HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME QUATRIÈME

LIVRE QUATRIÈME

 

CHAPITRE XII. — LES JANSÉNISTES DANS L'ASSEMBLÉE.

 

 

Pourquoi les jansénistes et les voltairiens sur les mêmes bancs dans l'Assemblée. — En quoi la politique des seconds tenait à la doctrine religieuse des premiers. — Portrait de Camus. — Portée de la constitution civile du clergé et ses limites. — Discussion de la constitution civile du clergé. — Attitude des évêques. — Insouciance des révolutionnaires philosophes. Intervention de Robespierre dans le débat ; sens véritable de cette intervention. — Influence du Contrat social et de l'Émile. — La constitution civile du clergé adoptée. — Projet d'aliénation de tous les domaines nationaux. — Emportements soldatesques de l'abbé Maury. — L'Assemblée décrète l'aliénation de tous les domaines nationaux. — Cruelle anxiété de Louis XVI. — Sa lettre au Pape. — Avignon se donne à la Révolution en se donnant à la France. — La Jeanne d'Arc du jansénisme. — Arrivée de Suzanne Labrousse à Paris. — Erreur politique commise par les jansénistes. — Inconséquence des voltairiens de l'Assemblée. — Quelles devaient être les suites de la constitution civile du clergé. — Bénéfice que les prêtres rebelles recueillirent de la persécution. — Esprit du catholicisme.

 

Tandis que les adorateurs du dieu de Calvin triomphaient à Nîmes dans le sang, une victoire inattendue, plus apparente d'ailleurs que réelle, était remportée à Paris par les sombres disciples de Jansénius.

Supposez qu'en 1790 quelque étranger, quelque penseur, placé en dehors du tourbillon des passions contemporaines, fût entré dans l'Assemblée nationale, sans autre but que d'y étudier le jeu des partis, quel n'eût pas été, au premier abord, son étonnement ! Pourquoi, sur les bancs de la gauche, ces austères visages de moines à côté de ces figures épanouies de philosophes épicuriens et d'hommes de cour ? A quelle mystérieuse attraction pouvait avoir obéi Camus, par exemple, en allant s'asseoir si près de Mirabeau, si près d'Alexandre de Lameth et de Barnave ? N'était-ce pas chose singulière, inconcevable presque, que Saint-Cyran et Voltaire amenés à communier ensemble, au sein de la Révolution ?

Cela fut, pourtant. Oui, des esprits d'un scepticisme aimable ou déréglé se trouvèrent faire cause commune avec des âmes attristées par des croyances intolérantes et dures ; des hommes qui avaient grandi dans la haine des prêtres, qui se moquaient du paradis et regardaient Dieu comme un préjugé, s'allièrent sans façon à des hommes qui rêvaient de l'enfer, et tel que les impiétés de Diderot avaient charmé, prit pour compagnons d'armes, dans le grand combat, de pieux personnages, en qui vivaient, inaltérables, les traditions de Port-Royal.

Qu'on se rappelle en quoi consistait le jansénisme, et tout sera expliqué. Nous avons raconté ailleurs qu'un jour, à Port-Royal, Saint-Cyran et Antoine Le Maître, étant à s'entretenir des choses du ciel, ils furent tout à coup interrompus par un cri perçant, le cri d'un villageois qui appelait au secours pour sa femme en couches dont l'enfant venait de mourir, et, que là-dessus, Antoine Le Maître, ayant demandé quel était le sort des enfants ramassés par la mort au seuil même de la vie, Saint-Cyran lui fit cette sinistre réponse : Il est certain que le diable possède l'âme d'un petit enfant dans le ventre de sa mère[1]. Tout le christianisme interprété à la façon de Luther et de Calvin était là, et là aussi était tout le jansénisme. Jansénius et Saint-Cyran n'étaient-ils pas venus affirmer, après Luther et Calvin, que le péché originel a fondamentalement corrompu la nature humaine ; que l'abus du libre arbitre dans notre premier père a, dans l'innombrable foule de ses descendants, dépravé et détruit le libre arbitre à jamais ; que nul ne peut, par ses propres mérites, arriver au salut ; que ceux-là seuls échappent à la prise de Satan qui ont été rachetés par le sang du Christ, qui ont reçu la grâce, don sans égal, faveur spéciale accordée aux uns d'avance, et d'avance refusée aux autres, en vertu d'un arrêt arbitraire et insondable de la puissance divine ?

Que résultait-il de cette lugubre doctrine qui, ne voyant sur la terre que des élus et des réprouvés, prédestinait ces derniers à l'horreur d'une damnation éternelle, et faisait comme flotter le monde au-dessus de l'enfer ?

Ce qui en résultait ? d'abord, un prodigieux abaissement de toutes les majestés de convention, nobles et princes. Ah ! vous vous croyez mon supérieur parce que vous êtes le chef, parce que vous êtes le roi, parce que vous êtes l'empereur, parce que vous êtes le pape ! Qu'importe, si vous n'avez pas la grâce ? Sans la grâce, vous n'êtes plus que l'homme déchu, que l'héritier du crime d'Adam, que la proie prédestinée du démon ; et moi qui ai la grâce, moi le pauvre pâtre de la vallée, le mendiant couvert de haillons, j'ai le droit de vous dire et je vous dis : Roi, devant qui l'on s'incline, puissant empereur, pontife auguste, tombez à mes pieds !

