HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

ORIGINES ET CAUSES DE LA RÉVOLUTION

LIVRE DEUXIÈME. — BOURGEOISIE

 

CHAPITRE IV. — PROGRÈS DE LA BOURGEOISIE. - LA FRONDE ET LE JANSÉNISME.

 

 

Le parlement. — Délibérations de la chambre de Saint-Louis : révolution bourgeoise avortée. — Le parlement arrive à l'omnipotence et s'en effraye. — La Fronde du parlement vaincue par elle-même. — Inanité de la Fronde des princes. — Naissance du Jansénisme ; son importance historique dans l'histoire de la haute bourgeoisie. — Vie de Port-Royal. — Caractère politique et révolutionnaire des Provinciales. — Le Jansénisme, c'était le parlement dans l'Église.

 

En écrasant les restes de la féodalité, Richelieu n'avait fait que préparer à la royauté absolue des ennemis nouveaux. Le contre-poids ne fut pas détruit, mais seulement déplacé. Aux résistances armées de la noblesse succéda l'opposition légale de la haute bourgeoisie : l'ancien intermédiaire ayant disparu, le trône et le parlement se trouvèrent face à face.

Or, le parlement n'était plus, comme dans l'origine, une simple compagnie judiciaire. Par l'habitude qu'on lui avait laissé prendre d'enregistrer les édits et de les enregistrer en les critiquant, il était devenu un corps politique : il avait considération et richesses. Dans son sein venaient siéger les ducs et pairs, les princes du sang.

Derrière lui se tenaient, toujours prêtes à le soutenir, nombre de compagnies faites à son image et animées de son esprit. Il avait pour clientèle les possesseurs des offices de judicature et de finance, clientèle imposante et nombreuse, à qui l'hérédité des charges donnait la consistance d'une aristocratie. Il marchait à la tête de quarante-cinq mille familles.

L'ambition des corps politiques est violente de sa nature et infatigable, parce que ceux mêmes qu'elle emporte la prennent volontiers pour la passion du bien public, et qu'elle réunit de la sorte l'énergie du dévouement à l'âpreté de l'égoïsme. Le parlement brûlait du désir d'essayer ses forces, de les accroître ; et, pour cela, l'occasion était admirable à la mort de Richelieu.

Échappée aux étreintes d'un despotisme intelligent mais dur, la France s'élançait joyeusement vers la liberté.

On s'indignait d'un trop long repos dans la servitude ; on voulait des garanties écrites ; on cherchait des lois amies ; on se demandait pourquoi les princes ne vivraient pas sous une règle immuable, et ne seraient pas, suivant la belle expression du coadjuteur de Retz, semblables à Dieu qui obéit toujours à ce qu'il a commandé une fois[1].

La mort de Louis XIII, qui suivit de près son ministre au tombeau, vint ajouter à l'impétuosité de ce mouvement. Une minorité ! quelle carrière ouverte aux tentatives de l'ambition ! Et n'était-ce pas déjà pour les parlementaires un vif encouragement à l'orgueil que la régence par eux décernée à l'impérieuse Anne d'Autriche ?

Quel homme d'ailleurs avait-on devant soi ? Après la terrible Éminence rouge, Mazarin fit presque pitié ! Les qualités puissantes de son prédécesseur, trop voisines des siennes, les firent paraître ternes et vulgaires. On rapetissa injustement par la comparaison ses vertus, ses vices et jusqu'à ses défauts. Son habileté, un peu souterraine, fut réputée hypocrisie, et sa prudence faiblesse. Il était fin : on le déclara fourbe. On le crut lâche, parce que son courage était seulement celui de la circonstance, et que sa hardiesse ne dépassa jamais le besoin qu'il avait d'être hardi. On l'attaqua enfin parce que Richelieu l'avait choisi pour se survivre et qu'il disparaissait dans l'éclat de Richelieu.

Ainsi s'explique l'origine de la Fronde ou, plutôt, des deux Frondes ; car il y eut celle du parlement et celle des princes. Elles échouèrent l'une et l'autre ; mais la première était l'annonce d'une révolution, et la seconde ne fut que l'avortement d'une intrigue.

Ce pouvait être un jour mémorable à jamais dans l'histoire de la bourgeoisie que celui où le parlement se réunit à la cour des aides et à la cour des comptes, dans la chambre de Saint-Louis, pour poser une digue au pouvoir absolu et créer une charte. Mais cette élévation de sentiments qui rend les obstacles petits à force de vouloir des choses grandes, mais cette résolution d'aller, s'il est nécessaire, au delà du but pour être sûr de l'atteindre, mais ce désintéressement que donnent l'enthousiasme de la justice et les ivresses généreuses, voilà ce qui manquait aux réformateurs de la chambre de Saint-Louis. Leur œuvre le prouva bien.

Ils demandèrent qu'à l'avenir aucune taxe ne fût levée qu'après avoir subi leur contrôle, exprimé librement[2] : c'était, contre l'arbitraire royal, usurper la souveraineté du peuple. Ils demandèrent, pour augmenter la valeur vénale de leurs offices, qu'il ne fût plus permis d'en créer de nouveaux[3] : c'était faire de leur intérêt propre une loi de salut public. Ils proposèrent de ne pas même rembourser aux traitants leurs avances[4] : c'était châtier des voleurs par un vol qui abaissait le gouvernement à leur niveau. Ils réclamèrent la destruction des intendances[5] : c'était sacrifier au fédéralisme des parlements de province les intérêts bien compris de la classe moyenne et l'unité de l'État.

Mais, en revanche, ils venaient dire : que désormais tout individu arrêté soit, passé vingt-quatre heures, rendu à son juge naturel ; et que les tailles soient diminuées d'un quart, au profit du peuple. Ici la révolution commençait : Paris fut ému et s'agita.

Étonné d'abord qu'on eût songé à lui, le peuple ne tarda pas à éclater en transports de reconnaissance. De là sa colère contre la cour, à la nouvelle de l'enlèvement des conseillers Blancmesnil et Broussel ; de là le docile appui que, dans la journée des barricades, il prêta aux compagnies bourgeoises, chargées de le contenir en le soulevant ; de là enfin cette exaltation extraordinaire des âmes qui força la cour à s'humilier, dans la déclaration du 24 octobre 1648, devant la charte parlementaire.

Et pourtant, l'autorité royale avait à opposer à ses adversaires le merveilleux succès de sa politique extérieure et de ses armes ; les victoires de Rocroi, de Fribourg, de Nordlingen, semblaient donner la gloire pour tutrice à Louis XIV enfant ; quand les barricades furent formées dans Paris, on achevait à peine le Te Deum qui célébrait la bataille de Lens, gagnée par la jeunesse de Condé ; et le jour même où la cour s'avouait vaincue par la magistrature, le 24 octobre 1648, le traité de Munster[6] rendait l'Alsace française et pour toujours.

De pareils rapprochements montrent assez qu'à cette époque l'influence dû parlement était prépondérante.

D'où vient donc que l'élan révolutionnaire s'éteignit si vite ? D'où vient qu'à quelques mois de là, les ardeurs de la place publique se dissipaient en séditions de boudoir et en conjurations frivoles ? Suivez le parlement à travers le bruit des révoltes par lui-même excitées ; interrogez-le.

Violant ses promesses, la cour s'est enfuie ; elle a rassemblé des troupes, elle assiège la capitale, et Condé commande.

