HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME CINQUIÈME

LIVRE CINQUIÈME (SUITE)

 

CHAPITRE II. — LA RÉVOLUTION DANS L'ARMÉE.

 

 

Le danger des armées permanentes dénoncé par Charles Lameth. — Travaux relatifs à la réorganisation de l'armée. — Effet de la Révolution et de ses principes sur l'armée. — Les officiers aristocrates ; le jeune Bonaparte, patriote. — Garnison de Nancy ; constitution aristocratique du Régiment-du-Roi. — Mestre-de-Camp. — Les Suisses de Châteauvieux. — Soulèvement des soldats à Nancy ; ses véritables causes, sa nature, son objet. — Pommier, Arnal et Bourguignon. — Essai de terreur organisé par des spadassins. — Le régiment de Salin-Salm et Bouillé à Metz. — Intervention de l'Assemblée. — Rôle étrange de Lafayette. — Connivence de Bouillé et de Lafayette. — Portrait de Bouillé. — Continuation des troubles à Nancy. — Décret du 16 août. — Députation de soldats ; les députés militaires arrêtés. — Pescheloche à Nancy ; il est fêté par les soldats. — Arrivée de Malseigne ; sa visite au quartier des Suisses ; sa dureté ; il court risque de la vie. — Courriers nocturnes envoyés par Lafayette. — Subite invasion de Nancy par des gardes nationaux accourus de toutes parts ; inquiétude universelle. — Départ inattendu de Malseigne pour Lunéville : inexprimable fureur des soldats. Denoue emprisonné, Pescheloche suspect ; les cavaliers de Mestre-de-Camp se lancent à la poursuite du fugitif ; leur rencontre avec les carabiniers de Lunéville ; combat ; capitulation ; Malseigne ramené à Nancy. — Bouillé marche sur Nancy. — Députations envoyées pour le fléchir. — Projet de pacification proposé par Barnave et adopté par l'Assemblée. — Fatal conflit à la porte Stainville ; occupation violente de Nancy. — Les rues inondées de sang. — Scènes d'héroïsme. — Scènes d'horreur. — Désille. — Sauvet. — Bouthillier. — Triomphe sauvage de la municipalité de Nancy. — Vengeance et réaction. — Comment Louis XVI parle du massacre des soldats. — Lettre secrète de Lafayette, trouvée depuis dans l'armoire de fer. — Le Champ de Mars tendu de drap noir. — Mort de Loustalot. — Réhabilitation ultérieure des Suisses de Châteauvieux, condamnés aux galères ; leur bonnet de galérien adopté comme la coiffure révolutionnaire.

 

Nous avons déjà parlé des trésors historiques que possède, en ce qui touche spécialement la Révolution française, le BRITISH MUSEUM. Il nous a fourni, relativement à cette affaire de Nancy qui n'a été jusqu'ici ni bien éclaircie ni complètement racontée nulle part, des documents sans nombre et d'une valeur inappréciable. Nous avons pu écrire ce terrible drame, ayant sous les yeux, indépendamment des journaux du temps et des mémoires, seules sources où les auteurs de l'Histoire parlementaire paraissent avoir puisé :

Détail des événements survenus à Nancy au régiment suisse de Lullin de Châteauvieux, par le baron de Salis-Samade, major de ce régiment ; 2° Relation exacte et impartiale de ce qui s'est passé à Nancy, par Léonard ; 3° Précis des principaux événements arrivés à Nancy, publié par la municipalité de cette ville ; 4° Rapport de Sillery à l'Assemblée nationale ; 5° Rapport de Duveyrier et Cahier, commissaires nommés par le roi ; 6° Réponse au rapport de MM. les commissaires du roi, sur les troubles de Nancy ; 7° Lettre de M. Louvain Pescheloche en réponse à celle de M. Sillery, rapporteur de l'affaire de Nancy ; 8° Ce qui m'est arrivé avant, pendant et après le transport armé de la garnison de Nancy à Lunéville, par Journiac Saint-Meard ; 9° Nouveaux détails authentiques sur la marche de l'armée de Bouillé ; 10° Récit des principaux faits arrivés à Nancy et auxquels la garde nationale de Metz à pris part ; 11° Détail de l'affreuse révolte de la garnison de Nancy ; 12° Détail des ravages, désordres et excès commis dans la ville de Nancy ; 13° Dialogue entre deux citoyens sur l'affaire de Nancy ; 14° Le sens commun du bonhomme Richard, sur l'affaire de Nancy ; 15° Extrait des registres des délibérations du département de la Meurthe ; 16° Extrait du registre des délibérations de la municipalité de Nancy ; 17° Lettre de M. de Bouillé à M. de La Tour-du-Pin, ministre de la guerre, etc., etc., etc., sans compter un manuscrit contenant, sur la composition des régiments à cette époque et sur leur esprit, des détails fort curieux et très-précis.

 

La Révolution française, qui remua toutes choses, ne pouvait manquer de mettre en lumière le danger des armées permanentes. Dès le mois de février 1790, elle s'était, par l'organe de Charles Lameth, exprimée en ces termes :

Les armées faites pour défendre les peuples, ne sont occupées qu'à les contenir. Destinées à protéger la liberté, elles l'oppriment ; à conserver les droits du citoyen, elles les violent. Si, dans un coin de l'empire, quelques hommes généreux ont assez d'énergie pour n'être point arrêtés par la crainte et réclament les droits naturels, on y envoie des soldats. Les faibles plient, les courageux périssent, et tout rentre dans l'ordre, c'est-à-dire dans l'esclavage. Vivant au sein, je ne dirai pas de leur patrie, mais de leur pays, comme des conquérants au milieu des peuples vaincus, les officiers et les soldats, instruments aveugles des volontés du maître, ne sont occupés qu'à étendre sa gloire, c'est-à-dire son autorité. En entrant au service, ils doivent renoncer aux plus chères affections de la nature. Leur religion est de ne connaître ni parents, ni frères, ni amis, de ne savoir qu'obéir[1].

 

Ce langage était bien celui de la Révolution. Malheureusement, l'aspect de l'Europe ne paraissait pas tel, que de ces simples et fortes paroles on se crût autorisé à tirer leur conclusion naturelle : la suppression du fléau qu'elles dénonçaient. Plus d'armée permanente ! Quand de toutes parts les rois unissaient déjà leurs alarmes et leurs colères ; quand déjà l'on pouvait de loin prêter l'oreille au bruit de leurs bataillons en marche ; quand cette force terrible que le génie de la liberté condamnait, la patrie semblait au moment d'avoir à la réclamer pour sa défense ! Devant de semblables périls, les membres même les plus ardents de l'Assemblée hésitèrent, et il advint qu'elle fit alors à l'égard de l'armée ce qu'elle avait fait à l'égard de l'Église : ne se jugeant pas en mesure d'abolir une institution dont elle sentait pourtant bien tous les vices, elle s'étudia péniblement à la réformer au risque de la rendre, en la perfectionnant, plus dangereuse encore et plus funeste.

Dans l'armée comme partout, sous l'ancien régime, il y avait eu accumulation de monstruosités. Ces groupes d'hommes dressés pour donner la mort et la recevoir qu'on appelle régiments, on les possédait de la même manière qu'une forêt, un champ, une maison ; on se les passait de main en main, on les transmettait, on en formait la dot d'une fille à marier ; les grades appartenaient presque toujours aux titres, ils ne revenaient de droit ni au mérite reconnu ni aux services proclamés ; pendant la plus grande partie de l'année, les chefs étaient exempts de tout soin et n'avaient point à s'embarrasser de la surveillance de leurs corps ; certains régiments jouissaient de privilèges odieux ou ridicules ; le luxe des emplois inutiles allait jusqu'au scandale ; le sort du militaire, enfin, dépendait du caprice, non de la loi[2] : ce fut sur tous ces abus que l'Assemblée Constituante songea d'abord à porter la cognée.

A la suite d'un débat auquel donna lieu un projet de Menou, conforme aux idées émises, soit par Noailles dans la séance du 1er février 1790, soit par Charles Lameth dans celle du 9, il fut décrété :

Que le roi était le chef suprême de l'armée ;

Que l'armée était essentiellement destinée à combattre les ennemis extérieurs de la patrie ;

Qu'il ne pourrait être admis ou introduit de troupes étrangères dans le royaume et l'armée qu'en vertu d'un acte du pouvoir législatif ;

Que les sommes nécessaires à l'entretien de l'armée seraient fixées par chaque législature ;

Que nul militaire ne pourrait être destitué de son emploi que par jugement légal ;

Que le militaire conserverait son domicile malgré les absences nécessitées par le service et jouirait des droits de citoyen actif s'il en réunissait les conditions ;

Que, même dans le cas contraire, ces droits lui seraient accordés après seize années de service ;

Que la vénalité des emplois militaires serait supprimée ;

Que la paye du soldat serait augmentée de trente-deux deniers[3].

Il y avait loin de là à un plan général de réorganisation. Il restait à savoir :

De combien d'hommes se composerait l'armée ;

A quel chiffre on fixerait les dépenses ;

Quelle serait la solde pour chaque grade ;

Quelles seraient les règles d'admission et d'avancement ;

Comment aurait lieu l'introduction des troupes étrangères ;

Comment les tribunaux militaires seraient organisés.

Deux questions surtout se présentaient, pressantes et d'une importance décisive. Il avait été décidé que le recrutement de l'armée active se ferait par engagements volontaires, ce qui était très-admissible en temps de paix ; mais, en temps de guerre ?… Pouvait-on espérer que des engagements volontaires suffiraient à remplir les vides faits par les batailles ? L'emploi des troupes dans l'intérieur du royaume était un autre problème à résoudre, et un problème brûlant. Il y allait ici de la liberté.

Sur tout cela, l'Assemblée enjoignit à son comité de constitution militaire de lui apporter le plus tôt possible des projets de loi indépendamment d'un plan général qu'elle attendait du ministre de la guerre, en se réservant et l'examen et les solutions[4].

Mais tel était, à cette époque de régénération sociale, le nombre des affaires à mener de front, telle était l'immensité des travaux à accomplir, que quatre mois et demi s'écoulèrent, sans amener d'autre résultat qu'un rapport du vicomte de Noailles, touchant le chiffre de l'armée. Dans ce rapport, présenté le 13 juillet 1790, le chiffre nécessaire était évalué à deux cent trente mille hommes… en cas de guerre générale seulement ; car, l'orateur se hâtait d'ajouter qu'en temps de paix, une pareille force serait dangereuse, et il concluait à ce qu'une partie de cette armée fût dispersée dans les départements, employée aux travaux de l'agriculture ou du commerce, sauf à rentrer sous les drapeaux, à l'heure du péril, sur un décret de l'Assemblée, sanctionné par le roi[5]. Du reste, loin de combattre l'admission des troupes étrangères dans nos rangs, le rapport énumérait avec une généreuse complaisance les services militaires qu'avaient rendus à la France les Irlandais, les Allemands, les Suisses. A Gœttingue, n'avait-on pas vu ceux-ci, que la pluie empêchait de se servir de leurs armes, combattre jusqu'à la fin à coups de pierre ? Ah ! ils étaient dignes de braver la mort à côté des enfants de la France, ceux dont les pères écrivirent, à Morat, sur un monceau d'ossements : Les Bourguignons ont voulu conquérir un peuple libre ; voilà ce qu'ils ont laissé !

