HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME QUATRIÈME

LIVRE QUATRIÈME

 

CHAPITRE VII. — FUREURS DES PRÊTRES.

 

 

Rapport de Chasset sur l'administration des biens du clergé. — Tableau des résistances cléricales ; refus de concession, nonnes violentées, confréries, neuvaines. — Le roi des mauvais prêtres. — Histoire de la motion d'un chartreux républicain. — Réunion nocturne des évêques et des nobles dans l'église des Capucins. — Orageuse séance du 13 avril. — Le vicomte de Mirabeau et Cazalès insultés par le peuple. — L'abbé Maury rue Sainte-Anne. — Il s'évade, déguisé en soldat. — Décret sur l'administration des biens du clergé. — Coup d'œil sur la polémique du temps. — Pamphlets : Le Testament de l'abbé Maury. — Séance du 19 avril. — Magnifique serment. — Conciliabules avortés. — Les aristocrates mourants. — Protestation des deux cent quatre-vingt-dix-sept. — Le luthérien Rathsamhausen. — Réponse de Talleyrand au chapitre d'Autun. — Les crosses épiscopales. — Érudition satirique de Camille Desmoulins. — Le fanatisme en province. — Tableau du calvaire à Arras. — Processions de pénitents dans le Languedoc. — La chapelle de Notre-Dame de Roqueville. — La France offerte à la Vierge. — Actes de résistance. — Les ligueurs de Nîmes ; Froment, Folacher, Descombiés. — Complots dans l'église des Pénitents. — Déclaration des catholiques de Nîmes. — Préludes de guerre civile à Nîmes. — A Montauban, les prêtres et les femmes ; Bordeaux marche sur Montauban. — Scènes de carnage préparées à Nîmes.

 

Pour ne pas tout confondre et laisser son ordre logique à la discussion sur les assignats, il a fallu en détacher un débat que les passions du moment y encadrèrent, et qui, aussi bien, méritait une place à part, tant il émut Paris !

Le même jour où d'Anson avait présenté son rapport sur les assignats, Chasset, rapporteur du comité des dîmes, était venu proposer de décréter que la gestion des biens du clergé, mis le 2 novembre 1789 à la disposition de la nation, passerait aux mains des administrations de département et de district. Les frais du culte, on y pourvoirait par le budget, et, désormais dégagés de toute charge, les domaines ecclésiastiques pourraient être employés aux plus pressants besoins de l'État[1].

Ainsi, plus d'espoir ! La vente de 400 millions de biens ecclésiastiques déjà confiée aux municipalités n'était qu'un premier pas. C'était sur l'ensemble, sur tout l'ensemble des domaines de l'Église que la Révolution étendait le bras ! Et quelle chance pour les prêtres de reconquérir jamais des terres qui, transformées, divisées, subdivisées en assignats, allaient se mobiliser, se répandre dans la circulation, et devenir la propriété d'une infinité de petits acquéreurs ! Atteint de ce coup suprême, et mis tout à coup en demeure de dire, comme les religieux de la Trappe : Frère, il faut mourir, le clergé devint furieux.

Il est sombre, il est terrible, le tableau de cette lutte. Encore deux mois, et, grâce à tant de pasteurs d'âmes trop habiles à confondre les intérêts du ciel avec ceux de la terre, le fanatisme aura frappé tout le midi de son souffle embrasé ; mais en attendant, le voici qui s'annonce. Dans l'Alsace, les catholiques réduisent les protestants au désespoir, et les juifs tremblent[2]. Où vont et que veulent ces sinistres processions de pénitents de toute couleur qui sillonnent le Languedoc[3] ?

Qu'on parcoure les journaux de l'époque : ils sont pleins de scandales ! Ici, ce sont des consolateurs officiels de la dernière heure, qui, mandés au chevet de quelque membre de l'Assemblée agonisant, le laissent mourir privé de confession et s'en vantent[4] ; là, c'est un évêque d'Ypres lançant dans la partie française de son diocèse un mandement où les révolutionnaires sont damnés comme apostats[5]. Beaucoup de pauvres jeunes filles, enterrées vives dans un couvent, invoquaient alors la loi libératrice et cherchaient à s'échapper du tombeau : pour les y retenir, que de tortures inventées ! Tantôt on les proclamait folles, tantôt on essayait de leur étouffer le cœur sous le poids de la puissance paternelle, complice de la tyrannie des dévots. Aux municipalités, amenées à intervenir, on opposait les cris pieux, les larmes bénies. Forcez-les d'entrer dans la salle des noces, disait Camille Des moulins[6], en parlant des adolescentes sous le linceul, mais que de mains employées. à la fermer, cette salle des noces !

Venait en aide à l'opulence des prêtres menacée et bien résolue à se défendre, la superstition avec ses plus audacieuses pratiques, avec ses niaiseries les plus fatales.. Associations béates. confréries, neuvaines, rien ne fut épargné. Une neuvaine en l'honneur de la compassion de la sainte Vierge fut dénoncée par la Chronique de Paris, journal voltairien qui comptait Condorcet au nombre de ses rédacteurs : — FINS, le salut de la France. — MOYENS, les plaies de Jésus-Christ et l'intercession de la sainte Vierge. — PRATIQUES, union étroite avec tout ce qu'il y a d'âmes ferventes. — PRIÈRE : Qu'attendez-vous, ô Vierge, pour faire, changer notre malheureux sort ?[7] Il était dit dans une autre de ces prières : Ô Jésus-Christ, notre Sauveur et notre Dieu, la colère de votre père s'est déchaînée contre nous. La fureur nous a enveloppésVotre père venge sa gloire de ce tas de scélératesse qui demande plus hautement vengeance que les infamies de Sodome et de Gomorrhe[8].

A la tête des légions de l'Église irritée marchait l'abbé Maury. C'était l'orgueil conduisant la colère au combat. Né à Valréas, dans le comtat Venaissin, Maury avait passé, tout jeune encore, par ces épreuves de la misère qui ne sont bonnes qu'aux grandes natures. Ses débuts comme homme de talent avaient été empreints de modestie, et le prêtre en lui s'était annoncé par une attitude qui ne fut pas sans noblesse. Un panégyrique de saint Louis lui ayant ouvert les portes de l'Académie, on l'entendit avouer noblement, dans son discours de réception, la pauvreté de ses jeunes années et que des mains généreuses s'étaient tendues vers lui[9]. Nommé prédicateur du roi et chargé de faire l'éloge de saint Vincent de Paul, il eut le courage de rappeler devant la reine ce qu'on rapporte du héros de la charité chrétienne, disant à Anne d'Autriche, en des jours de calamité publique : Vous n'avez pas de moyens, madame, mais vous avez des diamants. La leçon était sévère, et Maury ne craignit pas de la compléter, en ajoutant que, sur ce cri échappé de l'âme sublime de Vincent de Paul, Anne d'Autriche détacha aussitôt ses boucles d'oreilles pour les pauvres[10]. Qui jamais aurait cru que le prédicateur qui commençait ainsi sa carrière, deviendrait le roi des mauvais prêtres ? Mais, suivant le mot énergique de Nicole, il y a un grand pont de l'esprit au cœur. Le cœur, voilà ce que l'abbé Maury n'avait pas. Ses connaissances étaient vastes, et ses aspirations misérables. A ceux même qui disaient de sa tête qu'elle était une bibliothèque raisonnée[11], son âme apparaissait toute vide. Plein d'une ardeur glacée, étudié dans ses emportements et sceptique avec véhémence, il était incapable d'émouvoir parce qu'il l'était d'être ému. Né rhéteur, il ne voyait dans les hommes qu'un auditoire, a dit de lui l'abbé de Pradt. D'ailleurs, à force de vouloir tout contenir, sa verbeuse éloquence ne saisissait rien. Il était hardi, du reste, actif, aimant la tempête et la bravant, d'un orgueil qui lui tenait lieu quelquefois de dignité, et d'une audace naturelle qui relevait son insolence. On sait que le cardinal de Retz ne marchait que muni d'un poignard appelé dans le peuple le bréviaire de M. de Paris : de même l'abbé Maury se plaisait à porter toujours deux pistolets à sa ceinture, et ces instruments de mort, il les nommait ses burettes[12]. Tel était l'homme : une caricature de Satan.