Mais, ce même fatalisme qui écrasait sous le niveau de l'universelle infortune toutes les distinctions sociales et qui creusait entre les élus et les réprouvés un épouvantable abîme, il conduisait à prendre son parti de l'état d'infériorité matérielle et morale où végète le plus grand nombre. Si la damnation, l'éternelle damnation avait un caractère fatal, y avait-il quelque raison pour qu'il n'en fût point de même de l'ignorance et de la misère ? Ou plutôt, cet excès de fatigue auquel le gémissant troupeau des hommes est condamné, cette ombre épaisse dont l'intelligence du pauvre reste couverte depuis le berceau jusqu'à la tombe, l'ignorance et son avilissant empire, la faim et ses tourments, ne sont-ils pas une justification tragique de la théorie du péché originel ?

Ainsi, négation de la légitimité des grandeurs terrestres et consécration de la condition misérable du peuple ; en d'autres termes, exaltation du sentiment de l'égalité à l'égard des nobles, à l'égard des rois, et du sentiment de l'inégalité à l'égard du peuple, voilà les deux conséquences singulières, et en apparence contradictoires, qui, politiquement, découlaient du jansénisme.

Or, c'était de cette manière que les philosophes du dix-huitième siècle avaient compris la Révolution, et elle n'était pas entendue autrement par leurs nourrissons de l'Assemblée constituante, lesquels formaient, mêlés à quelques rares disciples de Rousseau, tout le côté gauche. Quoi de plus naturel, après cela, qu'une alliance politique entre les philosophes sceptiques de l'Assemblée et les jansénistes ?

Mais une alliance n'est durable qu'à la condition de profiter aux deux parties : les jansénistes appuyant les philosophes en matière politique, les philosophes se laissèrent aller à appuyer les jansénistes en matière de théologie ; et il advint que ceux en qui les sources de la foi étaient desséchées, se joignirent avec une ardeur étrange à ceux qui ne demandaient qu'à les raviver. Régénérer l'Église, devint le mot d'ordre de tout un groupe de hardis penseurs accoutumés jusque-là au désir de la détruire.

Fréteau, Treilhard, Martineau, jansénistes bien connus, furent les membres influents du comité ecclésiastique ; mais c'était surtout à l'impulsion de Camus qu'il obéissait, Camus, la personnification la plus complète de la secte qu'avaient tant illustrée les Sacy, les Nicole, le grand Arnauld, et enfin, Blaise Pascal.

Il n'en était pas de Camus comme de l'abbé Grégoire. En celui-ci, du moins, l'aménité du sourire se mariait à la sévérité d'un front plein de graves pensées et à l'éclair des yeux ; c'était bien toujours Saint-Cyran, mais un Saint-Cyran, ami des pauvres, ami des comédiens qu'on foulait aux pieds, et des juifs qu'on montrait du doigt, un Saint-Cyran, protecteur des esclaves, et en qui brillait je ne sais quel charmant, quel lointain reflet de la tendresse de Fénelon. Camus, au contraire, représentait le jansénisme sous tous ses aspects, même les moins aimables : il en avait la violence contenue, la rigidité, l'ascétisme à peine adouci par l'amour des lettres, et l'humeur factieuse unie à des mœurs imposantes. Personne n'était aussi propre que lui à l'accomplissement des devoirs qui veulent de l'exactitude ou de la vigueur ; et l'Assemblée l'avait si bien senti, qu'elle lui avait confié de préférence le soin de percer le mystère dont les déprédations monarchiques s'enveloppaient. Qu'il y eût dans Camus ce fonds de dureté que les solitaires de Port-Royal avaient tiré de la nature de leur doctrine, cela n'est pas douteux ; mais il y joignait le calme méprisant, l'intrépidité froide, le stoïcisme, qu'ils avaient déployés sous le bras d'airain de Richelieu. De lui, plus que de tout autre, vint cet ensemble de mesures législatives qui, sous le nom de Constitution civile du clergé, devait bouleverser l'armée des prêtres.

Les jansénistes, on le sait, n'allaient pas jusqu'à nier le pape, qu'ils prétendaient toutefois mettre en sous-ordre, à peu près comme les meneurs de la bourgeoisie révolutionnaire s'abstenaient de nier la royauté, qu'ils brûlaient cependant d'asservir. Camus et les siens n'eurent garde de dire qu'ils entendaient altérer l'établissement catholique, porter la main sur les droits du souverain pontife. Leur but, tel qu'ils le proclamèrent, était seulement de régler les rapports du clergé avec la constitution nouvelle, de ramener la justice dans l'administration ecclésiastique, de refaire la carte de l'épiscopat d'après les principes qui avaient servi à refaire celle de la France, et de donner à la hiérarchie cléricale la même base qu'à la hiérarchie politique : l'élection.