Le 19 juillet, l'Assemblée décréta que le nombre des individus de chaque grade serait déterminé par un décret législatif, et, le 31 juillet, que l'armée active se composerait, au plus, de cent cinquante-six mille hommes, dont cent treize mille infanterie, trente-deux mille cavalerie, et onze mille génie[6].

Un épouvantable drame militaire interrompit ces travaux.

C'est la puissance et la gloire de l'homme d'achever ce qui est incomplet, de perfectionner ce qui est défectueux ; mais prétendre à installer le bien au centre même du mal, mais viser au perfectionnement du mensonge suivant les notions qu'on a de la vérité, mais vouloir donner à la mort les lois de la vie, c'est chose insensée. L'Assemblée allait en faire une cruelle expérience. Elle s'était bercée de l'espoir que, sans inconvénient, au gré de ses plus nobles fantaisies, elle pourrait parler aux soldats de leurs droits, leur conférer le beau titre de citoyens, leur en assurer les garanties, les ranger sous la protection de la loi commune, exalter en eux le sentiment de la dignité humaine ; et elle ne s'était point aperçue que par là elle ruinait de fond en comble la discipline, la discipline, principe essentiel, sans lequel nulle armée permanente n'est possible, principe qui signifie l'absence de tout droit, l'abdication de toute volonté, l'anéantissement de toute dignité, la servitude façonnée à l'exercice de la tyrannie. Or, ce n'est pas impunément que, parmi des hommes accoutumés à servir d'instruments aveugles aux jeux de la force, on ouvre les chemins à l'esprit de révolte. Si une multitude non enrégimentée et sans armes ne laisse pas que d'être terrible lorsqu'elle entre en fureur, que sera-ce d'une multitude ayant aux ordres de son délire des mousquets chargés, et la science, l'habitude, le goût de la destruction ? Malheur à tous, dès que dans ces corps obéissants un cœur soudain se révèle et se met à frémir ! Malheur à tous et aux soldats eux-mêmes, dès que ces machines s'avisent enfin de savoir qu'elles sont des hommes ! Il n'est pas alors jusqu'au maître qui ne doive frissonner d'épouvante. A Rome, les soldats reçurent, avec le pouvoir de faire des empereurs, celui de les égorger, et ceux qui posèrent une couronne sur la tête d'Othon venaient de la ramasser dans le sang de Galba !

Quoi qu'il en soit, il est certain que, dès les premiers jours, la Révolution était entrée dans l'armée. Qu'on se reporte à l'époque de la prise de la Bastille. Ici, ce sont les gardes-françaises qui figurent à la tête du peuple ; là, c'est le régiment suisse de Châteauvieux qui refuse de marcher. Royal-Allemand ne refuse pas, lui ; mais à la contenance morne des soldats, à leur regard découragé, comme l'abattement de leur âme se devine !

A dater de ce moment, l'esprit révolutionnaire, communiqué de proche en proche par la conversation, propagé par le contact, volant sur l'aile des gazettes, et mêlé, pour ainsi dire, à l'air que chaque soldat respirait, alla envahissant, toutes les casernes, depuis Paris jusqu'à la dernière des villes de garnison. Les journaux pénétrant de mille côtés divers dans les chambrées, non-seulement on les lut avec avidité, mais on fut tenté de l'ambition d'y écrire. D'ardents émissaires parcoururent les régiments ; il s'y forma des associations patriotiques, des comités directeurs ; il en partit des pétitions et des remontrances ; les mécontentements anciens ou nouveaux, les injustices journalières, les rancunes jalouses, les soupçons, s'y amassèrent comme autant de nuages recélant la foudre ; en un mot, du service de la tyrannie, la force organisée se disposa manifestement à passer au service de la sédition.

Les griefs, comme on le pense bien, ne pouvaient manquer ; mais il en était un qui dominait tous les autres : cette Révolution que les soldats aimaient, les officiers, par une suite naturelle de leur naissance et de leur position, l'avaient en horreur. Ceux-ci appartenaient à l'ordre des nobles ; il était difficile qu'ils ne regrettassent point un régime sous l'empire duquel on devait, pour être lieutenant, justifier de quatre degrés de noblesse[7]. A la vérité, les vieux officiers enveloppaient leur dépit d'une réserve silencieuse, prudente ; mais chez les plus jeunes, il éclatait à tout moment, et avec une imprudence fatale. Toutefois, dans les armes savantes et méditatives, dans l'artillerie, dans le génie, l'attachement à la Révolution prévalait, même parmi les officiers. Étrange effet de l'âge et des circonstances ! De ces derniers, celui qui paraissait avoir le plus vivement embrassé le culte nouveau, c'était un jeune lieutenant d'artillerie auquel la fortune réservait une place à part dans l'histoire. Est-il besoin de dire son nom ? Relégué à Auxonne, où son régiment tenait garnison, et où il occupait, à côté de son frère Louis, une misérable petite chambre aux murailles nues[8]. Bonaparte laissait alors aller son cœur à l'amour passionné de cette même Révolution que son destin était d'étouffer un jour, et apôtre fervent de la liberté, adorateur de l'indépendance de la Corse, que Buttafuoco avait livrée, il s'occupait à écrire contre son compatriote une brochure toute pleine d'enthousiasme patriotique[9]. Mais, dans les corps qui n'étaient pas l'artillerie et le génie, les sentiments de Bonaparte étaient loin d'être ceux des jeunes officiers. Animés contre l'ordre nouveau d'une haine à laquelle ils donnaient volontiers les allures du courage, ils ne se contentaient pas de la répandre en propos insultants ou moqueurs, ils la faisaient passer dans les détails du service, d'autant plus durs à l'égard du soldat, qu'en le frappant, ils le punissaient du crime de se croire leur égal.

Ainsi, les colères s'accumulaient, et quand vint s'y joindre l'indignation causée par la désertion des chefs, par leur connivence avec l'étranger, elles ne connurent plus de bornes.

Mais, pour qu'une idée générale soulève les masses, il faut qu'elle se vienne confondre avec un objet particulier qui la rende palpable en quelque sorte et vivante. Les soldats détestèrent bien mieux encore la contre-révolution, quand elle leur apparut sous les traits hideux du péculat, et l'agitation alors devint formidable.

Il existait dans les états-majors, écrit Loustalot[10], une sorte de rapine indigne de quiconque porte le nom d'officier, une espèce de brigandage connu sous le nom de retenue. Par des mémoires fidèles, qui nous ont été transmis, nous apprenons que cette manière de voler — quel autre nom peut-on lui donner ? — avait enlevé au régiment de Beauce deux cent quarante mille sept cent vingt-sept livres ; c'est à quoi se monte l'état que les soldats en ont fait.

Le feu prit, en Lorraine, à Nancy. Cette ville avait garde de la résidence de ses ducs et du somptueux séjour de Stanislas, des habitudes qui l'éloignaient de la Révolution. Leduc Léopold y avait prodigué les lettres de noblesse, et tout n'y était que privilèges. La municipalité y était si ouvertement contre-révolutionnaire, qu'au mois d'avril 1790, elle avait déclaré séditieux un arrêté de la garde nationale relatif à la Fédération[11]. Mais là, d'un autre côté, là plus que partout ailleurs, peut-être, grondait l'esprit jacobin. La Société-mère de Paris y entretenait d'ardentes succursales ; la puissance des idées jeunes y résidait dans les classes non encore affranchies, et les soldats y faisaient cause commune avec le peuple.

Trois régiments, à cette époque, tenaient garnison à Nancy : un de cavalerie, Mestre-de-Camp ; deux d'infanterie, Châteauvieux et le Régiment-du-Roi.

Or, les cavaliers de Mestre-de-Camp se trouvaient acquis sans réserve à la Révolution. Il en était de même des Suisses de Châteauvieux, Français du pays de Vaud et du lac de Genève, qui, lors de la prise de la Bastille, avaient refusé de tirer sur le peuple, et qui, depuis, étaient chers au parti patriote.

Quant au Régiment-du-Roi, il comptait au nombre des corps favorisés. Ses privilèges étaient immenses et, sous certains rapports, plus honorifiques encore que ceux des gardes-françaises. Il était le seul de tous les régiments qui fût resté à quatre bataillons, depuis le dédoublement qu'avait opéré le comte de Saint-Germain. Outre les officiers par compagnie, qui alors existaient dans chaque corps, le Régiment-du-Roi avait quatre sous-lieutenants par compagnie, ce qui formait une masse de deux cents officiers, dont la moitié n'avait pas vingt ans. Choisis parmi les premières familles de la noblesse, ils avaient tous le privilège de passer soit capitaine dans n'importe quelle arme, soit major en second, soit colonel en second ou même colonel, dès qu'ils atteignaient l'âge requis par les ordonnances[12]. La composition des soldats de ce régiment ne tranchait pas d'une manière moins marquée avec celle du reste de l'armée. On les admettait à fréquenter des cours de mathématiques, de fortification, institués pour les officiers et que ceux-ci étaient assujettis à suivre. Ces avantages et la beauté de l'uniforme attiraient dans le Régiment-du-Roi beaucoup de jeunes gens de la classe bourgeoise, dont quelques-uns très-riches. D'après cela, on aurait pu croire ce corps entièrement dévoué à la cour, et elle l'avait si bien cru elle-même, qu'elle avait eu la pensée de l'appeler à Paris, après la défection des gardes-françaises[13]. Mais pas plus que Mestre-de-Camp, pas plus que Châteauvieux, le Régiment-du-Roi ne devait échapper à la contagion. Au mois de septembre 1789, des inconnus, qu'on supposa être des émissaires du duc d'Orléans, avaient paru à Nancy : Théroigne de Méricourt les suivit de près[14], et n'essaya pas sans succès, dit-on, auprès des soldats, le pouvoir d'un apostolat servi par de doux regards et des paroles brûlantes.

