LE SIÈCLE DE LA RENAISSANCE

 

CHAPITRE VII. — LA RÉACTION CATHOLIQUE. - HENRI III.

 

 

Causes de la réaction catholique contre le protestantisme. Le personnage d'Henri III, 1574-1589. Ses difficultés avec son frère le duc d'Anjou et Henri de Béarn ; paix de Monsieur et édit de Beaulieu. 1576. La Ligue, 1576. Les États généraux de Blois, 1576. Paix de Bergerac avec les protestants, 1577. Le duc d'Anjou aux Pays-Bas. Guerre des amoureux, paix de Fleix, 1580. Nouvelle expédition du duc d'Anjou aux Pays-Bas. 1581 ; sa défaite, sa mort, 1584. Le protestant Henri de Béarn héritier du trône de France. Violentes protestations. Le comité des Seize à Paris. Impopularité d'Henri III : les mignons. Henri III obligé de céder à la Ligue, traité de Nemours, 1585. Guerre contre les protestants ; Joyeuse battu à Coutras par le roi de Navarre, 1587 ; victoire de Guise à Vimory et Auneau, 1587. Hostilité croissante de la foule contre Henri III ; la journée des barricades, 1588. Henri III vaincu. Les États généraux de Blois et l'assassinat du duc de Guise, 1588. Soulèvement de la France. Henri III réduit à s'unir avec Henri de Béarn. Marche sur Paris ; assassinat d'Henri III, 1589.

 

Aux conférences de Saint-Bris de 1586, Catherine de Médicis discutant avec l'envoyé d'Henri de Béarn, le vicomte de Turenne, lui disait : Le roi ne veut qu'une religion en France ; le protestant lui répondit : Nous le voulons bien aussi, Madame, mais que ce soit la nôtre. Et ainsi avait-il été fait en Béarn d'où Jeanne d'Albret avait banni le catholicisme. Les huguenots ont voulu au XVIe siècle faire de la France, malgré elle, une nation protestante. La France n'a pas voulu l'être. Le règne d'Henri III est l'histoire de la réaction définitive des catholiques contre les intentions ou les tendances exclusives des réformés.

Jusque vers 1564 le développement du protestantisme avait été en ascension constante. A partir de cette date il s'est arrêté. Les causes de cet arrêt sont multiples. Parmi les raisons qui ont amené une reprise du catholicisme, le spectacle des ruines accumulées par les huguenots a certainement compté pour une des plus efficaces. Lippomano traversant la France en 1577 relevait avec horreur tous les désastres non réparés qu'il rencontrait, villes dévastées, monastères ravagés, cathédrales en ruines, églises effondrées, tombeaux brisés, cendres déterrées ; Orléans, Blois, Tours, Poitiers dans un état lamentable : Cela fait pitié et peine à voir, disait-il ; on ne comprend pas que des hommes puissent se laisser aller à une si féroce barbarie pour sévir contre des pierres. La conscience publique se souleva. Et ces destructions n'en finissaient pas. Malgré la paix proclamée, notait Jean Faurin, les faits de guerre recommençaient perpétuellement. En vingt-sept ans le même Faurin a relevé dans le Castrais 459 sièges, prises de châteaux ou coups de force. Le peuple fut excédé. L'achèvement du concile de Trente ensuite avait produit dans l'opinion une impression favorable. L'Eglise catholique en présence des critiques dont elle était l'objet, avait revu et précisé sa doctrine, formulé son enseignement, réformé sa discipline. Le concile avait duré longtemps, au milieu de péripéties nombreuses, mais il avait terminé sa tâche et abouti à des décrets dont les définitions semblaient donner aux catholiques troublés satisfaction. Il y eut comme un affermissement de la croyance. Enfin une armée nouvelle adaptée aux temps nouveaux luttait contre la Réforme, la milice des jésuites, fondée par saint Ignace de Loyola en 1540 pour opposer au principe du libre examen des protestants, celui tout opposé de I obéissance passive, s'interdisant les dignités ecclésiastiques, s'adaptant à toutes les formes de l'action sacerdotale, prédication, enseignement, confession, science théologique, prêchant partout, fondant des collèges. Les jésuites se développèrent avec une telle rapidité et une telle puissance qu'à la fin du siècle, devenus un objet universel d'appréhension, ils étaient chassés de partout. Ils ont contribué à accentuer la réaction catholique. Cette réaction s'est produite sous le règne d'un des princes les plus singuliers et les plus compliqués de notre histoire.

Plutôt grand, très maigre, figure allongée, au regard à demi voilé de son père Henri II, front large, bouche moqueuse, Henri III était loin d'être un sot. C'était un garçon doué de cette intelligence vive qui voit bien les choses, mais sceptique, un peu gouailleur, avec une nuance d'esprit de dilettante d'ailleurs amusé et par moments assez drôle. Il écrivait une fois à Villeroy : Il y eut un roi en la Judée qui par mauvais conseil fut perdu. Dieu en garde le roi de France ! Je sais bien, ce me semble, ce qu'il faudroit, mais je suis comme ceux qui se voient noyer et, par obéissance, sont plutôt contents de l'être que de se sauver. Et puis, je serois seul de mon avis et je peux me tromper ! Pour le roi de France qui s'est trouvé, dans les conjonctures d'histoire intérieure les plus critiques, cet état d'esprit n'était guère celui qu'il fallait pour la fonction. Par ailleurs Henri III était bon, d'un caractère doux, affable ; il avait des yeux charmants quand il vous regardait en causant, et de jolis coins de bouche quand il parlait. Il se tenait fort bien, avec un port noble et gracieux. Du reste très roi et pénétré de sa dignité. C'est lui qui a édicté des règlements pour développer le cérémonial autour de sa personne, cérémonial qui sera surtout appliqué sous Louis XIV et qui aboutissait à tenir les gens écartés du prince, à faire multiplier les révérences idolâtriques, non seulement devant le roi, mais devant les objets servant à son usage, singeries, écrivait Claude Dupuy, charroyées ab ultimis Sarmatis en notre France : barbari moris sunt !

Mais si Henri III, intelligent et spirituel, voyait bien les choses, à défaut d'énergie pour les diriger ; si, conscient de son titre, il voulait par les formes extérieures de respect inspirer le respect, beaucoup d'autres éléments venaient contrarier ces qualités. Tout se contredit on lui, disait Morosini. Très délicat de santé, de constitution malsaine, sujet à des maux de tête violents, à des abcès dans l'oreille, à une affection de peau où les médecins voyaient certaine gale pour laquelle ils lui faisaient prendre des bains de mer, à des indigestions perpétuelles, il avait des goûts et des habitudes qui trahissaient un tempérament de dégénéré. Tous ceux qui l'ont approché l'ont traité d'efféminé. Contrairement aux traditions de sa famille, il détestait les exercices physiques, avait en horreur de chasser et de monter à cheval, restait très tard au lit. En revanche il apportait à sa toilette un soin d'une exagération ridicule. Il inventait des modes plus extravagantes les unes que les autres, se couvrait de pierreries, mettait des pendants d'oreilles, des bracelets, des flots de bagues, se frisait les cheveux ; surtout abusait des parfums, semait partout de la poudre de violette musquée ou des sacs de roses, jusque dans son lit. Puis il adorait s'amuser. Très indifférent aux affaires — surtout au début, ensuite il lui fallut bien s'en occuper — n'aimant pas le travail, il se jeta dans les plaisirs. Ce fut un fêtard. Le beau médaillon de Germain Pilon qui le représente donne bien cette impression. En compagnie de camarades de son âge, ses amis, qui ne le quittèrent plus, il s'adonna à toutes les folies que des jeunes gens riches, insolents, ayant le droit de tout oser, peuvent se permettre. Il organisa une fois un dîner où le service était fait par les dames de la cour habillées en hommes, tout le monde revêtu de soie verte ; une autre fois, à Chenonceaux, sur la terrasse, eut lieu un autre dîner dans lequel des jeunes femmes de la cour servaient encore, les cheveux épars sur les épaules et dans un décolletage exagéré. Mais les mascarades furent son triomphe. Au mardi gras, il s'habillait en femme, mettait une jupe à la matelote, rouge, noir, blanc et orange, un masque, et avec huit ou dix jeunes gens allait rôder dans les rues, tapant les gens, s'introduisant dans les maisons pour faire mille insolences, toute la nuit, jusqu'à six heures du matin. Aux bals, il se déguisait avec une robe, ouvroit son pourpoint, et découvroit sa gorge, y portant un collier de perles et trois collets de toile. Son goût extrême pour ses camarades et amis, allant jusqu'à une passion excessive, son éloignement relatif des femmes ont fait articuler contre lui certaines accusations. Rien n'est moins démontré ni prouvé que ce goût qui témoignerait chez lui d'une certaine perversion. Son caractère anormal se retrouve dans d'autres bizarreries. Il affecta une dévotion extraordinaire. De la part d'un homme de plaisirs, le contraste était un peu surprenant. On le vit aller en pèlerinage à Chartres et à Cléry, à pied, de Paris. Il se rendait d'église en église avec deux ou trois personnes et tenant en sa main de grosses patenôtres, les allait disant et marmonnant par les rues. Il suivait des processions de pénitents bleus, le corps dans un sac muni de deux trous pour les yeux, la nuit, à la lueur des torches ; il institua la confrérie des pénitents de l'association Notre-Dame et processionna coiffé d'une cagoule, un cierge à la main. Le peuple se moquait de lui, l'appelait marguillier de Saint-Germain l'Auxerrois, gendre de Colas. Il se fit faire un chapelet dont les grains représentaient des têtes de mort, — il avait pris pour emblème la tête de mort, on la voit sur ses reliures, — et dansa dans les bals portant ce chapelet suspendu à sa ceinture. Henri III n'a pas eu d'enfant. Ce prince distingué, spirituel, efféminé, bizarre, représente une fin dégénérée de race de cour.

Il était en Pologne, à Cracovie, lorsqu'il apprit la mort de son frère Charles IX, auquel il devait succéder. Ne pouvant se souffrir dans cette contrée perdue, il s'enfuit la nuit à cheval au galop d'une jument qu'il creva par soixante-douze heures de course, en laissant les siens s'arranger comme ils pourraient. Il passa par Venise, où il fut très bien reçu. Catherine de Médicis l'attendait en France en gouvernant. Joyeux de monter sur le trône, Henri III fut aimable pour tous ; il délivra son frère le duc d'Alençon et le roi de Navarre, à moitié prisonniers depuis leur dernière équipée, se montra prévenant pour les Guises, assura qu'il était disposé à accorder aux huguenots l'amnistie du passé et gagna les catholiques par sa piété recueillie. Puis il se maria en février 1575. Il épousa une jeune et charmante enfant de vingt ans, Louise de Vaudémont, nièce du duc de Lorraine, mariage peu brillant, mais que malgré Catherine de Médicis il avait tenu à faire, étant épris de la jeune fille rencontrée par lui lors de son départ pour la Pologne. Blanche, aux traits fins, jolie, gracieuse avec une taille élégante et mince, des yeux riants, très douce, très simple et très modeste, la reine Louise allait vivre assez effacée, adorant son mari qu'elle ne quittait pas des yeux, et ensuite assez négligée par lui. Henri III lui acheta près de Paris, à Ollainville, une propriété où elle passait ses longs mois d'été.

