HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME QUATRIÈME

LIVRE QUATRIÈME

 

CHAPITRE XV. — VISION SUBLIME DE L'AVENIR.

 

 

Admirable et universelle aspiration vers l'unité de la patrie et le règne de la fraternité. — Fédération de l'Étoile, de Montélimar, de Valence. — Le serment des Bretons. — Touchante fête de Strasbourg. — Les Lyonnais autour du temple de la Concorde ; madame Roland. — Les Corses et les Grenoblois. — Identité des sentiments dans la diversité des emblèmes. — Participation des femmes au mouvement des Fédérations ; royauté naturelle du vieillard partout reconnue ; réconciliation des cultes ennemis autour du berceau des enfants. — Ce magnifique tableau eut pour cadre la nature ; le Covenant d'Écosse signé dans une taverne : combien le génie de la France diffère de celui de l'Angleterre. — Paris entraîné dans le tourbillon des Fédérations. — Lettre de Manuel. — Lafayette, Sieyès, Talleyrand, Mirabeau, Paoli, fêtant au Palais-Royal l'anniversaire du 17 juin ; Bailly couronné par les dames de la Halle, au club de 89 ; chanson de Piis. — Génie essentiellement cosmopolite de la France. — Portrait d'Anacharsis Clootz. — Sa lettre à Burke. — Clootz devant l'Assemblée nationale. — Alarmes. — Le duc d'Orléans arrive de Londres ; sa visite au roi ; accueil que lui gardait la cour. — Au milieu de l'entraînement général, attitude sombre de Marat. — Tout Paris au champ de Mars ; la théorie moderne du travail attrayant réalisée sur une échelle immense. — Les fédérés à Paris. — Les fédérés au château. — Journée du 14 juillet 1790 ; sa signification historique.

 

La bibliothèque du British Museum m'a fourni, pour ce chapitre, les matériaux les plus précieux, dans deux énormes volumes, contenant les procès-verbaux des Fédérations, et qui, sous les nos 296, 297, 298 et 299, font partie de l'immense et inestimable collection de documents relatifs à la Révolution française que la bibliothèque de Londres possède. Je ne saurais trop dire combien je suis redevable à cette collection, et au catalogue qu'a bien voulu en faire dresser pour moi le savant directeur, M. Panizzi, dont l'obligeance égale le mérite.

 

Pour donner une idée juste du mouvement dont la fête nationale qui va être racontée fut l'expression la plus éclatante, il faut le prendre à son origine en remontant le cours de l'année 1790.

Il fut admirable, ce mouvement, et il restera sans égal dans l'histoire.

Dès le mois de novembre 1789, lorsque existaient encore toutes ces anciennes divisions de territoire, toutes ces distinctions de provinces presque indépendantes, toutes ces diversités de lois et de mœurs, tout ce chaos enfin derrière lequel disparaissait la patrie, un pacte avait été conclu entre quatorze villes bailliagères de la province de Franche-Comté : Arbois, Beaume, Besançon, Dôle, Gray, Lons-le-Saulnier, Orgelet, Ornans, Poligny, Pontarlier, Quingey, Saint-Claude, Salins et Vesoul. Ce pacte avait pour objet d'assurer la libre circulation des grains, de mettre obstacle à la cupidité des exportateurs, de combattre l'accaparement, de conjurer la famine. Cités, bourgs, villages et hameaux furent provoqués à se joindre à la confédération ; Dijon y adhéra d'une manière solennelle. Tel fut le point de départ[1].

Mais que, d'un bout à l'autre de la France, de cette France qui se cherchait encore, il n'y eût qu'un désir, qu'un vœu, celui d'une étroite et intime alliance, c'est ce qui ne se serait jamais vu sur une terre d'artistes et de guerriers, si la voix de l'intérêt eût parlé seule : pour accomplir un pareil prodige, il fallait un sentiment généreux et un mot par lequel ce sentiment fût bien exprimé. Qui le trouva, ce mot fatidique ?

Ce fut non loin du Rhône, dans la plaine de l'Étoile, qu'eut lieu, le 29 novembre 1789, la première fédération vraiment sociale. Là conduites par une inspiration sublime et réunies autour d'un autel, les gardes nationales de Valence, de Châteauneuf d'Isère, de Saint-Marcel, de Fauconnières, de Plovier, de Loriol, de Livron, de Saillant, du Pouzin, de Beauchastel, de la Voulte…, prêtèrent, à la face du ciel, ce magnanime serment :

Nous, citoyens français de l'une et de l'autre rive du Rhône, depuis Valence jusqu'au Pouzin, réunis fraternellement pour le bien de la cause commune, jurons sur nos cœurs et sur ces armes consacrées à la défense de l'État, de rester à jamais unis, abjurant désormais toute distinction de province, offrant nos bras, nos fortunes et nos vies à la patrie, ainsi qu'au soutien des lois émanées de l'Assemblée nationale ; jurons d'être fidèles au monarque qui a tant de titres à notre amour ; jurons de nous donner mutuellement toute assistance pour remplir des devoirs aussi sacrés et de voler au secours de nos frères de Paris ou des autres villes de France qui seraient en danger pour la cause de la liberté[2].

 

Grande et touchante nouveauté que cet amour pour le roi confondu avec le culte grave de la liberté ! Mais combien plus touchante encore et plus profonde, cette autre nouveauté : l'unité de la patrie demandée au principe de la fraternité humaine !

A partir de cet instant, un de ceux qui marquent dans l'existence d'un peuple, l'idée féconde se répandit de la chaumière au village, du village au bourg, du bourg à la ville, du fond des vallées au sommet des monts, semblable à la pierre qui, lancée dans l'eau par une main vigoureuse, trace des cercles qui naissent l'un de l'autre en s'agrandissant toujours. Un même souille, vivifiant et divin, passa sur les pays de Langue d'Oc et sur ceux de Langue d'Oïl, sur la sauvage Bretagne et sur les riants coteaux de la Touraine, sur la Normandie aux gras pâturages et sur les plaines de la molle Provence, le long du Rhône, le long de la Loire, depuis Saint-Malo, qui se hérisse au-dessus de l'Océan, jusqu'à Marseille, qui se baigne dans la Méditerranée ; depuis les campagnes adossées aux Vosges, jusqu'à celles qui sont couchées au pied des Pyrénées et des Alpes. Ah ! on avait eu beau, royaume élu de la nature, vous couper par des douanes et des privilèges ; on avait eu beau vous diviser en pays d'élection et en pays d'état, en contrées de grande et de petite gabelle, en provinces nationales et en provinces à l'instar de l'étranger, en pays de saline et de quart bouillon, désignations barbares d'un déchirement impie... le jour où ce cri se fut fait entendre : FRATERNITÉ, la France se sentit élevée à la majesté de mère ; de près, de loin, tous ses enfants se tendirent les bras, en versant des pleurs de joie ; douze cents lignes de barrières intérieures disparurent ; les montagnes semblèrent abaisser leurs cimes ; les fleuves ne furent plus que comme autant de ceintures mouvantes liant ensemble des populations trop longtemps séparées ; la patrie eut conscience d'elle-même et s'affirma.

La fédération de l'Étoile avait été suivie, à deux semaines d'intervalle seulement, de celle de Montélimar, qui la surpassa en éclat ; puis, à Pontivy, dans un lieu désert, à jamais consacré par ce souvenir, avait eu lieu un vaillant congrès des jeunes gens de la Bretagne, impatients de se promettre l'un à l'autre qu'ils sauraient vivre libres ou mourir ; Valence eut son tour. Où vont d'un pas si leste et la tête si haute ces milliers de villageois qui couvrent les routes, se hâtent à travers champs ou descendent en groupes du haut des collines ? Quelle force mystérieuse les entraîne loin de la cloche qui sonna la naissance de leurs enfants, loin de la croix de bois qui protège la cendre de leurs aïeux ? Nous sommes au cœur de l'hiver ; il faut respirer un air glacé, franchir des torrents, marcher dans la neige... Quoi ! rien qui les retienne, ces voyageurs intrépides ? Non, rien ; car ils vont au camp de la fédération, où ils ont leur mère qui les attend, la France ! Au camp, ai-je dit, et c'était bien en effet une armée qui se réunit à Valence le 31 janvier 1790. Le récit officiel porte qu'au moment où, du haut de l'autel, le prêtre leva l'hostie, neuf mille guerriers mirent un genou en terre, au milieu de trente mille citoyens sans armes qui, à deux genoux, commencèrent de prier avec ferveur pour la patrie.

Arriva la saison des fleurs, la saison des douces pensées ; et les fédérations se multiplièrent. Combien dans le seul mois de mai ! Le 4 de ce mois inspirateur, c'est Metz qui prend son rang ; le 9, c'est Orléans ; le même jour, c'est Limoges ; le 12, c'est Strasbourg ; le 30, c'est Lyon.

Arrêtons-nous un moment à ces deux dernières villes : par ce qui s'y passa, il sera facile de deviner ce qui eut lieu dans tout le reste du royaume.

