LA VIE INTIME D'UNE REINE DE FRANCE AU XVIIe SIÈCLE

 

CHAPITRE II. — LA JOURNÉE DE LA REINE.

 

 

Impression pénible de Marie de Médicis en arrivant au Louvre en 1601 dans son appartement. — Description de cet appartement embelli par elle. — Disposition des pièces, meubles, tentures, objets d'art. — Réveil du couple royal le matin ; le bouillon. — Lever de la reine. — Sa toilette. — Costumes, bijoux, parfums. — Premières audiences. — La messe ; le dîner. — Cérémonial du repas, la table, le couvert, le menu. — Occupations de l'après-midi : les petits chiens. — Livres et littérateurs. — Loteries, musique et concerts. — Les sorties : le jardin du Louvre. — En carrosse dans Paris, buts des sorties. — La foire de Saint-Germain et ses distractions. — Promenades à Saint-Germain, Issy, Poissy. — La villégiature de Fontainebleau. — Vers quatre ou cinq heures, collation, puis réception, le cercle. — Presque jamais de grands dîners. — Le couple royal s'invitant chez des particuliers. — Le souper de la reine. — La soirée : le théâtre ; l'hôtel de Bourgogne ; les Italiens ; Arlequin. — Fêtes : les ballets. — Cercle intime dans le cabinet de la reine le soir ; jeux de cartes. — A onze heures fermeture du Louvre. — Correspondance. — Coucher de la reine.

 

Lorsque le 9 février 1601, tard dans la soirée, Marie de Médicis arrivant à Paris après son mariage, entra pour la première fois au Louvre ; que de l'étroite et vilaine petite rue d'Autriche elle s'engagea sous la porte du palais, porte flanquée de deux grosses tours du moyen âge, et si peu large que le carrosse pouvait à peine passer, si sombre, qu'un ambassadeur étranger s'écriait : Zeste d'une telle entrée ! elle seroit meilleure pour une prison que pour la maison d'un si grand prince ! ; lorsque après avoir traversé la cour déserte,— moins du quart de la cour actuelle, — monté le grand degré, — notre escalier Henri II, — traversé la salle haute du Louvre, — la salle Lacaze, — sans rencontrer personne et à peine éclairée ; gagné par la chambre du roi son propre appartement où elle n'entrevit dans l'obscurité que des meubles défraîchis, des tentures passées et des peintures éteintes ; elle fut étonnée et effrayée croyant ou que ce n'estoit le Louvre ou que l'on faisoit cela pour se moquer d'elle ! Elle devait reconnaître ensuite que le mauvais ordre et la liberté de la cour de France étaient la seule cause de cette insuffisante réception. Héritière du goût des Médicis pour toutes les élégances de la vie et les richesses de l'art, elle ne tarda pas à transformer cet intérieur dans lequel depuis cinquante ans tant de reines avaient déjà vécu. C'est là, dans l'appartement embelli par elle, que nous allons la regarder vivre[1].

L'appartement de la reine occupe le premier étage de ce qu'on appelait alors le vieil corps d'hostel. Il comprend cinq pièces en enfilade ne donnant aujourd'hui que sur la cour, autrefois éclairées des deux côtés ; on en retrouve encore les murs de refend dans la partie actuelle du Musée du Louvre qui s'étend entre la salle dite des sept cheminées, et le milieu de l'aile donnant sur la Seine.

En haut de l'escalier spécial, le degré du quartier de la reine, la première salle est la salle des gardes. Là, se tiennent les dix gardes du corps et l'exempt, chargés du service d'honneur. Puis vient l'antichambre, où l'huissier Philippe Clément, vieux serviteur de la maison royale, passe ses journées devant un grand buffet et veille. Cette antichambre est la salle à manger de la Reine ; elle est éclairée par six bras de lumière fichés au mur, portant chacun un flambeau de cire jaune[2].

Le cabinet suit après : c'est le salon. Marie de Médicis y reçoit les nombreuses compagnies. Elle a fait repeindre les boiseries des murailles d'arabesques délicates à couleurs tendres. Un beau tapis d'Orient, commandé en Turquie par l'ambassadeur de France, M. de Brèves, couvre le carrelage ; çà et là, douze fauteuils, ou chaises à bras et douze chaises recouverts de velours cramoisi piqué de gros clous dorés. Des bibelots, souvenirs et cadeaux, sont disposés sur des cabinets d'ébène : un petit coffret de fil d'argent, envoyé par l'Électrice palatine ; une coupe d'agate, don de la maréchale de Fervaques ; le beau miroir de la duchesse de Mantoue que j'ai placé dans mon cabinet, écrit la reine, comme une pièce très digne d'y être mise en évidence. Quatre chandeliers d'argent vermeil doré éclairent les longues parties de cartes du soir et Dieu sait s'ils servent ! Dans la grande cheminée à manteau richement sculptée brillent des chenets d'argent pesant 33 marcs, 6 onces, 3 gros[3].

La chambre à coucher, qui succède, est la plus belle pièce : deux fenêtres donnent sur la cour et deux sur la Seine, celles-ci avec un balcon. Marie de Médicis a fait entièrement refaire les lambris de la cheminée, le plafond, les boiseries qui sont au chiffre d'Henri IV. Au mur du fond, s'appuie le beau lit de milieu, à montants de bois richement sculptés et dorés, enveloppé de courtines, monté sur plate-forme : on en change les tentures deux fois par an. Couverture, dais du lit, tapis mis sur les tables, tout est de la même étoffe, en soie pour l'été, en velours pour l'hiver. Le pavillon d'hiver est de velours cramoisi rose seiche. Les tapissiers Antoine, Pierre Rousselet et Simon Nantier ont fait la façon et posent l'ensemble. Autour du lit, l'isolant comme dans un sanctuaire, où personne n'a le droit d'entrer sauf les deux valets de chambre qui font le lit, règne un magnifique balustre d'argent plein, moulé et tourné, avec les garnitures nécessaires, aussi d'argent, vingt-quatre grandes plaques, aussi d'argent, pleines et ciselées et deux pots d'argent à pampres. Quatre grands porte-flambeaux aussi d'argent de la même provenance et du même artiste, sont posés aux quatre coins de la pièce ; le tout à coûté 45.000 livres. Sur les murs sont des portraits de la famille de Médicis. Plusieurs bahuts ou cabinets complètent le parement : en voici un façon de la Chine, à boutons d'argent pour les tiroirs, œuvre de Laurent Septabre, menuisier d'ébène, demeurant en la galerie du Louvre ; un autre plus grand, façon également de la Chine, doré, travail d'Etienne Sager, maître faiseur d'ouvrages de la Chine. C'est dans un de ces meubles que la reine conserve ses trésors, bijoux, cassettes d'or, vases d'or ; le fidèle valet de chambre, Nicolas Roger, orfèvre de son métier, en a la clef[4].

Enfin un coffret précieux, cadeau d'une princesse allemande, des coupes artistiques, des porcelaines rares, des paniers d'argent, un reliquaire garni de dix-neuf diamants et d'une perle, un bénitier de cristal monté sur argent doré avec son gupillon, une coupe de cristal faite en coquille, mille objets de valeur mis ici et là, achèvent de donner à la chambre un aspect somptueux. Comme le cabinet de la reine est gardé par un huissier spécial, Jean Mauderon, la chambre a aussi son gardien, l'huissier Antoine Drouin, et un garçon de la chambre, Nicolas Guilloret. Ils veillent à ce que personne ne passe devant le lit, même vide, sans s'incliner profondément, comme le veut le cérémonial.

La dernière pièce est le petit cabinet ; c'est la plus étroite ; elle a cinq mètres de large sur neuf de long, entresolée, l'entresol du dessus s'appelant l'entre-ciel. C'est dans cette pièce intime, retirée, chaude et gaie, que Marie de Médicis se tient de préférence. Elle y a même un petit lit de repos sur lequel elle passe volontiers la nuit, le cas échéant. Une porte donne directement dans la chambre à coucher du roi ; une autre communique avec le petit degré du roi, la petite montée, escalier situé dans l'angle même du palais, bien connu des intimes ! — il en existe encore un à la même place[5]. — Ici encore des bibelots précieux, des cristaux de Venise, une boîte de chagrin à serrure et à clef d'argent, des miroirs encadrés d'ébène, des bougeoirs d'or ciselé, mais aussi une grande boîte ferrée où Marie de Médicis tient ses titres et papiers concernant nos affaires. Sur la table recouverte d'un riche tapis d'Orient, elle écrit ou signe sa nombreuse correspondance, en se servant de la belle écritoire dont lui a fait cadeau le duc de Mantoue son beau-frère. Le petit nain Merlin fait fonctions d'huissier du cabinet. En plus des quelques œuvres d'art que nous avons notées, or, argent, joyaux antiques, médailles et tapisseries abondent dans l'appartement. Le valet de chambre Pierre Courtois est personnellement responsable de la garde du tout en même temps que Nicolas Roger. Nous ne parlons pas des coffres en bois sculpté dans lesquels s'entassent les robes et autres bardes de la reine. Ils sont dispersés aussi dans les entresols et en haut dans toutes les petites pièces multipliées pour le service, garde-robe, salle des femmes de chambre, salle des filles, salle des valets de chambre. C'est un monde un peu à l'étroit et confus[6]. Quand le couple royal fait bon ménage — ce qui n'arrive pas toujours ; — quand le roi n'est pas en course ou en voyage — et il se déplace souvent, — la reine s'éveille aux côtés du roi.

Au moins trois fois la semaine, les mardi, jeudi et vendredi, Henri IV tient Conseil de ses ministres ; de bonne heure, dès sept heures du matin, il saute promptement à bas du grand lit et disparaît. En temps ordinaire, il s'attarde un peu. Les intimes d'ailleurs peuvent entrer dans la chambre. Les matins de premier janvier, M. de Sully vient apporter au roi et à la reine leurs étrennes — des jetons d'or. Un de ces matins-là, où il les trouve encore enfermés derrière leurs rideaux, il exécute de grandes révérences muettes devant le lit, et Henri IV, finissant par percevoir quelque chose d'anormal, tire les courtines, demande ce que c'est et, reconnaissant le surintendant : Ah ! Mamie, dit-il à la reine, voici Rosny qui, je m'assure, nous vient apporter nos étrennes ![7] Il arrive que M. de Sully ne trouve pas le ménage si bien disposé. Un autre premier janvier, venant ainsi apporter les étrennes, après avoir parlé au roi, il s'adresse à la reine : Madame, lui dit-il en lui tendant les jetons, en voici aussi pour Votre Majesté ! Marie, tournée de l'autre côté, ne bouge pas : Donnez-les-moi, s'écrit le roi, elle ne dort pas ; elle est furieuse ; toute la nuit elle n'a fait que me tourmenter !

Les familiers admis le matin dans la chambre royale sont des jeunes gens, Bassompierre, le brillant cavalier, qu'Henri IV tutoie et que Marie entraînée traite de même ; d'anciens amis des jours de lutte, de Roquelaure, Frontenac, Loménie, la Varenne, surtout, qui s'amuse à conter des mots lestes. Avec le roi, la conversation ne chôme pas, vive, preste, plaisante, d'un sans-façon jovial et d'une liberté spirituelle. Quelque personnage, étranger au petit groupe, entre-t-il, il s'incline devant le lit et, pour converser avec Sa Majesté, s'agenouille sur un coussin ou carreau. Entre temps, on apporte au roi et à la reine leur bouillon qu'ils prennent dans le lit. Le roi enfin se lève et le plus haut personnage présent lui passe la chemise[8]

Henri IV parti, les quatre femmes de chambre sont entrées pour habiller la reine : mesdames Salvagia, la préférée, Florentine amenée d'Italie ; Catherine, autre personne de confiance, Ganche et Sauvat, toutes quatre très en faveur. On passe à la princesse une chemise en toile damassée d'or et de soie rouge, ouvrée de fil d'or, ou bien une chemise de soie blanche, de soie noire ; des bas de soie incarnats, jaunes ou bleus ; — elle ne met du noir que lorsqu'elle est en deuil. — Dans les coffres, on lui cherche quelque jupon. Il y en a des monceaux : en satin violet découpé ; satin blanc doublé de taffetas vert ; tabit de la Chine, doublé de taffetas jaune ; satin jaune, doublé de satin rouge ; satin incarnadin, doublé de jaune ; brocatelle légère à fond bleu, ou satin noir à fleurettes d'or. Elle choisit, garde sur sa tète la grande cornette de nuit de toile de chanvre avec laquelle elle a dormi, ajuste une veste et dans cette première tenue, en jupe et en coiffure de nuit, donne audience. Ce sont les gens de sa maison, de préférence, qu'elle reçoit alors, intendant, trésorier, contrôleur, maître d'hôtel, premier écuyer, venant demander les ordres.

Après quoi, elle procède à sa toilette. Un valet de chambre prend un vase posé sur le bahut de la chambre à coucher, et va chercher de l'eau, précédé de deux gardes du corps de l'antichambre. Les femmes de chambre ont mis sur une table la coquille, bassins et serviette. Marie se lave avec une éponge et se coiffe d'un peigne d'ivoire. En arrivant en France, elle a bien, pour garder auprès d'elle son amie d'enfance Léonora Galigaï, prétexté que celle-ci était la seule qui sût la coiffer. En réalité, elle se coiffe elle-même, haut, à l'italienne, ses nœuds justes. Elle reçoit encore et cause pendant qu'elle démêle ses longs cheveux, en les huilant d'huile de fleur d'oranger d'Espagne, pour y arrêter la poudre[9].

Quelle robe mettra-t-elle ? Importante affaire. Robes, bas de robe, manteaux, vestes, cimarres, pourpoints, mantelets, collets, elle a naturellement tout ce qu'une grande élégante du temps peut posséder, à profusion, et du plus riche style. On lui en volera même une bonne partie, un samedi, à deux heures du matin, en février 1613, ce qui donne une bizarre idée de la façon dont les intérieurs du Louvre sont gardés. La dame d'atour, Léonora Galigaï, est chargée de monter la garde-robe de Marie de Médicis ; elle reçoit du trésorier général de la maison de la reine 12.000 livres fixe par an, pour employer à l'achat et paiement des étoffes, robes, linge et autres bardes nécessaires pour notre personne. Léonora se fait apporter chez elle les soieries et velours, tels, une fois neuf aunes un quart de satin noir de Milan broché d'or et d'argent en façon de broderie, une autre fois quarante aunes de satin vert à fleuron d'or, ou bien cent deux aunes de brocatelle de soie fond noir relevé de jaune doré, blanc et bleu, la moindre de ces étoffes valant de 24 à 64 livres l'aune, la pièce seule, de 1.000 à 2.500 livres. Elle montre à Marie de Médicis, qui choisit.

Ace prix-là, les 12.000 livres annuelles sont vite épuisées. Heureusement pour les finances de la reine, son oncle, le grand-duc de Toscane, sa sœur, la duchesse de Mantoue, lui font, et souvent, cadeau de belles étoffes, qui sont expédiées par bateau de Livourne au Havre. Marie les apprécie et spécialement celles qui sont à fond blanc diversifiées de plusieurs couleurs[10].

