HISTOIRE DE LA GUERRE DE LA VENDÉE

TOME DEUXIÈME

 

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

 

 

N° I

Proclamation au nom de sa majesté très-chrétienne Louis XVII, roi de France et de Navarre, du général en chef et des commandants aux armées catholiques, à tous les bons Français, salut.

 

Français catholiques et fidèles au Roi, vos amis, vos parents, vos libérateurs vous appellent ; ils vous tendent les bras. Les sursauts patriotes ont juré de vous arracher tous ces bras de vos femmes et de vos enfants pour vous faire marcher contre des hommes qui ne combattent que pour assurer voire bonheur. Au lieu de cette paix profonde, au lieu de ce bonheur si durable qu'ils vous avaient promis, ils n'ont apporté jusqu'ici chez vous que la désolation et la mort. Ils vont vous forcer, le sabre sur la tête et le pistolet sous la gorge, à soutenir une cause barbare et impie, à maintenir des lois de sang que vous abhorrez ; et nous vous disons, au nom de notre bon Roi, qui va sous peu de jours remonter sur le trime de ses pères d'où il se prépare à vous combler de bienfaits et de faveurs, si vous vous déclarez pour lui Venez, nos amis, vous joindre t nous, sous les drapeaux de notre sainte religion ; venez : nous avons tous juré de vaincre ou de périr pour notre Dieu, pour notre roi. Le terme de nos travaux est proche ; les puissances généreuses qui combattent pour le rétablissement de l'ordre et de la monarchie française, sont aux portes de Paris : mais nous voulons vous associer à notre gloire et aux récompenses qui attendent les courageux défenseurs de la religion et du Roi. Ainsi, que tous les habitants qui sont en état de porter les armes, viennent avec des fusils, des piques, des fourches et toutes autres armes de guerre qu'ils pourront se procurer, pour être prêts à marcher avec nous où il leur sera commandé.

Ceux qui se réuniront avec nous seront exempts, conformément aux intentions de Sa Majesté, du paiement des impositions, jusqu'à l'entier rétablissement de tordre et de la monarchie, et susceptibles, ainsi que leurs femmes et leurs enfants, des généreux secours réservés aux braves défenseurs du trône et de l'autel ; et ceux, au contraire, qui refuseraient de marcher sous nos drapeaux, ou qui, par leurs menaces ou leurs insinuations perfides, chercheraient à détourner leurs compagnons d'armes de leurs devoirs, seront de suite assujettis aux paiements de leurs impositions, regardés comme complices des crimes de la soi-disant convention nationale de France, et traités comme tels, en juste représaille des horribles traitements exercés jusqu'ici envers les vrais amis de la religion et du loi, plongés daim les cachots on égorgés dans leurs foyers, ainsi qu'envers nos prisonniers indignement massacrés par nos ennemis.

Fait en quartier-général Châtillon-sur-Sèvre, ce 24 août 1793, l'an premier du règne de Louis XVII.

Signé D’ELBÉE généralissime ; DE DONNISSAN, gouverneur des pays conquis ; prince DE TALMONT ; chevalier DES ESSARTS ; DE LESCURE ; DE LAROCHEJACQUELEIN ; DE BEAUVOLLIER l’aîné ; DUHOUX-DE-HAUTERIVE ; DE LA VILLE-DE-BEAUGÉ ; STOFFLET ; chevalier DE BEAUVOLLIER.

Par MM. du conseil de guerre,

RIS-DE-BEAUVAIS, secrétaire.

 

Proclamation du conseil supérieur.

Le conseil supérieur d'administration, considérant que la signature des assignats de 25 liv. et au-dessous, marqués au coin de la république, devient de plus en plus difficile et pressante, par la multiplicité des demandes de ce genre et l'affluence des porteurs desdits assignats au bureau ;

Ne pouvant néanmoins, pour des raisons d'utilité publique, proroger au-delà du 2 septembre prochain, le terme fixé pour la signature desdits assignats ;

Ouï sur ce tes représentations de MM. Thomas et Barré ensemble les conclusions de M. Baudi, faisant pour absence du procureur-général ;

A arrêté et arrête que les assignats de la valeur de vingt-cinq sols, seraient à l'avenir, et depuis le n° 1.000, inscrits sur le registre, signés et admis pour valoir, au nom du Roi, par MM. Duplessis, de la Roche-sur-Yon, officier du conseil supérieur, ou Redon-de-Puijourdain, et Mérand, secrétaire.

Le conseil supérieur averti en outre les habitants des pays conquis, que, par assignats marqués au coin de la république, il n'entend que ceux qui ne portent pas empreinte de l'effigie du Roi, et qu'en conséquence on ne doit point soumettre à la signature ceux qui, quoique datés de l'an premier de la république, conservent néanmoins l'effigie royale.

Fait en conseil supérieur, à Châtillon-sur-Sèvre le 20 août 1793, l'an premier du règne de Louis XVII.

GABRIEL, évêque d'Agra.

Par le conseil supérieur

P. JAGAULT, secrétaire-général.

 

A Châtillon, le 2 août J793, l'an premier du règne de Louis XVII.

Messieurs, je vous fais passer plusieurs exemplaires des travaux du conseil supérieur. Je vous prie de faire lire, publier et afficher, partout où besoin sera, nos bulletins et nos règlements, afin qu'on n'en prenne cause d’ignorance peur se refuser à l'exécution de nos ordres. Vous veillerez scrupuleusement à ce que personne n'arrache ni ne déchire les affiches. Vous me rendrez compte de ceux qui se permettront ce genre de délit, pour que je puisse vous mettre à même de les punir sévèrement.

Je suis très-parfaitement, Messieurs,

Votre affectionné serviteur,

CARRIÈRE, procureur-général.

 

N° II

Extrait d’un arrêté du maire de Saint-Florent, du 20 avril 1816.

 

Le maire, au nom de la commune, accepte l'abandon que lui fait le sieur Wilb, des terrains ci-dessus désignés, pour en faire deux rues. Il nomme la première de ces deux rues, rue de Bourbon : en lui donnant ce nom, c'est prévenir les intuitions du cessionnaire, et rendre un hommage public de son dévotement et de son respectueux attachement au Roi et son auguste famille.

Il nomme la seconde rue, rue de Bonchamps : en lui donnant ce nom, c'est donner une preuve publique et éternelle de ta vénération des habitons de cette commune pour la mémoire chérie de M. de Bonchamps, l'un des premiers généraux de la Vendée, qui, en expirant de ses blessures pour la cause de son Dieu et de son Roi, accorde, le ta octobre 1793 y sur ce lieu-là naine, la grâce de cinq mille prisonniers et leur liberté.

Signé GAZEAU, maire de Saint-Florent-le-Viel.

 

Extrait du moniteur du 24 octobre 1793.

« La perte de Bonchamps vaut une victoire pour nous : de tous les chefs des brigands, il était celui en qui ils avaient le plus de confiance, qu'ils aimaient davantage, et qu'ils suivaient le plus volontiers ».

 

Eloge funèbre du marquis de Bonchamps, général vendéen, prononcée sur sa tombe, le 18 octobre 1817, jour anniversaire de sa mort[1].

ALORS que l'on vit éclater une révolution funeste qui menaçait de dissoudre l'ordre social ; que, par un épouvantable renversement des idées religieuses et morales, le crime fut transformé en vertu et l’honneur en chimère ; alors que l'homme juste allait chercher aux terres étrangères l'asile qu'il ne trouvait plus sur sa terre natale ; gué le Dieu de nos pères était blasphémé ; que les rois de nos aïeux étaient méconnus, repoussés, l'on vit, eu sein de la France, un pays qui, fidèle à son Dieu ; à son Roi, sut, par sa piété et sa vaillance, marquer sa place aux plus nobles pages de l’histoire. La croix sur sa poitrine, l'habitant de la Vendée ne consulta ni ses ressources, ni les dangers de sa position : son Dieu était outragé, son foi persécuté ; il prit les armes, et tout ce que l'univers avait encore de vertu applaudit au courageux dévouement dei fils de la, religion et de l'honneur. Rien ne put ébranler leur pieuse constance. En vain furent-ils entourés d'innombrables ennemis ; en vain virent-ils errer leurs familles autour de leurs chaumières en cendres ; en vain tombaient à la fois autour d'eux, et leurs pères, et leur postérité : inébranlables au milieu de la dévastation et de Fa mort, impassibles comme la vertu, dont ils tiraient leur force, ils offrirent au monde étonné le mémorable exemple d'une population toute entière sans reproche. Terre sacrée, dépositaire de la cendre des héros ! Toi, qu'on ne peut fouler sans respect et sans admiration, enorgueillis-toi de ta destinée ! Ton peuple est grand parmi les peuples, et les âges succéderont aux âges, le monde s'ébranlera sur ses antiques fondements, avant que le nom de Vendée soit oublié par les enfants des hommes !...