Mais combien est imposante et forte la situation de ce parlement assiégé ! Il n'a eu qu'à faire un signe, et Paris s'est trouvé debout. C'est pour lui que les compagnies bourgeoises sont en armes dans la cité qui ne dort plus ; c'est lui qui, par le coadjuteur de Retz, dispose des emportements populaires ; c'est comme héroïnes de sa cause que les duchesses de Bouillon et de Longueville traversent la place de Grève et montent les degrés de l'Hôtel de Ville, aux acclamations du peuple ravi de leur courage et de leur beauté. Une alliance s'est formée entre la magistrature et la noblesse ; mais la magistrature y paraît sur le premier plan. Ces robins, jusqu'alors méprisés par les gens d'épée, les voilà qui traînent à leur suite, compromis et perdus dans leur querelle, un prince de Conti, un prince de Marcillac, les ducs d'Elbeuf, de Bouillon, de Beaufort, le maréchal de La Mothe ; et, dans la foule mêlée qui remplit les galeries du palais ou les salles de la maison commune, la cuirasse du gentilhomme produit moins d'effet que la robe longue du conseiller.

Or, quelle est pendant ce temps la préoccupation du parlement arrivé au faîte ? Il a peur du peuple.

Lorsqu'en 1646 le contrôleur général Émery était venu proposer l'établissement d'un tarif sur toutes les marchandises introduites dans Paris, on avait vu le parlement repousser d'abord le tarif comme destructeur des privilèges en matière d'impôt, puis l'admettre en exemptant de la taxe tout ce qui provenait du cru des bourgeois. Ce fait, que Forbonnais a justement flétri[7], juge le parlement. Il eut peur du peuple parce qu'il ne l'aimait pas.

Soyons juste et n'oublions rien. On était, lors du siège de Paris, en 1649 ; et à l'extérieur, l'esprit de révolte soufflait avec une violence inaccoutumée. En Italie, la ville de Naples était pleine du souvenir de Mazaniello vainqueur et elle frissonnait encore ; à Constantinople, les Janissaires triomphaient d'Ibrahim étranglé ; l'Allemagne, que la guerre de trente ans avait couverte de ses derniers ravages, saluait dans la paix de Westphalie la rébellion de Luther admise à faire partie du droit public ; et la démocratie anglaise, sur un geste de Cromwell, venait de frapper un coup de hache que toute l'Europe avait entendu.

Il n'en fallait pas tant pour qu'en France, les heureux et paisibles administrateurs de la justice s'arrêtassent épouvantés. Ils eurent le vertige sur des hauteurs qu'ils n'étaient pas faits pour pratiquer. Ce qu'ils pouvaient les surprit et les accabla.

Il est vrai que les nobles de leur parti commençaient à parler de pactiser avec l'Espagne ; et c'est l'honneur du parlement de n'avoir eu pour de semblables tendances qu'indignation et dégoût. Mais il lui eût été facile de contenir les généraux de la Fronde et de couper court aux offres avilissantes de l'étranger, sans jeter au loin pour cela le drapeau des libertés publiques. Le coadjuteur de Retz ne s'était-il pas livré tout entier au parlement, avec son génie, son audace, sa popularité ? Ne répondait-il pas de l'appui de la multitude ? Les compagnies bourgeoises reconnaissaient-elles un autre étendard que celui du parlement ? Mais, en révolution, il faut aller en avant ou tomber. Le parlement le comprit, et il aima mieux tomber que de faire un pas de plus. Aussi à mesure que son pouvoir grandit, son trouble augmente. Il se hâte vers la paix quand lui sont offerts de toutes parts les moyens de mener vigoureusement la guerre. Un jour, on apprend que le duc de Longueville arrive à pas pressés au secours de la capitale ; que le duc de la Trémouille amène dix mille hommes du Poitou ; que Turenne, passant le Rhin, vient offrir aux magistrats son nom, sa gloire, son armée...[8] et aussitôt, éperdu, désespéré d'avoir la monarchie à vaincre et la France à conduire, le parlement, par ses négociateurs, abdique à Ruel, entre les mains de Mazarin, son ennemi. Car ce fut l'abdication du parlement que ce traité de Ruel, consécration si vaine, si mensongère, de la déclaration du 24 octobre, qu'il ne resta personne pour en réclamer l'exécution. L'article relatif à la diminution des tailles avait été abandonné[9] ; la clause relative aux arrestations arbitraires, Mazarin s'empressa d'y répondre en arrêtant trois princes. Et le parlement laissa faire : il voulait être vaincu.

Pusillanimité coupable, dont Mathieu Molé doit entre tous porter la responsabilité aux yeux de l'histoire. Mais lui, du moins, il sut par sa dignité honorer sa faiblesse. Comme pour s'absoudre de la terreur que lui inspirait la souveraineté du peuple, il le brava furieux et rugissant ; et il couvrit ainsi la timidité de ses vues par l'intrépidité de son cœur.

Le reste ne vaut pas qu'on s'y arrête. Combattre pour des emplois, en riant, au bruit des chansons ; agiter le peuple, sans avoir une noble idée, sans ressentir une passion énergique ; obéir jusqu'à la mort, jusqu'à la trahison, à des galanteries qu'on croit de l'amour ; changer de parti en changeant de maîtresse ; et passer à l'ennemi, même quand on s'appelle Condé, même quand on est Turenne... voilà la Fronde des princes. Le temps des insurrections militaires et féodales était si bien passé que la noblesse, réduite à ses propres forces, ne put garder son sérieux dans la révolte.

Le pouvoir absolu triompha donc aisément dans la personne de Mazarin, ministre habile toutefois, puisqu'il eut ce rare privilège, cette gloire unique, de mourir tout-puissant et méprisé.

Mais qu'importe ? On savait maintenant de quel côté pouvait venir la résistance. La bourgeoisie restait convaincue d'une vérité redoutable, savoir que son union avec le peuple déciderait, à la première occasion, du sort de la France et mettrait fin au pouvoir absolu. D'ailleurs, si la lutte cessait momentanément dans l'ordre politique, elle se continuait dans l'ordre social, plus sourde mais plus décisive peut-être, et toujours au profit de la bourgeoisie.

 

Nous avons vu naître les Jésuites. Leur Institut ne laissait à la personnalité humaine ni place ni refuge[10]. Leur général fut pour eux un Christ vivant. De là une absence complète de prétentions personnelles, mais aussi un prodigieux esprit de corps, une ambition collective poussée jusqu'au délire. Car c'est à la fois le vice et la force de toute association particulière, que l'égoïsme, mort en apparence dans chacun, y revive dans la masse avec une énergie indomptable. Il n'en fut pas autrement chez les jésuites. Ces moines, qu'enchaînait le vœu de pauvreté, disposèrent de toutes les fortunes. Ces volontaires esclaves d'un homme, esclave lui-même d'une règle, conduisirent en maîtres l'Europe étonnée. On les trouva s'imposant à Rome dans Rome, faisant peur à l'inquisition en Espagne, menant en France le jeu terrible des factions, pesant sur Naples et sur Lisbonne, s'installant à Vienne pour y allumer cette fameuse guerre dont l'Allemagne protestante brûla trente ans, partout redoutés et subis, accusés de despotisme et s'agitant par quelques-uns des leurs au fond de chaque révolte, accusés de tendances régicides et enveloppant les princes de leurs impérieux services, toujours debout dans leur humilité, tenant en main l'âme des rois, le sort des peuples, et troublant ou gouvernant les générations, du sein d'un silence formidable. Et toutefois, le monde leur eût tôt ou tard échappé, s'ils avaient eu l'insolence de le vouloir dominer en se tenant éloignés de lui. Ils le comprirent bien, et cette souplesse de leur morale, qui leur a été si fort reprochée, fut le trait le plus profond de leur politique. Par exemple, pour ne pas avoir contre eux le courant qui poussait les nations modernes vers l'industrie, ils s'adonnèrent au commerce, devenu pour eux un moyen de conquête. Ranke nous apprend qu'au seizième siècle, le collegio romano ne se faisait pas scrupule de fabriquer du drap à Macerata ; que les jésuites avaient des représentants dans les foires ; que, pour faciliter les relations entre les divers collèges, ils se livraient à des opérations de banque[11]. Le commerce leur donna les colonies ; le trafic des perles, des pierres précieuses, même des nègres, leur ouvrit le Japon[12]. Ajoutons, par respect pour la vérité, qu'ils n'allèrent pas toujours à la domination par des routes aussi profanes. Ce fut la charité seule qui assujettit à plusieurs de leurs missionnaires tant de contrées barbares où devaient rester les souvenirs de leur courage et la trace de leur sang ; ce fut l'ardeur de leur foi qui les poussa parmi les Illinois, les Hurons, les Nègres, les Éthiopiens[13]. Ils apportèrent au Paraguay, avec des vues d'hommes d'État, des pensées vraiment chrétiennes et le glorieux désir d'organiser une société fraternelle. Mais, ailleurs, que de ruse ! que d'habileté sans grandeur ! quelles menées ténébreuses ! que d'abaissement dans les calculs de l'orgueil ! N'avait-on pas vu les jésuites de la Chine voiler l'image de la croix, comme s'ils eussent rougi du scandale de leur Dieu mort sur un gibet ?