Le 12 mai donc, afin que, des rives opposées du Rhin, l'Allemagne pût saluer la liberté française, des pavillons aux couleurs de la nation furent arborés sur les quatre tourelles et sur la pointe de la superbe flèche de la cathédrale de Strasbourg, et le lendemain, qui était un dimanche, la ville entière sortit, laissant les maisons vides, les rues désertes. Une plaine immense avait été désignée d'avance pour servir d'emplacement à cette fête à la fois champêtre et militaire, religieuse et civique. Là se rendirent, mêlés cordialement à ceux de l'Alsace, une foule innombrable de citoyens accourus des contrées voisines. Parmi les confédérés, on remarquait les habitants de Plobsheim, les robustes laboureurs d'Ittenheim, les cultivateurs du Kochersberg uniformément vêtus de rouge, les descendants de ces paysans fameux qui avaient autrefois si rudement rejeté sur l'autre rive du Rhin l'armée, de Charles de Lorraine. Deux cents enfants que la garde nationale avait adoptés au nom de la France, formaient un bataillon qui rappelait les mœurs de Lacédémone. Au moment où les fédères se rangeaient en bataille, une flotte tricolore fut aperçue tout à coup sur la rivière d'Ill ; elle aborda, et l'on en vit descendre quatre cents jeunes filles habillées de blanc. Gracieuses, mélancoliques et fières, elles venaient jurer à côté de leurs fiancés un pacte que leur âme attendrie associait sans doute aux engagements sacrés de l'amour. Les jardinières parurent ensuite, celles-ci en corset vert et portant des corbeilles remplies de fleurs, prémices de la moisson, dont elles avaient voulu faire hommage à la reine de la fêle, la patrie. Le corps des pêcheurs offrit aussi son présent, fourni par le Rhin. Puis se présenta le corps des cultivateurs, précédant une charrue qu'un enfant conduisait, et qu'escortaient sa beaux vieillards armés de faux dont le tranchant se cachait sous des guirlandes. C'était, après e siècle raisonneur qu'avait résumé le livre d'Helvétius, une chose singulièrement touchante que cette résurrection des joies symboliques de l'antiquité. Et n'oublions pas un trait qui console de ces affreux massacres du Gard, qu'il nous a fallu raconter : à la fédération de l'Alsace, deux enfants, dont l'un était né dans la religion romaine et l'autre dans la confession d'Augsbourg, furent tenus sur les fonts baptismaux par un parrain catholique et une marraine protestante. La cérémonie achevée, en présence de tout le peuple, les ministres des deux cultes se précipitèrent dans les' bras l'un de l'autre et s'embrassèrent en pleurant. Oh ! que n'étaient-ils là les dévots farouches par qui les rues de Nîmes, juste un mois après, devaient être ensanglantées ! Beaucoup d'Allemands étaient venus à la fédération de Strasbourg : ils s'en retournèrent étrangement pensifs, et une jeune fille germaine célébra ce qu'elle avait vu, dans la langue profonde de son pays[3].

La fédération lyonnaise n'eut pas un moins grand caractère. A une demi-lieue de Lyon s'étend une vaste plaine autour de laquelle le Rhône se courbe et que semblent dessiner les coteaux charmants qui s'élèvent sur la rive opposée du fleuve. Ce fut le camp fédératif. Au centre, on avait disposé avec beaucoup d'art un groupe de rochers fictifs, sillonnés par des cascades et chargés d'arbustes. Sur les quatre côtés de la base, de quatre-vingts pieds chacun, une longue suite de gradins conduisait à quatre portiques d'ordre dorique, donnant entrée dans l'intérieur du rocher. Au haut, une statue colossale de la liberté, avec le bonnet phrygien et la pique[4]. Des idées ingénieuses ou fortes avaient été exprimées par la peinture : ici Diogène laissant échapper sa lanterne ; là un nœud gordien que les Français dénouaient au lieu de le couper[5]. Le symbolique édifice au pied duquel devait se prêter le serment reçut un beau nom : on l'appela temple de la Concorde. Et en effet, le 30 mai 1790, la déesse de la paix fut adorée dans ce lieu par cinquante mille fédérés de la milice qui, ce jour-là se trouvèrent n'avoir qu'un cœur, un sentiment, un cri. Mais non, c'était à plus de deux cent mille que montait le nombre de ceux qui, avec ou sans armes, mêlèrent alors leurs acclamations et leurs vœux. Tous, les yeux pleins de flamme, le front rayonnant, ils étaient partis de Lyon, la nuit à peine dissipée, dans l'air frais et la rosée du matin, roulant le long du quai du Rhône comme une avalanche. Beaucoup de femmes, et des plus élégantes, marchaient l'épée haute[6]. Il y en avait une dans la foule qu'on n'eût pu remarquer, si on l'avait remarquée, qu'à la fierté de sa démarche et à l'altération de son visage ; mais nul ne la montrait du doigt au passage ; car son heure n'était pas encore venue. Elle se nommait Madame Roland[7]. Ce fut une noble journée. Il était venu des députés de villes fort éloignées, de Nancy, de Sarrelouis, de Marseille. Les Corses, retardés par la tempête, n'arrivèrent que le lendemain, comme autrefois les Spartiates sur le champ de bataille de Marathon. Mais cela ne les empêcha pas d'aller jurer le pacte fédératif au lieu que la fête du 30 mai avait sanctifié. Ils y furent accompagnés solennellement par un détachement de chaque district de la milice lyonnaise, et par les Grenoblois, qui n'avaient pas voulu partir avant d'avoir serré la main aux Français de la Corse devant l'autel de la patrie[8].

L'histoire des fédérations de Strasbourg et de Lyon est celle de toutes les fédérations générales ou particulières qui, en 1790, eurent lieu dans le royaume. Partout ce fut le même esprit, le même élan, la même tendance impétueuse vers l'unité, tendance rendue plus frappante encore par l'infinie diversité des usages, des costumes, d'idiomes, des emblèmes locaux.

Dans certaines communes, les femmes figurent avec des palmes ; dans d'autres, avec des guirlandes de fleurs ailleurs elles se montrent couronnées de chêne. Les mi lices du Vivarais arborèrent un étendard noir, vert et blanc, avec ces mots : d'un côté la mort ou la liberté et de l'autre ceux-ci : point de noblesse que dans le cœur[9]. A Orléans, l'autel de la patrie fut construit dans le style romain et orné de branches de lauriers[10]. Dans le nord, la joie des populations eut un caractère grave et contenu ; dans le midi, au contraire, elle s'épancha en vifs transports, en farandoles désordonnées : témoin la commune de Valréas, où la fête de la bénédiction des drapeaux se termina par une danse violente, dans laquelle on vit pêlemêle bourgeois, paysans, châtelaines, soldats, et jusqu'au père gardien du couvent des Cordeliers[11].

Mais la royauté naturelle du vieillard, mais la participation de la femme à cette vie générale qui emportait comme dans une sorte de tourbillon divin l'époux et l'amant, mais l'adoption du nouveau-né par la commune au nom de la France, mais l'abjuration des haines religieuses au pied du gibet où le Christ mourut pour le salut de tous, même du Samaritain, même du gentil, voilà les traits que dans les procès-verbaux et les lettres à l'Assemblée on retrouve presque à chaque page, exprimés tantôt avec une profondeur de sentiment qui saisit, tantôt avec une simplicité de cœur remplie de charmes.

Que de détails singuliers, précieux !… Mais ce serait tout un livre à faire. Voici, par exemple, une grande dame, Mme de Moulins, qui écrit aux habitants de Mormant près de Nangis : Puisque mon neveu, qui est aristocrate, a refusé l'honneur d'être colonel de votre garde nationale, je me propose pour vous commander. La garde nationale accepta joyeusement, et la dame, fière d'un tel honneur, fit dresser dans l'avenue de son château une table de cinq cents couverts, où elle vint s'asseoir parée de la cocarde tricolore[12]. Le monde avait certes bien changé depuis Velléda, mais J'éclair de l'acier n'avait pas cessé de séduire les filles des Gaules.

Inutile de dire que l'hospitalité la plus cordiale attendait les fédérés partout où ils passèrent. A Dôle, les juifs demandèrent comme une faveur d'héberger, cent cinquante cultivateurs, et l'on parla de leur munificence[13]. A Beaune, quand la milice de Charolles traversa cette ville pour se rendre à Dijon, le maire, accourant au-devant des fédérés, les harangua en ces termes : Messieurs, rappelez-vous que Louis XIV, passant ici et faisant l'éloge des vins que nous lui offrions, nous lui répondîmes que nous en avions de bien meilleur. Vous le gardez sans doute pour une meilleure occasion, répliqua le despote orgueilleux. Il avait raison ; cette meilleure occasion était pour nous, les défenseurs de la liberté, pour nos frères et nos égaux, pour vous, messieurs[14]. Le 13 juin 1790, la ville du Havre donnait le spectacle d'une table immense qui, dressée dans la grande rue, en occupait toute la longueur, et autour de laquelle on vit assis, rapprochés, confondus, chacun à la place que lui avait désignée le sort, des citoyens de tous les rangs, de toutes les conditions : soldats, marchands, laboureurs, ouvriers, des prêtres au front austère et d'élégants capitaines[15]. Un trait admirable aussi, et qui ne saurait être omis, est celui des soldats du régiment de Flandre, épargnant pendant deux longs mois le vin qu'on avait coutume de leur distribuer et l'argent de leur paye. Dans quel but ? On ne le sut que le jour de la fédération. Après la cérémonie, pendant que les gardes nationaux avaient leur banquet spécial, les soldats du régiment de Flandre ouvrirent soudain leur caserne à tout le public et convièrent les pauvres gens à venir boire, à la santé de la nation le vin qu'eux, bien pauvres aussi, ils avaient épargné[16]. Ce qui surprend et enchante dans ce mouvement des fédérations, c'est l'ensemble. Rien de prémédité, nul accord préalable, et cependant les âmes n'ont aucune peine à se rencontrer ; les voix sont diverses, et tant mieux vraiment, puisqu'elles chantent en chœur. Parcourez les documents : chaque province, chaque ville, j'allais dire chaque commune, a sa formule particulière de serment que ceux de l'endroit ont rédigée à leur manière, les uns, comme en Bretagne, avec une énergie presque menaçante, les autres avec abandon, comme dans les contrées qui jouissent d'un ciel clément et qu'un tiède soleil réchauffe. Mais que disent uniformément toutes ces formules si différentes de ton ? qu'il faut chérir l'Assemblée nationale, parce qu'elle a fondé la liberté ; qu'il faut chérir le roi, parce qu'il s'est engagé à la servir ; qu'il faut veiller au maintien de la constitution et se tenir prêt à mourir au besoin pour sa défense ; qu'il faut protéger le bon ordre, assurer le commerce des grains, et par-dessus tout s'entr'aider, chercher la force dans l'union, et se bien souvenir qu'on est désormais, non pas le Dauphiné ou la Bourgogne, ou l'Artois, ou l'Alsace, ou la Bretagne, ou le Languedoc, ou l'Anjou…, mais la France.

