DE L'EXPÉDITION D'ANNIBAL EN ITALIE

 

ET DE LA MEILLEURE MANIÈRE D'ATTAQUER ET DE DÉFENDRE LA PÉNINSULE ITALIENNE

PAR LE BARON FÉLIX DE BEAUJOUR,

DÉPUTÉ DE MARSEILLE.

PARIS - FIRMIN DIDOT FRÈRES - 1832

 

 

AVANT-PROPOS.

SECTION PREMIÈRE. — De l'expédition d'Annibal en Italie.

SECTION DEUXIÈME. — De la meilleur façon d'attaquer et de défendre l'Italie.

 

AVANT-PROPOS.

 

J'ai décrit la marche d'Annibal en Italie pour faire le pendant de celle d'Alexandre en Asie ; et comme l'une a été imprimée dans mon Voyage militaire en Turquie, j'ai cru devoir ici faire imprimer l'autre, afin que les militaires puissent les comparer et les juger. Ces deux marches ont également contribué à perfectionner l'art militaire chez les Grecs et chez les Romains ; mais elles ont eu des résultats bien différents pour le bonheur du genre humain : l'une a hâté le développement de la civilisation en Asie, l'autre l'a retardé en Italie ; et voilà pourquoi Alexandre a toujours été placé dans l'estime des hommes avant Annibal, quoique celui-ci ait été peut-être un plus grand homme de guerre, parce que les nations éclairées n'apprécient les hommes que par le bien qu'ils ont fait à l'humanité.

J'ai suivi dans ma narration Polybe de préférence à Tite-Live, et je ne me suis servi du dernier que pour remplir les lacunes du premier. Tite-Live lui-même n'a souvent fait que copier Polybe, et il l'a quelquefois gâté en cherchant à l'embellir. N'ayant pas le même talent, je n'ai pas eu la même prétention ; et je dois avouer, à la louange de tous les deux, qu'il est aussi difficile d'imiter la concision de l'un que l'élégance de l'autre.

On compte en France plus de cent auteurs qui ont écrit sur l'expédition d'Annibal ; mais la plupart d'entre eux n'ont fait qu'embrouiller le sujet, au lieu de l'éclaircir. Les écrivains militaires sont les seuls dont on puisse tirer quelques éclaircissements. Ceux qu'on doit consulter de préférence aux autres sont Folard, Guischard, Maiseroi et surtout le général Frédéric Guillaume qui, dans son Histoire des campagnes d'Annibal en Italie, a recueilli tous les faits militaires relatifs à cette expédition. Les lecteurs qui ne voudront ou ne pourront pas aller chercher ces faits chez les anciens, les trouveront presque tous consignés dans l'ouvrage de ce général. J'ai suivi moi-même une autre méthode que cet écrivain, en n'insérant dans mon récit que les faits qui m'ont  paru vrais ou vraisemblables, parce que j'ai désiré que mes lecteurs pussent recueillir quelque fruit de mon travail.

 

L'expédition d'Annibal en Italie est une des plus belles qui aient été célébrées dans l'histoire. On l'a comparée aux marches de Xénophon et d'Alexandre en Asie, et elle est plus féconde en instruction militaire : j'ai fait connaître ailleurs[1] ces deux marches. Je vais d'abord indiquer ici celle d'Annibal, et j'exposerai ensuite comment on pourrait attaquer et défendre l'Italie. Je proteste contre les intentions que l'on pourrait me prêter : les miennes ont été pures, et mon dessein n'a pas été de susciter des guerres, mais au contraire de les abréger quand elles sont entreprises.

 

 

 



[1] Dans le Voyage militaire en Turquie, 2 vol. in-8°, avec atlas, 1829, imprimerie de Firmin Didot.