Ainsi tout fut bon aux jésuites, tout leur servit d'instrument : la patience et l'enthousiasme, le courage et les artifices, l'audace, l'intrigue, le bien, le mal. Et la surprise redouble quand on détourne la vue de leur action extérieure pour les suivre dans leur action souterraine. Les enfants leur appartenaient par l'éducation : par la confession, réduite aux conseils d'une indulgente amitié, ils charmèrent le cœur inquiet et tendre des femmes. Leur autorité se glissa presque inaperçue dans les familles, et bientôt elle y devint souveraine. Ils firent les mariages, présidèrent aux testaments, préparèrent les procès, et en vinrent jusqu'à régler les plaisirs de la maison[14].

Or, quelle était la doctrine qui pouvait le mieux convenir à cette souplesse envahissante ? Évidemment celle du libre arbitre. Quoi de plus propre à établir sur d'inébranlables fondements le régime de l'autorité que de dire aux hommes : De vous dépendent votre salut éternel et votre éternelle damnation ; mais si vous vous trompez, l'enfer est là. Pour vous guider nous voici. Telle était la véritable portée du fameux livre publié en 1588 sur la grâce et le libre arbitre, par le jésuite espagnol Molina. En se déclarant molinistes, les jésuites reniaient à demi le dogme du péché originel, qui, faisant l'homme esclave de sa propre corruption, ne rapporte le mérite de son salut qu'à la gratuite miséricorde de Dieu. Mais la théologie, chez les jésuites, avait toujours été subordonnée à la politique. Ils n'hésitèrent pas à proclamer la liberté humaine, se réservant bien d'en régler l'emploi d'une manière absolue, et comptant pour y parvenir sur leur habileté à rendre douces et riantes les pentes du devoir.

De l'opposition à cette politique et à ses effets naquit le Jansénisme.

Si le jansénisme n'avait eu que l'éclat d'une thèse théologique ; si son influence était morte étouffée entre les murs d'un couvent, il n'y aurait lieu de s'y arrêter.

Mais non : le jansénisme, en donnant un vernis religieux aux passions politiques de la magistrature, seconda la marche ascendante de la bourgeoisie. Il fit battre le cœur à l'opinion publique, puissance jusqu'alors peu connue.

Par lui, parlements et royauté furent mis aux prises, et précipités dans une mêlée confuse, meurtrière. Au dix-huitième siècle, quarante ans de folies sanglantes et de combats disent assez quelle fut la portée du jansénisme.

Il occupa, nous le verrons, beaucoup de place dans les préoccupations de Voltaire, et nous le retrouverons au pied de l'échafaud de Louis XVI.

Vers le commencement du dix-septième siècle, une correspondance active, mystérieuse et toute pleine de sombres pensées, s'ouvrit entre deux hommes qui, sur les bancs d'une école flamande, s'étaient, jeunes encore, liés d'étude et d'amitié. Le Belge Jansénius était un patient théologien : le Béarnais Duvergier de Hauranne, depuis abbé de Saint-Cyran, était né sectaire. Il y avait du Calvin en ces deux hommes, implacables dans leur piété et adorateurs systématiques d'un Dieu terrible. Toutefois, ils ne s'avouèrent pas calvinistes, ils ne se crurent pas tels ; et ce fut comme à l'ombre du grand nom de saint Augustin, qu'ils entreprirent de réformer le christianisme trop amolli, suivant eux, par les jésuites. On a recueilli et publié mainte lettre de Jansénius à son ami : il s'en exhale je ne sais quel parfum sauvage. Ce sont d'ailleurs de vraies lettres de conspirateurs. Elles sont écrites avec chiffres. Jansénius y est appelé Sulpice, Saint-Cyran Rongeart[15]. Chinier est l'étrange nom sous lequel les jésuites s'y trouvent désignés. Or, de quoi s'agissait-il ? De peu de chose en apparence, de faire revivre contre les jésuites et les partisans du libre arbitre, cette vieille doctrine de la grâce que saint Augustin avait défendue autrefois contre Pélage, et que Luther avait reprise contre Érasme. Ne secouez pas la tête avec dédain : la politique est au fond des débats et il y aura de formidables suites.

Saint Augustin se nommait Aurelius Augustinus : de ces deux noms, Saint-Cyran laissa le second à son ami, et prenant le premier pour lui-même[16], il publia en 1656 un livre intitulé Petrus Aurelius. La théorie du jansénisme n'y était pas encore exposée, mais on y pouvait déjà découvrir le germe des luttes qu'elle contenait.

Dans Petrus Aurelius, Saint-Cyran attaquait le système monarchique de l'Église au profit d'une aristocratie épiscopale : attendons-nous à voir tôt ou tard les jansénistes miner le pouvoir absolu de la royauté, au profit d'une aristocratie parlementaire.

Saint-Cyran était né sectaire, ai-je dit. Pendant que son ami travaillait à ce gros livre de l'Augustinus sur lequel devaient passer cinquante ans de dispute, lui, mêlé au monde, il cherchait, il faisait des prosélytes. Il tenta les femmes, d'abord, Pour les gagner, il n'eut recours à aucune de ces molles séductions dont s'était armé le tendre et charmant François de Sales ; il préféra le côté de la rudesse, plus conforme en effet à sa nature rigide et à ses lugubres théories. Il savait bien d'ailleurs que les femmes sont extrêmes en toutes choses ; que, faibles et passionnées, l'excès dans la force les attire aisément et les retient ; que pour aller vers celui qu'elles aiment d'amour, nul sentier ne leur paraît trop escarpé, surtout quand leur amant c'est Dieu. Il avait des convictions violentes et dures, un front sévère ; mais lorsqu'un homme habituellement inflexible descend à l'indulgence, sa domination n'en est que plus chère aux âmes soumises. Rien d'aussi doux qu'un sourire inattendu sur des lèvres austères. Saint-Cyran put donc croire au succès, et il y atteignit.