Si la reine ne devait pas s'occuper d'affaires, en revanche, le jeune frère d'Henri III, le duc d'Alençon, allait causer beaucoup d'ennuis au prince. Ce garçon, de deux ans plus jeune que le roi, par conséquent âgé de vingt-deux ans, petit, gros, carré, très brun de teint avec des cheveux noirs bouclés ; d'ailleurs aimable et jovial, mais turbulent, brouillon et agité, était jaloux de son frère auquel il reprochait d'être le favori de leur mère et il ne l'aimait pas. Sous prétexte qu'on le surveillait, il s'enfuit de Paris, le 15 septembre 1575, caché dans une voiture, vint à Dreux et publia un manifeste où il assura qu'on voulait le mettre en prison. Le cas était assez grave. Il négociait avec Condé, tendait la main aux protestants. Si ceux-ci le prenaient pour chef, les difficultés devenaient inextricables. Catherine de Médicis courut après lui afin de le décider à revenir, le suivit à Chambord. A ce moment, une troupe de 2.000 reîtres allemands passait la frontière pour venir trouver Condé. Heureusement que le duc de Guise, gouverneur de la Champagne, les attaquait et les dispersait à Dormans, où il reçut une arquebusade dans la figure qui lui fit une grosse balafre. De ce jour il sera appelé le balafré. Catherine finit par calmer l'orage en donnant 160.000 écus à Condé et une garde au duc d'Alençon pour qu'il se crût en sûreté.

Mais, à la cour, sous un roi de vingt-quatre ans qui passait ses journées à se divertir au milieu de jeunes gens excités, les passions, dont les provinces frémissaient, ne pouvaient que se donner libre carrière. Protestants et catholiques se provoquaient. Nous sommes presque toujours prêts à nous couper la gorge les uns aux autres, écrivait Henri de Navarre à M. de Miossens ; nous portons dagues, jaques de mailles et bien souvent la cuirassine sous la cape. Je n'attends que l'heure de donner une petite bataille, car ils me disent qu'ils me tueront et je veux gagner les devants. Les menaces devinrent telles qu'à son tour, Henri de Béarn s'enfuyait de la cour, le 3 février 1576, pendant une partie de chasse, courait à Alençon, déclarait publiquement qu'il était calviniste et que l'abjuration du lendemain de la Saint-Barthélemy ne comptait pas, puis se dirigeant vers le Béarn appelait à lui tous ses gentilshommes. Le duc d'Alençon et Condé penchaient de son côté. L'embarras fut extrême pour le gouvernement. Le roi s'amusait, le trésor était vide. Le bruit de la cour, de ce temps, n'étoit autre, sinon que le roi n'avoit pas de quoi avoir à dîner. On vivait d'emprunts, et d'emprunts misérables, 500, 600 livres, demandés à des conseillers au parlement, des avocats, des procureurs. Où trouverait-on de quoi payer une armée ? Catherine de Médicis, qui continuait à tout inspirer, estima qu'il fallait faire des sacrifices afin d'éviter la guerre : elle exagéra ; elle vieillissait. Le résultat de ses négociations fut, pour ce qui était du duc d'Alençon, que celui-ci ajouterait à son apanage l'Anjou et deviendrait duc d'Anjou ; pour ce qui était de Condé, qu'il aurait le gouvernement du Languedoc ; — on appela ce traité, la paix de Monsieur, 6 mai 1576. En ce qui concernait les protestants, les concessions accordées furent consacrées par l'édit de Beaulieu. Elle se trouvèrent si inattendues et si extraordinaires que le royaume fut stupéfait ; les réformés obtenaient l'entière liberté du culte, partout, sans restriction ; huit places de sûreté ; dans les parlements, une chambre mi-partie, c'est-à-dire composée de deux présidents, l'un catholique, l'autre huguenot, douze conseillers dont quatre huguenots ; la mémoire de Coligny et des victimes de la Saint-Barthélemy était réhabilitée, les jugements contre eux rapportés ; les protestants étaient admissibles à tous les emplois ; on promettait la réunion des Etats généraux. Jamais la cour n'avait à ce point cédé, et cela si peu après la Saint-Barthélemy ! C'était inexplicable. Les catholiques ne purent comprendre les raisons de concessions pareilles. A Paris le public refusa d'allumer des feux de joie, et le gouvernement ayant voulu faire chanter un Te Deum pour célébrer la paix, chantres et chanoines s'abstinrent. Ledit de Beaulieu allait amener bien d'autres complications redoutables pour le royaume.

Mais, vraiment, la misère de la cour était navrante. Malgré les emprunts on n'avait pas un sou vaillant ; force était d'engager les joyaux de la couronne, de vendre des offices, de vivre d'expédients. De quelque côté que nous regardions, écrivait Morvillier, nous ne voyons que du désespoir. Malheureusement, ce qui exaspérait le public, c'était qu'Henri III ne discontinuait pas ses fêtes, gaspillait et donnait inconsidérément à ses camarades de plaisir le peu d'argent dont il pouvait disposer. Ainsi, d'une part, le roi était insouciant, d'autre part le gouvernement impuissant livrait tout aux réformés. Dans ces conditions, les catholiques estimèrent que du moment que le pouvoir royal ne pouvait pas ou ne voulait pas les défendre, c'était à eux à prendre leur cause en main ; et la Ligue, la célèbre Ligue, fut fondée, lamentable extrémité de sujets créant un Etat dans l'Etat afin de demander à un nouvel organisme les services de sécurité que l'autre ne pouvait plus rendre, pour aboutir d'ailleurs à la guerre, au désordre et à l'anarchie.

Les débuts de la Ligue furent accidentels. Aux termes de la paix de Monsieur, la ville de Péronne devait être livrée au prince de Condé comme place de sûreté. Les habitants de la ville ne voulurent pas accepter un maître qui, craignaient-ils, ferait d'eux des huguenots. Ils s'associèrent avec le clergé, les magistrats et les seigneurs des environs qui ne se souciaient pas non plus de voir Péronne devenir protestante. L'idée d'une ligue de catholiques était lancée ; elle fit son chemin : d'autres pays imitèrent. A Paris, ce fut sur l'initiative d'un avocat, Pierre Hennequin, et d'un bourgeois, La Bruyère, que l'association l'ut constituée avec l'assentiment des Guise. Le programme était précis : défendre la religion catholique et rétablir l'autorité du roi dont l'affaiblissement causait la ruine des catholiques. La foule suivit avec une rapidité et une faveur surprenantes, tellement l'idée était mûre ; partout des ligues se formèrent ; provinces, villes, bourgades, apportèrent leur adhésion ; mais tout se fondit dans une association générale ayant le même esprit et les mêmes ardeurs. Qui en serait le chef ? L'opinion désignait le duc Henri do Guise. Du même âge qu'Henri III, plus grand que lui, les cheveux blonds et bouclés, les yeux vifs, la barbe assez clairsemée, mais le visage majestueux rendu mâle par la balafre, le jeune héros dont la famille était si populaire, attirait la sympathie de tous par son aisance pleine de grâce. Il accepta.

Au premier moment, Henri III comprit ce qu'avait d'humiliant et de singulièrement dangereux pour lui la formation de la Ligue. Il tenta de s'y opposer. Il me déplaît grandement, écrivait-il, de quoi les habitants de la ville de Péronne ont pris la résolution maintenant de n'obéir à mes commandements. Quand il vit le développement formidable de l'association, il dut s'incliner et faire contre mauvaise fortune bon cœur. Il dit qu'il l'encourageait ; il écrivait au duc de Nevers : Les huguenots ont dit que ces associations avoient été faites sans mon commandement, ce qui est faux ; je les ferai établir dans tout mon royaume et je n'en dormirai pas. A la réflexion il avait pensé pouvoir profiter de la Ligue et s'en servir comme d'un instrument.

Sur les protestants, déjà atteints, par le sentiment qu'ils avaient que la Réforme ne gagnait plus et d'ailleurs sous le coup toujours de la Saint-Barthélemy, cette révolte violente de l'opinion catholique qu'était la Ligue, produisit une impression d'intimidation. Ils firent partout des prières et des jeûnes extraordinaires. MM. de Genève firent prières extraordinaires pour les églises françaises. Jusque-là, dans des cas pareils, on eût levé des troupes, acheté des armes, fortifié les places ; les temps changeaient. L'attitude nouvelle des calvinistes trahissait leur condition d'infériorité.

Le premier résultat de cette double situation fut la composition des Etats généraux convoqués à Blois en 1576 suivant la promesse faite à la paix de Monsieur. Les élections furent ligueuses. Les protestants, sûrs de la défaite, ne s'étaient même pas présentés. Il y avait 362 députés. En fait, Henri III, qui, préoccupé sérieusement depuis les débuts de la Ligue, commençait à diriger le gouvernement, avait accepté les États afin d'obtenir d'eux de l'argent et de mettre la main sur la menaçante association. A la séance royale d'ouverture, qui eut lieu le 6 décembre dans cette antique salle des États du château de Blois, encore debout, il fit un discours très digne dans lequel, après avoir rendu hommage à ce qu'avait fait sa mère : — Tous ceux qui aiment la France, disait-il, sont tenus de lui rendre d'immortelles louanges de sa grande vigilance, — il assura qu'il voulait rétablir l'ordre et le repos public, supprimer les abus. Il parlait bien. Sur la proposition d'un éloquent avocat, Versoris, l'assemblée déclara qu'il ne pouvait y avoir en France qu'une seule religion, la religion catholique. L'injonction était formelle. Décidé à rester avec la majorité, Henri III répondit qu'il rapportait purement et simplement l'édit de Beaulieu. Était-ce la guerre contre les huguenots ? Henri de Béarn protesta, de ce ton ému, loyal et ferme qui va rendre si belles toutes les lettres écrites par lui à cette époque : La religion se plante au cœur des hommes, disait-il, par la force de la doctrine et persuasion, et se confirme par l'exemple de vie et non par le glaive. Nous sommes tous Français et concitoyens d'une même patrie ; partant il nous faut accorder par raison et par douceur, et non par la rigueur et cruauté. Puisque les Etats voulaient la guerre contre les huguenots, pensait Henri III, il fallait bien maintenant qu'ils donnassent de l'argent pour la faire. Mais sur la motion du député de Vermandois, Jean Bodin, l'assemblée vota qu’on établirait l'unité de religion en toute douceur, sans guerre ; puis, quand on parla de finances et que le gouvernement avoua 100 millions de déficit, les Etats s'élevèrent vivement contre le gaspillage du trésor. On leur demanda 2 millions sous la forme d'une imposition par feux ou d'aliénation de biens domaniaux ; ils refusèrent ou n'accordèrent que d'insignifiants subsides. Henri III était joué. En vain, il avait adhéré, lui aussi, à la Ligue, afin de bien disposer les députés, et s'était même déclaré le chef de l'association, mesure étrange ; insister plus longtemps eût été manquer de dignité. Henri III renvoya les Etats en leur disant que du moment qu'ils ne voulaient pas faire la guerre aux huguenots, il ne lui restait plus qu'à traiter avec ceux-ci. Comme compensation il se borna, des volumineux cahiers que présentèrent les États, le 9 février 1577, à tirer une de ces grandes ordonnances, toujours pleines de bonnes intentions mais inappliquées, en 363 articles, qui sera l'ordonnance de Blois de 1579.

Les Etats partis, et après quelques faits de guerre insignifiants, Henri III signait effectivement, avec les protestants, la paix de Bergerac du 17 septembre 1577, aux termes de laquelle liberté de conscience était laissée aux calvinistes, liberté du culte seulement dans un seul endroit par sénéchaussée ; les chambres mi-parties étaient rétablies, mais seulement dans les parlements du midi. Cette paix, que confirma un édit de Poitiers, allait donner sept à huit années de tranquillité, tellement les protestants, d'ailleurs divisés entre eux, — ministres et princes ne s'entendaient pas, Henri de Navarre était mal accepté comme chef, et telle ville, par exemple, la Rochelle, se conduisait en république indépendante, — ayant perdu l'élan d'autrefois, se trouvaient maintenant affaiblis ou paralysés.