Ce qui est certain, c'est que les soldats du Régiment-du-Roi ne tardèrent pas à donner des preuves d'insubordination. Quelques semaines s'étaient à peine écoulées depuis la prise de la Bastille, que déjà ils demandaient en tumulte la liberté des portes et l'exemption de l'appel de quatre heures[15]. Les officiers refusèrent d'abord, puis cédèrent : faiblesse imprudente, premier ébranlement donné à la discipline, qui meurt si elle cesse un instant d'être écrasante et inexorable ! Au mois d'avril 1790, nouveau soulèvement. Les soldats s'opposent à ce que M. de Lorenzie, lieutenant-colonel, prenne le commandement du régiment, parce que c'était un homme inflexible et rude. Il fallut recourir à des mesures sévères, et, à cette occasion, trente-cinq soldats furent congédiés avec des cartouches jaunes, c'est-à-dire infamantes[16].

Malheureusement, loin de se conduire de manière à conjurer le péril, les jeunes officiers semblaient prendre à tâche de pousser à une conflagration. Ils parlaient avec une légèreté arrogante de la Déclaration des droits, toile d'araignée qu'on saurait bien balayer[17]. Lorsqu'eut lieu la Fédération de Nancy, ils affectèrent d'abord de lui tourner le dos, et ensuite, se ravisant, ils y figurèrent dans un costume dont on remarqua la malpropreté moqueuse[18], L'uniforme de la garde nationale leur était un objet de dédain et un texte de railleries. Il en résulta des provocations, il en naquit des duels où les citoyens eurent souvent l'avantage, ce qui accrut l'irritation. Et les chefs de laisser faire. Nicolas, membre de la Commune, leur ayant été député et les pressant de prévenir une de ces rencontres, ils s'y refusèrent formellement[19].

Une circonstance particulière vint, en envenimant les inimitiés, leur fournir une occasion d'éclater. Dans les derniers jours du mois de mai, un soldat raconta à ses camarades que la veille, étant en sentinelle à la Pépinière, il avait vu, vers minuit, un autre soldat, qui appartenait au Régiment-du-Roi et se nommait Roussière, s'avancer l'épée au côté et un bonnet à poil sur la tête, au-devant de deux bourgeois qui passaient tranquillement, les insulter, les provoquer au combat. Ce Roussière était un spadassin bien connu, et on le soupçonnait d'être aux gages des officiers. Le narrateur ajouta que Roussière était suivi, à dix pas de distance, par trois jeunes officiers, Chaffontaine, Bissy et Charitabella ; qu'ils lui ordonnèrent, à lui factionnaire, d'arrêter les deux bourgeois, et que sur sa réponse qu'il était juste en ce cas d'arrêter aussi le provocateur, l'un d'eux dit au spadassin : Viens-t'en, il n'y a rien à faire[20].

Le bruit de cette aventure ne manqua pas de circuler dans les chambrées. Là-dessus, les soldats s'indignent. On saisit Roussière, on l'interroge, et il avoue qu'il a été poussé par Charitabella, Chaffontaine et Bissy[21]. Les soldats alors demandent à grands cris que le coupable soit passé par les banderoles. Apprenant qu'on l'a seulement condamné à trois mois de prison, ils craignent qu'on ne le fasse échapper, ils le réclament, ils obtiennent qu'on l'amène au quartier. A peine a-t-il paru, qu'un grenadier, nommé Bourguignon, va droit à lui, et le coiffe d'un bonnet de papier, portant, d'un côté, cette dénomination flétrissante : Iscariote, et, de l'autre, ces mots : C'est ainsi que l'honneur punit la bassesse[22]. On l'entoure ensuite, on lui coupe les cheveux comme à un capucin, et on le chasse[23]. Les trois instigateurs disparurent.

Cependant les vexations se multipliaient ; chaque jour venait ajouter l'impression de quelque injustice partielle au trésor de ressentiments depuis longtemps amassé dans les cœurs, et il n'était rien qui n'empruntât de l'état général des esprits une importance sinistre. Le chien d'un soldat ayant mordu à la patte celui du colonel, le pauvre soldat fut mis en prison, après avoir eu la douleur de voir tuer son chien devant lui[24]. Il s'était formé dans le Régiment-du-Roi un comité patriotique : les officiers mirent tout en œuvre pour le décrier, pour le dissoudre ; ils ameutèrent sous main contre lui de basses jalousies, fomentèrent autour de ses délibérations une petite émeute militaire, et finirent par envoyer neuf excellents tireurs d'armes provoquer dans un lieu public les membres du comité. C'est ce que l'on crut, du moins ; car, il faut reconnaître qu'à cet égard il n'existe aucune preuve décisive. Seulement, on entendit ces misérables spadassins parler de l'argent qu'ils allaient dépenser au cabaret, comme d'une propriété collective, et il fut établi que l'un d'eux, lors de la Fédération, s'était battu contre un citoyen, le lendemain même du jour où il avait reçu six livres du major Compiègne[25].

Quels étaient les crimes de ce comité dont les officiers avaient juré la ruine ? Nous avons sous les yeux, dit Sillery, le procès-verbal des séances. On y remarque un respect extrême pour les décrets de l'Assemblée, un amour passionné pour la liberté, et les principes d'honneur qui ont toujours conduit ce brave régiment[26]. Il est vrai qu'il s'était adressé à M. de La Balivière, pour que, conformément au décret qui proscrivait les nominations privilégiées, on suspendît la nomination des cadets-gentilshommes aux places d'officiers ; mais cette réclamation, d'ailleurs toute légale, avait été faite sur le ton le plus respectueux[27]. On prétendit aussi que ce fut le comité qui souffla au Régiment-du-Roi l'impatient désir d'obtenir des comptes, mais n'y avait-il rien de légitime en ce désir ? L'auteur du manuscrit que nous possédons, quelque ardent qu'il se montre à pallier les torts des officiers, ne peut s'empêcher de reconnaître qu'ils exerçaient en effet des retenues illégales, et qu'il y avait des détournements de fonds. Il reproche aux soldats d'avoir exagéré le chiffre de la masse noire, mais il avoue qu'il y avait quelque chose de fondé dans leurs réclamations. Il ne nie pas, du reste, qu'à ces plaintes les officiers n'aient opposé des manœuvres coupables, celle, par exemple, qui consistait à s'attacher par de grossières séductions les sergents, les maîtres d'armes, et à semer entre les chasseurs et les grenadiers la défiance, la jalousie et la haine[28].

La résistance avait son principal foyer parmi les grenadiers, et trois hommes la dirigeaient : Pommier, simple soldat alors, mais plein d'une audace éclairée par l'instruction, et qui, depuis, devint commissaire des guerres ; Arnal, qu'attendait le grade d'officier général, et Bourguignon[29].

Ce dernier était plus particulièrement odieux aux chefs. Un jour, comme il était de garde à la Porte royale, Montluc, qui commandait ce poste, ordonne aux soldats, la retraite battue, de rentrer sous la colonnade qui environnait le corps de garde. Bourguignon refuse. Quoique depuis longtemps négligée, la consigne était formelle : Montluc fait signe qu'on traîne Bourguignon en prison. La compagnie de grenadiers s'y oppose : Denoue, qui avait le gouvernement militaire de la ville, interdit cette compagnie. Toutes les compagnies de grenadiers réclament : Denoue interdit toutes les compagnies. Le régiment prend parti pour les grenadiers : Denoue interdit tout le régiment[30].

C'en était fait, la discipline était perdue. Denoue ayant invité la garde nationale à partager avec Mestre-de-Camp et Châteauvieux l'honneur de garder la ville, le Régiment-du-Roi déclara qu'il était résolu à ne point céder son service. On touchait à quelque affreux malheur : la municipalité, saisie d'effroi, conjura Denoue de révoquer l'interdiction ; il fallut céder, et les portes de la ville furent abandonnées à la garde d'un régiment rebelle[31].

Pendant ce temps, des scènes de même nature éclataient à Metz. Bouillé, qui y commandait, a raconté lui-même dans ses Mémoires comment le régiment allemand Salm-Salm s'y souleva. Ici encore, il s'agissait d'argent, de comptes à rendre. Se voyant repoussés dans leurs réclamations, les soldats avaient formé le projet de s'emparer de la caisse et des drapeaux, qui étaient chez le chef du régiment. Informé de ce dessein, Bouillé rassemble aussitôt les officiers, court se mettre avec eux devant la porte de la maison, attend l'épée à la main. Les grenadiers arrivent, portant les armes en bon ordre, et se rangent devant leurs chefs ; mais leur passer sur le corps, ils ne l'osent. Naturellement intrépide, et incapable de fléchir, Bouillé fait parvenir à un régiment de dragons, dont les casernes étaient contiguës, l'ordre de monter à cheval et de charger le régiment allemand, mais il ne peut rien obtenir. Ce fut alors un étrange spectacle. Pendant deux heures, on vit d'un côté les officiers, de l'autre les soldats s'observer, se mesurer du regard, sans faire un pas en avant, sans prononcer une parole. Mais comme autour d'eux la multitude grondait et que Bouillé fut plusieurs fois couché en joue, la situation se serait probablement dénouée d'une manière sanglante, si la municipalité ne fût intervenue en corps. Le maire ayant harangué les soldats, ils regagnèrent leurs casernes dans le plus grand calme, ce qui n'empêcha pas, écrit Bouillé, que le lendemain ils ne se fissent donner la moitié de la somme qu'ils avaient exigée la veille[32].

A la nouvelle de ces désordres, l'Assemblée rendit en toute hâte un décret qui, proposé par Emmery et sur-le-champ sanctionné par le roi, portait :

Qu'il n'y aurait plus d'associations délibérantes dans les régiments ;

Que le roi serait supplié de nommer des inspecteurs extraordinaires choisis parmi les officiers généraux, pour procéder à. la vérification des comptes depuis six ans, et cela en présence du commandant de chaque corps, du dernier capitaine, du premier lieutenant, du premier sous-lieutenant, du premier et du dernier sergent, du premier et du dernier caporal ou brigadier et de quatre soldats, tirés au sort ;

Qu'il ne serait plus expédié de cartouches jaunes qu'en vertu d'un jugement prononcé selon les formes usitées dans l'armée ;

Que les cartouches jaunes expédiées jusqu'alors sans l'observation de ces formes rigoureuses n'emporteraient aucune flétrissure ;

Qu'il serait sévi d'une manière terrible contre les fauteurs ou participants de toute insurrection nouvelle ;

Qu'enfin, il serait libre à tout officier, sous-officier ou soldat, de faire parvenir ses plaintes, soit aux ministres, soit à l'Assemblée nationale, directement et sans avoir besoin de l'attache d'aucune autorité intermédiaire[33].

Ce fut Lafayette qui, en cette occasion, poussa Emmery en avant et fit rendre le décret du 6 août. Mais il n'entendait point s'arrêter là ; car il commençait à avoir peur de la Révolution, et il soupirait après le moment de voir, suivant ses propres expressions, l'ordre constitutionnel remplacer l'anarchie révolutionnaire[34]. Frapper un coup imposant[35], voilà ce qui le tentait, voilà sur quoi il ne craignit pas de se concerter avec Bouillé, lequel, pour être mieux en état de frapper ce coup imposant, avait reçu le commandement de toute la frontière de l'Est, depuis la Suisse jusqu'à la Sambre.

