HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME CINQUIÈME

LIVRE SIXIÈME

 

CHAPITRE II. — FORCE ATTRACTIVE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

 

 

Les habitants d'Avignon veulent être français. — Carpentras animé contre Avignon par les prêtres. — Affreuse guerre civile dans le Comtat. — Les Avignonnais soutenus par les Jacobins. — Massacres à Sarrians. — Meurtre de Patrix. — Le muletier Jourdan, général. — Siège de Carpentras par les Avignonnais. — Épouvantables circonstances de ce siège. — L'Assemblée nationale pressée de se rendre au vœu d'Avignon. — Rapport de Menou. — Débats sur la réunion d'Avignon à la France. — Longues hésitations de l'Assemblée. — Trois commissaires pacificateurs sont envoyés dans le Comtat. — Avignon se partage entre le parti de la Municipalité et celui de l'Armée. — Réunion d'Avignon à la France décrétée. — Troubles dans Avignon. — Mort de Lescuyer. — Massacres de la Glacière. — Le cœur des Avignonnais reste français. — Pouvoir fascinateur de la Révolution et de la France.

 

Cependant, la France révolutionnaire allait se répandant au dehors de plus en plus. Car, c'est le privilège historique de ce grand et infortuné peuple de France d'attirer à lui les autres peuples, soit qu'il les éblouisse ou les épouvante. Oui, dans le temps même où l'émigration des nobles faisait scandale, et où le livre de Burke, partout répandu, adjurait le monde de haïr la Révolution, de haïr la France, on voyait s'étendre invinciblement, rapidement, et bien au delà des frontières du royaume, le pouvoir fascinateur de Paris. A la foire de Francfort, on vendait avec une sorte de ferveur des mouchoirs où figuraient imprimés les principes nouveaux ; du haut de leurs montagnes, les Savoisiens jetaient un œil d'envie sur nos plaines du Dauphiné ; depuis Saint-Gingolf jusqu'au pied du Saint-Bernard, on avait arboré la cocarde française, celle des trois couleurs, et, selon le mot de Camille Desmoulins[1], les Suisses commençaient à rêver profondément sur l'aristocratie de l'avoyer de Berne, de leurs baillis, de leurs fiscaux. A Constantinople, un Français et un derviche ayant été arrêtés pour avoir expliqué, en pleine rue, à un groupe de Turcs rassemblés, la déclaration des droits de l'homme, le peuple se souleva, délivra les prisonniers et les conduisit dans une maison sur laquelle il fit écrire : Malheur à qui violera cet asile que le peuple donne à deux amis du genre humain[2].

Un illustre écrivain moderne a senti vivement et exprimé d'une manière originale cette forte attraction qu'exerçait alors notre pays :

Au fond des mers du Nord, il y avait une bizarre et puissante créature, un homme ? non, un système, une scolastique vivante, hérissée, dure, taillée à pointes de diamants dans le granit de la Baltique. Toute religion, toute philosophie, avait touché là, s'était brisée là. Et lui, immuable. Nulle prise au monde extérieur. On l'appelait Emmanuel Kant, lui, il s'appelait le Critique. Soixante ans durant, cet être tout abstrait, sans rapport humain, sortait juste à la même heure, et, sans parler à personne, accomplissait pendant un nombre donné de minutes, précisément le même tour, comme on voit aux vieilles horloges des villes l'homme de fer sortir, battre l'heure, et puis rentrer. Chose étrange ! les habitants de Kœnigsberg virent (ce fut -pour eux un signe des plus grands événements) cette planète se déranger, quitter sa route séculaire. On le suivit, on le vit marcher vers l'ouest, vers la route par laquelle venait le courrier de France...[3]

 

Et ce n'étaient pas seulement des penseurs, des philosophes, qui cédaient à cette influence véritablement magnétique : le regard tourné vers nous, les bras étendus, les mains jointes, des peuples entiers demandaient à être reçus dans la glorieuse famille française.

Ainsi avait fait, on l'a vu, le peuple avignonnais. Il est vrai qu'Avignon avait souffert cruellement de la domination des papes, pendant tout le temps qu'avait duré leur résidence dans cette ville devenue enfin leur propriété, par la vente que leur en fit une reine impudique. N'était-il pas là, toujours là, se hérissant sur son rocher, du côté du Rhône, cet édifice bâti pour être un palais, bâti pour être une prison, et qui cachait dans ses flancs monstrueux, à quelques pas des salles où avaient été torturées tant de victimes, les réduits impurs où s'était vautrée la luxure de leurs bourreaux ? Pourtant, il faut le reconnaître : à l'époque de la Révolution française, tout cela était déjà bien loin dans le passé ; à Avignon comme ailleurs, le fanatisme religieux avait eu à compter avec la philosophie, et depuis que les papes étaient revenus s'installer définitivement à Rome, leur gouvernement, qui ne pesait plus d'aplomb sur les Avignonnais, ne présentait rien que de très-tolérable. Pourquoi donc avaient-ils voulu, dès la fin de 1789, être Français, et l'avaient-ils voulu avec un emportement passionné ? Ô prestige du droit victorieux ! Ô puissance à jamais sainte de la justice sur les hommes, à certaines heures solennelles ! Et ce fut bien autre chose, lorsque, en 1790, appelés à Paris par l'immortel spectacle de la Fédération, les députés avignonnais purent raconter, au retour, les merveilles dont ils avaient été témoins ! A partir de ce moment, le pacte sacré de l'union de ce peuple avec la France fut scellé irrévocablement au fond de tous les cœurs ; que dis-je ? un jour, sur la roche de Dons, un cri fut entendu, un cri monta vers le ciel, poussé par des milliers de voix, et ce cri était : Plutôt mourir que de ne pas vivre Français ![4]