Toutefois, parmi tant de solennelles déclarations, il en est quelques-unes — bien peu — et pourquoi le taire ? auxquelles on s'afflige de trouver je ne sais quoi de sec on de contraint. Il en est que la poésie de la fraternité ne colore point, et qui, ne proclamant la nécessité de s'unir qu'au point de vue des intérêts matériels à sauvegarder, sont comme des notes fausses dans un magnifique concert. Tel fut le serment que prêtèrent dans la plaine des Quatre-Vents, au-dessus d'Olivet, les milices de l'Orléanais[17]. Mais qu'on s'abstienne d'une conclusion trop hâtive ! Les fortes têtes du lieu, des contre-révolutionnaires, cachés peut-être, avaient mal exprimé le sentiment de la population, voilà tout : et là preuve, c'est que la fédération d'Orléans fut superbe d'enthousiasme et d'élan civique. Quelquefois il arriva que la rédaction d'une ville fut adoptée purement et simplement par une autre, sauf quelques modifications, toujours conçues dans le sens des idées les plus larges. C'est ainsi que les habitants de Nancy empruntèrent leur formule de serment à leurs frères des Vosges, en y introduisant un cri de ralliement que ceux-ci avaient oublié : L'UNION ET LA FRANCE[18] !

Cette plénitude de sentiment, ces sympathies débordantes, ce besoin sublime dont, à un moment donné de l'histoire, chez le peuple, le plus communicatif et le plus impressionnable de la terre, chacun fut saisi d'élargir le champ de ses espérances, et de reculer l'horizon de ses pensées, ne pouvaient évidemment se développer à l'aise que sur un vaste théâtre. Aussi, à l'imposant tableau des fédérations, que voyons-nous pour cadre ? les forêts, les montagnes, les fleuves, la mer ! On montre encore à Édimbourg, dans la haute rue, la chambre où les presbytériens d'Écosse signèrent le Covenant. C'est un cabaret de misérable apparence, rendez-vous favori de la dernière classe des buveurs[19]. Nous préserve le ciel de parler avec mépris de cette humble origine, d'ailleurs si conforme au dur génie de la religion anglicane ! Les modestes commencements des grandes choses ont leur poésie, nous le savons ; et comment aurions-nous oublié que le christianisme sortit d'un chétif réduit de la Judée, où, à douze pauvres pêcheurs rassemblés pour un souper frugal, le fils d'un charpentier dit : Faites ceci en mémoire de moi ? Mais il y a plus d'un sérieux aspect aux événements de ce monde, et de même que la nature, l'histoire a ses coups d'éclat. Libre à l'écrivain anglais Carlyle de n'être pas aussi juste envers notre pays que nous voulons l'être, que nous le serons toujours envers le sien ; libre à lui de triompher du contraste que son orgueil national établit entre la pompeuse adoption du covenant français, et ce qu'eut de sévère celle du covenant d'Écosse ! Pour nous, nous ne conviendrons jamais qu'une taverne soit le seul berceau digne d'une religion nouvelle, et quand cette religion nouvelle est la fraternité humaine, aux hommes qui se rassemblent pour l'invoquer, nous ne saurions souhaiter d'autre temple que la nature.

Il ne manquait plus à la glorieuse agitation des provinces que d'être concentrée et résumée. On l'avait si bien senti, que pas une fédération ne s'était terminée qu'on n'en eût aussitôt adressé à l'Assemblée nationale le récit fidèle, ordinairement accompagné d'une lettre à Lafayette : ce n'était pas assez ; il fallait que la France entière se fédérât, et où pouvait-elle mieux prendre, en quelque sorte, possession d'elle-même qu'à Paris, foyer brûlant si propre à rassembler tant de rayons convergents, mais encore épars ? Cette idée, émise par les Bretons dès le mois de mars, se propagea rapidement, elle devint un vœu, elle devint une espérance, elle devint un cri. Toute la France chercha Paris qui, à son tour, ne songea plus qu'à recevoir toute la France. Un comité de fédération, formé au sein de la municipalité, décida que les districts des divers départements seraient invités à envoyer à Paris des députés ayant mission de conclure avec les Parisiens le pacte de la Fédération nationale, et que cette fête auguste aurait lieu dans le champ de Mars, le 14 juillet, jour anniversaire de la prise de la Bastille.

Ces dispositions, dont Bailly alla faire part à l'Assemblée nationale[20], ayant reçu son approbation, une adresse aux Français fut publiée, au nom des habitants de Paris, Elle renfermait ces mots significatifs : … Dix mois sont à peine écoulés depuis l'époque mémorable où, des murs de la Bastille reconquise, s'éleva ce cri : Nous sommes libres ! Qu'au même jour, un cri plus touchant se fasse entendre : Nous sommes frères[21].

Les préparatifs commencèrent, et furent poussés avec une activité prodigieuse. La Commune pourvut d'avance à ce que l'énorme affluence des visiteurs attendus fût sans péril. Parut un décret de l'Assemblée, portant que toutes les gardes nationales du royaume enverraient un député sur deux cents hommes, ce qui donnait le chiffre de quinze mille environ ; que les dépenses des députations seraient à la charge des districts ; que l'armée serait représentée à Paris par onze mille vieux soldats.

Quant à savoir qui ferait les honneurs de Paris, la question ne pouvait être douteuse. Il faut, écrivait le 14 juin dans une lettre adressée aux journaux, l'administrateur de la police Manuel, il faut qu'une armée qui ne sera qu'une famille trouve nos maisons ouvertes comme nos cœurs. Et il annonçait qu'il inscrirait les noms de ceux qui admettraient à leur foyer des hôtes si bienvenus[22]. Le comité de fédération, soit que cette idée lui fût déjà venue, soit qu'il en enviât la gloire, se plaignit amèrement de Manuel, lui reprocha une lettre qu'il n'avait pas, disait-on, qualité pour écrire, et le manda, par l'organe de Charon, son président, devant l'assemblée des mandataires des soixante sections de Paris. Manuel s'excusa sur ce qu'il avait fait ce que chaque citoyen avait le droit de faire. Sa réponse, rendue publique, se terminait par une menace enveloppée dans un vœu : Puisse une nouvelle municipalité signer le pacte de famille ! En cédant l'écharpe, je ne vous demanderai qu'un fusil[23]. En attendant, chacun, selon l'expression de Manuel, se tint prêt à ouvrir sa maison comme son cœur.

Ceci se passait vers le milieu du mois de juin. Or, avant l'illustre date du 14 juillet, il y en avait une, bien digne, elle aussi, d'être rappelée. C'était le 17 juin 1789, que l'assemblée formée de la réunion des trois ordres avait pris le titre d'ASSEMBLÉE NATIONALE, et déplacé le souverain : le club de 89 crut qu'un tel anniversaire valait qu'on le célébrât.

Ce club de 89, démembrement de celui des Jacobins, dont les principes avaient paru trop hardis à certains membres, à Bailly, à Lafayette, à Sieyès, à Le Chapelier, à Mirabeau, était installé depuis un mois au second étage du Palais-Royal, dans des appartements somptueux. Une brillante fête y fut donnée. Autour d'une table servie avec magnificence, se rangèrent deux cents convives, parmi lesquels le Corse Paoli, et l'on y but : A ceux qui ont souffert pour la liberté de leur pays !A ceux qui ont le courage de faire respecter les lois ! A la destruction de la mendicité ! A tout ami des hommes ! Soit par oubli, soit à dessein, aucune santé particulière ne fut portée. Au dessert, les dames de la halle entrèrent, tenant à la main des bouquets qu'elles distribuèrent à Lafayette, à Sieyès, à Le Chapelier, à notre comte de Mirabeau, à Talleyrand. Bailly fut le plus favorisé : elles lui posèrent sur la tête une couronne de fleurs[24]. Pendant ce temps, le peuple, amassé dans le jardin, demandait à grands cris qu'on lui chantât certains méchants couplets de Piis, qui, sans leur à-propos patriotique, n'eussent pas été tolérables. Les fenêtres s'ouvrirent donc toutes grandes, et des voix chantèrent :

Les traîtres à la nation

Craignent la fédération :

C'est ce qui les désole ;

Mais aussi depuis plus d'un an,

La liberté poursuit son plan :

C'est ce qui nous console.

Il arrive souvent qu'au bois

On va deux pour revenir trois,

Dit la chanson frivole.

Trois ordres s'étaient rassemblés.

Un sage abbé les a mêlés :

C'est ce qui nous console, etc.

Un des convives fit une motion singulière : Les Français qui ont la souveraineté et qui l'exercent sont soumis à la loi ; ils ne sont sujets de personne. Le prince est leur chef, non leur maître : Imperat, non regit. Que Louis XVI revienne donc du Champ de Mars la couronne impériale sur le front, et que son auguste épouse soit saluée du nom d'impératrice[25].

Au couvent des Jacobins mûrissaient de tout autres pensées, et des motions d'un ordre bien différent s'y préparaient.

C'est le génie de la France de ne se point appartenir. Déclaration des droits du CITOYEN ANGLAIS, aurait-on dit en Angleterre ; la France en révolution mit noblement sur son drapeau : Déclaration des droits de L'HOMME. C'était prendre un engagement, formidable peut-être, mais héroïque. Ce que Luther avait écrit à Charles-Quint, en quittant Worms, la France en faisait sa devise ; elle aussi, sans se demander si, pour soutenir une telle parole, elle n'aurait pas des combats de Titans à livrer, et jusqu'à la dernière goutte de son sang à répandre, elle aussi elle criait aux peuples attentifs : Ma cause est celle de toute la terre. Et rien n'aurait servi à rappeler dans la fédération du Champ de Mars la mission historique de la France ! Cela ne pouvait être.

