LE SIÈCLE DE LA RENAISSANCE

 

CHAPITRE X. — LE ROYAUME DE FRANCE VERS 1600.

 

 

Impression de prospérité que donne la France aux voyageurs étrangers. Le royaume n'a pas de constitution écrite, mais des usages traditionnels. La théorie du pouvoir absolu du roi. Arbre touffu et compliqué de l'administration du royaume, d'après Figon. Autour du roi : les conseils du prince, le chancelier de France, le surintendant des finances, les secrétaires d'État. Dans les provinces, multitude innombrable des officiers du roi. Officiers de justice : le grand conseil, les parlements, baillis et sénéchaux, présidiaux, petits juges royaux et juges seigneuriaux : juridictions spéciales. Les officiers de finances ; mécanisme de la levée des impôts ; l'Épargne à Paris ; la division financière de la France en généralités, élections, paroisses. Agents des finances. Impôts que paient les sujets, nombreux et compliqués. Le budget de 1600. Les dépenses. Rigueur de la comptabilité publique. La chambre des comptes. L'administration ; gouverneurs de provinces et gouverneurs particuliers. Municipalités. L'armée, la marine. Le peuple de France en 1600, ses trois états, clergé, noblesse, tiers-état.

 

Avec une ligne de frontière assez sinueuse laissant encore aux étrangers l'Artois, le Cambrésis, le duché de Bar, la Lorraine, — sauf les enclaves de Metz, Toul, Verdun et de leur petit territoire autour, — puis toute la Franche-Comté, la Savoie, le comté de Nice, le Comtat-Venaissin et le Roussillon, la France est sous Henri IV, comme étendue de territoire, ce qu'elle est aujourd'hui, à ces exceptions près. Malgré la tourmente des guerres civiles et celles-ci passées, elle donne aux étrangers qui la visitent l'impression d'un pays riche et puissant. Elle est très peuplée ; on ne sait pas les chiffres exacts. Michel Suriano estime que Paris compte 500.000 habitants. Davila dira 800.000. Les voyageurs trouvent que le nombre des villes populeuses est considérable, que les villages sont serrés et très habités. L'affluence du peuple y est si grande partout, écrit l'un deux, les villes et les champs si bien peuplés que la terre ne reste pas d'être bien cultivée et tous métiers et arts mécaniques bien fournis. De fait, quand on consulte les actes d'un tabellion ou notaire de campagne de la fin du XVIe siècle, on constate, par les brevets de transactions, que la terre est des plus morcelée. Il n'est presque marchand laboureur ou manouvrier qui n'ait son clos et pourpris, deux ou trois travées de maison avec chaume ou tuile, cour, jardinet derrière, et quelque quartier de terre labourable, un arpent, plusieurs perches ; il paie cens, redevances, droits de mutation, toutes marques de l'état féodal de la terre, et témoignage que cette terre dépend d'un fief ou d'une censive ; mais, cela fait, il tient son bien et le cultive comme nos paysans d'aujourd'hui tiennent le leur. Chacun travaille, économise et vit facilement.

Ces voyageurs, Erpenius, Jodocus Sincerus, Scamberg, Abraham Golnitz, Goffridus Hegenitius et autres nous disent ce qui fait la fortune de la France. Palma Cayet avait déjà indiqué que le royaume était abondant en blés, vins, huiles, fruits, légumes, pastels, outre les grandes et foisonneuses nourritures de bétail et haras. Le blé est produit en assez grande quantité pour qu'on l'exporte. Sauf la Bretagne, la Normandie et la Picardie, qui boivent du cidre, toutes les provinces donnent du vin. Les crus d'Argenteuil et de Suresnes, sans être beaucoup au-dessus du médiocre, sont connus des Parisiens ; mais on apprécie principalement les vins blancs d'Anjou, ceux de Graves à Bordeaux, de Gaillac, de Rabastens, les vins rouges de Bourgogne, qui viennent à Paris en quantité, le muscat de Frontignan, très goûté : l'exportation des vins en Angleterre et en Allemagne est une notable source de profits. L'exportation tlu sel en est une autre, les sels de Languedoc et de Saintonge ayant une réputation et les bateaux flamands ou hollandais venant les prendre en charge sur les côtes de Provence et de Poitou. On trouve en Provence et en Languedoc des chanvres, des lins, des huiles, en Berry des laines fines, des laines aussi en Normandie, où Ton fabrique d'excellent drap ; les fruits du midi, notamment de la Provence, sont célèbres, moins célèbres que le pastel, plante servant à la teinture, qui fait la richesse surtout du Languedoc ; on exporte par Bordeaux jusqu'à 200.000 balles de coques de pastel, tous les ans. Vers à soie et mûriers deviennent abondants à partir d'Henri IV. Un peu partout ce sont de gras et bons pâturages ; le bétail est considérable. Il y a des haras de tous côtés. Les chevaux sont moins forts qu'en Allemagne d'où on les fait venir pour traîner les grosses charrettes et les carrosses. L'Espagne achète nos mulets d'Auvergne et du Gévaudan. Lait, beurre, fromage sont d'un usage général ; Louis XIII affectionnera le Pont-l’Évêque et des officiers de sa garde suisse lui feront connaître le petit suisse. Chapons, poulets, volailles de toutes sortes remplissent les basses-cours. Il n'est pas de paysan qui ne possède son étable à porc et bois qui ne foisonne de lièvres, connils, perdrix et tourdes pour la chasse. On exploite les ardoises en Anjou, les marbres en Languedoc, les mines de fer en Auvergne, le charbon de pierre dans le midi, les eaux minérales à Pougues, Vals, Vichy, Balaruc. Le commerce est des plus actifs. En somme, la France est un des pays d'Europe qui a le plus vite mis en exploitation tous ses éléments de richesses agricoles et minérales, et trouvé le plus tôt la densité moyenne de population correspondant à cette fortune publique. Elle est riche : les sources de deniers y sont inépuisables, conclut un voyageur.

Pour gouverner et administrer ce grand pays laborieux, il n'y a pas de constitution écrite et une organisation théoriquement réglée, il y a des idées traditionnelles, des institutions séculaires, des habitudes et des usages si forts qu'on les appelle des lois. L'idée centrale de cette constitution politique coutumière est celle du pouvoir souverain et absolu du roi.

Notre état public de France, écrit un juriste du début du XVIIe siècle, est royal, pour y être en premier lieu un roi seul et souverain seigneur par-dessus tout. Le roi, dit un autre, est le chef, source et fondement de toute la justice et gouvernement, ce qui veut dire que dans le roi seul réside toute espèce d'autorité judiciaire ou administrative ; si donc quelqu'un exerce une part de l'une ou l'autre autorité dans le royaume, c'est par simple délégation ou émanation du prince qui peut à tout instant reprendre son droit. Telle est la théorie juridique pure. Pratiquement, ne pouvant tout faire et être partout à la fois, le roi délègue le soin d'agir à sa place à des agents qu'il charge de telle ou telle fonction, de tel ou tel office, et qu'on appelle pour cela, non fonctionnaires, mais officiers ; on dit : les officiers du roi. Il y a cinq attributions que le roi ne délègue jamais à personne, celles de faire des lois, de créer de nouveaux offices, de décider de la paix ou de la guerre, de prononcer en dernier ressort pour toute affaire judiciaire quelconque et de battre monnaie. Celui qui se mêle d'entreprendre sur les droits royaux en ces matières se rend coupable de lèse-majesté. Le roi fait la loi : toutes autorités au-dessous de lui peuvent édicter des règlements afin de pourvoir aux menues occurrences, le prince n'étant pas en mesure de préjuger les détails locaux ; mais ces règlements sont censés provisoires, sous le bon plaisir du roi et valables seulement pour la juridiction de l'autorité qui les émet. En tout et pour tout le souverain demeure absolu et décide comme bon lui semble ; car tel est notre plaisir, dit-il, au nom d'un droit qu'il ne tient que de Dieu.

Cette théorie du pouvoir royal n'a pas été sans être fortement attaquée au cours des guerres civiles du XVIe siècle, d'abord, en fait, par les révoltés, puis en droit par les théoriciens. Après la Saint-Barthélemy, on agita la question de savoir s'il fallait obéir à un roi quand celui-ci devenait tyran. La qualité d'héritier présomptif de la couronne attribuée au roi protestant Henri de Navarre, fit poser le problème de savoir si le royaume n'avait pas le droit de choisir un autre héritier par l'intermédiaire des Etats généraux, et si donc les États généraux n'étaient pas supérieurs à la royauté. Cette dernière idée n'était pas nouvelle ; elle avait été agitée par les Cabochiens sous Charles VI et aux États de 1484 ; en refusant tour à tour d'obéir au roi, protestants, puis ligueurs l'avaient rendue très forte et actuelle. Il sembla admis que la royauté était d'origine populaire et que si le prince faisait un mauvais usage de ses droits, on pouvait les lui retirer. De cette observation occasionnelle on passa au principe même de la royauté et des publicistes attaquèrent vivement l'idée monarchique. Comment des millions d'hommes, s'écriait La Boétie, peuvent-ils se soumettre à un seul hommeau et le plus souvent le plus lâche et féminin de la nation ! Les bêtes, si les hommes ne font trop les sourds, continuait-il, leur crient : Vive la liberté ! Le mouvement était prématuré. En réalité, avec l'habileté spirituelle, la bonne humeur, l'adresse ferme et prudente d'Henri IV, les opinions se tassèrent et se retrouvèrent à la fin du siècle au niveau traditionnel. La théorie du pouvoir royal est aussi nette en 1600 qu'elle l'a jamais été. Sous la plume des jurisconsultes et dans les cerveaux des contemporains, le roi demeure l'ultime faîte, la clef de voûte de l'organisme social.

Du moins ce fut la théorie idéale ; en pratique, il en allait autrement. Sous Henri IV, la royauté absolue a été contenue par un faisceau innombrable de forces passives, corps constitués, règlements traditionnels, pratiques séculaires, libertés provinciales ou municipales, usages administratifs, toutes choses très anciennes devenues plus fortes au cours de l'anarchie politique des temps précédents et en mesure, si elles n'eussent été brisées par Richelieu et Louis XIV avec la complicité tacite de l'esprit public, d'assurer un régime général varié, vivant et articulé.

Nous ne parlons pas des Etats généraux. Se défiant d'eux, Henri IV ne les a pas convoqués. Endroit, les représentants des trois Etats du royaume, clergé, noblesse, tiers-état, désignés à la requête des prévôts et viguiers sur édit royal de convocation envoyé aux parlements, transmis par ceux-ci aux baillis et sénéchaux et de là aux prévôts, ne devaient se réunir que pour exposer au roi des doléances sous forme de cahiers. Mais ils avaient eu d'autres prétentions trop menaçantes. — Nous ne parlons pas non plus du mot vague, souvent invoqué, de lois fondamentales du royaume, impliquant une restriction de la pleine puissance et autorité royale ; à bien examiner les choses, ces mots ne désignent que trois ou quatre traditions incertaines : la prétendue loi salique réduite à l'obligation pour l'hérédité du trône, d'une succession masculine, l'inaliénabilité du domaine, la nécessité pour le roi d'être catholique. C'est par d'autres entraves que l'absolutisme royal s'est trouvé l’imité, pour l'imbécillité du conseil, gouvernement et prudence d'un homme seul, dit le juriste La Roche-Flavin, dont, d'ailleurs, le livre a été condamné. Et le même La Roche-Flavin, dans ses Treize livres des Parlements de France, explique que les parlements ont été institués en forme de sénats pour maintenir la loi et la justice en vigueur ; que nuls édits, nulles ordonnances n'ont d'effet, qu'on n'obéit à iceux ou plutôt qu'on ne les tient pour édits et ordonnances s'ils ne sont vérifiés aux cours souveraines et par la libre délibération d'icelles. Un édit du roi ne convient-il pas ? On adresse au prince des remontrances jusqu'à ce qu'il le retire. Avec beaucoup de magistrats, La Roche-Flavin a donc voulu donner aux parlements un rôle constitutionnel prépondérant. Mais si en réalité ces remontrances et cette opposition ont, en plus d'une circonstance, fait échec à l'omnipotence royale, Henri IV a bien su, en particulier pour l'enregistrement de l'édit de Nantes, imposer ses décisions et revendiquer son droit premier strict. La volonté du roi est loi, sa parole arrêt. En condamnant le livre de La Roche, les parlements ont condamné implicitement sa théorie. Il n'existe pas de principe quelconque dans le droit public du temps impliquant que la monarchie de France ne soit pas absolue. Si elle ne l'est pas, en fait, c'est que les forces passives se trouvent pratiquement plus prédominantes que le droit. Ces forces sont représentées par l'ensemble de l'organisation du royaume, organisations centrale, judiciaire, financière, provinciale et locale.