Dans le Comtat Venaissin, même désir d'échapper au joug de Rome, même entraînement vers la France. Mais ici entre le parti des patriotes et celui des papistes la division était beaucoup plus tranchée, d'une part ; et d'autre part, Carpentras, la ville principale du Comtat Venaissin, ressentait à l'égard d'Avignon une jalousie qui la précipitait dans des voies contraires à celles où marchait sa rivale. Cette jalousie funeste, les prêtres ne connurent que trop bien l'art de l'enflammer. Les Avignonnais ayant émis l'idée de se réunir aux Comtadins, et proposant, à cet effet, une convocation, par députés, de toutes les villes, de tous les bourgs et villages du Comtat, le parti du pape s'empara de cette circonstance pour éveiller, sur la perte imminente de leur souveraineté locale, les inquiétudes des Carpentrassiens. Avignon dévoilait donc enfin ses secrètes pensées ! Comment en douter désormais ? Si cette ville ambitieuse voulait devenir française, c'était pour régner sur Carpentras, c'était pour être le chef-lieu d'un des départements de la France ! Singuliers patriotes que ceux des enfants du Comtat dont tout le patriotisme consistait à cesser d'être Comtadins pour se faire Avignonnais ! Ce fut par ces discours artificieux, ce fut en soufflant sur cette passion de l'envie, toujours plus violente quand elle est resserrée dans un petit cercle, que les prêtres parvinrent à dominer dans Carpentras. Ils y formèrent, en opposition à l'Assemblée électorale d'Avignon, une Assemblée représentative, qui, ayant à ses ordres une petite armée de gardes nationaux, commença contre les patriotes, partisans de la France, un système de persécution acharnée. D'affreux excès furent commis. L'Assemblée représentative assassina, par ses sicaires, le colonel de la garde nationale de Thor, vieillard de soixante-dix ans ; elle mit garnison à Cavaillon pour en assujettir les habitants, et força plus de cinq cents patriotes, que menaçaient ses fureurs, à chercher refuge dans Avignon[5].

Excités par les proscrits, les Avignon nais improvisent une armée. Patrix, un des leurs, marche sur Cavaillon et s'en empare. Mais la cruauté appelle la cruauté : les vainqueurs, en ensanglantant leurs succès par la vengeance, après le combat, les déshonorèrent. Bientôt ce ne fut, dans tout le Comtat, qu'une effroyable série de dévastations. C'était la guerre, la guerre civile avec son cortège accoutumé d'horreurs et de représailles. A l'Assemblée représentative, dispersée par la terreur, une seconde Assemblée, celle de Sainte-Cécile, n'avait point tardé à succéder : 4.000 Avignonnais, renforcés d'une troupe de déserteurs français qu'avaient fournis les régiments de Soissonnais et de Penthièvre, vinrent camper devant Carpentras ; et le siège commençait, lorsqu'un orage dont il n'y avait pas encore eu d'exemple, tant il fut terrible et sinistre, fondit sur les assaillants, les remplit d'une épouvante superstitieuse, les mit en fuite[6].

A Paris, est-il besoin de le dire ? c'était pour les Avignonnais que tenaient tous les révolutionnaires. L'Assemblée nationale n'ayant pas encore osé accepter l'offre que le peuple d'Avignon avait faite de son indépendance reconquise, après la fuite du vice-légat, Brissot, Marat, Camille Desmoulins, Carra, Fréron, ne cessaient de poursuivre de leurs clameurs ce sénat trop timide. Ils le rendaient responsable des calamités d'une guerre à laquelle ils assuraient que son intervention seule pouvait couper court ; ils donnaient à ceux de Carpentras le nom de rebelles, et maudissaient dans leur résistance l'ascendant de l'abbé Maury, né à Valréas. Les sociétés populaires, de leur côté, avaient épousé avec tant de feu la cause des Avignonnais, que, sur le programme du club des Jacobins, parmi leurs articles de foi politique, la réunion d'Avignon à la France figurait presque en première ligne[7].

Dans ces entrefaites, un double assassinat ramena les Avignonnais devant Carpentras. Un membre de leur assemblée électorale, nommé Lavilasse, s'étant rendu à Vaisson, où il avait une maison de campagne, eut la folie de s'y donner des gardes, de s'y montrer en public, le front couronné de lauriers, et la folie, plus grande encore, de détourner les eaux des moulins à blé du village de Séguret, lequel s'était rangé sous les bannières de Carpentras[8]. Ce fut son arrêt de mort. On l'égorgea pendant la nuit, on égorgea son ami d'Anselme, et un Te Deum fut chanté sur leurs cadavres mis en lambeaux[9].

A cette nouvelle il n'y eut qu'un cri dans Avignon : Vengeance ! Une nouvelle armée, forte cette fois de 8.000 hommes[10], entre en campagne. Elle a pris le nom d'armée de Vaucluse, et Patrix la commande. Telle était son ardeur qu'elle franchit, presque sans s'arrêter, entre deux feux très-vifs, un étroit défilé jugé impraticable et que gardait, à la tète des Carpentrassiens, ce même Albert de Rioms[11], chef d'abord, puis déserteur de l'escadre de Brest.