Compagnons fidèles du guerrier dont nous vénérons aujourd'hui la mémoire, laissez aux ares vulgaires les regrets et les pleurs ; animés par de plus hauts sentimens, par une religieuse croyance, rappelez-vous ce que fut Bonchamps, et contemplez ce ciel où la vertu trouva toujours sa récompense. C'est près du trône du Dieu pour lequel vous avez combattu, c'est du sein de ce Dieu même que le héros chrétien fixe aujourd’hui ses regards sur ses frères d'armes. Que les pleurs soit donc oubliés ; car il est heureux h jamais celui qui partagea votre gloire il est votre protecteur près-de ce Dieu dont vous avez gardé la foi. Jours de deuil et de calamités mais aussi fours de gloire et d'honneur, où l'on vit la Vendée fournir à l'histoire un exemple qui, plus tard, devait illustrer une nation voisine, non vous né serez pas perdus pour la France, et l'avenir dira vos hauts faits, vos héros et votre inaltérable fidélité !

Une résistance partielle s’opposait à des lois révolutionnaires. Des villages se réunissaient au cri de vive le Roi le drapeau blanc s'élevait dans plusieurs communes, et les habitais d'un pays jadis paisible se transformaient en d'intrépides guerriers. Tout-à-coup cette résistance prend un caractère imposant, et différents combats apprenaient aux républicains qu'un danger réel menaçait leur puissance, lorsque la mort du meilleur des rois vint porter à l'extrême le désespoir d'un peuple fidèle. Ce fut alun que l'habitant de la Vendée jura de se soustraire h une domination impie, et de combattre à jamais les assassins de l'oint du Seigneur. Saint-Florent les vit réunis dans ses murs. Les armes manquaient à leur courage : ils se précipitèrent sur celles de leurs ennemis, et ce fut ainsi que la fidélité obtint ses premiers moyens de défense, Ces nouveaux croisés de l'honneur et de la foi, bouillants d'ardeur et d'indignation, sentirent toutefois qu'un chef leur était nécessaire, qu'il leur fallait pour soutenir la lutte dans Laquelle ils étaient engagés, un homme qui sût unir les taleras à la bravoure, le dévouement à l'énergie : le nom de Bonchamps fut répété par ta multitude ; ce fut à Bonchamp qu'ou s'adressa.

Né eu Anjou, au château du Crucifix, le 10 mai 1750, Charles-Melchior-Artus, marquis de Bonchamps, commença sa carrière dans le régiment d'Aquitaine : au retour d'une campagne dans les Indes, il vit éclore notre, funeste révolution, et quitta le service aussitôt qu'on exigea des officiers ce serment fatal, précurseur de nos troubles et de nos infortunes. Mais n'existant que pour son Roi, espérant encore pouvoir lui être utile, il se rendit à Paris ; et ce ne fut qu'avec la plus grande peine qu'il échappa aux massacres du 10 août et du 2 septembre. De retour chez lui, au sein de sa famille, son arrivée fut l'effroi des méchants : à tout prix on aurait voulu l'éloigner ; on prévoyait déjà ce qu'il pouvait devenir un jour !

En s'unissant aux défenseurs de son pays, en cédant aux vœux de ses compatriotes, Bonchamps ne crut qu'obéir à son devoir, et s'occupa sur-le-champ d'organiser en compagnies tous les loyaux habitons des bourgs qui venaient se ranger sous ses drapeaux. Dans le meure moment, le Piu voyait un homme qui devait rendre son nom à jamais célèbre, seconder par son active énergie les travaux de Bonchamp. : Cathelineau réunissait sous l'étendard sans tache — et personne n'était plus digne de le soutenir que lui —, Cathelineau réunissait les Vendéens qui, sur d'autres points, se rendaient à l'appel de l'honneur. Reçois aussi notre tribut de regrets et d'amour, guerrier si digne de l'immortel pays qui te vit naitre toi nom ne sera pas muet pour la postérité. ; il parlera pour la gloire de la France. Orgueil de ton pays, tu fus jugé digne d'être le premier de l'armée vendéenne : ta mort prouva que tu étais toujours un des premiers dans le danger !

Dès que Bonchamps se vit à la tête de ceux qui étaient venus le réclamer, il se porta sur Thouars, défendu pet le général Quetineau. Attaquer la ville, la prendre, fut l'affaire de quatre heures, et Quétineau ne dut sa liberté qu'à l’âme noble et généreuse de celui dont il était le prisonnier. Dans ce même moment, Cathelineau et d'Elbée se portaient sur Fontenay-le-Comte — d'Elbée dont le nom est aussi devenu un de ces noms l'honneur de notre histoire —. Bonchamps apprend que la fortune a trahi leurs efforts, et que d'Elbée, blessé, a été obligé de se retirer devant les républicains : il se porte en avant en toute bite, surprend l'ennemi, le bat, entre victorieux à Fontenay, et reprend toute l'artillerie qui avait été perdue. Ce fut dans ce jour de gloire qu'une trahison infime fut sur le point d'enlever à la Vendée un de ses plus loyaux guerriers. Aux portes de Fontenay, un soldat républicain tombe aux genoux de Bonchamps, et lui demande la vie. Généreux autant que brave, Bonchamps la lui accorde, et le misérable se retourne et tire sur celui à qui il devait l'existence Bonchamps tombe entre les bras de ses soldats ce fut alors qu'on les vit se disputer l'honneur de le porter, et, fiers de leur fardeau, garder l'espoir de la victoire tant qu'ils auraient celui de conserver leur chef. Chollet, Saumur, Angers virent bientôt flotter sur leurs mura l'étendard de nos pères, et, peu de temps après, les armées royales se portèrent sur Nantes. Bonchamps, encore malade de sa blessure, ne consulta que son courage, et s'empressa d'aller rejoindre l’armée sur la route de Vannes. A peine en état de monter à cheval, et commandant l'attaque de-Nantes sur la route de Paris, il apprend que les républicains se sont emparés de Châtillon, et que M. de Lescure, son noble compagnon d'arme, cet homme dont le nom eût honoré les preux d'autrefois, avait été obligé de se retirer devant des forces supérieures : Voler à son secours, l'aider à heure l'ennemi et à reprendre Châtillon, tel fut aussitôt le projet de Bonchamps ; il commandait à des Vendéens, il lui fut facile de l'exécuter.

L'attaque de Nantes n'avait pas eu le succès qu'on en avait espéré : Cathelineau avait trouvé la mort sur le champ de bataille, et L'opinion, portait unanimement Bombai-laps à la place de généralissime. Seul., il s'éleva contre l'opinion de tous ; et modeste autant que brave, il demanda à obéir, et refusa de commander. Exemple mémorable de l’influence des vertus chrétiennes !... Etrangère à l'orgueil, l’âme du héros était humble autant que forte, grande autant que dépouillée des prétentions humaines !

Si une ardeur bouillante distinguait Bonchamps alors qu'il attaquait l’ennemi, un courage réfléchi ne le rendait pas moins redoutable alors qu'il était sur la défensive ; et on le vit rester invulnérable, malgré les efforts de vingt-cinq mille républicains. Blessé de nouveau à l'affaire de Martiné-Briand — car les chefs vendéens se retiraient rarement du combat sans blessure —, il fut contraint de quitter momentanément le commandement, et de se retirer au château de 'allais. Son absence fut un deuil pour l'armée : les chefs toutefois allaient pre9dre ses conseils, et rien ne se décidait sans l'avis de celui qui possédait au mue degré l'art de connaître les hommes et de juger lei événements.

Il n'était pas encore remis de ses blessures, quand le prince de Talmont lui porta une dépêche qui l'engagea à rejoindre le camp. Talmont , jeune rejeton d'une antique et loyale famille !... tu n'as pas menti au sang de ta noble race : ton pays t'a connu tel qu'il connut tes pères : tu mourus pour ton Dieu, pour ton Roi, et la pierre qui couvre ta tombe parle au cœur des héros !...

Il fut décidé qu'on marcherait sur Montaigu par Tiffauges ; l'ennemi s'était avancé jusques à Torfou ; le combat fut sanglant, la lutte était incertaine, déjà l'ennemi se proclamait vainqueur : Bonchamps met pied à terre, saisit une carabine, charge à la tête des braves compagnies bretonnes, et les républicains sont enfoncés. Telle fut la journée de Torfou. Elle fut grande aussi pour toi, cette journée, valeureux et brillant Charette ! et ton nome favori de l'honneur, y fut plus d'une fois mêlé aux cris de la victoire. De nouveaux succès attendaient Bonchamps il marche sur Montaigu, l’ennemi en est chassé. Poursuivi sur Clisson, il est encore battu. Une colonne de l'armée royale est bientôt devant Saint-Fulgent.