 

Charles de Figon voulant, en tête de son livre des Discours des offices de France, paru en 1579, donner une idée de ce qu'est l'organisation de la France de son temps, représente un grand arbre partant du sol, qui est le roi, montant par un tronc, qui est le chancelier, se divisant en deux maîtresses branches, le parlement et la chambre des comptes, puis, en d'autres moins grosses, trésoriers de France, généraux de finances, cour des aides, cour des monnaies, intendants des finances, et le tout se subdivisant, poussant de petites branches lesquelles finalement s'enchevêtrent, se confondent, se greffent les unes sur les autres, pour donner au total un ensemble parfaitement touffu et compliqué. L'image est assez exacte. A travers les siècles, les institutions françaises ont ainsi poussé sans ordre préconçu, suivant les nécessités et les besoins, chaque branche se développant, partie d'un simple bourgeon, quelques-unes se desséchant un peu, mais sans jamais disparaître, dans une confusion pittoresque entraînant de perpétuels conflits d'attributions.

Immédiatement autour du roi, afin de rendre le sol plus stable et ferme sont les conseils de Sa Majesté. Première restriction à l'absolutisme, le roi ne décide rien sans avoir l'avis de notre conseil ; c'est une nécessité de bon sens : les affaires de l'Etat sont trop graves pour qu'on ne s'éclaire pas des sentiments de gens d'expérience. Assurément le roi peut passer outre à l'avis de son conseil, surtout pour les décisions qui lui tiennent à cœur. Dans le courant de chaque jour il s'en remet à lui. En tant de cas, de vieux administrateurs connaissant à fond le royaume et les affaires, un Villeroy, un Brulart, un Bellièvre, sont si à même de fournir une appréciation juste et motivée ! De qui se compose ce premier conseil du roi ? En principe pourraient y venir : les princes du sang, cardinaux, ducs, grands officiers de la couronne, secrétaires d'Etat, une foule. En fait, n'y sont appelés que ceux dans le jugement desquels le roi a confiance, ceux qui mènent les affaires, chancelier, surintendant des finances, secrétaires d'État ; le roi les mande dans son cabinet le matin, ou à toute autre heure, fait lire les lettres reçues, discute, écoute et décide ce qu'on répondra ; que de cas où il se borne à donner son assentiment à une solution proposée ! C'est le conseil des affaires, le vrai conseil du roi, celui qui s'occupe de politique. — Il y en a un autre à côté pour la multitude des questions menues d'ordre administratif, appels au roi, seul et dernier justicier du royaume, affaires contentieuses, détails qui ne se peuvent régler que par arrêts, dits du conseil. Tout en déléguant aux parlements et magistrats inférieurs le soin de juger, le roi s'est réservé en effet de reprendre le cas échéant son droit ; ce conseil, dit conseil d'Etat et privé, l'exerce, mais surtout en matière administrative et contentieuse. Les conseillers, qui peuvent être tous ceux du précédent conseil, plus des contrôleurs et intendants de finances et autres, au nombre de trente-trois, dit un règlement de 1585, — mais en séance ils sont beaucoup moins — se réunissent presque tous les jours autour d'un tapis de velours violet cramoisi ; leurs décisions sont soumises au roi : ils délibèrent à la pluralité des opinions. A elles seules les questions litigieuses de finances étant assez nombreuses pour exiger un autre conseil spécial, ce troisième conseil, dit conseil des finances, se tient les mardis, jeudis et samedis, de six heures à neuf heures et demie du matin, composé du chancelier, des secrétaires d'Etat, d'intendants de finances. Il donne les autorisations aux villes de s'imposer, règle les assignations de dépenses spéciales, statue sur les requêtes au roi d'ordre financier. Nous avons conservé le registre des arrêts de ce conseil.

Que sont à ce moment ce que nous appelons aujourd'hui les ministères ? De toutes les branches de notre administration moderne, il y en a deux qui sont organisées, la justice et les finances ; ce sont les deux qui ont leur chef officiel et reconnu, le chancelier de France et le surintendant des finances.

Nul acte important du roi de France n'est valable s'il n'est scellé du sceau de l'Etat, et le chancelier seul possède les sceaux et scelle lui-même, prérogative exceptionnelle ; il est inamovible, de par les usages ; le roi peut le chasser, mais ne peut lui enlever son titre : un garde des sceaux intérimaire le remplacera. Grand personnage, costumé d'une robe de velours cramoisi à vastes manches doublées de satin rouge, ceinture de soie de même couleur, le chancelier est le chef né de toutes les compagnies judiciaires du royaume. Des maîtres des requêtes l'assistent, auxquels sont confiées les affaires introduites au conseil du roi pour les rapporter : belle charge et fort générale que celle de ces maîtres des requêtes auxquels on donnera des commissions extraordinaires d'intendants dans les provinces. Le chancelier est la pierre angulaire de toute l'administration du royaume pour diverses raisons de confusion des pouvoirs judiciaires et administratifs.

Le surintendant des finances à la haute main surtout le maniement des finances de l'État. Les intendants de finances, hommes savants en science financière, le secondent ; sous ses ordres agit la nuée des agents dispersés dans le royaume pour la perception, la centralisation et l'envoi des deniers de l’impôt.

A côté du chancelier et du surintendant des finances, il y les secrétaires d'État : il faut comprendre leur situation, à ce moment, à la fois modeste et importante. Au XIVe siècle, le roi avait trois secrétaires qu'il chargeait de recevoir sa correspondance et d'y répondre. Lorsqu'à la fin du XVe siècle, un de ces secrétaires du roi se trouva être Florimond Robertet, homme d'expérience et de grande intelligence, rompu aux affaires, Charles VIII apprécia ses conseils ; Louis XII et François Ier gardèrent un si précieux auxiliaire : la fonction était virtuellement créée. Sous Henri II, il y eut quatre secrétaires, dont, par l'édit du 14 septembre 1547, le prince régularisa les attributions ; ces secrétaires dépouillaient la correspondance, dépêchaient les matières d'État ; pour plus de clarté, ils se partagèrent la France en quatre, chacun traitant les questions qui intéressaient le lot de provinces mis dans sa part et les pays étrangers joignant : ainsi, l'un avait la Normandie et la Picardie, plus la Flandre et l'Angleterre ; le second, la Provence, le Languedoc, la Guyenne, la Bretagne, plus l'Espagne ; le troisième, la Champagne et la Bourgogne, plus l'Allemagne, la Suisse et la Savoie ; le dernier le Dauphiné et Lyon, plus Rome, Venise et le Levant. Les parts n'étaient pas égales. Par l'édit de Blois du 1er janvier 1589, Henri III estima qu'il y avait intérêt à centraliser un peu entre les mains d'un des quatre — avec sa part de provinces — toutes les affaires extérieures, et entre les mains d'un autre, toutes les affaires de la guerre : voilà l'embryon des ministères. Nous en sommes encore à ce point en 1600. Il faudra attendre le règlement de Louis XIII de 1619 et surtout celui de 1626 pour voir se préciser cette centralisation de la guerre et des affaires étrangères, les secrétaires en question continuant toujours à connaître des affaires d'un quart du royaume. Ces secrétaires d'État et de commandement, comme on les appelle, sont souvent des bourgeois, se faisant avec leurs fonctions 50.000 francs de revenus par an, portant un beau costume : manteau de velours violet fendu jusqu'au bas du côté droit, doublé de taffetas cramoisi, avec bonnet de velours noir. Simples scribes en apparence, au fond les plus importants personnages après le chancelier, ils dressent les mémoires et instructions pour les ambassadeurs, les pouvoirs des gouverneurs de provinces, mandent à tous la volonté du souverain et les décisions du conseil des affaires : il n'est secret du gouvernement qu'ils ne connaissent. Toute lettre publique du roi doit être contresignée d'eux pour être authentique, au point que leur signature seule a une valeur et que celle du roi finit par être imitée par un expéditionnaire quelconque : ils s'acheminent à l'omnipotence qu'on leur reprochera tant au XVIIIe siècle. Ils ont quelques scribes, mais ni bureaux, ni archives, ni hôtel.

En gros, tel est le gouvernement central. Il faudrait ajouter le connétable, l'amiral ; mais leurs fonctions sont un peu spéciales à l'armée et à la marine, nous les retrouverons. Ce gouvernement tient peu de place dans la cour nombreuse du roi créée surtout pour le service personnel du prince. Au milieu du flot des fonctions d'apparat qui environnent la majesté royale — grand maître de la maison du roi, grand chambellan, premier gentilhomme de la chambre, grand sommelier, grand panetier, grand échanson, grand écuyer, grand veneur, grand maître de la garde-robe, et le reste innombrable, sous-ordres et autres, en tout, en 1601, 1.041 personnes, en 1589, 1.725, — les conseillers d'Etat et les secrétaires d'Etat, voire même le chancelier, paraissent moins brillamment, pâles et discrets personnages ; mais ils besognent et au-dessous d'eux l'armée immense des officiers du roi travaille dans les provinces.

 

Comme de ces ministres le plus important est le chancelier, de ces officiers, les plus nombreux et les plus considérables sont les magistrats.

C'est presque un principe de droit public, sous l'ancien régime, que toute autorité judiciaire a des attributions administratives et que toute autorité administrative a des fonctions judiciaires, mélange étroit et confus des pouvoirs, qu'un juriste du début du XVIIe siècle explique en disant : La magistrature surpasse toutes autres choses parce que la fin de la charge publique comprend sous soi toutes les fins des autres. Il suit de là qu'il y a presque en France autant de juges que d'officiers du roi et Dieu sait si le nombre en est grand n'y ayant État ou nation au monde qui ait tant d'officiers de toutes sortes que le royaume de France. Les simples particuliers possédant un bout de seigneurie y ont droit de justice haute, moyenne ou basse. Tel infime village d'aujourd'hui qui compte à peine comme fonctionnaire un modeste instituteur, possède à cette époque : prévôt royal ou seigneurial, son assesseur, un substitut du procureur général et quelque huissier ou sergent. Du roi, suprême magistrat du royaume dont la main de justice rappelle la fonction essentielle, au plus petit bailli féodal, la France est recouverte d'un réseau infini de juridictions qui sont la vraie organisation de l'Etat maintenant l'ordre public.

Jadis, les premiers rois capétiens rendaient eux-mêmes la justice, saint Louis, par exemple, à Vincennes, au pied d'un arbre. La multiplicité des affaires fit renoncer à cet usage patriarcal, et le conseil de clercs qui assistaient le prince se constitua en cour judiciaire réglée, le parlement, lequel se détacha et s'émancipa. Tout de même le roi continuait à vouloir se réserver le jugement de certaines causes. Le second petit groupe de clercs et de juristes qu'il forma près de lui afin de l'éclairer sur ses causes, à son tour, à la longue, se constitua en nouvelle cour, se détacha lui aussi et s'organisa : c'est le grand conseil. Nous avons vu que tout de même encore, le roi se réservait de connaître de certains procès qu'examinait son conseil dit d'État. Du tronc royal poussaient ainsi au fur et à mesure les branches successives de l'administration judiciaire. A côté des parlements, les attributions du grand conseil sont assez incertaines. Les quatre présidents et les nombreux conseillers de ce grand conseil connaissent surtout des différends entre les juridictions principales du royaume, celles qu'on appelle les cours souveraines, en raison de leurs fins et limites ; ils connaissent de quelques appels fixés par un édit d'Henri II de septembre 1567, de contrariétés d'arrêts et surtout d'affaires d'archevêchés, d'évêchés et d'abbayes. Malgré un nom pompeux, le grand conseil a un rôle effacé. Les parlements ont accaparé toute l'importance.