Arrivés devant la petite ville de Sarrians, les Avignonnais s'y engagèrent sans défiance, sur la foi d'un message pacifique, reçurent quelques coups de fusil tirés des fenêtres, et se croyant victimes de la plus noire perfidie, s'abandonnèrent à des barbaries auxquelles leur propre chef ne put échapper. Patrix, soupçonné de trahison, fut tué sur place et sa tête envoyée à Avignon, où on la promena au bout d'une pique. Il lui fallait un successeur : ce fut Jourdan qu'on choisit, non pas le Jourdan coupe-tête, mais un muletier tout aussi féroce que celui dont il portait le nom, devenu si horriblement célèbre[12]. Le premier acte du nouveau général fut de trancher avec son sabre les doigts sanglants de Patrix, de les mettre successivement dans sa bouche en guise de pipe, et de se promener ainsi aux yeux de son armée[13].

Cependant, ceux de Carpentras préparaient tout pour une défense vigoureuse. Chacun apportait, pour fondre des canons, les ustensiles en cuivre ou en bronze qu'il possédait. Les habitants de Montventoux, de Lubéron, furent appelés au secours, et l'on vit sortir de Brantes, on vit descendre du haut de ces montagnes, séjour d'éternels frimas, des hommes terribles[14]. Le directoire de la Drôme, instamment invoqué, fournit aussi des auxiliaires. Une seconde fois, Carpentras fut assiégé par les Avignonnais.

La ville soutint le premier choc avec tant de vaillance que les assiégeants s'en éloignèrent d'abord et se mirent à la canonner à boulets rouges. Alors, pour attirer leurs ennemis plus à portée, les assiégés imaginèrent de poser sur les toits les plus élevés des vases remplis de goudron. Ils y mettent le feu et poussent des cris qui imitaient ceux du désespoir. Croyant que leurs boulets ont incendié la ville, les Avignonnais s'approchent sans précaution. Deux batteries à mitraille sont tout à coup démasquées, et un carnage horrible commence[15]. On assure que la cavalerie avignonnaise, chargée d'enlever les morts et les blessés, dont le nombre était considérable, eut recours à ce moyen qui fait frissonner : chaque cheval traînait une corde attachée à la croupière par un bout, et armée, à l'autre bout, d'un crochet de fer ; les cadavres, les blessés gémissants étaient accrochés pêle-mêle, et les cavaliers les traînaient derrière eux au galop[16] !

Du reste, cette guerre avait été signalée par des atrocités sans exemple et imputables à l'un comme à l'autre parti. A Caromb, neuf soldats de l'armée vauclusienne furent fusillés et couchés dans des fosses qu'on leur avait fait creuser de leurs propres mains ; à Sarrians, un soldat de la même armée fut enterré vif, lors du saccagement de Cavaillon, un Carpentrassien ayant été assassiné, ses ennemis burent son sang[17] !...

Telle était la situation du Comtat au mois de mai 1791. Mais, Avignonnais ou Comtadins, les patriotes n'avaient pas attendu jusque-là pour conjurer l'Assemblée nationale d'intervenir. Cette cause, importante à plus d'un titre, la réunion d'Avignon et du Comtat à la France, Robespierre l'avait plaidée, du haut de la tribune, dès le mois de novembre de l'année précédente, et, quoique ses efforts eussent été infructueux, les officiers municipaux d'Avignon, Richard, Mainvielle, Ayme, Niel, Duprat, s'étaient empressés de lui écrire une lettre où leur reconnaissance s'exhalait en termes passionnés[18]. On vient de voir à quelles horreurs les hésitations de l'Assemblée avaient, depuis, ouvert carrière. Pour peu qu'elle tardât encore, il était à craindre que la ville de Carpentras, emportée à la suite de quelque assaut furieux, ne vînt combler la mesure de tant de maux. Menou fut chargé d'éclaircir la question, et il s'acquitta de cette tâche avec un remarquable mélange d'érudition, de précision et de clarté.

Il s'agissait d'abord de savoir jusqu'à quel point la possession des papes était légitime.

Or, en ce qui touchait l'État d'Avignon, devenu la résidence des papes depuis que, sous le pontificat de Clément V, le Saint-Siège y avait été transféré, nul doute qu'en 1348 Jeanne, reine de Naples, comtesse de Provence, n'eût vendu cet État à la cour de Home, moyennant la somme de 80.000 florins d'or. Mais cette vente était nulle pour plusieurs raisons ; elle était nulle parce que Jeanne n'avait hérité du comté de Provence qu'à la charge expresse d'inaliénabilité ; parce qu'elle-même avait juré solennellement, en présence d'un grand nombre de Provençaux rassemblés à Aix, de tenir ses domaines pour inaliénables ; parce qu'elle était mineure lors de la vente, parce qu'elle signa cette vente aussitôt après l'égorgement d'André, son premier mari, qu'on l'accusait d'avoir assassiné, et après son mariage avec Louis de Tarente, désigné comme le complice du meurtre ; parce qu'enfin le pape ayant été appelé à juger Jeanne, tout conduit à supposer que la vente, faite à un prix très-modique et dont le payement resta douteux, fut le prix immoral de l'absolution dont Rome couvrit un crime avéré.

Quant au Comtat Venaissin, l'histoire de son aliénation n'était pas moins scandaleuse. Raymond VII, comte de Toulouse, devient suspect d'hérésie au pape Grégoire IX, qui ambitionne ses dépouilles ; il est excommunié. Louis VIII, roi des Français, sollicité par Rome, se met à la tête d'une croisade. Accablé, le malheureux Raymond est réduit à céder à l'avide pontife toutes ses terres au delà du Rhône, moyennant quoi on daigne l'admettre à faire amende honorable en chemise ! Cette spoliation était si honteuse, que Grégoire IV n'osa pas garder le Comtat comme propriété. Il prétendit ne s'être fait céder le Marquisat de Provence que provisoirement, pour y extirper l'hérésie, dans l'intérêt du salut éternel de Raymond VII. Les domaines usurpés furent donc remis en dépôt à saint Louis, puis restitués au comte. Mais Rome n'entendait pas lâcher ainsi sa proie, et en 1274, disposant du Comtat comme s'il en avait été le maître, Philippe le Hardi le donnait à Grégoire X.