Il existait des évêchés qui embrassaient quinze cents lieues carrées, et d'autres qui n'en embrassaient que vingt ; il existait des cures de dix lieues de circonférence, et d'autres qui contenaient quinze ou vingt feux[2] : pourquoi pas un siège épiscopal par département ? pourquoi pas une paroisse par commune ?

Entre les mains du roi, ou plutôt, entre les mains des courtisans et des courtisanes, des ministres et de leurs maîtresses, l'abus du droit de collation était devenu si scandaleux qu'on pouvait citer tel évêque dont la mitre était le prix payé pour une nuit de débauche, et tel abbé qui devait son bénéfice à la protection amoureuse d'une prostituée à la mode : n'était-il pas temps de revenir aux mœurs de la primitive Église et de rendre au peuple le choix de ses pasteurs ?

Il y avait des cures où un misérable revenu de sept cents livres était tout le salaire promis à de rudes travaux, et des bénéfices qui rapportaient jusqu'à douze mille livres de rente à l'oisiveté de leurs gras possesseurs[3] : est-ce qu'elle était un article de foi, cette répartition inique ?

En posant de pareilles questions, le comité ecclésiastique n'empiétait certes, ni sur l'autorité papale, puisque les dignitaires ecclésiastiques, choisis jusqu'alors par le roi, n'avaient jamais reçu du pape que l'institution ; ni sur la juridiction de l'Église, puisqu'une nation ne saurait, sans abdiquer, renoncer au droit de modifier le matériel du culte, de changer l'état temporel des ministres de la religion et d'altérer les formes extérieures suivant lesquelles ces ministres doivent propager la doctrine. Mais quoi ! cette Église, à qui Grégoire VII avait légué son immortel orgueil, et qui, depuis tant de siècles, se plaisait à peser sur la tête des maîtres de la terre, pouvait-elle tout à coup descendre à obéir ? Était-il permis d'espérer qu'elle se mettrait au pas du siècle en marche, elle, dont il semble que Josué ait voulu autrefois caractériser d'avance le fol empire, lorsque, d'un geste impie, il ordonna l'immobilité au soleil ? Est-ce que les jésuites n'étaient pas là, toujours là, inflexibles dans leur souplesse immense, et la main étendue sur le monde ? Ah ! comme au temps de Philippe le Bel, la résistance était toute prête ; et il se trouva cette fois, que l'indomptable génie de Boniface VIII avait passé les monts !

Ce fut le haut clergé — et rien n'était plus digne de lui —, qui donna le signal d'un soulèvement. On parlait d'interdire aux prêtres de bonne maison le luxe, l'avarice, l'or avec lequel on se corrompt et l'on corrompt, quelle impiété abominable ! Dans la désignation du pasteur, on voulait que le fidèle fût pour quelque chose et l'on osait se souvenir que Milan dut autrefois à l'élection populaire son grand Charles Borromée, ô comble de la profanation ! Le 29 mai, l'archevêque d'Aix parut à la tribune, et dit :

Jésus-Christ a transmis à ses apôtres, et ceux-ci ont transmis aux évêques, leurs successeurs, le pouvoir d'enseigner ses dogmes. Il ne l'a confié ni aux magistrats, ni aux rois, ni aux administrateurs civils. Vous êtes tous soumis à l'autorité de l'Église, parce que nous tenons cette autorité de Jésus-Christ. Et le hautain prélat conclut à la convocation d'un concile national[4].

On aurait pu lui répondre qu'il ne s'agissait pas de toucher aux dogmes ; que les révolutionnaires n'avaient nulle envie de se partager, comme firent les Juifs, la robe du Christ mise en lambeaux ; que l'unique question était de savoir si on en finirait, oui ou non, avec des abus qui avilissaient l'Église ; que ces abus étaient sans nombre ; qu'on avait vu mademoiselle Guimard, maîtresse affichée de l'évêque Jarante, promouvoir des ecclésiastiques du fond des coulisses de l'Opéra ; qu'il y avait, rue de la Chaussée-d'Antin, un hôtel élégant où les prélats avaient coutume d'être reçus en audience par une danseuse ; que l'archevêque de Narbonne avait établi à son abbaye de Haute-Fontaine un sérail, devenu fameux ; que le cardinal de Montmorency, grand aumônier de France, avait vécu publiquement à Metz avec madame de Choiseul, une abbesse ; que Breteuil, évêque de Montauban, que Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux, étaient cités pour leurs galanteries, et que tout cela prouvait de reste la nécessité de purifier la source où les dignités de l'Église prenaient naissance. Un écrivain royaliste et ecclésiastique, peu suspect conséquemment d'exagération jacobine[5], raconte, après avoir constaté les faits qui précèdent, qu'à Granselve, dans le département du Gers, les Bernardins célébraient la fête de leur patron par des orgies qui duraient quinze jours. On se rendait à cette abbaye, dit-il, de quinze à vingt lieues, pour prendre part aux festins, aux divertissements de toute espèce. L'abbaye formait une petite ville, tant les bâtiments abbatiaux et leurs dépendances étaient multipliés. Il y avait le quartier des dames, et chacune trouvait dans son appartement les objets nécessaires à l'habillement et à la toilette. Chaque religieux avait ses chevaux ; on chassait dans les forêts dépendantes de l'abbaye ; on jouait la comédie ; on passait la nuit au jeu, à la danse ; les tables étaient servies à toute heure, et l'on n'avait dans cette abbaye d'autre danger à courir que celui des indigestions et des apoplexies entre les bras d'une dame. Inutile d'ajouter que chaque religieux avait sa maîtresse. JE RAPPORTE CES FAITS PARCE QUE J'EN AI ÉTÉ TÉMOIN ; tout le haut Languedoc pourrait les certifier, tant la fête de Saint-Bernard, à Granselve, était célèbre et courue ![6]