Ce ne devait pas être sans émotion qu'un provincial, venant pour la première fois à Paris, franchissait dans la rue de la Barillerie la porte cintrée assez basse qui donnait accès, devant la Sainte Chapelle, à la cour de mai autour de laquelle s'élevaient les divers bâtiments du palais de l'antique parlement de Paris ; son émotion devait redoubler lorsque ayant traversé la grande salle des procureurs — la salle des pas perdus — vieil édifice à double nef gothique, datant de saint Louis, orné des statues en bois sculpté des rois de France, il pénétrait dans la grand'chambre et que là, quelque jour d'audience solennelle, il contemplait les 200 magistrats de la première cour souveraine du royaume, en robes rouges, illustre assemblée, imposante, pénétrée de sa grandeur et de ses droits, à la fois respectée ou redoutée des sujets dont elle détenait la vie et les biens, et du roi aux volontés duquel elle opposait, sous la forme archaïque et impersonnelle d'arrêts rigides, la masse redoutable du droit, de la justice et de la tradition. Le parlement de Paris est le plus ancien et le plus illustre du royaume, à côté des sept autres : Toulouse, Bordeaux, Rouen, Aix, Grenoble, Dijon, Rennes. Toulouse, le second en date et le plus considérable après Paris, compte une centaine de magistrats.

Les 200 magistrats de Paris ne se réunissent en assemblée générale que pour les événements graves, les plus grandes et importantes affaires concernant l'Etat et le bien public : vérification des édits, réception des magistrats, mercuriales, règlements, délibérations sur les affaires du royaume ; car bien que les parlements n'aient été créés que pour rendre la justice, néanmoins il se lit aux registres que souvent ils se sont mêlés d'affaires d'État, de la guerre et des finances, pour l'absence, indisposition, minorité ou permission de nos rois ou pour l'urgente nécessité des affaires. Afin de juger les procès ordinaires, ces magistrats se divisent en chambres distinctes : la grand'chambre, d'abord, noyau de toute la cour ; puis cinq chambres des enquêtes qui examinent les appels faits des juges inférieurs à la juridiction du parlement, les conseillers jugeurs écoutant les conseillers rapporteurs et décidant ; deux chambres des requêtes, composées chacune de deux présidents et de huit conseillers, étudiant les instances introduites au parlement, renvoyant les unes aux magistrats inférieurs, tranchant les autres, les moindres, réservant celles qui en valent la peine aux chambres des enquêtes ; ensuite une chambre criminelle, dite la Tournelle, jugeant les crimes, — deux présidents, huit conseillers de la grand'chambre, deux de chaque chambre des enquêtes, tous changeant au bout de trois mois pour ce que l'accoutumance de faire mourir et condamner les hommes altère la douceur naturelle des juges et les rend aucunement cruels et inhumains ; enfin, pendant les vacances judiciaires, une chambre des vacations — un président et treize conseillers, — pour expédier les affaires criminelles et régler les petits procès. Il faudrait ajouter la chambre de l'Edit établie par Henri III en 1576, qui connaît des litiges entre protestants et catholiques, composée à Paris de deux présidents et de seize conseillers, dont huit catholiques et huit huguenots. Avec moins de chambres formées de moins de magistrats, tous les parlements du royaume sont organisés de même. Il n'y a à Toulouse que deux chambres des enquêtes et une des requêtes. Les chambres de l'Edit se trouvent ailleurs qu'au siège du parlement, à Castres pour Toulouse.

Qu'est-ce que juge le parlement et qu'est-ce qu'il ne juge pas ? Question complexe, aux solutions inégales et un peu arbitraires. Le parlement dira bien qu'il connaît en première instance des causes intéressant les grands personnages, ducs et pairs, princes, prélats, chapitres, seigneurs, villes, tous ceux qui ont le droit d'être jugés par lui en vertu du privilège spécial dit de committimus ; de même de toute cause de grand poids et conséquence, concernant les affaires d'Etat, les affaires des universités, de la navigation, et, en générai, de tous appels de juridictions inférieures : la limite est vague ; il fait beaucoup ce qu'il veut et il est à peu près le maître. De là, son prestige redoutable et la respectueuse terreur qu'il inspire. Regardons de plus près les magistrats.

Voici le premier président d'abord, personnage aussi considérable dans sa province qu'est le chancelier de France dans le royaume, Monsieur le premier, comme on l'appelle, Messire un tel, dit-on, quand il est chevalier, c'est-à-dire noble ; mais à la fin du XVIe siècle, tous les premiers présidents se considèrent comme chevaliers de par leurs fonctions. Il est le chef du parlement ; il préside la grand' chambre et pourrait aller présider chacune des autres ; lui seul a le droit de venir de chez lui à l'audience en robe rouge, tandis que les conseillers et présidents s'habillent au Palais. Il représente le roi dans la plus élevée de ses fonctions, rendre la justice. Dès lors, il a le pas sur le gouverneur et lieutenant général de la province, voire même sur les archevêques ou les évêques, excepté dans une église. Tout personnage, sauf un prince du sang, qui arriverait dans la ville du parlement, même le connétable, lui doit le premier une visite. A Toulouse, quand il meurt, les paroisses carillonnent et la Cardaillac, une grosse cloche, gronde dans le clocher de la cathédrale Saint-Étienne, ce qu'elle ne fait que pour l'archevêque. Il est si haut dignitaire, que le gouverneur de la province et son lieutenant venant à être absents, il les remplace se considérant comme lieutenant général né du roi au ressort de la cour ; et il se mêle d'armée et de finances. Il a rendu d'ailleurs de grands services dans le midi pendant les guerres civiles en maintenant ou rétablissant l'ordre public, prenant des mesures militaires de défense et gardant le pays au roi. C'est le roi qui le nomme et il le prend où il veut ; il nommera un président de Paris premier président à Aix et un premier président de Toulouse premier président à Paris. Tous les parlements de France sont censés ne faire qu'une seule compagnie.

Voici maintenant les présidents à mortier qui président les diverses chambres, et les conseillers, personnages aussi augustes. Un prestige en quelque sorte religieux les environne. En exerçant sa charge, le magistrat est sacré et inviolable ; sa fonction est si haute, qu'elle l'anoblit lui et ses descendants ; il a tous les privilèges de la noblesse, il est exempt des tailles et autres impôts, dispensé de loger des gens de guerre ; il est, d'ailleurs, inamovible et ses gages sont insaisissables ; en cas de délit, il ne peut être jugé que par le parlement en corps, toutes chambres assemblées ; seul de tous les officiers du royaume il porte la robe rouge, l'écarlate et le cramoisi étant les vraies couleurs et habits des rois. Parmi les conseillers figurent des ecclésiastiques, qu'on appelle conseillers clercs, — les autres se nommant conseillers laïques, — en nombre fixé par les ordonnances : 40 à Paris, 10 à Toulouse, 8 à Rennes, 6 aux autres parlements ; quand le nombre dépasse, on obtient du roi des lettres de laïsation (pour laïcisation) afin de revenir au chiffre réglementaire. On confie plutôt à ces clercs les causes ecclésiastiques, religieuses et pies afin qu'ils défendent les privilèges et immunités de l'Église et renseignent les magistrats laïques sur les détails de l'état de cléricature.

Puis voici le parquet : procureur général, avocats généraux, les gens du roi, qui, aux audiences royales, se tiennent au centre du carré de la grand'chambre, à genoux sur le parquet, d'où leur nom. De par l'édit de mai 1586, il y a dans chaque parlement un procureur général, 2 avocats généraux, plus 16 substituts du procureur général à Paris, 10 à Toulouse et Bordeaux, 6 ailleurs. Représentant du roi, le parquet défend les intérêts de Sa Majesté si ceux-ci sont engagés dans un procès, puis au nom du bien public, il s'oppose à l'oppression des faibles par les grands, les protège, poursuit les criminels, donne son avis dans les procès entre particuliers : ce sont des sortes de juges tiercelets et neutres, aiguilles de la balance qui trébuche justement du côté où le poids de la raison emporte le jugement. Ils ne prennent rang qu'après les conseillers et n'assistent pas aux assemblées générales des chambres, mais ils jouissent des privilèges de la cour. Le roi compte sur eux pour le prévenir de ce qui se passe dans les parlements de contraire aux édits.

Mêmes privilèges ont aussi les greffiers : le greffier civil et le greffier criminel, qui afferment leur greffe, lequel appartient au domaine du roi, portent la robe rouge, assistent aux audiences assis et couverts ; ils écrivent les jugements sur les registres et les expédient aidés de clercs audienciers et de clercs garde-sacs, gens morigénés, honnêtes personnages, non débauchés, idoines et suffisants.

Comment se nomment les magistrats ? Autant que possible pour être conseiller il faut avoir été avocat quatre ans, être gradué et pour être président avoir été conseiller dix ans. On fait enquête sur la religion, bonne vie et mœurs des candidats ; ne peuvent être admis les sourds, muets, aveugles, fous furieux, boiteux, bossus, goutteux, podagres, juifs, paysans, difformes et essorillés. Les sièges de magistrats se vendent, comme aujourd'hui les études de notaires. A condition qu'on lui paye un droit annuel, dit paulette (du nom de celui qui a inventé le système, M. Paulet) le roi a autorisé les juges à laisser contre argent comptant leur charge à qui ils veulent ; par là tous états de judicature en France ont été rendus héréditaires et vénaux. Où est le temps où le roi nommait les magistrats sur la présentation des parlements, lesquels, après serment, élisaient leurs présidents parmi les conseillers, et les conseillers parmi les avocats de barreau ? La vénalité des charges a peu à peu pénétré depuis François Ier, et le roi ne peut plus révoquer les juges à moins qu'ils ne paient pas leur taxe annuelle. Le résultat est que les familles se passent les sièges de père en fils et que souvent on entre au parlement trop jeune ou qu'on en sort trop vieux. Afin de maintenir la discipline, les traditions, la dignité de la tenue et l'esprit de la profession dans des assemblées trop sûres de leur inamovibilité, il existe une institution analogue à celles des chapitres dans les monastères, celle de la mercuriale. Tous les mercredis à l’origine, — d'où le nom de mercuriale, — plus tard tous les mois, sous Henri IV une fois par an, a lieu une séance au cours de laquelle on traite des fautes des officiers de la cour, de leurs contraventions aux ordonnances, des mœurs du palais, avis, conseils et menaces. C'est là où on recommande aux juges d'être exacts aux audiences, d'aller à la messe chaque jour, d'être intègres, sobres, décents en leur maintien, secrets dans les affaires, de ne causer que de choses relevées et non légères, d'éviter toute familiarité avec les parties plaidantes et de ne pas accepter d'elles des cadeaux ou à dîner ; de donner l'exemple de la bonne conduite, c'est-à-dire de ne pas aller à la chasse, ni au bal, de ne pas jouer aux cartes, de n'avoir sur soi ni parfum, ni perruque, de ne pas se teindre les cheveux et de ne pas rire. Il est impossible, déclare La Roche-Flavin, de trouver un parfait magistrat.