C'est ainsi que Bonchamps se distinguait au milieu de ces hommes dont les siècles à venir garderont la mémoire pour l'honneur de la France : le succès ne fut pas le prix de leurs efforts ; mais leur sang est devenu le glorieux patrimoine de leurs familles... Tant que la vertu fera vibrer le cœur de l'homme, tant que la loyauté parlera à une âme française, l'amour et le respect s'attacheront au souvenir des Donnissan, des Stofflet, des Duhoux, des Suzannet, des Desessarts et de tant d'autres héros dont il ne m'est pas donné de peindre les hauts faits. Ils suivront aussi ton nom, brave et loyal La Rochejacquelein !... Toi à qui Dieu n'a point accordé de survivre aux maux de ton pays, et de jouir du prix de tes efforts. Hélas ! tu devais remplir la destinée, et mourir plein de foi et d'honneur avant que la France, sûre d'un heureux avenir, pût te présenter avec orgueil au légitime héritier de ses Rois...

Se faire aimer du soldat qui le regardait comme un père, se faire estimer par des talents qui ne le cédaient pas à son courage, tel était dans Bonchamps le partage du guerrier : une aine sans tache, Un dévouement absolu à son Roi et à son pays, telle était la part du citoyen. Jamais on ne le vit occupé de ses intérêts particuliers ; il les sacrifia toujours aux intérêts de tous : sa fortune, comme sa vie, rien n'était calculé par lui. La demeure de ses pères fut la première envahie ; la torche à la main, avides d8 sang et de pillage, les républicains incendièrent l'antique 'habita-Lion de.sa famille. Ses soldats, furieux, voulaient se précipiter et venger l'outrage fait à leur chef : « Arrêtez, s'écria Bonchamps, arrêtez : le sang qui appartient au Roi ne doit pas être versé dans l'intérêt d'un seul, et la vengeance doit être étrangère à l’âme d'un soldat de la Vendée ». Peu de temps après il engagea tout ce qu'il possédait pour subvenir aux besoins de son armée ; après lui, l’entière vente de ses biens n'a pu suffire à remplir ses sacrifices.

La Vendée avait soutenu avec avantage une lutte inégale : elle pouvait espérer de sauver la France ; mais, hélas, elle touchait au moment d’un revers qui devait lui laisser des regrets éternels. Attaquée à Chollet par un ennemi nombreux et acharné, l'armée vendéenne vit ses rangs s’éclaircir, et la mort moissonner ses plus intrépides guerriers. En vain Bonchamps, d'Elbée, Duhoux, Desessarts, La Rochejacquelein, Royrand, réunissent leurs efforts ; les jours de succès allaient finir, et la mort de Bonchamps devait en être le douloureux présage. Blessé de plusieurs coups de feu dans la poitrine — car jamais l'ennemi ne le vit qu'en face —, porté sur une civière, il frappe les regards de ses soldats, poursuivis par un ennemi furieux et acharné. A cet aspect ils s’arrêtent, se rallient, se groupent autour de lui ; la vue de leur chef mourant leur donne un invincible courage : ils t'accompagnent, le protègent aux dépens de leurs jours. En vain l'ennemi les harcèle, en vain le fer meurtrier brille de tous côtés ; tant qu'il existera un Vendéen, Bonchamps ne sera pas abandonné ! Arrivée à Saint-Fulgent, entourée de familles éplorées, de morts et de mourans, l'armée vendéenne, au désespoir, trouve toute une population en tumulte. Des cris se font entendre. On demande la mort de cinq mille prisonniers renfermés dans régliseeclre9geons-nous, s'écriait-on les flammes dévorent nos villes et nos hameaux nos ennemis sont sans pitié usons de représailles, il en est temps ; et que les républicains apprennent ce que peut le désespoir » ! A ce cri, devenu général, une artillerie meurtrière s'avance de toutes parts, les prisonniers sont au moment d'être massacrés : tout-à-coup un roulement de tambours se fait entendre... c'est un ordre de Bonchamps !... Expirant d'une blessure mortelle, il a entendu ces cris de rage et de mort. Raniment ses forces défaillantes, il s'est adressé aux officiers, aux soldats qui l'entouraient plongés dans la douleur. « Ô mes amis, leur a-t-il dit, ne déshonorons pas la cause pour laquelle nous combattons ! Dieu et le Roi fut notre devisez : Chrétiens, soyons dignes de ce Dieu dont la croix brille sur notre poitrine, et pardonnons comme lui ; royalistes, épargnons nos frères égarés : tels sont mes derniers vœux ; portez-les à mes compagnons d'armes : je connais les Vendéens, ma voix mourante sera par eux respectée... Elle le fut comme elle l'était dans ces jours de bonheur où elle guidait les soldats à la victoire... Un religieux silence avait accueilli les dernières paroles du héros : la calme succède au trouble, la fureur fait place à des larmes d'admiration, et l'armée entière s'écrie : Grâce ! grâce aux prisonniers ! Bonchamps le veut, Bonchamps l'ordonne !

Telle fut la dernière action de sa vie. Peu de temps après, ii expira au hameau de la Meilleraye, à l'âge de 33 ans. Il avait vécu peu d'années ; mais ses années furent pleines de vertus et d'honneur. Son âme fut religieuse et grande, Il eut la crainte du Seigneur, et la force que le Seigneur donne à celui qui garde sa crainte. Il jouissait sans orgueil d'une confiance méritée ; officiers, soldats, tous savaient l'apprécier, et il était agréable à tous. Franc chevalier dans la vie privée, jamais une action déloyale ne lui fut reprochée ; chrétien dans les camps, jamais une parole impure ne souilla ses lèvres ; vertueux sans ostentation, grand sans vaine gloire, soldat sans reproche, il fut digne de commander h ceux qui le pleurèrent.

Après sa mort, de Fleuriot prit le commandement de son armée : il en était digne, car il était l’ami et Le compagnon de Bonchamps.

Ô vous qu'un même sentiment réunit autour de sa tombe, vous qui n'eûtes jamais pour culte que Dieu et l'honneur, et qu'on vit à la fois combattre et prier polir la France, vous jouissez aujourd'hui du prix acheté par le sang de vos héros ! Le Ciel s'est apaisé... Les jours de douleurs ont disparu, et les enfants de Saint-Louis ont recouvré leur antique héritage ; Le fils des rois a entendu des cris d'amour sur sa terre natale. Au milieu des bénédictions de sen peuple, il a oublié tous les maux de l'exil, et son peuple a été béni par lui... Que vos prières s'élèvent vers le ciel, car la miséricorde de Dieu a été grande : il a tourné ses regards vers vous, et il a eu pitié de vos Jonques misères... Vous mériterez, par une soumission sans borne au Roi que vous chérissez, en pardonnant à vos ennemis, ainsi que le Bonchamps à son heure derrière, en ne mettant jamais vos services qu'au rang de vos devoirs, vous mériterez que les jours qui nous sent annoncés coulent paisibles et sans nuages. Couverts d'honorables cicatrices, vous suspendrez vos armes, elles resteront immobiles ; mais, si un jour l'hydre des factions relevait sa tête sanglante, si la discorde secouait de nouveau ses torches funèbres, si la légitimé, seule ancre de salut pour la France, était encore menacée, si le fils de Henri avait besoin de vous. Vendéens, vous songeriez au sol que vous foulez ! Vous vous rappelleriez que votre pays est un vaste reliquaire de prud'hommes et de preux. Vous vous rappelleriez Bonchamps. Il expira en s'écriant : DIEU et le ROI !