Ainsi pensa Anacharsis Clootz, philosophe étrange, dont nous retrouverons plus tard la figure se détachant, souriante et animée, sur le fond noir de la Révolution.

Les hommes dont l'intelligence retarde, nomment volontiers folie la sagesse qui ne leur paraît pas à l'heure : par quel miracle Anacharsis Clootz aurait-il échappé à l'honneur d'être réputé fou ? Il espérait en l'avènement de la République universelle ; dans ses hallucinations, un fantôme lui était apparu qui avait les traits du grand homme qui fut, depuis, James Watt ; éveillé, il avait vu en rêve l'Océan ponté de navires, la science supprimant l'espace, de splendides expositions des divers produits de l'industrie remplaçant l'émulation meurtrière des champs de bataille, un congrès amphictyonique se substituant aux assemblées rivales et confuses, les nations groupées autour d'un même drapeau, une seule ville donnée pour capitale à l'univers. Il était donc fou... provisoirement. Mais avec quelle grâce ! Jamais tant de finesse gauloise ne s'était associée aux hardiesses d'un esprit allemand. Et il n'y a point à s'en étonner : tout Prussien qu'il était, Clootz avait été élevé en France[26], de sorte que Voltaire avait de bonne heure corrigé en lui l'abbé de Saint-Pierre. Aussi était-il plein d'esprit dans son enthousiasme, plein de bon sens dans son exaltation, et, en même temps que toujours raillé, toujours un peu moqueur ; avec cela d'une, bonhomie attirante, désintéressé, généreux, et, comme le baron d'Holbach, prodigue de sa fortune, qui était immense. Il avait horreur des prêtres, de leur Dieu despote, convaincu qu'il y aurait des tyrans sur la terre, tant que l'esprit humain supposerait un tyran dans le ciel. Il en résulta qu'il se crut athée ; et ce fut une de ses singularités, car l'homme qui, d'une manière si absolue, professait le dogme de la solidarité universelle, ne pouvait être que panthéiste. Quelques lignes de lui achèveront de le faire connaître.

Il écrivait à Burke :

Jean Baptiste Clootz à Edmond Burke, salut. Je profite du départ de M. Jaume, frère d'un honorable membre de notre auguste Assemblée nationale, pour vous rappeler, monsieur, le bon accueil que vous me fîtes dans votre terre de Baconsfield en 1784. Comme la philosophie ne mesure le temps que par la succession des événements, il y a cent années et plus que nous ne nous sommes, vus. Vous étiez fort mécontent de votre chambre haute et des progrès effrayants de l'autorité royale. La peinture rembrunie que vous me fîtes de votre constitution et la vue de tous les abus qui en découlent me rapatrièrent un peu avec ma Bastille et mon Le Noir. Vos amis Fox, Shéridan, Powis, milord Inchiquin, le duc de Saint-John, me tinrent le même langage D'après ces données, je m'attendais à trouver en M. Burke un des plus ardents apologistes de l'admirable révolution qui place la France au-dessus de toutes les nations du monde. Égalité, sûreté, liberté civile et religieuse ; point de sénat, point de test, point de noblesse, point de religion dominante. On vous a montré dans la cathédrale de Paris ce vilain colosse de Saint-Christophe ? Les rois ressemblent assez à cette énorme sculpture, qui n'est qu'un vain épouvantail sur son piédestal ; mais si ce colosse était suspendu à la voûte, ne frissonneriez-vous pas ? Eh bien, monsieur, nous avons mis Saint-Christophe en lieu de sûreté, et tous les magots qui pesaient sur nos têtes sont brisés. Des fourbes, en vous présentant cette singulière carte géographique, d'où la France a disparu, ont étrangement abusé de votre crédulité. Pour moi, qui suis en France sans avoir l'honneur d'être Français, je vois tout différemment ; car, quand je fixe les yeux sur une mappemonde, il me semble que tous les autres pays ont disparu, et je ne vois que la France. Vous ignorez, monsieur, le véritable sujet de notre dispute avec les aristocrates. Il s'agissait d'une pyramide posée sens dessus dessous, et que nous avons eu l'habileté et le courage de remettre sur sa large base. Nous parlions à Londres avec enthousiasme des pyramides d'Égypte : vous n'avez qu'à franchir le pas de Calais, pour en voir une dont l'aspect vous jettera en extase. Venez, vous me trouverez digne d'être votre cicérone, comme vous m'avez trouvé digne d'être votre ami[27].

 

Tel fut l'opulent baron prussien, Jean-Baptiste Clootz, surnommé par lui-même Anacharsis, et à qui vint l'idée de bien marquer que la fédération n'était pas exclusivement française. Une fois son projet arrêté, le voilà qui rassemble dans Paris un certain nombre d'étrangers : Anglais, Espagnols, Allemands, Hollandais, Italiens, Tartares, Persans, Turcs, Arabes, Américains, et le 19 juin, date célèbre que l'abolition de la noblesse consacra, il se présente, suivi du cortège cosmopolite, à l'Assemblée nationale. A l'aspect de ces hommes en costumes divers, les initiés, raconte ironiquement Ferrières, remplissent la salle d'acclamations bruyantes, tandis que les tribunes, ivres de joie de voir l'univers au milieu de l'Assemblée, battent des mains, trépignent des pieds[28]. Menou présidait. Clootz s'avance et dit :

Le faisceau imposant de tous les drapeaux de l'empire français, qui vont se déployer, le 14 juillet, dans le Champ de Mars, dans ces mêmes lieux où Julien foula tous les préjugés, où Charlemagne s'environna de toutes les vertus, cette cérémonie civique ne sera pas seulement la fête des Français, mais encore celle du genre humain. La trompette qui sonne la résurrection d'un grand peuple a retenti aux quatre coins du monde, et les chants d'allégresse d'un chœur de vingt-cinq millions d'hommes libres ont réveillé des peuples ensevelis dans un long esclavage... Un nombre d'étrangers, de toutes les contrées de l'univers, demandent à se ranger au milieu du Champ de Mars, et le bonnet de la liberté, qu'ils élèveront avec transport, sera le gage de la délivrance prochaine de leurs malheureux concitoyens. Jamais ambassade ne fut plus sacrée. Nos lettres de créance ne sont pas tracées sur des parchemins ; mais notre mission est gravée en signes ineffaçables dans le cœur de tous les hommes[29].

 

Le président de l'Assemblée répondit en peu de mots, avec une grave émotion, et la députation obtint les honneurs de la séance.

Les ennemis de la Révolution avaient été frappés de ce que le mouvement des fédérations prophétisait ; mais en attaquer le principe, ils ne s'étaient point emportés jusque-là : dès qu'on sembla l'exagérer, leur colère s'échappa par cette issue. Ils s'étudièrent à couvrir de ridicule le philosophe prussien et son cosmopolitisme ; ils répandirent que sa députation n'était qu'un ramas de vagabonds payés pour jouer un rôle et affublés d'habits d'emprunt. L'assertion eût-elle été vraie, la trivialité de l'expédient employé laissait entière, pour peu qu'on la considérât en elle-même, la valeur de l'idée émise ; mais enfin, ce fait, dont les écrivains royalistes se sont emparés[30], Clootz le nia publiquement, formellement, sur le ton de la sérénité la plus méprisante : On a prétendu que notre Arabe était un Turc emprunté à l'Opéra, et que le Chaldéen n'avait jamais vu l'Euphrate. Ces savants Orientaux sont trop connus à la Bibliothèque du roi et au Collège royal, pour qu'il soit besoin de réfuter de pareilles sornettes... Dans la séance du 19, un huissier qui parle anglais et qui passe pour aristocrate, vint du fond de la salle causer avec nous, s'imaginant que nos Anglais étaient de Chaillot. On lui répondit en bons termes miltoniens, et il s'en retourna tout confus vers ceux de la droite qui l'avaient envoyé[31].

Cependant, la date désirée approchait. Mais voilà que tout à coup une vague inquiétude pénètre les esprits ; on parle de trames abominables, de catastrophes imminentes, d'un carnage odieusement préparé ; on assure qu'au moment de la confédération, des mines ouvertes sous l'Ecole militaire doivent, éclatant soudain, engloutir des milliers de victimes ; on annonce une Saint-Barthélemy des prêtres et des nobles. Parmi les ennemis de la Révolution, les uns crurent à ces bruits, les autres affectèrent d'y croire, et la désertion commença. Heureux peut-être de l'occasion qui s'offrait à eux de fuir l'obligation d'un serment que leur cœur détestait, des députés royalistes demandèrent précipitamment des congés, M. de Saint-Simon, par exemple[32]. Des familles entières sortirent de la capitale, comme frappées d'épouvante, et la panique fut au point que, dans ses Annales patriotiques, Carra, au nom de la sécurité publique, somma bien haut Lafayette de s'expliquer.

A leur tour, répondant à ces terreurs par des terreurs contraires, quelques patriotes se déclarent exposés à des vengeances que ne servira que trop bien, en les enveloppant de son tumulte, une fête à laquelle sont appelés tant d'inconnus. On affirme, écrit à Marat un citoyen du district des Récollets, que, dans une maison de la rue Saint-Honoré, il a été saisi une prodigieuse quantité de bâtons à stylets[33]. Quand tous seront au Champ de Mars, qui empêcherait une bande de malfaiteurs soldés de l'envahir, de le piller, de le brûler ?

Loustalot combattit ces rumeurs : Elles détournent, écrivait-il, notre attention des grands objets qui nous environnent[34]. Marat lui-même, Marat n'osa qu'à demi s'abandonner à ses soupçons ordinaires ; et, toutefois, il disait : Lafayette répondra sur sa tête de la moindre égratignure faite à MM. Barnave, Lameth, Robespierre, Duport, d'Aiguillon et Menou[35].