Il faut les contempler tous, défilant deux par deux, les présidents en tête, précédés des huissiers la verge au poing, et des greffiers, suivis du parquet, des huissiers, des avocats et procureurs ; majestueux dans leurs robes rouges, leur costume est l'antique costume royal du XIIIe siècle : robe écarlate, manteau rouge long, doublé de peau d'hermine, ou blanche, variée, rayée, mouchetée de noir, lesdits manteaux renversés sur les épaules faisant paraître lesdites fourrures de peaux ; coiffés du bonnet de velours plat et rond, passementé d'or pour les présidents, le mortier, qu'on voit porter aux rois sur les sceaux du XIIIe siècle. Ils prennent séance solennelle dans la grand'chambre, aux hauts sièges, — aux séances ordinaires, ils seront seulement vêtus de noir et aux bas sièges, — dans ce cadre, à Paris, lambrissé or et rouge, sous le plafond doré, à pendentifs, datant de Louis XII, les murs garnis de tapisseries, verrières colorées aux fenêtres, le tout semé de fleurs de lis d'or. Au coin, à gauche, est le siège du roi vide, sous un dais de drap d'or brodé de porcs-épics (il date aussi de Louis XII), constitué de grands coussins de velours bleu à fleurs de lis d'or ; quand le roi sera là pour venir imposer l'enregistrement d'un édit quelconque dans ce qu'on appelle un lit de justice, ils se tairont parce qu'en la présence du souverain la puissance des magistrats, simples délégués du maître, cesse. A droite du siège du roi est le banc des pairs laïques du royaume, à gauche celui des pairs ecclésiastiques et au-dessous le banc des présidents ; puis les conseillers sur des gradins aux trois autres côtés. Les audiences ordinaires ont lieu le matin de huit heures à dix heures, le parlement de Paris siège seul aussi l'après-midi, la relevée, de deux heures à cinq. Après rapports et plaidoiries, les juges décideront à la pluralité des voix, chacun opinant par ancienneté, celui qui est de l'avis du précédent se bornant à dire idem (de même), ou à soulever son bonnet, d'où est venu le mot opiner du bonnet. Chaque année le parlement va en vacances de la Sainte-Croix, 14 septembre, au lendemain de la Saint-Martin, 12 novembre, juste repos d'un labeur assidu pour lequel les magistrats sont médiocrement payés, car ils ont des gages fixes assez ordinaires, plus les épices, honoraires que fixent les présidents dans chaque affaire pour les rapporteurs et que doivent solder les parties.

Enfin, comme compléments indispensables de toute cour, voici le nombre effréné des avocats dont on pourroit faire plusieurs régiments, voire même une médiocre armée, divisés en : écoutants, — nos stagiaires, — plaidants, consultants, — les vieux, — trois palissades du jardin de la justice, feuilles, fleurs et fruits, bourgeon, brin, bois parfait. On leur recommande de parler peu et à propos, d'être pertinents et brefs. Ils suivent mal le conseil. Voici ensuite la nuée terrible des procureurs, pieds du parlement, mais provigneurs de procès. Ni roi, ni manant ne peuvent s'en passer, car nul n'est légitimement défendu s'il n'est ouï par procureur. Mais quelle engeance processive ! Sans eux il y aurait fort peu de procès. Ils en vivent et en abusent. Voici enfin la multitude des huissiers, audienciers et autres qui font la police des audiences, puis exécutent, saisissent, signifient arrêts ou assignations. C'est tout un vaste peuple noir et grouillant.

 

Au-dessous des parlements, la juridiction de toute ancienneté inférieure dans les provinces est celle des baillis et des sénéchaux. Le royaume étant divisé en gouvernements et les gouvernements en bailliages et sénéchaussées, — bailliages au nord, sénéchaussées dans le midi, — le bailli ou le sénéchal est le juge représentant le roi : il l'est depuis une origine se perdant dans la nuit des temps. Jadis, seul officier du roi, il avait toutes les attributions administratives, judiciaires, militaires ; avec le temps, une à une, ces attributions lui ont été lentement retirées. Il doit être gentilhomme ; il est donc juge de robe courte. L'assistent alors pour rendre la justice, et même la rendent en son lieu et place, un lieutenant civil dit dérobe longue, celui-là vrai magistral, et un lieutenant criminel, pour les crimes et délits. On appelle de leurs jugements aux parlements. Afin de soulager les prétoires des bailliages et les rôles des parlements, Henri II a créé au milieu du XVIe siècle, en 1551, un tribunal intermédiaire dit présidial. Il y a un présidial par siège de bailliage et de sénéchaussée et aux meilleures villes ; il est composé de six juges dont les mêmes que ceux du tribunal du bailli, avec un président à robe rouge ; mais la compétence est plus étendue : un présidial décide en dernier ressort de toute matière civile jusqu'à concurrence de 1.000 livres. Les justiciables se trouvent bien d'une juridiction qui diminue les frais et les distances.

Au-dessous des baillis et sénéchaux, dispersés dans les moindres villes ou les bourgs, sont de petits juges royaux en nombre, s'appelant, suivant les pays, prévôts, viguiers, châtelains, vicomtes ; ils jugent aussi causes civiles et criminelles, mais d'importance réduite ; surtout ils reçoivent les appels des juges seigneuriaux, car au-dessous d'eux encore existe une dernière couche de magistrats. Tout particulier possesseur de fief, ayant droit de justice haute, moyenne ou basse, possède un prévôt qui rend des jugements au civil et au criminel, reste féodal du temps lointain ou le seigneur avait la plénitude des droits souverains dans son domaine. C'est d'ailleurs une lutte perpétuelle entre ces minimes magistrats privés de villages et les prévôts royaux voisins, qui ne savent quelles misères inventer pour annihiler le droit de justice seigneuriale des particuliers et en rendre l'exercice impossible.

Ainsi d'un bout de la France à l'autre le royaume est couvert de juges. Il existe même encore toutes sortes de juridictions spéciales : les affaires militaires, désertions, crimes des soldats, malversations des trésoriers de compagnies sont traitées par la juridiction de la maréchaussée ; les affaires maritimes, navigation, pêches, prises, par l'amirauté ; tout délit concernant les eaux et les forêts, par le grand maître des eaux et forêts, qui a sous ses ordres un maître particulier dans chaque province escorté d'une armée de capitaines, gruyers et verdiers, ces trois juridictions s'appelant a Paris la Table de marbre ; Paris est jugé par le prévôt de Paris, ou du moins son lieutenant, qui siège au Châtelet (le prévôt est comme le bailli de Paris) ; la cour du roi, pour ce qui est des crimes qui peuvent s'y commettre, est du ressort d'une juridiction spéciale dite la prévôté de l'Hôtel, le prévôt de l'Hôtel ayant deux lieutenants, comme un bailli et en plus 50 archers avec lesquels il fait la police à six lieues autour de la cour quand celle-ci voyage ; enfin, par surcroît, les parlements de temps à autre envoient aux provinces plus lointaines des commissions qui rendent exceptionnellement la justice sous le nom de Grands jours ; et nous ne parlons pas de juridictions municipales de simple police. Tout ce qui détient une parcelle d'autorité en France juge. En retour, toutes les cours, sous prétexte de police, font des règlements administratifs qu'elles appliquent contre pénalités : universelle confusion du judiciaire et de l'administratif aboutissant à une énorme et lourde machine qui agit partout d'elle-même automatiquement sans que le roi puisse la diriger, tandis qu'avec la prétention des parlements qu'aucun édit royal ne soit réputé valable s'il n'a été enregistré par eux, elle est en mesure d'opposer au souverain une force d'inertie exaspérante. Le roi n'a même pas prise sur elle par la législation parce que tout ce monde de magistrats ne juge qu'en s'inspirant du droit romain, du droit canonique, du droit coutumier, des us et coutumes, usances et observances, de l'équité et tient peu compte des édits ou ordonnances. Avec sa pleine puissance et autorité royale le roi est paralysé dans tout le royaume par cette frondaison immense d'une organisation judiciaire se ramifiant jusqu'à des infiniment petits presque indépendants, cohésionnés, adhérant au sol et d'une immobilité passive. Il ne l'est pas moins par la seconde branche de l'administration aussi minutieusement organisée, les finances.

 

Si de rendre la justice afin de maintenir l'ordre public a toujours paru la première nécessité de l'Etat, se procurer de l'argent pour vivre a semblé la seconde. Dans d'ingénieuses comparaisons de l'Etat avec le corps humain, les contemporains assimilent l'argent aux nerfs. De Paris jusqu'au dernier des villages de France toute une hiérarchie se propage pour assurer la rentrée de l'impôt.

Le point d'aboutissement du système près du roi est la caisse centrale du trésor, appelée l'Epargne, la recette générale de l'Epargne, la trésorerie de l'Epargne, administrée par des trésoriers dits de l'Epargne. C'est là que les receveurs du royaume, une fois payé ce qu'ils ont à régler sur place, envoient leurs reliquats. Autrefois il y avait au Louvre, pour conserver cet argent, des coffres de bois fermés de deux clefs confiées à des officiers différents. Mais, vers 1600, où l'argent est dépensé avant d'arriver, les coffres sont inutiles. Cependant, après huit ans de règne ménager, Sully parviendra à mettre à la tour du trésor de la Bastille 13 millions de livres contenus dans 8.000 sacs, 270 caques et 4 coffres.

Chaque année, sous la direction du surintendant des finances, les trésoriers de l’Épargne dressent l'état général par estimation des recettes nécessaires pour l'année suivante : c'est notre projet de budget. L'état revu par le conseil des finances et signé du roi, doit être maintenant appliqué. La France financière est divisée en un certain nombre de circonscriptions spéciales, dites généralités, du vieux mot receveur général des finances abrégé en général des finances. Il y a, en 1607, 21 généralités dans le royaume dont 16 grandes qui sont, par ordre d'importance pour le rendement de l'impôt : Rouen, Poitiers, Tours, Limoges, Paris, Caen, Orléans, Riom, Bordeaux, Lyon, Moulins, Bourges, Amiens, Châlons, Soissons et Grenoble. Le conseil des finances répartit l'impôt à percevoir entre toutes ces généralités, suivant les moyens de chacune qu'indiquent les états particuliers de prévision adressés à Paris par les agents financiers de ces généralités. Les généralités elles-mêmes sont sectionnées en circonscriptions plus petites dites élections, mot qui rappelle le temps où les répartiteurs étaient élus par les sujets ; mais ils ne le sont plus depuis Louis XI, étant nommés par le roi et même héréditaires. Au-dessous de l'élection, il y a la paroisse. On compte en France, sous Henri IV, 149 élections, et 23.159 paroisses dans les seize généralités énumérées plus haut.

A la tête de chaque généralité il y a un bureau général composé d'une dizaine à peu près de personnages appelés trésoriers de France et généraux des finances, en tout, dans le royaume, 197 trésoriers. Ce sont eux qui dressent tous les ans et envoient à Paris les états par estimation ou budget de leur généralité. Ils ont à leur côté un receveur général des finances qui centralise les reliquats des recettes inférieures. Ils répartissent les impôts à percevoir entre les élections. Trois mois par an, chacun leur tour, ils s'en vont à cheval inspecter la circonscription, examiner la comptabilité des agents inférieurs, surveiller les malversations, les abus et les fautes. Ils peuvent suspendre les comptables et les remplacer provisoirement. Ils envoient le rapport de leurs chevauchées à Paris.

Dans chaque élection, il y a de même un bureau de 8 à 10 agents appelés élus : Monsieur l'élu ; — pour les 149 élections de France, 1340 élus, qui répartissent l'impôt entre les paroisses et ont près d'eux un receveur particulier des finances chargé de centraliser le produit de l'impôt. Nous voici maintenant aux paroisses, le plus bas degré de l'échelle administrative. Les élus ont fait leur répartition dans la quinzaine qui a suivi la réception de la commission ; ils l'ont faite avec égalité, justice, sans passion, informés des moyens de chaque paroisse par les chevauchées qu'ils font, eux aussi, chaque année, afin de s'enquérir des facultés des habitants en interrogeant les notables des villages et dont ils consignent le résultat dans des rapports écrits. Le dimanche, au prône de la grand'messe, le curé a annoncé l'arrivée du chiffre de la taxe de la paroisse. A l'issue de la messe ou des vêpres, les hommes s'assemblent dans l'église et désignent deux d'entre eux, si la paroisse est taxée à moins de 300 écus de grande taille, sinon quatre, pour asseoir l'impôt et le percevoir : ce sont les collecteurs, les asséeurs de paroisses. La répartition que font ceux-ci ne va pas naturellement sans objections et récriminations de la part des contribuables, cela s'appelle désavouer l'assiette de l'impôt. On s'adresse alors aux élus qui tranchent sans appel toute réclamation ne dépassant pas cent sols tournois. Le rôle des contribuables, des cotisés comme on dit. a été dressé par les collecteurs — s'ils ne savent pas écrire un greffier les aide — et contresigné par les élus. Les collecteurs s'en vont alors de porte en porte réclamer l'argent, croisant (rayant) les noms de ceux qui payent et les endossant (mettant leur nom au dos), ce qui les rend responsables des deniers recueillis, lesquels ils adressent intégralement au receveur particulier de l'élection. C'est un dur métier que celui de collecteur, pénible, fâcheux, avec des responsabilités et des ennuis sans nombre. Mais chacun doit l'être à son tour.