La question protestante, momentanément écartée, restait à Henri III celles de la Ligue et des princes. La plus immédiate était celle des princes. La turbulence de l'ancien duc d'Alençon, maintenant duc d'Anjou, était d'abord un sujet de perpétuelles alarmes. A la tête de cinq duchés, de quatre comtés, de 400.000 écus de rentes et d'une maison presque aussi considérable que celle du roi, le duc d'Anjou représentait un parti dangereux. L'occasion se présenta en 1577 de se débarrasser de lui : Henri III l'accepta avec empressement. Depuis 1572, les Pays-Bas étaient révoltés contre l'Espagne, au moins les pays du nord, hollandais, et en 1577, les provinces méridionales, flamandes, avaient suivi le mouvement. Le gouverneur, don Juan d'Autriche, ne tenait plus ; l'anarchie régnait. Mondoucet, envoyé français, conçut l'idée de faire appeler le duc d'Anjou et de le mettre à la tête des catholiques révoltés ; par là on ramènerait à la France au moins les provinces du sud dépendant jadis du royaume. Tête folle et aventureuse, le duc d'Anjou consentit ; Henri III enchanté, le laissa partir, tout en n'avouant pas qu'il reconnaissait l'expédition, afin de ménager l'Espagne. Avec 7.000 hommes, gentilshommes en quête de guerre, soldats disponibles, volontaires, le duc d'Anjou entra en Flandre. Les États généraux, assemblée délibérante des provinces du nord révoltées, firent semblant d'accepter ce concours, résolus, ainsi que leur chef militaire, le prince Guillaume d'Orange, à faire passer la frontière aux Français dès qu'ils n'auraient plus besoin d'eux. Anjou prit le Hainaut, Maubeuge, Binch. Mais là il fallut s'arrêter ; les troupes pillant, les habitants protestaient et trahissaient ; tout abandonnait. Anjou, incapable d'aboutir, rentra en France au bout de trois mois. La partie n'était que remise.

Du côté d'Henri de Navarre les choses étaient au calme. Le prince avait loyalement accepté la paix de Bergerac et s'était retiré dans son riant château de Nérac, tout à une vie gaie et facile. Henri III ayant autorisé sa sœur Marguerite — la reine Margot — à aller rejoindre son mari en Gascogne, Catherine de Médicis s'était décidée à accompagner la jeune femme. Elles étaient parties toutes deux en voyageant lentement, donnant partout des fêtes et des bals, prêchant la paix et la concorde, visitant les villes, s'arrêtant ; elles mirent un an à faire la route. Si elles trouvaient les pays assez pacifiés, elles constataient aussi les réclamations vives des gens contre les impôts et la misère de l'Etat : Ils crioient tous, dit l'Estoile, contre le roi qui les surchargeoit journellement de nouveaux subsides et nouveaux offices et n'acquittant aucune de ses dettes des grands deniers qui en provenoient, ains en faisant des prodigues somptuosités et des dons immenses. Informé de ces réclamations Henri III répondait : Ce sont les fruits de la Ligue qui commence à opérer ; mais j'en empêcherai, si je puis, l'opération. L'arrivée de Marguerite à Nérac redoubla les plaisirs de la petite cour : ce ne furent que danses, chasses, fêtes continuelles. Les ministres protestants étaient scandalisés. Henri et sa femme, d'humeur volage l'un et l'autre, aussi peu fidèles l'un que l'autre, passaient le temps joyeusement. Un nuage vint assombrir un moment cette existence tranquille qui rassurait Henri III. Dans le nord, Condé piqué par des provocations de la Ligue s'emparait brusquement de la Fère ; au midi, la ville de Cahors qui faisait partie de l'apanage de Marguerite de Valois, ne voulant pas recevoir le gouverneur que lui avait envoyé le roi de Navarre, celui-ci irrité, partait précipitamment et le 29 mai 1580, plantant un pétard à l'entrée de Cahors, faisait sauter la porte, se jetait dans les rues avec une troupe de cavaliers, comme un simple carabin, et s'emparait de la ville ; au même moment Lesdiguières remuait dans le Dauphiné. Inquiet de ces mouvements, Henri III expédia Matignon vers la Fère, Mayenne en Dauphiné, Biron dans la direction de la Guyenne avec des troupes. La Fère fut reprise ; mais un traité signé à Fleix en Périgord et reproduisant les articles de Bergerac mit fin à une émotion qui n'avait été, suivant le mot de l'Estoile, qu'un petit feu de paille, une guerre des amoureux ; la vie brillante reprit à Nérac. Un événement inattendu allait singulièrement la troubler, changer l'avenir du roi de Navarre, le jeter lui et le royaume de France dans une terrible situation, pour Henri III brouiller ensemble la question des princes et celle des protestants d'une façon telle que son règne allait devenir un des plus dramatiques et des plus sanglants que roi de France eût vécu.

N'ayant nullement renoncé à l'équipée des Pays-Bas, le duc d'Anjou préparait sa rentrée en Flandre. Il était allé en Angleterre se concilier la faveur de la reine Elisabeth. Mais celle-ci se réservait. Les succès du nouveau gouverneur espagnol de Bruxelles, le prince de Parme Alexandre Farnèse, plus heureux que don Juan d'Autriche, décidèrent les États généraux des Provinces-Unies et Guillaume d'Orange à faire appel de nouveau au concours du frère du roi de France. On lui proposa le commandement en chef des troupes. L'appui moral du grand royaume voisin serait une force, bien qu'Henri III se défendît de reconnaître les agissements de son frère. De son côté Anjou espérait se faire proclamer roi : tout le monde se dupait. En juin 1581, le duc d'Anjou réunit des troupes ; en juillet la Hollande et la Zélande proclamèrent leur indépendance définitive à l'égard de l'Espagne. Avec 14.000 hommes, dont 3.000 gentilshommes, Anjou se mettant en marche, faisait lever le siège de Cambrai, entrait à Gand, à Anvers, était couronné duc de Brabant, comte de Flandre. Attirés par le succès, des aventuriers de tous pays accoururent. Quand il se vit en force, le jeune conquérant, impatienté de l'attitude énigmatique des États généraux, résolut de brusquer sa souveraineté, de l'enlever à la française, vivement, sans eux ou contre eux. Comme dit Busbecq, l'ambassadeur impérial, la tête lui tourna. Il s'empara par surprise de places appartenant aux États généraux ; il voulut mettre la main sur Anvers dans les mêmes conditions, mais ici les bourgeois se soulevèrent. Traquées dans les rues, les troupes du duc d'Anjou ne purent avoir le dessus ; on en massacra 2.000, le reste fut jeté dehors ; cette défaite perdait Anjou. Définitivement compromis aux yeux des Pays-Bas il n'avait plus qu'à s'en aller ; il tint encore deux mois, puis rentra en France : l'aventure était finie. Comme il fallait s'en prendre à quelqu'un, il accusa Henri III de ne l'avoir pas soutenu, le bouda, refusant de revenir à la cour. Catherine de Médicis parvint à réconcilier les deux frères qui se revirent en 1384. Mais délicat, ainsi que tous les membres de cette malheureuse famille, usé, fatigué par les excès, le duc d'Anjou eut une crise dans laquelle il vomit le sang d'une façon affreuse : le poumon était pris ; ce fut court ; le 10 juin il s'éteignait à Château-Thierry âgé de trente et un ans, après quelques heures à peine d'agonie.

Mais alors, le dernier frère du roi étant disparu, Henri III se trouvant sans enfant, à qui allait revenir la couronne ? Il se trouva qu'en vertu des règles traditionnelles de la succession par ordre de primogéniture, l'héritier le plus prochain était Henri de Béarn, roi de Navarre, descendant d'un sixième fils de saint Louis et cousin au 22e degré du prince régnant. Le trône de France revenait donc à un prince protestant ! Ce fut un sursaut dans tout le royaume. Avoir un roi protestant était une éventualité inadmissible. Le fils aîné de l'Église ne pouvait pas être hérétique ; il ne pourrait être sacré. Une campagne de presse violente commença. L'année 1584 a donné le signal d'une éclosion de publications qui se continueront tout le reste du règne d'Henri III et constituent avec l'époque de Louis XIII et la Fronde une des trois époques de l'ancien régime pendant lesquelles la presse politique a le plus donné. Autour des princes, l'agitation fut vive. Pour Henri III il n'y avait qu'une solution, qu'Henri de Béarn se convertît. Il lui en parla, les amis du roi de Navarre joignirent leurs conseils aux siens. Mais loyalement Henri de Béarn répondait qu'il ne pouvait ainsi, pour une question d'intérêt, donner le spectacle au royaume d'une telle légèreté de conscience. Qu'on l'instruisît par la réunion d'un concile où les deux religions seraient discutées : il ne demandait pas mieux que de s'éclairer ; agir autrement répugnait à la droiture de son caractère. Alors les ligueurs déclarèrent que dans ces conditions, il ne restait plus qu'à convoquer les Etats généraux et à faire changer par eux l'ordre de la succession royale : la nation reprendrait ses droits des âges reculés. Les partisans d'Henri de Navarre ripostèrent qu'il y avait un ordre de succession légale, que les Etats ne pouvaient pas le modifier. Mais déjà on discutait les candidats futurs au trône et nombre de gens prononçaient le nom du duc Henri de Guise ; des généalogistes même établissaient que l'illustre famille de Lorraine descendait des Carolingiens, ce qui était fantaisiste ; chacun vantait la foi indéfectible de ceux qui avaient défendu si vaillamment la religion catholique. Tout au moins, assurait-on, les Etats généraux feraient ce qu'ils voudraient. D'autres mettaient en avant le nom de l'oncle du roi de France, le vieux cardinal de Bourbon, ce qui était ajourner le problème plutôt que le résoudre. L'étranger suivait de près la discussion. Alarmé de la perspective d'avoir un roi protestant en France, Philippe II proposa aux Guises de s'entendre. Les Guises acceptèrent. Ils étaient un peu surpris de la tournure que prenaient les événements. Ils n'osèrent pas cependant stipuler que la couronne leur reviendrait. Par le traité de Joinville de janvier 1585, qu'ils signèrent au nom de la Ligue avec l'Espagne, il fut décidé que le trône serait destiné au cardinal de Bourbon ; le roi d'Espagne donnerait des subsides ; on lui céderait plus tard la basse Navarre et le Béarn. Ainsi, non contente de former un Etat dans l'Etat, la Ligue traitait avec l'étranger.

Ce qui l'enhardissait c'est qu'elle avait pour elle le sentiment de la grande majorité du royaume. Décidément celui-ci ne voulait à aucun prix des huguenots et à plus forte raison d'un roi hérétique. La Ligue s'étendit avec une rapidité prodigieuse ; tout le monde s'affilia. En chaire les prédicateurs enflammèrent les fidèles à la seule pensée d'être les sujets d'un calviniste. Les écrits se multipliaient. Dans l'effervescence générale un comité de la Ligue se constitua à Paris d'abord composé de cinq membres, puis à partir de 1587, de seize qui devaient rapidement prendre une autorité révolutionnaire et commander en maîtres, les Seize. L'anarchie s'organisait.

Au milieu de la tourmente Henri III recueillait les fruits de sa vie de dissipation : il était détesté. Loin de mettre un frein à ses fantaisies, il les avait multipliées, comblant d'honneurs et d'argent dans la misère générale ses compagnons de plaisir pour lesquels il manifestait un attachement ridicule. Ces jeunes gens, Caylus, Saint-Luc, d'O, d'Arques, Saint-Mesgrin, Mauléon, Maugiron, Livarot, Grammont, La Valette avaient exaspéré le public de leurs sottises, de leurs airs hautains, insolents, de leurs manières prétentieuses et de leurs excès. Le peuple les appelait les mignons du roi. Les duels d'ailleurs et les vengeances les décimaient. Caylus et Maugiron avaient été tués sur le pré, Saint-Mesgrin assassiné, et Henri III avait eu la faiblesse de leur élever des monuments funéraires disproportionnés, après avoir répandu des larmes excessives. Trois surtout étaient préférés : d'Arques, qu'Henri III fit duc de Joyeuse, qu'il maria avec une sœur de la reine au cours de fêtes scandaleuses où furent donnés 17 festins à un monde couvert de toilettes d'or et de pierreries ; La Valette, qui fut créé duc d'Epernon ; et d'O, dont la faveur fléchit ensuite. Le roi les appelait ses trois enfants. Joyeuse et Épernon furent très influents, des vizirs, disait le peuple. Le dernier finit par être le plus en vue, le premier mignon du roi, son fils aîné. Il se mariera en 1587 avec la comtesse de Caudale en grande pompe et le roi donnera à la mariée un collier de cent perles estimé 100.000 écus, et au duc 400.000 écus comptant. Le public et la presse attaquèrent Henri III.

