçait de tout engloutir, la Convention y envoya trois commissaires, dont la vie ne tint qu'à un fil, et qui revinrent précipitamment, après avoir signé, entourés qu'ils furent de fourches et d'épées, la taxe même contre laquelle ils avaient mission d'élever la voix. Au récit que l'un des trois commissaires, Lecointe-Puyraveau, fit des périls que lui et ses collègues avaient courus, la Convention frémit. Elle décréta qu'elle improuvait la conduite de ses commissaires, dont la mission était, non de céder, mais de mourir. On leur présentait la hache et la plume, dit Manuel[44], ils devaient prendre la hache et se couper la main.

A ces maux quels remèdes ? Ici se réveilla la querelle fameuse où l'abbé Galiani avait brillé d'un si vif éclat, et qui avait armé Necker contre Turgot[45].

Roland et ses amis étaient pour la liberté absolue du commerce. Or, qui jamais s'y serait attendu ? ils rencontrèrent, en cette occasion, un de leurs plus fermes auxiliaires dans un de leurs plus implacables ennemis.

Selon Saint-Just, le mal venait de l'émission déréglée du signe qui représentait les richesses, c'est-à-dire de la multiplication outrée des assignats : le fait est qu'ils s'élevaient alors à la somme de deux milliards et demi, et tout récemment encore, le 20 novembre, on en avait créé six cents millions par simple décret de l'Assemblée[46]. Saint-Just s'effrayait de cette tendance à augmenter la masse du papier en circulation. Il faisait observer avec raison que le laboureur, accoutumé à thésauriser, et n'ayant pas absolument besoin, pour vivre, de vendre ses produits, vendait à regret ses grains, parce qu'il ne se souciait pas de mettre du papier dans son maigre trésor. Le luxe étant aboli, l'or, qui comme signe inspirera toujours confiance, parce qu'il possède une valeur intrinsèque et vaut ce qu'il représente, l'or étant devenu fort rare, les métaux manquant pour l'industrie, et la masse croissante des assignats menaçant de dépasser la valeur des biens qui, primitivement, leur avaient servi de gage, les produits de la terre, s'écriait Saint-Just alarmé, sont accaparés ou se cachent. Tout se change en monnaie. Si cela continue, le signe finira par être sans valeur, notre change sera bouleversé, notre industrie tarie, et il ne nous restera plus que la terre à partager et à dévorer.

En conséquence, Saint-Just proposait les mesures suivantes : Mettre un terme à l'émission du papier. — Vendre les biens des émigrés, et au moyen des annuités converties en contrats, rembourser la dette. — Ordonner que l'impôt foncier serait payé en nature et versé dans les greniers publics. — Déclarer la circulation des grains libre dans l'intérieur. — Porter une loi qui mît la liberté du commerce sous la sauvegarde du peuple. — Décider que les produits de la terre pourraient être représentés par des signes dans le commerce, mais non la terre elle-même[47].

Dans ces doctrines de Saint-Just, le vrai et le faux se trouvaient mêlés d'une façon singulière. Il avait grandement raison, certes, de prémunir la Révolution contre toute émission exagérée et abusive de cette monnaie de papier qui ne saurait se soutenir dans la circulation qu'autant qu'elle s'appuie sur un gage solide, certain, et facilement appréciable ; mais, dans les derniers jours de novembre 1792, le discrédit de l'assignat n'était point tel, qu'on pût lui attribuer les embarras de la situation. Dans son discours, Saint-Just avait très-heureusement fait ressortir la nécessité d'encourager le laboureur à partager son industrie entre les grains et les troupeaux, la culture exclusive du grain épuisant le sol, l'agriculture ne vivant que d'engrais, et le peuple ne mangeant de la viande que là où une portion des terres est mise en pâturages ; mais c'était rétrograder d'un siècle que de demander le payement de l'impôt en nature ; et lorsqu'il s'opposait à la mobilisation du sol, Saint-Just tournait tout à fait le dos à l'avenir. Ajoutons qu'il ne tenait pas suffisamment compte des nécessités exceptionnelles et révolutionnaires du moment, quand il proclamait la liberté absolue du commerce, même dans une question où il y allait de la vie pour le peuple, cette liberté n'étant bonne qu'à protéger les accapareurs qui, soit cupidité, soit haine systématique de la Révolution, spéculaient sur la famine.

Aussi voyons-nous que, sur cette question particulière des subsistances, les vues de Robespierre différèrent entièrement de celles de Saint-Just.

La liberté du commerce ? disait-on. Oui, jusqu'au point où elle ne sert plus qu'à protéger une cupidité homicide. Eh quoi ! les économistes considéraient comme une marchandise ordinaire les denrées les plus nécessaires à la vie ! Quoi ! ils ne mettaient aucune différence entre le commerce de l'indigo, par exemple, et celui du blé ? Avoir égard aux profits des négociants ou des propriétaires, rien de mieux ; mais la vie des hommes valait bien, peut-être, qu'on la comptât pour quelque chose ! La théorie des économistes fût-elle la meilleure possible dans les temps ordinaires, était-ce au plus fort d'une crise produite par tous les ennemis de la Révolution conjurés, qu'il convenait d'en faire l'application ? Passe encore d'abandonner aux spéculations illimitées du commerce les denrées qui ne tiennent point aux premiers besoins de l'existence ; mais rendre la vie aléatoire ! On peut se résigner à ne point porter des étoffes précieuses ; mais le pauvre peut-il, sans épouvante, courir la chance d'avoir trop tard ou de n'avoir pas le pain qu'il lui faut pour sa femme, pour ses enfants et pour lui-même ?

Les aliments nécessaires à l'homme, continuait Robespierre, sont aussi sacrés que la vie elle-même. Tout ce qui est indispensable pour la conserver est une propriété commune à la société entière. Il n'y a que l'excédant qui soit une propriété individuelle, et qu'on puisse abandonner à l'industrie des commerçants. Toute spéculation mercantile que je fais aux dépens de la vie de mon semblable n'est point un trafic, c'est un brigandage.

Que la circulation dans toute l'étendue de la République soit protégée, mais que l'on prenne les précautions nécessaires pour que la circulation ait lieu. C'est précisément du défaut de circulation que je me plains ; car le fléau du peuple, la source de la disette, ce sont les obstacles mis à la circulation, sous le prétexte de la rendre illimitée. La subsistance publique circule-t-elle, lorsque des spéculateurs avides la retiennent entassée dans leurs greniers ? Circule-t-elle, lorsqu'elle est accumulée dans les mains d'un petit nombre de millionnaires qui l'enlèvent au commerce pour la rendre plus précieuse et plus rare, qui calculent froidement combien de familles doivent périr avant que la denrée ait atteint le temps fixé par leur atroce avarice ? Circule-t-elle, lorsqu'elle ne fait que traverser les contrées qui l'ont produite, aux yeux des citoyens indigents qui éprouvent le supplice de Tantale, pour aller s'engloutir dans le gouffre inconnu de quelque entrepreneur de la disette publique ? Circule-t-elle lorsque, à côté des plus abondantes récoltes, le citoyen nécessiteux languit, faute de pouvoir donner une pièce d'or ou un morceau de papier assez précieux pour en obtenir une parcelle ?

 

Passant aux moyens de favoriser la circulation des grains, de manière à couper court aux engorgements systématiques, et parlant de ce point de vue que les engorgements étaient encouragés par trois causes : le secret, la liberté sans frein, et la certitude de l'impunité, Robespierre demandait que l'existence du peuple cessât de dépendre du laissez-faire ; que les précautions convenables fussent prises pour constater la quantité de grains produite par chaque contrée et récoltée par chaque cultivateur ; que les marchands de grains fussent tenus de les vendre au marché, et qu'on défendît tout transport des achats pendant la nuit[48].

Tandis qu'on discutait ainsi sur les remèdes, le mal suivait son cours. Afin de soulager le peuple et de prévenir l'exploitation de la faim, la Municipalité de Paris achetait des blés dans les départements voisins et les vendait au-dessous du prix dans la capitale. Mais, outre que ce système entraînait un sacrifice de 12.000 francs par jour[49], il avait pour effet d'éloigner les marchands, qu'une semblable concurrence écrasait, et d'attirer, au contraire, à Paris les populations des campagnes, ardentes à venir partager avec les Parisiens le bénéfice du bon marché. Sur quoi Roland fatiguait l'Assemblée de ses plaintes, vantant les grandes vues de Turgot, appelant avec désespoir les erreurs désastreuses de Necker, rédigeant en manière de lettres officielles de vrais traités d'économie politique, et accusant la Commune de ne nourrir le peuple à bon marché que par ambition de popularité et esprit de grossière courtisanerie[50].

Bizarre enchaînement de circonstances ! la question des grains donna naissance à celle du salaire des prêtres.

En rendant compte des troubles du Loiret, Biroteau, un des commissaires envoyés dans ce département, avait dit : Des curés, des prêtres se trouvaient et parlaient au milieu des attroupements. Ils nous ont fait taxer les œufs et le beurre qu'on avait oublié de taxer au marché[51]. Ce rapport, qui montrait la main du prêtre dans les agitations populaires, ranima bien des haines assoupies. On n'arriverait donc jamais à les contenir, ces hommes qui se servaient de la religion pour souffler la révolte ? Quelques jours auparavant, Cambon avait demandé qu'on laissât désormais à chaque secte religieuse le soin de payer les ministres de son culte[52]. Le récit de Biroteau mit cette proposition en lumière.

Rien de plus naturel assurément qu'une semblable mesure, rien de plus juste et de plus conforme au génie de la Révolution. Eh bien, qui le croirait ? Elle eut contre elle les révolutionnaires les plus ardents, et d'abord, le club des Jacobins. Dans quel temps, s'écria Bazire[53], vient-on nous proposer ces choses ? Dans un temps où nous allons juger le roi, dans un temps où il est nécessaire que le peuple soit tout entier pour nous ! Défiez-vous de ce projet ; quant à moi, je déclare que je le combattrai jusqu'à extinction. Et ces paroles passionnées furent couvertes d'applaudissements[54].

Danton professait la même opinion et tenait le même langage. Il faut, disait-il du haut de la tribune de la Convention, il faut se défier d'une idée jetée dans cette assemblée. On a prétendu que les prêtres ne devaient pas être salariés par le trésor public. On s'est appuyé sur des considérations philosophiques qui me sont chères ; car je ne connais d'autre Dieu que celui de l'univers, d'autre culte que celui de la justice et de la liberté. Mais l'homme maltraité de la fortune cherche des jouissances éventuelles ; quand il voit un homme riche se livrer à tous ses goûts, caresser tous ses désirs, tandis que ses besoins, à lui, sont restreints au plus étroit nécessaire, alors il croit, et cette idée est consolante pour lui, il croit que, dans une autre vie, ses jouissances se multiplieront en proportion de ses privations dans celle-ci. Quand vous aurez eu pendant quelque temps des officiers de morale qui auront fait pénétrer la lumière dans les chaumières, alors il sera bon de parler au peuple morale et philosophie. Mais jusque-là il est barbare, c'est un crime de lèse-nation de vouloir ôter au peuple des hommes dans lesquels il peut trouver encore quelques consolations. Puis Danton proposait une adresse au peuple pour lui persuader que la Convention ne voulait rien détruire, mais tout perfectionner[55].

A son tour, Robespierre s'éleva contre le projet de supprimer les fonds affectés au culte.

Mon Dieu, écrivait-il dans son journal[56], c'est celui qui créa tous les hommes pour l'égalité et pour le bonheur ; c'est celui qui protège les opprimés et qui extermine les tyrans ; mon culte, c'est celui de la justice. Je n'aime pas plus qu'un autre le pouvoir des prêtres : c'est une chaîne de plus donnée à l'humanité, mais c'est une chaîne invisible, attachée aux esprits, et la raison seule peut la rompre.

Sans aller aussi loin que Danton, qui avait mis au rang des crimes de lèse-nation le projet de supprimer le salaire des prêtres, et après avoir exprimé l'espoir de voir disparaître bientôt devant la pratique des sublimes maximes de vertu et d'égalité enseignées aux hommes par le fils de Marie, l'adoration imbécile des fantômes créés par l'ambition des prêtres et la politique des rois, Robespierre signalait le danger de s'attaquer prématurément à des erreurs qui, par malheur, se trouvaient avoir encore dans l'ignorance d'un grand nombre d'esprits des racines profondes. Il mesurait l'effroi qu'éprouverait la partie la moins éclairée du peuple, en voyant le culte sacrifié à des intérêts d'une autre nature, et il écrivait ces paroles remarquables : Si le peuple agissait autrement, ce ne serait qu'aux dépens de ses mœurs ; car quiconque renonce par cupidité, même à une erreur qu'il regarde comme une vérité, est déjà corrompu.

Abordant le côté politique de la question, Robespierre demandait si le moment était bien choisi pour jeter au milieu de la société de nouveaux ferments de discorde et créer une nouvelle génération de prêtres réfractaires, alors que le pacte social était à faire, et le roi à juger, et la République à asseoir, et l'esprit de faction à combattre, et la ligue des tyrans à exterminer ? On entendait détruire l'influence des prêtres ; mais n'y avait-il pas à craindre qu'on ne la rendît, au contraire, plus active, en substituant aux prêtres du public, les prêtres des particuliers, et en nouant de plus intimes liens entre les citoyens superstitieux et un clergé mécontent ?

Examinant enfin la mesure proposée sous le rapport financier : Loin que le système du Comité des finances, continuait Robespierre, soulage le peuple, il fait retomber sur lui tout le poids des dépenses du culte.

Faites-y bien attention : quelle est la portion de la société qui est dégagée de toute idée religieuse ? Ce sont les riches ; cette manière de voir dans cette classe d'hommes suppose chez les uns plus d'instruction, chez les autres seulement plus de corruption. Qui sont ceux qui croient à la nécessité du culte ? Ce sont les citoyens les plus faibles et les moins aisés, soit parce qu'ils sont moins raisonneurs ou moins éclairés ; soit aussi par une des raisons auxquelles on a attribué les progrès rapides du christianisme, savoir que la morale du fils de Marie prononce des anathèmes contre la tyrannie et contre l'impitoyable opulence, et porte des consolations à la misère et au désespoir lui-même. Ce sont donc les citoyens pauvres qui seront obligés de supporter les frais du culte, ou bien ils seront encore à cet égard dans la dépendance des riches ou dans celle des prêtres ; ils seront conduits à mendier la religion, comme ils mendient du travail et du pain ; ou bien encore, réduits à l'impuissance de salarier les prêtres, ils seront forcés de renoncer à leur ministère ; et c'est la plus funeste de toutes les hypothèses ; car c'est alors qu'ils sentiront tout le poids de leur misère, qui semblera leur ôter tous les biens, jusqu'à l'espérance[57].

Ces débats, loin de faire oublier le Temple, y ramenaient tous les regards et toutes les pensées ; car, selon les révolutionnaires de l'avant-garde, au Temple était la cause de tous les maux de la patrie. Quel moyen plus sûr d'en finir avec les conspirations, que d'enlever leur point de ralliement aux conspirateurs ? Tant que la Convention différera la décision du procès de Louis XVI, disait Robespierre, elle ranimera les factions et soutiendra les espérances des partisans de la royauté. Je demande qu'on accélère le jugement, qu'ensuite on s'occupe des subsistances, et enfin que vous déposiez à jamais les haines et les préventions particulières[58].

De son côté, Legendre fit décréter que, pour éviter les lenteurs, tous les discours relatifs au procès de Louis XVI seraient portés sur le bureau et imprimés[59].

Il y eut beaucoup de harangues écrites, beaucoup d'injures à l'adresse du roi tombé, et les arguments, de part et d'autre, se noyèrent dans les redites.

Que Louis XVI fût coupable, c'est ce que nul n'essaya de nier. Seulement, ceux qui voulaient le sauver rappelaient qu'il était inviolable aux termes de la Constitution. A quoi leurs adversaires répondaient que Louis XVI ne pouvait invoquer le bénéfice du pacte constitutionnel, puisque son crime était précisément de ne l'avoir accepté que pour mieux le rompre, et d'avoir mis le feu à l'Europe pour le détruire. Ils ajoutaient qu'en tout cas, l'inviolabilité se rapportait aux actes dont les ministres avaient à répondre, et que l'étendre aux actes personnels du monarque serait le comble de l'iniquité et de la démence.