Près de Chevreuse, à six lieues de Paris, s'élevait une abbaye nommée Port-Royal, parce qu'autrefois, suivant la chronique, Philippe Auguste, égaré à la chasse, avait été retrouvé dans ce lieu par les gens de sa suite[17]. A l'époque où nous sommes, les religieuses étaient allées, depuis quelques, années déjà, chercher à Paris, au faubourg Saint-Jacques, un autre Port-Royal : de sorte que Port-Royal des Champs n'était plus qu'un monastère silencieux, délabré, sans autre habitant qu'un pauvre prêtre laissé là pour desservir la chapelle[18]. Attristée par des eaux stagnantes, troublée par le sifflement des serpents, la vallée environnante était affreuse, et, comme l'écrivait plus tard madame de Sévigné, propre à inspirer le goût de faire son salut. Ce fut pourtant cette vallée qui donna une patrie au jansénisme. Les religieuses de Port-Royal obéissaient alors à l'impulsion de deux femmes d'un grand caractère et d'un ascétisme brûlant : Angélique Arnauld et Agnès, sa sœur. Dès leur naissance et par suite d'un privilège qui peint les mœurs du temps, elles avaient été l'une et l'autre comme enterrées vives dans le cloître, Angélique ayant pris, à onze ans, possession de l'abbaye de Port-Royal[19], et Agnès ayant été nommée, à six ans, coadjutrice de sa sœur[20]. Saint-Cyran les connut, les domina par sa gravité sombre, et ne tarda pas à obtenir la direction spirituelle de la communauté. Cette conquête fut décisive ; et, chose singulière ! elle assigne une date à un des mouvements politiques les plus importants qu'ait produits l'histoire moderne.

Angélique Arnauld avait pour neveu un avocat d'une éloquence, d'une réputation auxquelles le barreau de Paris ne savait rien d'égal. Déjà entraîné vers la pente de la dévotion par l'exemple et l'influence de sa tante, Antoine Le Maître rencontra un jour Saint-Cyran au chevet d'une mourante, il lui entendit prononcer des paroles suprêmes, il le vit ouvrant le ciel à un cœur qui allait cesser de battre, et dès cet instant il se sentit vaincu.

En vain essaya-t-il de rester fidèle à ce monde qui l'enivrait de louanges : il ne se reconnaissait plus ; la puissance profane de son talent semblait l'avoir abandonné sans retour ; et lorsque, dans la salle accoutumée à ses triomphes, sa vue tombait sur le crucifix poudreux placé devant lui, alors — il l'a raconté lui-même — ses yeux se remplissaient de larmes. Il ne put résister à cette émotion intime, et bientôt Paris apprit avec étonnement que l'illustre orateur venait de se faire bâtir, dans le voisinage de Port-Royal, une petite maison, pour s'y livrer à la solitude et aux rigueurs de la pénitence. C'est à peine si l'on y crut. Lui, cependant, il était entré dans la carrière des austérités par un élan sincère et non sans une sorte d'enthousiasme sinistre. Son frère, M. de Séricourt, qui revenait des armées, l'alla voir, et l'apercevant, il le cherchait néanmoins encore dans cet air lugubre de pénitence qui l'environnait[21]. Alors celui-ci : Me reconnaissez-vous bien, mon frère ? Voilà ce M. Le Maître d'autrefois. Il est mort au monde et ne cherche plus qu'à mourir à lui-même. Attendri, éperdu, le jeune major jeta son épée, et il écrivit à l'abbé de Saint-Cyran : Je n'ai plus d'autre pensée que de suivre Jésus-Christ comme mon général, le chef et le prince des pénitents. Il se fit donc ermite à son tour, et resta près de son aîné. Ils n'écrivaient plus que le premier et le deuxième ermite. Vinrent ensuite leurs trois autres frères, MM. de Saci, de Saint-Elme et de Vallemont. Puis, au groupe fraternel, se joignirent successivement le prêtre Singlin, Claude Lancelot, Toussaint Desmares. Tels furent les commencements de la secte.

Modestes commencements, on le voit, et qu'on dirait volontiers puérils ! Cependant Richelieu en prit ombrage.

Et ce n'est pas une des moindres preuves de son génie, que, dans ce simple fait d'un avocat renonçant au monde pour aller, au fond d'un faubourg, s'abîmer dans la pénitence, il ait découvert le point noir par où de loin la tempête s'annonce. Saint-Cyran fut donc arrêté, emprisonné à Vincennes, interrogé. Je n'ai pas douté, écrivait-il quelque temps après à Antoine Le Maître, que votre retraite ne fût un des chefs de mon accusation[22]. Lignes précieuses, qui établissent bien que, dans Saint-Cyran, ce n'était pas un ennemi personnel mais un fondateur de secte que Richelieu entendait frapper. Aussi la persécution ne s'arrêta-t-elle point à la hauteur du chef.

Le Maître et Séricourt avaient quitté, sur un avis de l'archevêque, le voisinage de Port-Royal de Paris et s'étaient réfugiés à Port-Royal des Champs : Laubardemont les y poursuivit de son zèle odieux ; et ils furent obligés d'aller chercher plus loin, à la Ferté-Milon, un asile à leur piété devenue suspecte.

Mais, si Richelieu ne s'était pas trompé sur le danger des nouvelles tendances, il se trompa évidemment dans la manière de les combattre. La persécution enflamma des courages déjà rebelles. On mesura l'importance de la secte naissante à la haine d'un homme tel que Richelieu.

Saint-Cyran, abattu d'abord, ne tarda pas à se faire de ses souffrances un sujet d'exaltation et une force. Il avait l'extérieur d'un saint, il en eut l'ascendant. Du fond de son cachot, il agitait tout. Par Singlin, il poussait au but marqué d'avance, les religieuses et les solitaires. Par l'aimable et élégant Arnauld d'Andilly, il attirait à lui la popularité des salons. Indomptable et résigné, il s'imposa au respect du gouverneur de Vincennes, il le domina. De leur côté, Le Maître et Séricourt trouvèrent bientôt la persécution endormie, et ils en profitèrent pour regagner Port-Royal des Champs. Ce fut vers cette époque, qu'au nombre des partisans du captif vint se ranger le plus jeune des frères d'Angélique, Antoine Arnauld, puissante nature de lutteur. Ainsi, peu connu encore, à peine indiqué, le jansénisme semblait se répandre précisément à cause de ce qu'il avait de flottant et de vague.

On parlait, toutefois, d'un livre qui allait pour jamais fixer la doctrine : livre merveilleux, disaient à voix basse les adeptes, qui devait révéler au monde tout saint Augustin, et servir de code au christianisme régénéré. Il parut enfin, cet ouvrage, sous le titre d'Augustinus, en 1640, deux ans après la mort de Jansénius son auteur.

C'était un pesant in-folio, écrit en latin, sur et contre le libre arbitre. Le succès fut immense, ayant été préparé par le mystère ; et ce que personne ne lut, chacun l'admira. Que pouvait-il arriver de plus heureux à Saint-Cyran ? Le 4 décembre 1642, son grand ennemi mourut.

A cette nouvelle qui lui promettait la liberté, il s'écria, par un involontaire et prodigieux élan d'orgueil : Richelieu est mort le jour de la fête de Saint-Cyran[23]. Il ne se doutait pas que lui-même il était au moment de tomber sous la main de ce Dieu dont il osait faire son vengeur.

Sorti de Vincennes, le 14 mai 1645, au bruit des décharges de mousqueterie et des fanfares ; le 12 octobre 1643, il était déposé sans vie dans la paroisse de Saint-Jacques du Haut-Pas. Nombre de fidèles coururent prier autour du corps ; et un gentilhomme malade se crut guéri pour avoir baisé les pieds du saint[24]. Ce gentilhomme se nommait Bascle, et il s'était fait solitaire, à la suite d'un songe qui, l'ayant conduit dans un désert semblable à Port-Royal des Champs, lui avait montré Duvergier de Hauranne dans saint Jean-Baptiste[25]. Voilà le premier anneau de cette chaîne de superstitions folles que nous verrons se prolonger dans le dix-huitième siècle, et qui, par son autre extrémité, touche au tombeau du diacre Pâris.