Dans le rapport de Chasset, le budget des prêtres, pour l'avenir, était établi sur des bases, après tout, fort larges ; on y allouait, comme traitement annuel :

A l'archevêque de Paris : 50.000 liv.

Aux archevêques et aux évêques des villes de plus de cent mille âmes : 25.000 liv.

A ceux des villes de plus de cinquante mille âmes : 15.000 liv.

A ceux des villes au-dessous de ce chiffre : 10.000 liv.

De sorte qu'en admettant un évêque par département, on se trouvait consacrer annuellement à la dépense épiscopale une somme de douze à quatorze cent mille livres.

Quant aux curés, le rapport assignait deux mille livres à ceux des villes de deux cent mille âmes ; quinze cents livres à ceux des villes de plus de cent mille âmes, et douze cents livres aux moindres curés[13].

Le clergé inférieur, qui mourait de faim sous l'ancien régime, n'avait donc pas à se plaindre de la Révolution, et les dignitaires de l'Église ne pouvaient, sans renier leur dieu, ce Dieu qui eut une crèche pour berceau, déclarer impie l'octroi qui leur était fait d'un traitement annuel de dix mille, de quinze mille, de vingt-cinq mille, de cinquante mille livres. Encore faut-il ajouter qu'attentif à ménager la transition, le comité des dîmes proposait de laisser, pour le présent, cent mille livres à l'archevêque de Paris, et aux évêques qui avaient plus de quinze mille livres, la moitié de ce qui excédait cette somme[14]. Mais rien ne put adoucir le clergé : c'était escalader le ciel, que lui disputer la possession de la terre !

Le 12 avril, l'archevêque d'Aix parut à la tribune, la consternation peinte sur le visage, et d'une voix remplie de larmes : Voilà donc, s'écria-t-il, l'abîme dans lequel nous avons été conduits ! Puis, au nom du clergé, il fit l'offre solennelle d'un emprunt de quatre cents millions, hypothéqués sur les biens ecclésiastiques, à condition qu'on détournerait l'épée que le rapport tenait suspendue sur l'Église. Thouret répondit avec un impitoyable mélange de sécheresse, de logique stricte et de dédain : Quand la religion a envoyé les prêtres dans la société, leur a-t-elle dit : Allez, prospérez, acquérez ? Non ; elle leur a dit : Prêchez ma morale et mes principes. Quand il a fallu assurer leur subsistance, elle a dit ce seul mot : Il est juste que le prêtre vive de l'autel. Et nous, par une version exacte de ce mot, nous avons dit : Il faut que le fonctionnaire vive de sa fonction[15]. L'abbé de Montesquiou fit d'une manière touchante une application malheureusement très-fausse de ces belles paroles : Les plus malheureux ne sont pas ceux qui souffrent une injustice ; ce sont ceux qui la commettent.

Se leva un moine chartreux, franc républicain, et qu'on crut à tort avoir été poussé en avant par l'abbé Maury. Son nom, dont tout Paris allait retentir, était dom Gerle, et il n'eut pas plutôt parlé, qu'on vit nobles et évêques debout, l'œil animé, les mains levées vers le ciel et demandant avec violence que la motion du moine fût adoptée, par acclamation. Qu'était-ce donc ? Dans sa naïveté, le chartreux avait proposé de décréter que la religion catholique, apostolique et romaine était toujours la religion de la nation. Par là il entendait confondre ceux qui, à propos d'une question de finances, accusaient l'Assemblée nationale d'impiété. Motion pareille avait été présentée dans une autre circonstance et avait donné lieu à la même scène qui se produisit alors. Les évêques s'emparèrent à grand bruit d'une proposition qui allait faire comparaître à leur barre le fantôme de Voltaire, et jeter ceux que la philosophie du dix-huitième siècle avait nourris de son lait robuste dans l'alternative ou de ployer le genou devant l'autel, ou d'armer contre eux tous les fanatiques du royaume. Adieu la question de finances, dans ce cas ! L'affaire des dîmes disparaissait derrière la querelle cherchée aux libres penseurs par les dévots ! Les membres de la gauche, à la vue de ce piège où les entraînait un des leurs, se montraient étonnés, interdits ; Charles Lameth, avec une rare dextérité, para le coup.

A quoi bon voter sur une motion qui, loin de fournir aux sentiments religieux de l'Assemblée le moyen de se manifester, semblerait les mettre en doute ? L'Assemblée avait donné pour âme à ses décrets la morale même de l'Évangile, de cet Évangile où il fut écrit : Les derniers deviendront les premiers, et les premiers seront mis à la place des derniers. Que voulait-on de plus ? Allumer la discorde ? déchaîner le fanatisme ? aiguiser les poignards, au nom de Dieu ? Et Charles Lameth rappela que, pendant la quinzaine de Pâques, de sacrilèges efforts avaient été faits pour égarer les âmes pieuses ; il rappela qu'aux portes des églises on avait vendu un libelle saintement infâme : la Passion de Louis XVI.

L'effet de ce discours fut extraordinaire. Remis de leur surprise, et comptant sur l'appui du dehors, les révolutionnaires réclament l'ajournement. Non ! non ! la motion de dom Gerle ! s'écrient les évêques furieux. Au milieu du tumulte, le président, de qui l'issue dépendait, leva la séance ; et, après un dernier effort pour garder le terrain, le côté droit se retira, levant les yeux au ciel et déclarant la religion perdue[16].

La nuit appartint tout entière aux allées et venues, aux intrigues, aux préparatifs de la bataille pour le lendemain. Les patriotes, assemblés aux Jacobins, grondèrent dom Gerle de sa motion irréfléchie, et lui firent promettre de la retirer[17]. De leur côté, les évêques et les nobles se réunirent, encouragés, excités, enivrés de colère par l'abbé Maury. Quoique la séance du 12 avril n'eût pas tourné au gré de ses désirs, il affectait une confiance arrogante. On assurait qu'en sortant de l'Assemblée il avait dit, sur la terrasse des Tuileries : Cette fois, ils ne peuvent nous échapper. Cette motion de dom Gerle est une mèche allumée sur un baril de poudre[18]. Quoi qu'il en soit, ne renonçant pas encore à la victoire, et dirigés par Maury, par Cazalès, par Montlosier, par le vicomte de Mirabeau, que charmait cette occasion d'être en délire, les évêques et les nobles allèrent tenir séance aux Capucins de la rue Saint-Honoré. Là, il fut convenu que, si la motion de dom Gerle était rejetée, ils sortiraient au même instant de la salle, traverseraient en corps les Tuileries, et porteraient au roi une protestation. Il était facile de prévoir que, devant un tel éclat, le pauvre Louis XVI reculerait épouvanté. Maury, dont l'audace se plaisait à cette supposition même, déclara que, dans cette hypothèse, on écrirait aux provinces par quel faible prince la France était gouvernée[19] ; et, pour donner à la démarche projetée, plus d'importance, une importance sinistre, on décida qu'on se rendrait à la séance en habit noir, l'épée au côté[20].

Mais les patriotes, par quatre d'entre eux qu'un capucin avait introduits secrètement dans le camp ennemi, ne tardèrent pas à être informés de tout. Le lendemain, la Chronique de Paris sonna l'alarme, et cette provocante nouvelle : assemblée des aristocrates, complot découvert, se répandit, grâce aux colporteurs, d'un bout de la ville à l'autre. Les cafés du Palais-Royal se remplirent alors d'une foule menaçante, et les faubourgs s'agitèrent. La délibération ne serait-elle pas troublée ? n'insulterait-on pas certains membres ?. C'est ce que craignirent ceux de la Commune. Lafayette fit doubler tous les postes et entourer la salle de soldats. On devine combien devait être frémissante la curiosité du public. Les galeries ployaient sous le poids des spectateurs.