Dans cette arène, on vit figurer tour à tour, parmi beaucoup de citoyens obscurs, des noms célèbres à divers titres : Condorcet, Camus, Marie-Joseph Chénier, Manuel. Ce dernier prononça une parole à laquelle il ne devait pas conformer son vote : Un roi mort n'est pas un homme de moins[60].

A un député du Havre, nommé Faure, appartient l'honneur d'avoir élevé le débat à des hauteurs philosophiques, et développé, en faveur de Louis XVI, le seul système de défense qui eût chance de réussir. L'orateur n'essaya pas de prouver l'innocence de Louis, non ; mais il le montra soumis dès le berceau à des influences déplorables, nourri dans les préjugés, environné de séductions, faible d'ailleurs, sans volonté qui lui fût propre, et incapable de résister longtemps à ceux qui, goutte à goutte, lui versaient le poison lent de la royauté. A prendre les choses de haut, Louis XVI pouvait-il être rendu responsable de ses actes, même personnels, lui dont l'âme avait toujours été si vacillante, lui qu'une dévotion maladive avait asservi aux prêtres, lui dont Marie-Antoinette avait gouverné si despotiquement les pensées ? N'était-il pas juste de tenir compte d'épreuves auxquelles n'eût peut-être pas résisté la fermeté d'un Aristide ou d'un Épictète ? Que de monarques, mille fois plus coupables que Louis XVI, étaient morts tranquillement dans leur lit ! Ah ! pitié, pitié pour cet homme abattu ! La République victorieuse n'était-elle pas assez forte ? ne pouvait-elle être impunément magnanime ?

De pareilles considérations avaient de quoi toucher une nation aussi chevaleresque et aussi généreuse que la nation française. Mais l'instinct de l'égalité était là qui les réfutait. Quand un malheureux, pensait le peuple, se laisse aller à commettre un crime, commençait-on par scruter avec une sollicitude philosophique l'enchaînement des circonstances fatales et des influences cachées qui l'avaient conduit à l'abîme ? La société se croyait-elle tenue envers lui à la générosité, ou seulement à l'indulgence ? Considérait-on, pour lui faire grâce, qu'au sortir du berceau il avait croupi dans l'ignorance ; que son âme n'avait eu à traverser que des ténèbres ; que la misère avait soufflé à son âge mûr d'horribles tentations ; que le morceau de pain ramassé par lui dans le sang d'un autre homme était destiné à sa famille criant la faim ? Quoi ! pour un délit privé, pour le meurtre d'un seul individu, la mort, la mort sans commentaires ; et, pour les crimes commis contre un peuple tout entier par son premier magistrat, l'oubli !

Au dehors, pendant ce temps, la République multipliait ses triomphes, et s'en allait répandant sur les champs de bataille la semence des idées nouvelles. Dumouriez était entré à Mons le lendemain de la bataille de Jemmapes ; le 14 novembre il est reçu à Bruxelles au milieu des acclamations du peuple[61]. Déjà le gouvernement des Pays-Bas s'est enfui à Ruremonde. Toutes les routes se couvrent de royalistes, d'émigrés, de prêtres français, courant éperdus, les uns vers la Hollande, les autres vers l'Angleterre, tandis que d'autres s'enfoncent en Allemagne[62]. Ath, Tournay, Newport, Ostende, ont ouvert leurs portes. Le mois de novembre ne se passera pas sans que Labourdonnaye occupe la citadelle d'Anvers, et les premiers jours du mois suivant trouveront le général Valence maître de Namur. Au duc de Saxe-Teschen, réduit à battre en retraite et qui sollicite une suspension d'armes, Dumouriez répond fièrement : Nous ne pouvons traiter avant que l'ennemi ait repassé le Rhin[63].

Mais le Rhin a cessé d'être une barrière pour les Français. Les armées républicaines, portant la liberté dans les plis de leurs drapeaux, exercent tout le long de leur route héroïque une fascination qui n'eut jamais d'exemple. La Marseillaise, se prolongeant d'échos en échos, est bien vite devenue l'hymne de l'universelle délivrance, et partout où passe le soldat français, les liens qui attachaient les peuples aux anciens gouvernements se relâchent ou se rompent[64].

Le prince de Hardenberg avoue qu'à Mayence grand nombre d'ecclésiastiques se rallièrent à nous, pressés qu'ils étaient de s'affranchir de la sévérité de leurs vœux, et que les habitants des campagnes eux-mêmes se montrèrent disposés à un changement, en haine de la dîme et des corvées[65]. Aussi advint-il qu'à Mayence une société se forma sur le modèle du club des Jacobins. Le professeur Bohmer en fut le président, et Custine en fit l'ouverture dans une des salles du château électoral[66].

Or, ceci avait lieu au moment même où, sur l'instante prière de la Savoie, la Convention déclarait cette contrée partie intégrante de la France[67] ; et quelques jours après, Custine fils écrivait à l'Assemblée : Les Mayençais, jaloux des Savoisiens, demandent à former un quatre-vingt-cinquième département[68].

Cet élan des peuples vers la Révolution eût été irrésistible sans, les journées de septembre ; le bouleversement du système politique sur lequel l'Europe avait été assise jusqu'alors, l'occupation de la Belgique décidée par le gain d'une seule bataille, le génie des guerriers les plus fameux reculant d'épouvante à l'aspect de l'esprit nouveau, quel sujet de méditation pour les rois ! Le monde tomba dans un étonnement profond ; le gouvernement anglais passa d'une haine prudente à d'actives inimitiés ; Chauvelin, qui avait été envoyé à Londres en qualité d'ambassadeur, avec Talleyrand pour mentor, cessa d'être reconnu par le ministère anglais comme revêtu d'un caractère public[69], et Pitt se prépara aux chances d'une guerre à mort.

Mais la Convention, dont la gloire fut d'élever toujours son courage au niveau de ses périls, la Convention redoubla d'audace. Convaincue que tous les peuples étaient frères ; qu'il appartenait à la Révolution française de proclamer bien haut le principe de la solidarité humaine ; qu'il était dans la mission historique de la France, et conforme à son génie, de servir de lien aux nations ; que la justice enfin ne l'emporterait dans le monde que le jour où les opprimés sauraient et pourraient opposer leur alliance à la ligue des oppresseurs, elle rendit le décret, à jamais fameux, qui mettait le grand cœur et le sang de la France à la disposition des peuples en lutte pour la liberté[70].

Tel était l'état des choses, lorsqu'arriva le jour où devait être repris le procès de Louis XVI. Mais avant de raconter la séance du 3 décembre, disons quelle était, au Temple, la vie de la famille qu'on y tenait captive.

Louis XVI occupait, à cette époque, le second étage de la grande tour du Temple ; car la famille royale, placée d'abord dans la petite tour, avait été transportée dans la grande, où l'on jugea que la surveillance serait plus facile. De l'appartement de Louis XVI, qui ne formait d'abord qu'une seule pièce, on en avait fait quatre. La première, après l'antichambre, servait de salle à manger ; le royal prisonnier couchait dans la seconde, et son valet de chambre dans la troisième. Un petit cabinet, où il aimait à se retirer, avait été en outre pratiqué dans une tourelle. Sa chambre à coucher était ornée d'une tenture jaune et meublée très-proprement. Liberté, égalité, propriété, sûreté, voilà ce que les plaques de fonte de la cheminée donnaient à lire à celui qui avait été roi. Chaque chambre était éclairée par une croisée ; mais les gros barreaux de fer et lés abat-jour placés en dehors, gênaient la circulation de l'air. Sur la cheminée, il y avait une pendule au bas de laquelle on lisait : Le Pautre, horloger du roi. Après la proclamation de la République, les officiers municipaux collèrent un pain à cacheter sur le mot roi. Ils placardèrent aussi dans la salle à manger la Déclaration des droits de l'homme, suivie de ces lignes qu'il eût été généreux de ne point tracer dans la prison d'un monarque déchu : L'an Ier de la République[71].

Le troisième étage, habité par la reine, sa fille et Madame Élisabeth, présentait la même distribution[72].

Louis XVI se levait à six heures, se mettait en prière, puis lisait l'office que les chevaliers de l'ordre du Saint-Esprit sont tenus de réciter tous les jours. A ces prières, il en ajoutait d'autres tirées du bréviaire des prêtres. Du reste, sa piété semblait avoir revêtu, depuis qu'il était détrôné, un caractère particulier de résignation ; et s'il arrivait qu'on le gênât dans l'accomplissement de ses devoirs religieux, il n'en témoignait ni humeur ni ressentiment. Un vendredi, soit distraction, soit mauvais vouloir, les employés qui le servaient n'ayant mis sur la table que du gras, il prit un verre de vin, trempa dedans un morceau de pain, et dit avec un sourire exempt d'amertume : Voilà mon dîner. La prière et la lecture conduisaient jusqu'à neuf heures. Alors la famille se réunissait pour le déjeuner, après quoi Louis XVI, rentrant dans sa chambre, donnait à son fils une leçon de latin, puis de géographie. Il lui dit un jour : Souvenez-vous, mon fils, que les rois sont comme des arbres élevés, toujours agités par les vents. De son côté, Marie-Antoinette instruisait sa fille, pendant que Madame Élisabeth lisait des livres de dévotion ou s'occupait de quelque ouvrage à l'aiguille. De midi à une heure, les enfants avaient récréation. A une heure, la famille se réunissait de nouveau, pour le repas, dans la salle à manger ; et le dîner fini, le jeune prince et sa sœur jouaient dans l'antichambre, au volant, au siam ou à d'autres jeux, tandis que Louis XVI et Marie-Antoinette, pour avoir l'occasion de se dire quelques mots, faisaient une partie d'échecs, de trictrac ou de piquet. Souvent la famille descendait au jardin, où elle ne pouvait, d'ailleurs, se promener que sous la surveillance de deux officiers municipaux. A quatre heures, le roi prenait quelques instants de sommeil. A neuf, après le souper, Marie-Antoinette déshabillait son fils et le mettait au lit. Louis XVI alors prenait congé de sa famille, bénissait sa fille, et, retiré dans sa chambre, y restait prosterné jusqu'à onze heures, devant le Dieu de ses croyances[73].

On sent combien était propre à toucher les cœurs où une étincelle de sensibilité restait encore, cette manière de vivre si simple, si calme, et qui, aux yeux des commissaires envoyés dans la tour, mettait si bien en relief les vertus privées de Louis XVI, l'inaltérable douceur de Madame Élisabeth, les grâces naïves de l'enfant captif, et la dignité de la reine, dignité qui n'avait plus rien que de noble, maintenant qu'elle était adoucie par le malheur. Lorsque, tenant à la main le pain qu'on venait de lui apporter, Louis XVI en offrait la moitié au fidèle Cléry, son valet de chambre, et lui disait : Il paraît qu'on a oublié votre déjeuner ; prenez ceci, j'ai assez du reste[74] ; ou lorsque ce même Cléry étant tombé malade, c'était le dauphin qui lui offrait à boire[75] ; ou bien, lorsqu'on voyait la fille altière de Marie-Thérèse dresser elle-même son lit[76], sans qu'une plainte sortit de sa bouche, quelle âme vraiment républicaine ne se serait émue à de tels spectacles ? Ah ! Louis XVI dans sa prison était plus dangereux que sur son trône !

Il se trouva donc que, parmi les officiers municipaux chargés de la surveillance du Temple, plusieurs ne se purent défendre d'un attendrissement que, plus tard, quelques-uns d'entre eux payèrent de la vie[77].

Mais insulter à la puissance abattue est une jouissance pour les natures viles. A côté de ceux qui cédèrent à une compassion généreuse, il y eut ceux qui firent à la République cette mortelle injure de croire qu'elle demandait à être servie par l'abus de la force et une lâché insolence. Pétion, raconte Madame Royale, envoya pour porte-clefs et guichetier l'homme horrible qui força la porte de mon père, le 20 juin 1792, et qui pensa l'assassiner. Cet homme fut toujours à la tour, et essaya toutes les manières de le tourmenter. Tantôt il chantait devant nous la Carmagnole ; tantôt, sachant que ma mère n'aimait pas l'odeur de la pipe, il lui en soufflait, ainsi qu'à mon père, une bouffée, quand ils passaient. Il était toujours couché lorsque nous allions souper, parce qu'il fallait passer par sa chambre. Quelquefois même il était dans son lit quand nous allions dîner[78].

A ces tristes détails retracés par la fille de Louis XVI, Cléry, dans son journal, en ajoute beaucoup d'autres du même genre, et quelque dégoût qu'ils inspirent, ils n'ont rien, hélas ! qui ne s'explique par ce mystérieux mélange de grandeur et de bassesse qu'on nomme la nature humaine.

Disons aussi que beaucoup de vexations eurent leur source dans la nécessité de soumettre à une surveillance stricte des prisonniers à ce point importants. Il est juste de ne point perdre de vue que la garde du Temple faisait peser sur la Commune une responsabilité terrible. Ce fut le sentiment de ses propres périls, qui la conduisit à donner des ordres dont la grossièreté de quelques subalternes outra la sévérité et la rendit, en mainte occasion, odieuse. Des procès-verbaux de la Commune il résulte que des rassemblements nocturnes avaient coutume de se former près de l'enceinte extérieure de la tour ; qu'on y jouait différents airs sur le flageolet ; qu'on y faisait des signaux ; que des cris de : vive le roi ! avaient été entendus[79].

C'est là ce qui explique, de la part de certains municipaux, une vigilance qui atteignait jusqu'aux dernières limites du soupçon. L'un faisait rompre des macarons, pour voir si l'on n'y avait pas caché quelques billets ; un autre, sous l'empire des mêmes appréhensions, ordonnait qu'on coupât des pêches devant lui, et qu'on en fendit les noyaux. Un jour, pour prouver qu'il n'entendait pas officieusement empoisonner son maître en le rasant, Cléry fut forcé de boire de l'essence de savon destinée à la barbe du roi[80]. Quand venait l'heure du coucher, les municipaux de service s'arrangeaient de manière à barrer la pièce que Louis XVI occupait. Non contents de fermer cette pièce en dehors à deux verrous, ils fermaient aussi en dehors la porte de la salle à manger, dressaient contre le mur de la chambre à coucher deux lits de sangle, et s'y jetaient tout habillés. Il était défendu à Cléry, mais cette défense était facilement éludée, de s'entretenir à voix basse avec son maître pendant la nuit, et lorsque, durant les repas, les membres de la famille royale se parlaient à l'oreille, les commissaires criaient : Parlez plus haut[81].

La preuve, du reste, que ces précautions n'étaient pas de trop, c'est qu'elles n'empêchaient pas les communications avec le dehors. Sous prétexte de se faire apporter du linge et d'autres objets nécessaires, Cléry avait obtenu que sa femme vînt au Temple une fois par semaine, et se fit accompagner d'une dame qui passait pour sa parente. Or, comme ces visites avaient lieu à l'heure de la promenade, pendant laquelle la plupart des municipaux suivaient la famille royale, Cléry trouvait moyen de savoir tout ce qui intéressait les captifs[82]. Cléry était, en outre, mis au courant des choses du dehors, par trois garçons servants de la bouche du roi, nommés Turgy, Marchand et Chrétien. Ils apportaient dans la tour les repas de la famille royale, préparés dans une cuisine assez éloignée ; et Turgy, qui sortait du Temple deux ou trois fois la semaine pour les approvisionnements, pouvait s'informer de ce qui se passait. Il est vrai qu'on lui avait interdit de parler au valet de chambre, à moins que ce ne fût en présence des municipaux, et relativement à des détails de service. Mais, raconte Cléry, lorsqu'il voulait me dire quelque chose, il me faisait un signe convenu, et je cherchais à l'entretenir sous différents prétextes. Tantôt, je le priais de me coiffer : Madame Élisabeth causait alors avec les municipaux, et j'avais le temps nécessaire pour nos conversations ; tantôt, je lui donnais l'occasion d'entrer dans ma chambre, et il saisissait ce moment pour placer sous mon lit les journaux, mémoires, et autres imprimés qu'il avait à me remettre[83].

Que si maintenant on examine quelle fut, — abstraction faite des rigueurs commandées par la politique, — la conduite de la Commune, on verra qu'elle ne manqua ni de décence, ni même de générosité.