Encore n'était-il pas nécessaire d'aller chercher si loin des scandales à remuer ; car, précisément à l'époque où les plus dévots personnages de l'Assemblée venaient proposer la régénération de l'Église, voici ce qu'on lisait, non dans d'obscurs libelles, non dans la feuille haineusement crédule de Marat, mais dans des journaux d'une réserve et d'une gravité reconnues, comme la Chronique de Paris : Madame de M*** allait au couvent de Saint-Cyr. Elle demande la route à une paysanne, qui la lui indique. Mais à peine est-elle arrivée, qu'elle voit accourir une foule de paysans qui demandent à grands cris l'abbé Maury, lequel venait de s'introduire, déguisé en femme, dans le couvent. Madame de M*** est contrainte de donner à des femmes de la troupe des preuves certaines de son sexe, et toute la bande se retire. Le récit de cette affaire a été envoyé par madame de M*** elle-même au comité des rapports de l'Assemblée nationale[7]. Or, malheureusement, les mœurs de l'abbé Maury n'avaient rien qui rendit l'aventure invraisemblable.

Les jansénistes pouvaient donc aisément, si tel eût été leur plaisir, foudroyer leurs adversaires : ils crurent mieux faire en se montrant calmes et modérés. Treilhard, dans sa réplique à l'archevêque d'Aix, parla le langage de la raison, sans céder à la tentation d'accuser. L'évêque de Clermont ayant réitéré violemment la demande d'un concile national faite par l'archevêque d'Aix, et déclaré d'avance qu'il ne se soumettrait à aucun des décrets qu'allait voter l'Assemblée, Camus affirma froidement le mérite des propositions du comité. Nous sommes une convention nationale, dit-il à tous ces prêtres qui voulaient un concile, et il prononça, moins comme une menace applicable au présent que comme une vérité qui réservait les droits de l'avenir, cette rude, cette forte parole : NOUS POURRIONS CHANGER LA RELIGION[8].

Les évêques étaient furieux ; mais la passion ne leur fournit rien qui pût suppléer aux raisonnements qui leur manquaient ; pas un cri puissant ne s'échappa de leurs lèvres contractées par la colère ; pas une éloquente injure, sortie du fond de leurs âmes émues, n'alla provoquer l'invective de la part de leurs ennemis. Ils secouèrent d'une main impuissante la poussière de quelques textes rongés des vers ; ils cherchèrent des échos à cette voix, déjà bien éloignée, du concile de Trente, que le siècle n'était plus en état d'entendre. Avec d'Éprémesnil, ils dénoncèrent un schisme affreux prêt à se déclarer ; avec l'évêque de Clermont, ils appelèrent hérétique l'abbé Gouttes, parce qu'il ne s'était point servi du mot pape en parlant du pape ; puis, un beau jour, à bout de sophismes, fatigués de leurs protestations, accablés de la stérilité de leurs emportements, n'en pouvant mais, ils se levèrent tout à coup, et renouvelant une scène trop souvent répétée pour produire quelque effet, ils sortirent de la salle[9].

Les philosophes sceptiques les suivirent de l'œil en hochant la tête et restèrent tranquilles à leurs places. Eux, du reste, ils se mêlèrent peu à ce débat : quel eût pu y être leur rôle ? Que leur importait, au fond, qu'on introduisît la décence dans le temple ? Le temple ? Diderot leur avait appris que le mieux serait de s'en passer, et ils croyaient l'entendre encore s'écriant : ÉLARGISSEZ DIEU ! Aux jansénistes de réformer l'Église, s'il se pouvait, et certes c'était bien assez que de les laisser faire et d'avoir l'air de les applaudir, pour des lecteurs de l'Encyclopédie !

Seul, parmi ceux des membres de la gauche que n'animait pas l'esprit de Saint-Cyran, Robespierre parut prendre intérêt à la discussion. Ici, c'était l'homme de Rousseau qui intervenait.

Rousseau avait écrit[10] :

Il y a une profession de foi purement civile dont il appartient au souverain de fixer les articles, non pas précisément comme dogmes de religion, mais comme sentiments de sociabilité, sans lesquels il est impossible d'être bon citoyen ni sujet fidèle. César, plaidant pour Catilina, tâchait d'établir le dogme de la mortalité de l'âme : Caton et Cicéron, pour le réfuter, ne s'amusèrent point à philosopher ; ils se contentèrent de montrer que César parlait en mauvais citoyen et avançait une doctrine pernicieuse à l'État. En effet, voilà de quoi devait juger le sénat de Rome, et non d'une question de théologie… Les dogmes de la RELIGION CIVILE doivent être simples, en petit nombre, énoncés avec précision, sans explication ni commentaires. L'existence de la divinité, puissante, intelligente, bienfaisante, prévoyante et pourvoyante ; la vie à venir, le bonheur des justes, le châtiment des méchants, la sainteté du contrat social et des lois, voilà les dogmes positifs.