Les deuils — Marie de Médicis en portera souvent — sont moins dispendieux ; on se contente ici de montcayar, serge ou étoffe de laine croisée et fort déliée dont on fait des habits longs ; d'une petite robe noire d'étamine, ou d'une robe de crespin noir ; d'un grand voile fort commode et aisé ; sur la teste, une coiffe à point avec un bouillon et une écharpe sur la robe, le tout de volant[11].

Quand l'étoffe est choisie, que le mercier et passementier Baron a fourni passement et garnison d'or, d'argent et de soie et or filé, le tailleur de la reine, Jacques Zoccoli exécute, encore un homme de confiance, amené de Florence, notre tailleur et valet de chambre ordinaire, neveu d'un ancien tailleur des Médicis, Dominique d'Elbène. Marie de Médicis porte le costume français con molto gusto universale !

Laissant de côté grandes robes de parade : — robe de toile d'or à fond colombin, à grande queue, robe de drap d'or et d'argent brodée, robe de velours bleu semée de fleurs de lys d'or, — Marie a pris quelque vêtement plus simple, de satin incarnadin[12]. On l'a parée. Elle met ses bijoux : elle en a des quantités, dispersés dans ses cabinets. Elle a passé sa bague. Elle prend ses bracelets d'or, garnis de 72 petits diamants, payés 1.050 livres à François le Prestre, marchand joaillier de Paris ; ses pendants d'oreilles, deux gros diamants entourés d'autres petits, montés par le joaillier Jean Subtil ; sa montre, une montre d'or de 2.100 livres en forme d'ovale garnie de plusieurs diamants. Elle met dans sa poche pour la messe un chapelet rosaire d'or esmaillé, fait en chaîne, enrichi de diamants, un rien de 9.600 livres ; puis elle se parfume.

Marie adore les parfums. Les odeurs, du reste, sont pour elle un agrément nécessaire. Henri IV, qui a d'exquises qualités, a aussi quelques infirmités. Sa trop bonne amie, Henriette d'Entraigues, marquise de Verneuil, terrible femme au fond, commune et de langage trivial, lui déclare crûment qu'il sent comme charogne ! S'il est vrai, comme l'a dit Agrippa d'Aubigné dans le Baron de Fæneste, qu'en ce temps on connaisse fort bien un gentilhomme au sentir, le roi se fait connaître le premier gentilhomme du royaume. Marie se garnit donc d'essences de son pays. Elle sème dans tous ses coffres d'habits, dans tous ses meubles, dans toutes ses affaires, les sachets de parfums, sachets de taffetas incarnadin remplis de rose parfumée, sachets de rose de senteur, faits de satin de plusieurs couleurs bandés d'or et de soie, sachets de satin brodés d'or et d'argent, remplis de roses musquées : un de ceux-ci, bleu céleste, coûte 60 livres, les autres 50[13]

Elle a des parfumeurs attitrés, en nombre, dont elle essaye tous les produits et qui, non pas fournissent, mais, comme on dit en ce temps-là, sentent Sa Majesté. Simon Devaux, Emmanuel Mandez, un Portugais de Bragance qui habite rue de l'Arbre sec, au logis de madame Jacquette, apothicaire ; surtout un certain Arnauld Maren, également étranger. A celui-ci Léonora Galigaï fournit un local dans son hôtel de la rue Tournon, pour y pratiquer ses distillations savantes, et Marie de Médicis vient assister à ses travaux ; elle s'amuse à mettre la main aux alambics, en présence de madame de Guise et du vieil ami et banquier, M. Zamet, comme elle se divertit aussi à Fontainebleau à fabriquer des parfums. Elle ne se contente pas de ce qui est produit à Paris, elle fait venir de Florence huiles et poudres, principalement de l'huile de jasmin, d'ambre et musc : on dit des gants de jasmin ; des gants d'ambre. Les gants sont parfois munis, pour attacher et fermer, de six boutons d'or esmaillé, garni d'un grand diamant chacun, le tout valant 1.800 livres[14]. Marie s'est assurée que sa collerette de dentelle, une de ces magnifiques collerettes de point de Venise qui coûtent les yeux de la tête, dont elle a ample provision, et que lui raccommode la lingère Marguerite Chartier, est bien ajustée. On lui a mis ses chaussures faites par la cordonnière Judith Leblanc, qui habite Loudun, et les a apportées exprès à Paris. La reine est prête. Elle passe dans le grand cabinet[15]. Marie va donner ses audiences. La pièce est remplie : grands seigneurs, habitués, étrangers de marque, qui viennent faire la révérence, nouveaux promus, soucieux d'offrir leurs remerciements, nouvellistes et amis, tel Malherbe, en quête de renseignements ; c'est un bruissement, un remous élégant, parfois très vif, lorsqu'il y a là quelque gentilhomme gascon au bagout endiablé — il y en a souvent — ou quand quelque événement grave s'est produit.

Autrefois, les reines de France dévoient baiser les princes, ducs et officiers de la couronne, qui les saluaient. Marie a refusé d'accepter cet usage, suppliant le roi de ne baiser que lui seul. Henri IV a acquiescé ; en compensation, il a accordé aux princes, ducs et officiers, d'entrer au Cabinet de la reine sa femme, ce qui ne se souloit faire auparavant. Quand on salue Sa Majesté, on fait une première grande révérence à trois ou quatre pas, puis on s'approche, on met un genou en terre et on prend le bas de la robe qu'on porte à ses lèvres. La reine relève en donnant sa main à baiser ; son mot habituel est : Vous soyez le bienvenu. Elle a beaucoup de dignité dans le geste et elle est sévère sur la tenue. Dieu sait ce qu'il en coûtera à certain gentilhomme impétueux, qui se disputant avec un autre dans le Cabinet de la reine, soufflette le compère. Il risqua la Bastille pour avoir profanisé l'appartement royal[16].

La réception finie, Marie va à la messe : le cérémonial de la journée d'un roi et d'une reine de France comporte l'assistance à l'office quotidien. C'est une occasion de sortie, car les souverains ne se rendent guère à la chapelle du Louvre, bien que le chapelain et l'aumônier y disent la messe et que les Augustins, par surcroît, viennent, chaque matin, du couvent situé en face, de l'autre côté de la Seine, y célébrer l'office. — La reine a même sa petite chapelle à elle dans la tour située près de son antichambre et qui regarde le Pont-Neuf : elle la néglige. — Le roi s'en va à pied aux Feuillants, en traversant le jardin, et la reine ici, là, au Petit-Bourbon — elle dit : aller à la messe en Bourbon ; — mais cette chapelle est trop obscure ; aux Cordeliers encore, où en arrivant on lui chante le Salve regina, ce qui scandalise les âmes pieuses. Cependant, comme elle est paroissienne de Saint-Germain-l'Auxerrois, c'est là qu'elle va le plus souvent et qu'elle offre, le lundi de la Quasimodo, le pain bénit.

Parmi les livres qu'elle emporte à la messe, il en est deux que nous avons conservés[17]. Un gentilhomme lui porte son missel, comme des valets ont au préalable transporté à l'endroit où elle entend l'office, le tapis de pied et les coussins épais qui lui servent de siège. Pendant la messe un clerc dit tout haut à l'assistance de se lever ou de s'agenouiller aux moments voulus. Les samedis Marie de Médicis assiste aux vêpres à Saint-Victor et va faire ses prières en la basse chappelle de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle[18].

Au retour de la messe, la reine déjeune, ou, comme on dit en ce temps, elle dîne.

Henri IV et Marie, ordinairement, prennent leurs repas de compagnie, dans l'antichambre de la reine, mais souvent aussi, en temps de querelle, ou pour toute autre raison, ils mangent chacun chez soi, la reine dans son petit cabinet, dans l'entresol, n'importe où, puisqu'on lui apporte la table servie. Quand ils dînent séparément, Henri IV, bon garçon, trouvant sous sa fourchette un morceau succulent, prie quelqu'un d'aller en porter un quartier à la reine. Dans les moments de brouille la reine renverra sèchement le quartier parce qu'elle craint le poison, concluent les mouches de cour[19].

Les heures de ce repas ne sont pas régulières. Les jours où la reine s'est attardée dans sa chambre, le roi est obligé de la prévenir et l'haste de s'habiller. Bien souvent il a été à la chasse le matin et a grand faim ; il prend des acomptes. Traversant un jour la grande salle haute du Louvre, il aperçoit un de ses gentilshommes, la Clielle, et près de lui, un autre, Parfait, portant un bassin doré couvert d'une belle serviette. Parfait s'écrie :

Ah ! Sire, embrassez-moi la cuisse, car j'en ai quantité et de fort bonnes ! Ce sont des melons qu'il apporte et dont Henri IV raffole.

Voilà Parfait bien réjoui, riposte Henri IV à ceux qui le suivent, cela lui fera un doigt de lard sur les côtes ! Il m'apporte de bons melons dont je suis bien aise ; j'en veux manger aujourd'hui tout mon saoul ! d'autant qu'ils ne me font jamais mal, quand ils sont bons et que je les mange quand j'ai faim. Or, je meurs de faim, et en attendant mieux, je m'en vais commencer à manger mes melons et boire un trait de muscat[20].

Marie de Médicis est prête. Mais ce sont les cuisines maintenant qui ne le sont pas. Le roi réclame jusqu'à deux et trois fois. Enfin le premier maître d'hôtel est venu prononcer le mot sacramentel :

Sire, la viande de Votre Majesté est portée !

Le couple royal se met à table.

Quand le roi mange dans son Palais, ni prince, ni cardinaux, personne ne mange avec lui que la Reine. Il se lave les mains dans une aiguière de vermeil : c'est la reine qui lui tend la serviette.

Tout autour de la table royale les Suisses de garde ont pris place afin d'assurer l'ordre, le public de la cour étant admis à assister au repas. Ils se tiennent appuyés sur leurs hallebardes, revêtus de leur costume à bandes bouffantes multicolores, de velours tanné blanc, bleu et incarnat, qui sont les couleurs de la maison de Bourbon, coiffés de leur toque de même couleur, tous vieux Helvètes à grande barbe, parlant l'allemand des Quatre-Cantons et très anciens serviteurs de la couronne. Ce sont les gentilshommes servants qui font le service — trois pour le Roi, trois pour la Reine ; — ils prennent les plats des mains des gens de la bouche qui les apportent dans la pièce.

Autrefois ces gens n'avaient pas le droit d'entrer ; mais depuis que M. le Prince de Condé a été empoisonné d'une tourte portée par un sien page, les officiers de la bouche ont déclaré qu'ils ne vouloient plus répondre de la viande du roi portée par d'autres qu'eux. On les a admis[21].

Sur la belle nappe de linge damassé portant les armes du roi et de la reine, ouvrage de Flandre et façon de Damas, le couvert a été mis : deux assiettes d'argent, pour chacun et devant, la nef royale d'argent doré, dans laquelle le roi prend sa serviette finement plissée et son couvert, et où la reine met son éventail ainsi que ses gants ; couteau, fourchette et cuiller qu'Henri IV a fait venir de Pau, par économies ; l'ancienne argenterie du roi de Navarre, d'ailleurs très riche et fort élégante, servant maintenant au roi de France[22].

Le menu est lourd et abondant. Il comprend régulièrement pour le repas du matin : quatre entrées, quatre potages, entre lesquels le roi et la reine choisissent un service de viande bouillie, à savoir une pièce de bœuf de dix livres, un haut côté de mouton, un chapon, une pièce de veau, trois poulets ; un service de viande rôtie, composé de : une épaule de mouton, deux chapons, deux gibiers, une longe de veau, trois poulets, trois pigeons, une pièce de mouton, une pièce de veau. Les dimanche, mardi et jeudi on ajoute un pâté de chapon. Les jours maigres, où le menu est plus mince, on sert un brochet et une carpe.

Au souper du soir le service sera identique, avec de petites différences. Comme bouilli : un chapon, une pièce de veau, trois pigeons ; comme rôti : un membre de mouton, une longe de veau, deux chapons, deux gibiers, trois gelinottes, trois poulets, une pièce de mouton, quatre poulets fricassés et un gigot de mouton pour le dégoust. Il n'y a pas de légumes dans ce programme. Les perdreaux et les cailles ne figurent que lorsque Henri IV en rapporte de la chasse. De la duchesse de Mantoue, on reçoit des caisses de saucisson mortadelle et de fromage. Le duc, lui, envoie des fruits et du poisson, des carpions.

Il y a un dessert, bien qu'il ne figure pas sur le menu dressé par le premier maître d'hôtel de la reine, M. le vicomte de Charmel, et contresigné de Marie de Médicis. Le dessert, ce sont des confitures — madame l'Abbesse de Saint-Pierre de Reims en envoie de délicieuses, — des pommes, des oranges, raisins muscats, citrons, grenades, poncifs, envoyés de Provence par des négociants décorés du titre de fruitiers de Roi, Claude Roquette, Barthélemy Saiche. Marie d'ailleurs a un jardin fruitier à Saint-Germain, auquel elle tient autant qu'à un trésor. Elle défend expressément que ses enfants, qui habitent le château, pénètrent dans le petit jardin : Vous nous répondez de tous les fruits, écrit-elle à madame de Monglat, la gouvernante, et spécialement des abricots desquels on a fait le compte. S'il s'y cueille seulement un abricot, quand ce seroit pour nos enfants propres, nous nous en prendrons à vous !

Le vin servi à la table royale, dans une bouteille recouverte d'osier, est du claret, vin blanc ou vin rouge. Il en est prévu, par jour, pour le dîner et le souper de la reine, un setier, soit sept litres et demi. Avant de verser le vin dans le verre à pied, en cristal, d'Henri IV ou de Marie, le gentilhomme servant doit l'essayer au préalable devant Leurs Majestés dans un autre verre, à part. Une fois le gentilhomme se trompe et lampe le verre du roi :

Eh, l'ami ! crie Henri IV riant, au moins devriez-vous boire à ma santé ; je vous eusse fait raison ![23]

Henri IV boit et mange énormément, d'ailleurs pas très proprement. Il se donne des indigestions de melons, quoi qu'il en dise. Il aurait pu faire sien le mot de Malherbe à Marie de Médicis, laquelle en rit beaucoup : Il n'y a que deux belles choses au monde, les roses et les femmes ; deux bons morceaux, les femmes et les melons ! La reine, elle, mange plus modérément. Pendant le repas, suivant l'humeur et les circonstances, le couple royal cause avec les gentilshommes et curieux, qui, derrière la ligne des Suisses, assistent à la cérémonie. Les règlements interdisent qu'on parle d'affaires aux princes à ce moment, mais seulement tout haut, d'histoires et autres choses de savoir et de vertu. Le dimanche les quinze instruments de la musique du roi viennent donner un concert pendant le repas. — Sous Henri III on chantait des psaumes. — Puis, les domestiques emportent la table, d'où l'expression : Les tables sont levées. Leurs Majestés se retirent chacune de leur côté, et les curieux s'en vont, convaincus qu'ils ont vu quelque chose d'extraordinaire, car le public s'imagine qu'un seul plat de la table royale coûte au Trésor 18.000 écus par an[24].