Menou prend le premier la parole. Il prévoit de grands malheurs, si la motion passe ; il prévoit que du sang sera versé. A ces mots, l'abbé Maury, Foucault, d'Éprémesnil bondissent sur leurs sièges. Dom Gerle se présente et déclare qu'il retire sa motion. Cazalès et Maury lui en contestent le droit. Il s'élève un affreux tumulte. Cramponné à la tribune, Cazalès veut qu'on l'écoute : l'Assemblée décide qu'il ne sera pas entendu. Eh bien ! s'écrie impétueusement d'Éprémesnil, je demande l'appel nominal. L'appel nominal est fait, et il refuse la parole à Cazalès et à ses amis. L'Assemblée s'épuisait en violences contraires. Le marquis de Virieu avait opposé la motion de dom Gerle, reprise par le côté droit, à une autre motion dans laquelle le duc de la Rochefoucauld concluait à l'ordre du jour, et une simple question de priorité était l'étroite arène où luttaient, transformés en gladiateurs, évêques et curés, hommes de loi, hommes d'armes. C'est à peine si, au milieu de tant de clameurs confuses, on put entendre ces paroles de d'Éprémesnil, amère allusion au respect moqueur des révolutionnaires pour le catholicisme : Lorsque les Juifs crucifièrent Jésus-Christ, ils lui disaient : Nous vous saluons, roi des Juifs[21]. Il y eut des menaces, des provocations d'homme à homme. Clermont-Lodève, un évêque, se fit rappeler à l'ordre, pour avoir voulu y faire rappeler Mirabeau, en ajoutant : Sinon, je tâcherai de lui apprendre ce qui est dû aux membres de cette Assemblée[22]. Les deux représentants de la tempestueuse race des Riquetti ne pouvaient manquer à ces grandes scènes de désordre. Pendant que, sur les bancs de la gauche, l'aîné, devenu silencieux et immobile, mais évidemment possédé par le démon de son cœur, semblait se préparer à quelque éclat terrible, le plus jeune, le vicomte, étonnait la droite elle-même de ses accès de rage ; il se répandait en gestes de désespoir[23], en exclamations insensées ; il adjurait les prêtres, ses amis, de mourir là, plutôt que de laisser passer sur le corps à Jésus-Christ. Tout à coup, un député, nommé d'Estourmel, invoquant les constitutions des villes et des provinces, jurées par le roi, rappelle que, le 25 janvier 1677, Louis XIV avait juré, devant Cambrai, le maintien de la religion catholique dans cette ville. Mirabeau n'attendait qu'une occasion... Ah ! l'on se permettait des citations historiques ! Eh bien ! il allait en faire une, lui, à son tour, et formidable ! Le visage tourné vers le côté droit, le bras étendu : Je vous supplierai, s'écrie-t-il de sa voix tonnante, de ne pas oublier que d'ici, de cette tribune où je vous parle, on aperçoit la fenêtre d'où la main d'un monarque français, armée contre ses sujets par d'exécrables factieux qui mêlaient des intérêts temporels aux intérêts sacrés de la religion, tira l'arquebuse qui fut le signal de la Saint-Barthélemy[24]. La droite répondit par le cri : Aux voix !, et la discussion fut fermée. Restait aux prêtres et aux nobles la ressource des amendements. Maury fit pour s'emparer de la tribune des efforts incroyables et vains. Il faut en finir, il le faut ! Mais nous ne sommes pas libres, dit le marquis de Foucault, espérant ainsi retarder le moment fatal ; des soldats nous entourent ; qu'on fasse au moins retirer les soldats ! Tout fut inutile. A une majorité considérable, l'Assemblée vota la motion du duc de la Rochefoucauld, ainsi conçue : L'Assemblée nationale, considérant qu'elle n'a ni ne peut avoir aucun pouvoir à exercer sur les consciences et sur les opinions religieuses ; que la majesté de la religion et le respect profond qui lui est dû ne permettent pas qu'elle devienne l'objet d'une délibération ; considérant que l'attachement de l'Assemblée nationale au culte catholique, apostolique et romain, ne saurait être mis en doute dans le moment même où ce culte seul va être mis par elle à la première classe des dépenses publiques, et où, par un mouvement unanime, elle a prouvé son respect de la seule manière qui pouvait convenir au caractère de l'Assemblée nationale, a décrété et décrète qu'elle ne peut ni ne doit délibérer sur la motion proposée, et qu'elle va reprendre l'ordre du jour sur les biens ecclésiastiques. Toute la droite s'était abstenue[25].

Au sortir de la séance, Lafayette et les députés de la gauche furent salués, en fendant les flots pressés du peuple, par des cris de sympathie ardente et de triomphe. On insulta, au contraire, Cazalès et le vicomte de Mirabeau, qui, hors de lui, mit l'épée à la main et blessa le premier que put atteindre sa rage. On le massacrait sur place, si un jeune homme, nommé. Michot, n'eût mis le plus grand courage à favoriser son évasion[26]. Ce vicomte de Mirabeau, remarquable par son obésité et bien connu, trop connu pour son penchant à l'ivresse, était sujet à de tels accès de fureur, qu'un jour, indigné de quelque cri parti des tribunes publiques dans l'Assemblée, il avait été au moment de les vouloir prendre d'assaut à l'aide d'une échelle, acte de folie qui s'accomplissait aux yeux de tous, sans l'intervention de Cazalès. Ce fut en faisant allusion à cette circonstance que, comme il passait pour se sauver par-dessus les murs des Jacobins, l'officier qui l'accompagnait lui dit : Allons, monsieur, voici le moment de monter à l'échelle[27].

Quant à l'abbé Maury, reconnu dans la rue Saint-Honoré, il fut poursuivi par le cri : A la lanterne ! jusqu'à la rue Sainte-Anne, où la maison n° 21 lui servit de refuge. Là, pendant qu'au dehors la foule grossissait et redoublait dé clameurs, on jeta sur les épaules de l'abbé une redingote de garde nationale, on lui fit une queue, et un sergent lui ayant attaché deux épaulettes, il parvint à s'échapper sous ce déguisement guerrier[28], plus en rapport qu'un habit de prêtre avec ses habitudes et son humeur.

Le lendemain, 14 avril, dès que Maury parut dans l'Assemblée, les membres de la droite applaudirent, et les prêtres coururent embrasser[29] le défenseur de leurs domaines. Cazalès essaya, mais en vain, de ranimer des passions que tant de combats avaient fini par fatiguer, sans cependant les éteindre. Il ne réussit qu'à se faire rappeler à l'ordre pour avoir dit, en parlant de la nation française, une nation jadis loyale. A des paroles vraiment évangéliques de l'abbé Gouttes et du curé de Cuiseaux, glorieux adversaires du clergé, dont ils étaient membres, l'abbé d'Eymar n'opposa que des redites violentes. Quand on lira, dit-il, les discours de M. Thouret et de M. l'archevêque d'Aix, on trouvera dans l'un le roman de la propriété ; dans l'autre, on en trouvera l'histoire. Cazalès fit un dernier, un véhément appel à l'esprit de propriété. Il montra le génie des ruines demandant à achever son œuvre lorsqu'une fois il l'aurait commencée. Tout fut inutile. On décida :

Que l'administration des biens ecclésiastiques serait confiée aux assemblées de département et de district, ou à leurs directoires ;

Qu'à partir du 1er janvier 1790, le traitement des ecclésiastiques serait payé en argent ;

Qu'à partir de la même époque, les dîmes cesseraient d'être perçues à jamais ;

Qu'enfin, dans l'état des dépenses publiques de chaque année, il serait porté une somme suffisante pour subvenir aux frais du culte de la religion catholique, apostolique et romaine, à l'entretien des ministres des autels, au soulagement des pauvres, et aux pensions des ecclésiastiques, tant séculiers que réguliers de l'un et de l'autre sexe ; de manière que, dégagés de toute charge, les biens qu'on avait mis à la disposition de la nation pussent être employés aux plus grands et aux plus pressants besoins de l'État[30].

De tels coups, frappés de si haut, avec tant d'éclat, à la suite de si violents orages, pouvaient-ils ne pas mettre en mouvement les mille puissances contraires qui se partagent l'âme humaine : puissances de l'orgueil triomphant et de l'égoïsme aux abois ; puissances de la joie, de la colère, de l'ironie ? On avait assez raisonné de part et d'autre : l'insulte devint le langage de la défaite et celui de la victoire. Dans leur style, où les plus sombres haines se cachaient derrière un étalage de fausse gaieté, les auteurs des Actes des apôtres écrivirent :

Il est trois façons d'être où chacun prend son rang :

Salarié, voleur ou mendiant.