Henri III finit par s'inquiéter sérieusement. Il interrogea les Guises et leur demanda des explications. Les Guises répondirent que l'opinion se préoccupait vivement de la succession au trône et qu’elle entendait seulement avoir quelques garanties. Autour même du roi la cour était divisée. Beaucoup se prononçaient pour la Ligue, dont les intentions étaient justes au fond, disaient-ils ; entre autres le frère de la reine, Philippe-Emmanuel de Lorraine, qu'Henri III avait créé duc de Mercœur et nommé gouverneur de Bretagne ; le duc de Nevers, Joyeuse. Au contraire d'Épernon soutenait la cause d'Henri de Béarn. Henri III ne savait que résoudre. S'il eût été le maître il aurait décidé le roi de Navarre à se convertir et supprimé la Ligue : il ne pouvait ni l'un ni l'autre.

La Ligue alla de l'avant. En mars, le duc de Guise en son nom occupa Châlons, et le frère du Balafré, le duc de Mayenne, prince de trente et un ans, grand, élégant, au regard très doux et au courage vigoureux, mit la main sur Dijon. Le cardinal de Bourbon s'était retiré à Péronne. Le 31 mars il publia un grand manifeste, — ou du moins on le publia sous sa signature, — dans lequel la Ligue déclarait qu'elle voulait assurer au roi un successeur catholique, travailler à ne laisser subsister en France qu'une seule religion, provoquer la convocation des États généraux et arriver à ce que les Etats s'assemblassent régulièrement tous les trois ans ; le tout, en maintenant d'ailleurs les privilèges du clergé, de la noblesse, des parlements et de la bourgeoisie. Le malheureux roi de France se trouvait dans une situation des plus précaires. Il n'avait ni argent ni armée ; autour de sa personne, écrivait Busbecq, il n'a que peu d'amis faibles et impuissants. Les gouverneurs de provinces suivaient le public et se prononçaient pour la Ligue. Les ministres eux-mêmes, Cheverny, Bellièvre, Villeroy hésitaient ; l'opinion entière allait aux catholiques associés. Henri III publia un manifeste en réponse à celui de Bourbon, dans lequel il cherchait à défendre sa politique, expliquant qu'il avait conclu la paix avec les huguenots parce que les Etats généraux n'avaient pas voulu lui donner d'argent pour leur faire la guerre ; qu'après tout il avait eu la paix de la sorte de longues années ; sans discuter le principe de la Ligue, il prenait à partie les moyens dont celle-ci usait. C'était pâle et froid, sans grandeur ; l'effet du document fut insignifiant. Il ne restait plus qu'une solution, traiter avec les ligueurs. Catherine de Médicis se dévoua ; elle alla en Champagne, à Epernay, discuta avec le duc et le cardinal de Bourbon. Ceux-ci réclamaient la guerre contre les protestants ; le problème était insoluble : le roi n'avait pas plus d'armée et d'argent pour attaquer les réformés qu'il n'en avait pour poursuivre les partisans de Guise. Catherine répondit que ce serait alors aux ligueurs à supporter le poids de la guerre et de la dépense. Les Guises répliquèrent en exigeant des places de sûreté. Ainsi territoire et autorité, tout le royaume se dépeçait par lambeaux.

Ces pénibles négociations traînèrent trois mois. Finalement il fallut céder. Par le traité de Nemours, du 7 juillet 1585, le roi consentait à édicter que le catholicisme serait la seule religion admise en France, que les sujets devraient dans les six mois faire acte d'adhésion au catholicisme ou bien quitter le royaume ; les chambres mi-parties étaient supprimées, les places de sûreté données aux protestants, retirées ; d'autres livrées aux ligueurs pour cinq ans ; leurs chefs, le cardinal de Bourbon, Guise, Mercœur, Aumale, Elbeuf avaient le droit d'entretenir autour d'eux des gardes personnelles ; pour achever il était reconnu que la Ligue avait décidément agi au mieux des intérêts de l'Etat : c'était pitoyable ! Après avoir tout cédé aux protestants, le gouvernement maintenant se livrait aux ligueurs pieds et poings liés, devenant leur chose. Le roi étoit à pied, disait l'Estoile, et la Ligue à cheval.

Le plus atteint fut Henri de Béarn. Il avait toujours répété qu'il ignorait s'il monterait jamais sur le trône, mais que ce qu'il savait bien c'était qu'il ne fallait pas forcer les consciences et qu'on devait laisser les gens libres de croire ce qu'ils voudraient. Le traité de Nemours l'accabla. L'appréhension des maux que je prévois est telle, disait-il au marquis de la Force, qu'elle m'a blanchi la moustache. Il écrivit au roi de France une lettre de protestation éloquente. Les huguenots désespérés prescrivirent des jeûnes et des prières. Après vingt ans de luttes, ils en revenaient au point de départ et cette fois en présence d'un adversaire formidable, la foule anonyme, dont la force était décuplée par la confiance dans le succès et la certitude qu'elle avait le vent en poupe.

Ici le Henri III moqueur et gouailleur se retrouva. Il était aussi outré que qui que ce fût de l'extrémité à laquelle il se trouvait réduit. Il notifia aux ligueurs qu'évidemment il était obligé maintenant de faire la guerre aux calvinistes, mais que pour cela trois armées lui étaient nécessaires ; c'était à eux à les lui trouver. Il lui fallait ensuite de l'argent ; comme il était prêt, en ce qui le concernait, à se ruiner et à donner jusqu'à sa dernière chemise, il estimait que les catholiques devaient en faire autant : en conséquence il prévenait qu'il n'allait plus payer les gages des officiers, les rentes de l'Hôtel de Ville, qu'il allait mettre mi impôt sur les bourgeois et faire vendre les biens du clergé. La riposte provoqua des exclamations vives. J'ai bien peur, répondit Henri III, qu'en pensant détruire le prêche nous mettions la messe en grand danger ! Des trois armées demandées l'une garderait le roi à Paris, la seconde, avec Mayenne, marcherait vers le midi contre Henri de Béarn, et la troisième — comme on annonçait que les protestants d'Allemagne allaient venir au secours de leurs coreligionnaires de France, — surveillerait la frontière de l'est sous les ordres de Guise. Décidé à marcher, Henri III écrivit au roi de Navarre l'invitant à abjurer, sommant les huguenots de cesser leurs prêches et de rendre leurs places de sûreté : c'était la déclaration de guerre. Henri de Béarn envoya de tous côtés des lettres rendues publiques afin do justifier sa conduite et de rejeter sur les Guises la responsabilité des événements qui se produisaient. Il renouvela son désir de s'instruire sur le fait de la religion, à condition que ce fût devant un concile réuni à cet effet ; il déclinait l'invitation à faire cesser les prêches et à rendre les villes de sûreté. Les protestants multiplièrent les facturas, mais ils se défendaient au lieu d'attaquer, et reprochaient gauchement aux catholiques d'attenter à l'autorité du roi, grief qu'on leur avait tant imputé à eux-mêmes jusque-là.

Sur quoi, le 9 septembre 1585, de Rome, arriva une bulle retentissante, sollicitée par les ligueurs du pape Sixte-Quint, qui excommuniait solennellement Henri de Béarn et son cousin le prince de Condé, les déclarait tous deux hérétiques, relaps, les proclamait incapables de porter la couronne et consacrait leur déchéance définitive aux yeux des catholiques convaincus. Le coup était rude. Le roi de Navarre en appela à la cour des pairs. Comme il est contraire aux lois du royaume, s'écriait-il, que le pape s'arroge le droit de fixer ainsi la succession au trône, la bulle est nulle et irrecevable en France. Des pamphlets soutinrent sa protestation. Les juristes estimèrent aussi que cet acte était un attentat aux droits de la couronne. Le clergé surpris se taisait : les politiques manifestaient ouvertement leur indignation.

Tout de même les ligueurs mirent sur pied leurs trois armées. Les hostilités traînèrent. Condé avait réuni des troupes en Poitou, mais ces troupes se débandaient. Mayenne occupa quelques places dans le Limousin. Henri de Béarn évoluait, se tenant sur la réserve. Une fois de plus Catherine de Médicis chercha à arranger les choses ; des conférences eurent lieu à Saint-Bris, entre Cognac et Jarnac, le 18 octobre 1586 ; la solution aux difficultés était toujours la conversion du roi de Navarre, mais toujours, par loyauté, Henri de Béarn faisait la même réponse ; puis dans l'état où étaient les esprits, après la bulle pontificale, cette conversion ne lui eût pas gagné ses ennemis défiants et lui eût fait perdre ses amis ; il demanda qu'on réprimât la Ligue et qu'on la supprimât : les conférences ne purent pas aboutir. Pendant ce temps, à Paris, le public inquiet de ces pourparlers s'agitait ; les Seize, déclarant qu'il n'y avait à avoir aucune confiance dans Henri III, proposaient de mettre la main sur lui : c'était sérieusement l'ébauche d'une insurrection, prologue peut-être d'une révolution escomptée. Effrayés de cet esprit démagogique les Guises refusèrent de suivre : l'affaire en resta là pour le moment.

Attendus depuis longtemps, les Allemands parurent enfin à la frontière au nombre de 35.000, reîtres, lansquenets, Suisses et Grisons, commandés par le baron de Dohna. Leur intention était d'aller donner la main au roi de Navarre dans le midi. Avec 15.000 hommes le duc de Guise les suivit. Les Allemands prirent par Châtillon-sur-Seine, se dirigeant vers la Charité afin de passer la Loire. A la tête de quelques troupes, Henri III vint se poster en observation à Gien. Il avait expédié contre Henri de Béarn, pour le contenir, son jeune favori, le mignon affectionné. Joyeuse, et lui avait confié ses meilleurs soldats. Joyeuse s'avança, prit Saint-Maixent et à Coutras heurta les troupes du roi de Navarre ; ses forces étaient deux fois supérieures ; il attaqua (20 octobre 1587). A voir l'armée catholique, bien équipée, nombreuse, et l'armée huguenote couverte de haillons, pauvre, les épées rouillées, il semblait que le résultat ne pût être douteux. On avait compté sans la vaillance d'Henri de Navarre ; il chargea avec une vigueur qui entraîna son monde ; les catholiques furent culbutés ; 400 gentilshommes ligueurs restèrent sur le carreau ; renversé de son cheval, Joyeuse reçut trois balles qui le tuèrent : il avait vingt-huit ans. Cette bataille de Coutras était la première victoire que remportaient les huguenots depuis le début des guerres civiles. Elle fit grand effet et provoqua chez les ligueurs une recrudescence d'exaspération surtout contre Henri III. On reprocha au roi d'avoir sacrifié son armée et l'intérêt général à la stupide envie de fournir à un jeune homme sans expérience, son mignon, l'occasion d'acquérir quelque gloire militaire. Mais cette victoire fut sans résultat pour les calvinistes ; ils étaient divisés, trop peu nombreux en armes. Henri de Béarn était allé rejoindre la comtesse de Guiche qu'il adorait. On le lui a beaucoup reproché.