 

Quelquefois quand les rois sont aux cabinets, écrit Malherbe, les peuples croient qu'ils parlent de changer le pôle arctique à l'antarctique et, le plus souvent, ils prennent des mouches ![25]

L'après-midi, en effet, Marie de Médicis emploie ses loisirs à des occupations très simples et très diverses, entre lesquelles elle choisit. Elle va d'abord voir ses bêtes. Elle a toute une petite ménagerie de singes, de perroquets et de chiens, au milieu desquels elle adore prendre du plaisir[26]. Les chiens surtout la passionnent. Elle a un certain nombre de petites bêtes gentilles, musquées, qu'elle dorlote, qu'elle emporte avec elle dans son carrosse ou dans sa litière : Bichette d'abord : Je vous préviens, mande-t-elle à une amie, de l'accouchement de ma petite Bichette et comme elle a fait trois beaux petits chiens, dont il y en a un, entre les autres, qui a deux nez, qui est le plus beau et que je vous ai dédié ; Mignonnette, ensuite, pour laquelle elle demande à la duchesse d'Angoulême quelque bête de race faisant un mari sortable ; Turquette, blanche et grise, qu'on a une fois volée et à la recherche de laquelle Marie éplorée envoie valets de pied et gentilshommes, soucieuse surtout de savoir si la pauvre bête n'a pas rencontré, pendant son escapade, quelque galant compère indigne d'elle et trop entreprenant ; Roquette, qui fait, de temps en temps, de petits roquetons, etc. Ce petit monde gambade et aboie autour de la maîtresse indulgente.

Marie de Médicis a délégué au soin spécial des chiens un de ses domestiques, Pierre Guilloret, le porte-chaise, auquel elle donne, au 14 juillet, 75 livres de gratification. Sur les états de sa maison, elle compte, pour la nourriture de sa ménagerie, deux livres de pain par jour. Elle a, d'ailleurs, d'autres chiens que ceux-là : des barbets pour la chasse, qu'elle donne en cadeau ; surtout des lévriers d'attache qui sont objet pour elle de trafics nombreux et de dons appréciés. Elle préfère les lévriers blancs, en demande à droite, à gauche, en envoie douze, d'un coup, en Italie, où Concini, chargé de mission, les offrira. Le garçon de chambre Henri Dubois est préposé au soin des lévriers, qu'il nourrit à raison de huit sous par jour[27].

Marie, sortant de chez les bêtes, se retire ensuite dans son petit cabinet. Lit-elle ? Peu. D'abord elle n'a pas de bons yeux ; elle met des lunettes, étant myope ; ensuite, les choses sérieuses comme la lecture ne sont pas très de son fait. Elle écrit bien à ceux qui lui adressent ou dédient des livres — il en vient de partout et tel lui offre son œuvre d'une façon originale en la mettant sur l'autel des Feuillants, un jeudi saint, contenue dans une boîte de toile d'argent et de satin jaune brodé d'argent couvert de dentelle. — Je le verrai bien volontiers ; ou Je le verrai pour la considération du sujet. En réalité ce sont des paroles en l'air. Livres de dévotion, Histoire des Indes orientales du P. Dujarric, Panégyriques de la Vierge Marie, éloges en vers latins de Henri IV, les matières de tous ces livres qu'on lui adresse ne sont pas tentantes. Marie de Médicis sait bien qu'on ne les lui envoie que pour obtenir une gratification. Elle s'exécute. Tantôt elle est large, six cents livres ; tantôt elle se borne à une main de fort beau papier de Florence, ce qui provoque la grimace de l'auteur. Du reste, elle se fait honneur de protéger les gens de lettres : certain poète de Vérone ayant été banni du territoire de Venise pour s'être trouvé dans quelque rencontre meurtrière où vingt hommes, luttant contre sept, de nuit, ont envoyé ceux-ci de vie à trépassement, elle s'emploie activement en faveur du poète jusqu'à ce qu'elle ait obtenu le rappel du ban. De même elle fera instance auprès de la grande-duchesse de Toscane, sa tante, afin d'obtenir pour un autre disciple des Muses la permission d'imprimer de beaux poèmes ; et peut-être que la façon bienveillante dont elle intervient, en 1610, dans l'aventure d'un certain capitaine Scudéri, mis en prison au Havre pour avoir volé, en compagnie d'un nommé Barthélemy la Motte, vers 1606, sur un vaisseau flamand estant à la coste du Brésil, dans l'île de Saint-Dominique, n'est-elle pas un détail tout à fait étranger à l'histoire de la littérature[28]

Afin d'occuper son temps dans son petit cabinet, Marie joue aux loteries. Chaque joueur paie sa part du prix de l'objet mis en enjeu. La reine a, pour ce divertissement et autres menus plaisirs du même genre, un argent de poche montant au total régulier de 36.000 livres par an. Tel gagne, comme la marquise de Guercheville, une croix d'or émaillé, garnie et enrichie de dix émeraudes par devant, et, au derrière, d'un cristal ; et au-dessus la Passion représentée ; pesant environ deux onces : coût, 480 livres. Tel autre gagne un cabinet d'Allemagne d'une valeur de 1.656 livres ; la princesse de Conti, le duc de Guise, le prince de Joinville, d'autres sont de la partie ; la reine en a pour 276 livres, et elle perd, ce qui lui arrive généralement, les loteries du Cabinet ne paraissant pas d'une irréprochable honnêteté. A ces coûteuses distractions prennent part les Concini, qui paient facilement ; mais d'autres, comme Bassompierre, sont souvent sans un écu et couverts de dettes. Les risques vont loin : une fois, les objets mis en loterie sont une chaîne de diamants de 1.300 livres ; dix-huit boutons de diamants du même prix ; un portrait enrichi de diamants de la valeur de 6.000 livres. Marie de Médicis, que les émotions ravissent, va un peu étourdiment, sans s'inquiéter si les pertes à de semblables loteries n'accablent pas ceux qui l'entourent[29].

L'autre plaisir de la reine, plus agréable et moins dangereux pour l'entourage, c'est la musique. Marie l'aime sans passion, mais intelligemment, avec élégance. Elle a été à bonne école : Henri IV a bien monté sa Schola et en est fier. Elle-même, avec beaucoup de difficultés, réorganisera plusieurs fois sa troupe, dirigée par les maistres de musique Gabriel Bataille, Antoine Boisset, Michel Fabry, à des dates différentes le principal, surtout, Pierre Guédron, le compositeur le plus en renom du moment, celui qui compose les ballets de Cour, et qui est intendant de la musique de la chambre du roy. La troupe de Marie a des enfants pour soprani et, à titre de chanteurs, toute espèce de gens, voire même des chanoines, tel M. Guy le Page, chanoine de Saint-Julien du Mans. Parmi les instrumentistes, le préféré est le joueur de luth René Fancan ; la reine en fait le maître de grammaire des enfants de la chapelle de musique du roi ; elle paie à un autre, Robert Ballard, des appointements contigus à ses services, 4.200 livres tournois par an et des gratifications de 600 livres[30].

Les concerts se donnent aux Tuileries. Princesses et dames de la Cour accompagnent la reine, l'après-midi, pour y assister. Parfois on entend quelque chanteur réputé : Villars, que la reine Marguerite, la première femme d'Henri IV, a envoyé à celle qui lui a succédé ; Isabelle de la Camere, une Espagnole, passant par Paris pour aller en Flandre. Marie fait venir d'Italie des troupes célèbres. Elle demandera au grand-duc de Toscane de lui prêter, pour quelques mois, son concert de musique de Julio Romano avec ses filles. Ce sont des heures exquises pour elle que ces auditions. Elle y assiste masquée[31].

Elle a d'autres distractions moins relevées : elle prendra son passe-temps à regarder des heures durant un joueur de cartes, Jean-Baptiste Capra, dit Montalboto, qui déploie son adresse et subtilité à faire des tours de mains, et plusieurs gentillesses avec beaucoup de dextérité : elle lui donnera même, comme marque de sa satisfaction, une chaîne d'or de 220 livres. Elle priera le duc de Lorraine de lui envoyer, pour quelque temps, certain bouffon dont on dit merveille, Nicolas Dalleret, surnommé Caporal ; et elle rira aux éclats des facéties du bonhomme. Elle aime la jovialité et les plaisanteries.

Enfin, Marie de Médicis, les après-midi, sort. Elle va souvent d'abord dans le jardin du Louvre, qui est très rigoureusement fermé, pour que Leurs Majestés puissent en jouir tranquillement[32]. Elle s'est fait arranger un petit enclos retiré, au bas du corps de bâtiment qu'elle habite, entre le fossé du Louvre et le chemin qui est le long de la Seine, sur l'emplacement actuel du jardin de l'Infante. C'était un terrain vague, encombré de pierres de marbre et autres pierres, entouré de plusieurs petites échoppes et appentis, occupé par des ouvriers : elle a commandé de tout nettoyer. Plus tard, au temps de sa régence, après le mariage de Louis XIII avec Anne d'Autriche, quand elle aura cédé le premier étage à la reine régnante, et sera descendue au rez-de-chaussée, elle fera jeter un pont-levis entre ce nouvel appartement et le petit jardin, par-dessus le fossé, pont-levis que le public perfide appellera le pont d'amour, croyant qu'il sert à conduire Marie chez Concini, lequel possède une petite maison au coin du jardin et du quai — pure calomnie d'ailleurs. — Elle fera clore ce jardin neuf ou petit jardin du Louvre, vers la Seine, par un mur surmonté d'une galerie à arcades supportant une terrasse où l'on mettra volières et orangers. Elle aura ainsi un petit parterre à elle[33].

Quelquefois, c'est au jardin des Tuileries qu'elle se rend. — On appelle même les Tuileries, la maison de la reine. — Elle s'y divertit à chasser au vol, et ne prend guère que des corbeaux[34].

Quand elle sort en ville, elle ne va jamais à pied, ni en chaise, mais en carrosse. Elle a commandé son carrosse ; le premier écuyer a transmis l'ordre à l'écurie de la reine, l'ancien hôtel Combault, près de Saint-Germain-l'Auxerrois. A l'heure dite, la lourde voiture entre avec précaution sous la porte trop basse et trop étroite du Louvre. Doré, doublé de velours rouge, orné aux portières de rideaux de damas de même couleur, le carrosse de la souveraine est traîné par six beaux chevaux blancs, que conduit un des deux cochers de corps, en livrée superbe, aux couleurs de la reine, le blanc et le bleu : pourpoint, chausses de draps à bandes de velours et bordées de passementeries ; casaque de drap, aussi à bandes de velours ; bas blancs, aiguillettes et ceinture d'or, grand chapeau. Sur les chevaux, sont montés des postillons habillés pareillement : draps et bandes de velours, aiguillettes ; derrière la voiture prennent place les valets de pied, portant une mantille et des chausses de velours, un pourpoint de chamois, un porte-espée. Précédé de deux écuyers, le carrosse a décrit une courbe pour venir au pied du degré du quartier de la reine. La foule de gentilshommes, de pages, de laquais, escorte habituelle des grands seigneurs, qui remplit toujours la cour, s'approche pour assister au départ. La reine monte, masquée, les femmes de qualité n'allant en carrosse que masquées. Autour de la voiture, pas de gardes à cheval : dans les rues de Paris étroites, tortueuses, mouvementées, on risquerait, avec une escorte, trop d'inextricables encombrements[35].

Les buts de promenade sont aussi variés que possible, mais la reine en a toujours un ; elle ne connaît pas le plaisir de faire errer ses chevaux sous des ombrages quelconques. Elle va à Chaillot, où elle a une maison, à la Muette ; elle va à l'hôtel de Gondi se promener dans le jardin pour lequel elle a une affection spéciale[36]. On lui a parlé du cabinet de curiosités d'un certain Guitard, demeurant sur le quai des Augustins, collectionneur de bibelots d'Orient, où ledit Guitard a longtemps séjourné ; elle lui fait l'honneur d'aller voir sa collection que le bonhomme exhibe avec une complaisance ravie : Ceci, lui dit-il, est un vase qui a cette propriété de ne pouvoir tenir aucun poison qu'il ne se casse incontinent, tellement qu'on se peut assurer qu'en buvant dedans on ne peut jamais être empoisonné. — Hélas ! observe la reine, il vaudrait mieux un vase qui permît, en buvant, de faire passer la mélancolie ! si le collectionneur en avait un de ce genre, elle le lui achèterait le poids de l'or et lui promettrait par surcroît d'en user constamment ! — Le ménage royal a eu sans doute ce jour-là quelque scène. — Une autre fois, on lui a dit que certaine femme a mis au monde un monstre de deux enfants joints en un seul corps, étrange et merveilleux accident ! Elle va le voir pour la nouveauté et rareté d'icelui pendant qu'Henri IV, moins curieux, se rend au Pré aux Clercs afin d'y chasser la pie[37].

Le roi et la reine sortent souvent ensemble. Ils vont à l’Arsenal regarder fondre des coulevrines, petite séance plaisante à laquelle les a conviés M. de Sully. L'Arsenal est un lieu de plaisir où se donnent fréquemment de brillantes fêtes et de jour et de nuit ; l'après-midi, des bagues en masques. La reine Marguerite, elle-même, organise pour la famille royale des joutes de ce genre : on rompt au faquin et en lice, on fait toutes sortes d'armes, de mascarades, de galanteries. Autrefois, c'était au Louvre même que se passaient ces exercices. Dans la cour pavée, autour du Mai planté au centre, les gentilshommes à cheval couraient, pendant que, des fenêtres, ou sur des théâtres, princes, princesses, seigneurs, gens de cour et valets, applaudissaient. Mais, en 1605, six gentilshommes voulant rompre une lance sur cette piste qu'on avait sablée, ont fait si bien que le jeune Bassompierre a eu le ventre traversé et a été transporté pantelant dans l'entresol de la reine. Henri IV a défendu le jeu[38].

Une belle époque pour les fêtes de plein air est le temps de carême-prenant. Marie va voir avec le roi tirer la quintaine sur le pont Notre-Dame, et contempler le spectacle de vingt-deux princes et seigneurs, MM. de Nevers, d'Aiguillon, de Rohan, de Soubise, de Termes, etc., tous masqués, superbement habillés, armés de toutes pièces, montés sur de très beaux chevaux, se donnant de grands coups de lance, ferraillant à l'épée, estocant au milieu d'une affluence énorme de peuple.

Belle époque encore, le temps de la foire de Saint-Germain, cette foire si pittoresque qui dure quinze jours, trois semaines, au début du carême. Des baraques établies sur l'emplacement du marché Saint-Germain actuel offrent au public un déballage considérable de toutes les marchandises possibles, étoffes, livres, joaillerie, linge, bijouterie, vaisselle, épicerie, faïence, dentelle. Il y vient des marchands de tous côtés, de France, des Allemagnes, de Flandre, d'Italie. C'est là que les curieux de publications nouvelles, tel Pierre de l'Estoile, se mettent au courant de la littérature. Par surcroît, tous les baladins de la terre se donnent rendez-vous à la foire ; ils ont monté aux abords les piquets de leurs tentes. Ils attirent la canaille. Pages, laquais, écoliers, soldats des gardes se livrent à mille insolences, se battent. La foire est un lieu d'intrigues et de débauches[39].