 

Disciple fidèle de Rousseau, Robespierre croyait comme lui à la nécessité de cette RELIGION CIVILE. Plusieurs se sont imaginé l'avoir compris en le représentant dévot et poursuivi par une secrète préoccupation des choses de l'autre vie : erreur C'était un homme d'ordre, voilà tout. Dépourvue de ce lien moral que forme la communauté d'un certain nombre de croyances primordiales, la société n'était plus à ses yeux qu'une proie promise au chaos, et c'est en ce sens seulement qu'il fut religieux. Sa religion, ainsi que celle de son maître, ne se composa que de dogmes relatifs à l'accomplissement des devoirs sociaux et des vertus civiques. Elle n'eut rien de mystique, rien de nébuleux, et si, plus tard, nous le rencontrons, sur la route où la Révolution traîna la pensée, proclamant l'immortalité de l'âme, et ployant le genou devant l'Être suprême, qu'on se rappelle Caton criant à César, toute question de théologie mise à part : affirmer le dogme de la mortalité de l'âme, c'est avancer une doctrine pernicieuse à l'État.

Aussi, quelles furent les paroles de Robespierre, dans le débat sur la constitution civile du clergé ? Laissant de côté le ciel pour s'occuper de la terre :

Les prêtres, dit-il, sont, dans l'ordre social, des MAGISTRATS.

De cette notion bien simple dérivent trois principes que j'appliquerai aux trois chapitres du plan du comité.

Premier principe : Toutes les fonctions publiques sont d'INSTITUTION SOCIALE ; elles ont pour but l'ordre et le bonheur de la société. Devant cette maxime disparaissent les bénéfices, les établissements sans objet.

Second principe : Les OFFICIERS ECCLÉSIASTIQUES étant institués pour le bien du peuple, le peuple doit les nommer.

Troisième principe : Les OFFICIERS ECCLÉSIASTIQUES étant établis pour le bien de la société, il s'ensuit que leur traitement doit être mesuré à l'utilité générale.

 

Répondant ensuite à une motion de l'abbé Jacquemard, qui avait proposé l'élection des chefs des prêtres par les prêtres, Robespierre fit voir le danger de souffrir que le clergé agît dans l'État comme corps. A quoi bon, d'ailleurs, ce privilège électoral dont on prétendait l'investir ? Le clergé n'est pas plus pur que le peuple, je conclus pour le peuple[11].

C'était bien là l'esprit du Contrat Social ; et quant au sentiment qui avait dicté à l'auteur d'Emile les touchantes pages du Vicaire Savoyard, Robespierre ne le reproduisit pas d'une manière moins saisissante, lorsqu'il dit :

J'invoque la justice de l'Assemblée en faveur des ecclésiastiques qui ont vieilli dans le ministère et qui, à la suite d'une longue carrière, n'ont recueilli de leurs travaux que des infirmités. Ils ont aussi pour eux le titre d'ecclésiastiques, et quelque chose de plus, l'indigence. Je demande que l'Assemblée déclare qu'elle pourvoira à la subsistance des ecclésiastiques de soixante-dix ans qui n'ont ni pensions ni bénéfices[12].

 

Ce vœu ne fut pas exaucé : il n'était d'accord ni avec l'indifférence des voltairiens, ni avec la sécheresse de cœur des jansénistes.

Après une discussion qui occupa presque tout le mois de juin, la constitution civile fut adoptée. Les décrets qui en posèrent les bases portaient :

Qu'il y aurait un siège épiscopal par département et une paroisse par commune ;

Que l'élection des évêques et des curés appartiendrait désormais au peuple ;

Que les fonctions épiscopales et curiales seraient gratuites et ceux qui les remplissaient salariés par le trésor public ;

Que le traitement des évêques serait de cinquante mille livres à Paris ; de vingt mille, dans les villes de cinquante mille âmes, et de douze mille, dans celles de moindre importance ;

Que les curés auraient, à Paris, six mille livres ; dans les villes, de quatre mille à deux mille quatre cents ; dans les bourgs et villages, de deux mille à douze cents.

Enfin que le traitement des vicaires ne serait pas moins de sept cents livres.

C'était, y compris les pensions des religieux et des religieuses, une somme de soixante-dix-sept millions que l'Assemblée nationale affectait à la dotation du clergé[13].