Renonçant à passer la Loire du côté de la Charité, les Allemands revinrent vers le nord, dans la direction de la Beauce, avec l'intention, par un grand tour, de descendre sur le Vendômois et Saumur où la traversée de la Loire serait plus facile. Le duc de Guise les suivit. A Vimory, près Montargis, il eut occasion d'attaquer une partie de leurs colonnes, d'incendier un camp, de prendre la caisse et les chevaux. Ce succès fut bruyamment célébré. Une seconde fois, par une marche forcée effectuée avec un corps d'élite, il dut surprendre les ennemis à Auneau (24 novembre 1587), et les tailler en pièces : 2.000 Allemands furent massacrés. Le reste était découragé ; l'hiver s'annonçait rude : ils n'avaient pas de vêlements, manquaient de vivres. Ils allèrent trouver Henri III qui s'était avancé vers Vendôme et qui consentit par traité à leur laisser reprendre tranquillement le chemin de l'Allemagne. Les Guises qui se disaient en mesure d'achever le reste des envahisseurs, manifestèrent leur vif mécontentement.

De retour à Paris. Guise fut acclamé. Ainsi, répétait le public, le roi n'avait rien fait, qu'envoyer son indigne favori. Joyeuse, faire battre les troupes catholiques à Coutras ; Guise seul, avec des moyens modestes, avait abouti à un résultat. Saül en a tué 1.000 et David 10.000, répétait-on. On appelait le duc Moïse, Gédéon, David, et sa popularité croissait de tout ce qu'Henri III perdait par i'animadversion publique. Le roi, informé, fut irrité au dernier point. Il sentait grandir chaque jour devant lui cette autorité menaçante de Guise : l'absence d'héritier direct, la perspective d'un successeur huguenot dont le royaume ne voulait pas, les discussions publiques sur le droit des Etats généraux de reprendre l'antique privilège de la nation de choisir son roi. la candidature latente de Guise à la couronne, le danger, si les affaires s'envenimaient, de voir les gens hâter le moment où se ferait la transmission du trône, constituaient pour lui un ensemble d'éléments rendant sa situation intolérable. Il commençait à craindre sérieusement. Sa couronne, sa vie même, en somme, étaient en danger. Il se fit lire Polybe, Machiavel. Il résolut de tâcher de se constituer autour de lui un noyau de gens sûrs, dévoués, solides, susceptibles au moins, en cas d'extrémité, de défendre ses jours. Déjà en 1578, vaguement préoccupé de considérations de ce genre, il avait créé un nouvel ordre de chevalerie, le fameux ordre du Saint-Esprit, — à l'imitation de ce qui avait été jadis fondé par un d'Anjou, — pour remplacer l'ordre de Saint-Michel, œuvre de Louis XI, trop discrédité par l'abus qui en avait été fait. Les nouveaux chevaliers, qui ne pouvaient être plus de cent, portaient un cordon bleu, prêtaient des serments de fidélité rigoureuse. Sa Majesté, écrit l'Estoile, s'étoit avisée de se fortifier desdits nouveaux chevaliers qu'elle croyoit lui être prompts et fidèles défenseurs, advenant quelque émotion. Il ne s'en tint pas là. Il recruta un corps spécial de 45 gentilshommes, surtout des Gascons, bretteurs vigoureux, hardis, dans la force de l'âge — de vingt-cinq à quarante ans — sans scrupules et gais compagnons ; il leur donna 1.200 écus de gages, ce qui était beaucoup pour le temps, les nourrit, leur passa tout, ne leur refusa rien, mais exigea d'eux un dévouement absolu. Ces individus, brutaux, comprirent : ils devaient être les gardes sûres du corps du roi et prêts à toutes les besognes. Ce qui se passait à Paris semblait justifier ces précautions.

De proche en proche l'agitation y croissait, la haine contre le roi montait. On ne se gênait plus maintenant pour s'exprimer sur le compte du prince en termes méprisants comme si l'ancienne religion de la royauté se fût évanouie. On le traitait de roi fainéant, de Sardanapale ; on affichait contre lui des placards injurieux. Couramment on finissait par dire qu'il était absurde de conserver sur le trône un souverain aussi débile, faux et funeste pour la religion, scandaleux, dans sa vie, révoltant par la manière dont il s'abandonnait à des mignons indignes. Les Seize, qui petit à petit, arrivaient à constituer, à côté et en dehors des autorités régulières, une manière de gouvernement révolutionnaire, écrivirent aux magistrats des grandes villes de France, Lyon, Rouen, Amiens, Orléans, pour leur demander s'il ne convenait pas d'envisager l'éventualité de la déposition d'Henri III. La duchesse de Montpensier disait porter à sa ceinture les ciseaux qui donneraient la troisième couronne à frère Henri de Valois.

En présence de pareilles provocations, Henri III résolut de ne plus garder de mesure. Les Guises ayant demandé pour un des leurs, le duc d'Aumale, le gouvernement vacant de la Picardie, le roi refusa, et nomma à la place le duc de Nevers. Les événements allaient se précipiter avec une dramatique aggravation. D'Aumale occupait quelques villes de la Picardie. Avec impertinence le duc de Guise lui écrivit de les garder. Henri III notifia que si d'Aumale ne cédait pas sur-le-champ les villes en question au nouveau gouverneur désigné, il serait tenu pour rebelle et que sa tête y passerait ; lui-même irait l'arrêter. Si le roi part de Paris, répliqua insolemment le duc de Guise, je le ferai plus tôt penser à revenir qu'il n'aura approché les Picards d'une journée. La lutte se déclarait. Le roi d'Espagne, qui suivait attentivement, engagea Guise à rompre avec le roi de France, lui offrant 300.000 écus et 6.000 hommes de renfort.

Henri III appela sur-le-champ des troupes dans Paris, 4.000 Suisses. Les Seize mandèrent au duc de Guise qui se trouvait à Soissons de venir les rejoindre. Alors le roi signifia au duc qu'il lui intimait la défense d'entrer dans la ville. Guise hésita un instant, puis, montant à cheval accompagné de huit personnes, accourut à franc étrier. Le lundi 9 mai 1588, il arrivait à Paris au milieu d'une foule compacte qui l’acclamait de vivats enthousiastes, et si dense qu'il pouvait à peine passer. On le couvrait de fleurs, on baisait son manteau. La France, dit Balzac, était folie de cet homme-là, car c'est trop peu dire amoureuse. Calme et froid, nu-tête, droit sur son cheval, la figure, aux cheveux blonds bouclés, aux yeux vifs, à la balafre guerrière, impassible, ce héros de trente-huit ans, qui a été le personnage le plus populaire qu’il y ait eu pendant l'ancien régime, avait grand air : on devenait ligueur en le voyant, disait Mme de Retz. Il descendit à son hôtel de la rue Saint-Antoine.

Ce fut Villeroy qui vint annoncer à Henri III la nouvelle. Comment le savez-vous ? s'écria le roi hors de lui ; il est venu ? Par la mort Dieu, il en mourra ! Et dans sa fureur il jura contre sa coutume. Guise alla trouver Catherine de Médicis chez elle, — elle n'habitait pas le Louvre, mais un hôtel construit pour elle, plus tard l'hôtel de Soissons, près de la rue Coquillière, — il la pria de se rendre avec lui au palais. La vieille reine montant en litière vint au logis royal accompagner le duc. Lorsqu'ils pénétrèrent dans le Louvre, toute la garde était sur pied, gardes françaises et Suisses en haie. L'abord du roi fut glacial. Sèchement Henri III demanda à Guise pourquoi il était venu malgré sa défense. L'autre répondit qu'il avait voulu se disculper des calomnies qu'on répandait sur son compte et d'ailleurs il n'avait pas jugé que l'ordre fût formel. Henri III s'exclama : une altercation allait suivre. Catherine s'interposa afin de la prévenir. Guise prétextant qu'il était fatigué rentra chez lui, suivi d'une foule vibrante qui ne cessait ses acclamations. Le soir, les Seize tinrent conseil à son domicile avec les capitaines des quartiers et plus de 400 gentilshommes. On crut au Louvre à quelque coup de main, tout au moins une émeute ; on passa la nuit dans les transes. Le lendemain, 10, au matin, Guise revint au château royal escorté d'une suite nombreuse. Il fut admis près du roi ; il lui demanda le renvoi de son favori particulièrement exécré, le duc d'Epernon. Henri III refusa. Puis le roi parla ; il dit qu'il était exaspéré des entreprises de la Ligue sur son pouvoir souverain ; consentant ensuite à entrer dans quelques détails, il avoua ses embarras d'argent, les difficultés inextricables de sa situation, les intérêts si opposés qu'il devait concilier. Guise répondit froidement quelques phrases vagues où on perçut les mots d'aide et de secours.

Cependant défilaient dans les rues les troupes appelées par le roi et qui arrivaient. Elles se concentraient au Louvre dans lequel Henri III s'était enfermé. Suisses et gardes françaises furent ensuite disposés autour du château, afin de garder les abords. Des détachements s'avancèrent jusqu'à la place de Grève et au cimetière des Innocents. La cité fut garnie de soldats, les ponts barrés. Que signifiaient ces précautions ? Une agitation extrême saisit la ville. Le bruit courut qu'Henri III se proposait de faire arrêter 120 personnes, les chefs de la Ligue, de les faire tuer, de procéder à une Saint-Barthélemy de catholiques ; 10.000 huguenots, disait-on, arrivaient par le faubourg Saint-Germain ! Le tambour des Suisses battant un rassemblement provoqua l'alarme. Les boutiques se fermèrent ; tout le monde descendit dans la rue ; sur les places, dans les carrefours, les attroupements discutaient avec animation. Au coin d'une rue, des gens curent l'idée de tendre des chaînes, de mettre des barriques qu'ils remplirent de terre et de pavés, de jeter des poutres, des meubles : c'était la barricade. Le signal était donné. Aux cris de Vive l'Union bourgeois, ouvriers, magistrats, se mirent à dresser partout des barrières semblables afin d'empêcher les troupes du roi d'avancer. Henri III ordonna à Grillon et à d'O de pousser d'un côté jusqu'à la place Maubert et de l'autre jusqu'à la rue Saint-Antoine afin de se dégager ; il était trop tard ; ni Grillon, ni d'O ne purent passer. Le tocsin sonnait. Le bruit du tumulte grandissant remplissait les rues. Au marché Saint-Innocent, où se trouvait une troupe de 900 Suisses, une décharge retentit ; on avait tiré sur eux ; 20 hommes tombèrent ; le reste mit bas les armes. A la rue Neuve-Notre-Dame, près Saint-Denis de la Châtre, dans la Cité, d'autres Suisses ayant tiré deux ou trois coups, on fit feu sur eux, aux cris de tue, tue ! Des fenêtres, les femmes jetaient des projectiles et assommaient les soldats en hurlant : France, France, chrétiens, nous ! Il y eut 30 à 60 victimes. Des gardes françaises déposèrent leurs armes. Au Louvre, Biron disait qu'il n'y avait rien à faire à moins de tenter le siège de chaque rue, ce qui était impraticable. On l'envoya ainsi que d'Aumont parlementer ; à la première barricade, ils furent reçus à coups d'arquebuse et durent reculer. Sur les quatre heures du soir, Guise sortant à cheval alla recommander partout le calme, prescrivant de tenir bon, mais de ne pas bouger. Il renvoya au Louvre celles des troupes royales qui avaient mis bas les armes. Au dire de Nicolas Poullain, dans son Journal, les gens répétaient qu'il fallait tuer le roi, tout au moins le prendre, changer son gouvernement et le réduire à l'impuissance.