Le roi et la reine raffolent de cette foire. Le lendemain même de son arrivée à Paris, en 1601, Henri IV y conduisait Marie de Médicis, la tenant par la main, au milieu d'une foule si compacte que les gardes avaient toutes les peines du monde à leur frayer un passage, et qu'ils furent pressés et bousculés. Le roi y va tous les jours ; il ajourne ses départs pour n'en rien perdre. Une année — celle même de sa mort, 1610, — un temps abominable, neige, grésil, verglas, pluie froide entremêlée de grêle, avait provoqué dans Paris nombre de catarrhes et une coqueluche universelle ; le débit des marchandises était piètre, maigre et froid comme le temps. Le roi alla tout de même à la foire qui sans lui eût été déserte. C'est qu'il s'y amuse énormément. Il achète de petites figures de l'Arétin, quelques estampes inconvenantes de Marc-Antoine sans doute, qu'il montre en riant à M. de Montpensier et aux autres seigneurs ; ou bien, apercevant deux cordeliers qui marchandent des perles de huit écus l'once, il va, lui et les siens, les entourer, en se gaussant d'eux, ce qui fait fuir les honnêtes religieux. Mais surtout, il joue au coin des banques et jeux de la foire ; il a une loge, une baraque, dans laquelle est dressée la table et le tapis pour le brelan et là il s'en donne, ainsi qu'au jeu de dés ! Une fois, il perd 700 écus contre M. de Villars. C'est la passion du jeu qui lui fait, chaque année, prolonger la foire de huit jours, bien qu'il dise que c'est pour le plaisir que la reine prend à s'y promener.

La reine joue aussi à la foire ; elle y joue à des blanques, sorte de loteries où le billet blanc (d'où blanque) perd et le billet dit à bénéfices gagne ; à des loteries analogues à celles de son cabinet. Elle et ses amies se partagent le prix d'un objet et on tire. Les enjeux sont de grosses sommes. Une montre d'or, garnie de diamants, de 900 livres, n'est jouée qu'entre six ; pour une chaîne d'or garnie de diamants, Marie, qui a perdu, débourse à elle seule 1.800 livres ! Une montre d'or garnie de diamants, qu'on est dix à jouer et que gagne le duc de Guise, lui coûte 420 livres, ce qui est supérieur au dixième. Les lots ne sont guère que des pièces de joaillerie et d'orfèvrerie : une véronique d'or émaillée en forme de soleil, garnie de plusieurs petits diamants ; un Saint-Jérôme émaillé, en forme de boîte de reliquaire garni de même ; six fruitiers d'argent à jour ; un fruitier d'argent doré percé. Les orfèvres Jean Chancel et Nicolas Chrestien enverront à la reine pour une journée de foire une note de 678 livres ; François le Prestre, marchand orfèvre demeurant en la galerie du Palais à Paris, présentera un compte de 1.200 livres. Ces sommes représentent les parts perdues[40].

En dehors de ces parties coûteuses, la reine a l'habitude de faire des cadeaux à propos de la foire ; elle en fait à tous ses enfants, à tous ses parents, à ses amies ; elle leur écrit : Me promenant ici à la foire de Saint-Germain-des-Prés, je me suis souvenue de vous y acheter votre foire, que je vous envoie ; ou bien elle donne une somme à mademoiselle de Montpensier, par exemple, pour qu'elle s'achète ce qu'elle voudra. Elle met de 50 à 300 livres aux foires de chacun. Le carême-prenant et les boutiques de Saint-Germain grèvent fortement ses finances[41].

Il arrive que les sorties de la reine sont de petits voyages. Elle va le dimanche en carrosse entre sa dame d'honneur et sa dame d'atour ouïr vespres à Poissy afin de pouvoir, au retour, passer par Saint-Germain et dire bonjour aux enfants, qui y habitent. La reine Marguerite l'invite-t-elle à venir collationner dans sa propriété d'Issy, elle s'y rend volontiers et, en revenant, montée sur un genêt d'Espagne, galope bravement jusques à l'entrée du faubourg Saint-Germain. Car elle monte fort bien à cheval, et goûte particulièrement cet exercice.

Naturellement, la promenade la plus ordinaire est celle de Saint-Germain. La reine y va à cheval, en litière l'hiver. La litière, tapissée de velours rouge brodé d'or, est fermée de tous côtés, a des fenêtres vitrées et se chauffe au moyen de boules combustibles parfumées. Quand la reine est arrivée en France, cette litière était portée par des estafiers italiens. Henri IV les a congédiés ; de bons mulets du Poitou les ont remplacés, conduits par des muletiers, escortés de pages de l'écurie. En cours de route, si la reine veut chasser, elle monte alors sur une haquenée pour faire courir des lièvres[42]. Il arrive parfois au ménage royal d'aller passer la Seine au bac de Neuilly. Hélas ! le 9 juin 1606, vers cinq heures du soir, le carrosse arrivant au passage et manquant malheureusement l'entrée du bac, culbuta dans l'eau. La reine disparut. Ce fut une horrible émotion ! Mais chacun s'en tira sans autre inconvénient qu'un bain, et Henri IV finit par rire, prétendant qu'on avait voulu les faire boire parce qu'ils avaient mangé trop de mets salés, au dîner, et comme il avait été guéri net d'un mal de dent, il se réjouit d'avoir trouvé ce spécifique contre la douleur[43].

 

On a besoin, tous les ans, que le roi et la reine s'absentent de Paris afin de nettoyer le Louvre, d'aérer les chambres, de les désinfecter en les parfumant de bois de genièvre et de curer les fossés. Ils s'en vont trois semaines ici ou là. Ils ont d'ailleurs une villégiature annuelle, régulière : Fontainebleau, où ils résident septembre et octobre, quelquefois novembre, créant une habitude royale qui sera suivie jusqu'à la fin de l’ancien régime. Contrairement à l'opinion des Parisiens du temps qui croient que le jour n'est nulle part si clair qu'au Louvre, et ne prisent rien que l'air de Paris, Marie de Médicis a une préférence marquée pour Fontainebleau. Elle s'y rend fréquemment, à Pâques, en mai, en juin, surtout au printemps. Elle est peu accompagnée, car il n'y a pas beaucoup de place dans le château, quoi qu'il paraisse, ou du moins pas assez de meubles. Si des étrangers veulent y venir, comme l'envoyé florentin Vinta ou les ambassadeurs vénitiens, on les prie d'apporter leurs lits, des tentures, de la vaisselle, et même d'envoyer quelqu'un pour arrêter un logement. La musique du roi cantonne à Avon et Marie de Médicis n'invite ses amies que l'une après l'autre[44].

Marie se plaît infiniment dans le bel appartement qui donne sur le jardin de la reine (aujourd'hui de Diane), dans cette grande chambre à coucher qui servira à toutes les princesses jusqu'à Marie-Antoinette, tout près de ce salon ovale (dit maintenant de Louis XIII), où elle a voulu que ses enfants naquissent.

Elle vit simplement dans ce qu'Henri IV appelle nos délicieux déserts de Fontainebleau, n'y emporte de vêtements que juste ce qu'il lui faut, met modestement des chapeaux de paille, que la grande-duchesse de Toscane lui envoie d'Italie, des chapeaux de paille fine de Florence garnis de taffetas ou de satin incarnat. Elle se promène sans apparat dans le jardin avec son parasol fait de deux aunes entières de taffetas violet. Son grand passe-temps est d'aller jeter de la mangeaille aux oiseaux des volières, de regarder pêcher les carpes et de supputer leurs âges légendaires. L'on a pêché deux grandes carpes, écrit-elle à madame de Guise, dont l'une avait huit cents ans et encore quelques-uns disoient qu'elles estoient du temps de Noé et du Déluge ; l'autre n'avoit que trois ou quatre cents ans. J'ai mangé la teste de la première et prenois plaisir à fouiller dedans comme c'eût été dans quelque beau cabinet !

Le grand plaisir de Fontainebleau, pendant le principal séjour, est la chasse en forêt, que viennent suivre des troupes énormes de gentilshommes, quatre ou cinq cents, dit Bassompierre, les dames montées sur des haquenées richement harnachées, cohues multicolores et gaies[45].

Retournons au Louvre pour reprendre le fil de la journée royale.

 

Vers la fin de la journée, Marie de Médicis est rentrée au Palais. Après une petite collation de fruits, de confitures, arrosés d'un peu de vin, servie dans l'antichambre à elle et aux dames de sa suite, elle change de costume, et fait un peu de toilette. Dans son grand cabinet l'attend maintenant une assemblée toujours nombreuse, troupe affairée, à l'affût d'intrigues et de nouvelles, et qui veut être là, pour pouvoir dire par la ville le grand mot des gens de cour : J'ai été au Cabinetou au cercle... — on m'a dit au Cabinet... ! La reine y restera jusqu'à sept heures.

Le roi et la reine ne donnent presque pas de soupers, c'est-à-dire de grands dîners. Il faut une circonstance exceptionnelle, telle que le mariage du duc de Vendôme, fils naturel d'Henri IV, avec mademoiselle de Mercœur, la plus grosse héritière de France, ou le baptême du dauphin à Fontainebleau, pour que Leurs Majestés organisent un festin de gala. Outre que le cérémonial interdit de prendre place au Louvre à la table du roi, Henri IV n'aime pas gaspiller son argent. Quand il y a festin, peu d'hommes y sont invités ; ceux qui sont présents, grands seigneurs, officiers de la couronne, servent le roi et la reine : ce sont les dames qui dînent. On dresse trois tables dans la grande salle, trois tables en potence, dit-on en ce temps, en fer à cheval, disons-nous : celle du fond est quelquefois surélevée de trois ou quatre marches. Henri IV se met au milieu sous un baldaquin ; il a Marie de Médicis à sa droite, à sa gauche des cardinaux et des ambassadeurs. Près de la reine, s'asseyent de grandes dames : madame et mademoiselle de Guise, la comtesse d'Auvergne, la princesse de Conti. Les convives n'occupent qu'un côté de cette table ; ils n'ont personne devant eux. Sur les deux autres tables au contraire, on se fait vis-à-vis. Le roi est servi par le prince de Conti, le comte de Saint-Pol, M. de Guise ; la reine par MM. de Nevers, d'Elbeuf et de Joinville, qui font office de gentilshommes servants. Les Suisses, avec leurs hallebardes, entourent les tables et, au milieu d'eux, se pressent maîtres d'hôtel, officiers de la bouche, pages et porteurs[46].

Le roi et la reine vont quelquefois dîner en ville chez un particulier : c'est celui-ci qui paie. Le roi s'invite, car on n'a pas le droit de l'inviter, et il choisit lui-même les convives. Généralement l'amphitryon ne s'assoit pas à la table royale, il se tient debout derrière le fauteuil du prince, qui cause et rit avec lui ; mais il doit, devant le roi, essayer de tous les mets servis, pour bien montrer qu'il ne les a pas empoisonnés. L'heureux mortel qui a le plus souvent l'honneur de recevoir le roi est le banquier Zamet, réputé pour sa mine grave, noire et ses perpétuelles révérences ; il habite, rue Beautreillis, au Marais, une vaste et luxueuse maison ornée de superbes tapisseries évaluées à 400.000 florins. Issu d'une famille d'origine italienne, ayant fait une grosse fortune dans la banque, ce qui lui permet de rendre de grands services financiers au roi, M. Zamet est un ami pour la famille royale, un homme de confiance, qu'on nomme surintendant général de la maison de la reine en 1603. A tout propos, le roi ou la reine s'invitent chez lui. Passe-t-il seul à Paris, Henri IV ne prend ses repas que rue Beautreillis et y couche souvent, car il y a sa chambre : la chambre du roi. Donne-t-il un grand dîner pour l'anniversaire de sa naissance, c'est chez Zamet qu'il convie princes, princesses, seigneurs, dames de la cour et ambassadeurs. M. Zamet paraît toujours ravi derrière le fauteuil du roi[47].

M. de Sully, à l'Arsenal, est celui qui, après M. Zamet, voit le plus souvent Leurs Majestés à sa table. Puis ce sont les Concini, dans leur grand hôtel de la rue de Tournon : Henri IV, un peu surpris, admire la magnificence de la réception, les meubles très riches, l'argenterie abondante ; un concert suit le dîner. Puis enfin le maréchal Balagny et le premier président du Parlement ont de temps à autre l'honneur dispendieux de recevoir les princes. La reine, elle, va chez madame de Guise, chez la princesse de Conti, où elle commande une fois un souper de vingt-six personnes, dont un seul homme, le cardinal de Joyeuse.

Quand ils n'ont rien de mieux à faire, le roi et la reine soupent tranquillement au Louvre comme ils ont dîné, ensemble, dans l'antichambre, ou séparément, Marie de Médicis prenant parfois son repas dans son petit cabinet, où les femmes de chambre la servent simplement[48].

Leurs soirées sont ensuite occupées de diverses façons. Ils vont quelquefois au théâtre de l'hôtel de Bourgogne. Malheureusement, les comédiens sont assez bons coutumiers de ne jouer chose qui vaille et fréquemment Henri IV s'endort. Une fois on a représenté devant Leurs Majestés la plaisante farce d'un ivrogne lequel déclare à sa femme qu'il aime mieux boire son argent que de le donner en impôt au roi, et que, pour plus de sûreté, il prendra dorénavant du vin à six sols au lieu d'en boire à trois : Pour le moins, monsieur le roy, s'écrie-t-il, n'en croquera pas de cestui-là ! Va m'en quérir tout à ceste heure et marche ! Les agents du fisc arrivent ; le bonhomme fait surgir d'un coffre trois diables qui les emportent, après qu'ils ont subi une tirade sur leur prétendue qualité de gens de justice. Henri IV rit de cette fadaise jusqu'aux larmes ; les ministres se fâchèrent et leurs agents voulurent sévir. Le roi les traita de sots et les pria de rester tranquilles[49].

Marie de Médicis préfère de beaucoup les comédiens italiens. Elle fait venir tous les ans quelque troupe qui donne la comédie au moins une fois par semaine à la cour, et le reste du temps à la ville : c'est la comédiante Isabelle Andreni, qui n'a encore trouvé sa pareille en l'élégance, promptitude et facilité de toutes sortes de discours convenables à la scène et son monde, ou encore Julio Romano et sa bande, mais surtout Arlequin ; ah ! Arlequin, le favori, l'acteur à la mode, choyé par elle, gâté, fêté et comblé de présents ! Elle supplie le duc et la duchesse de Mantoue d'user de leur autorité toute-puissante pour décider la meilleure compagnie que faire se pourra à passer les monts, avec Arlequin. Elle écrit à celui-ci lettres sur lettres ; elle l'assure qu'elle tient prêtes 3 600 livres pour les frais de son voyage : le receveur général des finances de Lyon les lui paiera. Ce sont des négociations compliquées, qu'aggravent les vanités, les brouilles et les prétentions des comédiens. Arlequin ne peut pas venir : tel lui refuse son concours, dit-il ; tel est trop exigeant ; deux comédiens ne s'entendent pas ; ou bien il est trop tard et il appréhende les neiges du mont Cenis ! Alors que va devenir Marie de Médicis sans cette bonne compagnie promise pour la récréation de cette cour pendant les tristes jours d'hiver ? Qu'ils viennent au moins pour le Carême !