Et, par exemple, on ne donna pas à Louis XVI moins de treize officiers de bouche, et sa table fut toujours servie avec la plus grande somptuosité. Il n'est pas inutile et il est curieux de rappeler que chaque matin, pour le déjeuner de la famille captive, le chef d'office faisait servir sept tasses de café, six de chocolat, une cafetière de crème double chaude, une carafe de sirop froid, une cafetière de lait chaud, une carafe de lait froid, une d'eau d'orge et une de limonade, trois pains de beurre, une assiette de fruits. Le dîner se composait de trois potages, quatre entrées, deux plats de rôt, quatre entremets ; à quoi le chef d'office ajoutait, pour le dessert, une assiette de four, trois compotes, trois assiettes de fruits, trois pains de beurre, une bouteille de vin de Champagne, un petit carafon de vin de Malvoisie, un de Bordeaux, un de Madère, quatre tasses de café, un pot de crème double, etc. Même abondance au souper. Le rapport officiel qui nous a transmis ces détails, rend d'ailleurs pleine justice à la sobriété des convives ; il constate que, seul de tous les membres de la famille royale, Louis XVI buvait du vin, mais modérément, et qu'il était aussi le seul à observer l'abstinence et le jeûne les jours prescrits par l'Église[84]. Toujours est-il que la Commune ne saurait être accusée de lésinerie, quand on songe que la consommation de la volaille, au Temple, fut, du 16 août au 9 septembre, de 1344 livres[85] ; que, dans le mois de septembre, on y mangea quatre-vingt-six paniers de pêches[86] ; et, pour tout dire en un mot, que le total des dépenses de bouche pendant trois mois et demi s'éleva, même après réduction des bordereaux, à la somme de 35.172 livres[87] !

Cléry a pu écrire, sans trahir la vérité, que, lors de leur installation au Temple, le roi et la reine manquèrent de linge, ou n'eurent que celui que la comtesse de Sutherland, ambassadrice d'Angleterre, leur fit passer ; il ajoute : Les princesses raccommodaient leurs vêtements, et souvent, pour recoudre ceux du roi, Madame Élisabeth était obligée d'attendre qu'il fût couché 5[88]. Mais, ce que Cléry oublie de dire, c'est que ce dénuement de la famille royale se rapporte seulement aux premiers jours de sa captivité. Louis XVI n'eut pas plutôt demandé des vêtements, du linge et autres effets nécessaires, que la Commune s'empressa d'obtempérer à cette demande ; si bien que, pour vêtements, linges de corps et de lit, fournis à la famille prisonnière depuis le 10 août jusqu'à la fin d'octobre, la Commune eut à solder soixante-dix-huit mémoires, formant un total de 29,505 livres[89].

Quant à l'obligation où Marie-Antoinette se trouva réduite de dresser elle-même son lit, ce fut l'effet de sa libre volonté. Des femmes du choix de la municipalité lui ayant été offertes pour son service, elle les refusa et dit : Je ferai moi-même mon ménage[90].

Pétion avait avancé au monarque déchu une somme de 2000 livres : la. Commune les remboursa[91].

Elle mit aussi à la disposition de Louis XVI plusieurs ouvrages qu'il demanda vers la fin de novembre, tels que les Commentaires de César, Cornelius Nepos, la Grammaire de Lhomond, Justin, les Métamorphoses d'Ovide, les Fables de la Fontaine, Tacite, les Aventures de Télémaque, etc. etc. L'esprit du temps, considéré sous son plus mauvais aspect, éclate dans les débats qui eurent lieu à ce sujet au sein du Conseil général. L'un prétendait que plusieurs des livres demandés contenaient des erreurs politiques ; un autre, que les Métamorphoses d'Ovide étaient contraires aux mœurs ; un troisième qu'on ferait mieux de donner à Louis XVI l'Histoire de la Révolution d'Angleterre, celle du Massacre de la Saint-Barthélemy, la Vie de Cromwell[92]… Ces objections, à la fois inhumaines et puériles, n'empêchèrent pas la Commune de se prêter aux désirs de son prisonnier. Et certes, un refus, en cette occasion, lui eût été fort sensible, la lecture ayant été la consolation de ses derniers jours. Lui-même fit, la veille de son exécution, le compte des livres qu'il avait lus au Temple : le chiffre montait à 257 volumes[93].

Le 20 novembre, à la suite d'une passagère indisposition dont il venait d'être atteint, le bruit de sa mort courut à Paris. Que prétendaient ceux qui répandirent cette fausse nouvelle ? Voulaient-ils tâter l'opinion ? En tout cas, leur but fut manqué, la Commune s'étant hâtée de publier le bulletin de la santé de Louis, et n'ayant pas laissé aux émotions diverses le temps de se produire[94].

Cependant elle touchait à sa fin, cette fameuse et terrible Commune du 10 août. Le 2 décembre, le Conseil général ouvrit sa dernière séance à neuf heures du matin, et à trois heures, ceux que l'élection populaire avait désignés pour le remplacer commençaient leurs travaux. Un médecin, nommé Chambon, avait été élu maire : quelques jours après, Chaumette, dont Hébert et Réal furent les substituts, se vit élever, par le suffrage des sections, à la dignité de procureur général de la Commune[95]. A peine installé, je m'appelais autrefois, dit-il, Pierre-Gaspard Chaumette, parce que mon parrain croyait aux saints. Depuis la Révolution, j'ai pris le nom d'un saint qui a été pendu pour ses principes républicains. C'est pourquoi je m'appelle aujourd'hui Anaxagoras Chaumette[96].

Avec la nouvelle de ce changement, un rayon d'espoir avait pénétré dans le Temple, mais il se dissipa bien vite[97]. L'Hôtel de Ville redoubla de vigilance : malheur aux magistrats récemment élus, s'ils eussent fléchi ! Partout, le vent était à la colère, et plusieurs sections laissèrent éclater une impatience farouche. Telle était, même dans les provinces, la violence des animosités républicaines, qu'une commune proposa sérieusement à la Convention de faire, pour les envoyer à l'ennemi, des boulets du calibre de la tête de Louis XVI et portant son effigie[98]. Dans leur empressement à montrer l'horreur que la royauté leur inspirait, villes et particuliers changeaient de nom, si celui qu'ils avaient porté jusqu'alors contenait les mots Louis, Bourbon, ou Royal. C'est ainsi que la ville de Port-Louis obtint de s'appeler Port-de-la-Liberté[99].

D'un autre côté, les royalistes se taisaient ou se cachaient. Nul effort ne fut tenté en faveur de la famille royale. Les seuls témoignages de sympathie qu'elle reçut se firent jour : au Théâtre-Français, dans quelques allusions d'un drame intitulé l'Ami des Lois ; au Vaudeville, dans cette phrase de la Chaste Suzanne : Vous êtes accusateurs, et vous seriez juges ![100] Au Marais, enfin, dans une pièce intitulée le Tribunal Redoutable : on y représentait une tour absolument semblable à celle du Temple ; on montrait cette tour devenant la prison d'une femme belle et noble ; et la conclusion était qu'il fallait respecter le sang des rois comme celui de dieux bienfaisants. A la troisième représentation, Gonchon s'étant levé tout à coup pour interpeller le directeur, des royalistes le menacèrent. Lui, froidement : Le premier qui m'attaque est mort[101]. Et ce fut tout.

Pendant ce temps, on s'occupait à rassembler les matériaux du procès attendu. C'était Rühl, Jacobin déterminé et patriote austère, que la Convention avait chargé de l'examen des papiers fournis par l'armoire de fer ; et un bruit vague s'était répandu que plus d'un Girondin allait se trouver compromis : rumeur doublement absurde, puisqu'en supposant même que d'aussi fiers républicains eussent faibli un moment, il avait été facile à Roland d'en faire disparaître la preuve.

De fait, rien ne put être produit ni contre eux, ni contre les députés du centre, si ce n'est : 1° une lettre de Laporte au roi, énonçant que Barère était dans les meilleures dispositions ; 2° un mémoire de Sainte-Foi, où il recommandait Kersaint à Louis XVI comme ministre de la marine ; 3° une pièce apostillée par le monarque, dans laquelle il était dit : Seize membres des plus forts de l'Assemblée vont être acquis pour trois mois, et ensuite pour toute la législature, mais ils coûteront cher.

Ces documents, que Rühl crut devoir communiquer à l'Assemblée, dans la séance du 5 décembre, ne pouvaient évidemment donner lieu à une accusation sérieuse : Barère et Kersaint n'eurent pas de peine à repousser des soupçons fondés sur des allégations aussi vagues, aussi futiles ; et en insinuant que Guadet devait être au nombre des seize membres dont parlait la note apostillée par le roi, vu son influence parlementaire et son talent, le prêtre Chales n'aboutit qu'à s'attirer une réponse foudroyante[102].

Cet incident terminé, l'affaire de Louis XVI fut reprise, et Robespierre parut à la tribune. Il venait parler, non sur le procès, mais contre le procès. C'est pourquoi on consentit à l'entendre, bien qu'il eût été décidé que les discours seraient seulement imprimés. Il commença en ces termes :

L'Assemblée a été entraînée, à son insu, loin de la véritable question. Il n'y a point ici de procès à faire. Louis n'est point un accusé, vous n'êtes point des juges ; vous êtes, vous ne pouvez être que des hommes d'État et les représentants de la nation. Vous n'avez point une sentence à rendre pour ou contre un homme, mais une mesure de salut public à prendre, un acte de providence nationale à exercer. (On applaudit.) Quel est le parti que la saine politique prescrit pour, cimenter la République naissante ? C'est de graver profondément dans les cœurs le mépris de la royauté et de frapper de stupeur tous les partisans du roi. Donc, présenter à l'univers son crime comme un problème, sa cause comme l'objet de la discussion la plus imposante, la plus religieuse, la plus difficile qui puisse occuper les représentants du peuple français, mettre une distance incommensurable entre le seul souvenir de ce qu'il fut, et la dignité d'un citoyen ; c'est précisément avoir trouvé le secret de le rendre encore dangereux à la liberté. Louis fut roi, et la République est fondée. La question fameuse qui vous occupe est décidée par ces seuls mois : Louis est détrôné par ses crimes ; Louis dénonçait le peuple français comme rebelle ; il a appelé, pour le châtier, les armes des tyrans ses confrères. La victoire et le peuple ont décidé que lui seul était rebelle. Louis ne peut donc être jugé, il est déjà condamné ; il est condamné ou la République n'est point absoute. (Applaudissements.) Proposer de faire le procès à Louis XVI, de quelque manière que ce puisse être, c'est rétrograder vers le despotisme royal et constitutionnel ; c'est une idée contre-révolutionnaire, car c'est mettre la révolution elle-même en litige. En effet, si Louis peut être encore l'objet d'un procès, Louis peut être absous, il peut être innocent ; que dis-je ? il est présumé l'être jusqu'à ce qu'il soit jugé. Mais si Louis peut être présumé innocent, que devient la Révolution ? N'est-elle pas encore incertaine et douteuse ? Si Louis est innocent, tous les défenseurs de la liberté deviennent des calomniateurs, et les rebelles étaient les amis de la vérité et les défenseurs de l'innocence opprimée ; tous les manifestes des cours étrangères ne sont, que des réclamations légitimes contre une faction dominatrice ; la détention même que Louis a subie jusqu'à ce moment est une vexation injuste ; les fédérés, le peuple de Paris, tous les patriote de l'empire français sont coupables, et le grand procès pendant au tribunal de la nature, entre le crime et la vertu, entre la liberté et la tyrannie, est enfin décidé en faveur du crime et de la tyrannie.

 

A ce début redoutable, inattendu, l'Assemblée fut saisie d'étonnement. C'était la théorie de Saint-Just, mais éclairée d'un jour nouveau, et présentée sous son aspect politique. Ou Louis est coupable, ou la République n'est pas absoute. Dilemme effrayant en effet ! Robespierre continue :

Lorsqu'une nation a été forcée de recourir aux droits de l'insurrection, elle rentre dans l'état de nature à l'égard du tyran. Comment celui-ci pourrait-il invoquer le pacte social ? Il l'a anéanti. Le droit de punir un tyran et celui de le détrôner, c'est la même chose. L'un ne comporte pas d'autres formes que l'autre. Le procès du tyran, c'est l'insurrection ; son jugement, c'est la chute de sa puissance ; sa peine, celle qu'exige la liberté du peuple. Les peuples ne jugent pas comme les cours judiciaires ; ils ne rendent point de sentences, ils lancent la foudre.

Après avoir ainsi proclamé ce dangereux principe que les colères d'un peuple sont infaillibles, et que les formes de la justice ne font point partie de la justice elle-même, Robespierre met en relief les périls qui sortiraient inévitablement d'un pareil procès, conduit avec les lenteurs ordinaires. Qu'arriverait-il si l'on atteignait l'époque du printemps, l'heure de l'attaque générale méditée par les rois ? Quelle carrière ouverte aux conspirateurs ! Quel aliment donné à l'intrigue ! Et, s'il existait d'aventure des juges prévaricateurs, jusqu'où ne se laisseraient-ils pas entraîner, lorsqu'ils auraient, pour tenter leur fidélité, l'or de l'ennemi, et l'appui de son glaive pour les encourager à l'audace ?

Louis, ajoute l'inexorable orateur, combat encore contre nous du fond de son cachot ; et l'on doute s'il est permis de le traiter en ennemi ; et l'on invoque en sa faveur la Constitution !..... La Constitution ? Elle vous défendait ce que vous avez fait contre lui. S'il ne pouvait être puni que de la déchéance, vous ne pouviez la prononcer sans avoir instruit son procès ; vous n'aviez pas le droit de le retenir en prison... La Constitution vous condamne. Allez donc aux pieds de Louis invoquer sa clémence.

La contradiction signalée ici par Robespierre était manifeste : elle frappa vivement l'Assemblée. Mais lui-même, lui qui avait demandé au nom de la civilisation qu'on supprimât enfin le bourreau, ne se rendait-il coupable d'aucune inconséquence, lorsqu'il demandait la tête de Louis XVI ? Voici ce qu'il répondit à cette objection, que personne ne lui faisait, mais qui s'élevait contre lui du fond de son propre cœur :

Avocats du roi, est-ce par pitié ou par cruauté que vous voulez le soustraire à la peine de ses crimes ? Pour moi, j'abhorre la peine de mort prodiguée par vos lois, et je n'ai pour Louis ni amour ni haine ; je ne hais que ses forfaits. J'ai demandé l'abolition de la peine de mort à l'Assemblée que vous nommez encore constituante, et ce n'est pas ma faute si les premiers principes de la raison lui ont paru des hérésies morales et politiques. Mais vous, qui ne vous avisâtes jamais de les réclamer en faveur de malheureux dont les délits sont moins les leurs que ceux du gouvernement, par quelle fatalité vous en souvenez-vous seulement pour plaider la cause du plus grand de tous les criminels ? (On applaudit.) Vous demandez une exception à la peine de mort pour celui-là seul qui peut la légitimer.

Jamais la sûreté publique ne la provoque contre les délits ordinaires, parce que la société peut toujours, par d'autres moyens, mettre le coupable dans l'impuissance de lui nuire. Mais un roi détrôné au sein d'une Révolution qui n'est rien moins que cimentée par des lois justes ; un roi dont le nom seul attiré le fléau de la guerre sur la nation agitée ; ni la prison ni l'exil ne peuvent rendre son existence indifférente au bonheur public. Et cette cruelle exception aux lois ordinaires que la justice avoue, ne peut être imputée qu'à la nature de ses crimes. Je prononce à regret cette fatale vérité ; mais Louis doit périr, plutôt que cent mille citoyens vertueux ; Louis doit mourir, parce qu'il faut que la patrie vive[103].

 

Ce puissant discours causa un ébranlement général. Et néanmoins, quoi de plus hasardeux que de transporter ainsi la question du terrain de la justice sur celui de la politique ? Marat, oui, Marat lui-même, y vit un danger ; et se penchant vers Dubois-Crancé, il lui dit : Avec ces doctrines-là, on fera plus de mal à la République que tous les tyrans ensemble[104]. Et puis, dès qu'il invoquait le droit de la guerre contre Louis XVI, Robespierre allait au-devant de l'objection que Garat lui fit plus tard : Le droit de mort que donne la guerre ne s'étend pas au delà du combat ; où le combat cesse le droit cesse aussi. Il n'y a que les Tartares qui croient avoir le droit de passer les prisonniers au fil de l'épée, et que les sauvages qui croient avoir le droit de les manger[105]. Ah ! ce qu'il y eut de faux dans l'acerbe logique de Robespierre et de Saint-Just, ce qu'il y eut de trompeur dans leur éloquence meurtrière, nous le savons aujourd'hui ! Nous savons que l'exécution de Louis XVI, en France, pas plus que celle de Charles Ier, en Angleterre, n'a guéri le monde du mal des rois !