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CHARLES-MELCHIOR-ARTUS DE BONCHAMPS naquit au Crucifix en Anjou, le 10 mai 1760 ; taille de cinq pieds trois pouces neuf lignes. Il servit dans le régiment d'Acquitaine, qui partait pour les Grandes-Indes. En revenant, Charles eut une fièvre putride à bord du vaisseau ; et comme il ne donnait nul signe de vie, on fut au moment de le jeter à la mer : mais un sergent, nommé Villefranche, obtint du délai, et par là sauva son capitaine. Après six mois de navigation, on arriva en France, dans l'instant où la disette allait réduire l'équipage à la cruelle nécessité de tirer au sort pour dévorer un d'entre eux, Quelque temps après le retour de Bonchamps, il hérita de son père, épousa mademoiselle de Supeaux, et l'emmena à sa terre de la Baronnière. Il partit ensuite pour le régiment, en garnisons à Wissembourg, y donna sa démission lors du serment contre son Roi, et se retira à la Baronnière. Il revint à Paris au mois de juillet. Ayant eu le malheur de de se trouver au 10 août et au massacre du 2 septembre, il partit ; et ne passant dans les villes que la nuit, il fut assez heureux pour arriver sans accident, avec sa famille, à la Baronnière. Les patriotes qui troublaient le pays, furent désolés de sa présence, et saisirent toutes les occasions de lui nuire. Des journaliers qui travaillaient chez lui., mirent un bonnet de liberté au haut d'un arbre, en criant : A bas ! A la mort de Louis XVI, il prévit, à peu de chose près, les malheurs qui en ont résulté. L'ordre de faire tirer les jeunes gens à la milice, décida les paysans à montrer leur horreur pour le régime républicain. Ils se rendirent à Saint-Florent, dans l'intention de prendre les armes et de se battre pour soutenir leur opinion. Le peu de force armée qui était à Saint-Florent-le-Vieil pour maintenir l'ordre, ayant tiré sur les paysans, ils ne se continrent plus-, ils s'emparèrent de deux coulevrines et de quelques fusils, tuèrent quelques patriotes, en blessèrent plusieurs, et forcèrent les autres à s'embarquer ; ce qu'ils firent promptement. Ils portèrent la nouvelle de ce soulèvement aux municipaux de la ville d'Angers, qui, craignant d'être réprimandés du peu de soins qu'ils mettaient à surveiller le Bas-Anjou, et croyant d'ailleurs que ce mouvement contre-révolutionnaire ne serait rien, n'en firent point part à la convention, et laissèrent les paysans prendre des forces et les conseils de gens éclairés. Les habitants de Saint-Florent allèrent à la Baronnière, engager M. de Bonchamps à se mettre à leur tête, Il se rendit à Saint-Florent, où il organisa quatre compagnies dans chaque bourg qui vint se ranger sous ses drapeaux, M. Cathelineau en faisait tenant au Pin-en-Manges, sa paroisse. D'après quelques petites fortifications faites à Saint-Florent, les républicains prirent le parti d'attaquer le Ménil, qui était à deux lieues. M. Cadix, chirurgien de Chalonnes, dont la bravoure s'est montrée dans toutes les occasions, soutint le feu. M. de Bonchamps se rendit à Mollet, d'où il alla attaquer Thouars, qu'il prit en quatre heures. Le général Quétineau, qui commandait la ville, fut fait prisonnier. Bonchamps lui offrit de rester parmi les royalistes, lui observant qu'il serait responsable devant la convention de la prise de cette ville. Mais ce républicain ne voulut point abandonner son parti. Il fut mandé la barre, et périt. Au retour de l'armée à Chollet, il fut convenu avec Cathelineau, général en chef, que celle de Bonchamps y resterait, tandis qu'il irait faire le siège de Fontenay-le Comte avec d'Elbée, qui, voyant que Bonchamps ne courait aucun risque dans Chollet, voulut emmener toutes les munitions de guerre ; et ce ne fut qu'avec beaucoup de peine qu'il lui laissa deux pièces de quatre et une de douze. Aller se battre à Fontenay était un projet dont l'exécution ne pouvait manquer d’être funeste, les paysans craignant avec raison les plaines, et les armées vendéennes étant sans cavalerie. D'Elbée, à cette affaire, reçut à la cuisse une blessure qui, quoique profonde, n'était pas dangereuse ; et on l'emmena sur un brancard au château de Landebaudière. Bonchamps apprenant la défaite de d'Elbée et de Cathelineau, qui avaient tous deux perdu leur artillerie, partit de suite avec sa petite armée et ses pièces de canon, surprit les républicains, entra victorieux dans Fontenay, et reprit tout ce que le dernière attaque avait fait perdre aux Vendéens. En entrant dans la ville, un malheureux soldat lui demande la vie, qu'il lui accorde ; mais Bonchamps s'étant mis à charger ses pistolets et le soldat voyant son libérateur occupé, ramassa une arme des fuyards, et tira à bout portant dans J'épaule de Bonchamps. Des cavaliers qui virent cette infamie écharpèrent ce scélérat, et soutinrent M. de Bonchamps. On ne put trouver de chirurgiens que ceux des ennemis ! Bonchamps s'y confia, et fut parfaitement soigné. Vingt-quatre heures après on le mit sur des brancards ; et les soldats se disputaient l'honneur de le porter. L'armée royale entra triomphante â Chollet. On se décida d'aller à Saumur : on le prit, ainsi que diverses petites villes qui se trouvaient sur le passage. On s'empara d'Angers et l'on revint dans ses foyers. La facilité avec laquelle on avait pris les dernières villes, fit croire au général Cathelineau que la conquête de Nantes serait facile. Ils partirent donc. Bonchamps étant encore malade, ne put arriver à temps pour commander son armée ; niais en entendant le canon. il rte put résister au désir de rejoindre une armée sur la route de Vannes. Il se trouva fort incommodé. Après être resté longtemps sur le grand chemin, il fut obligé d'aller se faire panser à un château appartenant à madame La Bretèche. L'armée royale se retira avec perte et en désordre Bonchamps eut à peine le temps de se sauver ; et il eût été pris ou coulé à fond s'il n'eût su naviguer. Revenu à son quartier-général, il partit pour attaquer Erigné. La chaleur y étant excessive, M. de Lescure faillit y périr, sans un soldat de l'armée de Bonchamps. Les soldats, fuyant, l'abandonnèrent, et il retourna chez lui, Bonchamps, se trouva seul au milieu de cinq hussards, qui lui demandèrent de se rendre. C’était dans un chemin entre les deux Montagnes qu'on appelle Buttes d’Erigné. Il eut le bonheur d'en tuer un et d'en blesser un autre. Quelques fuyards royalistes arrivèrent, et le général Bonchamps reçut en ce moment, par un des hussards, une balle machée dans le coude. La chaleur et la soif, tout me réunit aux douleurs que lui causait sa blessure. On le ramena au château de Jallais, qui n'était point incendié, car il n'y avait encore que celui de la Baronnière qui le fût. Son épouse et ses enfants vinrent l'y retrouver. Sa première blessure s'était un peu envenimée ; et cependant le repos qu'il prit ne fut pas long. Le prince de Talmont et M. de Lescure vinrent prier M. de Bonchamps de se mettre à la tête de son armée, découragée de son absence. Il se leva, et partit pour son quartier, général à Valette, près Clisson. L'ennemi marchant sur Chollet, M. de Bonchamps alla avec toutes les armées réunies. Elles furent assez heureuses pour repousser les républicains mais d'Elbée et Bonchamps ayant été blessés, l'armée ennemie se rallia et chargea de nouveau. Bonchamps voulut remonter à cheval ; mais sa troisième blessure étant dans les intestins, il ne put se soutenir ; ses soldats formèrent à la hâte un brancard, mirent le général Bonchamps dessus, remmenèrent à Beaupreau ; et tandis que l'ennemi les poursuivait, ils arrivèrent à Saint-Florent-le-Vieil. Les prisonniers qui étaient dans les villes appartenant aux royalistes, furent conduits à Saint-Florent-le-Vieil, et enfermés dans l'église des moines, au nombre de cinq mille. Le projet de passer la Loire ayant été effectué par Talmont qui commandait la cavalerie, on mit Bonchamp dans un bateau. Il découvrit k dessein qu'on avait formé de tuer les prisonniers : il ordonna qu'on fit grâce à ces républicains, et il fut obéi. Bonchamps mourut à la Meilleraye, hameau de pêcheurs, situé entre Saint-Florent et Varades, le 18 octobre 1793, à l'âge de trente-trois ans.

M. de La Rochejacquelein fut proclamé généralissime à Varades, où il promit à M. de Bonchamps d'avoir soin de sa femme et de ses enfants. On jugea prudent de cacher la mort de Bonchamps ; mais sur le doute que les paysans en conçurent, cent Bretons de l'armée qu'il avait commandée désertèrent à leur arrivée à Segrè.

 

N° III.

DE PAR LE ROI.

Extrait du registre des délibérations du conseil militaire des armées catholiques et royales.