Mirabeau vous l'a dit ; et son aréopage

A fait des trois façons l'équitable partage :

De mendier le peuple a le bonheur,

D'un salaire au clergé l'on promet l'avantage ;

A ce sénat, si décent et si sage,

Que restera-t-il donc ? le métier de voleur[31].

A ces vengeances railleuses, à ces injures, le grave journal qui s'honorait de la collaboration de Condorcet ne dédaigna pas de répondre sur le même ton ; et avec les mots : dans l'église des capucins, il composa l'acrostiche suivant, où Maury, Foucault, Virieu, Cazalès, Montlosier, d'Éprémesnil, et le vicomte de Mirabeau étaient voués aux plus sanglants mépris :

De par mons du clergé, de par dame noblesse,

Accourez, bonnes gens, venez voir nos travaux ;

Nous allons vous montrer maints et maints tours nouveaux ;

Sl — e est par nous chargé des tours d'adresse :

L'abbé M — y sera pour le vol le plus haut,

Et les plus grands succès sur la corde l'attendent ;

Grands tours de force, après, par l'hercule Foucault,

Les V — u, les H — t, et tous ceux qu'ils commandent,

Imitant C — s et surtout M — r,

Sauront pour vous séduire avec art se plier.

Elève de Mesmer, charlatan plein d'audace,

D'É — l fera les tours de passe-passe.

Et Cadet M — u, bouffon plat et grossier,

Sera, pour notre troupe, un excellent paillasse.

Cela fait, nous jouerons un peu du glorieux,

Avec tout le Tartuffe, où notre troupe excelle ;

Puis enfin nous aurons une pièce nouvelle,

Un passe-temps céleste, un spectacle pieux,

Composé d'une main saintement vengeresse,

Image précieuse à nos cœurs affligés !

Nous verrons les Français l'un par l'autre égorgés.

Si nos jeux vous tentaient, vous avez notre adresse[32].

 

Les pamphlets affluèrent, contre Maury surtout : les uns véhéments, les autres grossiers, quelques-uns d'un cynisme dont il faut absolument que la chasteté de l'histoire se détourne : Grand accident arrivé à l'abbé Maury et occasionné par le tonnerre. — Histoire de Maury fouetté par des écoliers. — Assassinat commis par l'abbé Maury sur son perroquet. — Lettre de l'abbé Maury à la comtesse Henriette sur les assignats. — Mariage de M. l'abbé Maury avec l'abbesse de Montmartre[33], etc., etc. Là se trouve comme entassé à la hâte, par des mains impatientes de flétrir et de tuer, tout ce qui peut alimenter la haine, sinon l'esprit ; tout ce que peuvent fournir à la médisance ou disputer à la calomnie les mœurs galantes d'un mauvais prêtre : anecdotes scandaleuses, scènes de ruelles, récits impurs. Et pourquoi le taire ? Pourquoi cacher qu'à côté de la sagesse sublime et forte de la Révolution, il y eut son délire ? La licence de la pensée, exagération de son affranchissement, mérite une place, elle aussi, dans les souvenirs des hommes, parce qu'elle en réclame une dans les méditations du philosophe. Beaucoup de vérité, d'ailleurs, se mêlait en tout cela au mensonge. Voici un passage d'un de ces pamphlets, intitulé : Testament de l'abbé Maury[34] :

Aujourd'hui, moi J. T. Maury, prêtre de la sainte Église romaine, sain de corps et d'esprit, ai fait mon testament de la manière qui suit :

Je donne et lègue au gros vicomte de Mirabeau les deux pistolets anglais qui me servaient à aller en bonne fortune, lesquels se trouveront sur ma table au jour de mon décès ; plus cinquante bouteilles de vin, espérant qu'il n'en fera pas mauvais usage.

Je donne et lègue à Thévenin, dite l'As de pique, habituée au Palais-Royal, une année des dîmes de mes huit cents fermes.

Je donne et lègue à M. Panckoucke, du Mercure de France, deux rames de papier pour continuer dans son journal l'apologie des aristocrates, et à M. Mallet, son collaborateur, le lit sur lequel est décédé Desrues.

Je donne, par forme de restitution, à la loueuse de chaises de Saint-Roch une somme de cinq cents livres, pour pareille somme que j'ai exigée d'elle à la suite du carême prêché par moi dans cette paroisse.

Je donne à l'illustre Galonne la clef du trésor royal, pourvu toutefois qu'elle lui soit commune avec madame Lebrun.

Je lègue au baron de Besenval les grils, bombes, boulets, qui sont dans l'arsenal de Paris, pour remplacer ceux qui ont été pris au Champ de Mars par les patriotes. Il entendra bien ce que je veux lui dire !

Je lègue à Henry, inspecteur de la librairie, vingt mille livres une fois payées, pour l'engager à laisser circuler mes libelles contre l'Assemblée nationale.

Je lègue à Joseph Maury, mon cousin germain, perruquier à Paris, la coupe des cheveux de madame la duchesse de Polignac et de la princesse d'Hennin, le jour de leur départ de l'hôpital.

Je lègue à Jacques Maury, mon père, maître cordonnier à Péronne, quatre cents livres de cuir neuf pour remonter sa boutique, etc., etc.

 

Ainsi vaincus, frappés, raillés, les hommes d'Eglise ne pouvaient se résoudre ni à souscrire à leur défaite ni même à y croire. Plusieurs d'entre eux, unis aux meneurs de la noblesse, se présentèrent de nouveau aux Capucins pour y protester contre le décret relatif aux biens ecclésiastiques ; mais les religieux de cette maison avaient eu soin de fermer les portes du chœur, et à la sommation de les ouvrir, le révérend père gardien répondit par un refus formel[35]. Il eût fallu se résigner, si intervenant tout à coup, un capitaine du bataillon des Feuillants ne les eût placés sous la protection de la garde nationale[36], protection dont la générosité atteignait les dernières limites de l'ironie et du dédain.

Nouveau conciliabule le 18 avril. Cette fois, soit désir de braver l'opinion, soit espoir de la tromper, les évêques et les nobles avaient fait ouvrir toutes grandes les portes de l'église. Mais, la foule se précipitant, ils furent bientôt comme submergés dans les flots de spectateurs. On riait, on chantait, on criait. Le cardinal de la Rochefoucauld monta en chaire, et il y eut un moment de silence. Mais, comme il ouvrait la bouche, un flageolet se fit entendre et joua l'air : Allez-vous-en, gens de la noce ! Le vicomte de Mirabeau, Cazalès, Virieu essayèrent en vain de lutter contre le tumulte. Chassés de la nef par les clameurs confuses, par les applaudissements ironiques, par les huées, ils furent contraints de se rallier dans le chœur, où ils décidèrent qu'il faudrait un billet pour être admis dans leur assemblée. Enfin, humiliés et découragés, ils sortirent de l'église, dont un grand cri de Vive la nation ! fit en cet instant retentir les voûtes, et où le père gardien, comme pour la purifier, s'empressa de prononcer, de concert avec tous les spectateurs, la formule du serment civique[37].