Enfin les voilà arrivés ; il y a dans la bande le vieux Petrolini et Jean-Baptiste Andrini, dit Lelio, ainsi que sa femme Florinda. Ils joueront pour la Cour d'abord au Louvre, dans la salle des Gardes (notre salle des Cariatides), puis dans la salle de Bourbon, de l'autre côté de la rue d'Autriche, à l'hôtel du Petit-Bourbon. Pour la ville, la reine a la gracieuseté de leur louer la salle de l'hôtel de Bourgogne. L'affaire n'a pas été sans difficulté. On a fait la proposition de location au concierge et gouverneur de l'hôtel de Bourgogne, qui l'a transmise à Messieurs les Comédiens. Ceux-ci sachant que c'est la reine qui paie veulent spéculer : les uns exigent qu'on réclame soixante écus par mois, les autres cent, avec quelques loges de réserve. La reine, irritée contre des gens si fâcheux qui ont peu de considération et d'intelligence, offre 200 livres par mois, rien de plus ; et elle prie le procureur du roi au Châtelet, ainsi que le lieutenant civil de Paris de s'interposer afin de mettre à la raison ces gens-là. On finit par s'arranger[50].

Tout le monde ne partage pas l'enthousiasme de Marie de Médicis pour Arlequin, de son vrai nom Tristan Martinelli. En 1613, il a cinquante-six ans, et Petrolini en a quatre-vingt-sept : Ce ne sont plus âges propres au théâtre, écrit quelqu'un ; il y faut des humeurs gaies et des esprits délibérés, ce qui ne se trouve guère en de si vieux corps comme les leurs. Ils jouent la comédie qu'ils appellent Dui Simili qui est le Menechmi de Plante. J'en sortis sans contentement. Mais Marie est sous le charme de toute l'harlequinerie, comme elle dit. Elle traite familièrement Arlequin, non seulement lui écrit des lettres très aimables, mais accepte d'être la marraine de ses enfants, le console des ennuis qu'il a avec le trésorier, — des tiraillements dans le payement des sommes promises, — l'aide à retirer ses effets du Mont-de-Piété de Florence et fait intervenir le duc de Mantoue entre lui et un débiteur. Arlequin est au mieux dans le ménage royal. On sait l'anecdote : Holà ! dit Arlequin au roi, il y a assez longtemps que vous faites votre personnage, laissez-le-moi faire à cette heure ! et, s'asseyant dans le fauteuil d'Henri IV : Eh bien. Arlequin, vous êtes venu ici avec votre troupe pour me divertir ! J'en suis bien aise. Je vous promets de vous protéger et de vous donner une pension ! La troupe d'Arlequin ne joue pas que la comédie ; elle comprend aussi des baladins, des danseuses de corde, des individus faisant le saut périlleux et autres traits si épouvantables que beaucoup de dames, même des hommes, tournent le dos de la peur qu'ils ont de leur voir rompre le col[51].

A défaut de théâtre, le soir, le couple royal fait faire parfois de la musique ; — les règlements royaux prescrivent les jours fixes où la musique du roi doit venir exécuter devant Leurs Majestés ; — la reine encore fait danser. Dans une curieuse lettre écrite à son fils Charles IX, l'ancienne reine Catherine de Médicis expliquait au prince qu'il était nécessaire de donner deux bals par semaine à la cour, car j'ai ouï dire au roi votre grand-père (François Ier), ajoutait-elle, qu'il falloit pour vivre en repos avec les Français et qu'ils aimassent leur roi, deux jours les tenir joyeux, sinon ils s'employoient à autres choses plus dangereuses. Le jeudi et le dimanche en principe, avant que le roi et la reine aient fini de dîner, on allume les flambeaux de la grande salle, les joueurs d'instruments s'installent, on apporte tabourets et scabeaux ; le capitaine des gardes en quartier fait mettre des barrières et les danses commencent ; ce sont des branles, danses en rond auxquelles tout le monde prend part, branles doubles, branles simples, branles de Bourgogne, du Hainaut, d'Avignon, dont le rythme et la cadence se sont conservés dans le populaire :

Sur le pont d'Avignon

On y danse..., etc.

des courantes ensuite, des Canaries, des gaillardes ; les hommes dansant le chapeau sur la tête, l'épée au côté. Lorsqu'un seigneur a l'honneur de faire danser la reine il ne la prend, signe de respect, que par le bout de sa manche pendante. Les danses finies, on va collationner dans une autre salle. Mais Henri IV et Marie de Médicis sont loin de faire danser aussi souvent que le prescrivent les anciens usages[52].

Une autre distraction des soirées de la reine, ce sont les ballets ; la princesse y prend un plaisir extrême, les organise elle-même, y joue. Les ballets sont des représentations compliquées, coûteuses et magnifiques. On les donne un peu partout : dans la salle haute du Louvre ; dans l'antichambre de Marie de Médicis ; à l'appartement du rez-de-chaussée, où on installe tout autour de la pièce des gradins sur lesquels s'installent les dames ; à la grande salle de Bourbon, dans l'hôtel d'en face, belle salle de cent huit pieds de long sur quarante-huit de large, entourée de colonnes à chapiteaux doriques et dont la voûte est semée de fleurs de lys d'or : les jours de fête douze cents flambeaux de cire blanche portés par des consoles et des bras d'argent éclairent une profusion de tapisseries, de sculptures et de peintures ; — mais surtout à l'Arsenal, où Henri IV fait construire exprès une très belle salle de fête à double rang de galeries qu'on inaugure le 6 décembre 1609. La reine monte les représentations ; elle choisit les princes, princesses, dames et seigneurs qui en feront partie. Duret et Durand, Palluau, la Clavelle lui écrivent le scénario des Félicités de l'âge doré ou des Passe-temps récréatifs des quatre saisons de l’année, avec danses, figures, couplets, changements à vue, apothéose. Les conférences durent des heures et on se prépare avec soin. Quelquefois la reine consent à aller jouer sa pièce ici ou là, à l'évêché de Paris, à l'hôtel de Condé, chez la reine Marguerite, chez madame de Retz. Elle ne paraît d'ailleurs sur les planches que masquée[53].

Quand les hommes jouent seuls, on les déguise ridiculement ; ils entrent deux par deux, et ce sont des couples de tours, de femmes colossales, de pots de fleurs, de chats-huants, de basses de viole, de moulins à vent. Ils défilent, dansent, sortent de leurs affublements, dansent encore quatre par quatre, puis ensemble, se remettent dans leurs machines et s'en vont. Les femmes se parent élégamment, Marie souvent en italienne. Le plus magnifique ballet qu'elle donna fut celui de 1609, le ballet des Nymphes de Diane dont les répétitions eurent lieu dans la grande salle du Louvre et la représentation à l'Arsenal et chez la reine Marguerite. Marie de Médicis l'avait longtemps pourpensé et dessiné : il dura jusqu'à six heures du matin.

D'ailleurs tout le monde, et partout, danse des ballets. Le carnaval en foisonne, Souvent le ballet, même devant la reine, tombe dans la mascarade : Je crois que jamais je ne vis rire personne comme je vis rire la reine, écrit le témoin d'un de ces ballets, qui se termina par d'agréables bouffonneries.

L'extraordinaire désordre qui y règne, un désordre grand, honteux, indigne, gâte ces fêtes de Cour. Les salles sont petites, les invités trop nombreux, on s'étouffe, on crie ; impossible de circuler et aux danseurs d'évoluer. Pour le grand ballet de 1614, qui eut lieu à l'Arsenal et coûta 10.000 écus, le capitaine des gardes, chargé du service d'ordre, avait laissé pénétrer tout le monde. En arrivant, la reine, qui vit cette cohue, se mit dans une violente colère ; elle déclara qu'elle s'en allait, que la soirée n'aurait pas lieu. On se regarda navré ; les gardes du corps poussèrent dehors l'assistance. Alors Marie de Médicis, qui était déjà au Louvre et avait fait coucher Louis XIII, ordonna de le rhabiller, revint et, devant un public moins dense, le ballet fut donné tellement quellement. On finit par exigera la porte des méreaux, des marques[54].

Aux époques de deuil, Marie donne des fêtes plus intimes. Elle a monté dans l'entresol du Louvre un petit théâtre avec des sièges pour quatre-vingts personnes : on y représente des comédies légères. Ou bien elle va dîner chez la princesse de Conti, à Saint-Germain-des-Prés, chez madame de Guise, rue de Grenelle, chez madame de Guercheville, sa dame d'honneur, et après le repas, des jeunes gens, Bassompierre, M. de Chevreuse, M. de Vendôme, lui dansent, dans ce petit cercle, quelque menu ballet.

 

Mais tous les soirs ne sont pas jours de fêtes, et le couple royal reste souvent au Louvre : il ne sait pas demeurer seul. Lorsque la reine a donné le bonsoir à tous ceux qui remplissaient son Cabinet, chacun se retire, excepté les intimes avec qui un nouveau cercle commence : la princesse de Conti, madame de Guise, sa mère, la maréchale de la Châtre, madame de Ragny, MM. de Guise, de Joinville, Bellegarde, Créquy, Bassompierre, Saint-Luc, de Termes, de Rambouillet, noblesse brillante, pleine d'entrain, spirituelle et caustique. Que fera-t-on ? causer ? Le plaisir ne dure pas. On joue, on joue aux cartes. Le roi est grand joueur d'échecs, de dés et de cartes. Les bourgeois vertueux trouvent même qu'il donne un très mauvais exemple : il n'est gueux et faquins qui ne dressent brelans au coin des rues, tant ont de poids les actions des princes ! Le roi n'en a cure. Il joue au reversis, très à la mode en ce temps, ou bien il se délecte à regarder de beaux joueurs se mesurer, aux trois dés, et ce dans des cornets faits exprès d'où on jette le dé pour éviter la piperie.

Marie de Médicis joue surtout à la prime. Elle a un beau jeu de cartes peintes et enluminées représentant divers animaux, que Louis de la Haye, orfèvre, lui a fait faire pour 120 livres, et elle s'en donne avec ardeur, pontant gros jeu. Bassompierre est son adversaire favori. En une soirée, Marie perd 700 pistoles : Je n'ai point été heureuse, écrit-elle ensuite mélancoliquement. Un jour, à Fontainebleau, il y a, pour une séance, vingt mille pistoles de perte et de gain, assure Bassompierre. Le moins qu'on ponte est cinquante pistoles une quinterotte ; le plus, cinq cents. Tel joueur a en main, d'un coup, cinquante mille pistoles. Le même Bassompierre raconte qu'un soir de 1601, il n'avait plus comme fortune que sept cents écus et il venait de se commander pour le baptême du Dauphin un habit de 14.000 écus ! Il gagne ces 14.000 écus, une épée de diamants de 5.200 écus et 5 ou 6.000 écus de reste ! En 1608, il eut plus de 500.000 francs au jeu, affirme-t-il. La reine est bonne joueuse, mais le roi, lorsque la guigne le prend, passe le jeu à un compère[55]. Pas trop tard, toujours avant onze heures, les derniers familiers ont pris ou ont reçu congé. Marie de Médicis se retire alors dans son Petit Cabinet ; c'est le moment où elle rédige sa correspondance. Quelquefois, elle écourtera ses lettres sous prétexte qu'elle a sommeil : Gli e or a di dormire, e voi sapete che io non scrivo se non a questora, mande-t-elle à quelque parent d'Italie. Léonora Galigaï, qui n'aime pas à se mêler au public de la cour, descend pour causer avec elle et l'aider à se coucher[56].

 

Onze heures ont sonné à l'horloge du Louvre ; la ronde des gardes du corps, après avoir fait trois cris l'un après l'autre par la cour pour avertir à chacun de se retirer, ferme les portes du logis royal et va remettre les clefs au capitaine des gardes en demandant le mot pour la nuit. La reine s'attarde souvent de longues heures à deviser avec sa dame d'atour ou à écrire[57].

 

 

 



[1] Les impressions de Marie de Médicis en arrivant dans son palais ont été rapportées par elle-même à Ph. Hurault (Ph. Hurault, Mém., éd. Michaud, X, 608). Elle ne fit pas d'entrée solennelle à Paris en 1601 afin d'éviter les frais (Bibl. nat., ms. ital. 1 749, fol. 191 r° ; ms. fr. 18 520 ; Palma-Cayet, Chronologie septennaire, XII, 144). Elle suivit les fossés depuis Saint-Victor, en litière (L'Estoile, Journal, VII, 263, J.-A. de Thou, Hist. univ., éd., de 1740, IX, 418), et alla descendre à l'hôtel de Zamet, puis à celui de Gondi, parce que le Louvre n'était pas prêt (Bassompierre, Mém., éd. Chantérac, I, 91). — Il n'existe pas encore de travail sur la topographie et les intérieurs du Louvre à cette époque (voir ce qu'on sait dans Berty, Topographie hist. du vieux Paris, t. II, et A. Babeau, le Louvre et son histoire, Paris, 1895, in-4°). On trouvera ici quelques éléments de ce travail. L'aspect de prison qu'a l'entrée du Louvre est indiqué par Dallington (The view of Fraunce, 1598, Versailles, 1892, in-8°, p. 20) et un texte donné par Berty (op. cit., t. I, p. 148).

[2] L'escalier de la reine est figuré dans un plan de l'architecte A.-L. Houdin (Babeau, op. cit., p. 147). Malherbe en parle (Lettres, III, 93). — Nous énumérons les pièces de l'appartement telles que les indiquent les comptes (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 93, fol. 264 r°, 267 r°). Les dispositions sont conformes aux règlements royaux (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 7 225, fol. 96 v°) et aux usages du temps (O. de Serres, le Théâtre d'agriculture, Paris, 1600, in-fol., p. 20).

[3] L'appartement de la reine est en général orné de boiseries sculptées et dorées (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 221, fol. 229 r°). Les lambris et plafonds peints sont entretenus par le peintre Pasquier-Testelin (Nouv. arch. de l'Art français, 1872, p. 49). — Le roi entendait réserver les dorures aux résidences royales (Ibid., Actes royaux, F. 46 925 [8]). — On avait pillé les meubles et les tapisseries du Louvre pendant les guerres civiles (N. Valois, Inventaire des arrêts du Conseil d'État, II, 106). Un avocat, Joël de Laularie, et un certain Dangnechin en avaient sauvé et restitué quelques-uns (Ibid., II, 339, 559). Henri IV dut faire venir pas mal de mobilier de Pau pour remeubler le Louvre (G.-B. de Lagrèze, Henri IV, vie privée, Paris, 1885, p. 69). — Marie de Médicis couche parfois dans son Cabinet (Bassompierre, Mém., I, 256, 338). Le détail des objets garnissant l'appartement de la reine résulte des lettres et des comptes de la princesse, trop nombreux pour pouvoir être cités.