 

Le premier jour de novembre 1793, premier du règne de Louis XVII, le conseil militaire des arabes catholiques et royales étant assemblé, à l'effet de pourvoir aux besoins pressons et multipliés desdites armées, et de liquider les dettes urgents contractées avec les particuliers, soit pour les subsistances, soit titre d'indemnités pour les dommages occasionnés par le passage et le séjour des armées ; son vœu le plus cher et le plus sacré étant d'alléger, autant qu'il est en son pouvoir, le fardeau des peuples ;

Considérant que des bons ou effets royaux, représentatifs d'une valeur réelle, hypothéqués sur les revenus de l'Eut, signés et adonis au nom du foi par les officiers les plus dévoués à Sa Majesté, ne pourraient qu'obtenir la confiance publique, et seraient acquittés, de préférence à toute autre obligation, par un prince qui n'a pu manquer d'apprendre à l'école du malheur que le plus digne prix de rattachement du peuple est la reconnaissance des rois ;

Voulant donner à tous, et à chacun des habitants du pays conquis et à conquérir pour Sa Majesté une preuve authentique de la loyauté des intentions et de la justice des procédés des membres qui le composent,

A arrêté et arrête unanimement ce qui suit :

Art. Ier. Il sera créé, au nom du Roi, une somme de neuf cent mille livres en bons ou effets royaux commerçables, portant intérêt à quatre et demi pour cent, hypothéqués sur le trésor royal, et remboursables à la paix.

II. Lesdits bons ou effets royaux seront de valeurs différentes ; savoir, depuis cinq jusqu'à trois cents livres inclusivement, et l'intérêt courra pour les porteurs, à dater de la présente ordonnance, jusqu'au remboursement, au moyeu de quoi lesdits bons ou effets royaux ne porteront aucune date précise, mais seulement la présente sera imprimée, lue, publiée, affichée, consignée sur le registre des délibérations du conseil militaire des armées catholiques et royales, et même dégivrée gratis aux porteurs desdits bons ou effets royaux s'ils le requièrent.

III. Lesdits boras ou effets royaux seront signés par MM. Donnissan, le prince de Talmont, de Beauvollier, tous les trois membres du conseil militaire, et par M. Bernier, curé de Saint-Laud, vicaire-général d'Angers, et de suite admis, au nom du Roi, pour avoir cours et, valoir ce que de raison.

IV. Se reposant entièrement sur le zèle et la confiance des Français demeurés fidèles à Sa Majesté, et complant sur le repentir de ceux qui n'ont été qu'égarés dans leurs opinions et dans leur conduite, le conseil militaire ose espérer que tel sera l'empressement des habitants du pays conquis et à conquérir pour Sa Majesté, à recevoir lesdits bons ou effets royaux, soit en paiement soit à titre d’indemnité, qu'on ne pourra regarder que comme ennemis de la royauté, de la religion et du bien public, le petit nombre de ceux qui refuseraient de les admettre.

Fait en conseil militaire assemblé au quartier-général de Laval, le premier novembre 1793, l'an premier du règne de Louis XVII.

Signé DONNISSAN, DE LA ROCHEJACQUELEIN ; le prince DE TALMONT, D’AUTICHAMP, DE LESCURE, chevalier DE FLEURIOT, chevalier DESESSARTS, DE BEAUVOLLIER, DE VILLENEUVE, DE SOLÉRAC, DE ROYRAND, DE VERTEUIL, DE BERNARD DE MARIGNY, STOFFLET, chevalier DE PERREAU, DE ROSTAING, DE SCÉPEAUX, DE HAROUES, etc.

 

N° IV.

Sommation faite au commandant de Granville, par les généraux de l'armée catholique et royale.

 

MONSIEUR,

Jaloux d'épargner, autant qu'il est en nous, le sang français, nous vous sommons, au nom de Sa Majesté très-chrétienne Louis XVII, roi de France et de Navarre, votre unique et légitime souverain, de rendre la ville et le port de Granville que vous défendez, et de les livrer aux généraux de Sa Majesté ; pour en être pris possession par eux, en son nom. À ce prix, nous nous obligeons, sur notre honneur, à vous traiter, vous, monsieur, vos officiers et vas soldats qui composent votre garnison, avec tous les égards convenables, et sous les simples conditions que la franchise et la loyauté des officiers de Sa Majesté leur ont jusqu'ici permis d'employer. A cet égard nous vous faisons passer des proclamations propres i vous convaincre de l'esprit de douceur et de loyauté qui caractérisent les fiers, mais sensibles, mais généreux soldats de la Vendée.

Nous vous donnons avis, au contraire, que si, dans une heure précise nous n'avons pas une réponse favorable do votre part, nous allons bombarder la ville, et peut-être la réduire en cendres ; et qu'alors vous deviendriez personnellement responsable, avec les officiers de votre garnison, des immenses ravages que doit causer aux malheureux ha-biwas de Granville un genre d'attaque que votre opiniâtré seule aura rendue nécessaire.

Nous sommes, Monsieur.,

Vos obéissants serviteurs,

Signé DE LA ROCHEJACQUELEIN, STOFFLET, le chevalier DESESSARTS, PIRON, DE HAROUES, le chevalier DE BEAUVOLLIER, le chevalier DE VILLE-NEUVE, D'AUTICHAMP.

Le 14 novembre 1793 à midi et demi.

 

Sommation faite aux officiers municipaux de Granville par les généraux de l’armée catholique et royale.

 

MESSIEURS,

Les généraux et commandons de l'armée catholique et royale préférant, comme ils l'ont prouvé dans tous temps, la conquête des cœurs à celle des villes et des forts les plus redoutables, n'ayant, en raison des motifs purs et sacrée qui les animent, d'autre but que d'assurer, par la clémence, les fondements d'un trône que la plupart d'entre vous gémissent de voir si indignement renversé ; prêts à toujours distinguer le simple égarement du crime ; accoutumés à retrouver dans le repentir du moment le pardon et l'oubli du passé, et rie croyant jamais avoir poussé trop loin la loyauté de leur principe et de leur conduite à cet égard, vous proposent d'épargner le sang français, ai cher à leurs cœurs ; ils vous proposent d'ouvrir les portes de votre ville sans coup férir.

Un peuple d'amis entrera dans vos murs avec le rameau d'olivier, pour y faire régner, à l'ombre de l'autorité royale, l'ordre, la paix et le bonheur, que vos tyrans vous ont si souvent promis, mais en vain. A ce prix, il vous est facile de sauver de tout danger et de tout dommage vos vies et vos propriétés, auxquelles nous jurons, sur notre honneur, le respect le plus inviolable et le plus sacré. C’est alors que nous éteindrons dans des embrassements mutuels tout souvenir du passé ; c'est alors que des acclamations réciproques couvriront le moindre murmure qui pourrait s'élever du fond du cœur. Sinon, messieurs, un fer vengeur arme nos bras. Libres de nous avoir pour amis ou ennemis, choisissez : autant pour le bien de l'humanité, nous désirons en vous l'un de ces titres, aussi peu nous redoutons l'autre. Si vous préférez le dernier parti, songez que les indomptables habitants de la Vendée, vainqueurs et destructeurs des garnisons de Valenciennes et de Mayence, sont h vos portes, et qu'ils vont les ouvrir et par le fer et par le feu. Quelle que soit votre décision, saches que tous nos prisonniers, otages de ceux qui vous parviennent, répondent sur leurs tètes du retour de leurs camarades ; et qu'en conséquence, si dans une heure précise nous n'avons reçu de vous aucune réponse, le canon vous annoncera que ces mêmes prisonniers ne sont plus ; car, quelles que soient vos intentions, nous vous demandons de nous les faire connaitre, sans craindre que le refus d'accéder à nos propositions nuise en rien à la sûreté de ceux qui nous l'auront transmis.

Nous avons l'honneur d'être, messieurs,

Vos très humbles et obéissants serviteurs,

Signé DE LA ROCHEJACQUELEIN, STOFFLET, le chevalier DESESSARTS, PIRON, DE HAROUES, le chevalier DE BEAUVOLLIER, le chevalier DE VILLE-NEUVE et D'AUTICHAMP.

 

N° V.

Procès-verbal de la nomination de CHARETTE, comme général des armées catholiques et royales du Bas-Poitou.

 

Aujourd’hui 9 décembre 1793, à onze heures du matin, nous soussignés, officiers et chefs de cantons de l'armée catholique et royale du Bas-Poitou étant rassemblés au bourg des Herbiers, pour nommer et reconnaitre un général en chef dans ladite armée, et voulant de plus en plus témoigner notre confiance et notre attachement à M. François-Athanase chevalier de Charette-Contrie, ancien lieutenant des vaisseaux du Roi, déclarons et attestons le nommer et reconnaître pour général en chef de l'armée catholique et royale du Bas-Poitou. Nous promettons et lurons de lui obéir en tout et partout où il lui plaira de nous conduire, comme représentant la personne de Louis XVII, notre roi et souverain seigneur. En conséquence, nous avons fait rédiger le présent pros verbal par M. Baudry de le Garnache, président de l'assemblée, et M. Bousseau da Saint-Philibert, dont copie sera présentée, par députation, M. François-Anasthase chevalier de Charrette-Contrie, ancien lieutenant des vaisseaux du Roi ; et ont été nommés cet effet : MM. de Couëtu, Savin, Eriau, Arnaudeau, de La Roberie, Bodereau, Le Moelle et Garreau.