Ces faits dont nous ne présentons ici que le sommaire, Menou les développa et les prouva historiquement[19] dans un rapport qu'il lut le 30 avril à l'Assemblée. Il insista aussi sur ce que, par suite de mariages et testaments princiers, Avignon et le Comtat devaient, en vertu du droit d'hérédité, appartenir à la France. Et de fait, les rois de France, Charles VIII, François Ier, François II, Charles IX, n'avaient cessé de réclamer les deux pays et de faire, en ce qui les concernait, des actes conservatoires ; plus que cela, Louis XIV avait enjoint au parlement d'Aix de demander au vice-légat les titres du Saint-Siège pour les examiner, et le vice-légat n'ayant point comparu, le parlement d'Aix avait prononcé la réunion.… Mais la question, après tout, n'était pas là, elle était plus haut ; et, dans son journal, Brissot reprocha au rapporteur de s'être livré à une dépense d'érudition bien inutile[20]. Pour changer un gouvernement qui leur pèse, les peuples ont-ils besoin du consentement de leurs administrateurs ? Les Avignonnais et les Comtadins avaient-ils droit sur eux-mêmes ? Les peuples étaient-ils un bétail immonde qu'il est loisible au premier venu qui s'en empare de vendre au plus offrant, et à perpétuité ? Il n'y avait pas, selon Brissot, d'autre point à considérer. Or, à cet égard, on le devine, les conclusions de Menou ne différaient point des siennes.

Ici, cependant, s'élevait une objection spécieuse : telle ou telle province de France pourrait donc, si bon lui semblait, se détacher du royaume ? Non, répondait Menou[21], car, telle ou telle province des Français ne forme pas aujourd'hui un peuple indépendant. Sans doute, avant la Révolution, avant le pacte constitutionnel qui vient de réunir toutes les parties de la France, chacune de ces parties aurait pu se séparer ; elle en avait le droit, n'ayant avec les autres aucun pacte social consenti par elle et par tous. Mais, aujourd'hui, les 24 millions de Français, à l'exception de quelques ennemis du bien public, sont liés entre eux par un pacte social qui oblige chacun envers tous et tous envers chacun, et nul ne saurait rompre ce pacte que par la volonté des autres coassociés, sans quoi la société pourrait se dissoudre à chaque instant.

Ce problème une fois résolu — et il était d'un intérêt immense comme tous ceux que souleva la Révolution française, — il n'y avait plus qu'à savoir si les Avignonnais et les Comtadins voulaient bien réellement la réunion, et si la France gagnerait à y consentir.

Menou prouva sans réplique que la réunion avait été demandée et l'était encore par la grande majorité des Avignonnais, non-seulement d'une manière formelle, mais pour ainsi dire à mains jointes. Il établit que, quant au Comtat, d'après un calcul pris dans les propres déclarations de l'assemblée de Sainte-Cécile, le nombre des habitants qui s'étaient prononcés pour la réunion ne montait pas à moins de 104.000 sur une population de 152.000. Encore les 48.000 autres ne s'étaient-ils point prononcés contre : ils n'avaient pas pris de délibération, voilà tout[22]. La France pouvait-elle et devait-elle repousser l'offre de deux beaux pays qui, situés entre le Rhône, les départements de la Drôme, des Basses-Alpes et des Bouches-du-Rhône, présentaient un sol fertile, une surface de 45 lieues carrées, de puissants moyens de défense contre une agression, et se trouvaient être une glorieuse conquête, non de la force, mais de l'esprit nouveau ?

Quelque simple que la question nous paraisse aujourd'hui et parût alors aux vrais partisans de la Révolution, l'Assemblée nationale mit un temps énorme à se décider. Les conclusions du rapport de Menou furent vivement combattues, et par des adversaires nombreux. Ils objectaient : Liancourt, qu'il était impossible de bien constater le vœu de la majorité dans des contrées que déchirait la guerre civile ; Jessé, que la France était déjà bien assez troublée par les querelles religieuses ; l'abbé Maury, qu'il n'y aurait à dépouiller le pape, ni générosité, ni justice ; Clermont-Tonnerre, que Patrix avait été fusillé lorsqu'il méritait des autels ; Malouet, qu'en acceptant Avignon, la France alarmerait toute l'Europe[23].

Robespierre, Goupil, Pétion, eurent beau développer, à l'appui du rapport, les considérations les plus frappantes, l'Assemblée, toujours indécise, adopta, dans la séance du 5 mai, cette rédaction ambiguë : Avignon et le Comtat ne FONT point partie intégrante de la France. Mais le lendemain, les mots l'Assemblée décrète, portés au procès-verbal, y furent remplacés par ceux-ci : l'Assemblée déclare, afin qu'il restât bien démontré que, par son vote de la veille, l'Assemblée avait entendu seulement constater le fait, en réservant le droit[24].

Pendant ce temps, la guerre continuait dans le Comtat, guerre d'extermination où les villes jalouses luttaient contre les villes, les villages contre les villages, les catholiques contre les protestants, et des guerriers sauvages contre des bandes de fanatiques poussés en avant par des prêtres. De leur côté, les officiers municipaux d'Avignon redoublaient d'instances auprès de l'Assemblée, lui envoyaient messages sur messages. Le 24 mai, ils lui écrivirent[25] : Nous brûlons d'entrer dans la grande famille dont nous avons été trop longtemps séparés. Notre volonté est de vivre Français, ou de mourir.