Le désarroi au Louvre était complet. Les princesses effrayées pleuraient. Catherine de Médicis, le soir, par des rues détournées, se fit porter à l'hôtel de Guise et là eut une explication avec le duc. Enfin que voulait-il, qu'exigeait-il f Guise répondit qu'il demandait à être nommé lieutenant général du royaume, que les grands gouvernements de province fussent réservés aux ligueurs, qu'on éloignât les gens suspects, que les princes huguenots ne pussent pas succéder à la couronne et qu'on assemblât les Etats généraux. Catherine rentra sans avoir rien promis. La nuit qui suivit, on demeura sur le qui-vive ; puis le lendemain Catherine fit dire au duc de Guise de venir au Louvre causer avec le roi. Mais le duc refusa, prétextant qu'il ne pouvait pas se livrer ainsi à ses ennemis. Là-dessus des incidents violents se produisirent dans les rues. Des étudiants, descendant de la montagne Sainte-Geneviève en tumulte et criant, tâchaient de se diriger vers le Louvre. L'agitation s'accentuait : des préparatifs s'annonçaient comme d'un effort violent qui allait être tenté afin d'attaquer les troupes royales et de forcer la résidence du souverain. Le danger devenait menaçant. Il est vrai que le roi avait la faculté de se sauver par les Tuileries, alors hors de Paris, le mur d'enceinte de la ville parvenant à peu près vers le milieu de la galerie du bord de l'eau, à une porte située le long de la Seine et dite Porte Neuve. Cette porte était encore libre. Le prévôt des marchands et les échevins de Paris vinrent trouver Henri III et lui expliquèrent que de minute en minute la situation s'aggravait ; il n'y avait qu'un remède, faire retirer les troupes dont la présence avait provoqué l'émeute. Henri III répondit qu'il ne retirerait ses troupes que si on enlevait les barricades. Les insurgés firent riposter qu'ils n'enlèveraient les barricades que lorsque les troupes seraient parties. On ne pouvait pas s'entendre. A ce moment, quatre heures du soir, quelqu'un vint prévenir le roi qu'un fort détachement de Parisiens longeant les murs de la ville, en dehors, tournait les Tuileries, se dirigeant vers la Porte Neuve afin de s'en rendre maître. Henri III allait être bloqué. Il n'y avait plus de temps à perdre. Il descendit au jardin comme s'il allait se promener, gagna les Tuileries où se trouvaient les écuries, changea rapidement de costume, monta à cheval et avec très peu de monde — les Parisiens ne tenaient pas encore toutes les issues — partit au galop dans la direction de Saint-Cloud. Seigneurs de la cour et secrétaires d'État le suivirent peu après non sans essuyer, sur les bords de la Seine, force salves d'arquebuse. Les reines demeurèrent. Henri III parti, on donna l'ordre aux troupes de se replier, puis Suisses et gardes françaises quittèrent à leur tour Paris afin d'aller rejoindre le roi. Celui-ci couchait le soir à Rambouillet et le lendemain s'installait à Chartres. En 1575, sa mère lui avait écrit : Vous aimeriez mieux être mort que vous voir chassé ou vaincu. Aujourd'hui il était l'un et l'autre.

Guise demeurait le maître. Il s'assura de la Bastille, de Vincennes, de l'Arsenal, fit élire une nouvelle municipalité, ne tenant pas assez l'autre dans sa main ; il pria le premier président du parlement, Achille de Harlay, de continuer l'administration régulière de la justice, mais Harlay lui répondit hautement : C'est grand'pitié, Monsieur, que le valet chasse le maître ! Il révoqua le prévôt de Paris et en nomma un autre. Les Seize de leur côté cassèrent de leur autorité privée des curés suspects de modérantisme et les remplacèrent : Ils se font rois et papes, dit Henri III en haussant les épaules ; des colonels, capitaines et quarteniers de la milice de la ville jugés trop tièdes turent également changés.

La nouvelle des événements de Paris produisit en France une émotion mélangée. Entre les catholiques fougueux et les protestants, le parti modéré de ceux qui se préoccupaient de voir l'État tomber dans l'anarchie, parti d'honnêtes gens, calmes et sensés, dénommés catholiques royaux ou politiques, augmentait. La Journée des Barricades, comme on l'appela, causa autant d'indignation chez les uns que de joie chez les autres. Beaucoup demeurèrent perplexes. Cette journée, écrivait d'Aubigné, mi-partit le royaume, la cour, toute province, toute ville, toute famille et bien souvent la cervelle d'un chacun. Des protestations nombreuses de fidélité et de loyalisme affluèrent au roi, même et surtout de Paris, provenant soit de particuliers, soit des corps constitués. Ce mouvement inattendu embarrassa les ligueurs. D'ailleurs, que pouvaient-ils faire maintenant de leur victoire et que résoudre ? Machinalement ils cherchèrent à faire parvenir à Chartres des essais de justification ; grave concession ! Mais Henri III était encore bien plus embarrassé qu'eux. Profondément affecté de son humiliation, en proie à une peine extrême, il ne dormait plus. Que devait-il faire ? Sur qui et sur quoi était-il en mesure de prendre appui ? Le malheur voulait qu'il se trouvât dans la nécessité — les politiques ne comptant pas encore — de se retourner vers cette Ligue qui était sa pire ennemie. Il tâcha de le faire dignement. Il prononça, en réponse aux ouvertures des Parisiens, quelques paroles hautaines et amères, leur reprochant leur ingratitude, leur oubli de ce qu'il avait fait pour une ville dans laquelle il avait résidé plus que ses prédécesseurs. Il restait à convenir des conditions d'une entente. Henri III consentit à sacrifier le duc d'Epernon, lui enleva le gouvernement de Normandie, qu'il donna au duc de Montpensier, beau-frère de Guise, en priant Epernon de se retirer en Provence. Il accepta une partie des changements effectués à Paris et il annonça qu'il convoquait les Etats généraux à Blois. Quant aux huguenots, il était entendu qu'il les poursuivrait, qu'il n'admettrait pas le roi de Navarre comme héritier présomptif, mais le cardinal de Bourbon ; il donnait quatre villes de sûreté de plus à la Ligue et Henri de Guise était nommé généralissime des armées du roi. Le traité, dit édit d'union, fut conclu. Henri III contresignait sa défaite. Ne comprenant pas l'impuissance irrémédiable du prince, les politiques indignés de cette faiblesse écrivaient dans des libelles : Il y a bien des degrés pour montera une couronne, il n'y en a point pour en descendre. Il ne faut pas que les partis te reçoivent et que tu ailles à eux ; il faut qu'ils viennent à toi et que tu les reçoives. Etre roi, c'est ton parti. Celui qui a entrepris de te faire fuir aujourd'hui entreprendra bien de te faire mourir demain. Le faire mourir demain ! c'était bien la conviction intime qu'avait Henri III touchant les projets de Guise. La question qui se posait entre lui et le nouveau généralissime, déjà roi de fait avant de l'être en titre, était celle de savoir quel était celui des deux qui aurait raison de l'autre. Le drame se précipitait. Les élections aux Etats généraux donnèrent des résultats entièrement favorables aux ligueurs. Les catholiques royaux furent battus ; les protestants n'avaient pas affronté la lutte. L'ouverture de l'assemblée eut lieu en octobre 1588 à Blois, par une procession du Saint-Esprit, et la séance royale se tint le 16, toujours dans la grande salle des anciens comtes, en présence des princes et princesses, grands-officiers de la couronne et seigneurs de la cour. Comme grand-maître, le duc de Guise était assis au-dessous du roi, face à cette assemblée dont il était en réalité le vrai chef. Le discours du roi fut élevé, ferme, personnel. Henri III protesta de ses intentions loyales de défendre la religion catholique ; il était disposé à accueillir favorablement les propositions de réforme que lui feraient les Etats, mais il ne pouvait pas ne pas s'élever contre toute ligue qui, pratiquant des menées, levant des subsides et des troupes, constituait une atteinte à son pouvoir royal. Il consentait à amnistier le passé, à la condition que des faits de ce genre ne se produisissent plus. C'était assez brave. Il ne parla pas de sa succession.

Les débats aussitôt commencèrent. Les sentiments hostiles de l'assemblée ne firent pas doute dès le premier moment. Elle commença par exclure du trône le roi de Navarre et signifia qu'elle entendait qu'on le combattît vigoureusement. Il fut question des finances ; le budget des recettes et dépenses du royaume que présenta le gouvernement excita la défiance et fut tenu pour inexact. Les États réclamèrent des suppressions d'offices, l'abolition d'impôts récents, la réduction de la taille au chiffre où elle était du temps de François Ier. Henri III proposait un emprunt pour faire la guerre. L'assemblée riposta que si elle accordait cet emprunt elle entendait en surveiller elle-même l'emploi. Elle devenait agressive ; elle s'enhardit. Elle révoqua 35 officiers de finances, innovation extraordinaire. Elle dit qu'il fallait que ses décisions eussent simplement force de loi sans autre confirmation, ce qui était toute une révolution ; et qu'elle partie, d'ailleurs momentanément, un procureur général tenant sa place, surveillât l'exécution de ses volontés. Que devenait avec toutes ces mesures, l'autorité royale traditionnelle, absolue, et sa pleine puissance ? Henri III était exaspéré. Ce n'était un secret pour personne que les Etats étaient menés par un comité où se préparaient les motions, comité qui comprenait entre autres Henri do Guise, le cardinal de Guise, son frère, le cardinal de Bourbon et l'archevêque de Lyon, d'Epinac. Où voulaient-ils en venir ? et surtout Guise ? Évidemment commencer par réduire à rien, à l'état de fantôme, le roi régnant, pour avoir ensuite sans doute plus facilement raison de lui. A mesure qu'Henri III descendrait, Guise monterait. On opposait d'une façon courante dans les conversations les mots guisards et royalistes ; on réclamait pour le duc des pouvoirs de plus en plus étendus ; on parlait de lui faire donner la connétablie par les Etats et non par le roi, encore une révolution. Pratiquement, Guise, entouré des Etats qui lui étaient dévoués et de ses partisans, était le maître dans Blois. Alors se posa, aux yeux du roi, hors de lui, le problème tel qu'il était dans sa simplicité angoissante : un sujet, mieux un étranger, s'élevant en face du souverain légitime, s'était rendu omnipotent et, entraîné par une ambition déréglée, cherchait à renverser ce souverain afin de prendre sa place ; comme roi, Henri III avait devant lui un rebelle criminel de lèse-majesté ; comme homme, un meurtrier qui voulait le détruire. Le problème posé, la solution se présentait d'elle-même : il fallait prévenir et agir. L'idée d'un jugement effleura à peine l'esprit du roi. Des juges ? disait-il plus tard à un président de Paris qui lui posait la question, et où en aurais-je trouvé ? Il était vrai que la France presque entière était ligueuse. Avant de se décider à frapper, Henri III consulta ses fidèles : d'Aumont, Rambouillet, d'Angennes, d'Ornano, Beauvais-Nangis. A une exception près, tous déclarèrent qu'il n'y avait pas à hésiter, l'occasion était unique ; on avait Guise à Blois, sous la main, facile à surprendre ; on rappela ses propos menaçants, ses provocations. Mieux valait en finir. Une démarche du duc précipita la catastrophe.

Le jeudi 22 décembre, en sortant de la messe, Henri III fut suivi de Guise qui sollicita du prince une explication. Le duc déclara avec animation qu'il se voyait l'objet de la part de Sa Majesté d'une antipathie croissante, que tout ce qu'il faisait et disait était pris par elle dans un sens défavorable ; cette situation était insupportable ; il en avait assez ; il voulait s'en aller et il donnait sa démission de généralissime. Surpris de cette scène, le roi refusa la démission. Une discussion orageuse suivit. Guise reprenant ses griefs, renouvelait ses offres de retraite ; Henri III persistait à ne pas l'accepter. La discussion dura longtemps à la vive anxiété de ceux qui, de loin, suivaient sans comprendre. Mais rentré chez lui, le roi fut convaincu que Guise voulait rendre cette charge parce que les Etats lui avaient promis de le faire connétable ; il eut la certitude que le duc allait s'enfuir : il n'y avait plus une minute à perdre. Henri III fit venir Grillon commandant du régiment des gardes et l'interrogea ; Grillon répondit qu'il tuerait bien Guise en duel si on voulait, pas autrement. Là-dessus le chef des 45 gentilshommes, Loignac, assura le roi qu'il pouvait compter sur ses hommes et qu'il en répondait.