Quoi qu'il en soit, ce fut le discours de Robespierre qui, selon l'expression de Garat, fit incliner la balance de la justice nationale du côté de la mort ; et ce fut le discours prononcé ensuite par. Barère qui, après avoir compté tous les poids, les fixa du même côté[106]. Le succès de Robespierre n'alla pas néanmoins jusqu'à faire décider que la sentence serait prononcée sans plus de retards. Quand il voulut présenter son projet de décret, les murmures couvrirent sa voix, et l'Assemblée, sur la motion de Pétion, se contenta de décréter que Louis XVI serait jugé par elle[107].

Eût-on jamais pu croire que, dans l'ardeur des Montagnards à poursuivre Louis XVI, les Girondins ne verraient que le désir de renverser le roi pour le remplacer sous un autre nom, et livrer, soit à Danton, soit à Robespierre, soit à Marat, la France enchaînée ? Eh bien ! telle fut l'étrange pensée qui, le 4 décembre, inspirait Buzot, lorsqu'il pressa la Convention de décréter la peine de mort contre quiconque proposerait ou tenterait de rétablir la royauté sous quelque dénomination que ce pût être ! Et ce qu'il y eut de plus extraordinaire, c'est que, par respect pour le principe de la souveraineté du peuple, quelques Montagnards se laissèrent entraîner à professer des maximes dont la Gironde s'empara comme d'une preuve décisive. Si la motion de Buzot passait, que devenait la liberté, que devenait la souveraineté du peuple, appelé à sanctionner la Constitution ? Voilà ce que demanda Bazire, et cela revenait à supposer que la nation pouvait vouloir un roi. A son tour, Merlin de Thionville, soutenu par Chabot, réclama pour les assemblées primaires la liberté absolue d'opinion. Or, c'était là justement que la Gironde attendait ses adversaires. Plus de doute ! la Montagne était prise en flagrant délit de royalisme ! Le trio cordelier venait de trahir imprudemment les pensées secrètes du parti ! Louis XVI allait avoir un successeur, qui, tout couvert de son sang, ferait revivre sous un nom nouveau sa tyrannie. La Convention nationale, s'écria Guadet, n'a point à regretter d'avoir entendu une opinion qui donne la clef de certains projets. A peine cette flèche empoisonnée a-t-elle été lancée, qu'un effroyable tumulte éclate. Ceux-ci applaudissent, ceux-là se répandent en exclamations furieuses. Bazire crie à la calomnie ; Chabot et Camille Desmoulins assiègent la tribune sans pouvoir y monter. Le désordre est au comble, et la proposition de Buzot est votée avec scandale[108].

Laisser les esprits sous l'impression d'un pareil incident eût été, de la part de la Montagne, une faute grave. Robespierre demande la parole ; mais les Girondins, qui devinent ses intentions et craignent de perdre le bénéfice des maladroites déclarations du trio cordelier, les Girondins appellent à leur aide la tempête. La voûte retentit de clameurs passionnées. Robespierre est accusé de prétendre au despotisme de la parole. Les plus emportés crient : A l'Abbaye ! Mais le peuple qui encombre les galeries, s'est ému en faveur d'un homme dont on semble ne maudire l'oppression que pour mieux l'opprimer. Robespierre paraît au milieu de la salle. Les spectateurs applaudissent ; il la traverse : les applaudissements redoublent. Il fallut l'entendre ; et tout l'échafaudage des imputations girondines, il le renversa par ces mots, que Bazire, Chabot et Merlin écoutèrent avec une résignation silencieuse : Supposer qu'une nation a le droit de s'asservir à la royauté, c'est outrager la souveraineté nationale. Une nation ne peut, sans crime, se donner un roi. Il conclut en insistant pour la condamnation immédiate du monarque déchu. Mais, conformément à une opinion émise par Pétion, l'Assemblée décréta qu'elle s'occuperait tous les jours, depuis midi jusqu'à six heures, du procès de Louis XVI[109].

Le lendemain, Rühl produisit ceux des documents trouvés dans l'armoire de fer qui montraient Mirabeau devenu le complice caché et l'instrument des complots de la Cour[110]. Les preuves n'étaient que trop décisives : des voix s'élevèrent pour demander que son buste disparût de l'Assemblée et que ses cendres fussent retirées du Panthéon. Manuel voulait qu'on donnât un défenseur officieux à sa mémoire. Après un court débat, la Convention décida qu'un rapport sur ces propositions diverses serait fait par le Comité de l'instruction publique, et qu'en attendant, la statue de Mirabeau resterait couverte d'un voile[111].

Le club des Jacobins se crut tenu à moins de réserve. Sur la proposition du menuisier Duplay, vivement appuyée par Robespierre, le buste du coupable grand homme fut renversé, foulé aux pieds, mis en pièces[112]. On fit subir le même sort au buste d'Helvétius ; et Robespierre, en poussant les Jacobins à cette démonstration violente[113], prouva une fois de plus combien sa philosophie différait de celle d'un homme qui, réduisant toutes nos facultés à la sensibilité physique, s'était attaché à établir, dans son fameux livre de l'Esprit, que tous nos jugements, toute notre conduite, se rapportent à un mobile unique : l'intérêt personnel[114]. Briser l'image d'Helvétius, c'était commettre assurément un acte d'intolérance ; mais, d'un autre côté, c'était décrier, au sein d'une Révolution qui avait besoin de dévouement, l'apostolat glacé, le stérile apostolat de l'égoïsme.

La lutte des partis continuait. A son retour de Londres, où le ministre Lebrun l'avait envoyé comme espion, et où il prétendait avoir pénétré les secrets de l'émigration royaliste, un intrigant, nommé Viard, était allé trouver Chabot, pour lui confier qu'en Angleterre, chez l'évêque de Saint-Pol-de-Léon, dans une réunion de ci-devant seigneurs et de prélats français, il avait entendu dire qu'au sujet du procès de Louis XVI, les émigrés comptaient sur Fauchet et sur Roland. La haine est crédule. Chabot crut tenir le sort de Roland dans ses mains, et la chose fit du bruit. Aussitôt, Viard, mandé à la barre de la Convention, est soumis à un interrogatoire sévère. Il répondit mal, balbutia, s'embarrassa dans des contradictions pitoyables, se conduisit enfin de manière à couvrir de confusion ceux qui l'avaient mis en avant. Chabot et Bazire étaient profondément humiliés, Marat écumait de rage, les amis de Roland triomphaient. Pour mieux accabler leurs adversaires, ces derniers demandèrent que madame Roland, dont Viard avait prononcé le nom, fût appelée à la barre. C'était une espèce de coup de théâtre dont ils avaient habilement calculé l'effet.

Madame Roland parut en vraie déesse de la Gironde, dans une attitude où la fierté républicaine s'alliait à une sage modestie ; et quand les transports excités par sa présence furent calmés, elle expliqua qu'elle ne connaissait point Viard ; qu'il s'était présenté à elle, néanmoins, comme dépositaire d'importants secrets, mais qu'elle l'avait renvoyé à son mari, n'ayant jamais été elle-même qu'à côté des affaires, ainsi que son rôle de femme le lui prescrivait.

Impossible de mieux répondre à ceux qui cherchaient à rendre Roland ridicule en assurant que son ministère était tombé en quenouille. Viard fut arrêté ; et madame Roland, dont la grâce et le bon goût avaient charmé l'Assemblée, traversa la salle au milieu d'acclamations parties de presque tous les bancs, tandis que Marat, montrant du doigt les galeries restées muettes, s'écriait : Voyez le silence du public ! Il est plus sage que vous[115].

Et l'Ami du peuple ne s'en tint pas là. Non, écrivait-il quelques jours après dans son journal, non, rien n'égale l'hypocrisie, l'astuce, la fourbe et la profonde scélératesse des complots formés contre la liberté publique par la clique Roland. Celui qui a éclaté le 7 de ce mois les surpasse tous. Il paraît démontré aux yeux des lecteurs qui pensent, que toute cette affaire est un complot tramé par la clique de Roland, et peut-être par sa Pénélope, aidée de ses principaux servants, pour engager les patriotes du Comité de surveillance dans de fausses démarches et les donner en spectacle comme des imbéciles, toujours prêts à jeter l'alarme sur des faits faux... L'indignation et la douleur que j'ai ressenties à la vue de ces lâches machinations ont si fort altéré ma santé, que je suis depuis, trois jours, dans mon lit avec la fièvre et la migraine[116].

Quelque violent que fût ce langage, c'est à peine s'il égalait la violence des actes par où éclatait le fougueux génie de la Gironde. Poursuivie du secret désir de sauver le roi, mais convaincue que ce désir, elle ne pourrait impunément l'exprimer, encore moins le faire prévaloir, tant que siégeraient, en face d'elle, sur les bancs de la Convention, des hommes aussi, audacieux que Marat, ou aussi influents que Robespierre, elle imagina de les chasser, en armant contre eux la province ; et un beau jour, Guadet vint jeter brusquement au milieu de la Convention un projet de décret portant : que les Assemblées primaires seraient convoquées à l'effet de sanctionner le choix des corps électoraux et de rappeler les membres qui auraient perdu la confiance publique. Il n'a pas plutôt dit, que les Girondins se lèvent avec enthousiasme. A quoi bon discuter ? Le peuple est souverain, et c'est à sa souveraineté que la proposition rend hommage. Le mouvement dont les Girondins ont donné le signal se communique dans toute la salle avec la rapidité de l'éclair, et la Convention, sans avoir eu le temps de se reconnaître, vote son suicide. C'en était fait, si Manuel d'abord, Prieur ensuite, n'eussent montré l'abîme qui s'ouvrait. Manuel indiqua fort bien que ce dangereux renouvellement de la Convention, si subitement proposé, n'avait qu'un but : celui d'annuler, au moyen de la province, les choix électoraux de Paris, et d'éliminer certains hommes qu'on n'aimait pas. A son tour, Prieur s'étonna qu'à la veille du jugement de Louis XVI, on eût présenté une motion tendant à faire regarder ceux qui devaient le juger comme des représentants provisoires du peuple, indignes de sa confiance ! A ces mots, un affreux tumulte s'élève. Honteuse de sa précipitation, l'Assemblée revient sur ses pas, et après quelques moments d'agitation, rapporte le décret qu'elle vient de rendre[117].

Tristes intermèdes, dans ce grand drame ! Ils donnèrent lieu à un pamphlet qu'Anacharsis Clootz publia sous ce titre : Ni Marat, ni Roland. Devant un public que fatiguaient et irritaient les querelles chaque jour suscitées par la Gironde, Clootz développa vivement la thèse résumée dans cette épigraphe : A bas les hommes ! à l'ordre du jour les choses ! Mais lui-même il tombait dans l'abus des personnalités, en disant que Roland avait l'œil louche, et Marat l'œil hagard ; qu'il arrivait à Guadet d'avoir quelquefois trop dîné ; que l'esprit et les grâces de madame Roland étaient de nature à rendre agréable l'intérieur de la maison du ministre, mais qu'un ridicule commérage contre Paris rendait sa table fastidieuse ; que Buzot était ascétique, et Kersaint trembleur ; que le patriotisme de Barbaroux était pur comme les traits de son visage ; que Rebecqui vendait des liqueurs ; que Roland exerçait la dictature avec l'esprit de la Bouche-de-Fer, quinze secrétaires et l'argent de la nation, etc., etc.… Ainsi que le fit observer le journal de Prudhomme, ce n'étaient point là des choses à l'ordre du jour[118].

A l'ordre du jour, il n'y avait, pour le peuple, que le procès de Louis XVI.

Dans la séance du 6 décembre, Quinette avait fait décider qu'une Commission de vingt et un membres présenterait l'acte énonciatif des crimes imputés à Louis XVI ; que le lendemain, l'accusé serait conduit à la barre de la Convention et interrogé ; que copies de l'acte énonciatif et des questions lui seraient remises ; et qu'enfin le président l'ajournerait à deux jours pour être indéfiniment entendu[119].

La Commission fut aussitôt nommée, se mit à l'œuvre ; et, dès ce moment, la surveillance à l'égard des prisonniers du Temple redoubla de rigueur.

Dans une visite que, deux mois auparavant, plusieurs municipaux avaient faite à celui qu'ils appelaient tantôt Louis de la Tour, tantôt Louis le dernier, Manuel, non content de contrister l'âme du monarque captif en lui apprenant les victoires de la République, avait donné l'ordre qu'on le dépouillât de ses décorations. S'il a mis un habit royal à son lever, avait-il dit, il se couchera avec la robe de chambre du citoyen[120]. Or, depuis, mainte humiliation du même genre était venue mettre à l'épreuve la résignation du malheureux prince. Elle ne se démentit pas, lorsque, le 7 décembre, un municipal, à la tête d'une députation de la Commune, vint lire à Louis XVI un arrêté qui ordonnait d'ôter aux détenus couteaux, rasoirs, ciseaux, canifs, et tous autres instruments tranchants. Aussitôt, tirant de ses poches un couteau et un petit nécessaire en maroquin rouge, le roi en ôta des ciseaux et un canif, qu'il tendit aux municipaux[121]. Puis, haussant les épaules : On ne doit pas avoir peur de moi, dit-il[122]. Tandis que les municipaux faisaient dans l'appartement les recherches les plus exactes, Louis était allé s'asseoir près de la cheminée. Un commissaire s'étant approché de lui, et voulant voir ce qui restait dans le nécessaire, il l'ouvrit, et montrant les pincettes qu'il tenait à la main : Ces pincettes ne sont-elles pas aussi un instrument tranchant ? demanda-t-il au commissaire, et il lui tourna le dos[123]. Ce fut le seul signe d'humeur que lui arrachèrent ces perquisitions offensantes[124].

Les municipaux montèrent ensuite chez Marie-Antoinette, qu'ils trouvèrent moins résignée. Si ce n'est que ça, s'écria-t-elle avec amertume, il faudrait aussi nous enlever les aiguilles, car elles piquent bien vivement[125].

Le 10 décembre, au nom de la Commission des Vingt et Un, le Montagnard Robert Lindet présentait à la Convention l'exposé historique des trahisons trop connues dont le roi s'était personnellement rendu coupable, et, le lendemain, le Girondin Barbaroux lisait, à la tribune, au nom de la même Commission, l'acte énonciatif des faits qui devaient servir de base au jugement.

On y imputait à crime au monarque déchu :

Les violences du 23 juin à Versailles ; l'ordre donné alors aux troupes de marcher sur Paris ; la garde du château confiée au régiment de Flandre ; les orgies où la cocarde nationale avait été foulée aux pieds ; les provocations qui, après avoir ensanglanté Versailles, avaient ensanglanté Paris ; la violation du serment prêté à la fédération du 14 juillet ; les tentatives de corruption pratiquées, à l'aide de Talon, sur plusieurs députés et, notamment, sur Mirabeau ; les millions dépensés en trames perfides ; la conspiration des chevaliers du poignard ; l'approbation donnée aux égorgements de Nancy ; la lettre écrite à Bouillé pour lui recommander de soigner sa popularité, parce qu'elle serait utile ; la déclaration royale laissée lors de la fuite de Varennes, et portant défense aux ministres de signer les actes émanés de l'Assemblée nationale ; cette fuite clandestine pour rentrer en France l'épée à la main ; le massacre du Champ de Mars ; les sommes énormes indiquées sur les registres de Septeuil comme ayant servi à soutenir la cause des émigrés et à faire tomber les assignats ; le silence gardé sur la convention de Pillnitz ; l'appui prêté au soulèvement contre-révolutionnaire de la ville d'Arles ; le retard apporté à l'exécution du décret qui réunissait Avignon à la France, retard plein de sang et où s'était enveloppé le dessein de prolonger la guerre civile ; l'inaction systématique du pouvoir exécutif à l'égard des terribles agitations de Nîmes, de Montauban, de Mande, de Jalès ; les pensions payées sous mains aux ex-gardes du corps réunis à Coblentz ; l'argent subrepticement envoyé à Lavauguyon, à Choiseul-Beaupré, à Rochefort, à madame de Polignac, à Bouillé ; le billet signé L. S. Xavier et Charles Philippe, prouvant que Louis XVI se concertait en secret avec ses frères, au moment même où il les sommait publiquement, au nom de l'honneur, de rentrer en France et de ne pas déchirer le sein de la patrie ; la mission — fait établi par une lettre de Toulongeon, commandant de la Franche-Comté — la mission donnée aux commandants des troupes de désorganiser l'armée, de pousser les soldats à la désertion, et de les faire passer au service de Léopold ; le département de la Guerre livré à Dabancourt, neveu de Calonne : d'où la trahison de Longwy et celle de Verdun ; la protection accordée aux prêtres factieux ; les gardes suisses retenus, contrairement à la Constitution et à un décret formel de l'Assemblée législative ; enfin la revue des Suisses dans la matinée du 10 août, et l'effroyable combat provoqué par la décharge que ces soldats étrangers avaient faite sur les citoyens[126].