La Commune intervint, de son côté, par une proclamation où on lisait : Que ceux qui affectent la terreur sortent donc puisqu'ils le veulent ! qu'ils fuient la fête de la liberté, sous prétexte de dangers chimériques ; mais que les amis de la Révolution restent ; qu'ils songent qu'on ne voit pas deux fois un pareil jour. Et le lendemain, on distribuait dans les rues une lettre dont l'auteur, nommé Guillaumot, informait Bailly qu'il n'existait aucune fouille d'anciennes carrières sous l'emplacement de l'École militaire[36].

A la cour, le sentiment qui dominait, c'était l'espérance. Une fois la province arrivée, plus de Paris ; étouffé sous la France, il cesserait de jeter des flammes : on aimait à se nourrir de cette illusion. Et puis, le hasard, l'imprévu, qui sait ? la puissance d'un regard du roi, d'un gracieux sourire de la reine, sur des hommes moins familiarisés que ceux de Paris avec le prestige des diadèmes, tout cela n'avait-il rien qu'on pût ajouter au chapitre des chances heureuses ?

Une circonstance gâta ce beau rêve. Après avoir prévenu l'Assemblée nationale de son retour, par une lettre que de La Touche, député de Montargis, lut dans la séance du 5 juillet, le duc d'Orléans arriva de Londres. La cour aurait dû s'y attendre, et cependant elle se montra consternée. La première visite du duc avait été pour l'Assemblée, dont il était membre ; la seconde fut pour le roi, auquel il avait toujours témoigné le plus profond respect. Mais quels traits empoisonnés que ceux qui s'enfoncèrent alors dans son cœur ! Aussitôt qu'il parut, de toutes parts l'outrage l'environna ; les femmes lui tournaient le dos ; les hommes le regardaient en face avec l'attitude de la provocation et le sourire du mépris ; comme s'il eût apporté là caché dans le creux de sa main, ce genre de meurtre qui n'exige pas du courage, on murmurait autour de lui : Prenez garde aux plats ! et quand il descendit, on lui cracha, du haut de l'escalier, sur la tête[37]. Louis XVI, en l'apercevant, lui avait dit ces dures paroles : Venez, monsieur, vous apprendrez à être bon Français[38].

Et les préparatifs de continuer, au milieu d'un mouvement extraordinaire des esprits. Il y avait. sur la place des Victoires quatre statues représentant les provinces enchaînées aux pieds de Louis XIV ; afin d'épargner aux fédérés l'humiliation d'un pareil spectacle, et conformément à un vœu émis dans la séance du 19 juin, on les enleva, non sans exciter de la part des royalistes outrés quelques plaintes qu'Anacharsis Clootz tourna spirituellement en ridicule : Les sots regrettent ces quatre figures, sous prétexte de la beauté de l'art ; mais les sots ne voient pas que l'enlèvement de ces statues est une des plus belles figures de l'art oratoire ![39]

Rappeler en détail tout ce que la vie bouillonnante de Paris produisit pendant les mois de juin et de juillet, trop difficile vraiment serait la tâche. Il y eut des montagnes de brochures ; il y eut un croisement inouï de motions, en général, très-noblement inspirées. L'un demandait que, le 14 juillet, chacun dressât sa table en pleine rue ; l'autre, sous le nom de club de la fédération, proposait rétablissement d'une sorte de bazar intellectuel où, à leur arrivée, les Flamands pussent rencontrer le Provençaux, où Bourguignons et Languedociens, Lorrains et Béarnais, pussent entrer en communion de pensées[40] ; un troisième, faisant observer qu'une route de cent lieues n'avait pas effrayé les braves Bretons, témoignait, pour eux, l'espoir d'un accueil triomphal : Toute la Grèce se leva devant Thémistocle, quand il parut aux jeux olympiques[41]. Chose caractéristique ! une confédération d'écrivains, proposée par Loustalot, acceptée par Camille, fut au moment de s'accomplir.

Seul, Marat restait inquiet, violent et sombre. Tant de joie l'attristait. Dans cet entraînement vers l'unité nationale, son intelligence glacée ne voyait que la passion du bruit, que la fureur des nouveautés[42]. Ce pacte fédératif, si désiré, il le dénonçait comme un moyen d'asservissement, et irrité de l'incrédulité que rencontraient ses noires prophéties, il répétait sans cesse : J'aurai le sort de Cassandre[43]. L'Assemblée ayant décrété et le roi sanctionné la formule de serment suivante : Nous jurons de rester à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi ; de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution ; de protéger, conformément aux lois, la sûreté des personnes et des propriétés, la libre circulation des grains et la perception des contributions publiques ; de demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité[44] ; Marat s'écria : Quoi ! nous ferons le serment téméraire de maintenir indistinctement tous vos décrets ? celui du veto ? celui de la loi martiale ? celui du marc d'argent ? et, le visage tourné vers les faubourgs, il ajoutait : Pour vous charger de fers, ils vous amusent par des jeux d'enfants. Ils couronnent de fleurs les victimes[45]. Eh ! pourquoi envier ainsi à ce peuple qui est destiné à tant souffrir, quelques instants pleins d'un charme héroïque ? sont-elles donc si fréquentes dans l'histoire des nations, les journées où des milliers d'hommes se sentent à la fois bons et heureux ? Ah ! si tout cela ne doit être qu'un rêve, ne le troublez pas ! Elles viendront bien assez vite, les heures de la colère !

C'était le Champ de Mars, on l'a vu, qu'on avait destiné à servir de théâtre à la fête. Or, les travaux à accomplir étaient considérables, sur un espace qui ne comprenait pas moins de trois cent mille pieds carrés. Il fallait de chaque côté de cette arène immense relever les terres en talus propres à porter la masse des spectateurs ; il fallait creuser le sol à une grande profondeur et le retourner en tout sens ; il fallait, conformément au plan adopté, édifier entre l'amphithéâtre et la rivière un arc de triomphe égal en dimensions à celui de la porte Saint-Denis ; il fallait enfin, au milieu du Champ de Mars, construire l'Autel de la patrie. Le nombre des ouvriers mis en œuvre fut de quinze mille ; mais la besogne avançait si lentement que, le 7 juillet, l'impossibilité d'être prêt pour le 14 fut reconnue, à moins pourtant de quelque miracle, et le miracle se fit. Sur une simple lettre adressée à la Chronique de Paris par un garde national du bataillon de la Trinité, nommé Cartheri, lequel proposait à tous les Parisiens de se transformer subitement en ouvriers[46], la ville entière, hommes, femmes, enfants, vieillards, s'élança vers le Champ de Mars, par un de ces élans irrésistibles dont seule la France est capable. Qu'on se figure trois cent mille ouvriers volontaires, de tout âge, de toute condition, revêtus des costumes les plus divers, et, du matin au soir, dans la douce ivresse d'un commun désir, avec cette harmonie qui naît d'elle-même de l'accord des âmes, sous la loi d'une cordiale égalité, au bruit des chansons, creusant, roulant, reversant la terre avec autant d'ardeur que des soldats en mettent à ouvrir une tranchée[47]. Courage ! courage ! c'est la fête de la patrie qu'il s'agit de préparer : que les vieillards se raniment ; que les jeunes garçons accourent ; que les fiancées viennent par leur présence faire de la fatigue un enchantement et sourire aux plus braves ! Ce fut un prodige. Un étranger écrivait à un de ses amis, alors en Suisse : Je viens de voir attelés au même chariot une bénédictine, un invalide, un moine, un juge, une courtisane[48]. On remarqua Sieyès et Beauharnais qui piochaient côte à côte. A quelques pas d'un joyeux groupe chantant avec toute la vivacité française, non pas le terrible Ça ira de 93, mais celui de 90 : Ça ira, ça ira ; celui qui s'élève on l'abaissera, les chartreux, conduits par Dom Gerle, travaillaient silencieux et recueillis[49]. L'abbé Maury s'étant abstenu, les Charbonniers mirent à un d'entre eux un manteau court et un rabat, le garrottèrent, l'appelèrent Maury, et le conduisirent gaiement au Champ de Mars, derrière leur drapeau[50]. Pas un invalide qui eût manqué à l'appel, même de ceux qui n'avaient qu'un bras ou une jambe ; les aveugles aidaient à tirer les tombereaux[51]. Loustalot raconte, avec un attendrissement dont il ne peut se défendre, que des hommes coiffés de bonnets de papier sur lesquels on lisait : Révolutions de Paris ayant fait leur apparition, le Champ de Mars retentit d'applaudissements[52]. Mais ce qui fut émouvant, sur toutes choses, ce fut la sainte ardeur de l'homme de peine, du manœuvre, du laboureur, venant, après une longue journée de labeur, prendre leur part de la besogne patriotique[53].

Est-il besoin de dire qu'au travail se mêlait le plaisir ? A chaque instant passaient des soldats affublés d'un capuchon ou des moines sous le casque ; les guimpes voltigeaient à côté des longs mirzas des chananéennes[54] ; le tombereau qui partait plein de terre revenait orné de branchages et chargé du groupe rieur des jeunes femmes qui concouraient auparavant à le traîner[55]. Les théâtres se signalèrent, assure une actrice dans ses Mémoires[56]. Chaque cavalier choisissait une dame à laquelle il offrait une bêche bien légère, ornée de rubans ; et, musique en tête, on allait au rendez-vous universel. Il fallut, comme on pense bien, inventer un costume qui résistât à la poussière : une blouse de mousseline grise, des bas de soie et des brodequins de même couleur, une écharpe tricolore, un large chapeau de paille, telle fut la tenue d'artiste[57]. Il plut ! on ne fit qu'en rire ; les femmes les plus élégantes, pour la première fois de leur vie, je suppose, sacrifièrent de bon cœur leurs plumes et leurs linons ; on appela les ondées les larmes des aristocrates, et, au grand étonnement des étrangers, témoins de ces scènes fabuleuses, on continua vaillamment sous la pluie[58].