L'Assemblée résista cette fois encore, mais elle ne pouvait, sans barbarie, rester sourde à ces supplications touchantes ; trois médiateurs, nommés par elle — c'étaient l'abbé Mulot, Lescène et Verninac — partirent en toute hâte. Arrivés à Orange, ils y convoquèrent les représentants des partis adverses ; et, grâce à une négociation habilement conduite, la paix fut enfin signée le 9 juin. Elle était placée sous la garantie du nom de la France[26].

En conséquence, le siège de Carpentras fut levé, et l'armée vauclusienne, campée à Monteux, reçut ordre de reprendre la route d'Avignon. C'était pour ces malheureuses contrées un bonheur presque inattendu. Quand les médiateurs français parcoururent le pays, ils virent se presser sur leurs pas des milliers de pauvres paysans qui, pleins d'une émotion reconnaissante et le visage baigné de larmes, montraient leurs moissons que la flamme ne menaçait plus. On offrait aux pacificateurs des couronnes formées de fruits. Les Carpentrassiens leur remirent, comme le plus noble don qui pût leur être fait, des prisonniers de guerre à rendre libres[27].

Mais, dans l'intervalle, l'ambition, l'envie, le désir d'occuper la scène et de la remplir, des accusations réciproques, bientôt suivies d'un violent échange de calomnies, avaient jeté entre les officiers municipaux d'Avignon et les chefs du camp de Monteux les germes d'une haine inextinguible. Maudite et menacée par la faction militaire, la faction municipale s'était élevée avec une indignation malheureusement trop justifiée, contre les excès que les soldats de l'armée vauclusienne avaient associés à leur bravoure ; elle leur avait donné le nom de brigands, et avait décrété de prise de corps huit de leurs chefs. Les farouches guerriers de Monteux n'étaient pas hommes à se laisser intimider : rappelés à Avignon, ils firent retentir d'un long cri de vengeance tous les échos de la route. Pour mieux braver leurs ennemis, se parant de leurs injures, ils avaient décoré les chevaux et s'étaient ornés eux-mêmes d'un insultant papier sur lequel on lisait cette inscription incroyable : Brave brigand de l'armée de Vaucluse[28]. Ce fut tambour battant, mèche allumée, et leurs chefs décrétés marchant à leur tête d'un pas orgueilleux, qu'ils rentrèrent dans la ville. Elle dut se partager entre les deux factions rivales, et un mois s'était à peine écoulé, que tout n'y était plus que confusion, gémissements, clameurs forcenées. Les officiers municipaux jetés dans les fers ou mis en fuite ; Jourdan et les siens régnant par la terreur du sabre ; l'ancienne assemblée électorale réduite à errer de ville en ville, et, au centre du désordre, les médiateurs français frappés d'impuissance, il ne fallut pas moins que cette série de désastres pour amener l'Assemblée nationale à prendre un parti décisif. Cette réunion, si vivement sollicitée et si ardemment attendue, fut enfin décrétée[29].

Mais elle venait trop tard pour couper court à une rage non encore assouvie. Lescuyer, un des chefs de la faction militaire, fut égorgé dans l'église des Cordeliers d'Avignon par ceux de la faction rivale, pour avoir fait enlever du mont-de-piété une malle pleine d'argenterie et vendu des cloches. La Vierge, disait une affiche placardée ce jour-là sur tous les murs de la ville, la Vierge avait été si indignée que sa statue en avait pleuré de colère[30]. Le parti de Jourdan répondit à un meurtre par un entassement de meurtres. Avignon, où vivait toujours le souvenir si doux des amours de Pétrarque et de Laure, Avignon eut, avant Paris, ses 2 et 3 septembre. Les prisons se changèrent en tombeaux, et la Glacière, où l'on précipitait les corps des victimes, donna son nom à des massacres.

Quelque chose manquerait au tableau des surprenants effets que produisit au loin le pouvoir moral exercé par la Révolution française, si nous ne disions pas comment, tandis qu'elle attirait d'un côté des populations entières et gagnait des royaumes par la seule force de la sympathie, de l'autre elle allait conquérant les âmes les plus nobles et les plus grands esprits, ou faisant tomber dans un noir délire les intelligences d'élite qu'elle irritait.

Nous avons raconté la célèbre dispute qui, au commencement de l'année 1790, avait armé contre Burke, en Angleterre, le généreux Fox et Sheridan[31]. Ce jour-là Burke avait rompu définitivement avec Sheridan ; mais son amitié pour Fox, quoique fort ébranlée, avait gardé quelques racines dans son cœur. Le livre que, vers la fin de 1790, il publia contre la Révolution, et la désapprobation formelle que ce livre encourut de la part de Fox, envenimèrent les rapports.

Pitt voyait grandir ces germes de désunion avec une joie secrète. En 1791, alarmé de la manière bienveillante dont le roi s'était, à différentes reprises, exprimé sur le compte de Fox, et craignant que son illustre rival ne devînt bientôt son successeur, Pitt fit répandre partout que le chef de l'opposition était au fond républicain, et l'on croit que ce fut lui qui, pour accréditer cette opinion, poussa Burke à provoquer Fox en plein parlement, en l'amenant sur le terrain de la Révolution française[32]. Fox eut vent d'un projet qui ressemblait si fort à un complot ; il sut que l'attaque devait avoir lieu à l'occasion d'un bill sur la colonie de Québec, et la veille du jour fixé pour le débat de ce bill, mû par un sentiment de loyauté, il se rendit chez Burke.