[4] Gassiano del Pozo dans son Diarium (Müntz, Archives des Arts, 1890, p. 183) décrit la chambre de la reine. On refaisait en 1605 les lambris de la cheminée et le plancher (lettre de Marie à M. de Fourcy, Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 86, fol. 272 r°). Les soieries de l'ameublement furent exécutées à Paris par ceux qui travaillent aux manufactures de soie à la marque (Ibid., fol. 191 v°). Sur la plate-forme du lit voir Bibl. nat., ms. Dupuy 76. fol. 227 r°. — D'après Coryate (Voyage à Paris, 1608, dans Mém. de la Soc. de l'hist. de Paris, t. VI, 1879, p. 33) les balustres du lit étaient dorés. Ils étaient l'œuvre, ainsi que toute la garniture, de Nicolas Roger (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 92, fol. 87 v°). Ils ont dû, plus tard, être transportés au Luxembourg (Malingre, Antiquités de Paris, 1640, II, 401). — Le jésuite Barisoni fit présent à la reine, en 1608, au nom de son général, d'un bureau fabriqué en Chine, garni de nacre et de perles, incrusté d'argent (G. Bapst, Bureau chinois de Marie de Médicis, dans Nouv. arch. de l'art français, 1890, p. 353).

[5] La reine se tenait quelquefois dans l'entresol au-dessus du petit cabinet et y jouait (Bassompierre, Mém., I, 341). Le lit de repos fait partie au XVIIe siècle d'un mobilier complet (J.-J. Guiffrey, les Manufactures parisiennes de tapisseries au XVIIe siècle, Paris, 1892, in-8°, p. 30). Sur l'usage de ces petits lits, voir G. Colletet (le Roman satyrique, Paris, 1624, in-12°, p.31). — Tous les auteurs du temps parlent du petit degré du roi qui joue un rôle important dans la vie du Louvre (Bassompierre, Mém., I, 163, 218 ; II, 135 ; Pontchartrain, Mém., éd. Michaud, p. 368 ; Agrippa d'Aubigné, le Baron de Fæneste, éd. de Raimes, p. 19 ; Héroard, Journal, II, 12). On pouvait y accéder par la salle basse des Suisses, notre salle des Cariatides (Mém. du maréchal d'Estrées, éd. Michaud, p. 414 ; Richelieu, Mém., I, 124). C'était l'escalier ordinaire par lequel le roi descendait pour sortir (P. Matthieu, la Mort déplorable de Henri IV, Genève, 1620, in-12°, p. 61).

[6] La garde-robe est accommodée tout à l'entour à peu près comme la boutique des merciers, car il y a des chapeaux, en un autre lieu des ceintures ; ici des jarretières, ailleurs des fraises, les unes à gros gauderons, les autres à plus petits (les Hermaphrodites, (s. l.), 1605, in-12°, p. 172). Après le mariage de Louis XIII avec Anne d'Autriche, Marie de Médicis dut laisser le premier étage à la reine régnante et aller habiter le rez-de-chaussée ainsi que l'entresol (Malherbe, Lettres, III, 347, 363, 423 ; Fontenay-Mareuil, Mém., éd. Michaud, p. 110 ; Bassompierre, Mém., II, 81, 93 ; Mercure français, 1616, p. 195).

[7] Ce trait et le suivant concernant Sully se trouvent dans le ms. fr. 3 445 (fol. 44 r°) de la Bibl. nat., et les Économies royales (éd. originale, II, 190). Les jetons dont il est question sont décrits par H. de la Tour (Catalogues des jetons de la Bibliothèque nationale, Paris, 1897, in-8°, p. 93). Au sujet des rideaux dans lesquels on s'enferme un dicton du temps assure que les Français ne se peuvent coucher sans feu ni dormir sans rideaux (P. Matthieu, Hist. de France, règne de Henri IV, Paris, 1605, in-4°, p. 294). — En principe les conseils du roi doivent se tenir de six heures à neuf heures du matin (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 7 225, fol. 33 r°). Malheureusement Henri IV se couche souvent tard (Lettres missives, VI, 573).

[8] Il était reçu sous Henri IV d'aller voir les gens le matin dans leur lit (Pontis, Mém., éd. de 1676, I, 7), mais il était malséant pour la reine de tutoyer Bassompierre : Aux personnes de moindre calibre l'on dit vous, sans tutoyer personne (Bienséance de la conversation, Rouen, 1618, in-i2, p. 68). — La Varenne était contrôleur général des postes. Tallemant est très dur pour lui (Historiettes, éd. P. Paris, I, 113) ; le fds de la Varenne voulut se faire capucin (Lettres missives, VII, 540). — Sur la façon dont on doit s'approcher du lit du roi, voir Bibl. nat., ms. fr. 3 410, fol. 5 r° ; Bassompierre (Mém., I, 215). Le bouillon est apporté cérémonieusement (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 7 225, fol. 1T3 r°). Le lever solennel du roi va se faire ailleurs (Bibl. nat., ms. Dupuy, 489, fol. 22). Marie de Médicis se lève tard en général (Pontchartrain, Mém., p. 387, et Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 86, fol. 13 r°).

[9] Il y a tout un cérémonial pour préparer la toilette de la reine (Ordre et règlement qui doit estre observé en la maison du roy, p. 51). Une éponge royale coûtait 6 livres (Arch. des Basses-Pyrénées, B. 82). Sur la richesse des chemises d'Henri IV, voir G.-B. de Lagrèze (Henri IV, sa vie privée, p. 92). La maréchale de Lavardin rapporta à Marie de Médicis des bas incarnats d'Angleterre (Lettres de Malherbe, III, 220). Recevoir les gens à demi vêtue et avec la cœffe de nuit (Bassompierre, II, 66, 87) est d'ailleurs très mal jugé en ce temps (Bienséance de la conversation, p. 34).

[10] Marie de Médicis s'habilla à l'italienne jusque après la naissance du dauphin (Dupleix, Hist. de Henry le Grand, 1632, p. 430 ; Bibl. nat., ms. italien, 1 750, fol. 148 r°). Les envois d'Italie étaient assez difficiles parce qu'il arrivait souvent que la douane de Lyon mit la main sur les étoffes expédiées par les princes de Mantoue ou de Toscane (N. Valois, Inventaire des arrêts du Conseil d'État, III, 142). Le commerce d'ailleurs de soie, de toiles d'or et d'argent avec la péninsule était très actif (de la Gomberdière, Nouveau règlement général sur toutes sortes de marchandises nécessaires dans ce royaume, Paris, 1631, in-8°).

[11] On pourrait comparer avec les deuils que portail Anne de Bretagne (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 9 175, fol. 361 r°, 364 v°).

[12] On trouve la description de quelques brillantes toilettes de Marie de Médicis dans L'Estoile (Journal, X, 399) et le ms. Dupuy 76, fol. 223 r° de la Bibl. nat. C'étaient les Toscans qui, disait-on, avaient inventé les robes traînantes (G. de Rémond, la Couronne royale, Paris, G. Sevestre, 1610, in-12°, p. 39). — Les élégances féminines du temps étaient très critiquées (Nic. Pasquier, Lettres, Paris, 1623, in-8°, p. 162). Le roi finira par interdire de porter au moins des robes de toile d'or et d'argent (Bibl. nat., Actes royaux, F 46 910 (1), 46 916 (9) ; Mercure français, 1613, p. 300).

[13] Tallemant s'étend un peu sur l'infirmité d'Henri IV, cause de ces précautions (Historiettes, I, 8), et qui était devenue proverbiale (Agrippa d'Aubigné, le Baron de Fæneste, éd. de 1630, p. 225). Ch. Sorel (l'Histoire comique de Francion, 1641, p. 810), fait dire à un de ses héros : Comme vous sentez !Je sens ! reprit Hortensias, ne considère-tu pas que je commence à paroitre roi ?

[14] . Le parfumeur Devaux avait sa boutique près de la Madeleine à la descente du pont Notre-Dame (E. Fournier, Variétés hist., litt., IV, 136). Mandez et Maren furent compromis dans le procès de Léonora Galigaï (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 221, fol. 287 V, 212 r°). Nous connaissons les essais de fabrication de parfum tentés par Marie de Médicis grâce à la déposition de ce Maren (Ibid., fol. 288 y°) et à Héroard (Journal, II, 66). — Les gants les plus célèbres à celte époque en France étaient ceux de Blois et de Vendôme (le Gan de Jean Godard, Paris, D. Périer, 1588, in-8° ; abbé Goujet, Mélanges d'une grande bibliothèque, H H, p. 123). Les bons magasins de gants à Paris et réputés étaient ceux des Trois-Roses, rue Saint-Denis, et du Marteau d'or (Mém. du duc de la Force, éd. La Grange, II, 457).

[15] La mode du point de Venise fut introduite en France à la fin du XVIe siècle (le Vrai théâtre d'honneur et de chevalerie, 2e partie, p. 502). La cherté de cette dentelle devint légendaire :

Mais le maudit rabat me cousta plus que tout :

J'en voulus avoir un de ces points de Venise ;

La peste, la méchante et chère marchandise !

En mettant ce rabat, je mis, c'est estre fou !

Trente deux bons arpents de vignoble à mon cou !

(R. Poisson, le Baron de la Crasse, dans Fournel, les Contemporains de Molière, p. 413-428). Il y avait 523 cordonniers à Paris (G. d'Ierni, Paris en 1596, dans Bullet. de la Suc. de l’hist. de Paris, 1885, p. 169), et parmi eux la reine en avait bien un attitré (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 91, fol. 72 r°). Mais elle tenait à l'ouvrière de Loudun, qui devint un personnage et fut mise en scène dans des pamphlets satyriques (Lettre de la cordonnière de la royne mère à M. de Baradas (s. l. n. d.), in-8° ; abbé de Saint-Germain, Conversation de Me Guillaume avec la princesse de Conti, 1631, in-8°).

[16] Les lettres de Malherbe sont pleines de détails sur ce qu'on appelle le cercle de la reine (dans Œuvres, éd. Lalanne, III, 99, 115, 238, 418, 475, 459). Malherbe fut présenté à Marie de Médicis en 1605 (Cf. L. Arnould, Racan, p. 44). — Sur le cérémonial en usage dans le cabinet de la reine voir l'Ancienne manière dont l'on vivoit à la cour de France (Bibl. nat., ms. fr. 3 445). Si l'on veut se rendre compte du ton vif, ardent, emporté d'un courtisan du temps, lire les Remarques de Bassompierre sur les vies des rois Henri IV et Louis XIII de Dupleix (Paris, P. Bienfait, 1655, in-12°). Les scènes de querelles dans l'appartement de la reine furent fréquentes (Richelieu, Mém., I, 37 ; duc de la Force, Mém., II, 16 ; Beauvais-Nangis, Mém., éd. Monmerqué, p. 60 ; G. Dupeyrat, Discours sur la vie et La mort de Henry le Grand, Paris, 1610, in-8°, p. 124). Du Chastelier Barlot les appelait les grabuges de cour (Mém., Fontenay, 1643,in-4°,p.9). — La qualité première du courtisan d'ailleurs paraît être l’impertinence (voir Du Laurens, Au courtisan impertinent, dans Satyres, Paris, G. Alliot, 1633, in-4°, p. 19). — Les Gascons passaient pour être particulièrement brutifs et tempestatifs (La Frenade, les Triomphes du roi, Paris, G. Robinot, 1609, in-8°, p. 17). Il y avait cependant des traités sur l'art d'être bon courtisan (Eustache du Refuge, le Traité de la cour, 1616, in-12°). — On ne trouvera rien d'intéressant concernant notre sujet dans le roman médiocre d'A. Bazin de Raucou, la Cour de Marie de Médicis. Mémoires d'un cadet de Gascogne (Paris, A. Mesnier, 1830, in-8°).

[17] L'un est un beau livre d'heures du XVe siècle, à encadrement et initiales or et couleur, paré de quarante miniatures et relié à petits fers, avec ses armes — il se trouve aujourd'hui à la Bibliothèque de l'Arsenal ; — l'autre est le magnifique livre de prières de François Ier, de Catherine de Médicis, de Louise de Lorraine, tout petit, contenant 58 portraits de princes de la maison de Valois, merveilles de goût et de charme, œuvres en partie, croit-on, de Jean Clouet — il est aujourd'hui au Louvre. — Ces livres sont décrits par H. Barbet de Jouy (Notice sur le musée des Souverains, Paris, 1868, in-8°, p. 113), E. Quentin-Bauchart (le Livre d'heures de Henri II, Paris, 1890, in-8°, xi-3-2 p.), L. Dimier (les Heures de Catherine de Médicis, Besançon, 1904, in-8°).

[18] Sur le cérémonial de la messe royale voir : Bibl. nat., ms. Dupuy, 931, fol. 152, et ms. nouv. acq. fr. 7 225, fol. 86 r°. Personne ne parait encore avoir parlé des chapelles du Louvre. Il existe un Devis pour la construction au Louvre d'une grande chapelle auprès de la porte par où on entre dans le jardin dudit château, du costé de la rivière, 26 fév. 1580 (Bibl. nat., ms. fr. 11735, fol. 3). La reine avait sa chapelle à l'extrémité de son appartement du côté du levant, dans la tourelle d'angle du Louvre, au sud-est, près de son antichambre ; on disait la chapelle de la tour, ou de l'antichambre (Héroard, Journal, II, 5, 7, 141, 202 ; Malherbe, Lettres, III, 435). — Marie de Médicis avait des garnitures complètes de chapelle brodées d'argent et de soie (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 94, fol. 66 v°), où figurait un sac à mettre nos heures. — On connaît le mot d'Henri IV arrivant trop tard à la messe : Les affaires ont rendu nos dévotions tardives ; il est vrai que quand je travaille pour le public, je prie : c'est laisser Dieu pour Dieu ! (P. Matthieu, la Mort déplorable d'Henri IV, Genève, 1620, in-12°, p. 42).

[19] Bibl. nat., ms. fr. 3 445, fol. 42 r°. La reine mange seule lorsqu'elle a pris un bain ou avalé des pilules, ce qui veut dire sans doute absorbé une purge (Malherbe, Lettres, III, 400, 507).

[20] Sully, Économies royales, éd. orig., II, 307. Le melon s'accommode bien avec le vin et le fait trouver bon (Perroniana, Genève, 1669, in-8°, p. 209). Les melons les plus réputés du temps étaient ceux de l'Anjou, qu'on appelait melons andardois (Oraison funèbre de caresme prenant, dans E. Fournier, Variétés hist. et litt., III, 361).