Que le lecteur philosophe ne reproche pas dédaigneusement à l'histoire de se complaire en de semblables détails. Jamais problème plus important et plus profond ne reçut une solution plus décisive. Cette THÉORIE DU TRAVAIL ATTRAYANT, loi certaine de l'avenir et que l'esprit réformateur de notre dix-neuvième siècle a si puissamment mise en lumière, elle fut appliquée alors d'une manière presque fortuite, d'instinct, et avec quels admirables résultats ! Non-seulement des travaux qui semblaient devoir coûter des années se trouvèrent achevés en une semaine ; mais, pendant tout ce temps, le niveau de l'humanité parvint et se maintint à une élévation extraordinaire. Car, au sein d'une confusion apparente, à peine descriptible, l'ordre observé fut admirable. Nul propos injurieux, nulle querelle. Dirigeait les travaux qui s'en jugeait capable : les autres obéissaient. Dans l'innombrable foule rassemblée là au hasard, il n'y avait pas une sentinelle, et l'on ne signala ni un homme en état d'ivresse ni un voleur Des brouettes chargées de tonneaux de vin parcourant les groupes, ceux-là seuls burent dont les forces étaient épuisées. On pouvait laisser sa montre sur le sable et partir : on la retrouvait[59]. Il a donc son point d'honneur comme la guerre, le travail ! Exception, direz-vous ? Et pourquoi de l'exception ne s'étudierait-on pas à faire la règle ? En quoi consiste le progrès si ce n'est à rétrécir de plus en plus le mal et à élargir le bien ? Mais non : ce genre glorieux d'émulation qui a toujours paru si naturel sur un champ de carnage, on le déclarera, longtemps encore peut-être, impossible dans l'atelier ! Longtemps encore peut-être, la GLOIRE ne sera que de s'entr'égorger au bruit des fanfares. Ô folie des hommes !

Cependant, les fédérés arrivaient de toutes parts, les armes hautes, le bagage sur le dos, le front couvert de sueur et de poussière, l'œil animé. Paris reçut tour à tour les Lorrains, les Normands, les enfants de l'énergique Bretagne, les montagnards du Jura, les Marseillais toujours fiers de leur Mirabeau. Nombre de vieux soldats, pliant sous le poids des fatigues militaires, s'étaient retrouvés jeunes pour quelques jours, et venaient du fond de la France à pied ! On leur fit à tous une réception digne des âges héroïques. Les vainqueurs de la Bastille coururent embrasser les Bretons sur la route de Saint-Cyr[60]. Cent convives eurent leur couvert mis à la table de Lepelletier Saint-Fargeau. Beaumarchais ne fut pas moins magnifique ; pauvres ou riches, tous rivalisèrent d'empressement ; on put dire que, dans Paris, il n'y avait plus qu'une table et un toit.

Parmi les fédérés, beaucoup n'ayant jamais franchi les limites de leurs provinces, et quelques-uns même n'étant jamais sortis de leurs villages, ce ne devait pas être pour eux un médiocre sujet de curiosité que de contempler de près le roi, qu'on disait si bon, la reine surtout, cette reine qu'on disait si belle.

Louis XVI alla au-devant de ce désir avec bonhomie et charma par la simplicité de ses manières ses respectueux visiteurs. Il laissa pénétrer jusqu'à lui le commandant des Bretons, et comme celui-ci se jetait à ses genoux, il le releva, le pressa contre sa poitrine et d'une voix attendrie : Portez cet embrassement à vos camarades[61]. Camille l'en loua, d'un ton à demi railleur : Ce n'était point, écrivit-il en parlant de ce baiser paternel, le breve osculum de Tibère à Germanicus[62]. Louis XVI accueillit aussi d'une façon très-affable une députation des fédérés tourangeaux, qui venait lui offrir un anneau donné autrefois par Henri IV aux Bénédictins de Marmoutiers : il prit l'anneau et promit de le porter le jour de la fédération[63].

Quant à la reine, elle ne chercha point à dissimuler devant les nouveaux-venus la tristesse dont son âme était remplie, soit fierté, soit secret dessein d'éveiller autour d'elle une pitié chevaleresque. Aussi bien, une décision récente l'avait profondément blessée : il avait été arrêté, dans le programme de la fête, que ni elle ni ses enfants n'auraient au Champ de Mars une place officielle, ce qui était la traiter, non comme la reine, mais comme la femme du roi, suivant l'expression dont aimait grossièrement à se servir Camille Desmoulins. Elle se montra donc atteinte de mélancolie au milieu de la joie universelle, sans oser révéler toutefois le fond de ses pensées autrement que par des plaintes voilées et des mots obscurs, comme lorsqu'elle répondit à quelques fédérés qui criaient sur son passage Vive la reine !Oh ! oui, mais on vous trompe[64]. Le passage suivant d'un récit aussi naïf qu'authentique et précis fera juger de l'effet que pouvait produire une semblable attitude, adoucie par beaucoup de grâce :

L'avant-veille de la confédération des Français, les fédérés eurent ordre de se réunir l'après-midi aux Champs-Elysées pour passer la revue du roi. Une pluie abondante fit changer l'ordre, et on défila sous le vestibule devant le roi, la reine et sa famille. Le département dont je suis, au lieu de l'habit gros bleu, avait adopté pour uniforme l'habit bleu de ciel, revers et parements rouges, ce qui nous donnait un air étranger qui nous fit remarquer par la reine. J'étais chef de file du premier peloton : soit pour mieux nous examiner, ou que le passage très-étroit fût engorgé de curieux, on nous arrêta deux minutes environ devant le roi. La reine se penche, me tire doucement par la basque de mon habit, et me dit : Monsieur, de quelle province êtes-vous ?De celle où régnaient vos aïeux, fut la réponse que je fis en baissant mon sabre. — Quoi vous êtes ?… — Vos fidèles Lorrains ; et je disais vrai. Elle me remercia par une inclination accompagnée d'un regard que je vois encore, tant il me pénétra alors ; et se penchant vers le roi, elle lui dit : Ce sont vos fidèles Lorrains. Le roi nous salua de la tête, et comme nous continuâmes de défiler, je n'en vis pas davantage. Eh bien, ce peu de mots, ce regard qu'aucun de mes camarades ne perdit, nous avaient tous émus au point que nous étions prêts à exécuter tout ce que ces deux infortunés nous eussent ordonné dans le moment[65].

 

Mirabeau avait trop de sagacité pour ne pas comprendre ce que renfermait de puissance le prestige qui environnait encore le trône. Il aurait donc voulu qu'on mit un soin extrême à en tirer parti. Tremblant que, si on n'y prenait garde, Lafayette ne fût l'homme des provinces, l'homme unique, l'homme de la Fédération[66], il insistait pour que le monarque se produisît le plus possible ; pour que lui-même il invitât les ambassadeurs étrangers ; pour qu'il s'en fît un imposant cortège[67] ; surtout pour qu'il se tînt prêt à prononcer au Champ de Mars un discours de nature à ramener à lui toutes les pensées. Ce discours, Mirabeau désirait vivement qu'on le chargeât de le rédiger ; mais son orgueil attendait qu'on le lui demandât[68]. La timidité de Louis XVI en décida autrement. Le 13 juillet, l'archevêque de Toulouse mandait ce qui suit au comte de La Marck : Depuis que je vous ai écrit, monsieur le comte, la reine m'a fait appeler, comme je passais, en revenant de l'Assemblée. Elle m'a dit qu'il n'y avait pas moyen de gagner sur le roi de parler demain matin ; qu'il croyait que ce qu'il devait dire à la députation très-nombreuse de ce soir y suppléerait. La reine m'a dit en même temps les principales idées de son discours qui venait d'être achevé. Elles sont en vérité très-bien, et ce qui m'en paraît plus merveilleux, c'est que c'est lui qui l'a fait. L'idée d'aller dans les provinces s'y trouve et m'a paru bien amenée. La reine a fait judicieusement effacer une phrase qui semblait faire dépendre ce voyage des travaux de l'Assemblée[69].

La députation dont l'archevêque de Toulouse parlait dans cette lettre fut en effet présentée, ce soir-là même, au roi par le général Lafayette, dont la harangue, d'ailleurs assez froide, finissait ainsi : Les gardes nationales de France jurent à Votre Majesté une obéissance qui n'aura de bornes que les lois et de terme que la vie.

Louis XVI répondit avec effusion :

Puisse le jour solennel où vous allez renouveler votre serment à la constitution chasser la discorde, rétablir le calme, fixer le règne de la liberté et des lois !… Défenseurs de l'ordre public ! dites de ma part à vos concitoyens que je voudrais pouvoir leur parler à tous comme je vous parle ; dites-leur de ma part que leur roi est leur père, leur frère, leur ami ; qu'il ne saurait être heureux que de leur bonheur et grand que de leur gloire ; puissant que s'ils sont libres ; riche que s'ils prospèrent ; dites-leur que s'ils souffrent, il souffre avec eux. Par-dessus tout, portez mes paroles ou plutôt les sentiments de mon cœur dans la cabane du pauvre, dans l'asile des malheureux ; dites-leur que, quoiqu'il ne soit pas en mon pouvoir de vous accompagner à leurs demeures, je veux être toujours avec eux par mon affection, veiller sur eux, vivre et, s'il le faut, mourir pour eux. Dites aussi aux différentes provinces de mon royaume que plus tôt il me sera permis par les circonstances de satisfaire mon désir de les visiter avec ma famille, plus heureux je serai[70].