Rien ne pouvait être plus funeste, dans les circonstances, qu'un pareil choix. Bouillé possédait des qualités éminentes ; il était d'un courage à l'épreuve, audacieux avec calcul, dévoué à son parti, et il avait la résolution du fanatisme sans en avoir l'aveuglement. Lors de la dernière guerre contre les Anglais, il s'était couvert de gloire en s'emparant de plusieurs de leurs colonies, et c'était en récompense de services incontestables, qu'il avait été successivement nommé gouverneur des Iles du Vent, puis lieutenant-général des armées du roi, puis chevalier de ses ordres. Mais on connaissait trop son attachement à la contre-révolution ; son refus de prêter le serment civique avait fait scandale ; on se rappelait qu'au mois d'avril 1790, il avait mis toute la garnison sous les armes pour s'opposer à l'entrée de quatre-vingt-cinq gardes nationaux, appelés à la Fédération de Nancy[36]. N'était-ce pas vers lui, d'ailleurs, que, dans tous ses projets de fuite, la cour avait tourné ses regards ?

Un autre choix presque aussi malheureux fut celui de Malseigne. Cet officier, auquel fut confiée la mission délicate de faire exécuter, à Nancy, le décret du 6 août et qu'on manda pour cela de Besançon, s'était acquis une sorte de célébrité sombre. On le réputait la première lame de l'armée, et sa meurtrière habileté se trouvait au service d'un esprit querelleur, d'un naturel impétueux et violent. S'il s'était agi d'activer l'incendie qu'il s'agissait, au contraire, d'éteindre, nul n'y eût été plus propre[37]. Était-ce donc là ce que la cour voulait ? Et Lafayette, grand approbateur[38] de ce choix insensé, tremblait-il de perdre l'occasion de frapper un coup imposant ?

Le décret du 6 août fut connu à Nancy le 9, mais par les papiers publics seulement ; et comme les soldats voulaient terminer leurs comptes avant l'arrivée officielle du décret, ils redoublèrent de clameurs. Le 10, ceux du Régiment-du-Roi obtinrent qu'on leur délivrât, sur ce qui leur était dû, une somme de 150.000 liv. qui, partagée entre eux, procura à chacun 73 liv. Plus tard, les officiers prétendirent que cette somme leur avait été arrachée par la menace : c'était faux, et cela résulte d'une instruction écrite de la main même d'un officier supérieur du régiment, dans le rapport des commissaires du roi[39]. Ce qui est vrai, c'est que cette distribution produisit, ainsi que l'observa Sillery, deux effets funestes : le premier, de fournir aux soldats le moyen de fraterniser le verre en main avec des excitateurs vulgaires, le second de pousser dans les mêmes voies Mestre-de-Camp et Châteauvieux.

Le 11, en effet, les Suisses députèrent au major deux d'entre eux, pour lui demander, aux termes des décrets de l'Assemblée, connaissance des comptes. On leur répondit en les passant par les courroies. Mais à la manière dont on les épargna en les frappant, il fut aisé de juger que leurs camarades étaient loin de blâmer leur conduite[40]. Aussitôt, grande ébullition. Les deux régiments français courent aux casernes des Suisses, forcent les portes de la prison, mettent en liberté les deux captifs, et, l'épée nue, obligent le colonel à les réhabiliter. On les conduit ensuite triomphalement aux quartiers du Régiment-du-Roi et de Mestre-de-camp, pendant que les officiers suisses sont gardés à vue, et que Salis, le major, est contraint de se cacher[41].

C'était le 12 qu'on devait publier le décret du 6, et Denoue avait donné l'ordre à tous les régiments de rester à leur quartier. Malgré l'ordre, ils prennent les armes, se rendent à la place Royale, s'y rangent en bataille, ayant dans leurs rangs : le Régiment-du-Roi un des soldats suisses, et Mestre-de-Camp l'autre. Denoue accourt. A sa vue, un murmure effrayant s'élève, un soldat s'avance et se met à lire à haute voix une lettre dans laquelle le gouverneur militaire de Nancy s'était servi des mots brigandage des troupes. Denoue sentit qu'il était perdu s'il ne se justifiait. Il déclara que jamais il n'avait eu intention d'appliquer le nom de brigands à des soldats parmi lesquels il servait depuis trente ans ; il affirma qu'il les tenait, au contraire, pour des militaires pleins d'honneur, et, passant dans les rangs, il acheva de les calmer par de douces paroles. Le décret du 6 fut proclamé, mais la discipline était irrévocablement anéantie[42]. Il fallut donner aux deux Suisses cent louis de dédommagement, et ceux de Châteauvieux se firent délivrer, le 13, 27.000 livres que, le soir même, ils dépensèrent dans une fête offerte à leurs camarades, fête que, d'ailleurs, la municipalité autorisa[43].

Le lendemain, 200 soldats allaient enlever la caisse, la transportaient à leur quartier. Ils se justifièrent sur ce que la honte de voir la caisse du régiment gardée par la maréchaussée leur avait paru intolérable. Du reste, ils avaient eu soin de dresser procès-verbal de ce qu'elle contenait, et on la trouva parfaitement intacte. Car, toute la conduite de la garnison de Nancy, à cette époque, présente un mélange extraordinaire d'emportement et de repentir, d'avidité et d'honneur, de respect aux chefs et de rébellion, le même au reste, qui, à plusieurs siècles de distance, caractérisa le soulèvement des légions de Germanie !

Les choses en étaient là, lorsque, à Paris, l'homme de Lafayette, le député Emmery, se présenta à l'Assemblée, la consternation peinte sur le visage, et tenant à la main une lettre dans laquelle Denoue racontait les faits, en les exagérant, et en s'y faisant, pour mieux effrayer les représentants du peuple, l'écho de mille vaines rumeurs. A l'entendre, les soldats étaient à la veille de couronner un commandant de la garnison ; ils devaient le conduire dans un char, et ce char, ils entendaient réduire les officiers à l'humiliante obligation de le traîner eux-mêmes ! Après avoir donné lecture de la lettre de Denoue, ainsi que d'un procès-verbal de la municipalité de Nancy, où à des accusations vraies contre les soldats se mêlaient d'habiles calomnies, Emmery s'écria : Tout presse, tout brûle, et il surprit à l'effroi de l'Assemblée un décret qui ressemblait à une condamnation. Ceux, y était-il dit, qui ayant pris part à la rébellion, de quelque manière que ce soit, n'auront pas, dans les vingt-quatre heures à compter de la publication du présent décret, déclaré à leurs chefs respectifs, même par écrit, si ces chefs l'exigent, qu'ils reconnaissent leurs erreurs et s'en repentent, seront poursuivis et punis comme fauteurs et participes du crime de lèse-nation[44]. C'était juger la cause, sans l'avoir instruite.

Le décret du 16 août venait à peine d'être rendu, qu'on voyait arriver à Paris huit soldats, envoyés en députation à l'Assemblée par la garnison de Nancy, pour exposer les faits et prévenir un jugement précipité. Ces huit députés avaient obtenu, avant de partir, le consentement de leurs chefs, ils étaient munis de congés en bonne forme, et avaient même reçu officiellement 3.000 livres pour les frais de voyage[45]. Et cependant, sur un ordre signé du roi, ils furent traités comme de vils malfaiteurs. Louvain-Pescheloche, capitaine de la garde nationale parisienne, avait reçu mission de les arrêter : il les conduisit à la Force. On juge si cette violence passa inaperçue ! Tous les journaux patriotes sonnèrent l'alarme, les boutiques du faubourg Saint-Antoine furent fermées, et au travers du mugissement populaire monta une voix bien connue depuis, celle du brasseur Santerre[46].

Le 18, les prisonniers firent un mémoire de leurs griefs, et, le 19, ils furent transférés aux Invalides, où les comités se rendirent pour les interroger[47]. Le jeune grenadier qui prit la parole, au nom de ses camarades, s'exprima en homme et en soldat : Ce n'est point parmi les officiers, dit-il, que la Révolution trouvera ses vrais défenseurs. Laissez-nous nous instruire : les lumières banniront du milieu de nous des vices qui ne sont que le résultat d'habitudes grossières et de l'ignorance ; elles nous donneront de l'honneur, et si l'armée est conduite par l'honneur, ce sera son meilleur général, son plus habile capitaine. Nous sommes pauvres, mais vous avez décrété que les .hommes sont égaux en droits, qu'ils sont libres[48].

Pendant ce temps, le décret du 16 août arrivait à Nancy On le transcrivit sur les registres, et on l'envoya dans les chambrées ; mais par une négligence de la municipalité, qui devint plus tard contre elle le sujet de sérieux reproches, il ne fut ni proclamé à la tête des troupes, ni affiché dans la ville[49]. Au surplus, les soldats, dès qu'ils le connurent, en éprouvèrent moins de frayeur que d'irritation, le regardant comme une flétrissure qu'on avait voulu leur infliger, aux yeux de l'armée[50]. Ils n'apprirent pas non plus sans un vif sentiment d'amertume l'arrestation de leurs camarades. Toutefois, tel était le balancement de leurs pensées, que la garde nationale leur ayant offert sa médiation, ils l'acceptèrent avec transport. Bientôt même, l'habitude de la soumission prenant le dessus, ils signèrent un acte de repentir, dans lequel ils suppliaient l'Assemblée, le roi et leurs chefs d'oublier les erreurs qu'ils auraient pu commettre. Ils promettaient d'observer à l'avenir les règles de la discipline, invoquaient l'indulgence de l'Assemblée pour leurs députés, pour eux-mêmes, et demandaient en termes respectueux le redressement de leurs griefs[51].

A Paris, il avait été décidé que deux des huit soldats arrêtés se rendraient à Nancy avec Pescheloche, de manière à prévenir tout faux rapport : Pescheloche, dès son arrivée, trouva parmi les troupes le plus favorable accueil. Pour calmer entièrement les esprits, il n'eut qu'un mot à dire. Le 22, invité à déjeuner par la compagnie des chasseurs du Régiment-du-Roi, il fut aussi surpris que charmé des dispositions pacifiques du soldat. On lui offrit un banquet, au son de la musique, et, ce qui mérite d'être mentionné, les convives portèrent la santé, non-seulement de la nation et du roi, mais des officiers du corps[52]. Le même jour, le Régiment-du-Roi nomma deux hommes par compagnie pour donner à souper au représentant de la garde nationale parisienne, et celui-ci n'eut aucune peine à obtenir d'eux qu'ils rétabliraient dans le magasin 20.000 cartouches à balles, récemment enlevées ; qu'ils restitueraient les registres pris sur le bureau de l'état-major ; qu'ils ne s'attrouperaient plus dans les rues le sabre à la main ; qu'ils rentreraient enfin dans la discipline[53].... Tant il est vrai que, par un convenable emploi de la douceur, d'affreuses calamités pouvaient alors être prévenues[54] !