[21] La façon dont le couple royal se met à table est décrite par l'ambassadeur vénitien Angelo Badoer (dans Barozzi, Relazioni degli stati Europei, II, 1, p. 123). Hors du Louvre, par exemple à Saint-Germain, le roi invite à sa table qui vient le voir (Cl. Groulart, Mém., éd. Michaud, I, XI, p. 579). — Henri III, moins cérémonieux, invitait le dimanche une douzaine de personne à sa table ronde (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 7 225, fol. 220 r°) et tous les soirs un ou deux convives (Ibid., fol. 221 r°). — L'habitude de se laver les mains en se mettant à table date du moyen âge (Ch.-V. Langlois, la Société française au XIIIe siècle d'après dix romans d'aventures, Paris, Hachette, 1904, in-12°). Les simples particuliers se lavaient comme les princes (Bienséance de la conversation, Paris, 1618, in-12°, p. 112).

[22] La grande nappe est appelée tablié. Le service complet comprend 26 serviettes (B. de Lagrèze, Henri IV, sa vie privée, p. 213). Les serviettes riches du temps sont de fine venise (Comte de Marsy, le Mobilier d'un gentilhomme noyonnais en 1599, Saint-Quentin, 1876, in-8°, p. 29). Henri IV fit venir une partie seulement de son argenterie de Pau. Louis XIII, en 1620, fera venir le reste (Inventaire de la vaisselle d'argent et vermeil doré qui a été amenée de Navarrenx par le commandement du roi, Arch. des Basses-Pyrénées, A. 4). Si on veut juger de ce qu'est une table richement mise en 1605, voir les Hermaphrodites (s. l., 1605, in-12°, p. 151) ; et un repas d'Henri IV, Th. Platter (cité par E. Bonnaffé, Voyages et voyageurs de la Renaissance, Paris, E. Leroux, 1895, in-12°, p. 157). La présence d'une nef, plus généralement vase de cristal en forme de navire monté sur bronze ciselé, ou d'un cadenas, sur la table, est marque de très grand seigneur (G. Colletet, le Roman satyrique, Paris, 1624, p. 970).

[23] Tallemant, I, 12. Tous les menus sont fixés d'avance et uniformes (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 93, fol. 258 r°). Le Français, dit l'ambassadeur vénitien Jérôme Lippomano (dans Bonnaffé, op. cit., p. 93), mange sans règle ni heure fixe ; peu de pain et de fruit, beaucoup de viande et de pâtisserie. — Les repas prolongés, ajoute Jodocus Sincerus (Ibid., p. 166), lui déplaisent. Il consomme moins de ragoûts et de légumes que les Allemands. — Les raffinés seuls mangeaient ragoûts, grillades et saupiquets (G. Colletet, le Roman satyrique, p. 968). — Les médecins du temps ont toutes sortes de théories sur les divers aliments qu'on peut et qu'on doit prendre à table (B. Pisanelli, Traité de la nature des viandes et du boire, avec leurs vertus, vices, remèdes, Arras, 1396, in-24°. — Le thrésor de santé ou mesnage de la vie humaine, divisé en dix livres, lesquels traictent amplement de toutes sortes de viandes et breuvages, ensemble de leur qualité et préparation, Lyon, 1607, in-8°).

[24] Sur Henri IV gros mangeur comme ses descendants, voir Canestrini (Négociations, V, 519), Scaliqeriana (Groningue, 1669, in-12°, p. 108), Héroard (Journal, I, 184) ; sur ses indigestions de melon : L'Estoile (Journal, VIII, 334), P. Matthieu (Hist. de France, règne de Henri IV, p. 93). — En ce qui concerne la musique, les anciens règlements prescrivaient qu'elle devait venir aux repas les lundis, mardis, jeudis et dimanches (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 7 225, fol. 176 r°). — On trouve dans le ms. Dupuy 844. de la Bibl. nat. (fol. 430), une paraphrase du psaume CXXXVII qui se chantoit en musique devant le roi tous les jours après son repas, 1586, par Jacques Davy du Perron. — Le mot de Malherbe sur les femmes et les melons est dans une lettre de lui (Œuvres, éd. Lalanne, IV, 52), et la croyance du public au sujet de la cherté des mets royaux dans L'Estoile (Journal, VII, 207).

[25] Malherbe, Lettres, III, 74. D'autres pensent au contraire que les rois doivent toujours tenir le peuple en cette opinion que ne faisant rien, ils font quelque chose de grand (P. Matthieu, Hist. de France, règne de Henri IV, p. 263, 560) et que c'est le naturel d'un grand prince de ne rien faire que de grand (Louis d'Orléans, Remerciement au roi, Paris, R. Chaudière, 1604, in-12°, p. 3).

[26] Un garson, Pierre Grasseau, est ordonné pour panser nos singes, guenons et perroquets. (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 92, fol. 8 v°). Deux sapajous avaient été envoyés à Marie de Médicis par M. de Villars, gouverneur du Havre (Ibid., 88, fol. 193 v°), qui les tenait sans doute de quelque capitaine au long cours.

[27] Les 12 lévriers envoyés avec Concini partirent sous la conduite d'un domestique qui un moment parut les avoir perdus (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 87, fol. 3o r°). Un passage d'Agrippa d'Aubigné (Baron de Fæneste, éd. de Raimes, p. 33-4) donne la place de ces bêtes dans la série de chiens : Il vit passer devant son logis une meute de chiens, des limiers, des aboyeurs, des chiens pour le fauve, chiens pour le noir, lévriers de compagnon et d'attache.

[28] Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 86, fol. 68 r°, li r° ; 87, fol. 292 r° ; 88, fol. 16 v°, 240 v° ; 89, fol. 293 v° ; 94, fol. 233 r° ; pour l'affaire de Scudéri, 88, fol. 101 v° et 103 r°.

[29] En envoyant leurs notes, les orfèvres spécifient dans quelles conditions et par qui ont été joués les objets dont ils réclament le montant. La part payée par la reine est naturellement indiquée. Celte part est supérieure à ce qu'elle devrait être à mises égales (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 92, fol. 50 v°).

[30] La musique d'Henri IV (voir : Déclaration du roy en faveur des chantres de sa musique, 1606 : Bibl. nat., ms. fr. 16 216, fol. 454) ne comptait pas plus d'une dizaine d'instrumentistes (Bibl. nat., ms. fr. 7854, fol. 206 v°). Le roi aimait à demander aux étrangers ce qu'ils pensaient de sa troupe (Canestrini, Négociations, V, 410). Comme instrument il préférait le chalumeau et la cornemusette (De Rommel, Correspondance inédite de Henri IV avec Maurice le Savant, Paris, 1840, in-8°, p. 61). La musique d'Henri III avait 19 musiciens (Bibl. nat. ms. fr. 7 854, fol. 172 r°). — C'est à la fin de décembre 1613 que Pierre Guédron, intendant de la musique de la chambre du roi, remplaça Michel Fabry dans la fonction de maître de la musique de la reine (Cinq-Cents Colbert 91, fol. 62 v° et 111 r°).

[31] Sur les concerts des Tuileries, voir Bassompierre (Mém., éd. Chantérac, I, 224), Malherbe (Lettres, III, 431). Le chanteur Villars dont il est ici question passait pour l'amant de la reine Marguerite ; on l'appelait le roi Margot (Tallemant, I, 148) : il appartenait en tout cas à la maison de la princesse (de Saint-Poney, Hist. de Marguerite de Valois, II, 435). Henri IV appréciait Julio Romano et joignait ses instances à celles de sa femme pour faire venir cet artiste à Paris (Lettres missives, VIII, 908).

[32] Ce jardin, planté de charmilles, avec allées en berceau, s'étendait au nord et au nord-ouest du Louvre. C'est à peine si madame de Chemeraut et M. de Brèves, gouverneur du duc d'Anjou, obtinrent seuls le droit de le traverser pour venir au palais (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 89, fol. 265 r°).

[33] L'histoire de la plantation de ce petit jardin est contée par un document daté du 14 septembre 1611 (Arch. nat., Q. 1173). Le pont-levis sur les fossés est mentionné par Pontchartrain (Mém., éd. Michaud, p. 388), le duc de Rohan (Mém., éd. Michaud, p. 512), l'auteur du Précis de la régence de Marie de Médicis (Collection Petitot, IX, 345).

[34] Th. Coryate nous a laissé une description des Tuileries à cette époque (Voyage à Paris, 1608, dans Mém. de la Soc. de l'hist. de Paris, VI, 1879, p. 34-35). — Voir aussi Th. Platter (Description de Paris, 1599 ; Ibid., XXIII, 1896, p. 191). — O. de Serres donne le dessin des parterres des Tuileries (Théâtre d'agriculture, 1600, p. 586 et suiv.). Le jardin contenait des animaux de toute espèce, même féroces, gardés dans des loges (Tallemant, VI, 474), notamment un éléphant (L. Delisle, l'Éléphant d'Henri IV, dans Bibl. de l'Éc. des Chartes, LIV, 1893, p. 358-62).

[35] Le cocher du carrosse fait demander à la reine par l'écuyer de service où il doit aller (P. Matthieu, la Mort déplorable de Henri IV, Genève, 1610, p. 62). Le costume des cochers et valets de pied nous est connu par les notes du tailleur (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 94, fol. 211 v° et suiv.). 11 n'y avait que les carrosses des princes et des ducs qui pussent entrer dans la cour du Louvre (Bibl. nat., ms. fr. 3 443, fol. 32 r°).En revanche le public y accédait facilement ; les curieux, fort nombreux, venaient dans la cour attendre, en se promenant, les nouvelles (Mercure français, 1612, p. 301). Lorsque le cortège de la reine sortait, l'écuyer de service prenait la tète (ibid., 1611, p. 2). Il était très rare qu'Henri IV et Marie de Médicis se fissent escorter (Canestrini, V, 619). La reine sort généralement avec madame de Guercheville, madame de Guise, la princesse de Conti (Héroard, Journal, I, 12). L'usage de porter des masques était particulier aux personnes de distinction ; les bourgeoises cherchaient à imiter celles-ci (les Caquets de l'accouchée, éd. E. Fournier, p. 47, 105).

[36] M. de Souvré conduisait, de Saint-Germain, les enfants du roi à Chaillot et Marie de Médicis venait les y voir (Bibl. nat., ms. fr. 10 241, fol. 50 r°). — Quand le carrosse de la reine passe dans une rue, les autres voitures ne se rangent pas pour le laisser passer (Plaisant galimatias d'un gascon et d'un provençal, Paris, P. Ramier, 1619, in-8°, p. 10). La société de Paris allait se promener en carrosse au cours, non pas au Cours-la-Reine, qui ne fut en vogue que vers le milieu du siècle, mais le Cours hors la porte Saint-Antoine, près de la Bastille (la Promenade des cours à Paris, Paris, 1630, in-8°). L'hôtel de Gondi passait pour le plus beau de Paris après le Louvre et les Tuileries (Dallington, The view of Fraunce, p. 22). Les Gondi, famille de banquiers italiens amenés en France par Catherine de Médicis lavaient bâti et orné de beaux objets d'art (voir le procès-verbal d'une perquisition opérée dans cette maison en 1616, Bibl. nat., ms. Dupuy 94, fol. 56). Le roi et la reine aimaient également y venir (Sully, Économies royales, éd. orig. II, 35 ; Canestrini, Négociations, V, 606).

[37] L'Estoile, Journal, VII, 323, IX, 188 ; Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 88, fol. 210 r°. Sur les chasses d'Henri IV, voir : Bibl. nat., ms. Dupuy 218, fol. 280 ; nouv. acq. fr. 7 225, fol. 308 ; Actes royaux, F. 46 909 (23).

[38] C'est naturellement Bassompierre qui nous met le mieux au courant de ces jeux (Bassompierre, Mém., I, 162, 197, 202, 222, 271). II existe tout un recueil de Gaignières sur ces joutes et combats (Bibl. nat., mss. fr. 21 809, 21 811) que Crispin de Pas a représentés, au moins pour les courses de bagues par exemple, dans le bel ouvrage de Pluvinel (l'Instruction du roi dans l'exercice de monter à cheval, Paris, 1625, in-fol.).

[39] Les documents abondent sur la foire Saint-Germain : ou manuscrits (Bibl. nat., mss fr. 21 783 ; 16 742, fol. 181 et suiv.), ou imprimés anciens (Semonce à une demoiselle des champs pour venir passer la foire à Paris, Paris, 1605, in-8° ; Procès et amples examinations sur la vie de Caresme prenant, s. l., 1609, in-8° ; Mém. hist. sur la foire de Saint-Germain adressé à madame de M. par M. D. L. R., Bibl. nat., rec. Fontanien, XVI, 3i5 et 353) ; ou publications plus récentes (L. Roulland, la Foire Saint-Germain sous le règne de Henri IV, dans Mém. de la Soc. de l'hist. de Paris, III, 1876, p. 192-217 ; E. Campardon, les Spectacles de la foire, théâtres, acteurs, sauteurs des foires Saint-Germain et Saint-Laurent, depuis 1593 jusqu'à 1791, Paris, 1877, 2 vol. in-8° ; P. Fromageot, la Foire Saint-Germain des Prés, Paris, Didot, 1904, in-8°). — L'Estoile y achète principalement des livres étrangers (Journal, IX, 267). C'est lui qui nous renseigne sur les incidents auxquels donne lieu la présence du roi et de la reine à la foire (Ibid., VIII, 14, 176 ; X, 45, 136, 133).

[40] La blanque serait d'origine italienne. D'après Et. Pasquier (Recherches de la France, liv. VIII, chap. XLIX), elle fit fureur sous Henri IV et on y gagnait des fortunes énormes (Bibl. nat., ms. fr. 21 628). Les moralistes s'élevaient vivement contre ce jeu (Raisons morales et chrétiennes contre la blanque ou lotterie ; Ibid., ms. fr. 24 713, fol. 3 etsuiv.). — Voir la lettre d'Henri IV à Sully du 28 fév. 1607 (Lettres missives, VII, 101) : Mon ami, durant la foire Saint-Germain, j'ai joué de la marchandise jusqu'à la somme de 3.000 écus et pour ce que les marchands desquels j'ai eu la dite marchandise me tiennent au c..., je vous fait ce mot pour vous dire de payer ceux auxquels je dois.

[41] Sur tous les genres de cadeaux et d'étrennes qu'on donne en ce temps, voir les Étrennes du gros Guillaume à Perrine (dans E. Fournier, Variétés hist. et litt., IV, 229).

[42] On trouve les litières du moment figurées dans le curieux livre de Philippe de Belleville, Théâtre d'histoire où, avec les grands prouesses et aventures étranges du noble et vertueux chevalier Polimantes, prince d'Arfine, se représentent au vrai plusieurs occurrences fort rares (Bruxelles, 1613, in-4°). La litière, portée par deux mulets, attelés en avant et en arrière, passe partout où un carrosse ne passerait pas ; elle était très usitée à cette époque où les chemins secondaires, surtout l'hiver, étaient médiocrement praticables (Grataroli, De regi mine iter agentium, cité par Bonnaffé, Voyages et voyageurs de la Renaissance, p. 12). — Fontenay-Mareuil décrit la litière de Madame (Mém., éd. Michaud, p. 91), et P. Matthieu la litière somptueuse de Marie de Médicis pour son entrée à Paris en 1610 (la Mort déplorable de Henri IV, p. 38).