 

Il se leva enfin, le jour attendu. Le rendez-vous des fédérés avait été fixé au boulevard du Temple ; c'est de là qu'ils partirent, rangés par département sous quatre-vingt-trois bannières, larges carrés blancs sur chacun desquels était peinte une couronne de chêne[71]. Les vieillards portaient les drapeaux ; et comme signe de la future abdication des armées, les députés des départements précédaient et suivaient, sabre en main, les députés militaires qui s'avançaient, eux, l'épée au fourreau[72]. Le cortège traversant les rues Saint-Martin, Saint-Denis, Saint-Honoré, se rendit par le Cours-la-Reine à un pont de bateaux construit sur la rivière, à travers une population innombrable qui inondait les rues, couvrait les quais, se pressait à toutes les fenêtres. Sur le passage, ce n'étaient que bénédictions et vivat. Les hommes accourus au-devant des fédérés leur tendaient la main avec transport ; les femmes leur venaient offrir du vin et des fruits[73]. Dans la rue de la Ferronnerie, les Béarnais s'arrêtèrent tout à coup, et saluèrent en silence le lieu où Henri IV fut assassiné[74]. A la place Louis XV, l'Assemblée nationale rejoignant le cortège, y prit place entre le bataillon des vieillards et celui des enfants, vive image des fêtes lacédémoniennes dont parle Plutarque[75]. On s'était mis en marche à huit heures du matin, et ce fut à trois heures et demie seulement qu'on atteignit le Champ de Mars.

Là un spectacle d'une grandeur inouïe, auquel se mêlait je ne sais quel charme attendrissant. Environné d'arbres et d'arbustes, le Champ de Mars apparaissait comme plongé dans un océan de verdure. Quatre cent mille spectateurs, hommes et femmes, s'étageaient sur des gradins décrivant un cintre incliné, tout le long d'un cirque, qui, ouvert par un arc de triomphe, se terminait par la façade de l'École militaire. De ce côté, huit vastes galeries ornées et couvertes dont le trône occupait le milieu. Le roi avait un habit à la française[76] : pas de sceptre, pas de couronne, pas de manteau de pourpre, aucun de ces hochets dont s'amuse la servilité des peuples qui ne sont point sortis de l'enfance ou qui y sont retombés. La reine portait des plumes aux couleurs de la nation[77]. Au milieu, l'Autel de la patrie, et sur les marches, vêtus d'aubes blanches que coupaient des ceintures tricolores, la face tournée vers la rivière, deux cents prêtres[78].… et à leur tête cet évêque au regard ironique, au sourire faux, Talleyrand !

A trois heures et demie la cérémonie commença. Après la messe qui fut célébrée au son des instruments militaires, l'évêque d'Autun bénit les quatre-vingt-trois bannières. Puis, le canon retentit. S'avançant aussitôt et appuyant sur l'Autel son épée nue, Lafayette prononça le serment. Alors, avec le roulement des tambours, avec le bruit de cent pièces d'artillerie, qui d'échos en échos devait faire parvenir jusqu'aux frontières l'auguste nouvelle[79], un cri s'éleva, un seul cri poussé par quatre cent mille bouches. Sous la même inspiration, par un même mouvement, tous les bras se tendirent vers l'Autel de la patrie. Au loin, les spectateurs dont les fenêtres étaient chargées s'unirent à cet élan, et l'on cita un père qui prit la main de son fils au berceau pour le faire participer à l'engagement sacré[80]. Le roi, contre l'attente générale, ne se rendit pas à l'Autel. Ce fut de sa place, à haute voix du reste et d'un air satisfait[81], qu'il dit : Moi, roi des Français, je jure d'employer le pouvoir que m'a délégué l'acte constitutionnel de l'État, à maintenir la constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par moi. En ce moment, le temps qui était sombre s'éclaircit, les averses que depuis le matin chassait devant lui le vent du nord, cessèrent tout à coup, et un rayon de soleil perçant les nuages, fit étinceler le Champ de Mars[82]. La reine montra son fils au peuple : mouvement inattendu, dit Ferrières, qui fut payé par mille cris de vive la reine ! vive le Dauphin ! Mais ces cris, selon Loustalot, ne partirent que de la galerie des privilégiés, la galerie couverte[83].

Vinrent ensuite les réjouissances, les farandoles joyeuses, les danses de la Provence, celles de l'Auvergne[84]. Il avait beaucoup plu dans la journée, et l'eau ruisselait le long des chapeaux, des robes, des habits ; mais cela même fournissait matière à des accès de gaieté, et plus d'un pensa peut-être ce qu'Anacharsis Clootz écrivait à madame de Beauharnais : Qui sait jusqu'où l'idolâtrie provençale pour le roi nous aurait menés avec un coup de soleil sur nos têtes combustibles ? La chaleur étouffa le philosophe Thalès aux jeux olympiques, mais la pluie n'a jamais tué personne[85].

Le soir, vingt-deux mille couverts attendaient les fédérés dans les jardins de la Muette. Les tables, raconte Camille Desmoulins, furent servies avec une magnificence digne d'Antoine ; mais il se hâta d'ajouter : C'est avec ces vingt-deux mille tables que César faisait supporter sa dictature ; si bien que lorsque ensuite les Caton et les Tubéron voulant, pour satisfaire à l'usage établi, régaler le peuple, étendaient sur le triclinium des peaux de chèvre, ils étaient rejetés de la préture[86].

Loustalot, de son côté, ne fut pas sans accompagner de quelques remarques chagrines l'expression de sa joie patriotique. Il trouva mauvais que le roi, qui essuyait à la chasse les plus fortes pluies, n'eût pas consenti à aller à pied, parce qu'il pleuvait, au milieu de la nation délibérante et armée. Il demanda pourquoi on avait, arboré un drapeau blanc sur le trône ; il se plaignit surtout des scènes d'idolâtrie dont Lafayette avait été l'objet, de la part d'un certain nombre de fédérés qu'on avait vus, au Champ de Mars, se jeter à ses genoux et embrasser ses mains, son habit, ses bottes, jusqu'à la selle de son cheval blanc[87]. Il est certain que, s'il y avait eu un héros de la journée, c'était lui, et le peuple l'avait beaucoup applaudi avalant avec une intrépide confiance un verre de vin que lui présentait un inconnu[88].

On juge si Mirabeau fut inconsolable d'un tel triomphe ! Aussi, dînant ce soir-là en compagnie de l'abbé Sieyès et de Stanislas Girardin, il leur dit d'un ton plein d'amertume : Avec un pareil peuple, si j'étais appelé au ministère, poignardez-moi ; car un an après, vous seriez tous esclaves[89].

Quant à Marat, sa fureur était au comble. Pourquoi cette joie effrénée ? pourquoi ces témoignages stupides d'allégresse ? La Révolution n'a été encore qu'un songe douloureux pour le peuple[90].

Ainsi, la solennité de la Fédération n'était pas encore terminée, que déjà le patriotisme alarmé, l'ambition déçue, l'envie, les noirs pressentiments, prenaient la parole. N'importe ! un grand acte venait d'être accompli, et l'histoire de la nation française comptait un beau jour de plus.

Les Parisiens ne voulaient pas se séparer si vite de leurs frères de la province ; ils les retinrent, le plus longtemps qu'ils purent, par des fêtes. Devant eux, avec eux, ils portèrent en triomphe, orné d'une couronne civique et ceint d'une écharpe de feuilles de chêne, le buste de l'immortel Jean-Jacques[91]. Trois nuits durant, l'emplacement de la Bastille servit de salle de bal. L'illumination offrait le plan régulier de la forteresse. Quatre-vingt-trois arbres qu'on avait transplantés portaient presque à chacune de leurs branches des lampions de diverses couleurs, formant une immense voûte de lumière. Sur le lieu même où avaient été trouvés des squelettes de prisonniers, une entrée lugubre conduisait à une caverne dans laquelle on apercevait un homme et une femme enchaînés, s'appuyant sur un globe : c'étaient les figures qui avaient si longtemps décoré le cadran de l'horloge de la Bastille. Au seuil des anciens cachots convertis en bocages, on lisait cette inscription d'une simplicité sublime : Ici l'on danse[92].

Parmi les pièces de théâtre que la circonstance inspira, il y eut deux comédies[93] qu'il n'est pas sans intérêt de rappeler, à cause du nom de leurs auteurs : l'une était de Ronsin, l'autre de Collot d'Herbois.

On avait remarqué au Champ de Mars trois cents Anglais portant sur leur poitrine un ruban avec ces mots : Ubi libertas, ibi patria[94]. C'était bien comprendre l'esprit de la Fédération. Et en effet, ce ne fut pas seulement à Paris qu'on la célébra. A Londres, il se donna, à cette occasion, plusieurs festins patriotiques, un entre autres où Sheridan, le docteur Price assistèrent, et que présida lord Stanhope. On y but à la majesté du peuple, à la destruction de la Bastille, à la Révolution, à la France[95].

Ô dominateurs des nations, prenez-leur la liberté, s'ils ont la folie de vous la livrer ; mais gardez-vous d'avilir ou d'épuiser leur enthousiasme ; oui, grâce au moins pour l'enthousiasme, feu divin, plus important à conserver chez un peuple que celui que les vierges antiques entretenaient sur l'autel de Vesta !