Ce qui rendait le réquisitoire foudroyant, c'est qu'il avait pour base des documents irrécusables : registres de Septeuil ; lettres de Laporte, avec apostilles de la propre main du roi ; ordonnances de payement signées de lui ; billet de ses deux frères trouvé dans son portefeuille ; correspondances secrètes, découvertes au fond de l'armoire de fer qu'il avait construite.

Il faut reconnaître, néanmoins, que parmi les actes mis à sa charge, quelques-uns s'appuyaient sur des indices plutôt que sur des preuves ; et même, il en était dont on ne pouvait, sans injustice criante, le rendre responsable : le massacre du Champ de Mars, par exemple.

Quant aux faits antérieurs à l'acceptation de la Constitution, ils n'impliquaient en aucune manière la violation du pacte national, et par conséquent accusaient moins Louis XVI que le pouvoir absolu dont il avait hérité de ses ancêtres. Mais quoi ! pour faire absoudre ses attentats, le pouvoir absolu n'a-t-il qu'à en dérouler insolemment la chaîne traditionnelle ? Le mal est-il légitimé par cela seul qu'il dure ? Un homme n'est-il tenu de respecter la liberté d'un peuple qu'en vertu d'un engagement écrit sur un lambeau de parchemin ? Non, non : le droit, celui que proclame la conscience universelle, ne dépend pas des chartes ; il les précède et les domine, il sert à les juger, et il est ce que le fait la nature des choses.

Aussi la culpabilité de Louis XVI ne fit-elle, pour personne, l'objet d'un doute. Il y en eut qui essayèrent de le sauver par compassion ; d'autres par générosité ; d'autres par politique... Mais nul ne déclara le défendre par conviction de son innocence.

Mon fils, je serais inconsolable de trouver votre nom dans la liste de ceux qui voteront la mort de Louis XVI. Voilà ce que le père de Camille Desmoulins lui écrivait, le jour même où fut présenté l'acte énonciatif[127]. Adjuration vaine ! Camille était convaincu que Louis était coupable ; il se tint prêt à demeurer inflexible.

Barère reçut de sa femme et de la mère de sa femme des lettres toutes mouillées de leurs larmes. Mais il était convaincu que Louis était coupable ; il ferma son cœur à la pitié.

Que Marat ait été inexorable ; qu'il ait résisté aux larmes d'une actrice du Théâtre-Français, mademoiselle Fleury, qui l'implorait à genoux comme on implore la Divinité[128], il n'y a rien là qui doive surprendre ; mais il fit plus : lui qui jusqu'alors ne s'était montré que dans un sale costume, il s'habilla de neuf, voulant assister avec un lustre inaccoutumé à l'interrogatoire de Louis XVI. D'où ce mot de Gorsas : Il paraît que le procès et le jugement du roi sont des jours de fête pour cet orang-outang[129].

Le 11 décembre, dès cinq heures du matin, la générale battit dans Paris, et des cavaliers, précédant quelques pièces de canon, entrèrent dans le jardin du Temple. Cléry, prévenu quelques jours auparavant du décret qui appelait le roi à la barre de la Convention, en avait informé la famille royale. Elle ne s'alarma donc point du bruit qu'elle entendait ; mais désirant paraître en ignorer la cause, elle feignit l'inquiétude[130]. Louis s'était levé à sept heures, et il venait d'achever sa prière, lorsque le bruit du tambour parvint jusqu'à lui. N'est-ce pas la générale ? demanda-t-il au commissaire Albertier, et il se mit à parcourir sa chambre en prêtant une oreille attentive au piétinement des chevaux dans la cour[131]. Il monta déjeuner dans l'appartement des princesses, redescendit, et, sur les instances de son fils, consentit à jouer avec lui une partie au siam. L'enfant perdit, n'ayant pu aller au delà du nombre seize, ce qui lui arracha ce cri : Le nombre seize est bien malheureux !Ce n'est pas d'aujourd'hui que je le sais, répondit Louis, vivement ému[132]. Selon la narration de Cléry, il garda le silence, et le trouble de son cœur ne parut que sur son visage[133].

A onze heures, deux municipaux entrèrent. Ils venaient chercher le dauphin, qu'ils conduisirent chez sa mère. Louis, que cette séparation affligeait, se promena quelque temps d'un air agité, puis se laissa tomber dans un fauteuil, où il resta une demi-heure, la tête appuyée sur l'une de ses mains, et en proie à une rêverie douloureuse.

Il était une heure, lorsque le maire de Paris, Chambon, se présenta, suivi de Chaumette, de Santerre, et de plusieurs officiers municipaux. Louis Capet, dit Chambon, je suis chargé de vous annoncer que la Convention nationale vous attend à sa barre. Et il l'invita à descendre. Louis parut hésiter un instant. Je ne m'appelle pas Capet, dit-il ; mes ancêtres ont porté ce nom, mais jamais on ne m'a appelé ainsi. Au reste, c'est une suite des traitements que j'éprouve depuis quatre mois par la force[134]. Il ajouta : Vous m'avez privé une heure trop tôt de mon fils. Invité de nouveau à descendre, il s'y décida. Fusils et piques se dressèrent au bas de l'escalier, dans le vestibule. La cour était remplie de cavaliers bleu de ciel. Il pleuvait[135]. A la vue d'un uniforme qu'il n'avait jamais vu, Louis donna quelques signes d'agitation, et un long regard qu'il jeta sur la tour au moment de la quitter[136] sembla comme un suprême adieu de son âme.

La voiture du maire l'attendait ; il s'y assit à côté de Chambon, et ne témoigna, durant le trajet, ni mauvaise humeur ni tristesse, regardant d'un air plus curieux que pénétré la foule accourue sur son passage. Il parla peu. Seulement, comme il passait devant les portes Saint-Martin et Saint-Denis, il demanda laquelle des deux on se proposait d'abattre[137].

Lorsque le carrosse entra dans la cour des Feuillants, l'Assemblée discutait la loi des émigrés, sur cette observation, puérilement dédaigneuse de Manuel, qu'on ne devait pas avoir l'air de trop s'occuper d'un roi, dût-on faire attendre Louis à son arrivée[138]. Il faut que le silence des tombeaux effraye le coupable, avait dit Legendre. Barère, qui présidait, s'exprima en ces termes : Représentants, vous allez exercer le droit de justice nationale. L'Europe vous observe. L'histoire recueillera vos actions et vos pensées. Que votre attitude soit conforme aux fonctions que vous allez remplir. L'impassibilité convient à des juges. La dignité de votre séance doit répondre à la majesté du peuple français. Se tournant ensuite vers les galeries : Citoyens des tribunes, vous êtes associés à la gloire et à la liberté de la nation dont vous faites partie. Vous savez que la justice ne préside qu'aux délibérations tranquilles.... Les citoyens de Paris n'ont qu'à se souvenir du silence terrible qui accompagna Louis ramené de Varennes, silence précurseur du jugement des rois par les nations[139].

Louis parut. Son visage était calme et sa contenance résignée. Nul symbole visible ne rappelait sa grandeur, maintenant évanouie pour jamais. Il portait une redingote noisette par dessus son habit[140], et, comme Charles Ier, lorsque le colonel Harrisson le conduisit du château de Hurst à Windsor, il avait la barbe longue[141]. — He had allowed his beard to grow[142]. — A l'aspect de cet homme, le roi, solitaire image des majestés humaines en détresse, un invincible attendrissement s'empara des natures les plus implacables. Marat, qui s'était paré pour ce spectacle, se sentit à demi vaincu. Il s'est entendu cent fois appeler Louis, écrivait-il le lendemain dans son journal, sans montrer la moindre humeur, lui qui n'avait jamais entendu résonner à son oreille que le nom de majesté ; il n'a pas témoigné la moindre impatience tout le temps qu'on l'a tenu debout, lui devant qui aucun homme n'avait le privilège de s'asseoir. Innocent, qu'il eût été grand à mes yeux dans cette humiliation ![143]

Charles Ier, traîné devant le tribunal que lui avait imposé la Chambre des Communes, s'était montré plein d'intrépidité et de hauteur ; le chapeau sur la tête, et le sourire de l'indignation sur les lèvres, il n'avait pas attendu pour s'asseoir que Bradshaw lui en donnât la permission ; il s'était étonné qu'on prétendît le juger au nom des lois, lui en qui les lois avaient leur source ; et, lorsque, reconduit à Whitehall, au milieu des outrages de la multitude, il s'était vu insulté jusque-là qu'un homme de la foule lui cracha au visage, il s'était borné à dire avec un tranquille mépris : Pauvres gens ! ils en feraient autant à leurs généraux pour six pence[144]. Tout autre fut l'attitude de Louis XVI, qui avait étudié tragiquement l'histoire de Charles Ier, et la possédait très-bien. Il ne se dégrada par aucun acte de basse humilité ; mais quand Barère prononça ces mots : Louis, la nation française vous accuse. On va vous lire l'acte énonciatif des délits qui vous sont imputés ; vous pouvez vous asseoir[145], on eût dit d'un accusé ordinaire.

A l'interrogatoire auquel il fut soumis, et qui n'embrassait pas moins de cinquante-sept questions, il opposa moins de sincérité que d'adresse. En résumé, ses réponses furent : Cela est antérieur à l'acceptation de la Constitution ; ou : J'en avais le droit dans ce temps-là ; ou : C'est une affaire qui regarde les ministres ; ou : Je n'ai aucune connaissance de cela ; ou : Je ne me souviens pas. Feuillant, le journaliste du soir, raconta qu'au sujet de l'argent distribué par lui aux pauvres du faubourg Saint-Antoine, Louis s'était pris à verser des larmes : il n'en fut rien ; tant que dura l'interrogatoire, l'accusé ne donna aucune marque d'attendrissement[146]. Ce qui est vrai, c'est qu'à l'imputation d'avoir fait couler le sang du peuple, il répondit péremptoirement : Non, monsieur, ce n'est pas moi[147]. A une question semblable, Charles Ier n'avait répondu que par un sourire dédaigneux[148].

Le cercle des questions se trouvant épuisé, et Louis ayant demandé communication des pièces, le Girondin Valazé, qui avait charge de les lui communiquer, se fit remarquer par une vulgaire affectation d'insolence. Assis à côté du prévenu, dont la barre le séparait, il lui remettait les papiers par-dessus son épaule, sans même tourner la tête, et lorsque celui-ci niait l'authenticité de certains documents, il s'écriait d'un ton ironique : Ah ! ah ! Conduite indécente, qui provoqua l'intervention de Barère, et la censure de la presse républicaine[149] !

On se demande par quel misérable compromis avec sa conscience, Louis XVI, dévot comme il l'était, put être amené au mensonger refus de reconnaître les pièces qui étaient de son écriture et où sa signature avait été apposée[150]. Le fait est que, sommé de reconnaître les pièces désignées dans l'acte d'accusation et apostillées par lui, telles que les lettres de Laporte, Louis ne se fit point scrupule de les désavouer. Il alla jusqu'à nier les faits les mieux démontrés. C'est ainsi qu'à cette question : Avez-vous fait construire une armoire de fer, au château des Tuileries, et y avez-vous fait renfermer des papiers ? il osa répondre : Je n'en ai aucune connaissance[151].

C'était trop de fausseté, et rien n'était plus propre à affaiblir l'intérêt qu'avait droit d'inspirer une aussi grande infortune. Toutefois, l'Assemblée demeura jusqu'au bout silencieuse et grave.

Au sortir de la Convention, on fit passer Louis dans la salle des Conférences. Là, voyant Chaumette, qui mangeait un morceau de pain, il lui en demanda la moitié, car il n'avait rien pris de la journée, et il était cinq heures. Volontiers, lui dit Chaumette, tenez, rompez ; c'est un déjeuner de Spartiate. L'ordre du départ arrivé, Louis remonta dans la voiture du maire, tenant à la main son pain, dont il ne mangea que la croûte. Comme il paraissait embarrassé de la mie, le substitut du maire, Colombeau, la prit et la jeta dans la rue. Ah ! c'est mal, s'écria aussitôt le roi, surtout dans un moment où le pain est rare. — Comment savez-vous qu'il est rare, dit Chaumette ? — Parce que celui que je mange sent un peu la terre. Il y eut un moment de silence. Puis, Chaumette ayant repris : Ma grand'mère me disait toujours : Petit garçon, on ne doit pas perdre une mie de pain, vous ne pourriez pas en faire venir autant. — Monsieur Chaumette, dit Louis, votre grand'mère était, à ce qu'il paraît, une femme d'un grand bon sens[152].

La foule était innombrable autour de la voiture ; mais elle ne criait pas, comme avait fait le peuple anglais en semblable circonstance, sur le passage de Charles Ier : Justice ! justice ! exécution ! exécution ![153] Ici les citoyens gardaient le silence[154]. Quant à Louis XVI, il laissait errer ses yeux sur cette multitude muette et morne, en homme qui a perdu le sentiment de sa situation. Il demanda au procureur de la Commune s'il avait voyagé sur mer. Oui, répondit Chaumette, j'ai fait la guerre sous Lamotte-Piquet. Sur quoi, Louis XVI observa que ce Lamotte-Piquet était un brave homme. Il comptait les rues par où l'on passait, les appelait par leur nom. Ah ! voici la rue d'… — De l'Égalité, interrompit Chaumette. — Oui, oui, à cause de... Il n'acheva pas[155] !

Rentré au Temple, le monarque captif témoigna un ardent désir de voir sa famille. Ce désir n'ayant pas été satisfait, il en exprima la plus vive douleur, et prononça ces paroles touchantes : Mais mon fils, mon fils, qui n'a que sept ans ![156] Par malheur, il y avait dans Louis XVI une puissance de nature physique et un fond de vulgarité, dont ni ses vertus, ni la triste majesté de son abaissement ne parvinrent à effacer l'empreinte. On servit le souper ; et le commissaire Albertier, qui était présent, put écrire dans son rapport : Louis a mangé six côtelettes, un morceau de volaille assez volumineux, des œufs ; il a bu deux verres de vin blanc, un d'Alicante, et il est allé se coucher[157].

Toutefois, la pitié conservai encore sur beaucoup de cœurs son noble empire. Chaumette, à la suite des dures fonctions qu'il avait eu à remplir, se trouva mal[158]. On a vu en quels termes Marat lui-même s'était exprimé sur l'attitude du roi déchu. A leur tour, les républicains qui dirigeaient les Révolutions de Paris flétrirent toute rigueur gratuite[159]. Louis avait demandé un conseil ; cette demande et le droit de le choisir lui furent accordés, dans la séance du 11 décembre, à la presque unanimité[160]. Le lendemain, Thuriot ayant dit qu'il fallait que le tyran portât sa tête sur l'échafaud, de violents murmures l'interrompirent ; une voix lui cria : Rappelez-vous votre caractère de juge ; et il dut expliquer qu'il n'avait entendu parler que du cas où les crimes imputés à Louis seraient démontrés[161]. Dans la même séance, un autre orateur déclara qu'une peine prononcée, sans que la défense eût précédé la condamnation, serait un assassinat, et, pour avoir murmuré, Duquesnoy fut rappelé à l'ordre par le président[162]. Enfin, dans la séance du 15, il fut décrété, sur la proposition de Lecointre, que Louis pourrait voir ses enfants[163].

A la vérité, on ajouta au décret que ceux-ci ne seraient admis à communiquer avec leur mère et leur tante qu'après le dernier interrogatoire ; mais cette dernière disposition eut pour unique objet d'empêcher entre Louis XVI et Marie-Antoinette un concert de nature à tromper l'opinion.