Dans le récit très-partial, très-passionné, qu'il a fait de la vie de Burke, James Prior ne dit pas un mot des suggestions supposées de Pitt, et, dans la résolution que prit alors son héros, il ne voit que la légitime impatience de répondre à d'amères allusions précédemment lancées contre lui, soit par Fox, soit par Sheridan. Mais le fait de l'entrevue, il l'avoue[33].

Fox demanda franchement une explication, et ne cacha point ce qui se disait. Burke nia qu'il y eût complot, mais il déclara que son intention formelle était en effet d'entrer dans la discussion des Principes français[34]. Fox ayant alors exprimé le désir que la lutte fût au moins ajournée, Burke s'y refusa, et il n'y eut plus qu'à se préparer, de part et d'autre, au combat.

Ce fut le 6 mai 1791 qu'eut lieu un des événements les plus mémorables, peut-être, qu'aient jamais présentés les annales politiques de l'Angleterre, tant la sensation fut profonde ! tant les résultats furent importants ! Le bill de Québec était en discussion dans la Chambre des Communes, lorsque tout à coup, et contre l'usage ordinaire, qui est qu'on parle debout et découvert mais sans quitter sa place, Burke s'avança au milieu de la salle. Sa figure avait une expression de simplicité calme, ses bras étaient croisés sur sa poitrine, et lorsqu'il annonça son discours, ce fut d'une voix si faible, qu'à peine pouvait-on l'entendre[35]. Mais bientôt, s'animant par degrés, il peignit à grands traits l'esprit de vertige qui aveuglait la plupart des gouvernements de l'Europe ; il montra l'Espagne tombée en léthargie et devenue semblable à une baleine échouée sur le rivage ; il montra la France.… Ici, l'attention des auditeurs redoublant, l'orage intérieur que Burke portait dans son sein éclata avec une violence terrible…. La France ! elle recevait maintenant le prix du fatal engouement avec lequel on y avait couru au-devant des doctrines nouvelles. Et il traçait le tableau de leurs horribles, de leurs scélérates conséquences — car ce furent ses expressions[36], — quand les cris de chair ! chair ! hear ! hear ! order ! go on ! s'élevant à la fois de tous les bancs, au milieu d'un indescriptible tumulte : Voilà, dit-il avec un mélange de raillerie et de tristesse, une scène semblable à celles dont la France donne aujourd'hui le spectacle ![37] Puis, il reprit le cours de ses invectives. Interrompu de nouveau, il déclara d'un ton solennel qu'il était de son devoir de saisir cette occasion d'avertir la Chambre des Communes qu'un sérieux danger menaçait le pays, parce qu'il s'y était formé une faction dont le but était de miner, de renverser la constitution.

S'il en est ainsi, s'écrièrent plusieurs membres, la chose est assez grave pour qu'on en fasse l'objet d'une délibération séparée ; sur quoi, lord Sheffield proposa de décider, par une motion d'ordre, que les dissertations sur la constitution française et les événements qui se passaient en France n'étaient pas dans un rapport exact avec les clauses du bill de Québec, lequel devait être lu une seconde fois, paragraphe par paragraphe[38].

Aussitôt Fox se leva, comme pour appuyer seulement celte motion ironique, mais en réalité pour relever le gant. Après un court préambule, arrivant à la Révolution française, il la vengea dans un discours plein d'accablants sarcasmes qu'enveloppaient les formes du respect :

Ainsi, les droits de l'homme n'étaient que de vaines chimères ! C'est ce qu'il ne consentirait jamais à croire, lui, Fox, le disciple fidèle de Burke ; lui qui avait appris de Burke lui-même à se réjouir des succès de Washington, à donner des larmes à la perte de Montgomery, à regarder comme impossible que la révolte de tout un peuple fût purement factice. Oui, c'était bien Burke, son honorable ami, son maître en politique, qui un jour, avec autant d'énergie que d'éloquence, avait dit : Je ne saurais lancer un bill d'accusation contre tout un peuple ! C'était bien lui aussi, qui, en 1780, trouvait que l'influence de la couronne, en Angleterre, s'était accrue outre mesure et devait être diminuée : comment s'étonner, dès lors, qu'aux yeux des Français prudents, la trop grande influence de la couronne n'eût point paru sans danger ? Son honorable ami professait un culte enthousiaste pour la Constitution monarchique de l'Angleterre, rien de mieux. Mais chacun pouvait se souvenir qu'en 1783, le discours de la couronne ayant fort déploré la perte que faisaient les Américains en étant privés des avantages du gouvernement monarchique, Burke sut admirablement tourner ce discours en ridicule, le comparant au langage d'un homme qui dirait : Tenez, au moment où nous nous séparons, laissez-moi vous recommander une monarchie[39].

Burke, sous cette accusation d'apostasie que lui lançait un ami, essaya de se débattre, mais sans retrouver sa force ordinaire. Il avait reçu en pleine poitrine la flèche empoisonnée, et sa douleur s'échappa en accents plaintifs. Il rappela ses services : il parla de son âge avancé ; il se plaignit d'un homme qui mettait fin par d'aussi cruelles attaques à une amitié de vingt-deux ans. Toutefois, ajouta-t-il, si cette journée-ci est douloureuse pour moi, elle n'a rien qui me déshonore. Abandonné par un côté de cette chambre, désavoué et flétri par l'autre, je n'en ai pas moins l'empli mon devoir. Au salut de mon pays j'ai sacrifié les sympathies de mon parti et les affections de mon cœur : peut-être l'Angleterre appréciera-t-elle la profondeur de mes convictions[40], quand elle songera au prix qu'elles m'ont coûté.