Tel est, pour 16 généralités, le mécanisme fiscal ; on appelle ces généralités, les généralités des pays d'élection. Il y a, à côté, les pays dits d'Etat, comprenant cinq généralités : Nantes, Toulouse, Montpellier, Dijon et Aix. Ici les répartitions sont faites par des Etats élus de la province, assemblées provinciales, restes de liberté, d'indépendance locale, qui seront appelées à disparaître, les Etats discutant avec le roi ce qu'ils jugent possible de lui donner, pitoyable sujétion. Les circonscriptions inférieures y varient de nom ; la Bretagne a n recettes particulières, dites recettes de fouages, parce que les impositions se lèvent par feux ; à Toulouse et à Montpellier, les 11 recettes particulières sont appelées diocèses et se confondent avec ceux-ci ; en Bourgogne et Provence il n'y a même pas de recette particulière et seulement une recette générale ; la perception de l'impôt, en bas, se fait de même.

Mais quel est cet impôt, quelles sont les contributions qu'ont à payer les sujets d'Henri IV, de quelles ressources dispose le roi de France ? Elles sont infinies, compliquées et difficiles ; au fond, le roi de France vit d'expédients et fait argent de tout.

Il a d'abord les revenus du domaine royal, revenus du roi comme propriétaire et ses revenus comme seigneur féodal, fermages, blés, vins, volailles, cens, rentes, quints et requints, lods, ventes, épaves, aubaines, amendes, confiscations, sceaux, tabellionnages et le reste, ce qui lui donne, en 1600, un bénéfice net de 89 307 livres. Il y a ensuite deux sortes d'impôts, ceux que lèvent directement les agents du roi et que nous appellerions impôts directs ; ceux qui sont levés par l'intermédiaire de fermiers, diverses recettes variées ; enfin ce qu'on nomme les deniers extraordinaires. Les premiers, les impôts directs, ceux qui sont centralisés par les officiers du roi, consistent essentiellement dans la taille. C'est la contribution dont nous venons de voir le mécanisme. La taille est réelle, c'est-à-dire un impôt foncier que paie toute terre, même celle du roi, ceci en Provence et en Languedoc ; ou personnelle, c'est-à-dire payée partout individu non privilégié en proportion de ses biens ; ou mixte, combinaison des deux systèmes. D'avance le conseil du roi a donc fixé ce que devra lui fournir la taille dans tout le royaume et la somme est répartie entre les généralités, par brevets expédiés aux trésoriers généraux. Si cette somme est insuffisante ou qu elle n'ait pas assez rendu, le roi décide de lever un supplément qu'il appelle crue extraordinaire ou grande crue. La taille a donné net, en 1600, 10.843.544 livres, dont 893.545 livres pour les pays d'État, le reste pour les pays d'élection. Les rentrées, comme on imagine, se font mal, les contribuables payant médiocrement : les collecteurs de paroisses, qui peuvent faire régler par quart tous les trois mois, ont beau être persécutés par les receveurs particuliers et ceux-ci par les receveurs généraux qui ont à payer des assignations, la recette n'est pas toujours facile.

Après la taille, principal revenu de l'État, les fermes générales et particulières sont le second, variétés de revenus qu'on donne au plus offrant et dernier enchérisseur pour un nombre d'années divers : le fermier paie une annuité fixe et perçoit l'impôt à ses risques et périls. H y a ainsi une trentaine de droits affermés, tels que : le produit de la vente du sel ou gabelle, les aides, — impôts sur les denrées et les marchandises qui se vendent dans le royaume, — les traites foraines, — nos douanes, — les péages, les cartes et tarots, etc. ; les fermes donnent au roi, en 1600, 3 millions de livres. Comme les receveurs, les fermiers paient les dépenses qu'on assigne sur leurs recettes et versent le surplus de leur fermage à l'Épargne de trois mois en trois mois.

Autres sources de revenus, par exemple, le taillon ; lorsque la répartition de la taille a été faite, on ajoute un supplément réglé sur le même pied et au sol la livre, manière de centime additionnel ; ce taillon a donné, en 1600, 590.238 livres ; il est exclusivement affecté aux dépenses de l'entretien de l'armée et n'entre pas à l'Epargne ; puis les parties casuelles, revenus flottants divers, tels que l'impôt de la paulette sur les magistrats, droits momentanés sur ceci ou cela, dont le total atteint encore 1.644.046 livres ; les dons du clergé : le clergé ne paie pas d'impôt et à la place consent à donner une somme.

Pour l'ensemble, les recettes de l'année 1600, revenant net au roi à Paris, s'élèvent au chiffre final de 16.208.823 livres. Cette somme a été insuffisante pour payer les dépenses ; il a fallu user d'autres moyens et trouver ce qu'on appelle des deniers extraordinaires, créations de nouveaux offices, inventions fiscales, subtilités ingénieuses de comptabilité qui ont permis de réunir ainsi tant bien que mal 4.333.994 livres de plus : ensemble pour le budget des recettes de cette année 20.542.817 livres.

Comment se dépense l’argent ? De deux manières. D'abord toutes les dépenses de l'État dans les provinces, gages des officiers du roi, charges du domaine, réparations, frais de justice, se paient sur place. Contrairement à nos principes modernes de comptabilité, on assigne telle dépense sur telle recette : le receveur solde en tenant soigneusement état, rôles, quittances, registres, le tout signé et paraphé. Il y a d'ailleurs des quantités de receveurs : receveurs des parties casuelles, receveurs des greniers à sel, receveurs des fermes. Tous envoient ce qui leur reste à la recette générale de la généralité avec bordereaux explicatifs, et ils expédient exactement les espèces qu'ils ont reçues ; passé certains délais, s'ils tardent à expédier leurs revenans bons, ils paient une amende ou doivent l'intérêt des sommes qu'ils conservent sur le pied du denier douze. A son tour le receveur général expédie à l'Epargne, tous les trois mois, ce qui lui reste, ses dépenses réglées ; il l'envoie dans des sacs scellés, emportés par un clerc, avec un bordereau indiquant les sommes envoyées, leurs espèces, le jour du départ, le nombre de voitures chargées, le tout adressé au surintendant des finances ; et, à la fin de l'année, il donne à la chambre dos comptes mi double de sa comptabilité.

C'est avec ce qui lui revient ainsi de plus-value des provinces que vit le gouvernement central. On calcule que la cour et les provinces doivent se partager à peu près par moitié les recettes générales de l'État. Le gouvernement, bien entendu, a fixé d'avance ce que les provinces garderont ; chaque généralité a reçu un rôle approuvé du roi avec menu et détail par élection de toutes les natures de deniers à payer et ce qui doit revenir de net à Sa Majesté. En réalité, ce qui revient de net à Sa Majesté varie assez en raison de la bonne ou mauvaise rentrée des impôts.

A elle seule, la vie de la cour coûte, en 1600, 2.368.899 livres, car il faut faire apparaître et reluire, comme il est bien convenable, la splendeur et majesté de la maison du roi et de sa suite. Les sommes sont dépensées avec une comptabilité rigoureuse, des receveurs et trésoriers distincts étant préposés à chaque partie de la maison ; il y a un maître de la chambre aux deniers pour les dépenses de nourriture, un argentier pour les costumes, un receveur pour l'écurie, un autre pour les officiers de la maison, et tout est payé suivant états signés, quittances, registres, écrous. Le budget des dépenses du gouvernement central comprend en outre une vingtaine d'articles parmi lesquels les pensions : 1.812.787 livres ; la garde du roi, 243.322 livres ; l'annuité fournie aux ligues suisses, 1.038.000 livres ; les frais des ambassades, 201.666 livres ; les fortifications, 478.727 livres ; les bâtiments, 558.352 livres ; les intérêts des dettes de la couronne, 7.067.685 livres, lourde charge, même accablante ; l'ordinaire et l'extraordinaire des guerres — notre budget de l'armée — 4.946.363 livres : il y a des trésoriers ordinaires des guerres qui répartissent aux payeurs des compagnies les deniers de ce budget. Les trésoriers de l'Epargne ne paient rien que sur états, rôles et mandements signés du roi, scellés du grand sceau, contrôlés par un intendant des finances, toutes opérations qui seront ensuite revues par la chambre des comptes.

Car il y a une chambre des comptes sévère à laquelle il faut apporter une paperasserie infinie à noms techniques : cédules de debentur, certificats de servivi, etc. Cette chambre, second grand corps de l'administration du royaume, est composée de plusieurs bureaux ; le grand bureau — 10 présidents et 62 maîtres des comptes — 2 bureaux qui closent les comptes, un bureau de correcteurs qui fait à la chambre rapport des comptes clos, un quatrième bureau dit des auditeurs qui fait les rapports des comptes à clore ; sans parler du procureur général, de l'avocat général. Et tout ce monde épluche la comptabilité publique, réclame, t'ait opposition, rend responsable du moindre manquement les receveurs ou trésoriers qui tremblent ; la Chambre doit lire et vérifier les édits, ordonnances concernant les finances, exemptions, privilèges ou rabais ; elle décharge par arrêt les comptables de leurs comptes, sinon ils en sont responsables sui' leurs biens personnels. Pratiquement sa juridiction est loin d'être nominale ; elle est effective et rigoureuse ; les agents des finances ont de perpétuels ennuis avec elle, et le roi surtout ne fait pas ce qu'il veut.

A côté de la chambre des comptes est la cour des aides, qui a deux présidents et deux chambres, chacune de 26 conseillers, un procureur général, 2 avocats généraux ; elle juge les procès auxquels donnent lieu la perception des impôts, les oppositions, les amendes dont on appelle, les contrats discutés entre fermiers ; puis la cour des monnaies — 4 présidents, 20 conseillers maîtres ou généraux — qui connaît de toutes contestations que peuvent faire naître la frappe des monnaies et par extension le commerce ou l'industrie des métaux précieux.

 

Justice et finances sont donc organisées à la fin du XVIe siècle avec précision, même minutie, institutions séculaires formées lentement à travers les âges, conservées, étendues, compliquées avec le temps (la comptabilité publique est déjà plus rigoureuse qu'on ne le croit au XIIIe siècle), demeurées intactes, la tourmente des guerres civiles passée, et après les désordres inévitables d'un fonctionnement momentanément faussé. L'administration proprement dite, c'est-à-dire l'action administrative directe du pouvoir central sur la province est beaucoup plus embryonnaire du fait de la persistance de libertés municipales vivaces et religieusement respectées.

La France, administrativement, est divisée en 14 gouvernements à la tête desquels on met de grands seigneurs pour gouverneurs qu'assistent et remplacent quand ils s'absentent, ce qui leur arrive souvent, des lieutenants généraux, anciens conseillers de cours souveraines. Le gouverneur n'a d'autre attribution que de maintenir la paix publique, tenir son pays en sûreté, dit une ordonnance de 1579, le garder de pilleries, visiter les places fortes et prévenir le roi s'il se passe quelque événement grave. Le gouverneur n'est au fond qu'un chef militaire qui surveille ; il lui est interdit de se mêler de justice sinon pour prêter main-forte aux exécutions des arrêts des juges ; il s'occupe des garnisons et de leurs subsistances, du remparement des places et de leurs munitions. Sous ses ordres directs, des gouverneurs particuliers ou capitaines, remplissent les mêmes fonctions dans beaucoup de villes, dans les forts et citadelles du royaume, surtout aux frontières. En somme, le gouverneur serait plutôt un militaire. Mais — souvent duc et pair, grand baron du royaume — il représente le roi et, par son autorité, la plus grande de la province, a l'éclat du pouvoir royal dont il est le délégué, en même temps qu'il en a la force matérielle en main.