Saint-Cyran, du reste, était mort dans une victoire ; et le livre de la Fréquente communion, par Antoine Arnauld, prouvait bien que Jansénius et son ami n'avaient pas emporté avec eux les destinées du jansénisme. L'impression produite par l'ouvrage d'Arnauld fut générale et profonde. On vit, chose assez digne de remarque, des gens du monde, des libertins à la mode, des femmes galantes, applaudir de concert à une thèse qui condamnait le système des dévotions faciles. Humiliés et furieux, les jésuites accusèrent Arnauld d'hérésie pour une phrase dans laquelle il mettait saint Paul sur la même ligne que saint Pierre, et ils obtinrent de la reine mère un ordre qui envoyait le coupable à Rome. Mais aussitôt clergé, parlement, université, Sorbonne, tous les corps du royaume se soulèvent[26]. Alors parut ce pamphlet du père Brisacier, que l'archevêque de Paris censura[27] comme gonflé des plus noirs venins de la calomnie, et qui ne fit qu'aider aux progrès de la secte dont les jésuites avaient juré la ruine.

Le nombre des solitaires, en effet, allait croissant. Au milieu des ruines de Port-Royal des Champs arrivèrent, un à un, des hommes de différents états, et plusieurs d'un rang illustre. Tantôt, c'était un cousin du duc de Saint-Simon, M. de La Rivière, tantôt un médecin célèbre, M. Hamon, ou bien encore M. Arnauld d'Andilly, dont on aimait dans le monde la spirituelle et souriante vieillesse. La colonie s'accrut aussi de plusieurs hommes d'épée, soldats fatigués par le meurtre ou duellistes repentants : MM. de Bessi, par exemple, de Pontis, de Beaumont, de La Petitière[28]. Bientôt il n'y eut plus assez de cellules pour les pénitents, et Port-Royal s'étendit peu à peu dans la vallée. L'aspect en était devenu moins sombre, grâce aux soins vigilants de d'Andilly, qui se plaisait au titre de surintendant des jardins. Madame de Guéménée, le duc de Liancourt, y eurent de fraîches maisons de campagne. On s'y rendit de toutes parts en pieux pèlerinage.

La vie, à Port-Royal, était ascétique et singulièrement laborieuse. Les solitaires se levaient à trois heures du matin. Après matines et laudes, ils baisaient la terre à la manière des chartreux ; puis, ils passaient en prières de longues heures. Ils buvaient du cidre et de l'eau, un seul excepté. Quelques-uns portaient le cilice. Tous couchaient sur la paille[29]. Les affections terrestres étaient en eux tellement dominées par la préoccupation des choses du ciel, que devant les devoirs de la hiérarchie spirituelle, ceux de la famille disparaissaient. La mère de M. de Saci, par exemple, lui obéissait comme si elle eût été sa fille, parce qu'il était prêtre et confesseur[30]. Les pratiques dévotes n'absorbaient pas néanmoins tout le temps des solitaires. Pour arracher aux jésuites la direction de la jeunesse, c'est-à-dire l'avenir, ils avaient établi à Port-Royal des écoles qui firent sa gloire et qui donnèrent Racine à la France. Lancelot fut le précepteur par excellence ; Nicole le secondait ; et Antoine Le Maître ne dédaignait pas de fatiguer au service d'un auditoire d'enfants sa voix éloquente. Il y avait des heures consacrées au travail des mains, à élaguer des arbres, à pourvoir aux plantations. Mais, ce qui devait immortaliser l'emploi de tant de graves journées, c'étaient tous ces doctes ouvrages que la littérature et l'enseignement.

doivent à Port-Royal. Ils vivaient ainsi, heureux et fiers, et s'enivrant d'espérances célestes. Quelquefois, ils montaient, au déclin du jour, sur les hauteurs, et ils faisaient retentir de leurs cantiques religieux les échos de la vallée. En 1647, ils durent céder le cloître à un certain nombre de religieuses qu'y envoya la maison de Port-Royal de Paris, devenue trop petite, et ils se retirèrent aux Granges, vers le sommet de la montagne.

Port-Royal des Champs présenta alors un double aspect conforme à sa double origine : colonie d'hommes pieux adossée à un couvent.

A la vue d'un pareil tableau, qui ne se sentirait ému et attiré ? Toutefois, qu'on pénètre parmi ces hommes, qu'on les suive dans l'histoire, et l'on sera étonné de tout ce qu'il y eut de sauvage dans leurs doctrines, de tout ce qu'ils mêlèrent de poisons aux bienfaits de leur influence.

Comment lire sans indignation et sans effroi, dans le Dictionnaire du jansénisme, les maximes qui précisent, qui résument l'esprit de la secte ? — Jésus-Christ n'est pas plus mort pour le salut de ceux qui ne sont pas élus, qu'il n'est mort pour le salut du diable[31]. — Dieu a pu avant la prévision du péché originel prédestiner les uns et réprouver les autres, tout cela est arbitraire dans Dieu[32]. — Dieu a fait par sa volonté cette effroyable différence entre les élus et les réprouvés[33]. — Dieu seul fait tout en nous[34]. — L'homme criminel, sans l'aide de la grâce, est dans une nécessité de pécher[35], etc., etc.

Ces propositions, du reste, et tant d'autres du même genre qu'on trouve développées dans les ouvrages jansénistes, avaient leur source dans l'Augustinus. Suivant l'auteur, la liberté n'avait pleinement existé que chez le premier homme. Mais par l'abus qu'il en avait fait, par sa chute, il avait perdu ep lui tous ses descendants.

Par conséquent, l'homme n'avait plus, depuis le péché originel, qu'une nature fondamentalement corrompue, qu'une volonté soumise à l'empire du mal. Il n'y avait que la grâce qui le pût retirer du fond du gouffre ; mais cette grâce bienfaisante, souveraine, irrésistible, Dieu, qui ne la devait à personne, la donnait à certains seulement, par une préférence gratuite, dont nul n'avait droit de lui demander compte. Heureux les élus ! c'était pour eux, et non pour tous les hommes, que Jésus-Christ était mort.

Un des hôtes de Port-Royal, Fontaine, rapporte naïvement dans ses Mémoires un entretien qui éclaire sur ces étranges théories. Un jour, Saint-Cyran étant allé voir à Port-Royal Antoine Le Maître, comme ils s'entretenaient ensemble des voies de salut, ils furent tout à coup interrompus par un grand cri. C'était un paysan qui appelait au secours pour sa femme en couche dont l'enfant venait de mourir. Antoine Le Maître demanda aussitôt à Saint-Cyran ce qu'il pensait de l'état de ces enfants qui mouraient de la sorte, au seuil même de la vie. Or, d'après la relation, fort peu suspecte assurément, de Fontaine, Saint-Cyran répondit : Il est certain que le diable possède l'âme d'un petit enfant dans le ventre de sa mère[36].

Pour ceux que la faim poursuit, que l'excès du travail accable, dont on condamne l'intelligence aux ténèbres, et que la société laisse gémir dans ses bas-fonds, de quel bénéfice pouvait être le fatalisme janséniste ? Pourquoi ne se serait-on pas résigné à voir des millions d'hommes plongés dans une misère sans issue, quand on croyait des millions d'âmes destinées d'avance à des supplices sans fin ? N'était-il pas bien naturel de conclure de la fatalité de la damnation à la fatalité de la misère ? Sinistres déductions, dont le sort du peuple devait inévitablement se ressentir, et dont on ne saurait trop méditer la profondeur ! Mais si le jansénisme tendait à consacrer et presque à sanctifier la tyrannie des choses, en revanche il menait droit à affaiblir la tyrannie de l'homme. A qui donner le commandement absolu là où l'obéissance n'est possible qu'à l'égard de Dieu ?