Il ne restait plus aux prêtres, en fait de mesure politique à prendre, qu'une ressource : faire congédier l'Assemblée, puisque leurs adversaires y dominaient. Déjà cette idée leur était venue, et ils avaient mis beaucoup d'activité à la répandre. Est-ce que l'Assemblée actuelle n'était pas vicieuse ? Est-ce qu'elle ne se composait pas de membres élus par des ordres qui n'existaient plus ? Que tardait-on à nommer des députés nouveaux ? Le temps assigné à la durée des pouvoirs de plusieurs de ceux qui siégeaient n'était-il pas expiré, et pouvait-on le prolonger sans porter atteinte à l'inviolable souveraineté du peuple ? Dans la séance du 19 avril, Le Chapelier dénonça ces manœuvres inattendues et la tactique des hommes qui parlaient la langue de la Révolution pour arriver à la détruire. A la voix de l'orateur, tous les yeux se tournèrent naturellement vers le côté de la salle où siégeaient les évêques, et se fixèrent sur l'abbé Maury, qui, se levant brusquement, s'écria : Ou envoyez ces gens-là au Châtelet, ou si vous ne les connaissez pas, n'en parlez point[38]. Il courut ensuite se placer au pied de la tribune, et l'occupant aussitôt après Le Chapelier, On nous environne de sophismes, dit-il, on parle de serment prononcé le 20 juin, sans songer qu'il ne saurait infirmer celui que nous avons fait à nos commettants. Je le demande à tous ceux qui respectent la foi publique : celui qui a juré à ses commettants de revenir au terme de l'expiration de ses pouvoirs peut-il rester ici malgré eux ? Peut-il être mandataire quand son mandat n'existe plus ? Il n'y avait nulle sincérité dans ces paroles, et chacun sentait bien que l'abbé Maury ne croyait pas à cette souveraineté du peuple qu'il invoquait ; mais la cause des principes, en ce moment, se trouvait être la sienne ; on lui avait répondu par des considérations qui n'avaient rien de décisif, et surpris, consternés, les révolutionnaires gardaient le silence[39]. Tout à coup Mirabeau se lève, indigné, frémissant et superbe : On demande comment, de simples députés de bailliage, nous nous sommes transformés en convention nationale. Je répondrai nettement : Les députés du peuple sont devenus convention nationale le jour où, trouvant, le lieu de l'assemblée hérissé de baïonnettes, ils se sont rassemblés, ils ont juré de périr plutôt que d'abandonner les intérêts du peuple... Vous vous rappelez le trait de ce grand homme qui, pour sauver sa patrie d'une conspiration, avait été obligé de se décider contre les lois de son pays, avec cette rapidité que l'invincible tocsin de la nécessité justifie. On lui demandait s'il n'avait pas contrevenu à son serment, et le tribun captieux qui l'interrogeait croyait le mettre dans l'alternative dangereuse ou d'un aveu embarrassant ou d'un parjure, Il répondit : Je jure que j'ai sauvé la République ! Messieurs, — et Mirabeau étendit le bras vers le côté gauche — je jure que vous avez sauvé, la République[40].

A ce magnifique serment, l'Assemblée tout entière ferme la discussion, comme si elle eût été entraînée par une inspiration subite, dit Ferrières[41]. La question ne reparut pas : Mirabeau l'avait enterrée, et, bien que le droit strict eût été plaidé par son adversaire, il pouvait répéter, en sortant de la séance, son mot sur l'abbé Maury : Quand il a raison, nous nous battons ; mais quand il a tort, je l'écrase[42].

Quelques jours après, dans la rue Royale, hommes, femmes, enfants, stationnaient par milliers devant la porte du Salon français, sur laquelle on lisait en grosses lettres : Aristocrates mourants. Soudain, la porte s'ouvre, et un membre de l'assemblée clandestine qui se tenait là, s'avance, un pistolet à la main. A cette vue, on s'irrite, des pierres volent. D'Agoult, car c'était bien l'ancien et trop célèbre major des gardes françaises, appuie son pistolet sur la poitrine d'un garde national qui s'élançait vers lui. Frappez, monsieur, lui dit le garde avec dignité, je suis ici pour vous défendre ![43]

Déjoués de la sorte dans toutes leurs tentatives factieuses, Montlosier, Maury, Cazalès, d'Éprémesnil, Virieu, les fanatiques du parti enfin, durent se borner à publier leur protestation contre la délibération du 13 avril, concernant la religion catholique. Elle parut, cette protestation audacieuse, signée par deux cent quatre-vingt-dix-sept députés, parmi lesquels on comptait cent quarante-quatre membres du clergé, cent quatre membres de la noblesse et quarante-neuf membres des communes. On remarqua que dans la liste des signataires figurait un certain baron de Rathsamhausen, luthérien très-fervent, et qui n'avait, par conséquent, aucun intérêt à faire déclarer religion de l'État la religion catholique, apostolique et romaine[44].

Talleyrand n'avait eu garde de se risquer parmi les deux cent quatre-vingt-dix-sept. Le chapitre d'Autun lui en écrivit dans un style amer et railleur. Il répondit : Je ne sais ce que c'est que de présenter au Corps législatif une protestation contre ses décrets, et surtout de la lui présenter comme un monument glorieux de votre patriotisme ; j'aime mieux la lui laisser ignorer[45].

L'accueil fait, à Paris, au manifeste des deux cent quatre-vingt -dix-sept, fut ce qu'on pouvait attendre de l'état de l'opinion. On le brûla publiquement en certains lieux, ainsi que Luther avait autrefois brûlé publiquement une bulle du pape ; le district Saint-Honoré arrêta que les signataires seraient dénoncés nominativement comme blasphémateurs de la loi, sur un tableau placé dans la salle des assemblées primaires ; et l'usage se répandit de porter des cannes renfermant un sabre, c'est-à-dire semblables à celles dont plusieurs prélats s'étaient armés, et qu'on appela pour cela crosses épiscopales[46].

C'est qu'en effet le fanatisme n'avait plus de théâtre possible que la province. Paris n'était-il pas la cité des libres penseurs, l'étincelant rendez-vous de tous les nourrissons de Voltaire ? Que servait aux évêques de se faire appeler monseigneur, dans une ville qui éclatait de rire, quand Camille Desmoulins lui disait : Dans les premiers siècles de l'Église, on donnait aux évêques — ce qui signifie inspecteurs — le titre d'anciens, parce qu'on choisissait pour inspecteurs des barbes blanches et vénérables ; d'où l'on voit que mon seigneur dérive de meus senior, mon ancien, et que cette grandeur épiscopale n'est fondée que sur un calembour[47].

Le fanatisme se rejeta donc sur la province, qu'il embrasa. Les prêtres, a dit Hume, ont trouvé ce qui manquait à Archimède ; ils ont créé dans l'autre monde des machines pour remuer celui-ci.

Les chanoines de Chartres protestèrent bien haut, ne voulant pas rendre les huit cent mille livres de rentes de leurs clochers[48].

Si quelque humble prêtre osait prendre trop ouvertement parti pour l'Assemblée, anathème sur lui ! Car, il y avait peu d'églises où il n'y eût quelque serpent caché derrière l'autel. Non loin de Lille, à Roubaix, un pauvre ecclésiastique, ami de la constitution, fut empoisonné par le vin des burettes[49].

A Rennes, des gardes nationaux ayant fait une descente chez un curé, occupé en ce moment à quelque baptême, le vicaire fut surpris copiant une protestation toute dressée, avec ces mots en marge : Voici les notes et réflexions de M. de Cazalès que je vous envoie. Il est nécessaire que, vous les fassiez courir dans toutes les paroisses de votre diocèse. Il est temps, plus que temps. Il faut vaincre ou périr[50].

Des coups sonores furent frappés du haut de la chaire ; mais, combien plus redoutables et plus sûrs ceux que, dans l'ombre du confessionnal, dirigeaient des mains prudentes ! Au fond de leurs temples sombres, dans des recoins protégés par un mystère sacré, que disaient-ils à la jeune femme tremblante et agenouillée devant eux, ces prêtres qui, perdant la terre, restaient maîtres de l'enfer ? Ils lui disaient de haïr la Révolution, sous peine de damnation éternelle. Retracez, écrivaient les évêques aux curés de leurs diocèses, retracez, dans le tribunal de la pénitence, les dangers que courent la France, la religion, la couronne des Bourbons[51].

Mais, qui sait ? peut-être n'eût-il pas suffi de cette marche souterraine ? Il n'opère que lentement, d'ailleurs, le doux poison qui, des lèvres du confesseur, tombe goutte à goutte sur un cœur pénitent : au secret effroi des âmes crédules il fallait ajouter les égarements de l'imagination, l'épouvante des yeux. A Arras, on promena un grand tableau représentant un calvaire. A la droite du crucifix, du côté du bon larron, figuraient Maury, Cazalès, Juigné, Virieu, d'Éprémesnil, les royalistes ; du côté, du mauvais larron, étaient les révolutionnaires de l'Assemblée ; les uns tenant la lance, les autres le vinaigre et l'absinthe, et criant : Si tu es le fils de Dieu, fais un miracle et comble le déficit[52].