Sur ces entrefaites, un bruit, précurseur d'événements sinistres, se répandit : Malseigne, le redouté Malseigne était à Nancy. Accoutumé aux bravades, et comme impatient de justifier l'espèce de terreur associée à son nom, il alla droit aux casernes des Suisses, et après leur avoir proposé de rédiger un mémoire de leurs réclamations, il leur reprocha leur conduite avec une dureté qui — les officiers suisses en sont convenus — laissa dans les âmes un redoutable levain d'aigreur[55]. Il en fut instruit ; mais, le péril même l'attirant, il affecta le lendemain de retourner seul au quartier, le front menaçant, le regard sévère. Les soldats n'étaient pas d'accord sur ce qu'ils voulaient. Il s'élevait des rangs un orage de clameurs contradictoires et de murmures confus. Néanmoins., le cri de la masse était : De l'argent et que le général nous juge ! Il s'avança vers eux, la tête haute, mais sa vue leur remettant en. mémoire les discours de la veille, ils éclatèrent en reproches.. Les plus emportés criaient : qu'on l'empêche de sortir ! Et en effet, lorsque, convaincu de la nécessité de se retirer, il se présenta à la grille, quatre grenadiers lui barrèrent le passage. Il existe trois rapports différents de ce qui eut lieu alors. Suivant la déclaration de Malseigne, il ne leva l'épée sur les factionnaires que menacé par la pointe de leurs baïonnettes, et, son épée s'étant rompue en parant leurs coups, il prit celle du prévôt général, qui se trouvait à côté de lui, sans bien savoir, d'ailleurs, s'il lui arriva ou non de blesser quel qu'un. Pescheloche déclara l'avoir rencontré se retirant comme il sied à un officier de le faire en pareil cas, tranquillement et sans marcher trop vite[56].

Ainsi le feu de la sédition venait de se rallumer. Tout n'était point perdu, néanmoins ; car, loin de soutenir, cette fois, Châteauvieux, les deux autres régiments blâmèrent hautement sa conduite[57]. Tout à coup paraît un ordre de Malseigne enjoignant aux Suisses de partir pour Sarrelouis. Eux refusent jusqu'à ce que les comptes de la garnison soient rendus. Ils avaient beaucoup de créanciers dans la classe des cabaretiers : Malseigne, pour empêcher que le payement obligé de cette dette ne servît de prétexte à la désobéissance, fit publier à son de trompe qu'il se chargeait de payer les créanciers des Suisses et qu'ils eussent à venir justifier de leurs titres à l'hôtel de ville[58]. On offrit encore aux Suisses, s'ils consentaient à partir, de déposer chez un banquier, jusqu'à la décision du comité militaire, la somme qu'ils réclamaient comme leur étant due[59]. Mais déjà il était trop tard : la crainte qu'on ne les forçât, eux aussi, à quitter Nancy, avait gagné les soldats du Régiment-du-Roi, les cavaliers de Mestre-de-Camp, et l'agitation commençait à redevenir générale.

Elle s'étendit, elle redoubla, lorsque, sur une réquisition adressée aux gardes nationales du département par Desmottes, aide de camp de Lafayette, et portée sur tous les points de la contrée par des courriers nocturnes, on vit la milice citoyenne de chaque bourg, de chaque village, affluer tumultueusement à Nancy. Aussitôt, le Régiment-du-Roi en prend ombrage ; les habitants, .qu'on laisse dans l'ignorance des desseins que couvre cette subite invasion, s'interrogent l'un l'autre, courent aux nouvelles, s'inquiètent ; chaque parti cherche à attirer à lui les arrivants ; on dit que Malseigne est un faux général ; on assure que Bouillé s'entend avec lui, et que la contre-révolution est là ! Au plus fort de cette fermentation, qui laisse la municipalité impassible, des voitures pleines de soldats suisses se promènent par la ville ; une foule immense les suit, et, à.la vue des stores rouges qu'ils ont arrachés, qu'ils étalent, comme pour tourner en dérision l'étendard sanglant de la loi martiale, des applaudissements mêlés de rires éclatent tout le long de la route[60].

Malseigne disparut. Cette fuite soudaine, si peu d'accord avec son caractère inflexible et son intrépidité, ne pouvait être que le résultat d'une combinaison meurtrière. Et en effet, l'on sut, depuis, que, dans ce moment-là même, le Directoire du département correspondait en secret avec Bouillé[61]. Ce qu'on voulait, ce n'était pas une transaction, c'était une victoire.

L'instinct populaire ne s'y trompa point. Un hasard singulier vint, d'ailleurs, donner aux soupçons la direction qu'ils attendaient : la poste de Paris apporta le n° 337 des Annales, patriotiques et littéraires de France, et on y lut : Les Jacobins ont reçu avis que des espions aux gages du pouvoir exécutif sont envoyés dans les diverses provinces. Qu'on se tienne sur ses gardes ! Cet avis mystérieux, rapproché du départ inexpliqué de Malseigne, concourut à tout embrase[62]. Les soldats prennent les armes ; la voix des officiers est méconnue, et à des actes violents on prélude par des discours pleins d'alarmes. Comment en douter maintenant ? C'était pour dégarnir les villes qu'on avait appelé à Nancy les gardes nationales. Les Autrichiens étaient aux frontières, et Malseigne, ce traître, allait les joindre[63]. On bat la générale ; on arrache Denoue de sa maison, et, dépouillé de ses vêtements, on le jette au fond d'un cachot, avec un sarreau de prisonnier sur les épaules ; plusieurs officiers, Saint-Sauveur, du Bailli, de La Poterie, de Beaumont, de Saint-Agnan, de Rosetti, sont blessés en essayant de défendre leur chef ; un lieutenant à qui son extrême jeunesse a permis de se déguiser en femme, est reconnu sous ce costume, promené par les rues, et, sous la protection de quelques gardes nationaux compatissants, ne trouve qu'à grand'peine un refuge à l'hôtel de ville[64]. Pour comble de malheur, on s'empara de deux lettres écrites par le général de la maréchaussée, l'une à M. de Bouillé, les deux autres aux prévôts de Toul et de Pont-à-Mousson ; et comme on y parlait de conduire Châteauvieux hors du royaume, plusieurs en conclurent que Malseigne avait vendu ce régiment aux Autrichiens et n'était parti que parce que son complot était découvert[65]. La défiance alors devint telle, que Pescheloche lui-même fut arrêté comme complice de Malseigne par les grenadiers du Régiment-du-Roi et précipité dans un cachot, d'où il put entendre la porte du magasin des poudres qu'on enfonçait à coups de hache[66].

Accompagné d'un seul homme, Malseigne s'était enfui à Lunéville, où se trouvait un régiment de carabiniers dont il avait été major-général, et, dès que son départ avait été connu, deux cents cavaliers de Mestre-de-Camp s'étaient mis à sa poursuite : le soir, vers sept heures, on vit quelques hommes de ce détachement traverser Nancy à bride-abattue, la fureur sur le front, et criant : Les carabiniers ont massacré nos camarades. Effectivement, Malseigne, aussitôt arrivé à Lunéville, avait fait monter les carabiniers à cheval et les avait lancés sur la route de Nancy, où, rencontrant les cavaliers de Mestre-de-Camp, ils les chargèrent, en tuèrent ou blessèrent plusieurs, et en firent d'autres prisonniers.

Ce furent alors, à Nancy, des transports de rage. Pescheloche raconte qu'un caporal lui vint dire, dans sa prison, avec des gestes et des menaces horribles : C'est moi qui garde Denoue. Voici la clef du cachot. Il m'a demandé son aumônier pour mettre ordre à ses affaires. Il n'en sortira pas : j'en réponds sur ma tête[67]. Les soldats disaient : On est revenu de Lunéville comme des lâches. Mais c'est que les officiers ne nous commandaient pas, et des soldats sans commandants sont des corps sans âme[68]. Ils étaient profondément humiliés, ne parlaient que d'exterminer les carabiniers et de ramener Malseigne mort ou vif. Dans ces dispositions, trois mille hommes, tant du Régiment-du-Roi et de Châteauvieux que de Mestre-de-Camp, prirent, dans la soirée même, le chemin de Lunéville. Mais ce qui est singulier et donne à cette insurrection une physionomie particulière, ils voulurent, ils exigèrent que les officiers se missent à leur tête. Un capitaine, qui figura plus tard parmi les rédacteurs ultra-royalistes du Journal de la cour et de la ville, Journiac-Saint-Méard, fut nommé aide de camp général[69]. Triste et dangereux honneur ! Portait-il quelque ordre à l'avant-garde ? On refusait de croire à son rapport. Retournait-il au corps de bataille ? On l'accusait de trahison[70].

Sur la hauteur de Flinval, qu'il atteignit vers onze heures du soir, à une lieue et demie de Lunéville, le détachement s'arrêta, attendant la pointe du jour.

Mais, pendant ce temps, un revirement soudain s'était opéré parmi les carabiniers. Ils envoient des députés à leurs camarades de Nancy, ils offrent de rendre Malseigne, à condition qu'il ne lui sera fait aucun mal jusqu'à ce que l'Assemblée ait prononcé. Ce fut l'objet d'un traité, dont on parlait encore longtemps, après à Lunéville, sous le nom de capitulation. Ceux qui accouraient comme ennemis furent donc reçus comme frères. Néanmoins, un tragique incident faillit tout perdre. Apercevant un adjudant des carabiniers qui, la veille, avait tué son frère, un cavalier de Mestre-de-Camp se précipita sur lui, et, au moment même où le malheureux embrassait un soldat du Régiment-du-Roi... d'un coup de pistolet il étendit mort[71].

Le 30, de grand matin, Malseigne, après avoir fait, pour s'évader une tentative qui attira sur lui une décharge de mousqueterie qui atteignit quelques hommes, fut ramené à Nancy, dans une voiture, ayant en face de lui un carabinier dont il se vit réduit, tout le long de la route, à subir les propos insultants. A peine arrivé, il fut entouré d'une multitude qui éclatait contre lui en imprécations. Les femmes, surtout, se montraient fort animées. On ne put le conduire jusqu'à l'hôtel de ville, et le Régiment-du-Roi lui offrit un asile dans son quartier[72].