Jusqu'ici, rien dans les jansénistes que nous n'ayons déjà remarqué dans Calvin ou ses disciples. Mais les protestants avaient été complètement logiques : les jansénistes ne le furent qu'à demi. Les protestants avaient repoussé, le pape : les jansénistes le menacèrent et le subirent. Jansénius, dans son fameux livre[37], avait fait cette déclaration solennelle : Je suis décidé à suivre jusqu'au dernier moment, ainsi que je l'ai fait depuis mon enfance, l'Église romaine, le successeur de Pierre. Les disciples, à l'exemple, du maître, se gardèrent bien de rompre complètement avec Rome. Lorsque, le 1er juin 1655, le pape Innocent X condamna comme hérétiques et blasphématoires les cinq propositions dans lesquelles se trouvait resserrée la doctrine de l'Augustinus, l'occasion était belle pour les jansénistes de déclarer guerre ouverte à la papauté. Que firent-ils, cependant ? Ils se bornèrent à prétendre que les propositions condamnées n'étaient pas contenues dans l'ouvrage de leur maître ; et quand une bulle d'Alexandre VII vint affirmer le contraire, ils crurent avoir comblé la mesure des hardiesses permises en demandant si l'infaillibilité du pape s'étendait à une simple question de fait[38]. Et avec quelle passion ils repoussèrent le reproche de calvinisme ! quelle fougue ils apportèrent à bien établir qu'ils se séparaient des protestants sur l'article des sacrements d'ordre, d'eucharistie et de pénitence ! L'horreur de Saint-Cyran pour l'hérésie était si sincère, si voisine même de la superstition, qu'il n'ouvrait jamais un livre hérétique qu'après l'avoir exorcisé d'un signe de croix, ne doutant point que le démon n'y résidât[39].

Le jansénisme ne fut donc qu'un protestantisme bâtard, qu'une espèce de compromis entre le principe d'individualisme et le principe d'autorité.

Mais c'est précisément par où son importance éclate dans l'histoire. Grâce à sa nature mixte, en effet, le jansénisme convenait à la haute bourgeoisie, à cette bourgeoisie du parlement qui, placée entre la royauté et le peuple, ne voulait ni de l'absolutisme monarchique ni de l'égalité populaire.

Aussi voit-on la secte se recruter principalement parmi des avocats au parlement, des fils de maîtres des comptes, des gens de robe. Ce fut l'imposante et nombreuse famille des Arnauld qui forma le premier, le vrai noyau de Port-Royal et donna le ton au jansénisme. Cette gravité traditionnelle, ces habitudes sévères et compassées de la magistrature française, Port-Royal les reproduisit dans toute leur roideur. Là, nul abandon : le respect de l'étiquette y glaçait le langage des affections même les plus tendres : Monsieur mon père, écrivait à son père Antoine Le Maître[40], et en s'adressant à Saint-Elme, il disait : Monsieur mon très-cher frère[41]. De pareils traits sont caractéristiques. Une violence contenue, des dehors rigides, une piété ascétique quoique adoucie et distraite par l'amour des lettres, le goût de la vie intérieure combattu par l'attrait des agitations, un fond de dureté, un esprit d'intolérance uni à des entraînements factieux, beaucoup de dédain pour le peuple, et, avec cela, une tendance manifeste à humilier les courtisans, à mettre la royauté aux abois... voilà bien la physionomie du jansénisme : et n'est-ce pas celle du parlement ?

Il était donc tout simple que les soulèvements de la magistrature contre la cour, que les prétentions du parlement au partage du pouvoir, trouvassent appui dans les disciples de Saint-Cyran ; et c'est ce qui explique pourquoi, pendant la Fronde, le jansénisme palpita dans les meneurs de Paris révolté. Le duc de Luynes, qui eut place dans le conseil supérieur de la Fronde, et René- Bernard de Sévigné, qui commanda le régiment levé par le coadjuteur de Retz, étaient des jansénistes zélés ; le coadjuteur lui-même, ami d'Antoine Arnauld, entretenait avec Port-Royal des relations suivies ; et la duchesse de Longueville n'était plus séparée du jansénisme que par les galanteries dont, alors, elle épuisait le scandale.

Au reste, l'esprit politique qui animait les jansénistes parut assez clairement lorsque, le 18 décembre 1652, le coadjuteur devenu cardinal de Retz fut jeté dans le donjon de Vincennes. A cette nouvelle, d'après l'auteur de l'Histoire de l'Église de Paris, dont Petitot rappelle et confirme le témoignage[42], à cette nouvelle, les jansénistes prirent feu. De solennelles prières furent faites, à Port-Royal, pour la liberté du prisonnier. Il y eut soulèvement parmi les chanoines de Notre-Dame et les curés de Paris, déjà gagnés au jansénisme pour la plupart. Ordre fut donné d'exposer le saint sacrement, et de chanter tous les jours un psaume d'un ton lugubre, de manière à frapper l'imagination de la multitude. Comme on s'attendait à la mort prochaine de l'archevêque de Paris, et que son neveu, le cardinal de Retz, avait intérêt à être informé à propos de l'événement, on plaça près de celui-ci un prêtre janséniste qui, tout en lui disant la messe, s'étudiait à déjouer la surveillance des gardiens. Il fut convenu qu'aussitôt que l'archevêque serait mort, le prêtre, en lisant la partie du canon où se trouvent les prières pour les puissances, élèverait la main plus haut que de coutume, et prononcerait ces mots : Joannes, Franciscus, Paulus autistes noster, ce qui suffirait pour apprendre la nouvelle au prisonnier, puisque le nom de Paul le distinguait seul de son oncle[43]. Le plan était bien conçu et fut exécuté. C'était peu ; il fallait pourvoir aux suites. A quatre heures du matin, l'archevêque de Paris était mort ; à cinq, le chapitre de Notre-Dame s'assembla. Mais, pour que quelqu'un pût prendre possession du siège en l'absence et au nom du cardinal, une procuration de lui était nécessaire : on eut recours à un faux dont le principal du collège des Gressins consentit à charger sa conscience.

Tout à coup, Le Tellier entre dans l'église. Il vient, de la part du ministère, requérir le chapitre de prendre le gouvernement du diocèse. Il était trop tard, dix heures sonnaient, et déjà on fulminait au jubé les bulles du nouvel archevêque. Jamais plus honteuses supercheries n'avaient servi l'ambition d'un plus scandaleux pasteur ; et cependant, les pieuses filles de Port-Royal ne cachèrent pas leur joie. Peu de temps après, transféré du donjon de Vincennes dans le château de Nantes, le cardinal de Retz s'évadait, grâce au zèle du janséniste Sévigné, et les jansénistes s'unissaient aux Frondeurs pour troubler Paris du bruit de leur allégresse[44]. Un auteur du temps, qui parle avec la double autorité de témoin et d'acteur, rapporte que le cardinal de Retz étant à Rotterdam, un nommé Saint-Gilles l'alla trouver, de la part des jansénistes, pour le presser d'unir sa cause à la leur[45]. Et, plus loin, le même auteur attribue à messieurs de Port-Royal la lettre de reproches que lança contre Mazarin, du fond de son exil, le fougueux chef de la Fronde[46].

On doit convenir, néanmoins, que la complicité des jansénistes proprement dits, dans les troubles de la Fronde, n'eut rien de direct, rien d'éclatant. Ce fut, avant tout, une complicité d'espérances. Mais ce qu'il importe de remarquer, c'est que l'ennemi dont les Frondeurs cherchaient à se débarrasser dans la sphère politique, fut le même contre lequel les jansénistes s'armèrent dans la sphère religieuse. Cet ennemi, c'était l'ancien principe d'autorité, représenté pour les premiers par la monarchie absolue, pour les seconds par les jésuites.