D'après ces pratiques employées pour entraîner le nord, naturellement raisonneur et grave, on devine ce qui put être osé dans le Midi, dans ce Midi où, selon l'énergique expression d'un écrivain moderne, des incendies inconnus couvent sous la terre. C'est comme pour ces houillères qui brûlent dans l'Aveyron. Le feu n'est pas à la surface ; mais, dans ce gazon jauni, si vous enfoncez un bâton, il fume, il prend feu, il révèle l'enfer qui dort sous vos pieds[53].

Non jamais, jamais on ne saura ce que peuvent contenir de haines et de meurtres, à de certaines heures, les pèlerinages pleins d'onction, les molles neuvaines, les prières de quarante heures, et les scapulaires, et les jubilés, et ces reliques des saints qui un beau jour, entre les mains d'un Jacques Clément, deviennent un poignard. Ignoraient-ils cela, ceux qui, le lendemain du débat sur les biens des prêtres, s'en allaient, traînant après eux, le long des rues de Toulouse, ces lugubres et gémissantes files de pénitents blancs, de pénitents gris, de pénitents bleus ? Il y avait une chapelle, dite Notre-Dame de Roqueville, autour de laquelle les catholiques superstitieux auraient dû craindre de voir errer les spectres des Albigeois assassinés ; car elle rappelait l'histoire des massacres accomplis pour le compte de Dieu. Eh bien ! c'était là que, devant de pauvres cerveaux affaiblis, devant de malheureuses créatures qu'avait épuisées la longueur des oraisons, le fanatisme monacal allait offrir la France à la  sainte Vierge[54]. Ne riez pas de ces mysticités si puériles en apparence ; que de mères et que d'épouses elles allaient faire pleurer !

Il y eut en quelques endroits, cependant, des actes de révolte qui auraient charmé Voltaire. A la Douze, près de Sarlat, dans la Dordogne, les paysans forcèrent le curé de mettre au saint sacrement une cocarde, et de laisser jour et nuit le tabernacle ouvert. Il faut, disaient-ils, que Dieu, lui aussi, jouisse de la liberté[55]. Dans les environs de Troyes, d'autres paysans, furieux d'entendre leurs curés tonner contre l'Assemblée nationale, les firent monter, au nombre de dix-huit, sur une grosse charrette de labour, garnie d'un lit de paille, et les menèrent, fouet en main, prêter le serment civique au marché[56].

De toutes les cités du Midi, la plus exposée aux ravages des passions religieuses, c'était Nîmes. Depuis longtemps, le foyer du protestantisme était là. Non que les protestants y fussent égaux en nombre aux catholiques, ils étaient deux fois moins nombreux, au contraire ; mais comme, jusqu'en 1789, ils avaient été oppressivement écartés des emplois, leur activité, tournée au commerce, les avait rendus possesseurs de grandes richesses. Là donc, plus qu'ailleurs, les fanatiques de l'Église romaine se trouvaient excités, irrités par la présence d'une Église rivale et puissante. D'autant qu'avec les protestants faisaient cause commune, sous le rapport politique, beaucoup de catholiques, et les meilleurs, ceux dont les croyances s'éclairaient des lueurs de la philosophie, ceux que l'esprit de tolérance avait touchés, ceux qu'animait la plus sublime des émanations célestes, le sentiment de l'égalité. On en vit, à Nîmes, une preuve bien touchante lors du décret qui déclara tous les citoyens admissibles à tous les emplois. Un même cri d'amour, sorti du plus profond de l'âme humaine, s'éleva alors vers le ciel ; un même cantique de délivrance résonna sous les splendides voûtes des cathédrales et dans les temples austères. Les républicains des deux cultes se tendirent mutuellement les bras, étonnés d'avoir été si longtemps à se saluer égaux[57].

Mais, silencieux encore dans ses repaires et immobile, le fanatisme attendait son heure. Ce fut lui qui bientôt fit remarquer aux cœurs jaloux que, dans la milice à peine levée, le nombre des protestants dépassait celui des catholiques ; que la richesse des premiers tendait à leur assurer désormais une suprématie constante ; que, dans l'état-major, c'étaient les protestants qui dominaient. Peut-être aussi, comme le leur reprochent les écrivains du parti des prêtres[58], les nouveaux affranchis ne mirent-ils pas à jouir de leurs droits reconquis assez de modération et de retenue ?

Parmi les citoyens influents de la ville, il y en avait malheureusement un qui, par son audace, par son activité et la science de l'agitation naturelle en lui, pouvait beaucoup, pouvait trop. Il s'appelait Froment, et son opinion, publiquement développée depuis dans un écrit de lui[59], était qu'on ne peut étouffer une forte passion que par une passion plus forte encore, que le zèle religieux, conséquemment, pouvait seul étouffer le délire républicain. Il méprisait fort les philosopheurs de son parti. Il reprochait avec amertume aux royalistes de n'avoir pas su se défendre eux-mêmes de la contagion générale et de s'être laissé gagner à leur insu aux séductions du voltairianisme. Selon lui, c'était la manie de raisonner avec le peuple, en faveur de la monarchie, qui perdait tout. A quoi bon tant s'adresser à l'intelligence ? Et pourquoi tant craindre de manquer, en prononçant le mot religion, aux lois du bel esprit ? Passionner les multitudes ignorantes, les alarmer sur leur salut éternel, employer enfin les puissants moyens que la religion présente, et dont les plus grands politiques se sont servis dans tous les temps avec succès[60], voilà ce qu'il fallait.

Ce fut sous l'empire de cette idée froidement cruelle que Froment, uni à l'avocat Folacher et à Descombiés, ancien page du roi[61], travailla à remplir la ville de ses fureurs, et creusa la mine dont nous aurons à raconter l'effroyable explosion.

Sur les événements qui vont suivre aussi bien que sur la catastrophe qui en fut l'aboutissement, des informations furent faites, plus tard, à la requête du procureur du roi au sénéchal de Nîmes, et en conséquence de plaintes portées par lui successivement les 31 mars, 10 mai et 7 juillet 1790 : c'est à cette source que nous puiserons ; c'est des documents officiels et irréfragables fournis par la procédure que nous composerons principalement notre récit, les écrivains des deux partis contraires ayant soulevé, en cette occasion, autour de la vérité, une poussière au travers de laquelle il serait impossible de la reconnaître.

Le mouvement qui emportait Nîmes vers la guerre civile remontait au mois de décembre 1789 ; il-avait pris naissance dans la formation de la municipalité. La faction ultra-catholique et contre-révolutionnaire ne haïssait pas les protestants comme tels seulement, elle les haïssait comme gagnés à la cause de la Révolution et comme apprentis républicains[62]. Elle se rappelait que de leur part, cette tendance à jouir de la liberté républicaine s'était déjà plusieurs fois manifestée dans l'histoire. Ne les avait-on pas vus, en 1577, former une république en Languedoc, d'où ils chassèrent alors le maréchal de Damville[63] ? Écarter les protestants des fonctions municipales devint donc une des plus vives préoccupations de cette faction, dont Froment, Descombiés, Folacher, Vidal, procureur de la commune, le curé Clémenceau et l'abbé Clavière dirigeaient la violence.

Les nouveaux ligueurs tinrent, dans l'église des Pénitents, à Nîmes, des assemblées nocturnes, où les officiers municipaux à élire furent désignés du haut de la chaire[64] ; la résolution de repousser systématiquement les non-catholiques fut prise à la face des autels[65] ; on répandit à profusion des listes dressées d'avance, avec salaire pour chaque votant, et en se servant de l'intermédiaire des revendeurs de vin, agents actifs du fanatisme à Nîmes[66]. C'était entrer dans des routes sanglantes, et les meneurs le savaient bien ; mais l'un d'eux, Gravil de Bouillargues, ne faisait que révéler le fond de leurs implacables pensées, quand il s'écriait : S'il faut se poignarder, il faut se poignarder ; dix ans de plus ou de moins ne sont rien[67].