Et certes, les défiances de l'Assemblée à cet égard avaient leur justification dans l'assurance avec laquelle le prévenu avait nié des choses de notoriété publique, de notoriété telle, que l'expertise des pièces, proposée par Thuriot, fut rejetée comme manifestement inutile et bonne tout au plus à prolonger le procès[164].

La Convention avait chargé quatre de ses membres d'aller porter au roi le décret qui l'autorisait à prendre un conseil. Louis déclara choisir M. Target, à son défaut M. Tronchet, ou tous les deux si l'Assemblée y consentait. Il signa sa requête, demanda qu'on lui fournît du papier, des plumes, de l'encre ; et donna l'adresse de la maison de campagne de Tronchet. L'adresse de Target, il l'ignorait. La Commune avait décidé que les conseils de Louis XVI seraient fouillés jusque dans les endroits les plus secrets. L'Assemblée, instruite de cet ignoble arrêté, le cassa aussitôt avec indignation, et refusa d'écouter Robespierre, qui eut le triste courage de vouloir, en cette occasion, couvrir la Commune[165].

Target, qui n'avait pas hésité à défendre le cardinal de Rohan, ne sut s'il devait prêter son ministère à Louis XVI. Il va trouver Barère, et le consulte. Acceptez ; lui dit Barère, c'est votre devoir d'avocat[166]. Target ne s'attendait point, sans doute, à une pareille réponse ; il prétexta son état de faiblesse, de maladie[167] ; et une lettre de lui, signée le républicain Target, ne tarda point à paraître, où il motivait son refus sur sa mauvaise santé et sur ce qu'il avait près de soixante ans[168].

Tronchet, lui, s'empressa d'accepter, quoique presque septuagénaire, en déclarant que celui qui se trouve appelé d'une manière si publique à la défense d'un accusé, ne pourrait refuser son ministère sans prendre sur lui-même de prononcer un jugement, téméraire avant examen, barbare après[169].

A peine le refus de Target fut-il connu, que Barère apprit par un M. Daure, son oncle, que Malesherbes désirait lui parler. Non-seulement Barère reçut le vénérable magistrat ; mais dès que ce dernier se présenta, il lui demanda, en lui offrant un fauteuil, la permission de se tenir debout. Malesherbes ayant alors parlé de son intention de s'offrir pour défenseur à Louis XVI, Monsieur, lui dit le futur membre du Comité de Salut public, si je n'étais membre de la Convention, ou si, étant membre de cette assemblée, je pouvais être défenseur du roi, j'accepterais de grand cœur une aussi noble fonction. — Votre opinion décide ma démarche, répondit Malesherbes. Ils s'entretinrent ensuite des affaires publiques. Elles sont bien embarrassées, dit Malesherbes ; mais puisque vous avez tant fait de vous mettre en république, il faut vous y tenir, si c'est possible 1[170].

Ce fut au sortir de cette entrevue, que le magnanime vieillard adressa au président de la Convention la lettre célèbre où on lit : J'ai été appelé deux fois au conseil de celui qui fut mon maître, dans un temps où cette fonction était ambitionnée de tout le monde : je lui dois le même service, lorsque c'est une fonction que bien des gens trouvent dangereuse[171].

Il y eut beaucoup d'offres du même genre. Narbonne, Lally-Tollendal, Bertrand de Molleville, sollicitèrent la permission de venir de Londres. Des citoyens moins connus, Sourdat, Hue, Ducet, se proposèrent[172]. Un certain Viguier publia des moyens de défense[173]. Necker fit paraître un mémoire qui retraçait les bienfaits du règne de Louis XVI, avant la Révolution : les restes de la servitude abolis, la question préparatoire interdite, la corvée supprimée, les administrations provinciales rétablies, les états généraux convoqués[174]. Une jeune femme écrivit à la Convention : Je m'offre après le courageux Malesherbes, pour être le défenseur de Louis. Laissons mon sexe à part : l'héroïsme et la générosité sont aussi le partage des femmes, et la Révolution en offre plus d'un exemple. La lettre contenait ces paroles si belles et si profondes : Il ne suffit pas de faire tomber la tête d'un roi pour le tuer, il vit après sa mort ; mais il est mort véritablement quand il survit à sa chute[175].

Qui était celle qui s'offrait ainsi à seconder, selon ses propres expressions, avec toute la force d'un âge vert, un vieillard de quatre-vingts ans ? C'était une femme bizarre, noble et légère, que la passion des grandes choses avait rendue républicaine, et que le culte du malheur rendit deux fois royaliste. Elle se nommait Olympe de Gouges. Fille d'une revendeuse à la toilette, mariée à quinze ans, veuve à seize, ne sachant ni lire ni écrire, quoique possédée de l'amour des lettres, elle s'était attiré les morsures de plus d'un journal royaliste par ses élans révolutionnaires, ses aventures, et les hardiesses littéraires qu'on traçait sous sa dictée. Sa démarche en faveur de Louis XVI, toute généreuse qu'elle était, fit sourire. Sans se décourager, elle placarda sa lettre sur les murs de Paris. Mais les hommes du peuple s'en allaient déchirant l'affiche en disant : Elle ferait mieux de tricoter des pantalons pour nos braves sans-culottes[176].

Et pourtant, on ne la dédaigna point jusque-là, qu'on ne lui fît, plus tard, les honneurs de la guillotine. Ah ! ce fut une des misères de la Révolution de n'avoir pas compris la dignité de la femme, et de ne l'avoir reconnue l'égale de l'homme que devant le bourreau !

Le procès du roi et les passions qu'il soulevait n'interrompaient point la vie intellectuelle de la Convention ; car, dans ce temps-là même, Condorcet développait devant elle son plan pour l'organisation générale de l'instruction publique, et Lanthenas, au nom du comité où s'élaboraient les questions relatives à l'éducation du peuple, présentait un rapport sur l'établissement des écoles primaires. Nous retracerons, quand l'heure viendra, les débats lumineux qui s'élevèrent autour de cette question suprême : ils ne faisaient alors que s'ouvrir ; mais comment omettre un incident auquel ils donnèrent naissance ? Le 14 novembre, en réponse au panégyrique que Durand-Maillane, un jurisconsulte, avait fait de la religion des prêtres, un Girondin, nommé Jacob Dupont, s'écria : Le moment de la catastrophe est arrivé. Que tous les préjugés tombent ! Il faut les anéantir, ou que nous soyons écrasés... En vain Danton nous disait-il piteusement, il y a quelques jours, que le peuple avait besoin d'un prêtre pour rendre le dernier soupir ; moi, pour prouver qu'il n'est pas nécessaire au chevet du mourant, ce prêtre qui ne trompe pas Danton et qui vous trompe, je montrerai Condorcet fermant les yeux à d'Alembert !Je suis athée[177]. Il y eut grande rumeur. Les uns se répandirent en exclamations qui condamnaient l'orateur, mais au nom de la raison seule ; les autres lui crièrent : Peu nous importe, vous êtes un honnête homme[178].

Elles revivaient ainsi, au sein de la Convention, les deux écoles, si diverses, et néanmoins si glorieusement sœurs, que le dix-huitième siècle avait portées dans ses flancs. Ici, les disciples de d'Holbach ; là, et à distance égale du Dieu des prêtres, le Dieu que le vicaire savoyard invoqua.

Or, ce qui est à remarquer, c'est le trouble que cet incident jeta dans le conseil des rois et dans le monde des diplomates. Où s'arrêteraient ces hommes audacieux qui, non contents de s'attaquer à tous les princes de la terre, prétendaient à' détrôner le roi du ciel ? Ce cri je suis athée produisit au dehors, suivant un historien anglais[179], un sentiment de surprise et d'horreur.

Mais de quel autre coup, — et cette fois, c'était la Convention tout entière qui se montrait, — de quel autre coup l'Europe monarchique se sentit frappée, lorsqu'elle apprit que, le 15 décembre, sur la proposition de Cambon, l'indomptable assemblée avait décrété ce qui suit :

Dans les pays qui sont ou seront occupés par les armées de la République française, les généraux proclameront sur-le-champ, au nom de la nation française, l'abolition des impôts existants, de la dîme, des droits féodaux, de la servitude personnelle ou réelle, des droits de chasse exclusifs, de la noblesse, de tous les privilèges.

Ils déclareront au peuple qu'ils lui apportent paix, secours, fraternité, liberté et égalité.

Ils proclameront la suppression de toutes les autorités existantes et la souveraineté du peuple.

Ils convoqueront tout de suite le peuple en assemblées primaires pour créer et organiser une administration provisoire.

Tous les agents et officiers de l'ancien gouvernement, les nobles, les privilégiés, seront, mais pour la première élection seulement, inadmissibles aux places d'administration ou de pouvoirs judiciaires provisoires.

Seront mis sous la sauvegarde de la République française les propriétés appartenant au prince, à ses fauteurs et satellites volontaires, aux communautés laïques et religieuses[180].

 

Et il fut décidé que les généraux français feraient aux peuples conquis à la liberté une proclamation qui commencerait en ces termes :

Frères et amis, nous avons conquis la liberté, nous la maintiendrons... Nous sommes venus pour chasser vos tyrans ; ils ont fui. Montrez-vous hommes libres, et nous vous garantissons de leur vengeance, de leurs projets, de leur retour[181]...

 

Les peuples sont les citoyens de la cité humaine. Tous ils sont comptables de l'oppression d'un seul, et non moins que le devoir, l'intérêt leur commande de s'unir devant les rois qui s'unissent. Telle était la haute signification du décret du 15 décembre 1792. Complément immortel de celui du 19 novembre, il assignait pour politique à la Révolution française le culte armé de la solidarité des hommes ; et, sans lui créer d'autres ennemis. que ceux qu'elle avait déjà, il posait les fondements de la république universelle, avec cette hardiesse magnanime qui, loin d'être la folie des révolutions, en est la sagesse.

Aussi donna-t-il une secousse au monde. Tous les cabinets s'agitèrent. Ils sentirent alors un peu tard que Mirabeau avait eu raison, lorsque Burke écrivait que la France n'était plus qu'un vide sur la carte d'Europe, de lui répondre : Ce vide est un volcan[182].

De leur côté, les patriotes allemands qui avaient livré Mayence à Custine, saluèrent d'un long cri d'enthousiasme le décret sauveur ; et il fit tressaillir de joie Danton, avec Cossuin, Camus et Lacroix, qui, envoyés en Belgique comme commissaires, y travaillaient alors à combattre l'influence réactionnaire du clergé.

Quant à Dumouriez, qui dès cette époque portait la trahison dans son cœur, parce que ni le ministre de la Guerre Pache, ni le rigide financier Cambon, ni l'Assemblée, n'avaient jugé à propos de ratifier ses marchés avec des fournisseurs avides, et de consacrer la dépendance où il s'était mis des banquiers et des prêtres en se faisant leur débiteur[183], quant à Dumouriez, le décret du 15 décembre lui déplut fort. Lui qui avait follement tendu la main au clergé belge, c'est-à-dire à l'ennemi, lui qui n'avait pas compris que la transformation des biens nationaux était le seul moyen d'introduire les assignats en Belgique, et d'avoir de l'argent, tout en dégrevant le peuple, il n'avait garde d'applaudir à la clause qui mettait sous le séquestre les biens appartenant aux communautés religieuses. Il affecta de trouver injuste et impolitique[184] que la Révolution cherchât à s'établir au dehors comme elle s'était établie en France, lorsque, déclarant nationaux, moyennant indemnité, les biens abandonnés aux prétendus représentants du ciel par la crédulité superstitieuse de tant d'âmes trompées, elle avait fait de ces biens le gage des assignats, et réalisé de la sorte la première condition de son triomphe : la possibilité de vivre ! Ainsi, ce même décret dont Lacroix et Danton se vantèrent en Belgique d'être les auteurs[185], tant il leur parut admirable, embarrassa Dumouriez au point qu'il ne chercha plus qu'à se débarrasser du fardeau[186]… de sa gloire républicaine.

Il s'était donc abaissé à une indigne comédie, ce héros hypocrite, quand, peu de jours auparavant, le 12 décembre, il avait proclamé les principes mêmes dont le décret du 15 fut l'expression solennelle, dans cette lettre par lui adressée à Anacharsis Clootz :

Quartier général de Liège.

Le général des sans-culottes à l'orateur des sans-culottes,

Les armes des républicains français ont triomphé des ennemis du dehors. Puissions-nous n'en plus avoir au dedans !… Arrivons à la République universelle, en démontrant aux peuples la prospérité de la République française… Toi, cependant, orateur du genre humain, poursuis ta généreuse carrière… que la fraternité, la seule, la vraie religion, devienne le charme de notre existence et le lien de tous les cœurs. Adieu, voilà la douce philosophie de la nature. Pourquoi faut-il que les canons et les baïonnettes soient les moyens de l'établir et de la propager ?[187]

 

Cet étalage de beaux sentiments n'empêcha pas Dumouriez de tomber dans une sourde fureur, quand il vit que la Convention allait droit au fait. L'heure approchait où, pour lui, la mesure des griefs serait comblée. Pache s'était mis en travers de ses mesures administratives ; on avait cassé impitoyablement ses marchés ; l'inévitable Cambon qui, de Paris, n'avait cessé d'avoir l'œil sur lui, venait de faire créer un comité d'achats, destiné à remplacer les compagnies des anciens fournisseurs, repaires de vampires ; la Convention avait donné ordre d'arrêter deux entrepreneurs de marchés, nommés Malus et d'Espagnac, anciens agents de Calonne, auxquels le vainqueur de Jemmapes avait abandonné le soin de nourrir ses soldats, lorsque était dissipée à peine la fumée de la bataille[188] : tout cela exaspéra l'orgueil de Dumouriez. Sa résistance à la propagande révolutionnaire de Danton et de Lacroix cessa d'être un mystère ; on sut combien il était opposé au désir qui poussait les Liégeois dans les bras de la France ; et, tandis que le maréchal de Castries écrivait de Spa Dumouriez aura le même sort que Lafayette, Marat put écrire, sans trop d'invraisemblance : Dumouriez désertera comme Lafayette[189].

Sur ces entrefaites, de mauvaises nouvelles arrivées du dehors se répandent. On apprend que le général Beurnonville, chargé d'attaquer Trèves, dans une saison déjà très-avancée, l'a tenté sans succès et s'est replié vers la Lorraine ; qu'au premier bruit de la prise de Mayence, on a vu, à Coblentz, l'électeur, son ministre, son gouvernement, ses employés, rassembler à la hâte ce qu'ils avaient de plus précieux et s'enfuir, mais qu'au lieu de courir sur une ville à ce point terrifiée et de couronner ainsi son irruption en Allemagne, Custine, sourd aux sollicitations de son état-major, est resté immobile[190] ; que son inaction a donné aux Prussiens du duc de Brunswick, rentrés en Allemagne, le temps de combiner une opération offensive et de venir menacer Francfort ; que Custine ne s'est mis en mesure de sauver cette ville, ni en la couvrant, ni en risquant une bataille ; qu'enfin, à la suite d'une attaque secondée par le soulèvement d'une partie de la population, Francfort, où une faible garnison de deux mille hommes se trouvait comme perdue, a reçu le roi de Prusse[191].

Ce qu'on ignorait encore — voile est soulevé aujourd'hui — c'est que le fils de Custine, le même qui avait été envoyé au duc de Brunswick avant l'invasion, pour le flatter de l'espoir d'une couronne, eut avec ce prince, durant le siège de Francfort, une entrevue secrète dont le résultat ne fut sans doute pas sans influence sur l'inertie du général français, et sur ce que ses démarches présentèrent d'absurde, de contradictoire, d'inexplicable. Car, tandis qu'il enjoignait au commandant de Francfort de se défendre, il promettait aux magistrats de leur épargner les horreurs d'un siège, et il se conduisit, depuis le commencement jusqu'à la fin, comme s'il y avait eu chez lui parti pris de sacrifier la garnison[192].

Il fallait masquer un tel revers : Custine, dans une lettre à la Convention, accusa les habitants de Francfort, et surtout la classe des bouchers, d'avoir livré la ville aux Hessois ; il imagina la fable de dix mille poignards distribués à la populace[193] ; et, grâce au crédit dont il jouissait alors auprès du Conseil exécutif, il échappa au péril d'une censure officielle.

Mais les révolutions sont soupçonneuses. Ces nouvelles ébranlèrent singulièrement l'opinion. Le peuple fut averti de se délier des généraux, de se tenir prêt à combattre le royalisme servi par l'épée. Et au fond de toutes les défiances, de toutes les terreurs, de toutes les fureurs, le Temple, toujours le Temple !