En attaquant les jésuites, le jansénisme ne fit que poursuivre, sous une autre forme, la guerre déclarée par le parlement à la royauté. Les jésuites soutenaient le trône : les jansénistes servirent d'appui à la haute bourgeoisie, impatiente déjà de mettre le trône en tutelle.

Or, à quel moyen les jésuites avaient-ils eu recours pour faire accepter le joug du principe d'autorité ? A l'attrait d'une morale facile. Il fallait donc, pour les désarmer, décrier leur morale. Et c'est à quoi les jansénistes s'appliquèrent avec une heureuse ardeur. La question de savoir si les cinq propositions étaient ou n'étaient point dans le livre de Jansénius, le demi-siècle de combats sorti de cette question ridicule et fameuse, les persécutions qu'elle attira sur Antoine Arnauld, la condamnation de ce docteur par la Sorbonne, tout cela ne mériterait que dédain ou pitié si tout cela n'eût servi à masquer, en les multipliant, les coups sous lesquels le principe d'autorité devait enfin succomber.

Un jour — c'était au plus fort des rumeurs excitées par les coups d'Etat de la Sorbonne — Antoine Arnauld lisant à ses amis un écrit qu'il venait de composer pour sa défense, s'aperçut que l'auditoire restait glacé. Se tournant alors vers un solitaire au front vaste, au regard plein de pensées : Mais vous, lui dit-il[47], qui êtes jeune, vous devriez faire quelque chose. Pascal fit les Provinciales.

Qui dira l'effet de ces lettres incomparables ? Lorsqu'à l'abri d'un pseudonyme, elles parurent coup sur coup, lorsqu'elles éclatèrent, ce ne fut, dans Paris, qu'un cri de surprise et d'admiration. Quel était donc ce puissant inconnu qui semblait avoir inventé le vrai style de l'ironie et de la colère ? Quel était ce Louis de Montalte qui, avec un si redoutable enjouement, venait dénoncer aux hommes les pièges des casuistes, leur théorie des restrictions mentales, leur probabilisme, l'approbation dont ils couvraient les plus lâches capitulations de conscience, toute leur frauduleuse morale enfin ? Le gouvernement s'inquiéta d'un tel livre et le proscrivit. La haute bourgeoisie applaudissait en riant. Les jésuites furent atterrés.

On se demande comment il advint que les jésuites ne se purent défendre, eux qui avaient alors le pouvoir en main et qui, dans l'immense réseau d'un dévot espionnage, tenaient la société comme prisonnière. Le talent déployé dans les Provinciales explique bien l'éclat de leur succès, il n'en explique pas l'impunité.

La vérité est que le livre de Pascal dut en partie sa fortune aux sympathies d'une classe ascendante dont il servait les intérêts. La haute bourgeoisie comprit que la cause du jansénisme, ici, était la sienne ; que, pour enlever le pouvoir absolu aux rois, il fallait arracher aux jésuites, leurs directeurs spirituels, le gouvernement des familles. L'autorité des rois, c'était la force militaire ; les jésuites avaient, pour se faire accepter, cette molle indulgence qui attirait doucement sous leur empire les âmes trompées. Le parlement, qui depuis longtemps opposait à la force militaire le droit de remontrances, fut ravi d'avoir à opposer au dangereux attrait du molinisme la sévérité de Port-Royal.

Aussi, qu'arriva-t-il ? Que les Provinciales trouvèrent dans la haute bourgeoisie des protecteurs nombreux et dans le parlement une complicité sourde mais active. L'avocat général inclinait au jansénisme, et, dans un récent discours, il avait à moitié trahi le secret de son penchant : le premier président de Bellièvre fit mieux : lecteur assidu des Provinciales, il s'en montra charmé, et ce fut lui qui ordonna la levée des scellés mis à l'imprimerie d'un des libraires de Port-Royal. Dans une note de M. de Saint-Gilles, agent principal de la publicité clandestine des Provinciales, on lit : Il fallait d'abord se cacher et il y avait du péril ; mais, depuis deux mois, tout le monde et les magistrats eux-mêmes — il aurait pu dire les magistrats surtoutprenant grand plaisir à voir dans ces pièces d'esprit la morale des jésuites naïvement traitée, il y a eu plus de liberté et moins de péril[48]. De fait, entre le jansénisme et le parlement l'alliance était déjà si étroite que, pour arriver jusqu'à l'oreille des conseillers de la grand'chambre, solliciteurs et solliciteuses allaient droit à Port-Royal[49]. Rien de plus naturel ; car, le jansénisme, c'était le parlement dans l'Église. La grande victoire des Provinciales fut donc le résultat et la preuve de l'importance croissante de la haute bourgeoisie.

Cependant, les jésuites revenaient peu à peu de leur première consternation. Votre ruine, leur avait crié Pascal d'une voix terrible[50], votre ruine sera semblable à celle d'une haute muraille qui tombe d'une chute imprévue, et à celle d'un vaisseau de terre qu'on brise, qu'on écrase en toutes ses parties par un effort si puissant et si universel, qu'il n'en restera pas un test avec lequel on puisse puiser un peu d'eau ou porter un peu de feu, parce que vous avez affligé le cœur du juste. Pour échapper à cette éloquente prophétie, voici ce que les jésuites tentèrent.

Une Apologie des casuistes, qu'ils avaient risquée, ayant été condamnée en Sorbonne d'abord, puis à Rome, ils changèrent de tactique, et imaginèrent de compromettre sans retour la papauté dans leur querelle, en la mettant aux prises avec les jansénistes, sur la question d'infaillibilité en matière de fait. De là l'idée d'un formulaire qu'on imposerait aux ecclésiastiques, aux communautés, aux instituteurs de la jeunesse, et qui fut rédigé en ces termes par Marca, archevêque de Toulouse : Je condamne de cœur et de bouche la doctrine des cinq propositions de Cornélius Jansénius contenues dans son livre intitulé : Augustinus, que le pape et les évêques ont condamnées, laquelle doctrine n'est point celle de saint Augustin, que Jansénius a mal expliquée et contre le vrai sens de ce docteur. C'était jeter les jansénistes dans l'alternative de braver Rome ou d'abdiquer. Ils n'hésitèrent pas. Résister au pape sans l'abattre convenait à leurs intérêts et à leurs passions, comme il convenait aux intérêts et aux passions du parlement de harceler la royauté sans la détruire.

La lutte s'engagea donc, et les alliés ne manquèrent pas aux jansénistes. Quatre évêques prirent parti pour eux ouvertement, avec violence. Leurs cris furent répétés par les chanoines réguliers de Sainte-Geneviève, par les bénédictins de Saint-Germain des Prés, par les oratoriens, par quelques chartreux. Le clergé eut beau tenir des assemblées générales, le pape lancer des bulles, la cour se répandre en menaces, rien ne put vaincre une résistance où l'emportement politique se mêlait au fanatisme monacal ; et l'Église de France incertaine, troublée, entendit s'élever autour d'elle le mugissement de l'opinion. L'opposition fut surtout ardente de la part des religieuses de Port-Royal, pures comme des anges, suivant l'expression de Péréfixe, mais orgueilleuses comme des démons[51]. Ces filles, qui s'appelaient les humbles servantes du Christ, mirent à repousser le formulaire, à distinguer la question de droit de celle de fait, un zèle qui résista aux exhortations de Bossuet lui-même[52]. On essaya de tourner leurs scrupules ; et les grands vicaires composèrent tout exprès pour elles un formulaire nouveau, moins péremptoire que l'ancien. Mais, sur la seule peur d'être obligées de le signer, plusieurs tombèrent malades[53]. La sœur de Pascal en mourut[54].

