LOUIS XVII, SA VIE, SON AGONIE, SA MORT

TOME PREMIER

DOCUMENTS ET PIÈCES JUSTIFICATIVES

 

VI. — RAPPORT DE LA COMMISSION NOMMÉE PAR LE COMITÉ DE SÛRETÉ GÉNÉRALE. — ARCHIVES NATIONALES

 

 

Commission nommée par le comité de sûreté générale de la Convention nationale pour surveiller la garde des prisonniers du Temple.

 

Rapport du 1er novembre 1792, l'an Ier de la République Française.

Remis au ministre de la Justice le 23 novembre 1792, à midi.

 

Les commissaires nommés par le comité de sûreté générale pour aller vérifier l'état de situation de la personne de Louis Capet et de sa famille, enfermés dans la Tour du Temple, et prendre connaissance des mesures de sûreté prises par le conseil général de la commune, et par le commandant général de la garde nationale de Paris, pour la conservation des otages confiés à leur garde, se sont transportés au Temple aujourd'hui, 1er novembre, vers les 10 heures du matin. Après avoir donné communication de leurs pouvoirs aux autorités à qui il appartenait, nous avons requis MM. les commissaires du conseil général de la commune de nous faire part des moyens qu'ils employaient pour la garde et conservation des individus dont ils étaient responsables. Pour satisfaire à nos demandes, ils nous ont dit que huit membres de ladite commune étaient tous les jours de service dans l'intérieur du Temple ; savoir, un dans les appartements du ci-devant Roi, un dans celui de sa femme, et six composant le conseil de la garde du Temple. Ces huit membres sont renouvelés de la manière qu'il suit, savoir : quatre membres sont désignés par le sort pour être de service un jour, et le lendemain quatre autres sont choisis de la même manière. Les personnes qui sont de service auprès des différents otages ne doivent répondre qu'aux questions vagues et inutiles qu'on leur fait, et d'une manière laconique.

Nous avons également requis le commandant général de la garde nationale de nous rendre compte de la manière dont il faisait exécuter le service pour la garde du Temple. Il nous a présenté l'état journalier du service par lequel il constate que la garde est composée d'un commandant général, d'un chef de légion, d'un sous-adjudant général, d'un commandant de bataillon, d'un adjudant-major, d'un porte-drapeau, de vingt artilleurs et deux pièces de canon, un drapeau : en total deux cent quatre-vingt-sept hommes.

Nous avons demandé à MM. les commissaires de nous instruire du nombre des personnes occupées au service domestique des prisonniers. Ils nous ont répondu qu'il y avait au total quatre personnes ; savoir : le nommé Cléry, Tison et sa femme, et Louis, frotteur, qui n'entre dans la tour que pour frotter les appartements.

Après avoir pris tous ces renseignements, nous avons requis MM. les commissaires de nous faire ouvrir les portes de la tour du Temple. Nous sommes montés au second, et nous avons entré dans un appartement destiné à Louis Capet et son fils, composé de quatre pièces. Après avoir visité scrupuleusement et examiné tous les meublas, nous avons reconnu qu'il était logé sainement et commodément ; nous avons reconnu également qu'on n'avait laissé à sa disposition ni plume, ni encre, ni crayon, ni papier. Nous lui avons demandé s'il ne manquait rien à sa commodité et s'il n'avait pas à se plaindre de sa nourriture ; à quoi il nous a répondu qu'il était satisfait de la manière dont il était traité, que seulement il désirerait qu'on lui laissât la satisfaction de vivre réuni avec sa famille.

De là nous nous sommes transportés au troisième, et nous sommes entrés dans un appartement composé de quatre pièces, occupé par la femme de Louis et sa fille, et par Madame Elisabeth ; nous nous sommes assurés qu'il n'y avait aucune matière propre à écrire, et qu'il y régnait la même salubrité et commodité que dans les appartements précédents.

Nous sommes ensuite allés dans les cuisines pour nous assurer de la manière de préparer les mets qu'on servait sur la table des prisonniers. Nous avons reconnu qu'ils étaient tous d'une qualité excellente et eu suffisante quantité ; que l'on prenait toutes les mesures nécessaires pour empêcher qu'on ne pût faire parvenir dans la tour aucun papier, soit dans le pain, le linge ou de toute autre manière ; que les commissaires de la Commune faisaient essayer et goûter avec soin tous les mets et liqueurs, afin que l'on ne pût y mêler aucune drogue nuisible et hétérogène.

Nous nous sommes fait représenter l'état journalier de la fourniture des subsistances, et nous y joignons ci deux originaux écrits de la main du fournisseur lui-même ; on pourra se convaincre par la lecture de ces pièces de la vérité de ce que nous avons avancé relativement à la quantité et à la qualité des mets destinés à la nourriture de Louis Capet et de sa famille. C'est une réponse victorieuse aux misérables calomnies qu'on répand contre la Commune sur la manière dont le ci-devant Roi est nourri et logé.

Nous avons interrogé les ouvriers et chefs d'ateliers des ouvrages qui se font au Temple, sur la nécessité des ouvrages qui se font au Temple (sic) ; d'après leurs réponses, nous avons pu nous convaincre que ces travaux étaient indispensables pour la conservation des prisonniers. Nous leur avons demandé s'ils étaient payés exactement ; ils nous ont répondu qu'ils étaient satisfaits à cet égard. Quant aux entrepreneurs des travaux ils nous ont déclaré qu'ils avaient remis leurs mémoires aux architectes, qu'ils devaient être ordonnancés pour demain, tin qu'ils puissent toucher des fonds pour payer leurs ouvriers samedi ; qu'au surplus ils assuraient que les travaux seraient faits dans un mois.

Fait et clos au bureau de la garde du Temple, en présence des commissaires de la Commune et du commandant général, qui ont signé avec nous après lecture faite, le 1er novembre 1792, l'an 1er de la République française.

DROUET ; FRANÇOIS CHABOT ; DU PRAT ; SANTERRE, commandant général provisoire ; BAILLY, commissaire de la Commune ; CARON, commissaire de la Commune ; VIVIER, commissaire de la Commune ; .......... commissaire de la Commune ; LARCHER, commissaire de la Commune.