Bouillé n'avait pas attendu ces derniers désordres pour se mettre en marche. Dès le 28, il était parti de Metz, mais secrètement, parce qu'il craignait d'être retenu par les soldats de la garnison[73]. N'ayant auprès de lui aucune infanterie étrangère et comptant peu sur la garde nationale, il avait expédié des ordres pour qu'on rassemblât à Toul, où il se rendit, quelques bataillons suisses et allemands et quelques régiments de cavalerie[74]. Bientôt, il apprit, probablement à sa grande surprise, que les troupes et les gardes nationales de Metz se plaignaient de, la défiance qui l'avait empêché de les employer. Que le sentiment d'où partait cette plainte fût général dans la ville de Metz, il est permis d'en douter, puisque Bouillé n'osa, d'après son propre récit, appeler à lui, cette nouvelle reçue, que six cents grenadiers et six cents gardes nationaux[75], ceux dont on était sûr sans doute.

Mais ces circonstances particulières, on les ignorait à Nancy ; tout ce qu'on sut, c'est que Bouillé s'avançait, et comme l'inquiétude grossit toujours les objets, le bruit courut qu'il venait, à la tête de trente mille hommes, opérer la contre-révolution. Ce qu'un tel bruit avait de faux, les corps administratifs ne l'ignoraient point ; il leur eût donc été facile de dissiper l'obscurité. Pourquoi n'en firent-ils rien ? Pourquoi se tinrent-ils muets et invisibles ? Pourquoi ne s'empressèrent-ils pas de publier une proclamation qui, rassurât les esprits ? C'est ce qui leur fut, depuis, reproché amèrement[76] et non sans justice ; car de leur silence résulta un surcroît d'agitation. Les soldats de Nancy mirent ardemment la main à des préparatifs de défense ; sincèrement effrayés et croyant agir de concert avec les magistrats, beaucoup de citoyens paisibles en firent de même[77]. On était informé que le régiment de Royal-allemand faisait partie de l'armée de Bouillé : en fallait-il davantage pour rendre vraisemblable la menace d'une contre-révolution ?

Toutefois, ne pouvant se dispenser décemment de quelque démarche préservatrice du salut de la ville, les membres du Conseil de département envoyèrent à Bouillé trois députés avec mission publique de lui ordonner de retirer ses troupes, mais avec mission secrète de lui peindre sous de vives couleurs le despotisme de la garnison de Nancy, sans lui demander autre chose qu'un délai[78]. Bouillé répondit que le moindre retard pouvait jeter, la nation dans des angoisses terribles ; qu'il n'était pas absolument sûr de son armée, qu'elle se débanderait peut-être, s'il différait. La réponse était dure : deux des députés, Saladin et Foissac, pensèrent agir prudemment en ne la rapportant point à Nancy. Le troisième, Collini, se chargea d'une proclamation dans laquelle Bouillé expliquait en termes sévères, mais fort clairs, que, s'il marchait sur Nancy, c'était uniquement pour obtenir l'exécution du décret du 16 août et l'obéissance aux ordres de l'Assemblée. Or, si cette proclamation eût été affichée à Nancy, il est évident, quelles que fussent, d'ailleurs, les arrière-pensées de Bouillé, qu'elle y aurait donné aux alarmes une direction tout autre, et bien moins fatale. Pourquoi ne fut-elle proclamée que le 1er septembre, quand déjà il était trop tard, quand déjà la ville était inondée de sang[79] ?

Le 31 août, date à jamais funèbre, les soldats, à Nancy, exigent qu'on batte la générale pour appeler tous les citoyens aux armes. Ils s'adressent à la municipalité, qui les renvoie au Conseil de département. Nous avons mis des canons aux portes, disaient les soldats ; nous ne pouvons tout faire : porter le poids du service journalier, garder les postes, être aux pièces. Les corps administratifs résistèrent d'abord, puis cédèrent[80], et ce fut au nom de la municipalité intimidée, que le tambour de la ville somma les citoyens de manœuvrer le canon. Ce fut aussi le corps municipal qui, lui-même, enjoignit à la garde nationale de courir se placer aux portes : était-il possible, s'écrie à ce sujet Sillery, que les habitants ne fussent point trompés par des ordres semblables[81] ? Aussi, une contre-révolution paraissant imminente, ils prirent tous un fusil, tous, jusqu'à des officiers de bailliage, jusqu'à des vieillards.

Bouillé avançait, avançait toujours. Le 31, entre six et huit heures du matin, il se trouvait à Frouard, village à deux lieues de Nancy. Il était accompagné de Louis de Bouillé, son fils, et de Gouvernet, fils du ministre de la guerre[82]. Il n'avait avec lui que trois mille hommes d'infanterie, quatorze cents chevaux, et, selon son propre aveu, il ne croyait pas aller combattre contre moins de dix mille hommes[83]. Je ne pouvais me flatter du succès, a-t-il écrit depuis, et il ajoute : Je me livrai aveuglément à ma fortune[84]. Quel mystère cachait donc cette conduite si peu explicable de la part d'un militaire consommé ? Il cédait, dit-il, à la fureur de ses propres troupes, disposées alors à soupçonner leurs chefs de trahison et lui particulièrement[85]. Mais cette fureur de ses troupes contre Nancy, comment la concevoir, si elle ne leur avait pas été soufflée par lui-même ? Quel intérêt si pressant avaient donc les soldats d'une ville à aller massacrer ceux d'une autre, alors que leurs griefs étaient identiques, alors que leur cause était commune ? Quoi ! Bouillé croyait avoir devant lui dix mille hommes armés, retranchés dans une ville considérable, soutenus par un peuple soulevé ; et contre de telles forces il menait quatre mille hommes, dont il se sentait incapable de maîtriser les passions et qui le soupçonnaient d'être un traître ! Des écrivains graves assurent que, ne voyant de salut pour la monarchie que dans une guerre civile, Bouillé la voulait, la voulait à tout prix. Ils racontent qu'il mit en tête de sa petite armée les gardes nationaux qui s'y étaient joints, espérant que des citadins peu accoutumés au feu ne soutiendraient pas le combat. De là, dans tout le royaume, parmi la garde nationale, un sentiment d'humiliation qui sans doute n'aurait pas tardé à se changer en colère ; de là l'indispensable nécessité de recourir à des moyens violents sur une grande échelle ; de là un désordre général, la confusion, la guerre civile, et, au nombre des chances offertes par le chaos, le salut de l'ancienne monarchie[86].

Quoi qu'il en soit, une députation de soldats, à laquelle s'étaient réunis, ceints de leurs écharpes, les officiers municipaux Guerry, Desbourbes et Nicolas, arrivait, vers midi, au camp de Bouillé. Bouillé leur donna audience dans une vaste cour que remplissaient des grenadiers et des gardes nationaux de Metz[87]. Dumontet ouvrait la bouche, lorsque, l'interrompant, Bouillé fit entendre ces paroles sauvages : Je me propose de passer au fil de l'épée... Ce commencement dispensait du reste. Se tournant vers les siens : Sont-ce là vos intentions ? Un cri d'assentiment lui répondit. Vous avez toujours été le père du soldat, dit timidement Dumontet. — Oui, du soldat soumis, mais j'abandonne le soldat rebelle, et, si je me souviens de lui, c'est pour le punir selon la rigueur des lois[88]. Alors, comme les députés militaires élevaient la voix, ceux de Metz s'écrièrent avec emportement : Ce sont des coquins, ce sont des traîtres, il faut les pendre ![89]Il faut les pendre ! répétèrent les soldats suisses du régiment Vigier, en parlant de leurs compatriotes de Châteauvieux, nous rougissons aujourd'hui de notre uniforme, trop semblable à celui de ces brigands. Et ils en retournaient les revers[90]. Peur ne pas regagner Nancy, les officiers municipaux prétextèrent la fatigue[91]. Ils se contentèrent d'y envoyer la lettre que voici :

Nous n'avons que le temps de vous mander les intentions de M. de Bouillé. Il exige : que la garnison de Nancy sorte de la ville, ayant à sa tête MM. Malseigne et Denoue, et que quatre hommes par régiment, reconnus chefs de la discorde, soient à l'instant envoyés à l'Assemblée, pour y être jugés suivant la rigueur des lois. Si les régiments persistent, dans les vingt-quatre heures après l'arrivée des députés, il entrera dans Nancy à force ouverte et se propose de passer au fil de l'épée quiconque sera trouvé les armes à la main[92].

 

Demander à chaque régiment de choisir quatre hommes à livrer au bourreau, c'était évidemment demander l'impossible.

Ce fut à trois heures et demie qu'on connut à Nancy cette lettre pleine de sang. Nouvelle députation de soldats. Bouillé appelle Gouvernet, et lui dicte la réponse suivante, qu'il signe : Dans une heure, MM. Malseigne et Denoue seront hors la ville, ainsi que les trois régiments, reposés sur les armes. Sinon, j'entre à coups de canon[93]. En même temps, il envoyait reconnaître les abords de Nancy, et disposait des piquets de hussards de Lauzun sur les routes qui y conduisent[94].

Contre toute attente, le calme parut à la veille de renaître. Déjà les soldats du Régiment-du-Roi se sont retirés à leurs quartiers, conformément aux ordres de Bouillé ; déjà ils ont envoyé aux autres régiments l'invitation, aussitôt suivie, de les imiter, et tous ils crient la loi ! la loi ! Denoue est délivré, et voilà qu'à quatre heures les trois régiments sortent de la ville pour aller se ranger en bataille dans la prairie, près du pont de Maxeville, dans le faubourg des Trois-Maisons. Un peu de défiance existait encore, mais l'espoir commençait à rayonner sur tous les visages, et la joie dominait[95].

A Paris aussi, l'esprit de conciliation semblait définitivement l'emporter. Car ce même jour 31 août, presque à la même heure, l'Assemblée avait voté, sur la proposition de Barnave, l'envoi aux troupes d'une proclamation toute paternelle, destinée à calmer les soldats par la solennelle promesse d'une décision impartiale. En vain Emmery demanda que l'Assemblée approuvât ce que Bouillé avait fait et refait ; en vain les contre-révolutionnaires s'étaient promis de pousser aux mesures de rigueur ; en vain Lafayette monta à la tribune pour y faire l'éloge de son cousin Bouillé.... les efforts pacificateurs de Cottin, de Robespierre, de Biauzat, de l'abbé Gouttes, finirent par triompher. Des députés de la garde nationale de Nancy étaient là : Robespierre pressa ses collègues de les entendre, et comment s'y refuser ? Les députés parlèrent ; ils montrèrent qu'on avait exagéré les torts des soldats, voilé ceux des officiers, ils dirent : Autant l'insurrection est dangereuse, autant elle est facile à apaiser, en employant les moyens de douceur et de conciliation[96]. Sur quoi, les contre-révolutionnaires eux-mêmes sentirent qu'en insistant pour la guerre civile, ils se couvriraient d'opprobre. Barnave fut adjoint au comité chargé de rédiger la proclamation libératrice, et l'on décida que la force militaire serait mise à la disposition de deux commissaires choisis par l'Assemblée[97].