Jadis, au-dessous de lui, le véritable agent eût été le bailli ou le sénéchal. Lui aussi, le bailli, ne veille qu'au repos public : il est une manière de militaire, mais davantage garde national. En faisant des chevauchées il a l'œil à tenir la main forte à la justice ; il a été d'ailleurs capitaine ou lieutenant de gens d'armes ; c'est un gentilhomme nommé par le roi sur une liste de candidats envoyée par le gouverneur. Ses lieutenants de robe longue lui ont pris la justice ; il n'a plus qu'à surveiller et, au cas où le royaume serait en danger, convoquer le ban et l'arrière-ban.

Pour assurer effectivement la paix du plat pays, le repos et sûreté des gens de bien, il y a la maréchaussée, composée de prévôts des maréchaux de France, généraux et particuliers, avec des lieutenants et des archers : c'est la force publique chargée d'arrêter voleurs, assassinateurs, guetteurs de chemins, fainéants, vagabonds et autres gens sans aveu ni domicile, qu'ils conduisent aux prisons du bailliage ou du présidial — nos gendarmes. A Paris la police est faite par 240 archers — dont 32 à cheval — du chevalier du guet, commandés par 4 lieutenants avec l'assistance de commissaires — anciens commissaires examinateurs du Châtelet qui deviendront les commissaires de police. De par un édit de juin 1386, il y a une quarantaine de commissaires à Paris, 4 aux villes où il y a parlement, 2 aux sièges présidiaux et un en tous bailliages et prévôtés.

L'administration ne fait donc guère que de la police ou à peu près. C'est que les villes, bourgs et paroisses sont encore très maîtres de leur vie locale. Il existe une extrême variété d'administrations municipales, variété due aux origines, aux traditions, aux usages. Paris, par exemple, a un prévôt des marchands comme maire, 4 échevins, en charge pour deux ans, 26 conseillers ; ses 16 quartiers ont chacun à leur tête un quartenier avec des cinquanteniers et des dizeniers, et toute une garde municipale. A Bordeaux, il y a un maire et 6 jurats ; à Périgueux un maire et 6 consuls ; à Poitiers un maire, 25 échevins et un conseil de 73 bourgeois ; ici ce sont des maïeurs, là des capitouls comme à Toulouse, autre part des jurés, des consuls, des syndics de ville. Elus par les habitants avec des façons diverses, beaucoup pour un an seulement, ces officiers municipaux veillent à la police de la ville, à la propreté des rues, au bon état des remparts ; ils font fermer les portes le soir, sonner le couvre-feu, s'assurent que les approvisionnements sont suffisants, que les gens de métier font consciencieusement leur ouvrage, que les poids et mesures sont justes. Des taxes municipales leur donnent les fonds nécessaires ; quand il y a des travaux à entreprendre ils demandent au conseil d'Etat de les autoriser par arrêt à établir une nouvelle contribution. En beaucoup d'endroits les officiers municipaux rendent la justice — tribunal de simple police ou juges de paix ; on appelle de leurs sentences aux juges royaux subalternes. Attachant spectacle que celui de ces grandes et petites villes, bourgs ou villages, discutant et traitant eux-mêmes de leurs intérêts, posément, paisiblement, en personnes majeures et prudentes. C'est une vie variée et pittoresque. Mais déjà par instant, aux provinces frontières, en cas do complication et afin d'assurer une unité d'action momentanément rigoureuse, le gouvernement envoie des maîtres des requêtes avec commissions extraordinaires pour être les maîtres provisoires de la justice, police et finances ; ce sont les intendants, futurs instruments du nivellement, de la centralisation dominatrice et desséchante.

Il reste à parler de l'armée et de la marine ; il y a très peu d'armée et de marine permanentes. Le principe en ce temps est que lorsqu'on a besoin de troupes pour faire la guerre, on lève des régiments ; il y a de par le monde des individus sans feu et sans grande moralité dont le métier est de s'enrôler contre argent ; on en trouve toujours autant qu'on en veut. Mais depuis les dangers d'enlèvement que les rois ont courus dans la seconde moitié du XVIe siècle, la cour a tendance maintenant à conserver en permanence sur pied des troupes armées ; puis les garnisons sont nécessaires aux places fortes. Ce qui est surtout permanent, ce sont les grands chefs : le connétable, d'abord, grand officier de la couronne, manière de généralissime, ayant le haut commandement des armées même par-dessus les princes du sang ; puis les maréchaux de France, commandants éventuels — François Ier en voulait 4 ; le nombre varie suivant les occurrences ; le colonel-général de l'infanterie ensuite, façon de directeur de l'arme. Les régiments seront commandés par des mestres et maréchaux de camp. Comme troupes, le premier noyau stable est celui de la garde du roi, superbe corps aux costumes brillants : voici d'abord les quatre compagnies à cheval des gardes du corps, à 360 hommes par compagnie, chacune divisée en 6 brigades, en tout 1.440 hommes et 83 officiers, tous habillés aux couleurs du roi, les couleurs de la maison de Bourbon, bleu, blanc, rouge ; elles datent de loin, de Charles VII, de Louis XI et de François Ier ; puis la compagnie des chevau-légers de la garde du roi, 200 hommes, créée par Henri IV ; le régiment des gardes françaises surtout, institué vers 1564, après la tentative d'enlèvement du roi à Montceaux : 20 compagnies, qui devraient comprendre, à effectifs complets, chacune 500 hommes et qui n'en présentent en 1600 que 80, portés à 300 pour la guerre de Savoie ; c'est le premier en date et en gloire des régiments d'infanterie ; enfin les Suisses. Le régiment des gardes suisses ne sera créé qu'en 1616 par Louis XIII ; sous Henri IV le souverain dans sa garde n'a qu'une compagnie dite des Cent-Suisses, datant de Louis XII, aux costumes multicolores et à crevés : ils sont employés au service d'honneur.

En fait d'autres troupes permanentes, il y a d'abord des Suisses. Depuis Louis XI, les rois de France louent des Suisses aux Cantons, les uns, avoués et reconnus des autorités montagnardes, les autres recrutés par des capitaines ; d'après les traités on ne peut en louer plus de 16.000 et moins de 6.000 ; ils ont un colonel-général qui est M. de Harlay de Sancy et sont groupés par compagnies de 200 hommes, tous admirables de discipline et de fidélité. Il n'y a guère ensuite de permanents que quatre régiments d'infanterie, Picardie, Piémont, Champagne et Navarre, le cinquième, Normandie, datant de 1616 ou 1617. Le mot régiment était employé par Monluc et désignait des groupements de compagnies ou enseignes qui, avec le temps, sont devenus ainsi stables. A la paix de Vervins en 1598, Henri IV a cassé ou réformé tous les régiments qu'il avait sur pied, sauf les quatre en question au nombre de compagnies variable, 10, 12, à effectifs nominaux de 300 hommes, en réalité beaucoup moindres ; ce sont de rudes soldats, vigoureux, résistants, mais des chenapans, picoreurs et insolents, difficiles à tenir. Divisés en piquiers et mousquetaires, suivant l'arme qu'ils portent, les seconds encadrant les premiers, ils défilent précédés de leurs fifres et tambours, escortés de leurs officiers, capitaines, lieutenants, enseignes, de leurs bas officiers, sergents, caporaux, anspessades ; ils fout l'exercice, ne portent pas d'uniforme et cantonnent chez l'habitant. Quand le roi voudra lever d'autres troupes il donnera des commissions signées à des capitaines, lesquels recruteront des hommes au son du tambour, en offrant prime et solde. Comme cavalerie, il y a des compagnies de chevau-légers casqués, cuirassés, de 50 maîtres environ, chacune, cantonnant dans les petites villes et changeant souvent de garnison : c'est la cavalerie légère ; la grosse cavalerie est celle des compagnies dites d'ordonnance ou de gens d'armes, de 100 lances, levées en cas de guerre par les princes, gouverneurs et autres personnages ; elles sont composées de gentilshommes bien montés et équipés ; mais on a tendance à les remplacer par les chevau-légers. Les régiments de cavalerie ne seront formés que sous Louis XIII. Quant à l'artillerie elle est encore plus simple. Le grand maître de l'artillerie, M. de Rosny, entasse à l'Arsenal de Paris, canons et munitions en barriques ; au moment d'une guerre, des individus ayant charrois sont loués pour transporter le tout à tant par jour. Il n'y a pas encore de corps spécial d'artillerie.

Et si le royaume est brusquement envahi, qu'un danger grave et imminent menace, le roi a recours alors au vieil usage féodal de l'appel du ban et de l'arrière-ban, manière de levée en masse, les baillis ou sénéchaux convoquant tous gentilshommes fieffés qui doivent servir gratis à cheval trois mois ; les gens des paroisses étant tous appelés pour servir à pied, institution peu efficace et pour ainsi dire pas utilisée.

Quant à la marine, elle se réduit à rien. Il y a bien un amiral, personnage ayant la haute main sur toutes affaires de mer et de côtes. Cet amiral, grand officier de la couronne, n'est pas un marin — ainsi l'amiral de Coligny — C'est une sorte d'administrateur justicier, obéi dans toutes les villes maritimes, ayant juridiction sur tous délits commis à la mer et grèves d'icelle, tout fait de navigation, pêches, affrètements, ventes et bris de navires, polices d'assurance ; il est aidé d'officiers dits de l'amirauté, lieutenants généraux et particuliers, conseillers, procureurs ; il nomme des vice-amiraux, des commissaires, des capitaines et gardes des côtes, des capitaines et contrôleurs de la marine. Mais comme bâtiments c'est une misère ; avec le malheur des temps on a laissé tout dépérir. A peine y a-t-il quelques galères sur lesquelles vont ramer les condamnés et que commande en chef le général des galères. Lorsque Henri IV voudra faire escorter d'une petite escadre le navire amenant de Florence Marie de Médicis en 1600, il sera obligé d'emprunter des vaisseaux à l'ordre de Malte et au pape.

 

Telles sont les institutions avec lesquelles la France est gouvernée ou jugée, à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe. C'est bien l'arbre touffu qu'avait annoncé Charles de Figon — et nous n'avons pas parlé des compétitions d'attributions, enchevêtrements des autorités, disputes et empiétements. Les grosses branches maîtresses se dessinent assez bien. Partout circule une sève vivace qui donne une originalité laquelle différencie l'organisation de ce temps de l'automatique mécanisme d'institutions uniformes postérieures. Assurément il y a nombre d'inconvénients, rouages qui grincent, parties qui ne marchent pas ou marchent mal, doubles emplois, déperditions, injustices et violences. Mais l'ensemble a de la couleur, du pittoresque, une extrême solidité et surtout la vie : c'est un mérite. Comment dans ce cadre vit le peuple de France ?

 

Le peuple de France est socialement parqué en trois grands états. Tout individu ou a embrassé l'état ecclésiastique, ou appartient soit à l’état de noble, soit à l'état de roturier, qu'on nomme le tiers-état. L'assemblée politique des députés de ces trois états s'appelle les Etats généraux. Il faut être d'un de ces trois états, et on l'est forcément. Le premier, par ordre de préséance, est l'état ecclésiastique.

