HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

ORIGINES ET CAUSES DE LA RÉVOLUTION

LIVRE DEUXIÈME. — BOURGEOISIE

 

PROGRÈS DE LA CLASSE DONT L'INDIVIDUALISME DEVAIT FONDER L'EMPIRE.

 

 

Par bourgeoisie, j'entends l'ensemble des citoyens qui, possédant des instruments de travail ou un capital, travaillent avec des ressources qui leur sont propres et ne dépendent d'autrui que dans une certaine mesure.

Ceux-là sont plus ou moins libres.

Le peuple est l'ensemble des citoyens qui, ne possédant aucun capital, dépendent d'autrui complètement et en ce qui touche aux premières nécessités de la vie.

Ceux-là ne sont libres que de nom.

La bourgeoisie s'est développée en France d'une manière merveilleuse. Elle a conçu de grands desseins, rendu à la cause de l'humanité de grands services, et, avec l'appui du peuple, accompli de grandes choses. Mais ceux qui lui avaient servi d'auxiliaires, il lui était commandé de les accepter, de les vouloir pour frères : c'est ce qu'elle ne comprit pas en 1789, et c'est ce qui enfanta les orages qui suivirent. Mais avant de dire quel usage la bourgeoisie fit de sa puissance, il importe de montrer de quelle manière cette puissance fut conquise et s'établit.

Or, si l'on examine avec soin comment la bourgeoisie française s'est développée dans l'histoire, on verra qu'elle est arrivée :

A la jouissance des droits civils par les communes ;

Au pouvoir politique par les états généraux ;

A l'indépendance de la vie laïque par les parlements appuyés sur les philosophes ;

A la souveraineté industrielle par les jurandes et les maîtrises.

Avec les communes, elle a détruit l'aristocratie féodale ;

Avec les états généraux, elle est parvenue à asservir la royauté ;

Avec les parlements, elle a secoué le joug de l'Église ;

Avec les jurandes et les maîtrises, elle a dominé le peuple.

Nous la suivrons dans ces diverses phases de son développement. Mais comme les deux premières se trouvaient seules accomplies lorsque le protestantisme prit pied en France, celles-là seules nous occuperont en ce moment. Les deux dernières auront leur place dans le tableau du dix-huitième siècle.