Autre résultat inévitable du jeu des passions humaines violemment remuées, les partis ne manquèrent pas de se faire une arme des événements du dehors. La présence de Roland au ministère, les anciennes liaisons de plusieurs de ses amis avec Dumouriez, l'intérêt persistant que le Conseil exécutif prenait à Custine, rendaient possible, sinon équitable, une attaque contre la Gironde ; et cette fois, non-seulement les torts de l'agression furent à Robespierre, mais il se laissa aller à des emportements où il n'y avait ni bon goût, ni dignité, ni justice. Avec une véhémence emphatique qui n'était nullement dans son caractère, il s'écria, en plein club des Jacobins : Je demande à être assassiné par Roland. Dans la même séance, Bazire, si convenable et si modéré quelquefois, venait annoncer que madame Roland se proposait d'ouvrir un club de femmes. Et l'auditoire d'accueillir par d'indécents éclats de rire l'insulte cachée dans cette communication[194].

Malheureusement, la Gironde, que le dédain eût si bien vengée, ne répondit à cette guerre misérable que par une misérable intrigue à laquelle, pour comble, l'Assemblée servit de théâtre. Triste spectacle que celui de la Convention s'abaissant à de semblables luttes, elle si imposante et si grande toutes les fois que, supérieure à l'esprit de parti, elle se montra tenant tête au vieux monde, ou préparant le nouveau ! Mais il faut tout dire.

Ce n'était pas un médiocre embarras pour la Montagne que d'avoir dans son sein le duc d'Orléans ; son origine toujours en vue ; son titre de prince que ne pouvait entièrement effacer le baptême de l'Hôtel de Ville ; l'immensité de ses richesses et le pouvoir de corruption qu'elles donnaient, tout cela exposait à l'inconvénient de passer pour les complices secrets de son ambition ceux dont il était l'allié : les Girondins résolurent de profiter de cet avantage. En feignant de craindre dans Philippe-Égalité un tyran futur, et en demandant, au nom du salut public, qu'on le frappât d'ostracisme, ils faisaient plus que se draper dans le rigorisme républicain : ils condamnaient les Montagnards à l'alternative, ou d'accabler un des leurs, ou de se livrer au soupçon de ménager en lui le roi du lendemain.

Pour exécuter leur plan, les Girondins choisirent un jour où ils savaient que les bancs étaient d'ordinaire dégarnis, le jour consacré aux pétitions[195] ; et le 16 décembre, Buzot vint demander inopinément à l'Assemblée de déclarer que Philippe et ses fils devaient aller porter ailleurs que dans la République le malheur d'être nés près du trône, d'en avoir connu les maximes et reçu les exemples[196].

Aussitôt Louvet monte à la tribune, et jurant que c'est Brutus qui va parler, Écoutez attentivement Brutus, dit-il. Il lut alors le discours que ce Romain célèbre avait adressé à Collatin, après la chute de Tarquin le Superbe… Le peuple ne croit pas avoir recouvré pleinement sa liberté, lorsqu'il voit le sang odieux de ses rois subsistant dans Rome. Neveu de Tarquin, délivre-nous de cette crainteLe peuple est juste, il ne te ravira pas tes biens. Mais quitte la ville, pars à l'instant, pars[197].

Appuyée avec énergie par Lanjuinais, combattue mollement par Chabot, et proclamée urgente par Saint-Just, dont le complot girondin servait le républicanisme implacable, la motion de Buzot traversa d'abord le débat sans le passionner. Peu à peu, cependant, les esprits s'animent. La proposition de renverser Roland, puisqu'on menaçait Égalité ; celle de renverser Pache, puisqu'on parlait de porter la main sur Roland, partent des bancs opposés, et bizarrement introduites dans la discussion, l'enflamment. Indigné, ironique et amer, Camille Desmoulins consent qu'on bannisse le duc d'Orléans, pourvu que, dans cette Europe où il a encouru l'exécration des rois, on lui trouve un asile. Bientôt, la Gironde pressant la conclusion, tandis que l'extrême Montagne insistait pour l'ajournement, le tumulte devint effroyable. Contre le vote de la majorité qui, par deux fois, déclara la discussion close, il s'éleva des bancs de la gauche des protestations mugissantes. A l'Abbaye ! criaient des voix de la droite : les membres du côté opposé, se levant, répondent : Tous, tous ! et l'un d'eux ajoute : La minorité est disposée à mourir là. Entre Duhem, Legendre, Calon, Bourdon de l'Oise, Billaud Varenne, exhalant à grand bruit leurs colères, et Vergniaud s'élevant, au nom de ses amis demeurés calmes, contre la tyrannie du désordre, le président ne savait quel parti prendre. Il se couvre enfin, signe de détresse. Le silence s'étant rétabli, Choudieu obtient de l'Assemblée qu'elle ajourne à deux jours la question relative à Philippe-Égalité, et le décret du bannissement des Bourbons est voté avec cette restriction[198].

Le soir, l'émotion fut extrême au club des Jacobins. Prenant la défense du duc d'Orléans, Camille Desmoulins dit que demander le bannissement de cet ami de la liberté, c'était demander qu'on l'assassinat à Coblentz. Robespierre, qui n'assistait point à la séance de la Convention, assura que s'il s'y fût trouvé, il eût voté pour la motion de Louvet, parce qu'elle était conforme aux principes ; quant au vrai but des Girondins en la présentant, il prouva qu'il l'avait pénétré, et dénonça en termes de mépris le piège où l'on voulait entraîner les patriotes. Rien de plus propre que cette attitude et ce langage à déjouer le plan des Girondins. Mais était-il généreux, était-il juste, de la part de la Montagne, de sacrifier à des combinaisons de parti un homme qui s'était si complètement donné à elle, quoique prince ? Et, lorsqu'on aurait laissé la majorité violer en lui les droits et la qualité de représentant du peuple, à qui ne risquerait pas de s'étendre ce précédent redoutable ? Voilà ce que Marat fit observer. Philippe-Égalité proscrit la veille par un vote de la Gironde, c'était Robespierre proscrit le lendemain. Les applaudissements redoublés des tribunes prouvèrent que Marat visait juste[199].

En effet, une assemblée de commissaires rédigea et la Commune approuva une adresse où il était dit : Nous avons anéanti les rois, mais pour conserver les droits sacrés de l'homme. Vous adoptez l'ostracisme : est-il sanctionné par le peuple ?... Toute peine suppose un délit : législateurs, où donc est le délit ?[200]

Cette adresse, portée à la Convention, n'y fut point lue, parce que ce n'était pas le jour consacré aux pétitions, et il arriva même qu'entassés dans les couloirs, bien que conduits par le maire, les pétitionnaires ne purent pénétrer dans la salle[201]. Mais la protestation n'en produisit que plus d'effet. Il y eut des rassemblements dans les rues ; les habitants d'Anet jurèrent qu'il faudrait les hacher avant de leur enlever le duc de Penthièvre ; et, non content de démonter la voiture de la duchesse de Bourbon, le peuple, pour empêcher cette dame de partir, braqua des canons devant sa porte[202]. Impossible de notifier à l'Assemblée d'une manière plus vive combien impopulaire était alors la politique des proscriptions. Elle ne le fut pas toujours, hélas ! Les Girondins venaient de forger une épée qu'on leur plongea tout entière dans le cœur !

L'année 1792 se ferma sur ces discordes intestines, laissant l'Europe en émoi et le procès de Louis XVI en suspens...

Que dis-je, en suspens ? La condamnation à mort du roi des Français ne pouvait déjà plus être pour personne l'objet d'un doute. Et, puisqu'en effet il était coupable, comment nier que, judiciairement, cette condamnation ne fût juste ?

Mais, comme acte politique, l'exécution de Louis XVI devait-elle échapper aussi aisément à la censure de l'histoire ? Nous n'hésitons pas à dire, quant à nous, que c'était une erreur que cette exécution si tragique, si horriblement solennelle, si violemment contraire à la disposition générale des esprits dans toute l'Europe, si propre enfin à émouvoir, en faveur de Louis XVI, et la pitié de ses contemporains, et celle des générations à venir. Eh quoi ! n'y avait-il donc pour la Révolution que ce moyen de braver ses ennemis ? La République eût-elle paru moins grande, étant plus généreuse ? Le pouvoir de tuer est l'attribut des plus vulgaires tyrannies : le véritable attribut de la puissance, c'est le droit de grâce. Sans aller jusque-là à l'égard de Louis XVI, la République ne pouvait-elle lui laisser au moins la vie, après avoir prouvé qu'il méritait de la perdre ? Les Montagnards brûlaient d'extirper le royalisme, et ils ne songèrent pas que le sang féconde toute idée, fût-elle fausse ! Et ils oublièrent que le roi mort, vive le roi ! Et ils ne soupçonnèrent pas combien la légende d'un roi supposé martyr serait dangereuse, tant que le monde appartiendrait aux ténèbres, tant qu'il ne ferait pas grand jour parmi les hommes ! Ce qu'il y avait à tuer, c'était l'idée monarchique, et à cela le bourreau ne pouvait rien. Quand les Anglais voulurent en finir avec la dynastie des Stuarts, ils se souvinrent que l'exécution de Charles Ier leur avait légué le retour de son fils ; ils ne tuèrent donc pas Jacques II, ils le chassèrent. On a trop répété le mot de Barère : Il n'y a que les morts qui ne reviennent pas. C'est le contraire qui est vrai : Il n'y a que les morts qui reviennent.

 

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Aux témoignages irrécusables déjà connus des trahisons de la cour, viennent chaque jour s'en ajouter de nouveaux. Parmi les plus accablants, nous citerons :

1° La lettre que Louis XVI écrivait à M. de Breteuil, le 15 décembre 1791, c'est-à-dire le lendemain du jour où il déclarait devant l'Assemblée législative que si avant le 15 janvier 1792, l'électeur de Trèves n'avait pas fait cesser dans ses États tout attroupement et toutes dispositions hostiles de la part des Français qui s'y étaient refugiés, lui, roi des Français, ne verrait plus dans l'électeur de Trèves qu'un ennemi de la France, et dans laquelle on lit : Je ne pense point que cette démarche doive changer rien aux choses pour ma demande de congrès armé ; au contraire, j'y vois des raisons de plus : la liberté de quelques princes Germaniques étant menacée, l'empereur et le roi de Prusse doivent le trouver mauvais, se prêter plus aisément à ce qui a été demandé, et par là soutenir les Électeurs. Dans ma dernière instruction, je leur ai expliqué bien des raisons par lesquelles les Puissances pourraient se mêler de nos affaires : en voilà une bien forte et bien palpable d'ajoutée. Au lieu d'une guerre civile, cela deviendra une guerre politique, et les chances sont bien meilleures.... Je recevrai toujours avec plaisir ce qu'elles pourront faire pour moi..... Si les Électeurs avaient peur et se soumettaient à dissiper les rassemblements sans que les Puissances eussent parlé, ce serait, je crois, ce qui pourrait arriver de pis. Comme la démarche m'a été dictée, on m'en saurait peu de gré ; les esprits des factieux seraient extrêmement enflés et arrogants ; le crédit se remonterait et soutiendrait encore la machine pour quelque temps..... Reste la guerreL'état physique et moral de la France fait qu'il lui est impossible de la soutenir une demi-campagne ; mais il faut que j'aie l'air de m'y livrer franchement...... Il y a deux chances pour elle. Il est difficile de croire qu'elle soit heureuse : si par hasard cela arrivait, m'étant montré franchement, et la guerre donnant toujours plus de moyens au gouvernement, je peux regagner quelque chose par là ; mais cette hypothèse est la moins vraisemblable. Si elle est malheureuse, vous connaissez les Français, comme ils vont vite d'une extrémité à l'autre ; ils seraient bientôt aussi abattus qu'ils sont orgueilleux avant, et peut-être ne voudraient-ils laisser aucun reste du nouvel édifice, s'ils voyaient bien qu'il leur a attiré tous les malheurs. Il peut exister une crainte, et sûrement les factieux chercheraient à tourner les esprits de ce côté-là : ce serait de s'en prendre à moi de leurs malheurs et de me faire soupçonner de les désirer pour regagner la puissance. C'est ma conduite qui doit écarter tous ces soupçons, et surtout ne rien laisser pénétrer de nos relations avec l'étranger. (Gustave III et la Cour de France, par M.A. Geffroy ; — Revue des Deux Mondes, t. LX, p. 141 et 142, n° du 1er novembre 1865.)

2° La lettre ci-après, que Marie-Antoinette écrivait au comte de Mercy-Argenteau, le 26 mars 1792, au moment où la guerre contre l'Autriche venait d'être décidée :

M. Dumouriez, ne doutant plus de l'accord des puissances par la marche des troupes, a le projet de commencer ici le premier, par une attaque de Savoye, et une autre par le pays de Liège. C'est l'armée Lafayette qui doit servir à cette dernière attaque. Voici le résultat du conseil d'hier ; il est bon de connaître ce projet pour se tenir sur ses gardes et prendre toutes les mesures convenables. Selon les apparences, cela se fera promptement. (Marie-Antoinette, Joseph II et Léopold II. — Leur correspondance recueillie par le chevalier Alfred d'Arneth, p. 259. — Vienne-Paris, 1866.)

 

FIN DU SEPTIÈME VOLUME

 

 

 



[1] Thomas Carlyle, the French Revolution, vol. III, book II, chap. III.

[2] Voyez le Vieux Cordelier.

[3] Montgaillard, Histoire de France.

[4] Histoire parlementaire, t. XX, p. 239.

[5] Voyez la note placée à la fin de ce chapitre.

[6] Histoire parlementaire, t. XX, p. 249 et 250.

[7] Histoire parlementaire, t. XX, p. 296-297.

[8] Histoire parlementaire, t. XX, p. 298.

[9] Lettre de Dumouriez au ministre de la Guerre, Histoire parlementaire, t. XXI, p. 84.

[10] Lettre de Dumouriez au ministre de la Guerre, Histoire parlementaire, t. XXI, p. 84.

[11] Mémoire de Dumouriez au ministre de la Guerre.

[12] Mémoires de Dumouriez, t. III, p. 174.

[13] Lettre de Dumouriez au ministre de la Guerre.

[14] Lettre de Dumouriez au ministre de la Guerre.

[15] D'après l'évaluation de Servan. Car, dans sa lettre au ministre de la Guerre ; Dumouriez n'évalua approximativement notre perte qu'à trois cents morts et six cents blessés.

[16] Journal de la République, n° 69.

[17] La réfutation de ce passage des Mémoires de Dumouriez est des éditeurs mêmes. Voyez la note qui est au bas des pages 175 et 176 du t. III des Mémoires de Dumouriez.

[18] Mémoires de Dumouriez, t. III, p. 180.

[19] Voyez le tome VI de cet ouvrage.

[20] On a vu un échantillon de ce style dans le rapport du girondin Valazé.

[21] Mémoires de Barère, t. IV, p. 376.

[22] Voyez le récit de cet acte, consigné dans une curieuse adresse de la municipalité de Blérancourt, citée par M. Ernest Hamel dans son Histoire de Saint-Just, p. 64.

[23] Édouard Fleury, Études révolutionnaires, — Saint-Just, — t. I, p. 22. Voyez à ce sujet-la victorieuse réfutation des vagues accusations de M. Fleury dans l'Histoire de Saint-Just, par M. Ernest Hamel, p. 44-51.

[24] Voici les PREUVES produites par M. Fleury, t. I, p. 14 : Il reste encore à Blérancourt un certain nombre de vieillards nés dans le pays. Par leur récit nous apprenons, etc. Page 15 : Nous avons questionné une brave vieille femmeelle nous disait, etc., etc. Page 19 : Des vieillards, que nous avons consultés, etc.

Et les noms ? Au moins faudrait-il savoir si ces vieillards n'appartiennent pas à des familles frappées par Saint-Just !

[25] Édouard  Fleury, Études révolutionnaires, — Saint-Just, — t. II, p. 7 et 8. — Voyez aussi Ernest Hamel, Histoire de Saint-Just, p. 49.

[26] Édouard Fleury, Études révolutionnaires, — Saint-Just, — t. II, p. 7.

[27] Elle existe aux archives de la Préfecture de police.