La députation priera M. Charette d'accepter la place de général en chef de l'armée catholique et royale du Bas-Poitou, ainsi que la copie du procès-verbal, laquelle sers signée par tous les officiers de l'armée, et mention sera faite ci-après de son acceptation.

Fait aux Herbiers, le 9 décembre, 1793.

Signé BAUDRY, président ; BOUSSEAU, adjoint.

 

N° VI.

Discours attribués à d'Elbée par les généraux et les commissaires de la convention.

 

Dans cette en conférence (avec le général Thurreau), d’Elbée ne démentit ni sa fierté, ni son caractère ; il connaissait les désastres d'Outre-Loire, et ne dissimula point la détresse des royalistes. En se plaignant des gentilshommes bretons qui ne l'avaient point secondé, il déplora la mort de La Rouerie, le seul capable, selon lui, d'armer la Bretagne. Le général Thurreau lui demanda avait reçu des secours de l'Angleterre. « Non, répond d'Elbée, nous n’avions pas besoin de secours étrangers pour relever le trône, rendre au clergé tous ses privilèges, à la noblesse tous ses droits, au royaume toute sa splendeur. L’intérieur de la France nous présentait assez de ressources pour exécuter tous ces desseins glorieux ; mais ayant échoué devant Nantes, il fallait renoncer à faire la guerre sur la rive droite de la Loire ; il fallait diriger nos opérations vers le midi : ce fut toujours mon avis dans le conseil. Nous nous sommes perdus nous-mêmes ; c'est notre désunion qui vous a fait triompher. Les Bretons devaient faire une diversion puissante, et il n'y a eu que de l'incertitude et de la faiblesse dans leurs mouvements. Talmont et d'Autichamp voulaient passer la Loire ; le premier, pour s'établir à Laval, où il serait devenu chef de parti le second, pour s'emparer d'un port de mer, et marcher, avec les secours de l'Angleterre, sur la capitale. Ces projets, plus hardis que sages, ont causé nos désastres. Charette, par son obstination à s’isoler, à séparer ses opérations de la grande armée, a fait aussi manquer les expéditions les plus importantes ; pour comble de malheur la défaite de Chollet nous enlève le brave Bonchamp, le meilleur officier de l'armée... » D'Elbée versa quelques larmes et se tut, on ne put lui arracher autre chose.

 

N° VII.

Lettre à l'Auteur.

 

Noirmoutiers, le 18 août 1806.

MONSIEUR,

J'ai remarqué avec peine que, dans votre Histoire de la Guerre de la Vendée, guidé par de fausses informations, ou seulement par les journaux du temps révolutionnaire, vous avez considéré M. Wieland, commandant de lite de Noirmoutiers — lorsque Charrette s'en rendit maitre —, comme un homme qui avait trahi le parti républicain ; vous avez involontairement flétri sa mémoire, que le gouvernement, mieux instruit par des renseignements postérieurs, s'est pressé de réhabiliter, en témoignant à sa veuve le plus vif intérêt, et en admettant même un de ses fils au prytanée. Placé dans des circonstances qui m'ont mis même de connaître tous les détails propres à justifier M. Wieland, qui fut condamné sans être entendu, je pourrais bien les reproduire ici, comme je l'ai déjà fait dans un mémoire rédigé d’après la demande de sa famille, mais je me bornerai à répondre aux faits établis dans votre ouvrage, page 146, 148 et 183.

1°. Page 46, vous dites : « Charette s'étant ménagé des intelligences à Barbatte, au moyen de Palvadeau, membre de la municipalité : ce dernier sonda et entraîna Wieland, commandant de la place ; ils résolurent de livrer l’île aux Vendéens., etc., etc. »

A cela je réponds que cette accusation d'intelligence avec un Palvadeau, membre de la municipalité, portée contre M. Wieland, n'est connue de qui que ce soit dans cette île ; qu’elle est d'autant plus dénuée de fondement, qu'à l'époque dont il s'agit, il n'y avait point de Palvadeau membre de la municipalité, et qu'il est de notoriété publique que jamais M. Wieland n'eut de relation avec des hommes de ce nom.

Page 148, vous dites : « A la pointe du jour, Charette marcha sur la ville, et somma la garnison de se rendre ; elle était peu nombreuse, et le commandant Wieland vint au-devant des royalistes, et remit son épée à Charette, qui la lui rendit aussitôt ».

Il est de toute fausseté que M. Wieland ait été au-devant des royalistes. Lorsque l'armée de Charrette, conduite date le Goi par des guides expérimentés et par des chemins inconnus jusqu'alors, se trouva presque au centre de l’île, sans qu'on s'aperçût de son arrivée ; lorsque M. Wieland vit que toute résistance devenait inutile, il s'occupa du salut de sa femme et de celui de ses enfants ; il pouvait s'embarquer avec eux, mais il était incapable de ce trait de lâcheté ; quelques détachements de sa garnison n'avaient pu se sauver, il devait partager leur sort. Charette était descendu chez le sieur J.....t fils, où, une heure après son arrivée, M. Wieland vint le trouver et lui remettre son sabre, en se disant son prisonnier. Charette le lui rendit, en lui proposant du service dans son armée. Wieland resta inébranlable, et son refus fut celui d'un homme à caractère, inviolablement attaché au parti qu'il servait. Charette alors lui donna l’île pour prison, et lui enjoignit de se présenter tous les jours à midi chez le gouverneur ; mais, exposé aux menaces, aux insultes, plusieurs fois même aux coups de fusils des soldats royalistes, il pria qu'on voulut bien le dispenser de cette formalité, et il obtint cette grâce. Dès-lors il ne sortit plus, et s'occupa de rédiger des mémoires justificatifs, que j'ai vus dans ses mains lorsqu'ou le conduisit à ta mort.

Vous dites, page 183 : « La vengeance des républicains s'appesantit sur les habitants de Barbatte, qui, à l’instigation de Palvadeau et Wieland, avaient livré l’île à Charette. Ces deux transfuges furent mis à mort sans exciter le moindre regret. »

Je vais répondre à ceci par le récit exact de la mort de Wieland, et par une anecdote de la plus grande authenticité, qui dès-lors le justifia dans l'esprit des habitants de cette lie, qui tenaient au parti républicain. Le jour où d'Elbée, d'Hauterive et Boissy allaient être exécutés militairement, un des représentants du peuple en mission à l'armée dit à ses collègues : « Il est dommage que la partie ne soit pas carrée. — Ah ! reprend l'un d'eux, n'avons-nous pas Wieland ? » Et avant dix minutes, sans autre forme de procès, le malheureux est dépouillé de ses vêtements et attaché à un quatrième poteau. Il demande à être entendu ; ou le lui refuse, Avant l'exécution, quelqu'un désigne aux troupes le nom des victimes et les crimes qu'on leur reproche ; mais lorsqu'il ajoute, voici Wieland, ce traître qui a vendu et livré Noirmoutiers aux rebelles, d'Elbée, rassemblant tout ce que sa situation et une blessure profonde dont il était atteint depuis longtemps lui laissaient de force, s'écrie : « Non, M. Wieland n'est pas un traître, jamais il n'a servi notre parti, et vous faites mourir un innocent ». Il dit en vain : le plomb siffle, et tous quatre ne sont bientôt plus.

Voici monsieur, des faits qui sont connus de tout le monde ici, et qu'on n'aurait pas manqué de vous transmettre, si vous aviez écrit à quelqu'un à ce sujet. Je puis vous assurer que M. Wieland est regretté généralement dans cette fie, autant par la conviction qu'on a de son innocence, que par le mérite qu'on lui connaissait.

J'ai l'honneur de vous saluer,

PIET, ancien maire de Noirmoutier.

 

Nous, habitants de l'île de Noirmoutier, certifions que les faits consignés dans la lettre ci-dessus sont à notre connaissance et de notoriété publique, et que M. Wieland n'a jamais été considéré comme un traître qui avait livré l'île aux Vendéens ; que ses principes, au contraire, ont toujours été ceux d'un homme d'honneur.

Délivré à Noirmoutier, le 19 août 1806.

Signé MAUBLAN, VIAUD, ex-procureur de la commune ; MASSON, FRÉDÉRIC RICHER, J. PINEAU, adjoint ; C.-H. LEBRETON, JACOBSEN, maire de Noirmoutier ; ADRIEN aîné ; le commandant de la garde nationale de l’île, ADRIEN jeune ; J.-B. AVREUL jeune, secrétaire de la commune ; DUCHEMIN, juge de paix ; AIMÉ VIAUD, propriétaire ; J. PINEAU père ; COINDET père ; COINDET fils ; A. AVREUL, VIAUD, G. MAROIS, LEBRETON aîné.