Une fois cette décision prise, plus d'obstacle à la vente des domaines nationaux : le 25 juin, reprenant les idées déjà émises à ce sujet quelques jours auparavant par l'évêque d'Autun, le duc de la Rochefoucauld vint proposer, au nom des domaines et des finances réunis, que l'aliénation, non plus seulement de quatre cents millions des biens du clergé, mais de l'ensemble des domaines nationaux, fût décrétée, exception faite de ceux dont la jouissance avait été spécialement réservée au roi. La mesure des ressentiments du clergé était comble : l'abbé Maury s'en fit l'organe, et les déshonora par d'outrageantes apostrophes, par des actes de brutalité soldatesque et des affirmations de nature à jeter les esprits dans un trouble immense. Il appela la vente des domaines nationaux une impure manœuvre d'agiotage ; il appela Talleyrand, évêque d'Autun, un complice des maltôtiers de la rue Vivienne ; il se mit en devoir de défendre la tribune comme il aurait pu faire d'une ville assiégée, contre le duc de la Rochefoucauld qui se présentait pour lui répondre, porta violemment la main sur lui, et le repoussa au risque de le renverser[14] ; puis, joignant à cet excès d'emportement les calculs d'une haine réfléchie : Avant d'aliéner les biens du clergé, s'écria-t-il, il est indispensable de connaître la dette publique. Eh bien ! je tiens d'un membre du comité de liquidation qu'elle monte à sept milliards[15].

Un frémissement d'indignation courut le long des bancs de la gauche. A droite, on approuvait du geste ; on jouissait de l'épouvante prévue des créanciers de l'État ; on souriait[16]. Beaucoup de députés se lèvent tumultueusement, et, pleins d'anxiété, se répandent dans la salle. Lucas, Bouche, plusieurs autres s'agitent et protestent. Le curé Gouttes, président du comité de liquidation, se fait jour jusqu'à la tribune, d'où il laisse tomber un démenti véhément. De qui vient le mensonge ? Nommez ! nommez ! criait-on de toutes parts à l'abbé Maury, qui, le dédain sur les lèvres et l'insolence sur le front, s'enorgueillissait de la tempête. Dupont de Nemours lui ayant reproché d'avoir parlé au nom du comité même, il répondit : M. Dupont avance une imposture[17].

Cette déplorable scène avait trop duré. Anson affirma que la dette constituée était de deux milliards ; après quoi l'Assemblée ne voulut plus rien entendre. L'aliénation des domaines nationaux fut décrétée.

Restait à obtenir pour la constitution civile du clergé la sanction royale. Mais l'enfer se serait tout à coup entr'ouvert sous ses pas, que Louis XVI n'aurait pas éprouvé plus de terreur. Un trouble invincible s'empara de lui à l'idée que sa sanction accordée était peut-être un péché mortel. Il demanda du temps, et la lettre suivante, qu'il écrivit secrètement au pape, révélera son cœur :

AU PAPE PIE VI.

2 juillet 1790.

Très-saint père,

J'ai vu les docteurs que vous avez choisis, et j'ai consulté des théologiens estimables. On a dû vous rendre compte des conférences qui ont eu lieu pendant quelques jours. Il n'est qu'une seule voix et qu'un même avis. On ne peut sanctionner des décrets contraires aux usages antiques de l'Église universelle, qui attaquent directement des dogmes sacrés, établissent parmi les évêques et le corps des pasteurs une hiérarchie nouvelle, et contrarient la discipline de l'Église gallicane. Dans la grande querelle qui divise le clergé de France, une grande partie des Français sont déclarés pour les prêtres dociles aux nouvelles lois ecclésiastiques émanées de l'Assemblée constituante. Mais l'opposition à ces lois nouvelles compte pour ses apologistes et ses défenseurs les théologiens les plus éclairés, les docteurs les plus célèbres, la très-grande majorité, pour ne pas dire l'universalité, des évêques de l'Église gallicane et tous les gens de bien attachés au culte de nos pères et à l'ancienne tradition. Si je refuse de sanctionner la constitution civile du clergé, il s'élève une cruelle persécution ; j'augmente le nombre des ennemis du trône et de l'autel ; je fournis un prétexte à la révolte ; je double les maux de la France. Si j'accorde ma sanction, quel scandale dans l'Église ! Je livre à nos ennemis communs l'héritage du Christ ; je punis de leur zèle, de leur fidélité, de leur attachement, les ministres du Seigneur qui ont respecté l'arche sainte ; j'écarte le bon pasteur, et j'introduis les loups dans la bergerie. Oh ! qui daignera me guider ? Très-saint père ! c'est en vous seul que j'ai mis mon espoir. L'Église gallicane réclame toute votre sollicitude, et le petit-fils de saint Louis, soumis au légitime successeur de saint Pierre, vous demande non-seulement des conseils, mais des ordres spirituels qu'il s'empressera de faire exécuter. Cependant, 'si les considérations humaines pouvaient être de quelque poids, si l'état actuel de la France pouvait obtenir quelque indulgence, si dans les affaires du ciel on pouvait consulter celles de la terre, ne conviendrait-il pas que je prisse le parti de temporiser ? Le peuple français, toujours épris des nouveautés, oublie bientôt ce qui fut l'objet de son enthousiasme ; l'idole qu'il élève fut souvent renversée le même jour. Le temps, l'expérience, le conseil des hommes sages, le ciel même (qui punit la France de nos erreurs communes, de mes propres fautes, et qui peut se laisser fléchir), ramèneront ce bon peuple égaré, au giron de l'Eglise, à ses usages antiques, à ses vrais pasteurs. Mais le temps presse ; l'esprit impur a soufflé : très-saint père, soyez l'interprète du ciel ! soyez l'ange de lumière qui dissipe les ténèbres. J'attends avec impatience votre décision, et cette bulle que le clergé de France sollicite, que les évêques réclament, et que vous demande le fils aîné de l'Église, toujours fidèle au Saint-Siège[18].