Fox voulut répondre ; mais l'émotion l'avait gagné, il fondit en larmes. Une anxiété poignante se peignait sur tous les visages, et il se passa quelques moments où le silence ne fut interrompu que par des sanglots[41]. Les premières paroles de Fox ne furent qu'un tendre, un touchant appel à des souvenirs de noble intimité ; mais une fois rentré dans le débat, l'orateur redevint, comme à son insu, amer et blessant. D'où cette dernière réplique de Burke : L'affection que M. Fox m'a témoignée dans le commencement de son discours a été bien effacée par la suite et la fin. Il a eu l'air de regretter les durs procédés de cette soirée : je crains bien que nos ennemis ne s'en souviennent toujours. Ensuite, répondant au magnifique éloge que Fox avait fait de la Révolution française, et se défendant d'avoir jamais attaqué les républiques : La France n'est pas une république, dit-il, c'est — et il récita les vers de Milton, — c'est l'obscure, gigantesque et formidable image de la Mort, ayant un semblant de couronne sur un semblant de tête, avec un hurlement pareil à celui des chiens infernaux qui aboient sans fin ni cesse autour de la ceinture du Péché. C'est un monstre informe né du chaos et de l'enfer[42].

Dans le cours de ce débat mémorable, et au moment où Burke prononçait ces mots : Fly from the French Constitution (Fuyez la Constitution française), Fox ayant dit à demi-voix : Ceci n'est pas une rupture d'amitié, — C'est une rupture d'amitié[43], avait repris Burke, d'un ton sévère. Et, en effet, le lien qui avait uni si longtemps ces deux hommes célèbres fut alors rompu, et pour toujours.

Un écrivain français, très-distingué d'ailleurs, prétend que Pitt sembla demeurer impartial et presque indifférent[44]. C'est une erreur. Son attitude avait été celle-là, lors de la lutte de 1790 ; mais, cette fois, sans défier nominativement la Révolution française, il déclara hautement que Burke avait bien mérité de son pays, pour avoir exprimé avec tant d'habileté et d'éloquence son opinion sur le danger qui existait déjà[45]. Il parut même, dès lors, prendre plaisir à lui tendre publiquement les bras. N'était-ce pas annoncer qu'il enlevait à l'opposition un de ses chefs, que de dire : M. Burke peut tenir pour certain que je m'unirai à lui, du fond du cœur, dans tout ce qui sera de nature à préserver ce qu'il estime être la constitution la plus parfaite qui soit au monde, de manière à ce qu'elle soit léguée aux générations futures, comme la meilleure garantie de la prospérité, de la liberté et du bonheur de l'Angleterre[46].

Le soir, au sortir de la séance, Curven, un des membres du parti de Fox dans cette question, était à attendre sa voiture, lorsque Burke vint lui demander d'y prendre place : il pleuvait. A peine étaient-ils assis, que Burke se mit à revenir avec une chaleur extrême à ses invectives contre la Révolution. Curven gardait le silence. Soudain, Burke se tourne vers lui, le loue vivement de n'être pas de ceux qui approuvent les doctrines révolutionnaires des Français, et se tait pour lui laisser le loisir de répondre. Curven n'eut pas plutôt fait sa profession de foi, que Burke, transporté de fureur, saisit le cordon de la voiture, et s'écrie : Ah ! vous êtes de ces gens-là ? Vite, descendez-moi ! Ce fut difficilement que Curven parvint à le retenir ; mais il continua la route, muet et sombre ; et, aussitôt que les chevaux s'arrêtèrent, il s'élança violemment hors de la voiture, sans proférer une parole[47].

L'illustre querelle que la Révolution française venait d'allumer eut une influence considérable sur la politique de l'Angleterre. Le Morning Chronicle déclara que le grand parti des whigs s'étant rangé du côté de Fox, Burke n'avait plus qu'à se retirer du parlement[48]. C'était donner un puissant auxiliaire à Pitt, et ajouter aux matériaux de l'incendie qui allait envelopper toute l'Europe.

Les Avignonnais l'avaient achetée à un prix formidable, cette qualité de Français si ardemment désirée ! Et pourtant, jamais, depuis, un regret n'entra dans leur âme, restée pour toujours française. En se donnant à la Révolution, en devenant nos frères, ils s'associaient à des douleurs épiques, ils consentaient à porter avec nous la croix sur la route de notre calvaire ! Et l'hésitation leur fut impossible ! Oh ! qui l'expliquera, ce pouvoir fascinateur dont la France est investie ? La révolution qui, en Angleterre, fit Cromwell, avait certes été bien profonde et bien vaste ; elle avait apporté à l'esprit humain d'étranges sujets de trouble, de joie, d'exaltation : d'où vient donc que sur ces milliers de vaisseaux qu'elle avait à ses ordres, la grande révolte des Anglais fut impuissante à passer la mer ? D'où vient que, tandis qu'elle éclatait, on voyait tout en face, sur de voisins rivages, le règne de Louis XIV ouvrir sa marche pompeuse et réglée ? Ici quelle différence ! La Révolution française a beau se montrer sous un aspect effrayant, elle a beau ne promettre aux peuples qui se laisseraient séduire qu'une liberté orageuse, son apparition met en mouvement toutes choses, non-seulement autour d'elle, mais au loin. Elle parle, et d'innombrables échos qu'on ne soupçonnait pas portent sa voix jusqu'aux extrémités de la terre. Elle remue, et la vieille Europe chancelle. Elle fait signe qu'on vienne à elle, et des peuples entiers, comme poussés par une force secrète, se précipitent à sa rencontre. Combien terrible, mais combien glorieuse, est votre destinée, ô mon pays !