[28] Nous avons eu entre les mains un exemplaire de ce livre, devenu extrêmement rare. Cet exemplaire appartient à M. Monkton Milnes, membre du Parlement. — Voyez l'analyse et les extraits de ce poème donnés par M. Ernest Hamel, dans son Histoire de Saint-Just, p. 28-42.

[29] Mémoires de Barère, t. IV, p. 376.

[30] Paris, 1791. — Voyez l'analyse et les extraits de cet ouvrage donnés par M. Ernest Hamel dans son Histoire de Saint-Just, p. 70-94.

[31] Mémoires de Barère, t. IV, p. 376.

[32] Histoire parlementaire, t. XX, p. 329.

[33] Histoire parlementaire, t. XX, p. 329-334.

[34] Discours de Fauchet, séance du 13 novembre 1792.

[35] Séance du 15 novembre 1792.

[36] Voyez, dans le tome VI de cet ouvrage, le chapitre intitulé : Le serrurier Gamain.

[37] Déclaration de Roland à l'Assemblée, séance du 20 novembre 1792.

[38] Voyez cette lettre reproduite in extenso dans l'Histoire parlementaire, t. XX, p. 367-371.

[39] Discours de Saint-Just sur les subsistances, séance du 29 novembre 1792.

[40] Rapport de Lecointe-Puyraveau à la Convention, séance du 30 novembre 1792.

[41] Lettre du ministre de l'Intérieur à la Convention, en date du 27 novembre 1792.

[42] Lettre du ministre de l'Intérieur à la Convention, en date du 27 novembre 1792.

[43] Lettre du ministre de l'Intérieur à la Convention, en date du 27 novembre 1792.

[44] Séance du 30 novembre 1792.

[45] Voyez le tome Ier de cet ouvrage.

[46] Montgaillard, Histoire de France, t. III, p. 265.

[47] Discours de Saint-Just, dans la séance du 29 novembre 1792.

[48] Voyez ce discours reproduit in extenso dans l'Histoire parlementaire, t. XXII, p 175-184.

[49] Lettre du ministre de l'Intérieur à l'Assemblée, en date du 27 novembre 1792.

[50] Lettre du ministre de l'Intérieur à l'Assemblée, en date du 27 novembre 1792.

[51] Séance du 30 novembre 1792.

[52] Journal des Jacobins, séance du 16 novembre 1792.

[53] Journal des Jacobins, séance du 16 novembre 1792.

[54] Journal des Jacobins, séance du 16 novembre 1792.

[55] Discours de Danton, séance du 30 novembre 1792.

[56] Lettres de Robespierre à ses commettants, n° VIII.

[57] On vient de voir que, dans cette question, Danton et Robespierre furent absolument du même avis, et pour les mêmes raisons. Eh bien, dans son parti pris d'exalter outre mesure Danton, et de rabaisser Robespierre, M. Michelet, sans citer les paroles du premier, et sans reproduire l'argumentation du second, présente ainsi les choses : Danton craignait que cette cérémonie ne devint le prétexte de l'éruption. Pour Robespierre, cette affaire devenait un texte excellent. On a vu que, pendant la Constituante, il avait été le défenseur officieux des prêtres. C'était un des points les moins variables de sa politique, etc., etc. (Voyez M. Michelet, t. V. p. 120.) Quelle partialité !

[58] Séance du 30 novembre 1792.

[59] Séance du 30 novembre 1792.

[60] Montgaillard, Histoire de France, t. III, p. 270.

[61] Mémoires de Dumouriez, t. III, liv. VI, chap. VII, p. 194.

[62] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 75 et 76.

[63] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 77.

[64] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 75 et 76.

[65] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 75 et 76.

[66] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 78.

[67] Séance du 27 novembre 1792.

[68] Prudhomme, Révolutions de Paris, n° 178.

[69] Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État, t. II, p. 117.

[70] Décret du 19 novembre 1792.

[71] Voyez, pour ces détails, le Journal de Cléry, p. 57, collection des Mémoires sur la Révolution française. — L'Histoire des prisons, quatre vol. in-12, 1797. — L'Histoire abrégée de la Révolution et des malheurs qu'elle a occasionnés, t. II, liv. XI, p..102. M. DCCC. III.

[72] Journal de Cléry, p. 59.

[73] Voyez, en rapprochant les divers récits, le Journal de Cléry, p. 60 et 61. — Le Récit des événements arrivés au Temple, par la fille de Louis XVI, p. 195 du Journal de Cléry. — L'Histoire abrégée de la Révolution et des malheurs qu'elle a occasionnés, t. II, liv. XI, p. 105, 106, 107. — Procès-verbaux de la Commune.

[74] Journal de Cléry, p. 46.

[75] Journal de Cléry, p. 73 et 74.

[76] Histoire abrégée de la Révolution et des malheurs qu'elle a occasionnés, t. II, liv. XI, p. 99.

[77] Cléry lui-même l'avoue. Voyez son Journal, p. 70.

[78] Récit des événements arrivés au Temple, par Madame Royale, p. 187 du Journal de Cléry.

[79] Voyez le bulletin de la Commune sur les prisonniers du Temple, dans le tome XXI de l'Histoire parlementaire, p. 305.

[80] Journal de Cléry, p. 69.

[81] Histoire abrégée de la Révolution et des malheurs qu'elle a occasionnés, t. II, liv. XI, p. 104.

[82] Journal de Cléry, p. 49 et 50.

[83] Journal de Cléry, p. 51.

[84] Rapport du citoyen Verdier à la Commune, en date du 28 novembre 1792.

[85] Rapport du citoyen Verdier à la Commune, en date du 28 novembre 1792.

[86] Rapport du citoyen Verdier à la Commune, en date du 28 novembre 1792.

[87] Rapport du citoyen Verdier à la Commune, en date du 28 novembre 1792. — Les éditeurs du Journal de Cléry font observer que les payements se faisaient en assignats, lesquels, disaient-ils, perdaient déjà beaucoup de leur valeur. Ceci est inexact. A cette époque, le discrédit des assignats n'avait pas encore commencé.

[88] Journal de Cléry, p. 43.

[89] Rapport de Verdier.

[90] Histoire abrégée de la Révolution et des malheurs qu'elle a occasionnés, t. II, liv. XI, p. 99.

[91] Rapport de Verdier.

[92] Rapport de Verdier.

[93] Rapport de Verdier.

[94] Voyez les Révolutions de Paris, n° 176.

[95] Histoire parlementaire, t, XXII, p. 324.

[96] Histoire parlementaire, t, XXII, p. 324.

[97] Journal de Cléry, p. 79.

[98] Histoire abrégée de la Révolution et des malheurs qu'elle a occasionnés, t. II, liv. XI, p. 121.

[99] Histoire abrégée de la Révolution et des malheurs qu'elle a occasionnés, t. II, liv. XI, p. 122.

[100] Montgaillard, Histoire de France, t. III, p. 421.

[101] Révolutions de Paris, n° 176.

[102] Voyez la séance du 3 décembre 1792, dans l'Histoire parlementaire, t. XXI, p. 151-162.

[103] Voyez le discours de Robespierre, dans l'Histoire parlementaire, où il est donné in extenso, t. XXI, p. 162-171.

[104] Villiaumé, Histoire de la Révolution, t. II, p. 340.

[105] Mémoires de Garat, dans l'Histoire parlementaire, t. XVIII, p. 337 et 338.

[106] Mémoires de Garat, dans l'Histoire parlementaire, t. XVIII, p. 337.

[107] Séance du 3 décembre 1792.

[108] Séance du 4 décembre 1792.

[109] Séance du 4 décembre 1792.

[110] Voyez les lettres de Laporte au roi, lues par Rühl à la Convention, dans l'Histoire parlementaire, t. XXI, p. 184-194.

[111] Histoire parlementaire, t. XXI, p. 195.

[112] Journal du club des Jacobins, séance du 5 décembre 1792.

[113] Journal du club des Jacobins, séance du 5 décembre 1792.

[114] Voyez, dans le premier volume de cet ouvrage, l'analyse du livre d'Helvétius.

[115] Pour les détails de cette séance, — 7 décembre 1792, — et les nombreux incidents sans intérêts qui la prolongèrent outre mesure, voyez l'Histoire parlementaire, t. XXI, p. 210-243.

[116] Journal de la République, n° du 13 décembre 1792.

[117] Moniteur du dimanche 9 novembre 1792.

[118] Révolutions de Paris, n° 176.

[119] Décret du 6 décembre 1792.

[120] Bulletin de la Commune de Paris sur les prisonniers du Temple.

[121] Journal de Cléry, p. 80.

[122] Bulletin de la Commune sur les prisonniers du Temple.

[123] Journal de Cléry, p. 81.

[124] On lit dans le Bulletin de la Commune : Il n'a témoigné aucune humeur.

[125] Bulletin de la Commune.

[126] Ceci n'est qu'un très-rapide résumé des griefs exposés, soit dans le rapport de Lindet, soit dans l'acte énonciatif, griefs sur lesquels porta l'interrogatoire de Louis XVI. — Voyez, pour les détails et les preuves juridiques, l'Histoire parlementaire, t. XXI, p. 259-276, et 287-301.

[127] Ed. Fleury, Études révolutionnaires. — Camille Desmoulins, t. I, p.300.

[128] M. Esquiros, dans son Histoire des Montagnards, t. II, p. 263, donne ce fait comme lui ayant été communiqué par la sœur de Marat, en 1836.

[129] Histoire abrégée de la Révolution française et des malheurs qu'elle a occasionnés, t. II, liv. XI, p. 131, M. DCCC. III.

[130] Voyez, en les rapprochant, le récit de Cléry, p. 85 de son Journal, et le rapport du commissaire Albertier, dans les Révolutions de Paris, n° 179.

[131] Rapport du commissaire Albertier.

[132] Rapport du commissaire Albertier.

[133] Journal de Cléry, p. 86.

[134] Procès-verbal dressé par le secrétaire-greffier Colombeau, dans les Révolutions de Paris, n° 179.

[135] Rapport du commissaire Albertier.

[136] Rapport du commissaire Albertier.

[137] Révolutions de Paris, n° 179.

[138] Voyez la séance du 11 décembre 1792, dans l'Histoire parlementaire, t. XXI, p. 286.

[139] Histoire parlementaire, t. XXI, p. 286 et 287. — Dans ses Mémoires, t. II, p. 51 et 52, édition de Bruxelles, Barère rapporte son discours d'une manière toute différente. Mais il écrivait alors sous la monarchie ressuscitée, et sur les ruines de la Révolution ! Les hommes peuvent changer, mais les textes restent.

[140] Révolutions de Paris, n° 179.

[141] Rapport d'Albertier.

[142] Oliver Goldsmith, History of England, vol. II, p. 459.

[143] Journal de la République.

[144] Poor souls, they would treat their generals in the same manner for six pence. Goldsmith, History of England, t. II, p. 442.

[145] Histoire parlementaire, t. XVI, p. 287.

[146] Révolutions de Paris, n° 179. — Les erreurs volontaires de Feuillant y sont relevées avec une vivacité qui resta sans réponse.

[147] Histoire parlementaire, t. XXI, p. 298.

[148] Goldsmith, History of England, t. II, p. 441.

[149] Voyez les Mémoires de Barère, t. II, p. 56, édition de Bruxelles. — Voyez aussi les Révolutions de Paris. Ce journal, dans son n° 179, avait accusé Mailhe : il répara cette erreur dans le numéro suivant.

[150] L'édition des Mémoires de Cléry, qui fut publiée à Londres en 1800, porte : A minuit, pendant que je déshabillais Louis XVI, il me dit : J'étais loin de penser à toutes les questions qui m'ont été faites ; et, dans mon embarras, j'ai été obligé de renier jusqu'à mon écriture. Il lui eût été facile de prévoir ces questions, s'il n'eût pas tenu avec opiniâtreté à la résolution que sa femme lui avait fait prendre de ne point lire les journaux. Voyez Montgaillard, Histoire de France, t. III, p. 294. — Les éditeurs de la Collection des mémoires sur la Révolution française ont supprimé le passage ci-dessus ; mais il est vrai de dire qu'il ne se trouve point dans l'édition de 1798, que nous avons sous les yeux.

[151] Voyez le texte de son interrogatoire, dans l'Histoire parlementaire, t. XXI, p. 299 et 300.

[152] Révolutions de Paris, n° 179.

[153] Goldsmith, History of England, t. II, p. 442.

[154] Procès-verbal dressé par le secrétaire-greffier Colombeau.

[155] Révolutions de Paris, n° 179.

[156] Rapport du commissaire Albertier.

[157] Rapport du commissaire Albertier.

[158] Révolutions de Paris, n° 179.

[159] Révolutions de Paris, n° 179.

[160] Histoire parlementaire, t. XXI, p. 302.

[161] Histoire parlementaire, t. XXI, p. 324.

[162] Histoire parlementaire, t. XXI, p. 325.

[163] Histoire parlementaire, t. XXI, p. 339.

[164] Histoire parlementaire, t. XXI, p. 334.

[165] Journal de Cléry, p. 97.

[166] Mémoires de Barère, t. II, p. 62.

[167] Mémoires de Barère, t. II, p. 62.

[168] Voyez le texte de la lettre de Target, dans les Mémoires de Ferrières, t. III, Note (M) des éclaircissements historiques.

[169] Histoire de France, par Montgaillard, t. III, p. 295.

[170] Mémoires de Barère, t. II, p. 62 et 63, édition de Bruxelles. — Montgaillard, après avoir raconté à peu près dans les mêmes termes cette curieuse entrevue, avant que les Mémoires de Barère fussent publiés, avait ajouté : On a eu, dans le temps même, la preuve de l'authenticité et de l'exactitude du fait qu'on rapporte. En quoi, Montgaillard disait vrai la publication des Mémoires de Barère l'a bien démontré depuis.

[171] Histoire parlementaire, t. XXI, p. 327.

[172] Révolutions de Paris, n° 180.

[173] Révolutions de Paris, n° 180.

[174] Mme de Staël, Considérations sur la Révolution française, IIIe partie, chap. XII.

[175] Montgaillard, Histoire de France, t. II, p. 300 et 301.

[176] Révolutions de Paris, n° 180.

[177] Histoire parlementaire, t. XXII, p. 261.

[178] Histoire parlementaire, t. XXII, p. 261.

[179] The foreign world received it with confutation, with horror and astonishment. (Voyez Carlyle, The French Revolution, vol. III, p. 120. — Carlyle cite à l'appui MM. MM. Hannah More, Letter to Jacob Dupont ; London, 1793.)

[180] Histoire parlementaire, t. XXI, p, 351-352.

[181] Histoire parlementaire, t. XXI, p, 353.

[182] Comte de Ségur, Décade historique, t. II, p. 116.

[183] Voyez les détails de la lutte de Dumouriez avec Cambon et Pache, au sujet des fournitures de l'armée, dans les Mémoires de Dumouriez, t. III, liv. VI, chap. VIII et suiv.

[184] Mémoires de Dumouriez, chap. XI, p. 238.

[185] Mémoires de Dumouriez, chap. XI, p. 239.

[186] Mémoires de Dumouriez, chap. XI, p. 239.

[187] Moniteur du 20 décembre 1792.

[188] Voyez dans ses Mémoires, t. III, liv. VI, chap. VIII, comment il présente les faits et sur quel ton il exhale sa colère.

[189] C'est Dumouriez lui-même qui, dans ses Mémoires, liv. VI., chap. IX, p. 211, fait ce rapprochement.

[190] Voyez ce qui est dit, à cet égard, dans les Mémoires d'un homme d'État, t. II, p. 65 et 66.

[191] Les Mémoires d'un homme d'État entrent, sur cette prise de Francfort, dans les détails les plus circonstanciés. Voyez t. II, p. 88-95.

[192] Mémoires d'un homme d'État, p. 89-92.

[193] Mémoires d'un homme d'État, p. 96.

[194] Journal des débats du club des Jacobins, n° 329.

[195] Révolutions de Paris, n° 180.

[196] Histoire parlementaire, t. XXI, p. 357.

[197] Histoire parlementaire, t. XXI, p. 358.

[198] Voyez, pour les détails de celle longue et tumultueuse séance, l'Histoire parlementaire, t. XXI, p. 354-375.

[199] Voyez la séance du 16 décembre, au club des Jacobins, dans le Journal du club.

[200] Histoire parlementaire, t. XXI, p. 409 et 410.

[201] Révolutions de Paris, n° 180.

[202] Révolutions de Paris, n° 180.