Le clergé en 1600 est un grand corps formant pour ainsi dire un Etat dans l'Etat. Il est savamment hiérarchisé ; par ses revenus considérables il est indépendant ; il se juge lui-même, possédant des tribunaux spéciaux qui s'étagent les uns au-dessus des autres, — officialités diocésaine, métropolitaine, appels à Rome, — que l'Étal est obligé de reconnaître (ces tribunaux jugent de toute espèce de procès pourvu qu'il s'agisse d'ecclésiastiques) ; il a sa législation, le droit canonique, que lui seul peut modifier. Il ne paie pas d'impôts ; il n'est astreint à aucune des charges que subissent les sujets comme de loger des gens de guerre. Il forme une société complète et fermée, respectueuse à l'égard du roi, mais en dehors de son action, bien que le roi cherche à mettre tout de même un peu la main sur elle en nommant aux évêchés et aux abbayes, droit extraordinaire que lui accorde le concordat. Longtemps, même, par ses tribunaux, l'Eglise a cherché à sortir de son cercle purement ecclésiastique et sous Henri IV encore ses juges réclament, à l'exclusion des magistrats laïques, la connaissance de toutes affaires concernant les séparations, nullités de mariages, divorces, sous prétexte qu'il s'agit de matières de sacrements. Mais les officiers royaux luttent pour restreindre les privilèges de l'Église et ramener les clercs au droit commun des sujets. Ils mettront du temps : ils y ont mis des siècles.

Le monde de l'Eglise au début du XVIIe siècle est considérable ; il va tellement d'ecclésiastiques en France que tous sont loin d'être casés, bien que le nombre des places à pourvoir soit grand. Dans les 136 diocèses d'archevêques ou d'évêques que comprend le royaume — avec de considérables, comme celui de Rouen, s'étendant sur plusieurs de nos départements d'aujourd'hui, et de très petits comme celui de Saint-Papoul, à peine un canton — on compte environ 40.000 curés titulaires ; plus, autant d'ecclésiastiques aidant ceux-ci, avec les titres de vicaires, chapelains, confesseurs, ou vivant comme ils peuvent, soit en tout 80.000. Les chapitres de cathédrales ont des moyennes de 60 chanoines ; avec ceux des collégiales, ces chanoines sont 19.000 ; les abbés et prieurs commendataires, c'est-à-dire séculiers, sont S.000. Tous ont prébendes. Les plus misérables sont encore les ecclésiastiques de campagne : un curé sera titulaire de plusieurs cures, c'est-à-dire qu'il cumulera les revenus de plusieurs postes à la fois ; il se fera remplacer par un vicaire là où il ne va pas, et il donnera à ce vicaire une somme fixe, peu élevée, si peu élevée, que celui-ci pour vivre est obligé de grossir le casuel et de faire payer pour administrer les sacrements, même celui de pénitence. Mais à côté que de prêtres libres qui, ne trouvant pas de fonctions, doivent travailler pour vivre ; ils coulent de la cire, sèment du blé, menuisent, font des commissions ; on les appelle par respect messires, mais on les malmène comme des ouvriers. Les offices religieux sont partout très longs ; en Normandie, dans une petite église de campagne il y a le dimanche : matines, une première grand'messe dite de Notre-Dame, souvent avec obit — les fondations d'obits sont innombrables ; puis la grand'messe paroissiale, cette grand'messe au prône do laquelle l'officiant donne tous les avis administratifs et autres ; l'après-midi vêpres et souvent procession ; il n'est pas encore question de bénédiction. Quant aux prédications, même dans les campagnes, elles sont faites par des religieux.

Le chiffre des religieux et religieuses est non moins considérable. On se plaint vivement sous Henri IV qu'il y en ait trop, trop d'ordres, trop de couvents, surtout trop de mendiants. Il y a les anciens mendiants, carmes, augustins, jacobins, cordeliers, qui sont 13.500 et vont prêcher dans les campagnes ; ils quêtent pour vivre, de logis en logis, et ramassent, dit-on, de 12 à 1.300.000 livres par an. Ceux-là rendent des services puisqu'ils évangélisent les paroisses rurales ; mais ceux qu'on appelle les réformés de Saint-François, récollets, capucins, picpus, au nombre de 21.000, prêchent beaucoup moins, quêtent beaucoup plus, — près de 8 millions de livres par an, calcule-t-on, — bâtissent perpétuellement et paraissent impatienter le public : car, écrit un contemporain, pour quêter ils défilent sans interruption dans les maisons champêtres ; il faut les recevoir par charité et leur donner : il n'y a rien de si importun ; partout ils mangent très bien et ne vont que chez la noblesse. On les trouve inutiles. Les bénédictins sont 8.000 ; les chartreux, 1.600 ; les cisterciens, 9.000 ; les prémontrés, 1.500 ; les jésuites, 2 500 ; en tout, avec d'autres, plus de 70.000 moines et religieux. Les religieuses seraient quelque 80.000 : 12.500 clarisses, 3.000 carmélites, 9.000 ursulines, 18.000 bénédictines ; le chiffre des ordres de moniales est d'ailleurs infini. Tel est le clergé.

Depuis le très grand seigneur, haut personnage de la cour, possédant en province quelque somptueux château, comme celui du duc d'Épernon à Cadillac,qui est un palais royal, jusqu'à l'humble hobereau mourant de faim dans sa gentilhommière délabrée, la noblesse présente toutes les variétés de gens à sorts différents. Ils ont tous les mêmes signes de leur état : exemption d'impôts, service personnel à cheval en cas de guerre, en bonne place ; ils ont bien tous, sous Henri IV, les qualités et les défauts accusés de la race : insouciance, bravoure, gaieté, prodigalité, tour à tour familiarité ou insolence, dévouements et provocations, embrassades et duels. Ce sont des gens charmants, spirituels et terribles. On peut les diviser en deux catégories, ceux qui vont à la cour, et ceux qui restent dans les provinces, aux champs.

Parmi les premiers il y a les très grands seigneurs, princes et barons ; ceux-là sont riches, ils s'enrichissent encore par les bienfaits du roi, qui leur donne les gouvernements des provinces, les ambassades, les services de la cour : grand écuyer, grand échanson, etc. Ils font figure, entourés d'une suite de fidèles qui s'attachent à leur fortune et mendient leurs restes ; ayant table ouverte, grand hôtel à Paris, beaux châteaux au loin ; ils tranchent du potentat et se croient un peu les maîtres : on s'en apercevra bien pendant la minorité de Louis XIII. Puis il y a la foule des gentilshommes qui tentent de venir faire leurs affaires à la cour en obtenant des places ; à force, parviennent-ils à trouver une fonction de panetier, d'écuyer ou de gentilhomme servant, et encore en ne faisant que trois mois de service par an, avec des gages modestes ; peut-être trouveront-ils une occasion de se pousser ! Malheureusement, même trois mois par an, l'existence de la cour est ruineuse. Il y a, pour tenir son rang, tellement de frais de costumes, de chevaux, de nourriture, de serviteurs, que les patrimoines modérés y passent. La mode change perpétuellement, a des exigences de luxe extravagantes ; et il faut pour n'être pas ridiculisé la suivre. Les dépenses de la noblesse en ses habits, dit la Noue, sont excessives et riches. Et de fait, ce qui frappe les étrangers sur cette noblesse de cour, c'est qu'elle finit par être pauvre, malgré le jeu de cartes et les dés tentés pour remplir les escarcelles. Si les guerres nous ont apporté quatre onces de pauvreté, observe le même la Noue, nos folies nous en ont acquis douze, et ces folies sont, d'après lui, les dépenses superflues d'habits, de bouche, de meubles et de bâtiments.

Combien plus tranquille est le sort de ceux qui restent aux champs ! Leur vie simple et privée dans les châteaux n'exige ni grands frais, ni livrées, ni riches habillements, ni chevaux de grand prix, ni banquets, dit Suriano. Et ils sont nombreux, ces petits gentilshommes résidant dans leur terre ; la France en est couverte. Le nombre des courtisans est infime sous Henri IV par rapport aux seigneurs dispersés dans leurs manoirs ou leurs petits châteaux. Ils y vivent noblement mais simplement, paisiblement, côte à côte avec les villageois à la vie desquels ils se mêlent, ayant le même langage, les mêmes jeux, cultivant leurs biens, allant se visiter entre eux à cheval, car ils voyagent beaucoup autour de leur clos. Olivier de Serres, dans son Théâtre d'agriculture, leur donne les conseils nécessaires pour bâtir convenablement, se meubler, garnir leur logis de toutes choses nécessaires à leur existence champêtre. Mais il n'est pour les voir vivre que de parcourir le savoureux journal de l'un d'eux, le sire de Gouberville, seigneur du Mesnil-au-Val, petite paroisse du Cotentin, située près de Cherbourg, au Val-de-Saire. Vieux garçon, M. de Gouberville vit dans son manoir au milieu de ses 14 à 18 serviteurs et chambrières, les gens de céans, tous pêle-mêle, mangeant ensemble. Il les bat, mais les soigne avec dévouement quand ils sont malades, et leur paie par jour de gages, la valeur d'un boisseau de blé, plus un vêtement par an et des souliers. Il s'habille de manière solide, non dépourvue d'élégance ; il porte fraise de fine toile de lin avec de la dentelle ; des chausses de velours, de droguet, de satin ; de faux hauts-de-chausses — sorte de culotte — en cuir jaune pour aller à cheval ; ses pourpoints (justaucorps) sont en drap rouge et ses casaques, ou manteaux, noirs : chapeaux de feutre ou de velours, collets de cuir pour la pluie, bottes qu'il fait confectionner chez lui par un bottier à la journée. Dans la grande salle de son manoir, servant aussi de cuisine, devant la vaste cheminée au manteau élevé, où l'on brûle des troncs d'arbres, il prend ses repas, assis au bout de la table massive, ses gens autour, servi dans de la vaisselle d'étain. Il mange surtout de la viande, viande de boucherie, beaucoup de poulailles, peu de venaison, sinon des pâtés ; des lièvres, des lapins de garenne, du poisson de mer en abondance — la côte est à deux pas — pas de fruit, presque pas de légumes. Il boit du cidre, cultivant 29 variétés de pommiers et en connaissant une quarantaine ; quand il veut du vin, il achète à la ville : claret ou bordeaux, bourgogne, anjou, Orléans. Il s'éclaire à la chandelle. Pour se distraire il joue chez lui aux dés, au trictrac, aux cartes ; il va voir les gens de la paroisse jouer aux quilles, aux boules, à la lutte, à la croche, à la soûle ; il chasse ; il a beaucoup de chiens ; il emploie l'arquebuse et le pistolet, l'autour et le furet. Il lit peu, tout au plus fait-il lire à haute voix l’Amadis de Gaule, roman à la mode, les soirs d'hiver sous la cheminée. Il s'occupe surtout de sa culture, fait venir le blé, l'avoine, l'orge dans ses champs, qu'il parcourt quotidiennement allant voir travailler, à moins qu'il ne plouine tout le jour, dans lequel cas il demeure céans. Quand il veut moissonner, à titre de seigneur, il fait convoquer par monitoire au prône de la grand'messe, tous ses tenanciers tenus à la corvée. Au jour dit, ceux-ci arrivent au nombre de 50 à 70, hommes et femmes ; ils travaillent gaiement ; le soir il y a plantureuse lippée au manoir, et on danse jusqu'à une heure avancée de la nuit. Comme bétail, M. de Gouberville a nombre de chevaux, de bœufs ou vaches, les aumailles, des pourceaux ; mais tout vague en forêt assez librement et le maître n'en sait guère le nombre ; quand il veut en attraper il doit organiser des battues en appelant tous les gens du pays. A tout prendre il mène une vie un peu rude, mais fortifiante et vigoureuse, très voisine de celle des paysans qui l'entourent, attachée au sol et, socialement, enracinée. Cette stabilité solide et calme est également la caractéristique du tiers-état. Les guerres civiles ont bien pu troubler l’horizon et provoquer des émotions vives, mais le péril passé, chacun a repris son travail, effacé les traces des luttes et rétabli l'apparence paisible. Ce qui frappe les étrangers venant en France à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle, c'est que le peuple paraît laborieux, économe, et trahit par un costume en général bien séant et décent qu'il est à son aise. Ils sont fort nets en leur vivre et en leurs habits, dit l'un d'eux. Assurément on ne se fait pas d'illusion sur ces défauts ; on trouve les gens du peuple de ce temps joueurs et débauchés, jurant, reniant Dieu, prompts et colères, surtout légers, de cette incurable légèreté qui faisait dire à Charles-Quint sous une forme atténuée : Ils sont sages sans le paraître, enfin ardents jusqu'à l'exagération dans leurs sentiments religieux, soit pour, soit contre ; on trouve les artisans et les paysans un peu grossiers et brutaux, au moins parfois. Mais on rend justice aux qualités : on remarque généralement du peuple de France qu'il est bon partout ; il a le respect des grands, des nobles, des officiers de justice ou de finances ; il montre pour les étrangers beaucoup de prévenance et de courtoisie ; il est hospitalier ; il témoigne de la déférence à l'égard des femmes auxquelles il laisse une grande liberté. Les femmes, elles, observe-t-on, sont pieuses et économes ; elles vont à la messe chaque jour, passent leur dimanche à l'Eglise, y entendant messe basse, grand'messe, sermon et vêpres ; tout au plus Lippomano juge-t-il que leur esprit d'économie touche un peu à l'avarice.