Henri III se prépara avec un sang-froid et une présence d'esprit extraordinaires. Le soir, après souper, il commanda son carrosse pour le lendemain quatre heures, comme s'il voulait aller faire une excursion. Il prescrivit de convoquer le conseil pour six heures du matin et d'y appeler spécialement Guise, son frère le cardinal et l'archevêque de Lyon. Les 45 devraient être au château dès cinq heures et Loignac aurait soin de choisir parmi eux une dizaine d'hommes résolus, A neuf heures du soir, le capitaine des gardes, M. de Larchant, fut mandé et reçut l'ordre de se trouver avec ses hommes dès sept heures du matin dans le grand escalier afin d'interdire à qui que ce fût de monter ou de descendre dès que le duc de Guise serait passé : il enverrait un détachement garder aussi l'escalier qui allait de la galerie des Cerfs au vieux cabinet du roi, sur la cour. A minuit, Henri III alla se coucher dans la chambre de la reine, après avoir recommandé à son valet de chambre du Halde de le réveiller à quatre heures.

A quatre heures du matin, du Halde vint frapper à la porte : Qui est là ? fit la femme de chambre, Mme de Piolant. — C'est du Halde ; dites au roi qu’il est quatre heures. — Il dort et la reine aussi. — Eveille-le, il me l'a commandé. Henri III n'avait pas fermé l'œil. Il se jeta à bas de son lit. Piolant, fit-il, ça, mes bottines, ma robe et mon bougeoir. Il passa dans son cabinet. — Quand on monte par le grand escalier de Blois, on arrive au second, à gauche, dans une salle des gardes : la traversant pour venir sur la façade qui regarde aujourd'hui la ville, autrefois les jardins, on a, à droite, l'appartement de la reine, lequel s'étend jusqu'à la grande salle des Etats et dont la première pièce est la chambre à coucher ; à gauche, trois pièces qui se suivent : le cabinet du conseil, la plus grande, dans laquelle le roi prend ses repas ; la chambre à coucher du roi ou chambre de parade ; le cabinet du roi. Attenant à la chambre de parade, mais donnant sur la cour, est l'ancien cabinet du roi, le cabinet vieil. — Le roi trouva dans son cabinet du Halde et de Termes. Ceux des 45 qui avaient été désignés arrivaient un par un dans la chambre de parade ; au fur et à mesure Henri III, suivi de Termes qui tenait le bougeoir, les faisait monter par un escalier dérobé à l'étage supérieur et les enfermait dans de petites chambres qui avaient été préparées soi-disant pour des capucins. A six heures, les membres du conseil arrivèrent et prirent place dans leur salle. Alors le roi fit descendre les gentilshommes enfermés et les mit dans sa chambre de parade en leur recommandant de ne pas faire de bruit afin de ne pas réveiller la reine, sa mère, qui couchait au-dessous. Cela fait, il vint au conseil. Guise n'y était pas encore. Henri III prit la parole. Il rappela tout ce que depuis quelques années le duc avait entrepris contre son autorité ; les insolences de cette âme ingrate et déloyale, son audace d'être venu à Paris la veille des barricades, malgré la défense qui lui en avait été faite. Maintenant, ajouta-t-il avec force, dans son ambition démesurée, il est à la veille d'oser entreprendre sur ma couronne et sur ma vie, si bien qu'il m'a réduit en cette extrémité qu'il faut que je meure ou qu'il meure et que ce soit ce matin. Il était résolu à prendre les devants ; il demandait aux membres du conseil leur assentiment. Interdits, les conseillers s'inclinèrent. De là Henri III revint dans sa chambre de parade et, réunissant ceux des 45 qui étaient venus, leur dit tout ce qu'il avait fait pour eux, l'honneur qu'ils avaient d'être attachés à sa personne, la confiance qu'il leur témoignait ; jamais il ne leur avait rien refusé et il les avait comblés. Maintenant c'était à lui à solliciter leurs services. Ils savaient quelles étaient les violences du duc de Guise à son égard, ses injures, ses provocations. Les choses en étaient au point qu'à l'heure qu'il était, sa couronne et sa vie étaient menacées. Et il reprenait la phrase : J'en suis réduit à telle extrémité qu'il faut que ce matin il meure ou que je meure ! Consentaient-ils à tuer le duc ? Il avait parlé avec énergie. D'une voix les bretteurs s'exclamèrent qu'ils étaient prêts. Cap de Diou, Sire, fit l'un d'eux, Sariac, dans son patois gascon, ion lou bon rendi mort ! Ils étaient huit qui avaient des poignards, plus leur chef, Loignac, avec son épée. On en plaça douze dans le vieil cabinet. Il était convenu que Guise serait appelé de la chambre du conseil dans ce vieil cabinet sous prétexte de parler au roi et que lorsqu'il traverserait la chambre de parade on l'exécuterait. Tout étant prêt, Henri III se retira dans son cabinet, la pièce à côté, attendant, fiévreux, agité, allant et venant.

Le cardinal de Guise et l'archevêque de Lyon étaient arrivés au conseil. Le duc de Guise qui avait passé la soirée de la veille en agréable compagnie, ne s'était couché que vers les trois heures du matin ; on lui avait remis à ce moment divers billets lui recommandant de faire attention. Il avait haussé les épaules : Ce ne serait jamais fait, avait-il dit, si je voulais m'arrêter à tous ces avis ; il n'oserait ! A huit heures, il s'éveilla, passa un habit de satin gris et vint au conseil. Dès qu'il eut monté l'escalier, suivant la consigne, toutes les issues furent gardées. Il entra, salua, s'assit et dit qu'il avait froid, qu'on fît plus de feu. Ayant ensuite exprimé le désir de manger quelque chose on lui apporta des prunes de Brignoles. Un maître des requêtes faisait son rapport sur une affaire de gabelles quelconque. Le gentilhomme ordinaire de service, M. de Révol, entra un peu pâle et vint dire à l'oreille du duc que le roi le demandait dans son vieil cabinet. Guise se leva, mit son manteau sur son bras gauche, jeta ses prunes sur la table en demandant : Qui en veut ? puis, prenant ses gants : Adieu, Messieurs, fit-il, et il passa la porte de la chambre de parade, que l'huissier Nambu referma sur lui à clef. Les neuf des 45 gentilshommes étaient là, assis autour de la pièce ; ils se levèrent comme par déférence. Guise salua et se dirigea vers la porte du vieil cabinet ; il caressait sa barbe de sa main, était à deux pas de la portière, et, les gentilshommes le suivant, se retournait à moitié pour voir ce qu'ils voulaient, lorsque l'un d'eux, M. de Montféry, le saisissant par le bras, lui asséna un violent coup de poignard dans la poitrine : Ah ! cria le duc en se rejetant vivement en arrière ; mais déjà un autre se précipitant à ses jambes, les tenait étroitement embrassées afin de l'immobiliser, pendant que tous se ruaient, frappant. Ce fut une mêlée horrible. A côté, au cri rauque de Guise, les membres du conseil s'étaient levés, devinant ce qui se passait, livides. On entendait le trépignement des pieds de la lutte, les appels déchirants du duc : Ah !... quelle trahison !... Oh ! mon Dieu !... Miséricorde !... Puis ce fut le bruit sourd d'une chute lourde. Entraînant ses assassins suspendus après lui. Guise avait pu traverser toute la pièce et, frappé à mort, haletant, couvert de sang, s'était effondré près du lit du roi. On tue mon frère ! s'exclama le cardinal de Guise d'une voix altérée. Ne bougez pas, mort Dieu, Monsieur, fit violemment le maréchal d'Aumont en tirant son épée, le roi a affaire à vous. Prévenu que c'était fini, Henri III souleva la portière de sa chambre, la figure décomposée, et regarda. Guise râlait. On le fouilla. Il ne tarda pas à expirer. On jeta sur le cadavre un tapis d'Orient : deux larges flaques de sang tachaient le parquet.

Descendant à l’étage inférieur, le roi alla annoncer la sinistre nouvelle à sa mère, à ce moment malade. Qu'avez-vous fait ! s'écria Catherine de Médicis terrifiée en joignant les mains ; puis au bout d'un silence elle reprit : Dieu veuille que vous vous en trouviez bien ! Henri III dit avec fermeté : Je suis seul roi maintenant ! Il se trompait, il ne l'était plus !

Il ordonna d'arrêter le cardinal de Guise, l'archevêque de Lyon, d'Elbeuf, Nemours, Joinville, de mettre des gardes au cardinal de Bourbon. Il pensait d'abord se borner à l'incarcération du premier, puis le lendemain matin il se ravisa et ordonna de l'exécuter. Cette fois, personne ne voulut marcher ; il fallut se rabattre sur trois soldats qui, dans une galerie où le cardinal fut appelé, consentirent à tuer le prélat à coups de hallebarde.

 

La nouvelle du drame de Blois parvint à Paris le 24 décembre, la veille de Noël, entre trois et quatre heures du soir. La ville fut bouleversée. Les rues se remplirent de gens criant : Au meurtre ! Au feu ! Au sang ! A la vengeance ! Le conseil de l'Union se réunit immédiatement à l'Hôtel de Ville, nomma le duc d'Aumale gouverneur de Paris, fit prendre les armes à la milice, occuper les portes et délibéra. Dans toute la France, après un moment de stupeur, ce fut une explosion de colère et de haine. Non, Henri III n'était plus roi, répétait-on, il était seulement Henri de Valois, jadis roi de France ; ce n'était qu'un assassinateur, un meurtrier, un faux hérétique ! Des pamphlets violents parurent ; le prince fut vilipendé, insulté, traîné dans la boue. Aucun roi de France n'a été traité comme Henri III le fut à ce moment. Virtuellement, son autorité n'existait plus. Il était le tyran. Prédications dans les chaires, couplets aux carrefours, caricatures, libelles, affiches, le concert d’imprécations fut unanime. Moralement la déposition d'Henri III était consommée. Il reçut des lettres anonymes lui annonçant qu'il serait à bref délai exécuté lui-même. Il eut la sensation que le royaume entier s'écroulait autour de sa personne.

Partout on fit des cérémonies religieuses pour le repos de l'âme des victimes de Blois, avec des oraisons funèbres flétrissant le meurtrier. La Faculté de théologie de Paris, à la Sorbonne, prononça que le tyran étant déchu, nul n'était obligé de lui obéir. Le parlement était soupçonné compter parmi ses magistrats des politiques, gens dangereux, funestes, ennemis de la religion catholique, entre autres le premier président de Harlay : on l'envoya à la Bastille ainsi que les présidents Potier et de Thou, avec nombre de conseillers. Brisson fut nommé premier président et Mole procureur général. Une déclaration fut publiée par laquelle la Ligue annonçait son intention de défendre la religion, de poursuivre judiciairement la mort des Guises et de protéger les Etats généraux. De fait, une commission judiciaire instituée par le parlement commença l'enquête : nous avons conservé une partie des dépositions. Un héraut s'étant présenté de la part d'Henri III fut roué de coups et notification publique fut faite que la Ligue refusait d'avoir le moindre rapport avec Henri de Valois. Paris était en insurrection. Les Seize écrivirent à toutes les villes du royaume afin de les faire juges. Presque toutes les villes se prononcèrent pour eux, Rouen, Amiens, Chartres, Reims, Troyes, Angers, Marseille, le Mans, Toulouse. A Bordeaux, Matignon restait fidèle, mais Périgueux et Agen se déclarèrent. Lyon manifesta le 24 février. A leur tour les gouverneurs de provinces suivirent.

Henri III était affolé ; il pleurait, disant qu'il s'estimeroit heureux que quelqu'un l'eût déjà tué. Sauf Blois, Tours, Saumur, Bordeaux et quelques îlots, il ne tenait plus rien. Il prononça la dissolution des États généraux, expédia partout, pour expliquer ce qu'il avait fait, une déclaration qui ne fut même pas reçue. En mai, arriva de Rome pour l'achever une bulle de Sixte-Quint déclarant que si dans les dix jours Henri de Valois, disait le texte, ne relâchait pas le cardinal de Bourbon et l'archevêque de Lyon, il était excommunié ; et sommant le prince de venir à Rome répondre du sang du cardinal de Guise criminellement versé par lui. C'était le coup de grâce. La France entière tint Henri III pour excommunié.