 

N° VIII.

Décret du  14 frimaire sur le mode du gouvernement provisoire et révolutionnaire.

 

La convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de salut public, décrète :

SECTION PREMIÈRE.

Envoi et promulgation des lois.

ARTICLE Ier.

Les lois qui concernent l'intérêt publie, et qui sont d'une exécution générale, seront imprimées séparément dans un bulletin numéroté, qui servira désormais à leur notification aux autorités constituées. Ce bulletin sera intitulé : Bulletin des lois de la république.

II.

Il y aura une imprimerie exclusivement destinée à ce bulletin, et une commission composée de quatre membres, pour en suivre les épreuves et pour en expédier l'envoi. Cette commission, dont les membres seront personnellement responsables de la négligence et des retards dans l’expédition, est placée sous la surveillance immédiate du comité de salut public.

III.

La commission de l'envoi des lois réunira dans ses bureaux les traducteurs nécessaires pour traduire les décrets en différents idiômes encore usités en France, et en langues étrangères pour les lois, discours, rapports et adresses, dont la publicité dans les pays étrangers est utile aux intérêts de la liberté et de la république française. ; le texte français sera toujours placé à côté de la version.

IV.

Il sera fabriqué un papier particulier pour l'impression de ce bulletin, qui portera le sceau de la république les lois y seront imprimées telles qu'elles sont délivrées par le comité des procès-verbaux ; chaque numéro portera de plus ces mots Pour copie conforme, et le contreseing des deux membres de la commission de renvoi des lois.

V.

Les décrets seront délivrés par le comité des procès-verbaux à la commission de l'envoi des lois, et, sur sa réquisition, le jour mime où leur rédaction aura été approuvée ; et la lecture de cette rédaction sera faite, au plus tard, le lendemain du jour où le décret aurait été rendu.

VI.

L'envoi des lois d'une exécution urgente aura lieu le lendemain de l'approbation de leur rédaction. Quant aux lois moins pressantes, ou très-voluminéuses, leur expédition ne pourra être retardée plus de trois jours après l'adoption de leur rédaction.

VII.

Le bulletin des lois sera envoyé par la poste aux lettres. Le jour du départ et le jour de la réception seront constatés de la même manière que les paquets chargés.

VIII.

Ce bulletin sera adressé directement, et jour par jour, à toutes les autorités constituées, et à tous les fonctionnaires publics, chargés ou de surveiller l'exécution, ou de faire l'application des lois. Ce bulletin sera aussi distribué aux membres de la convention.

IX.

Dans chaque lieu, la promulgation de la loi sera faite dans les vingt-quatre heures de la réception, par une publication au son de trompe ou 'de tambour ; et la loi deviendra obligatoire à compter du jour de la promulgation.

X.

Indépendamment de cette proclamation, dans chaque commune de la république, les lois seront lues aux citoyens dans un lieu public r chaque décadi, soit par le maire, soit par un officier municipal, soit par les présidents de sections.

XI.

Le traitement de chaque membre de la commission de l'envoi des lois sera de huit mille livres. Ces membres seront nommés par la convention, sur une liste présentée par le comité de salut public.

XII.

Le comité de salut publie est chargé de prendre toutes les mesures nécessaires pour l'exécution des articles précédents, et d'en rendre compte tous les mois à la convention.

SECTION-DEUXIÈME.

Exécution des lois.

ARTICLE Ier.

La convention nationale est le centre unique de l’impulsion du gouvernement.

II.

Tous les corps constitués et les fonctionnaires publies sont mis sous l'inspection immédiate du comité de salut publie, pour les mesures de gouvernement et de salut public conforma ment au décret du 19 vendémiaire ; et pour tout ce qui est relatif aux personnes et à la police générale et intérieure, cette inspection appartient au comité de sûreté générale de la convention, conformément au décret du 17 septembre dernier, Ces deux comités sont tenus de rendre compte, à la fin de chaque mois, des résultats de leurs travaux, à la convention nationale. Chaque membre de ces deux comités est personnellement responsable de l'accomplissement de cette obligation.

III.

L'exécution des lois se distribue en surveillance et en application.

IV.

La surveillance active, relativement aux lois et mesures militaires, aux lois administratives civiles et criminelles est déléguée au conseil exécutif, qui en rendra compte par écrit, tous Les dix jours, au comité de salut public, pour lui dénoncer les retards et les négligences dans l’exécution des lois civiles et criminelles, des actes de gouvernements et des mesures militaires et administratives, ainsi que les violations de ces lois et de ces mesures, et les agents qui se rendront coupables de ces n4gligences et de ces infractions.

V.

Chaque ministre est en outre personnellement tenu de rendre un compte particulier et sommaire des opérations de son département, tous les dix jours, au comité de salut public, et de dénoncer tous les agents qu'il emploie, et qui n'auraient pas exactement rempli leurs obligations.

VI.

La surveillance de l'exécution des lois révolutionnaires et des mesures de gouvernement, de sûreté générale et de salut public dans les départements, est exclusivement attribuée aux districts, à la charge d’en rendre compte exactement tous les dix jours au comité de salut public, pour les mesures du gouvernement et de salut public ; et au conté de surveillance de la convention, pour ce qui concerne la police générale et intérieure, ainsi que les individus.

VII.

L'application des mesures militaires appartient aux généraux et aux autres agents attachés au service des armées ; L'application des lois militaires appartient aux tribunaux militaires ; celle des lois relatives aux contributions, aux manufactures, aux grandes routes, aux canaux publics, è la surveillance des domaines nationaux, appartient aux administrations de département ; celle des lois civiles et criminelles, aux tribunaux, à la charge expresse d'en rendre compte tous les dix jours au conseil exécutif.

VIII.

L'application des lois révolutionnaires et des mesures de sûreté générale et de salut public est confié aux municipalités et aux comités de surveillance ou révolutionnaires, à la charge pareillement de rendre compte, tous les dix jours, de l'exécution de ces lois, au district de leur arrondissement, comme chargé de leur surveillance immédiate.

IX.

Néanmoins, afin qu’à Paris l’action de la police n'éprouve aucune entrave, les comités révolutionnaires continueront de correspondre, directement et sans aucun intermédiaire, avec le comité de sûreté générale de la convention, conformément au décret du 17 septembre dernier.

X.

Tous les corps constitués enverront aussi, à la fin de chaque mois, l'analyse de leurs délibérations et de leurs correspondances, l'autorité qui est spécialement chargée, par ce décret, de les surveiller immédiatement.

XI.

Il est expressément défendu à toute autorité et à tout fonctionnaire public de faire des proclamations, ou de prendre des arrêtés extensifs, limitatifs ou contraires au sens littéral do la loi, sous prétexte de l'interpréter ou d'y suppléer.

A la convention seule appartient le droit de donner l’interprétation des décrets ; et lion ne pourra s'adresser qu'à elle seule peur cet objet.

XII.

Il est également défendu aux autorités intermédiaires, chargées de surveiller l’exécution et l'application des lors, de prononcer aucune décision et d'ordonner l'élargissement des citoyens arrêtés. Ce droit appartient exclusivement à la convention nationale, aux comités de salut public et de sûreté générale, aux représentants du peuple dans les départements et près les armées, et aux tribunaux, en faisant l'application des lois criminelles et de police.

XIII.

Toutes les autorités constituées seront sédentaires et ne pourront délibérer que dans le lieu ordinaire de leurs séances, hors les cas de force majeure, et à l'exception seulement des juges de paix et de leurs assesseurs, des tribunaux criminels des départements, conformément aux lois qui consacrent leur ambulance.

XIV.

A la place des procureurs-syndics de district, des pro. cureu.rs de commune et de leurs substituts e qui sont supprimés par ce décret, il y aura des agents nationaux spécialement chargés de requérir et de poursuivre l'exécution des lois, ainsi que de dénoncer les négligences apportées dans cette exécution, et les infractions qui pourraient commettre. Ces agents nationaux sont autorisés à se déplacer et parcourir l'arrondissement de leur territoire, pour surveiller et s'assurer plus positivement que les lois sont exactement exécutées.

XV.

Les fonctions des agents nationaux seront exercées par les citoyens qui occupent maintenant les places de procureurs-syndics de district, de procureurs des communes et de loure substituts, à l'exception de ceux qui sont dans le cas d’être destitués.

XVI.