Telle fut cette fête de la Fédération, image anticipée d'un monde nouveau, véritable prophétie en action, la plus surprenante peut-être et la plus haute vision de l'avenir qu'ait jamais eue un grand peuple. Sans doute il ne fut pas tenu, ce serment qui se liait à des espérances, hélas ! trop tôt déçues ; mais la France n'en avait pas moins écrit là et de manière qu'il fût impossible de la déchirer désormais, la première page d'un livre destiné à être repris plus tard et continué. Peuple léger, disent du peuple français les esprits superficiels, en le voyant tour à tour sublime et tombé, aujourd'hui plein d'un glorieux délire, demain abattu, tantôt emporté jusqu'à la licence, tantôt connue endormi aux pieds d'un maître. Les détracteurs de la France ne se doutent pas qu'il n'y a en ceci de léger qu'eux-mêmes, et qu'à la frivolité de leur appréciation se mêle le crime de l'ingratitude. Si la France est livrée au tourment d'une fluctuation perpétuelle ; si sa vie se compose d'une alternative de succès et de revers ; s'il lui est donné d'étonner la terre par tant d'aspects divers et imprévus, c'est parce que l'initiative du progrès moral est en elle, parce que son sol est le champ de toutes les expérimentations de la pensée ; c'est parce qu'elle cherche, parce qu'elle explore, parce qu'elle se risque, parce qu'elle souffre et se bat, parce qu'elle court les aventures, pour le compte du genre humain tout entier. Lorsque, au prix de fatigues mortelles, elle se trouve avoir fait quelque découverte précieuse ; lorsque, le sein déchiré, elle se trouve avoir remporté quelque magnanime victoire, si, baignée dans son sang et épuisée, elle se couche un moment sur le bord du chemin pour reprendre des forces, les autres nations la montrent du doigt d'un air railleur, et elles avancent avec calme, elles qui profitent du résultat sans s'être affaiblies par l'effort, en faisant honneur à leur propre sagesse de ce qu'elles doivent au dévouement du peuple précurseur et martyr. Dieu veuille, nous disait un jour le plus profond penseur de l'Angleterre moderne, John Stuart Mill, Dieu veuille que jamais la France ne vienne à manquer au monde ! Le monde retomberait dans les ténèbres. Le philosophe anglais disait vrai. Il est un flambeau à la lueur duquel tous les peuples marchent, quoique à pas inégaux, du côté de la justice, et comme il est porté à travers les tempêtes, li ne faut pas s'étonner si quelquefois, sous le souffle de l'aquilon, il vacille et semble près de s'éteindre. Or, c'est la France qui le tient, ce flambeau !

 

 

 



[1] Traité fédératif des quatorze villes bailliagères de la province de Franche-Comté, dans la Bibliothèque historique de la Révolution. — FÉDÉRATIONS, 298-299. British Museum.

[2] Procès-verbal du serment prêté par les officiers et soldats des gardes nationales du Vivarais et du Dauphiné, réunis dans la plaine de l'Étoile. — FÉDÉRATIONS, 298-299. British Museum.

[3] Procès-verbal de la Fédération du Rhin, dans la Bibliothèque historique de la Révolution. — FÉDÉRATIONS, 296-297. British Museum.

[4] Relation du camp fédératif sous les murs de Lyon, le 30 mai 1790. — FÉDÉRATIONS, 296-297. British Museum.

[5] Cérémonie de la Fédération, telle qu'elle a été exécutée à Lyon. — FÉDÉRATIONS.

[6] Relation du camp fédératif sous les murs de Lyon. — FÉDÉRATIONS.

[7] Voyez les Mémoires de madame Roland, t. I. Discours préliminaire.

[8] Relation du camp fédératif sous les murs de Lyon. Ubi supra.

[9] Règne de Louis XVI, t. VI, § X. Paris, 1791.

[10] Procès-verbal de la Fédération faite à Orléans le 9 mai 1790, entre les provinces de l'Orléanais, de la Touraine, du Nivernais, du pays Chartrain. Ubi supra.

[11] Règne de Louis XVI, t. IV, § X.

[12] Règne de Louis XVI, t. IV, § X.

[13] Procès-verbal de ce qui s'est passé à l'assemblée générale des gardes nationales confédérées de Franche-Comté, d'Alsace et de Champagne, tenue dans la ville de Dôle, le 21 février 1790. Ubi supra.

[14] Règne de Louis XVI, t. IV, § X.

[15] Règne de Louis XVI, t. IV, § X.

[16] Règne de Louis XVI, t. IV, § X.

[17] Voyez le Procès-verbal de la Fédération faite à Orléans, le 9 mai 1790, dans la Bibliothèque historique de la Révolution. — FÉDÉRATIONS 296-297. British Museum.

[18] Procès-verbal de la Fédération faite sur le mont Sainte-Geneviève, près Nancy, le 19 avril 1790. Ubi supra.

[19] If our Saxon-puritanic friends swore and signed their national covenant, without discharge of gunpowder or the beating of any drum, in a dingy covenant-close of Edinburgh high street, in a mean room, where men now drink mean liquor, it was consistent with their ways so to swear it. — Carlyle, the French Revolution, vol. II, chapter IX.

[20] Confédération nationale. — Récit exact de tout ce qui s'est passé à Paris le 14 juillet 1790, à la Fédération, p. 2. Paris, l'an II de la liberté.

[21] Confédération nationale. — Récit exact de tout ce qui s'est passé à Paris le 14 juillet 1790, à la Fédération, p. 2. Paris, l'an II de la liberté.

[22] Confédération nationale, p. 14-17.

[23] Confédération nationale, p. 22-23.

[24] Chronique de Paris, n° 172.

[25] Révolutions de Paris, n° 175, et Journal des Révolutions de l'Europe, t. II, p. 83.

[26] Biographie universelle.

[27] Bibliothèque historique de la Révolution. — ANACHARSIS CLOOTZ, 775, 776 et 777. British Museum.

[28] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. VI.

[29] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. VI.

[30] Voyez les Mémoires de Ferrières, t. II, liv. VI, et les Annales de la Révolution française, par Bertrand de Molleville, t. II, chap. XXVI.

[31] Bibliothèque historique de la Révolution. — ANACHARSIS CLOOTZ, 775, 776 et 777. British Museum.

[32] Le Défenseur de la liberté, n° XVI.

[33] L'Ami du Peuple, n° CLI.

[34] Révolutions de Paris, n° 51.

[35] L'Ami du Peuple, n° CLI.

[36] Confédération nationale, p. 41-42.

[37] Ferrières lui-même, sans entrer dans les détails, avoue que l'accueil fait au duc fut des plus offensants. Voyez ses Mémoires, t. II, liv. VII.

[38] Mémoires de Weber, t. II, chap. IV, p. 25. Collection Berville et Barrière.

[39] Bibliothèque historique de la Révolution. — ANACHARSIS CLOOTZ, 775, 776 et 777. British Museum.

[40] Confédération nationale, p. 43-45.

[41] Confédération nationale, p. 41.

[42] L'Ami du Peuple, n° CLXV.

[43] L'Ami du Peuple, n° CLXVI.

[44] Confédération nationale, p. 47-48.

[45] L'Ami du Peuple, n° CLXVI.

[46] Confédération nationale, p. 43-45.

[47] Révolutions de Paris, n° 52.

[48] Correspondance d'un habitant de Paris avec ses amis de Suisse et d'Angleterre, lettre X, à M. le baron d'E*** à L*** dans la Bibliothèque historique de la Révolution. — HISTOIRE, 1308, 1309, 1310. British Museum.

[49] Révolutions de Paris, n° 52.

[50] Révolutions de France et de Brabant, n° 34.

[51] Révolutions de Paris, n° 52.

[52] Révolutions de Paris, n° 52.

[53] Révolutions de France et de Brabant, n° 34.

[54] Correspondance d'un habitant de Paris avec ses amis de Suisse et d'Angleterre, lettre X. Ubi supra.

[55] Révolutions de Paris, n° 52.

[56] Souvenirs de Louise Fusil, t. I, p. 167, 168.

[57] Souvenirs de Louise Fusil, t. I, p. 167, 168.

[58] Révolutions de France et de Brabant, n° 34.

[59] Confédération nationale, p. 68, et Révolutions de France et de Brabant, n° 34.

[60] Confédération nationale, p. 80-83.

[61] Bertrand de Molleville, Annales de la Révol. française, t. II, ch. XXVII.

[62] Révolutions de France et de Brabant, n° 34.

[63] Révolutions de Paris, n° 53.

[64] L'Ami du roi, n° 57.

[65] Le château des Tuileries, par Roussel, cité dans l'Histoire parlementaire, t. VI, p. 389.

[66] Douzième note du comte de Mirabeau pour la cour, dans la Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck, t. II, p. 105.

[67] Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck, t. II, p. 86.

[68] Je veux : 1° qu'on le désire ; 2° qu'on me le demande. Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de La Marck, t. II, p. 97.

[69] Lettre du comte de Mirabeau au comte de La Marck, p. 101.

[70] Ce discours est donné in extenso par Bertrand de Molleville, dans ses Annales de la Révolution française, t. II, chap. XXVII.

[71] Révolutions de Paris, n° 53.

[72] Révolutions de Paris, n° 53.

[73] Règne de Louis XVI, t. IV, § X.

[74] Règne de Louis XVI, t. IV, § X.

[75] Révolutions de France et de Brabant, n° 35.

[76] Confédération nationale, p. 137.

[77] Confédération nationale, p. 137.

[78] Correspondance d'un habitant de Paris avec ses amis de Suisse et d'Angleterre, p. 7 et suiv.

[79] Correspondance d'un habitant de Paris avec ses amis de Suisse et d'Angleterre, p. 7 et suiv.

[80] Confédération nationale, p. 137.

[81] Révolutions de Paris, n° 53.

[82] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. VII.

[83] Révolutions de Paris, n° 53.

[84] Révolutions de France et de Brabant, n° 35.

[85] Bibliothèque historique de la Révolution. — ANACHARSIS CLOOTZ, 775, 776, 777. British Museum.

[86] Révolutions de France et de Brabant, n° 35.

[87] Révolutions de Paris, n° 53.

[88] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. VII.

[89] Journal et souvenirs de Stanislas Girardin, t. I, p. 95 et 96. 1829, in-8°.

[90] L'Ami du Peuple, n° CLXII.

[91] Règne de Louis XVI, t. IV, § X.

[92] Règne de Louis XVI, t. IV, § X.

[93] Le Dîner des patriotes et la Famille patriote, jouées aux théâtres de Monsieur et du Palais-Royal.

[94] Journal des Révolutions de l'Europe, t. XII, p. 20. On lit dans l'Annual register, vol. XXXIII, chap. VII : The national Assembly received with uncommun applause the intelligence of the warm participation in this formal establishment of liberty in France, expressed by the various clubs and societies in England, instituted for the support and propagation of the principles of Freedom.

[95] Révolutions de France et de Brabant, n°35.