Quant aux mœurs en général, il ne faut pas trop prendre à la lettre les histoires scandaleuses de Brantôme, mauvaise langue, trop porté à recueillir les aventures suspectes ou les racontars plus ou moins sûrs colportés par gausserie et en manière de contes plaisants. La bourgeoisie entre autres, comme nombre de familles nobles — on sait les noms des femmes qui ont fait parler d'elles à propos d'Henri IV, mais on ignore le nom de toutes celles qui, ainsi que la jolie et raisonnable Mme de Guercheville ou Mme de Sainte-Beuve, l'ont éconduit — fournirait d'infinis exemples de tenue irréprochable, et de vertus familiales. Néanmoins, il faut le dire, il y a eu en ce temps, par rapport à nos goûts ou à nos exigences modernes, une certaine rudesse. Parmi ses serviteurs, M. de Gouberville a des frères naturels qu'il traite peut-être avec quelque nuance, mais à peine. Il va souvent près de Bayeux, à Russy, voir un certain oncle, brave ecclésiastique qui vit de cures où il ne réside pas d'ailleurs ; or ce brave ecclésiastique a donné à son neveu de jeunes cousins dont la mère est une simple domestique ; ce fait ne paraît pas autrement choquer le sire du Mesnil-au-Val ; pas plus que le royaume d'ailleurs ne se choque de voir Henri IV élever ensemble pêle-mêle à Saint-Germain-en-Laye les enfants de Marie de Médicis et ceux de Gabrielle d'Estrées ou delà marquise de Verneuil. Le sentiment public comporte en ces questions moins de rigueur qu'aujourd'hui, pour la conduite autant du reste, que pour le langage, car on ne dirait plus aujourd'hui, on n'écrirait plus, on ne lirait plus dans une modeste famille ayant quelque tenue et devant des enfants, ce qui se disait, s'écrivait, se lisait dans l'entourage de demoiselles de bonne maison veillant à l'éducation du dauphin de France et de ses frères et sœurs, à Saint-Germain : le Journal du médecin de Louis XIII enfant, Jean Héroard, nous a renseignés amplement sur ce sujet. Les gens du temps ont plus de laisser-aller que nous, ou nous sommes devenus plus difficiles.

Le tiers-état comprend les magistrats, les marchands, tout genre de bourgeois, les artisans, le menu populaire des villes et les gens des campagnes.

Dans ses contes pleins de jovialité et de bonhomie, le conseiller au parlement de Rennes, Noël du Faïl, a décrit la vie des paysans du XVIe siècle. Le rude labeur des champs est celui d'aujourd'hui, ni plus misérable ni moins dur ou moins monotone. Seules les gaietés du dimanche paraissent plus franchement accortes. On voit les jeunes gens, le jour du repos dominical, après les offices, auxquels ils ont assisté, jouer à tirer de l'arc, lutter aux barres, au saut, à la course, pendant que les vieux regardent, en devisant, assis sous les arbres du village ; puis, au son du rebec, d'un hautbois ou d'un chalemie (une flûte) les jeunes se sont mis à danser, et, se rappelant leurs exploits de jadis, les vieux, machinalement, se lèvent, fredonnant du pied l'air qu'ils connaissent bien ; après quoi on va boire à la taverne, on dringue ou trinque (de l'allemand trinken) en chantant, et on ne boit pas d'eau-de-vie, parce que l'eau-de-vie est une médecine rare et très chère qui ne se vend que chez l'apothicaire. Ce petit peuple des campagnes, comme celui des villes, s'habille avec rusticité la semaine, se tient propre le dimanche, et surtout se nourrit bien. On vante la bonne nourriture au manger et au boire dont le menu peuple use plus que parmi nulle autre nation. Il mange quatre ou cinq fois par jour, peu de pain et de fruits, beaucoup de viande, comme M. de Gouberville. — A la ville, rôtisseurs et pâtissiers (gens qui vendent de la viande dans de la pâte) débitent à foison des mets tout préparés. — Il consomme bœuf et mouton, — le porc est laissé aux plus pauvres, — agneau, poisson salé, saumon, morue, harengs ; comme légumes, pois, riz, artichauts, lentilles.

La vie des artisans des villes est réglée, très disciplinée, en ce sens que le travail libre n'existe pas. Quand on veut pratiquer un métier, il faut entrer dans la corporation, faire son apprentissage, devenir compagnon, puis exécuter un chef-d'œuvre et être admis au rang des maîtres, ce qui n'est ni facile, ni fréquent, ni bon marché, le chiffre des maîtrises étant fixé. Votre travail est soumis aux lois de la corporation et vous ne pouvez fabriquer tout ce que bon vous semble. Mais on est fait à ce régime, l'ouvrier a beaucoup d'industrie et travaille gaiement. Il y a bien des querelles, des tumultes, des grèves : dans l'ensemble le travail qui est local ou régional va tranquillement. On s'enrichit quelquefois. Ce sont surtout les marchands qui amassent.

La gent marchande est celle qui est maîtresse de l'argent : aussi on la choie et on la caresse ; mais les nobles méprisent cette condition et se jugeraient déshonorés s'ils vivaient de négoce. Dans les villes, les marchands tiennent le haut du pavé, forment les municipalités, sont les notables Pourquoi eux aussi ont-ils si peu d'estime à l'égard de leur profession, qu'ils ne désirent rien tant que de faire de leurs fils des officiers du roi, des fonctionnaires ? Devenir assez riches pour envoyer les garçons faire leurs études aux universités — celle de Paris seule compte 15.000 étudiants — et leur acheter après une charge, tel est leur rêve. Déjà la petite noblesse peu fortunée tâche d'entrer dans les parlements ; les enfants de bourgeois aspirent à devenir juges, avocats, trésoriers, percepteurs, receveurs de tous genres : et la royauté voit ce mouvement sans objection, la tradition voulant même que les fonctions de chancelier de France et de secrétaire d'Etat ne soient données qu'à des gens du tiers-état ; considérable privilège !

Et ainsi au-dessus ou à côté des marchands s'étend toute cette classe bourgeoise de magistrats, hommes de loi et autres, gens dignes et honorables, excellents paroissiens, charitables, posés, ayant de l'aisance et de la considération. On les reconnaît à leurs costumes corrects et sombres, à leur tenue grave et mesurée ; bons maris, bons pères et bons chrétiens. Ils ont maison à la ville et maison champêtre où ils vont se récréer. Ils sont tranquilles et modérés, honnêtes gens et fidèles sujets. — C'est parmi eux que se sont recrutés les politiques. — Ils savent aussi être gais ; une de leur principale distraction est les exercices physiques.

Car les exercices physiques, dernier trait commun à tout ce peuple, font fureur en France vers 1600. Nobles, bourgeois ou paysans s'adonnent avec ardeur à nombre de jeux conservés du Moyen âge. Les Anglais surpris de cette mode l'imitent, mais tout de même trouvent les Français très immodérés. Parmi les sports — du vieux mot français desport, jeu — le plus populaire est celui du jeu de paume, que l'Anglais Dallington visitant le royaume eu 1598, appelle le tennis : Il est plus en usage ici, dit-il, que dans toute la chrétienté réunie, ce dont peut témoigner le nombre de places de tennis dans tout le pays, en si grande quantité que vous ne pouvez trouver la plus petite bourgade ou ville en France qui n'en ait une ou plusieurs ; il y en a 60 dans Orléans et je ne sais combien de centaines dans Paris. Les Français sont nés une raquette à la main. Et parlant du pale-mail, il ajoute : Je m'étonne que entre tant de jeux ridicules et fous que nous avons rapportés de France, nous n'ayons pas aussi introduit ce sport en Angleterre.

Il y a beaucoup de choses saines dans ce peuple du temps de Henri IV qui vient de vivre une des époques les plus rudes et les plus brutales, mais aussi les plus originales ou attachantes de notre histoire. Les mauvais côtés, que révèle l'histoire générale, font un peu tort à ce qu'il y a en lui d'honnête, de laborieux, de stable et de régulier.

 

SOURCES. Dallington, The view of Fraunce 1598, 1892 ; Deliciæ Galliæ, 1609 : Jodocus Sincerus, Itinerarium Galliæ, 1616 ; G. Hegenitius, Gallo-Brabanticum, 1630 ; Th. Erpenius, De peregrinatione Gallica, 1631 ; Abr. Golnitz, Ulysses Belgico-Gallicus, 1631 : H. du Boys, De l'origine et autorité des rois, 1604 ; F. Le Jay, De la dignité des rois et princes souverains, 1589 ; P. Constant, De l’excellence et dignité des rois, 1598 ; N. Bergeron, Police générale du royaume de France, 1617 ; C. de Figon, Discours des États et offices de France, 1579 ; J. Hurault, Des offices d'Estat, 1588 ; C. Loyseau, Cinq livres du droit des offices, 1613 ; C. Fauchet, Origine des dignités et magistrats de France, 1600 ; C. Chappuzeau, Traité des diverses juridictions de France, 1618 ; La Roche-Flavin, Treize livres des Parlements de France, 1617, Cimber et Danjou, Archives curieuses de l'Histoire de France, t. X et XIV ; Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises, t. XIV et XV ; Traité des finances de France, 1580 ; N. Froumanteau, Le Secret des finances de France, 1581 ; Traité des revenus et dépenses de France en l'année 1607, dans Revue rétrospective, t. IV ; J. Hennequin, le Guidon général des finances, 1610 ; N. Rémond, Sommaire traité des revenus et dépenses des finances de France, 1622 ; Le nombre des ecclésiastiques de France, celui des religieux et religieuses, dans Archives Curieuses, t. XIV ; C. Loyseau, Traité des seigneuries, 1608 ; Nicolas Rapin, Les Plaisirs d'un gentilhomme champêtre, 1575 ; Gilles de Gouberville, Journal, éd. de Beaurepaire et de Blangy, 1892-93 ; Noël du Fail, Œuvres facétieuses, éd. Assézat, 1874 ; Jean Héroard, Journal, éd. Soulié, 1869.

OUVRAGES. G. Weill, Les théories sur le pouvoir royal en France pendant les guerres de religion, 1892 ; N. Valois, Le Conseil du roi aux XIVe, XVe et XVIe siècles, 1889 ; Fauvelet du Toc, Histoire des secrétaires d'État, 1668 : J. Joly, Trois livres des offices de France, 1638 ; Guyot, Traité des droits, fondions... en France, 1786 : P. Picaut, Traité des Parlements, 1679 ; de Bastard d'Estang, Les Parlements de France, 1857 : Mallet, Comptes rendus de l’administration des finances du royaume de France, 1789 ; C. de Beaune, Traité de la Chambre des Comptes, 1647 ; le P. Daniel, Histoire de la milice française, 1721 ; Fagniez, L'Économie sociale de la France sous Henri IV, 1897 ; P. de Vaissière, Gentilshommes campagnards de l’ancienne France, 1903.

 

FIN DE L’OUVRAGE