Les agents nationaux attachés aux districts, ainsi que tout autre fonctionnaire public, chargé personnellement par ce décret, ou de requérir l'exécution de la loi, ou de la surveiller plus particulièrement, sont tenus d'entretenir une correspondance exacte avec les comités de salut public et de sûreté générale. Ces agents nationaux écriront aux deux comités tous les dix jours, en suivant les relations établies par l'article X de cette section, afin de certifier les diligences faites pour L'exécution de chaque loi, et dénoncer les retards et les fonctionnaires publics négligents et prévaricateurs.

XVII.

Les agents nationaux attachés aux communes sont tenus de rendre le même compte au district de leur arrondissement, et les présidents des comités de surveillance et révolutionnaires entretiendront la même correspondante tant avec le comité de sûreté générale, qu'avec le district chargé de les surveiller.

XVIII.

Les comités de salut public et de sûreté générale sont tenus de dénoncer à la convention les agents nationaux et tint autre fonctionnaire public chargé personnellement de la surveillance ou de l'application des lois, pour les faire punir, conformément aux dispositions portées dans le présent décret.

XIX.

Le nombre des agents nationaux, soit auprès des districts, soit auprès des communes, sera égal à celui des procureurs-syndics de districts et de leurs substituts, et des procureurs des communes et de leurs substituts actuellement en exercice.

XX.

Après l'épuration faite des citoyens appelés, par ce décret, à remplir les fonctions des agents nationaux près les districts, chacun d'eux fera passer à la convention nationale, dans les vingt-quatre heures de l'épuration, les noms de ceux qui auront été ou conservés ou nommés dans cette place, et la liste en sera lue à la tribune, pour que les membres de la convention s'expliquent sur les individus qu'ils pourront connexe.

XXI.

Le remplacement des agents nationaux près les districts qui seront rejetés, sera provisoirement fait par la convention nationale.

XXII.

Après que la même épuration aura été faite dans les Communes, elles enverront, dans le même délai, une pareille liste au district de leur arrondissement, pour y être proclamée publiquement.

SECTION III.

Compétence des autorités constituées.

ARTICLE Ier.

Le comité de salut public est particulièrement chargé des opérations majeures en diplomatie ; et il traitera directement ce qui dépend de ces mêmes opérations.

II.

Les représentants da peuple correspondront tons les dix jours avec le comité de salut public. Ils ne pourront suspendre et remplacer les généraux que provisoirement, et à la charge d'en instruire, dans les vingt-quatre heures, le comité de salut public ; ils ne pourront contrarier ni arrêter l'exécution des arrêtés et des mesures de gouvernement pris par le comité de salut public ; ils se conformeront, dans toutes leurs naissions, aux dispositions du décret du 6 frimaire.

III.

Les fonctions du conseil exécutif seront déterminées d'après les bases établies-dans le présent décret.

IV.

La convention se réserve la nomination des généraux en chef des armées de terre et de mer. Quant aux autres officiers-généraux, les ministres de la guerre et de la marine ne pourront faire aucune promotion sans en avoir présenté la liste ou la nomination motivées, au comité de salut public, pour être par lui acceptées ou rejetée. Ces deux ministres ne pourront pareillement destituer aucun des agents militaires nommés provisoirement par les représentants du peuple envoyés près les armées, sans en avoir fait la proposition, écrite et motivée, au comité de salut public, et sans que le comité l’ait acceptée.

V.

Les administrations de département restent spécialement chargées de la répartition des contributions entre les districts, et de rétablissement des manufactures, des grandes routes et des canaux publics, de la surveillance des domaines nationaux. Tout ce qui est relatif aux lois révolutionnaires et aux mesures de gouvernement et de salut public, m'est plus de leur ressort. En conséquence, la hiérarchie qui plaçait les districts, les municipalités ou toute autre autorité, sous la dépendance des départements, est supprimée, pour ce lui concerne les lois révolutionnaires et militaires, et les mesures de gouvernement, de salut public et de sûreté générale.

VI.

Les conseils-généraux, les présidents et les procureurs-généraux-syndics des départements sont également supprimés. L'exercice des fonctions de président sera alternatif entre les membres du directoire, et ne pourra durer plus d'un mois. Le président sera chargé de la correspondance, et de la réquisition et surveillance particulière dans la partie d'exécution confiée aux directoires de département.

VII.

Les présidents et les secrétaires des comités révolutionnaires et de surveillance, seront pareillement renouvelés tous les quinze jours, et ne pourront âtre réélus qu'après un mois d'intervalle.

VIII.

Aucun citoyen déjà employé au service de la république, ne pourra exercer ni concourir à l'exercice d'une autorité chargée de la surveillance médiate ou immédiate de leurs fonctions.

IX.

Ceux qui réunissent ou qui concourent à l'exercice cumulatif de semblables autorités, seront tenus de faire leur option dans les vingt-quatre heures de la publication de la présente loi.

X.

Tous les changements ordonnés par le présent décret, seront mis à exécution dans les trois jours, compter de la publication de ce décret.

XI.

Les règles de l'ancien ordre établi, et auquel il n'est rien changé par ce décret, seront suivies jusqu'à ce qu'il ait été autrement ordonné. Seulement les fonctions du district de Paris sont attribuées au département) comme étant devenues incompatibles, par cette nouvelle organisation, avec les opérations de la municipalité.

XII.

La faculté d'envoyer des agents appartient exclusivement au comité de salut public, aux représentons du peuple, au conseil exécutif et à la commission des subsistances. L'objet de leur mission sera énoncé en termes précis dans leur mandat.

Ces missions se borneront strictement à faire exécuter les mesures révolutionnaires et de sûreté générale, les réquisitions et les arrêtés pris par ceux qui les auront nommés.

Aucun de ces commissaires ne pourra s'écarter des limites de son mandat ; et dans aucun cas, la délégation des pouvoirs ne peut avoir lieu.

XIII.

Les membres du conseil exécutif sont tenus de présenter la lige motivée des agents qu'ils enverront dans les départements, aux armées et chez l'étranger, au comité de salut public, pour être par lui vérifiée et acceptée.

XIV.

Les agents du conseil exécutif et de la commission des subsistances sont tenus de rendre compte exactement de leurs opérations aux représentons du peuple qui se trouveront dans les mêmes lieux. Les pouvoirs des agnus nommés par les représentons près les armées et dans les départe-mens, expireront dès que la mission des représentons sera terminée, ou qu'ils seront rappelés.

XV.

Il est expressément défendu à toute autorité constituée, à tout fonctionnaire public, à tout agent employé au service de la république, d'étendre l'exercice de leurs pouvoirs au-delà du territoire qui leur est assigné, de faire des actes qui ne sont pas de leur compétence, d’empiéter sur d'autres autorités et d'outre-passer les fonctions qui leur sont déléguées, ou de s'arroger celles qui ne leur sont pas confiées.

XVI.

Il est aussi expressément défendu à toute autorité constituée d'altérer l'essence de son organisation, soit par des réunions avec d'autres autorités, soit par des délégués chargés de former des assemblées centrales, soit par des commissaires envoyés à d'autres autorités constituées. Toutes les relations entre tous les fonctionnaires publies ne peuvent plus avoir lieu que par écrit.

XVII.

Tous congrès ou réunions centrales établies, soit par les représentons du peuple, soit par les sociétés populaires, sous quelque dénomination qu'elles puissent avoir, même de comité central de surveillance, ou de commission centrale révolutionnaire ou militaire, sont révoquées et expressément défendues par ce décret, comme subversives de l'unité d'action du gouverneraient, et tendant au fédéralisme. Et celles existantes se dissoudront dans les vingt-quatre heures, à compter du jour de la publication du présent décret.

XVIII.

Toute armée révolutionnaire, autre que celle établie par la convention, et commun e à toute la république, est licenciée par le présent décret ; et il est enjoint à tous citoyens incorporés dans de semblables institutions militaires, de se séparer dans les vingt-quatre heures, à compter de la publication du présent décret, sous peine d'être regardés comme rebelles t la loi, et traités comme tels.

XIX.

Il est expressément défendu à toute force armée, quelle...

Manque les pages 469 à 472 du livre

XI.

Les fonctionnaires publics, ou tous autres agents soumis à une responsabilité solidaire, et qui auront averti la convention du défaut de surveillance exacte, ou dans l'inexécution d'une loi, dans le délai de quinze fours, seront exceptés des peines prononcées par ce décret.

XII.

Les confiscations ordonnées par les précédents articles seront versées dans le trésor public ; après toutefois avoir prélevé l'indemnité due au citoyen lésé par l'inexécution on la violation d'une loi, ou par un abus d'autorité.

 

FIN DU SECOND VOLUME

 

 

 



[1] Les restes de M. de Bonchamps ont été retrouvés dans le cimetière de Varades : on les a déposés à la chapelle de Saint-Florent, sépulture de ses ancêtres jusqu'à ce que le Monument que lui élèvent les Vendéens soit prêt à les recevoir.