[43] Tous les auteurs contemporains sont pleins de détails sur cet accident (L'Estoile, VIII, 223 ; Canestrini, V, 560 ; Richelieu, I, 8 ; Fontenay-Mareuil, 33 ; Héroard, I, 192 ; Mercure français, 1606, p. 106 ; Lettres missives, VI, 617) qui émut beaucoup l'opinion publique (de Nervèze, Discours sur le malheur que le roi et la reine ont failli en passant l'eau au pont de Neuilly, Paris, 1606, in-8° ; G. Garnier, Discours à Monsieur le baron de Champier sur l'accident de Saint-Germain, 1606, in-8° ; de Chevalier, la France sur l'accident arrivé à Leurs Majestés le 9 juin 1606, Paris, 1606, in-8°).

[44] A propos du nettoyage du Louvre, il est à remarquer qu'on avait alors d'assez sérieuses préoccupations d'hygiène (Isambert, Recueil des anciennes lois, XV, 338 et 343). On faisait désinfecter les maisons royales après une maladie (Bibl. nat., ms. fr. 3 649, fol. 9 r°), surtout avec du genièvre (Héroard, Journal, I, 17).

[45] Le landgrave de Hesse nous a laissé une description de Fontainebleau, à cette date (Relation du voyage du Landgrave de Hesse à Paris en 1602 dans de Rommel, Correspondance inédite de Henri IV avec Maurice le Savant, Paris, 1840, in-8°, p. 62), ainsi que l'auteur du Discours sur l'ordre observe à l'arrivée de Don Pèdre de Tolède au chasteau de Fontainebleau le samedi 16 juillet 1608 (Paris, 1608, in-8°). On avait au XVIIe siècle très bonne opinion de la salubrité de l'air de Fontainebleau (le P. Dan, le Trésor des merveilles de Fontainebleau, Paris, 1642, in-fol. p. 13-17). Les contemporains d'Henri IV faisaient de cette résidence un éloge enthousiaste (Hostal de Roquebonne, l'Avant victorieux, Orthez, A. Royer, 1610, in-8°, p. 123) et les Parisiens y organisaient des parties de plaisir le dimanche (Caquets de l'accouchée, éd. E. Fournier, p. 123). Convaincu sans doute, comme le poète Jacques de la Fons (J. de la Fons, le Dauphin, Paris, 1609, in-12°, p. 214) de l'utilité des jardins pour le moral des princes, Henri IV aimait beaucoup Fontainebleau ; il y fit planter quantité d'arbres fruitiers (C. Mollet, Théâtre des plans et jardinages, Paris, C. de Sercy, 1652, in-4°, p. 19-20), soignait ses parterres dont nous avons conservé les dessins (O. de Serres, le Théâtre d'agriculture, p. 592) et se passionna pour la construction du canal (Malherbe, Lettres, III, 70). — Sur la pénurie des logements à Fontainebleau, voir Canestrini (V, 463) et Bibl. nat., nouv. acq. fr. 7 225, fol. 273 r°. En 1701 M. de Cavoie, grand maréchal des logis, se plaignant à Louis XIV de l'insuffisance des logements disponibles, le prince lui dit : Mais on y tenoit du temps de François Ier, sous Henri IV, mon grand-père, sous le feu roy mon père !Ah, sire, fit l'autre. Votre Majesté me parle là de plaisants rois ! (cité par P. Paris dans Tallemant, V, 180, note). Louis XIV se trompait. Le duc de la Force décrit l'emploi de la journée d'Henri IV à Fontainebleau (dans Mém., éd. Lagrange, I, 462). La grande distraction était alors comme aujourd'hui d'aller regarder les carpes (l'Injustice terrassée aux pieds du roi, s. l. n. d., in-12°, p. 213).

[46] Quand le roi donne un grand dîner, on dit qu'il festoyé la roine et les princesses (Palma-Cayet, Chronologie septennaire, éd. Michaud, p. 124). — Voir la disposition d'un grand dîner donné par lui à Fontainebleau dans la salle de la belle cheminée (Bibl. nat., ms. Dupuy 76, fol. 229 r°). — Les trop grands repas s'accompagnaient de beaucoup de confusion : Non e maraviglia in Francia dove tutte le cose si fanno con summa confusione (Bentivoglio, Lettere, Florence, 1865, II, 414).

[47] Sur l'hôtel de Zamet, voir une note de P. Paris (Tallemant, I, 21). Le père de ce Zamet était un simple cordonnier de Lucques, disait-on (Remarques sur la confession de Sancy dans L'Estoile, Journal, V, 354). Sa mine cérémonieuse est indiquée dans les Contrevérités de la cour (E. Fournier, Variétés hist. et litt., IV, 342). Tout le monde connaissait les services financiers que Zamet avait rendus à Henri IV (Canestrini, V, 338). La reine dînait volontiers chez le banquier à Fontainebleau (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 89, fol. 43 r°) où il habitait, comme gouverneur du château, la Conciergerie (Discours sur l'ordre observé à l'arrivée de don Pèdre, p. 6). Devenue régente, Marie de Médicis continuera d'aller dîner à l'hôtel du Marais (Mém. du maréchal d'Estrées, éd. Michaud, p. 399). Quand un prince étranger quelconque passe par Paris, Henri IV le fait héberger chez Zamet (Bibl. nat., ms. ital. 1750, fol. 76 r° et 160 V). Henri IV et Louis XIII protégèrent beaucoup les fils de ce personnage (Bibl. nat., ms. fr. 7 854, fol. 183 v° ; nouv. acq. fr. 9 173, fol. 428 r°. — Les Entretiens des Champs-Élysées, in-8°, 1631, p. 48. — Arnauld d'Andilly, Mém., éd. Michaud, p. 438).

[48] Sully, Économies royales, II, 84, 307 ; Lettres missives, V, 314 ; L'Estoile, Journal, VII, 265. En principe le souper doit avoir lieu à six heures (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 7 225, fol. 180 r°).

[49] L'hôtel de Bourgogne est en ce temps-là le vrai lieu de la comédie (l'Ouverture des jours gras ou l'entretien du Carnaval, Paris, M. Blageart, 1634, in-8°). Voir, sur les comédiens de Bourgogne, Bibl. nat., ms. fr. 21 625, fol. 305-310 ; Isambert (Recueil des anciennes lois, XV, 360) ; Th. Platter, qui décrit la salle (Mém. de la Soc. de l'hist. de Paris, 1896, XXIII, p. 195-6) ; Eug. Rigal (Esquisse d'une hist. des théâtres de Paris, de 1548 à 1635, Paris, A. Dupret, 1887, in-12°) ; du même, Alexandre Hardy (Paris, 1889, in-8°). Henri IV contait à madame de Verneuil comment il s'endormait au théâtre (Princesse de Conti, Hist. des amours de Henri IV, Leyde, 1664, in-12°, p. 138). Nous avons groupé ici, pour la soirée, ce qui concerne les théâtres ; en réalité les représentations avaient aussi lieu à toute heure de l'après-midi.

[50] Cet incident nous est connu par les lettres de Marie de Médicis à M. Duval, lieutenant civil de Paris, et M. Paris, procureur du roi au Châtelet (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 89, fol. 184 v° et 185 r°). De simples particuliers louaient très bien l'hôtel de Bourgogne (Tallemant, VI, 101), comme ils faisaient venir les acteurs italiens chez eux afin de donner la comédie (G. Sorel, Histoire de Francion, Paris, 1641, p. 833). Voir aussi : E. Gherard (le Théâtre italien de l'hôtel de Bourgogne, Genève, J. Dentaud, 1695, in-12°), et A. Baschet (les Comédiens italiens à la cour de France, Paris, Plon, 1882, in-16°). Sur Arlequin consulter Otto Driesen (Der Ursprung des Harlekin, Berlin, 1904, in-8°). On imprima à Paris sous le nom de ce personnage une bizarre publication intitulée : Composition de rhétorique de M. Don Arlequin, comicorum de civitatis Novalensis, corrigidor de la bonna lengua francese et latina, condulier de comédiens, connestable de Messieurs les badaux de Paris et capital ennemi de tut les laquais, Imprimé della le bout du monde (s. l. n. d.), in-4°. — Pour juger du ton dont Marie de Médicis écrit à Arlequin, voir par exemple une lettre d'elle du 26 mai 1613 (Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 89, fol. 147 r°). Les lettres à Arlequin, ou le concernant, sont très nombreuses.

[51] Malherbe, Lettres, III, 337 ; Tallemant, I, 16 ; L'Estoile, Journal, VII, 299. En 1604 il vint à la cour des comédiens anglais (Héroard, Journal, I, 91).

[52] La lettre de Catherine de Médicis se trouve dans le ms. nouv. acq. fr. 1 225, fol. 22 v°, de la Bibl. nat. Sur le règlement du bal, voir Ibid., fol. 180 v°, 219 v°. — Étaient convoqués tous les princes, seigneurs et gentilshommes, princesses, dames et demoiselles. La liste des dames ordinairement admises figure dans la description d'un bal chez la reine Marguerite en 1612 (Mercure français, 1612, p. 473, et F. Fassardi, le Grand bal de la reine Marguerite fait devant le roi, la reine et Madame le dimanche 26 août. Paris, J. Nigaut, 1612, in-8°). — Marie de Médicis préférait les courantes et les branles (L'Estoile, Journal, VII, 240). — De Thou décrit son bal de 1602 (Hist. univ., 1740, IX, 522). Les musiciens du roi jouissaient de privilèges spéciaux (Lettres patentes du 9 mars 1606 les concernant : Bibl. nat., Actes royaux, F. 23 610 [615]).

[53] Les ballets sont l'excellence de la Cour : ostez en les dames, les duels et les ballets, ye ne voudrois pas bibvre (Agrippa d'Aubigné, le Baron de Fæneste, éd. de Raimes, p. 128). — Sur les ballets de la Cour consulter : G. Bapst (Essai sur l'histoire du théâtre, Paris, 1893, in-4°, p. 224 et 232) ; Victor Fournel (les Contemporains de Molière, t. II, p. 170-221) ; Paul Lacroix (Ballets et mascarades de Cour de Henri III à Louis XIV, Genève, 1868-70, vol. in-12°) ; le Recueil des plus excellents ballets dansés devant la Cour (Bibl. nat., ms. fr. 25 513). — La salle de Bourbon où se donnent ces ballets est décrite dans le Mercure français (1615, p. 9), par Ad. Berty (Topographie hist. du vieux Paris, I, 36), et Malherbe (Lettres, III, 467) ; celle de l'Arsenal par Tallemant (I, 115).

[54] On pourrait dresser la liste des ballets dansés chaque année par la reine. Voir par exemple J. Bertaut, le Récit pour le ballet de seize dames representans les vertus, dont la royne étoit l'une (dans Œuvres, éd. A. Chenevière, Paris, 1891, in-12°, p. 424) ; lettre du duc de la Force à sa femme (dans Mém. du duc de la Force, éd. La Grange, I, 391) ; P. Matthieu (Hist. de France du règne de Henri IV, II, 88, 189) ; Bassompierre (Mém., I, 94, 213, 223) ; L'Estoile (Journal, VIII, 16 ; IX, 214) ; Sully (Économies royales, II, 309). Les auteurs contemporains abondent de détails sur les désordres et confusions  de toutes les fêtes et cérémonies du temps : Fl. Rapine (Recueil de tout ce qui s'est fait en l'Assemblée générale des États, Paris, 1651, in-4°, p. 440) ; G. Colletet (le Roman satyrique, Paris, 1624, p. 155) ; Courval-Sonnet (les Exercices du temps, Rouen, G. de la Haye, 1631,in-12°, p. 4) ; Bentivoglio (Lettres, Paris, 1680, in-12°, p. 393).

[55] A part le jeu de cartes, on jouait aussi volontiers dans l'intimité à certain jeu de bonne aventure au moyen de clés et de quatrains (Fr. d'Hervé, le Panthéon et temple des oracles où préside fortune, Paris, D. Thierry, 1630, in-12°, avertissement). La passion d'Henri IV pour le jeu était connue de tout le public et violente (L'Estoile, Journal, IX, 81 ; Lettres missives, VIII, 943) ; avec le libertinage et l'avarice c'étaient les trois défauts qu'on reprochait au prince (S. Dupleix, Hist. de Henri le Grand, Paris, 1632, in-fol., p. 593). Bassompierre cherchait à défendre son maître de ce reproche (Bassompierre, Remarques sur les vies des rois Henri IV et Louis XIII, p. 169). Henri IV aimait à jouer aux échecs (Cl. Groulart, Mém., éd. Michaud, p. 589 ; Villegomblain, Mém. des troubles arrivés en France, Paris, J. Guillery, 1667, in-12°, p. 225 ; G. du Peyrat, la Philosophie royale du jeu des échecs, Paris, 1608, in-8°). Dans le peuple la passion du jeu était effrénée. La maison de Raby, rue Saint-Honoré, était réputée comme tripot illustre (Discours fait au roi par Mathault, naguières venu de Paradis (s. l.), 1605, in-12°, p. 18). Henri IV mort, le gouvernement fit défendre de jouer aux brelans et de tenir académies de jeu (Déclamation du roy, portant défenses à toutes personnes de tenir berlans ou académies ni assemblées pour jouer aux cartes ou aux dés, Paris, F. Morel, 1611, in-8° ; Mercure français, 1611, p. 35). Les États généraux de 1614 proscriront les jeux de cartes (Cahier général du Tiers-État de 1614 [s. l. n. d.], in-4°, p. 203) et le Parlement joindra ses remontrances à ces réclamations (Remontrances faites au roi en 1615, dans Fl. Rapine, Recueil de tout ce qui s'est fait en l'Assemblée des États, p. 244).

[56] C'est Fontenay-Mareuil (Mém., éd. Michaud, p. 35) qui décrit les soirées de Marie de Médicis. Il arrive à la reine de jouer jusqu'à minuit ; elle soupe ensuite (Lettre d'elle au roi mentionnant le fait : Bibl. nat., Cinq-Cents Colbert 86, fol. 1 v°). Elle se retire toujours dans son Petit Cabinet (Mém. de Déageant, Grenoble, 1668, in-12°, p. 36). Nous n'avons pas beaucoup de lettres originales d'elle entièrement écrites de sa main ; on ne les a pas conservées ou elle évitait de les écrire en raison de son ignorance de la langue française et de l'habitude fâcheuse qu'elle avait de faire des pâtés (Héroard, Journal, I, 253 ; Avenel, Lettres de Richelieu, VII, 405, note). Le mot que nous citons d'elle est donné par Bentivoglio (Lettere, Florence, 1867, III, 70).

[57] Les heures et les modes de fermeture du Louvre le soir sont fixés par les règlements (Bibl. nat., mss fr. 3 445, fol. 27 r°, 29 r° ; 7 225, fol. 69 r°, 76 r°, 132 v°, 284 r° ; nouv. acq. fr. 9 738, fol. 283. Cf. Ibid., Cinq-Cents Colbert 221, fol. 231 r°, 381 r°).