Hélas ! il était déjà trop tard. L'inexorable Bouillé avançait toujours, et tandis que l'Assemblée votait le salut de Nancy, lui touchait aux portes de cette malheureuse ville.

On a vu que les soldats s'étaient soumis, on les a suivis sortant de Nancy.... Il ne restait plus, aux deux portes de Stanislas et de Stainville, que des Suisses de Châteauvieux, mêlés à quelques gardes nationaux. Pour éviter l'effusion du sang, que fallait-il ? Que Bouillé consentît à suspendre son entrée. Denoue, qui l'avait rejoint, l'en supplia, il alla jusqu'à se jeter à ses genoux, lui disant qu'il répondait de la ville[98]. Mais non : Bouillé entendait entrer tout de suite, en triomphateur. Il est au moins permis de le croire, d'après sa conduite ; car non-seulement il refusa de s'arrêter, mais, au lieu de marcher lui-même à la tête des siens, il s'éloigna de la tête de la colonne pour aller s'entretenir à l'écart avec les officiers municipaux et Malseigne accourus à sa rencontre[99], abandonnant ainsi aux chances d'une collision, trop facile à prévoir, les Suisses de Vigier et ceux de Château vieux qu'ils avaient si cruellement outragés. Déjà, du reste, sûr de sa victoire, il avait envoyé préparer les logements et ordonné à la première colonne, qui devait d'abord forcer la porte Stanislas, d'entrer directement par celle de Stainville. Comme Rodais, son aide de camp, portait cet ordre : Qui-vive ? cria, de derrière la porte, un garde national. — Ami, répond l'aide de camp. — Si vous êtes amis, retirez-vous. — Nous venons apporter ici le bon ordre. En avant ! marche[100]. A ces mots, se jugeant perdus s'ils cèdent, quelques-uns des défenseurs de la porte Stainville sont saisis de cette fureur aveugle que le désespoir inspire : l'ordre de tirer le canon est donné ! Alors, se précipitant sur les pièces et les couvrant de son corps : Non, s'écrie un jeune officier du Régiment-du-Roi, nommé Désille, vous ne tirerez pas ! On le saisit, on l'arrache de dessus les pièces ; mais, avec une obstination héroïque, il se place de nouveau devant la gueule des canons, tombe percé de quatre coups de feu, et pendant qu'un ami l'emporte sanglant dans ses bras, le coup part. On ignore qui mit le feu, si ce fut un cavalier de Mestre-de-Camp, lequel aurait tiré son mousqueton sur la lumière, ou un soldat suisse, qui fut ensuite trouvé parmi les morts, tenant encore dans ses mains une mèche allumée[101]. Aussitôt d'affreuses clameurs retentissent, mêlées au bruit de la fusillade ; le fantôme de la trahison se dresse devant tous les yeux, les troupes qui sortaient de la ville y rentrent au pas de charge, à la fois incertaines et exaspérées. Deux officiers, Danglant et Bassignac, ont de la peine à contenir Mestre-de-Camp[102], mais cependant ils y parviennent. Indécis, furieux, partagés entre mille sentiments divers, ceux du Régiment-du-Roi regagnent leurs quartiers, le cœur plein de trouble, et la plus grande partie de Châteauvieux monte à la citadelle. Que pouvaient les défenseurs de la porte Stainville ? Elle est emportée, tandis que Bouillé, qui avait sur-le-champ repris ses anciennes dispositions, faisait voler en éclats à coups de canon la porte Stanislas[103]. Alors commença un épouvantable massacre. Une pauvre femme, nommée Humbert, courant le risque d'être égorgée, jeta sur la lumière d'un canon où on allait mettre le feu un vase d'eau et empêcha ainsi le coup de partir. Mais l'humanité avait perdu sa sainte contagion, car l'heure de la rage venait de sonner. Bien décidés à ne point périr sans vengeance, les combattants de la porte Stainville se dispersent, mais pour continuer la lutte. Les uns grimpent au haut des maisons et se placent aux fenêtres ; d'autres, réfugiés dans des caves, font feu par les soupiraux ; quelques-uns, se jugeant victimes des trahisons de la municipalité, courent à la salle de l'hôtel de ville.... et ne s'arrêtent qu'à la vue d'un citoyen qui tombe à genoux devant eux en leur tendant les bras[104]. Mais les soldats de Bouillé ne s'arrêtaient point, eux. Le pavé des rues ruissela de sang ; les maisons furent fouillées et marquées pour jamais par l'homicide ; on égorgea des enfants, on égorgea des femmes enceintes[105]. A sept heures du soir l'ordre régnait, il régnait appuyé sur trois mille cadavres[106], et les commissaires envoyés par l'Assemblée purent écrire : Nous sommes arrivés, non dans une ville, mais dans un cimetière[107].

Vint le tour de la vengeance froide, calculée, implacable. Les justices réunies des régiments de Vigier et de Castalla condamnèrent trente-deux soldats de Châteauvieux à mort, et quarante et un aux galères pour trente ans[108]. Dans le compte qu'ils rendirent, ils disaient : Concevant l'indispensable nécessité d'une justice prompte et vigoureuse, nous nous sommes abstenus des formes ordinaires[109].

Plusieurs des victimes illustrèrent leur fin par leur courage. Un soldat de Châteauvieux, nommé Sauvet, s'écria sur la roue : Bouillé est un scélérat. Plus tard on connaîtra sa trahison et notre innocence. Je meurs : Vive la nation ![110] Bouthillier, lieutenant au Régiment-du-Roi, avait reçu, en défendant Nancy, une blessure mortelle. Comme on le portait à l'hôpital, Non, dit-il ; si je dois mourir, qu'on me porte sous les drapeaux du régiment[111].

Les victoires civiles n'aboutissent que trop naturellement, hélas ! à des réactions. A Nancy, ce qui suivit la lutte en prolongea longtemps l'horreur. Un des chirurgiens-majors de Châteauvieux fut condamné aux galères pour avoir pansé les blessés et avoir dit : Je ne vois pas un rebelle dans un camarade expirant[112]. Tous les amis de la révolution furent poursuivis comme ayant du sang sur les mains ; les citoyens les plus recommandables furent décrétés. Un propos insignifiant, un sourire, un geste.... c'était un crime. La municipalité triomphait avec insolence : elle désarma la garde nationale ; elle fit arbitrairement fermer le club patriotique ; elle laissa la nouvelle garnison prendre le ton d'une armée victorieuse ; elle permit que des femmes fussent publiquement insultées ; elle osa s'unir aux magistrats, chose horrible ! pour demander à l'Assemblée le pouvoir de juger inquisitorialement, sans appel[113]. Les boutiques fermées, les prisons pleines, les émigrations, l'échafaud, témoignèrent du retour de l'ordre. Car c'est ainsi qu'on désigne l'heure où ceux qui pleurent s'efforcent de pleurer en silence, redoutant le bruit que font les sanglots....

A la première nouvelle du massacre, Louis XVI écrivit à l'Assemblée une lettre dans laquelle il se félicitait de voir la paix rétablie dans la ville de Nancy, grâce à la fermeté et à la bonne conduite de M. de Bouillé, auquel, de son côté, l'Assemblée s'empressa, malgré Robespierre, de voter des remercîments. Quant à Lafayette, le jour même du carnage, il avait mandé au roi, dans une correspondance secrète, livrée, depuis, par l'armoire de fer : Si M. de Bouillé est assez heureux pour que son armée le suive aujourd'hui, il aura mis ordre à tout, avant que les commissaires puissent lui porter secours[114].

La municipalité de Paris, en l'honneur de ceux qui avaient péri, disait-elle, pour la défense de l'ordre, fit célébrer une fête funéraire et tendre de drap noir l'immense enceinte du Champ de Mars. Le peuple s'y rendit en grand deuil, et y pleura.... les vaincus.

La veille, Loustalot était mort d'un désespoir d'amour, oui d'amour, car quel autre nom donner à cette passion à la fois si profonde et si tendre, à cette passion inapaisable dont il brûla pour la liberté ? Ce qui frappe d'abord dans le journal de Loustalot, quand on ne fait que le parcourir, c'est le langage sobre, sévère, et même un peu froid, d'une raison qui toujours s'observe. Là, pas d'enthousiasme factice, pas de violences calculées, nulle déclamation, surtout nulle condescendance lâche ou frivole. Ennemi des rois, mais censeur vigilant du peuple, et aussi prompt à condamner les emportements du Forum qu'à flétrir les intrigues de cour, Loustalot se montre constamment inaccessible aux corruptions de la popularité ; il la fuit sans ostentation, il la dédaigne sans bravade ; il lui importe peu que les faubourgs s'irritent, quand il les accuse de légèreté, quand il s'efforce de les prémunir contre le danger de leurs entraînements, ou quand il gourmande l'imprévoyance de leurs joies. Il a une bonne raison pour ne jamais flatter le peuple : il l'aime. Un esprit ferme et calme, un esprit sincère, voilà par où, au premier coup d'œil, les écrits de Loustalot vous attirent et vous attachent. Mais pénétrez un peu plus avant ; écoutez bien ces cris qui, de temps en temps, s'échappent des lèvres de l'héroïque jeune homme : ici nous touchons à son âme, et il se trouve que cette âme est remplie d'une ineffable tendresse. Quel véritable amant poursuivit jamais sans tristesse et sans inquiétude l'accomplissement de son rêve d'or ? Loustalot ne fut pas heureux ! Voyant la liberté, tantôt aux prises avec de puissants ennemis, tantôt exposée à tomber entre les bras de poursuivants indignes, il n'avait cessé de craindre pour elle, et cette crainte, dans son noble cœur, finit par dégénérer en mélancolie. Rien de plus touchant que ce qu'il écrivait, au sujet de la victoire de Nancy : Comment raconter avec une poitrine oppressée ?..... Ils sont là, ces cadavres..... attendez, la presse qui dévoile tous les crimes et qui détruit toutes les erreurs, va vous enlever vos espérances... Il serait doux d'être votre dernière victime ! Ces mots n'indiquaient que trop bien une de ces blessures intérieures dont on meurt vite. En apprenant les horreurs commises à Nancy, Loustalot laissa tomber sa plume découragée, et se coucha pour ne plus se relever.

Loustalot n'avait que vingt-huit ans. Devant cette tombe si prématurément ouverte, au moment où elle allait se fermer pour toujours, Legendre rencontra les accents d'une éloquence pathétique, et Marat ne cacha point qu'il pleurait.

Les Suisses de Nancy qu'on avait condamnés aux galères ne subirent pas leur peine jusqu'au bout, tant les destins et les flots sont changeants ! Plus tard, délivrés et rappelés par l'Assemblée législative, ils furent reçus dans Paris au milieu d'extraordinaires transports. A l'issue d'un grand banquet que les Jacobins leur donnèrent, il fut décidé qu'une partie des chaînes qu'ils avaient portées serait suspendue à la voûte de la salle, l'autre partie devant servir à fabriquer des armes contre les ennemis de la France. Les Jacobins firent-plus : ils imaginèrent de se décorer du bonnet rouge dont on avait cherché à flétrir le front de ces galériens, et, bientôt, ce bonnet devint, par toute la France, la coiffure révolutionnaire[115].