LOUIS.

 

Louis XVI était tout entier dans cette lettre : on y retrouve son humilité chrétienne, son asservissement aux prêtres, ses incertitudes, son impuissance à adopter la Révolution et à la renier franchement, sa faiblesse trop voisine de la fausseté, son penchant enfin à chercher au dehors un appui contre l'esprit nouveau, contre son siècle et contre lui-même.

De quelle nature pouvaient être les conseils que lui enverrait le pape ? Il lui était d'autant moins permis d'avoir un doute à cet égard, que, par le seul effet d'une attraction toute-puissante, la Révolution venait d'enlever Avignon au Saint-Siège. Il n'y avait pas, en effet, vingt jours que, dans cette ville, le peuple soulevé avait substitué, en grande pompe, aux armes du souverain pontife celles de la France[19], et il n'y avait pas une semaine, quand Louis XVI écrivit à Pie VI, que les députés d'Avignon, admis à la barre de l'Assemblée nationale, y avaient prononcé ces paroles solennelles :

Députés par un peuple indépendant et souverain, nous venons jurer une fidélité inviolable à la nation française. Nous osons le prédire : un temps viendra où tous les peuples accourront se réunir à elle, afin que tous les hommes soient frères… La France est libre ; nous ne pouvons le devenir que par elle, et nous nous jetons dans ses bras[20].

 

C'était donc à la Révolution qu'Avignon venait de se donner en se donnant à la France. Et il lui avait fallu pour cela se détacher avec violence de cet évêque de Rome auquel Louis XVI demandait un conseil suprême ! Il fut tel, ce conseil, qu'on devait l'attendre d'un homme doublement ennemi de la Révolution, et comme souverain pontife, et comme prince temporel. Louis XVI aurait dû le prévoir.

Que si maintenant on recherche quelle fut la valeur de cette constitution civile du clergé, du sein de laquelle tant d'agitations sortirent, on sera forcé de convenir que son adoption fut une tentative irréfléchie de la part des jansénistes de l'Assemblée ; et, de la part des voltairiens, leurs alliés politiques, une inconséquence pleine de périls.

Grande était l'erreur des premiers, s'ils se persuadèrent que leur sévérité charmerait l'esprit français et que la France, celle du XVIIIe siècle, prendrait feu pour leurs réformes pieuses. La vérité est que personne ne mit de la passion à défendre la constitution civile du clergé, alors que des trésors de colère étaient déployés contre elle ; de sorte que si elle créa des fanatiques, ce fut seulement parmi ses adversaires. Je me trompe : le jansénisme put croire un instant qu'il avait trouvé sa Jeanne d'Arc. Une jeune fille du Périgord, nommée Suzanne Courcelles de Labrousse, entendit des voix mystérieuses qui l'appelaient à sauver l'Église. La voilà qui part de son pays natal, arrive à Paris pieds nus, va droit aux docteurs de la loi, s'annonce comme l'envoyée du ciel, et les étonne par l'éloquence de ses brûlantes convictions. Elle parlait d'aller à Rome, de convertir les pécheurs, de gagner le Saint-Père aux idées nouvelles. Cela fit du bruit. Suzanne était une nature tendre, impétueuse, et qui, de bonne heure, avait été malade de cet enthousiasme des illuminés, prompt à se changer en folie quand il ne s'arrête pas au mysticisme. On racontait d'elle des choses extraordinaires. A neuf ans, déjà lasse de la vie et impatiente des joies du ciel, elle avait essayé de s'empoisonner[21]. Dans l'âge de l'amour, effrayée de se savoir charmante, elle s'était appliqué de la chaux vive sur le visage, sans pouvoir toutefois parvenir, ainsi qu'elle le désirait, à se rendre un objet d'horreur[22]. Étaient venues ensuite les attendrissements ineffables, les extases sans fin, les révélations. Elle fut recommandée à l'abbé Fauchet ; elle devint la mystique amie de Pontard, qui fut depuis l'évêque constitutionnel de la Dordogne ; elle entra en correspondance suivie avec dom Gerle. Mais les jansénistes n'avaient ni la souplesse, ni l'audace et l'habileté sans scrupules des jésuites, leurs rivaux. Leur naturelle roideur se refusait au gouvernement de l'enthousiasme, et l'influence que Suzanne pouvait acquérir sur les imaginations exaltées fut perdue pour eux.