Prenant le titre de lieutenant général, le duc de Mayenne se trouva être le chef de la Ligue. H convoqua les Etats généraux. Dans sa détresse pitoyable, le malheureux Henri III le déclara. lui et d'Aumale, félons : il appelait à son secours le ban et l'arrière-ban de son royaume, cette noblesse qui, au fond, désolée des événements, humiliée des excès démagogiques de Paris, lui restait un peu fidèle, mais demeurait surprise et silencieuse. Quoiqu'il n'eût plus d'argent et que les impôts ne rentrassent plus, il envoya M. de Sancy en Suisse lui recruter des troupes. Où irait-il lui-même, au milieu de la haine générale ? Tiendrait-il longtemps à Blois ? Là-dessus l'ami des anciens jours, celui qu'il avait tant comblé, d'Epernon, accourut à lui, et reprenant l'idée qu'il avait toujours soutenue, qui avait causé sa disgrâce, il supplia Henri III de joindre maintenant sa fortune à celle du roi de Navarre, son héritier. Justement à ce moment, le 4 mars, Henri de Navarre venait de publier une déclaration d'un ton noble et élevé dans laquelle généreusement il tendait la main : Pitié, confusion, misère partout, disait-il, voilà le fruit de la guerre ; je demande la paix au nom de tous au roi mon seigneur ; je la demande pour moi, pour tous les Français, pour la France ! Il priait le roi de pardonner et d'accueillir ceux qui viendraient se ranger sous son obéissance. Il n'y avait plus à balancer. Du Plessis-Mornay, Sully se rendirent secrètement à Tours où était Henri III, afin de causer. La jonction fut décidée et un traité en régla les conditions. Tout le royaume s'écria qu'enfin le faux mufle était découvert du grand hypocrite de la France ! le tyran avait mis le comble à ses trahisons, perfidies, sacrilèges, exactions, cruautés et hontes ; il avait jeté le masque et s'avouait définitivement le défenseur de l'hérésie.

La rencontre des deux rois eut lieu au château du Plessis-lès-Tours le 30 avril 1589, dans le parc. Henri de Navarre peu fortuné arriva portant un pourpoint usé sur les épaules et au côté par la cuirasse, un haut-de-chausses de velours feuille morte, un manteau rouge écarlate, un chapeau gris avec un grand panache blanc, costume de soldat en campagne. Il y avait tant de foule que les deux souverains eurent peine à se joindre. Ils s'embrassèrent extrêmement émus. Henri de Navarre pleurait. On avait voulu Je mettre en défiance contre une démarche aussi dangereuse, étant donné celui à qui il avait affaire ; il avait tenu bon : La glace a été rompue, écrivait-il le soir à Du Plessis-Mornay ; j'ai passé l'eau en me recommandant à Dieu.

Sous un chef de la valeur d'Henri de Béarn les conditions de la lutte étaient différentes. Esprit net et résolu, le roi de Navarre décida qu'il fallait rassembler immédiatement tout ce qu'on aurait de troupes sous la main et marcher droit vers Paris. La noblesse, à laquelle il était après tout sympathique, par ses qualités brillantes, et qui maintenant le voyait aux côtés du roi légitime, arrivait. Les troupes protestantes avaient rallié : on se mit en marche ; Henri de Navarre mena vivement. On eut quelques succès dans de petites affaires, aucune résistance sérieuse. Le 24 juillet Pontoise était enlevé. Le 25, Sancy rejoignait amenant 16.000 soldats qu'il avait pu recruter en Allemagne et en Suisse. L'armée royale allait compter le chiffre imposant de 42.000 hommes. Le 29, le pont de Saint-Cloud fut occupé et les troupes s'étendirent de ce point à Vaugirard. L'espoir renaissait. Devant l'énergique allure des rois, la population parisienne troublée hésitait ; les politiques parlaient. Le 30, Mayenne fit arrêter 300 personnes afin de comprimer la réaction menaçante. Mais les tranchées étaient commencées ; le travail avançait ; Henri de Béarn avait décidé que le 2 août on tenterait l'assaut ; et il semblait que le succès fût certain. Déjà Mayenne désespéré avait résolu de sortir de la ville et plutôt que de se laisser prendre et étouffer, voulait se jeter à rase campagne sur l'armée royale, lorsque le 1er août au matin une nouvelle se répandit subitement qui bouleversait les espérances des uns et les craintes des autres : Henri III venait d'être assassiné !

Au milieu des passions déchaînées et de l'effervescence d'une population furieuse, il s'était trouvé un individu à l'esprit fruste qui prenant au pied de la lettre les malédictions prodiguées au roi tyran, destructeur de la religion, avait pensé, à l'image des exemples similaires rapportés par l'Ancien Testament, accomplir un haut fait en débarrassant l'Église de Dieu du monstre qui voulait la ruiner. C'était un religieux dominicain, ou, comme on disait, un jacobin, âgé de vingt-huit ans. L'idée étant devenue fixe chez lui, il s'était cru Jéhu, Judith, désigné par la Providence pour le salut de son peuple. Arrêté par un dernier scrupule, il consulta des docteurs afin de leur demander, — la question, prétendait-il, lui avait été posée théoriquement par un tiers, — si on pouvait sans péché tuer Henri de Valois, et, dans le cas où on serait assommé sur le coup, aller au ciel. Les docteurs avaient répondu théologiquement que : le meurtrier qui avait en vue un intérêt personnel ou la satisfaction d'une vengeance, commettait un péché grave ; mais que s'il se proposait seulement le bien général et l'intérêt de la religion, son action était méritoire, et qu'il n'y avait nul doute que mourant là-dessus, il ne fût sauvé et bienheureux. Clément se prépara ; il jeûna, pria, communia. L'annonce de l'assaut le décida. Il obtint, après des difficultés, une lettre d'introduction pour l'entourage d'Henri III, d'un prisonnier royaliste détenu, le comte de Brienne. Le roi habitait à Saint-Cloud la maison de M. de Gondi, dite la maison rouge, située sur la colline, un peu au-dessus du bourg, à gauche, du côté de Meudon. Clément se présenta aux avant-postes, se fit conduire à M. La Guesle, procureur général du Parlement, qui était à deux pas et lui demanda de le présenter au roi sous prétexte de parler à Sa Majesté de certain complot qui se tramait à Paris afin de livrer au prince une des portes de la ville. La Guesle interrogea le religieux et comme, après tout, le fait pouvait être vrai, lui promit de le conduire au roi le lendemain matin.

Le lendemain 1er août, à sept heures, Clément était à la maison rouge. Il attendit une heure ; le roi se levait. L'entourage s'opposa à ce que le prince reçût ainsi un inconnu ; mais Henri III répondit que s'il refusait d'accueillir un prêtre et un religieux, cela ferait mauvais effet. A huit heures, le dominicain fut introduit : il portait dans sa grande manche blanche un méchant petit couteau ; le roi n'avait que son haut-de-chausses et une robe de chambre sur les épaules. Clément fit la révérence, présenta sa lettre à lire et pendant que le roi lisait, faisant semblant de chercher dans sa manche un autre papier, tira le couteau et d'un mouvement rapide, violent, le lui plongea dans le ventre. Henri III avait deviné ; il se baissa vivement pour parer le coup : il était trop tard. Ah ! le méchant, il m'a tué ! s'écria-t-il ! Qu'on le tue ! On se précipitait ; bousculé dans un coin de la pièce, Clément était transpercé de coups d'épée et expirait. Après une hémorragie abondante, Henri III fut porté sur son lit et pansé ; il souffrait peu. Les médecins lui dirent que ce ne serait rien ; mais le premier chirurgien Portail en sondant avait vu que l'intestin était perforé et jugé que le roi était perdu. Le soir, la plaie s'envenima, la fièvre parut, les douleurs se firent sentir très vives. Henri III comprit que c'était fini ; il fut calme et résigné. Il dit au roi de Navarre en l'embrassant : Je meurs content en vous voyant auprès de moi. La couronne est vôtre. Je commande à tous les officiers de vous reconnaître pour leur roi après moi. Henri de Navarre baisait la main du moribond, les yeux pleins de larmes ; les assistants, à genoux, promettaient ; le roi ajouta, parlant à Henri de Béarn : Vous aurez beaucoup de traverses si vous ne vous résolvez à changer de religion : je vous y exhorte. A minuit, il perdit connaissance ; à trois heures du matin, il était mort.

Catherine de Médicis l'avait précédé dans la tombe. Impressionnée outre mesure par l’exécution des Guises, à Blois, elle avait eu à la suite une scène avec le cardinal de Bourbon dans laquelle celui-ci lui reprochant ce qui s'était passé s'était écrié : Ah ! Madame, ce sont de vos tours ! vous nous faites tous mourir ! Elle avait protesté avec véhémence, disant qu'elle n'y était pour rien ; puis elle avait dit : Je n'en puis plus, il faut que je me mette au lit. Elle ne s'était pas relevée ; atteinte de pneumonie, elle était morte le 5 janvier 1589, à l'âge de soixante-dix ans, au milieu de l'indifférence du public dont l'attention était ailleurs. On n'en avoit fait pas plus de compte que d'une chèvre morte et les Parisiens avaient déclaré que si on portait son corps à Saint-Denis ils le jetteraient à la voirie. Il ne restait plus aucun prince maintenant de toute cette famille royale si nombreuse, si brillante d'Henri II et la couronne revenait à un hérétique dont la France ne voulait pas !

 

SOURCES. Les textes cités aux deux chapitres précédents, plus : Mémoires du duc de Nevers, éd. Gomberville, 1665 ; Mémoires d'État de Villeroy, 1665 : Mémoires de la Ligue, 1738 ; Combes, Lettres inédites de Henri de Guise, de Catherine de Médicis et de Henri de Navarre, 1879 ; Henri IV, Lettres missives, éd. Berger de Xivrey, 1843 ; Sully, Économies royales, éd. Michaud et Poujoulat ; Du Plessis-Mornay, Mémoires et correspondance, 1824 ; Pierre de l'Estoile, Mémoires-Journaux, éd. G. Brunet, 1875 : Lettres de Busbecq, ambassadeur de l'empereur, dans Cimber et Danjou, Archives curieuses, t. X ; H. Davila, Histoire des guerres civiles de France, éd. Mallet. 1737 ; Loutchizky, Documents inédits sur la Réforme et la Ligue, 1875 ; Dubois, La Ligue, documents relatifs à la Picardie, 1859 ; Documents historiques sur l'assassinat des duc et cardinal de Guise, dans Revue rétrospective, t. III et IV, 1834 ; Nicolas Poullain, Journal, dans Cimber et Danjou, Archives curieuses, t. XI ; Diegerick et Müller, Documents concernant les relations entre le duc d'Anjou et les Pays-Bas, 1889.

OUVRAGES. Ceux qui ont été indiqués au chapitre précédent, plus : Marquis de Noailles, Henri de Valois et la Pologne en 1572, 1867 ; M. W. Freer, Henri III King of France, his court and times, 1858 ; E. Frémy, Henri III pénitent, 1885 : Comte de Baillon, Histoire de Louise de Lorraine, 1884 ; E. Charleville, Les États généraux de 1576, 1901 ; V. de Chalambert, Histoire de la Ligue, 1854 ; H. de l'Épinois, La Ligne et les papes, 1886 : F. Décrue, Le parti des politiques au lendemain de la Saint-Barthélemy, 1892 ; Robiquet, Paris et la Ligue, 1886 ; B. Zeller, Le mouvement guisard en 1588, 1889 ; A. Gérard, La révolte et le siège de Paris (dans Mém. de la Soc. de l'hist. de Paris, 1906) : Baguenault de Puchesse, Les négociations de Catherine de Médicis à Paris après la journée des barricades, 1903 ; Richard, Pierre d'Épinac, archevêque de Lyon, 1901.