 

 

 



[1] Moniteur, séance du 9 février 1790.

[2] Discours prononcé par Charles Lameth, dans la séance du 9 février 1790.

[3] Moniteur, séance du 28 février 1790.

[4] Moniteur, séance du 28 février 1790.

[5] Moniteur, séance du 13 juillet 1790.

[6] Moniteur, séance du 31 juillet 1790.

[7] Dampmartin, Événements qui se sont passés sous mes yeux pendant la Révolution.

[8] Carlyle, The French Revolution, vol. II. book II, ch. II, p. 93. Second édition.

[9] Voyez cette lettre dans la Revue du Progrès, t. V, 6e livraison.

[10] Révolutions de Paris, n° 57.

[11] Rapports des comités réunis militaires, des rapports et des recherches sur l'affaire de Nancy, par Sillery, imprimé par ordre de l'Assemblée nationale, dans la Bibliothèque historique de la Révolution. — NANCY, 326, 7, 8, British Museum.

[12] Relation manuscrite de l'affaire de Nancy.

[13] Relation manuscrite de Nancy.

[14] Relation manuscrite de Nancy.

[15] Rapport de Sillery, p. 9.

[16] Rapport de Sillery, p. 11.

[17] Young epauletted mendo sniff openlyat our Rights of Man, as at some new-fangled cobweb, which shall be brushed down again. Carlyle, The French Revolution, vol. II, book II, chap. III, p. 91. — Second edition.

[18] Then did appear but in mere redingote and undress, with scarcely a clean shirt on. Carlyle, The French Revolution, vol. II, book II, chap. III, p. 102.

[19] Rapport de Sillery, p. 3.

[20] Rapport de Sillery, p. 12.

[21] Sur cette affaire, racontée de plusieurs façons différentes, Sillery, dans son rapport à l'Assemblée, cite comme le seul véridique le témoignage des commissaires du roi, sur lequel il s'appuie. Rapport, etc., p. 12.

[22] Histoire abrégée de la Révolution française, par l'auteur de l'Histoire du règne de Louis XVI, t. I, liv. II, p. 51. Paris, M. DCCC. III.

[23] Rapport de Sillery, p. 12.

[24] Histoire abrégée de la Révolution, par l'auteur de l'Histoire du règne de Louis XVI, t. I, liv. II, p. 51.

[25] Rapport de Sillery, p. 15.

[26] Rapport de Sillery, p. 13.

[27] Rapport de Sillery, p. 4.

[28] Manuscrit sur l'affaire de Nancy.

[29] Manuscrit sur l'affaire de Nancy.

[30] Rapport de Sillery, p. 16.

[31] Rapport de Sillery, p. 17.

[32] Mémoires du marquis de Bouillé, chap. VIII, p. 133, 134 et 135. Collection Berville et Barrière.

[33] Moniteur, séance du 6 août 1790.

[34] Voyez sa lettre à Bouillé, dans les Mémoires de celui-ci, chap. VII, p. 136.

[35] Voyez sa lettre à Bouillé, dans les Mémoires de celui-ci, chap. VII, p. 136.

[36] Histoire abrégée de la Révolution française, par l'auteur de l'Histoire du règne de Louis XVI, t. I, liv. II, p. 59.

[37] Le sens commun du bonhomme Richard sur l'affaire de Nancy. Philadelphie, an II.

[38] Voyez sa lettre à Bouillé, dans laquelle il parle du choix de Malseigne, comme fort agréable à l'Assemblée. Mémoires du marquis de Bouillé, chap. VIII, p. 136.

[39] Voyez le rapport de MM. Duveyrier et Cahier, commissaires nommés par le roi, dans la Bibliothèque historique de la Révolution. — NANCY, 326-328

[40] Détail des événements survenus à Nancy, par le baron de Salis-Samade.

[41] Rapport de Sillery, p. 20. — Procès-verbal de la municipalité de Nancy.

[42] Rapport de Sillery, p. 21. — Procès-verbal de la municipalité de Nancy.

[43] Rapport de Sillery, p. 21. — Procès-verbal de la municipalité de Nancy.

[44] Moniteur, séance du 16 août 1790.

[45] Rapport de Sillery, p. 22.

[46] Carlyle, The French Revolution, vol. III, book II, chap. IV, p. 105 Second édition.

[47] Lettre de Louvain-Pescheloche, en réponse à celle de M. Sillery, rapporteur de l'affaire de Nancy, p. 3, dans la Bibliothèque historique de la Révolution. — NANCY, p. 326, 7, 8. British Museum.

[48] Journal des révolutions de l'Europe, t. XIII, p. 18.

[49] Rapport de Sillery, p. 22.

[50] Lettre de Louvain-Pescheloche, p. 20.

[51] Rapport de Sillery, p. 23.

[52] Lettre de Pescheloche, p. 7.

[53] Lettre de Pescheloche, p. 9.

[54] Histoire abrégée de la Révolution française, par l'auteur de l'Histoire du règne de Louis XVI, t. I, livre II, p. 53.

[55] Rapport de Sillery, p. 25. — Lettre de Pescheloche, p. 14. — Détail des événements, etc., par Salis-Samade, p. 14.

[56] Rapport de Sillery, p. 25 et 26.

[57] Procès-verbal de la municipalité de Nancy, dans la Bibliothèque historique de la Révolution. — NANCY, 326, 7, 8.

[58] Lettre de Pescheloche, p. 21.

[59] Lettre de Pescheloche, p. 10.

[60] Rapport de Sillery, p. 29.

[61] Relation exacte et impartiale de ce qui s'est passé à Nancy, par Léonard, p. 73.

[62] Rapport de Sillery, p. 31.

[63] Lettre de Pescheloche, p. 49.

[64] Rapport de Sillery, p. 33.

[65] Rapport de Sillery, p. 34.

[66] Lettre de Pescheloche, p. 49.

[67] Lettre de Pescheloche, p. 49.

[68] Lettre de Pescheloche, p. 56.

[69] Ce qui m'est arrivé avant, pendant et après le transport armé de la garnison de Nancy à Lunéville, par Journiac-Saint-Méard, dans la Bibliothèque historique de la Révolution. NANCY, 326, 7, 8.

[70] Bibliothèque historique de la Révolution. NANCY, 326, 7, 8.

[71] Bibliothèque historique de la Révolution. NANCY, 326, p. 10.

[72] Rapport de Sillery, p. 41 et 42.

[73] Mémoires du marquis de Bouillé, chap. IX, p. 147.

[74] Mémoires du marquis de Bouillé, chap. IX, p. 147.

[75] Mémoires du marquis de Bouillé, chap. IX, p. 147.

[76] Par Sillery, notamment, dans son rapport, p. 42.

[77] Rapport de Sillery, p. 43.

[78] Il est remarquable que, dans ses Mémoires, Bouillé ne dit rien de ce fait, assez important néanmoins pour être mentionné. Voyez le chap. IX de ces Mémoires.

[79] Il est dit, dans le procès-verbal de la municipalité de Nancy que, le 31 août, à sept heures du matin, la Commune décida l'impression de la lettre de Bouillé. Mais ce dont Sillery se plaint, c'est que cette décision ait eu un effet si tardif.

[80] Extrait du registre des délibérations de la ville de Nancy, p. 42 et 43.

[81] Rapport de Sillery, p. 50.

[82] Nouveaux détails authentiques sur la marche de l'armée de M. Bouillé, dans la Bibliothèque historique de la Révolution. NANCY, 326, 7, 8. British Museum.

[83] Mémoires de Bouillé, chap. IX, p. 149.

[84] Mémoires de Bouillé, chap. IX, p. 153.

[85] Mémoires de Bouillé, chap. IX, p. 153.

[86] Histoire abrégée de la Révolution française, par l'auteur de l'Histoire du règne de Louis XVI, t. I, liv. II, p. 60.

[87] Mémoires de Bouillé, chap. IX, p. 150.

[88] Extrait du registre des délibérations de la municipalité de Nancy, p. 48.

[89] Mémoires de Bouillé, chap. IX, p. 151.

[90] Extrait du registre des délibérations de la municipalité de Nancy, p. 48 et49.

[91] Extrait du registre des délibérations de la municipalité de Nancy, p. 49.

[92] Rapport de Sillery, p. 50 et 51.

[93] Rapport de Sillery, p. 50 et 51. Bouillé n'a eu garde d'être aussi précis dans ses Mémoires. Voyez le chap. IX de ces Mémoires, p. 153.

[94] Nouveaux détails authentiques arrivés à Metz, sur la marche de l'armée de Bouillé, p. 2.

[95] Rapport de Sillery, p. 53.

[96] Moniteur, séance du 31 août.

[97] Moniteur, séance du 31 août.

[98] Histoire abrégée de la Révolution française, par l'auteur de l'Histoire du règne de Louis XVI, p. 68.

[99] C'est ce qui résulte du procès-verbal de la municipalité de Nancy et du récit de Bouillé lui-même.

[100] Nouveaux détails authentiques, arrivés de Metz, sur la marche de l'armée de M. Bouillé, p. 7.

[101] Rapport de Sillery, p. 57.

[102] Rapport de Sillery, p. 58.

[103] Rapport de Sillery, p. 59.

[104] Extrait du registre des délibérations de Nancy, p. 59.

[105] Histoire abrégée de la Révolution française, par l'auteur de l'Histoire du règne de Louis XVI, p. 71.

[106] Histoire abrégée de la Révolution française, par l'auteur de l'Histoire du règne de Louis XVI, p. 71.

[107] Ces commissaires étaient Duveyrier et Cahier de Gerville, qui arrivèrent le 5 septembre.

[108] Rapport de Sillery, p. 62.

[109] Histoire abrégée de la Révolution française, par l'auteur de l'Histoire du règne de Louis XVI, t. I, liv. II, p. 71.

[110] Histoire abrégée de la Révolution française, par l'auteur de l'Histoire du règne de Louis XVI, t. I, liv. II, p. 83.

[111] Histoire abrégée de la Révolution française, par l'auteur de l'Histoire du règne de Louis XVI, t. I, liv. II, p. 77.

[112] Histoire abrégée de la Révolution française, par l'auteur de l'Histoire du règne de Louis XVI, t. I, liv. II, p. 83.

[113] Rapport de Sillery, p. 65 et 64.

[114] Mémoires de tous, t. IV, p. 127.

[115] Histoire abrégée de la Révolution française, par l'auteur de l'Histoire du règne de Louis XVI, t. I, liv. II, p. 85, 87 et 93.