Obscurs débats, dira-t-on peut-être, scènes de couvent révolté ! Mais quoi ! la politique y avait part, et l'opinion entourait Port-Royal d'une sympathie frémissante. Longtemps on ne parla que de la mère Angélique, de son stoïcisme, de son pieux courage, de sa lettre à la reine, lettre digne de sainte Thérèse et que n'eût pas désavouée l'âme romaine de Cornélie. Le parti opposé, d'ailleurs, avait, lui aussi, ses fanatiques. Il s'était formé à Caen une société de dévots qui, sous le nom d'Ermites de Caen combattaient le jansénisme avec une exaltation voisine du délire. On eut des spectacles singuliers, monstrueux. Gerberon raconte qu'un jour une demoiselle N., s'étant coiffée de ses brassières et ayant un pied nu, assembla quelques laïques, quelques jeunes filles, et sept prêtres, lesquels avaient renversé leurs soutanes et pris des écorces d'arbres pour ceintures. Dans cet équipage, ils allèrent jusqu'à Séez et firent le tour de la ville en hurlant : Seigneur, criaient-ils, ayez pitié de nous, et convertissez les jansénistes[55].

C'était trop de bruit pour le despotisme naissant de Louis XIV. La mort de Mazarin l'ayant rendu, en 1661, monarque actif et libre, il le prit avec Port-Royal sur un ton de maître. Une lettre de cachet enjoignit aux religieuses des deux monastères de renvoyer postulantes et pensionnaires, et les petites écoles furent supprimées. Il était trop tard : le jansénisme déjà rayonnait au loin.

Le gros de la bourgeoisie ne l'avait pas adopté, il est vrai, à cause de ce fonds de rigidité qu'il tenait de son origine théologique ; mais il s'était incarné dans la haute bourgeoisie, il possédait le parlement. Aussi Louis XIV commit-il une erreur grossière, quand, plus tard, il crut anéantir le jansénisme en faisant démolir un cloître dont on ne respecta pas même les tombeaux : le jansénisme devait survivre à son persécuteur et huer au passage le monarque en route pour Saint-Denis.

C'est qu'en effet, les peuples ne se passionnent pas ainsi pour de pures chimères, lorsqu'ils restent passionnés longtemps. Quelle que soit la folie humaine, elle ne va pas jusqu'à remplir l'histoire de batailles creuses et de tumultes vains. Dans la succession des âges, où quelquefois les minutes ont tant de prix, il ne se peut qu'un siècle entier soit inutile.

 

 

 



[1] Mémoires du cardinal de Retz, t. I, p. 125.

[2] Délibérations arrestées en l'assemblée des cours souveraines, tenues et commencées en la chambre Sainct-Louis, le 30 juin 1648. — Art. 3.

[3] Délibérations arrestées en l'assemblée des cours souveraines, tenues et commencées en la chambre Sainct-Louis, le 30 juin 1648, art. 19.

[4] Le président Le Coigneux dit au chancelier Séguier : Qu'il s'étonnait qu'après avoir manqué de parole à tous les gens d'honneur du royaume, on fit difficulté d'en manquer à cent mille coquins. Sainte-Aulaire, Hist. de la Fronde, t. I, chap. IV, p. 201.

[5] Délibérations, etc., art. 10.

[6] Le président Hénault, Abrégé chronologique, t. II, p, 682.

[7] Forbonnais, Recherches et considérations sur les finances, t. I, sur l'année 1646.

[8] Sainte-Aulaire, Hist. de la Fronde, t. I, chap. VII, p. 529.

[9] Le Traité de Ruel porte, art. 19, qu'il sera pourvu au soulagement des contribuables, comme Sa Majesté jugera convenable.

[10] Cérutti, Apologie des jésuites, chap. X.

[11] Hist. de la papauté, t. IV, p. 420.

[12] Le jésuite Scotti, Monarchie des Solipses ; Rem. sur le chap. XVI, p. 478, publiée par Hénin de Cuvilliers, traduction de Pierre Restaut.

[13] Cérutti. chap. XII, p. 140.

[14] Des défauts du gouvernement de la société de Jésus, par le jésuite Mariana, extrait tiré du Mercure jésuitique, p. 2.

[15] Mémoires d'Arnauld d'Andilly. — Notice sur Port-Royal, par Petitot, t. I, p. 19, dans la Collection des mémoires sur l'Histoire de France.

[16] Sainte-Beuve, Port-Royal, liv. I, p. 331.

[17] Du Fossé, Mémoires pour servir à l'histoire de Port-Royal. Utrecht, MDCCXXXIX.

[18] Fontaine, Mémoires pour servir à l'histoire de Port-Royal, t. I, p. 27. Cologne, MDCCLIII.

[19] Fontaine, Mémoires pour servir à l'histoire de Port-Royal, t. I, p. 23.

[20] Fontaine, Mémoires pour servir à l'histoire de Port-Royal, t. I, p. 26.

[21] Mémoires de Fontaine, t. I, p. 299.

[22] Mémoires de Fontaine, t. I, p. 252.

[23] Notice sur Port-Royal, p. 62. — Mémoires de Fontaine, t. II, p. 23.

[24] Mémoires de Fontaine, t. II, p. 70.

[25] Sainte-Beuve, Port-Royal, t. I, liv. II, p. 487.

[26] Racine, Hist. de Port-Royal, p. 76.

[27] Racine, Hist. de Port-Royal, p. 83.

[28] Mémoires de du Fossé, p. 67.

[29] Mémoires de Fontaine, t. I, p. 151.

[30] Mémoires de Fontaine, t. I, p. 221.

[31] Jansénius, de Gr. Christ., t. III, lib. III, chap. XXI, p. 166, col. 2, littera A.

[32] Boursier, Action de Dieu sur les créatures, sect. VI, part. III, chap. IV.

[33] Nicole, de la Grâce et de la Prédestination, t. I, sect. II, chap. IV.

[34] Le Tourneux, Explication de l'épître de saint Cyriaque, t. III, p. 310. — Figures de la Bible, par Royaumont, fig. 30.

[35] Gerberon, Miroir de la piété, p. 86.

[36] Mémoires de Fontaine, t. II, p. 79.

[37] Cornelii Jansenii Augustinus, t. III, lib. I, cap II.

[38] Ranke, Hist. de la papauté, t. IV, p. 445.

[39] Sainte-Beuve, Port-Royal, t. II, liv. II, p. 190.

[40] Mémoires de Fontaine, t. I, p. 255.

[41] Mémoires de Fontaine, t. I, p. 359.

[42] Notice sur Port-Royal, p. 93.

[43] Notice sur Port-Royal, p. 94.

[44] Petitot, Notice sur Port-Royal, p. 97.

[45] Mémoires de Guy Joli, t. II, p. 64.

[46] Mémoires de Guy Joli, t. II, p. 76.

[47] Petitot, Notice sur Port-Royal, p. 121.

[48] Note citée par M. Sainte-Beuve, Port-Royal, t. II, p. 551.

[49] M. Sainte-Beuve, Port-Royal, t. II, p. 563.

[50] Lettre XVI.

[51] Racine, Hist. de Port-Royal, p. 351.

[52] Gerberon, Hist. générale du jansénisme, t. III, p. 114. Amsterdam, MDCC.

[53] Racine, Hist. de Port-Royal, p. 269.

[54] Racine, Hist. de Port-Royal, p. 269.

[55] Gerberon, Hist. générale du jansénisme, t. III, p. 449.