Quant aux voltairiens, qui s'étaient prêtés avec une si aveugle complaisance à l'établissement de la constitution civile du clergé, ils avaient en quelque sorte tissé de leurs propres mains le voile dont les prélats, leurs ennemis, avaient besoin pour couvrir leur égoïsme irrité. Si la Révolution s'était bornée à toucher aux richesses des chefs de l'Église, elle les eût mis dans l'alternative, ou de fléchir, ou de donner à leur révolte le dégradant motif de leur opulence perdue. Tout au contraire, dès qu'elle avait l'air de toucher à leur discipline, elle fournissait un prétexte moral à l'immoralité de leur résistance, elle les encourageait à se poser en martyrs. C'est ce qu'ils firent. On avait modifié les formes extérieures du culte, et ils jurèrent que les fondements de la religion étaient ébranlés ; ce qu'ils savaient fort bien avoir été l'œuvre de quelques croyants rigides, ils le présentèrent comme un attentat de l'incrédulité triomphante, et ils parurent ne gémir que du coup porté à leur doctrine, quand c'était la vente de leurs biens qui leur perçait le cœur.

Pour les réduire, il fallut que, successivement, la Révolution leur imposât un serment, punit leur refus de le prêter de la privation de leurs pensions, les menaçât de les déporter ; et rien n'était plus propre à relever leur domination, hélas ! Quel parti, en effet, restait-il à prendre, dans ce cas, à tous ces malheureux curés qui s'étaient un moment dévoués à la Révolution, sans entendre néanmoins se séparer de l'Église ? Pouvaient-ils, serviteurs intéressés en apparence d'un régime nouveau qui améliorait leur sort, abandonner leurs supérieurs, lorsque ceux-ci semblaient, pour la défense de la foi, braver la proscription et la misère ? Pouvaient-ils, quand la Révolution en était encore à chercher son chemin, s'élancer éperdus sur sa trace, mettre en pièces la robe de Déjanire que le catholicisme attache aux flancs des siens, et courir au Dieu inconnu, ignoto Deo ? Tous n'avaient pas l'ardeur de Fauchet ; tous n'avaient pas l'énergie concentrée de l'abbé Grégoire. Moments d'indescriptible angoisse ! quels combats se livrèrent au fond de tant de consciences troublées ! La plupart succombèrent ; et ceux qui préférèrent la patrie vivante à celle que nous masque la nuit du tombeau, ceux-là se virent traités de schismatiques, ils se virent traités de parjures et d'apostats. Prairies fertiles, vastes forêts, palais de marbre, vêtements tissus d'or et de soie, tables chargées de mets exquis, toutes les jouissances de la vie, toutes ses splendeurs, les cœurs fervents avaient demandé qu'on les conservât aux évêques, et la modique pension qu'un pauvre vicaire de campagne consentit à recevoir de l'État provident, ils la flétrirent à l'égal des trente deniers pour lesquels Judas avait vendu son maître.

Ah ! il n'est que trop vrai : la persécution réchauffa l'Église, la ranima. Les ministres de l'implacable Dieu de Torquemada inspirèrent un intérêt funeste aux âmes qui professent à tout risque le culte des victimes ; ils eurent pour eux la compassion des natures débiles auxquelles il faut un enfer à craindre, des erreurs à chérir et des fantômes à invoquer. Elle ignorait, cette pitié imprudente, de quelle domination inflexible elle préparait le retour ! Car, tel est l'esprit du catholicisme, qu'il a besoin d'être tyrannisé ou d'être tyran. Lié par je ne sais quel pacte terrible à l'oppression, s'il la subit aujourd'hui, prenez garde ! c'est pour l'exercer demain !

 

 

 



[1] Voyez, dans le premier volume de cet ouvrage, le quatrième chapitre du livre II.

[2] Discours de Treilhard dans le débat sur la constitution civile du clergé.

[3] Discours de Treilhard dans le débat sur la constitution civile du clergé.

[4] Séance du 29 mai 1790.

[5] Montgaillard, Histoire de France, t. II, p. 244 et 245. Paris, 1827.

[6] Montgaillard, Histoire de France, t. II, p. 246.

[7] Chronique de Paris, n° 170.

[8] Moniteur, séance du 1er juin 1790.

[9] Voyez le récit de cette séance dans les Mémoires de Ferrières, où elle est beaucoup mieux rendue que dans le Moniteur.

[10] Contrat social, liv. IV, chap. VIII.

[11] Moniteur, séance du 9 juin 1790.

[12] Séance du 28 juin 1790.

[13] Montgaillard, Histoire de France, t. II, p. 243 et 244.

[14] L'abbé Maury, dit Ferrières, ferme à son poste, saisit le duc par les épaules, lui fait faire une ou deux pirouettes, et l'oblige de lui céder la place. Voyez les Mémoires de Ferrières, t. II, liv. VI, p. 60 et 61. Collection Berville et Barrière.

[15] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. VI, p. 61.

[16] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. VI, p. 61.

[17] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. VI, p. 61.

[18] Correspondence of Lewis the Sixteenth, with Observations on each Letter, by Helen Maria Williams, vol. II, p. 60-63. London, 1803.

[19] Lettre des officiers municipaux d'Avignon à MM. Camus et Bouche.

[20] Séance du 26 juin 1790.

[21] Biographie universelle.

[22] Biographie universelle.