En même temps, et pour n'être pas pris à l'improviste, Froment donnait ordre de fabriquer des fourches, des haches et des sabres dont le dos était une scie[68].

La victoire fut complète autant que sinistre ; le pouvoir municipal appartint tout entier aux ultra-catholiques, et, dès cet instant, l'insolence de la faction se déploya sans frein. Capitaine, dans la milice nîmoise, d'une compagnie composée de ses séides, Froment osa la conduire un jour, armée de fourches, sur l'Esplanade[69]. Les non-catholiques étaient insultés en pleine rue, à chaque instant ; et poursuivis du nom de gorges noires. On en maltraita plusieurs, dont un reçut trois coups de couteau[70].

Arriva la nouvelle que, Rabaut Saint-Étienne avait été élu président de l'Assemblée nationale. On juge quelles colères !... Un placard couvrit les murs de Nîmes, et le peuple attroupé y lut : L'infâme Assemblée nationale vient de mettre le comble à ses forfaits, en élisant, pour la présidence... un protestant ![71] Puis, comme si ce n'était pas assez de ces bravades anonymes, le gardien des Capucins et un autre religieux, le père Saturnin, parurent, le lundi de Pâques, sur le perron de leur couvent, d'où ils se mirent à insulter l'Assemblée[72].

Tout à coup... mais non, pareille impiété n'est pas croyable, — les ligueurs de Nîmes apprennent que, dans la séance du 14 avril, l'Assemblée a confié, par décret solennel, aux administrations de département et de district la gestion des biens du clergé, mis à la disposition de la nation. Aussitôt, convocation générale, dans l'église des Pénitents, des membres de la ligue[73]. Les curés de Bouillargues, Rodillon, Courbessac, montent en chaire[74], enflamment l'auditoire, et de leurs exhortations factieuses sort la célèbre Déclaration des citoyens catholiques de la ville de Nîmes, du 20 avril 1790. L'Assemblée nationale y était représentée comme égarée par les ennemis du bien public, et l'on y demandait :

Que la religion catholique, apostolique et romaine fût déclarée religion de l'Etat et seule admise aux honneurs du culte public ;

Qu'il ne fût fait aucun changement dans la hiérarchie ecclésiastique, et que nulle réforme ne pût être opérée sans le concours des conciles nationaux ;

Qu'enfin, l'Assemblée nationale employât toute son autorité pour faire rendre au roi le pouvoir exécutif suprême.

La veille, un homme, en habit de dominicain, s'était montré sur la place aux Herbes, implorant l'aumône et disant qu'il fallait bien que ceux-là mendiassent, que l'Assemblée venait de dépouiller. On recueillit ce misérable, et on lui donna à dîner, pendant que, trompée par cette comédie, la foule criait à l'injustice[75].

Il était impossible que cette agitation, ces manœuvres ne conduisissent pas à des désastres. Le 1er mai, des légionnaires à cocarde blanche allèrent élever un mai devant la porte du baron de Marguerittes, maire de Nîmes et membre de la faction ultra-catholique. Le lendemain, grand festin chez le magistrat reconnaissant. Les légionnaires de la veille y figurèrent, décorés de la cocarde blanche. Le repas fini, les convives, échauffés par le vin, sortent en tumulte, se répandent dans la ville et la font retentir du cri Vive le roi ! vive la croix ! Les soldats du régiment de Guyenne étaient tous patriotes : ces clameurs les irritent ; la vue de la cocarde blanche, étalée en manière de provocation, les indigne. Quelques-uns arrachent le signe séditieux du chapeau des légionnaires qui s'en étaient parés ; une rixe s'engage, les épées se croisent, le sang coule. On remarqua sur le Cours deux prêtres qui animaient la querelle, en criant : zou ! zou ![76] Le domestique du curé Clémenceau fut aperçu jetant des pierres, distribuant de l'argent[77] et c'était Saint-Louis, cocher du maire, qui conduisait le désordre au cri de à bas les gorges noires ![78]

Mais, tandis que le valet poussait à l'émeute, le maître, suivi du procureur de la commune et de plusieurs officiers municipaux, haranguait le peuple avec beaucoup de douceur et prêchait la paix. Elle ne pouvait être et ne fut que l'ajournement de la guerre. Dès le lendemain, Descombiés, capitaine d'une compagnie des soldats de la croix, paraissait, à la tête des siens, sur la place du Puits de la Grande Table, et leur faisait prêter serment de fidélité au roi et à la croix[79]. Le soir, les attroupements recommencèrent : partout les non-catholiques étaient menacés. Un d'eux se vit appuyer un pistolet sur la poitrine ; un autre eut le poignet coupé ; un grenadier du régiment de Guyenne fut tué d'un coup de fusil, tiré par Froment, surnommé Tapage, et frère du chef des ligueurs de Nîmes[80].

Le 4 mai, la publication de la loi martiale mit fin momentanément à ces préludes de guerre, civile ; mais ce jour-là même, afin de rendre éligibles pour le département Froment et Folacher, la municipalité leur passa bail d'un terrain vacant.

Pendant ce temps, la tragédie du fanatisme se jouait à Montauban avec un odieux succès. Là, les excitations d'une fête mystique, jointes à celles des jours ardents qui commençaient, la déclaration des catholiques de Nîmes, trop bien connue, un mandement factieux de l'évêque, les publiques et lamentables prières qui suivirent, un coup de fusil qui, en pleine procession, fut tiré, d'une fenêtre, contre le prêtre marchant en tête, tout avait exalté les cerveaux, surtout parmi les femmes. Était-ce le moment d'aller faire, à grand bruit l'inventaire des effets. appartenant au couvent de la ville ? Non, et c'est ce qu'auraient compris les officiers municipaux, si par malheur la municipalité de Montauban, comme celle de Nîmes, n'eût été un instrument aux mains des prêtres. Le 10 mai, vous eussiez vu un spectacle étrange : des milliers de femmes couchées devant la porte des couvents ; pour entrer, il s'agissait de leur passer sur le corps ! D'un pas lent et grave, le visage triste et comme succombant à la nécessité d'un devoir qu'ils détestent, les officiers municipaux se présentent. Les femmes alors se répandent en cris aigus : les magistrats s'y attendaient, et se retirèrent. Sur ces entrefaites, des gens, qu'on crut apostés, se précipitent dans l'église des Cordeliers, brisant tout. On ravageait donc les églises ! Aux armes ! mort aux protestants ! Des billets anonymes sont distribués, où l'on adjure les femmes de se lever, de courir à l'Hôtel de ville. Quelques malheureux soldats de la garde bourgeoise s'y trouvaient retranchés. Les mères entraînant leurs enfants, les sœurs leurs frères, les épouses leurs maris, bientôt une irrésistible foule rugit autour de la maison commune. Le poste est emporté : cinq de ses défenseurs tombent percés de coups ; les autres, on les dépouille, et, en chemise, nu-pieds, tout sanglants, on les mène faire amende honorable devant la cathédrale. Le régiment de Languedoc, que la municipalité aurait pu requérir dès le commencement des troubles, parut enfin quand il n'y avait plus rien à empêcher. Les gardes, auxquels réparation était due, furent au contraire jetés en prison, où plusieurs moururent de leurs blessures.

Un des traits caractéristiques de cette époque, c'est le sentiment de solidarité qui animait les villes, sentiment tout nouveau et admirable. Les désordres de Montauban ne furent pas plutôt connus à Bordeaux, que la garde nationale de cette cité prit feu. Tous s'indignent, tous saisissent le mousquet, tous veulent partir. Pour composer, en la limitant, l'armée des vengeurs, il fallut tirer au sort. Quinze cents volontaires, désignés par le hasard et portant en eux l'âme de Bordeaux, se mirent en route. Or, tandis qu'ils faisaient marche forcée vers Montauban, on leur envoya, de leur ville, par la Garonne, quatre mortiers, des bombes, des munitions. Le bateau, continuellement remorqué par deux ou trois cents hommes, ne mit que cinquante-deux heures à un trajet qui d'ordinaire exige huit ou dix jours.