 

 

 



[1] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 50.

[2] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 61.

[3] Michelet, Histoire de la Révolution, dans le chapitre sur la Fédération, t. II, p. 181 et 182.

[4] Révolutions de France et des royaumes, etc., n° 50.

[5] Rapport et conclusions de l'accusateur public près le tribunal criminel d'Avignon, p. 26 et 27, dans la Bibliothèque historique de la Révolution. — AVIGNON. — 394, 5, 6. British Museum.

[6] Histoire abrégée de la Révolution, par l'auteur du Règne de Louis XVI, t. I, p. 166.

[7] Voyez dans le n° 64 du journal de Camille Desmoulins, la lettre des Jacobins de Lons-le-Saulnier à la société-mère.

[8] Histoire abrégée de la Révolution, par l'auteur du Règne de Louis XVI, t. I, p. 166.

[9] Rapport de l'accusateur public près le tribunal criminel d'Avignon, p. 36.

[10] Éclaircissements sur les événements d'Avignon et du Comtat. Paris, 1791.

[11] Histoire abrégée de la Révolution, par l'auteur du Règne de Louis XVI, t. I, p. 155.

[12] Compte rendu par l'abbé Mulot à l'Assemblée nationale, comme commissaire du roi à Avignon, p. 13.

[13] Histoire abrégée de la Révolution, par l'auteur du Règne de Louis XVI, t. I, p. 158.

[14] Histoire abrégée de la Révolution, par l'auteur du Règne de Louis XVI, t. I, p. 162.

[15] Histoire abrégée de la Révolution, par l'auteur du Règne de Louis XVI, t. I, p. 163.

[16] Histoire abrégée de la Révolution, par l'auteur du Règne de Louis XVI, t. I, p. 164.

[17] Histoire abrégée de la Révolution, par l'auteur du Règne de Louis XVI, t. I, p. 165.

[18] Voyez Bûchez et Roux, Histoire parlementaire, t. VIII, p. 90-97.

[19] Rapports sur Avignon et le Comtat Venaissin, par Jacques Menou, p. 7-23, dans la Bibliothèque historique de la Révolution. — AVIGNON, 594, 595, 596. British Museum.

[20] Le Patriote français, n° 631.

[21] Premier rapport de Menou, ubi supra, p. 32.

[22] Premier rapport de Menou, ubi supra, p. 54.

[23] Le Patriote français, n° 633, et la Chronique de Paris, n° 123.

[24] Chronique de Paris, n° 126.

[25] Chronique de Paris, n° 145.

[26] Compte rendu de l'abbé Mulot à l'Assemblée nationale, p. 17.

[27] Compte rendu de l'abbé Mulot à l'Assemblée nationale, p. 18.

[28] Compte rendu de l'abbé Mulot à l'Assemblée nationale, p. 21.

[29] Décret du 14 septembre 1791.

[30] Rapport de l'accusateur public près le tribunal criminel d'Avignon, p. 54, ubi supra.

[31] Voyez le premier chapitre du quatrième volume de cet ouvrage, celui qui est intitulé Aspect de l'Europe.

[32] The minister, it was reported, in order to secure himself in his situation, had given out the watch-word, that Mr. Fox was by principle a republican, and it was supposed that, in pursuance of this plan, he instigated Mr. Burke to bring forward, on the present occasion, a discussion of French principles, and an attack on Mr. Fox in the house of Commons. Annual Register, vol. XXXIII, chap. XII, p. 265.

[33] Memoir of the life and character of the Right hon. Edmund Burke, by James Prior, chap. XI, p. 389, 390.

[34] But avowed his intention of entering fully into a discussion of French principles. Annual Register, vol. XXXIII, chap. XII, p. 266.

[35] Témoignage d'un écrivain, alors émigré en Angleterre, et qui assistait à la séance. On le trouve cité dans le Cours de littérature française, de M. Villemain, 16e leçon.

[36] He began to relate the nefarious consequences, as he termed them. Annual Register, vol. XXXIII, chap. XII, p. 264.

[37] Memoir on the life and character of the Right hon. Edmund Burke, by James Prior, chap. XI, p. 382.

[38] Annual Register, vol. XXXIII, chap. XII, p. 265.

[39] Annual Register, vol. XXXIII, chap. XII, p. 266, 267.

[40] Annual Register, vol. XXXIII, chap. XII, p. 267.

[41] Tears for some time impeded his utterance. Annual Register, vol. XXXIII, chap. XII, p. 267. Voyez aussi Prior, p. 384 : Mr. Fox found relief in tears.

[42] It was a compound (reciting the verses of Milton) of the sublimely obscure and tremendous figure of Death, having the likeness of a kingly crown upon the seeming head, with the cry of hell-hounds that bark without ceasing around the waist of sin. It was a shapeless monster, born of hell and chaos. Annual Register, vol. XXXIII, chap. XII, p. 269.

[43] James Prior, Memoir on the life of Burke, chap. XI, p. 283.

[44] M. Villemain, dans son Cours de littérature française, 16e leçon.

[45] Voyez relativement à cette approbation publiquement donnée à Burke par Pitt, le livre de Prior, p. 382, et l'Annual Register, vol. XXXIII, p. 269.

[46] Annual Register, vol. XXXIII, p. 269.

[47] Travels in Ireland, t. II. — Citation de James Prior, dans sa vie de Burke, p. 392 et 393.

[48] James Prior, p. 394.