L'approche des troupes bordelaises calma Montauban ; les plus coupables s'enfuirent, les prisonniers furent rendus à la liberté ; et, lorsque, à deux mois et demi de là, la municipalité, mandée à la barre de l'Assemblée nationale, s'avisa de dire, par la bouche de son orateur : Eh ! messieurs, qui nous accuse ? Lavie poussa ce cri sublime : Qui vous accuse ? Les morts ![81]

Nîmes... Ici nous touchons à des scènes de carnage… Arrêtons-nous un instant, et regardons ailleurs. Nous n'aurons que trop tôt le pied dans ces mares de sang !

 

 

 



[1] Séance du 9 avril.

[2] Révolutions de France et de Brabant, n° 21.

[3] Révolutions de France et de Brabant, n° 23.

[4] Chronique de Paris, n° 103.

[5] Mandement de l'évêque d'Ypres, dénoncé à l'Assemblée nationale par les volontaires de la garde bourgeoise de Dunkerque.

[6] Révolutions de France et de Brabant, n° 22.

[7] Chronique de Paris, n° 94.

[8] Chronique de Paris, n° 97.

[9] Portrait historique du cardinal Maury, par le citoyen Car..., an VI, dans la Bibliothèque historique de la Révolution, 778, 779. British Museum.

[10] Portrait historique du cardinal Maury, par le citoyen Car..., an VI, dans la Bibliothèque historique de la Révolution, 778, 779. British Museum.

[11] Portrait historique du cardinal Maury, par le citoyen Car..., an VI, dans la Bibliothèque historique de la Révolution, 778, 779. British Museum.

[12] Portrait historique du cardinal Maury, par le citoyen Car..., an VI, dans la Bibliothèque historique de la Révolution, 778, 779. British Museum.

[13] Rapport de Chasset.

[14] Rapport de Chasset.

[15] Moniteur, séance du 12 avril 1790.

[16] Voyez pour cette séance, le récit du Moniteur, combiné avec celui des journaux du temps et avec les Mémoires de Ferrières, t. I, liv. V.

[17] Révolutions de France et de Brabant, n° 21, et Mémoires de Ferrières, t. I, liv. V.

[18] Révolutions de France et de Brabant, n° 21.

[19] Révolutions de France et de Brabant, n° 21.

[20] Mémoires de Ferrières, t. I, liv. V.

[21] Mémoires de Ferrières, t. I, liv. V.

[22] Moniteur, séance du 15 avril 1790.

[23] Moniteur, séance du 15 avril 1790.

[24] Moniteur, séance du 15 avril 1790.

[25] Moniteur, séance du 15 avril 1790. Voyez aussi les Mémoires de Ferrières, sur cette séance, très-mal et très-incomplètement rapportée par Bertrand de Molleville.

[26] Le Modérateur, n° 104.

[27] Chronique de Paris, n° 107.

[28] Chronique de Paris, n° 105.

[29] Moniteur, séance du 14 avril 1790.

[30] Moniteur, séance du 14 avril 1790.

[31] Actes des apôtres, n° 90.

[32] Chronique de Paris, n° 110.

[33] Bibliothèque historique de la Révolution, 778, 779. British Museum.

[34] Bibliothèque historique de la Révolution, 778, 779. British Museum.

[35] Chronique de Paris, n° 107.

[36] Chronique de Paris, n° 107.

[37] Règne de Louis XVI, t. VI, § 23.

[38] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. VI, p. 5. Collection Berville et Barrière.

[39] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. VI, p. 9.

[40] Moniteur, séance du 19 avril 1790.

[41] Mémoires de Ferrières, t. II, liv. VI, p. 10.

[42] Biographie universelle, au mot MAURY.

[43] Règne de Louis XVI, t. VI, § 23.

[44] Règne de Louis XVI, t. VI, § 23.

[45] Règne de Louis XVI, t. VI, § 23.

[46] Règne de Louis XVI, t. VI, § 23.

[47] Révolutions de France et de Brabant, n° 22.

[48] Révolutions de France et de Brabant, n° 23.

[49] Histoire abrégée de la Révolution, par l'auteur du Règne de Louis XVI, p. 96. Paris, MDCCCIII.

[50] Révolutions de France et de Brabant, n° 23.

[51] Mandement de l'archevêque de Blois.

[52] Révolutions de France et de Brabant, n° 23.

[53] M. Michelet, dans sa belle histoire de la Révolution française, t. II, chap. VIII.

[54] Révolutions de France et de Brabant, n° 23.

[55] Histoire abrégée de la Révolution française, par l'auteur du Règne de Louis XVI, t. I, liv. III. Paris, MDCCCIII.

[56] L'Observateur, n° 127.

[57] Voyez, entre autres ouvrages où ce fait est affirmé, le Précis historique des massacres commis par les protestants sur les catholiques de Nîmes. — Pamphlet ultra-royaliste et ultra-catholique.

[58] Précis historique des massacres commis par les protestants sur les catholiques de Nîmes, p. 12.

[59] Recueil de divers écrits relatifs à la Révolution, p. 4 et suiv.

[60] Recueil de divers écrits relatifs à la Révolution, p. 4 et suiv.

[61] Vérités historiques sur les événements arrivés à Nîmes, par le club des Amis de la Constitution, 1790.

[62] L'aveu s'en trouve dans le Précis historique des massacres commis par les protestants sur les catholiques de Nîmes, p. 6.

[63] Précis historique des massacres commis par les protestants sur les catholiques de Nîmes, p. 6.

[64] Déposition de l'abbé Rochemaure, 99e témoin de l'Information sur la plainte par addition du 7 juillet, faite par décret de l'Assemblée nationale, rendu le 17 juin.

[65] Dépositions des 61e, 88e et 99e témoins.

[66] Dépositions des 1er, 2e, 4e, 5e 6e, 7e, 8e, 11e, 13e, 15e, 17e, 18e, 19e, 20e, 22e, 27e, 28e, 29e, 30e, 41e, 43e 44e, 49e, 50e, 69e, 90e, 91e et 92e témoins de l'Information sur la plainte par addition du 7 juillet.

[67] Dépositions des 11e, 12e et 14e témoins de la même information.

[68] Dépositions des 142e, 144e et 162e témoins de la même information.

[69] Dépositions des 142e, 144e et 162e témoins de la même information.

[70] Procès-verbal de visite de la personne de Pourcher.

[71] Chronique de Paris, n° 103. Ce journal ajoute que, le lendemain, quatre protestants furent assassinés : erreur de date dans laquelle est tombé aussi M. Michelet. Les assassinats, ou plutôt les tentatives d'assassinats, avaient eu lieu avant la nomination de Rabaut Saint-Étienne.

[72] Dépositions des 157e, 158e et 168e témoins de l'Information sur la plainte par addition du 7 juillet.

[73] Dépositions des 15e, 16e, 17e, 20e, 21e, 22e, 23e, 26e, 27e, 29e, 50e et 169e témoins.

[74] Dépositions des 15e, 16e, 17e, 20e, 21e, 22e, 23e, 26e, 27e, 29e, 30e…, 90e et 169e témoins.

[75] Précis historique sur les désordres commis à Nîmes.

[76] 22e, 41e et 72e témoins de l'Information sur la plainte du 10 mai.

[77] 48e, 69e et 70e témoins de la même information.

[78] Voyez, sur l'ensemble des faits, les dépositions des 18e, 78e, 80e, 81e, 83e et 84e témoins de l'Information sur la plainte du 10 mai, et celles des 53e, 54e, 55e, 100e, 101e 123e, 126e, 127e, 128e et 129e témoins de l'Information sur la plainte par addition du 7 juillet.

[79] 34e et 35e témoins.

[80] 12e, 14e, 16e, 17e, 57e et 95e témoins de l'Information sur la plainte du 10 mai.

[81] Voyez, pour cette affaire de Montauban, le récit de Loustalot, dans les Révolutions de Paris, le Moniteur, séances des 22 et 26 juillet, et l'Histoire abrégée de la Révolution, par l'auteur du Règne de Louis XVI, t. I, liv. III, p. 97, 98, 99, 100, 101, 102 et 103.