LE ROI LOUIS XIII À VINGT ANS

 

CHAPITRE X. — L'ASCENSION DE RICHELIEU.

 

 

Richelieu à Blois en 1617 ; le rôle équivoque qu'il joue ; mauvaise impression de Louis XIII. — Départ de Richelieu pour Coussay : Louis XIII le prie d'y rester ; manœuvres de Richelieu pour se faire rappeler ; Louis XIII exile Richelieu à Luçon, 26 octobre 1617. — Richelieu reste en correspondance avec Marie de Médicis et la conseille : Louis XIII exile Richelieu à Avignon, 7 avril 1618. — Fuite de Marie de Médicis de Blois : Richelieu fait convaincre Louis XIII qu'il peut seul arranger les affaires : on le laisse aller à Angoulême : traité d'Angoulême, 1619. — Richelieu ne peut décider Marie de Médicis à se rapprocher du roi : débordé, il suit le courant : la révolte de 1620 ; Richelieu négocie le traité d'Angers et fait poser comme condition que le cardinalat sera demandé pour lui ; Louis XIII cède à contrecœur ; instances pressantes de Richelieu et de Marie de Médicis pour ce cardinalat qui est refusé par Rome, 1621. — Richelieu conduit Marie de Médicis dans sa lente et patiente campagne auprès de Louis XIII. Marie de Médicis admise au conseil ; Richelieu enfin cardinal, 1622. — Il s'offre et se fait offrir au roi pour ministre : refus de Louis XIII ; manœuvres ; résistances du roi ; Marie de Médicis et la Vieuville parviennent à décider Louis XIII. — Richelieu admis au conseil, 29 avril 1624, mais dans une situation secondaire.

 

Tombé du pouvoir en 1617 avec le maréchal d'Ancre, menacé, inquiété, Richelieu, nous l'avons vu, n'avait pas eu de meilleur parti à prendre que de suivre la reine mère exilée. Au milieu d'une cour hostile, la princesse déchue était la seule qui lui manifestât quelque sympathie : elle demeurait mère du roi, elle reprendrait sa place ; le retour se ferait avec elle et, par elle, se retrouveraient les honneurs perdus : En France, estimait Richelieu, le meilleur qu'on puisse avoir est la patience, d'autant que nous sommes si légers qu'ils est impossible que les établissements que nous faisons soient de durée[1].

Il avait accompagné Marie de Médicis à Blois : il avait fait transporter ses meubles dans sa nouvelle résidence comme pour bien indiquer ses intentions définitives[2]. Quelle était la raison de son succès auprès de l'ancienne régente ? Il le devait à ses manières d'extrême obéissance et de respect ; à ses formes de soumission et d'attachement ; à une affectation d'avoir l'air de ne suivre que les volontés de la souveraine ; puis à cette intelligence admirable de lucidité et de perspicacité qui faisait que sur toute affaire grande ou petite, il voyait du premier instant les difficultés, les énumérait, indiquait ce qu'il fallait résoudre, et conseillait merveilleusement. Marie de Médicis s'attacha à Richelieu. Personnage entier, complexe et ardent, Richelieu, s'il a suscité dans sa vie des haines vivaces, a provoqué des dévouements passionnés[3]. Marie de Médicis lui a témoigné, à cette date, un de ces dévouements. Elle signait les lettres qu'elle lui adressait : Votre bien bonne amie, Marie[4]. Mieux que le maréchal d'Ancre, Richelieu était véritablement, suivant le mot de madame de Motteville, son favori[5]. Il y a lieu d'écarter la moindre arrière-pensée de relations suspectes. Marie de Médicis, âgée de près de cinquante ans, était forte, blanchissante, laide ; d'un tempérament très froid, elle n'avait jamais donné prise à la malignité publique. De son côté, maigre et sec, tout en intelligence, incapable d'un sentiment quelconque autre que l'ambition, Richelieu, n'avait pas ce qu'il fallait pour jouer le rôle qu'on pourrait supposer. En tout cas il n'existe pas de témoignage authentique autorisant même un soupçon[6].

Par brevet daté du 19 mai 1617, Marie de Médicis avait nommé Richelieu chef de son conseil et de ses affaires, pour tenir et avoir la garde de son scel[7]. L'évêque allait être son homme d'affaires. Il avait commencé, lorsqu'elle était partie de Paris, par lui avancer 25.000 francs, afin d'acquitter quelques dettes criardes[8]. Il s'occupera de ses intérêts, fera rentrer ses fonds. Mais étant donné les conditions dans lesquelles il avait demandé et obtenu de Louis XIÏI l'autorisation de suivre Marie de Médicis dans son exil, quels étaient à l'égard du roi, sa situation et son rôle à Blois ? Il va nous le dire lui-même.

Il écrivait à Déageant le 10 mai 1617 : La confiance qu'on a désiré que je prisse auprès d'elle (la reine mère) est établie, de sorte que s'il n'arrive du changement, que je ne prévois pas, il est impossible qu'il arrive inconvénient quelconque, car je m'oblige au roi, sur ma tête, d'empêcher toute cabale, menées et monopoles, ou, si je ne le puis, non seulement m'obligé-je à lui en donner avis, mais le lui donner à temps pour y apporter remède. Et je vous l'écris maintenant absolument pour que cette lettre serve de titre contre moi, au cas que je manque à ce que je promets, m'assurant que mon affection sera connue de telle sorte au roi qu'il ne me laissera pas au rang des péchés oubliés[9].

Ainsi, tout en s'attachant à Marie de Médicis avec l'espoir que celle-ci reviendrait à Paris et l'y ramènerait, l'évêque de Luçon cherchait à arranger ses affaires avec-la cour. Il se ferait l'agent de celle-ci ; il surveillerait les entours de l'ancienne régente ; il tâcherait d'empêcher toute intrigue, toute cabale ; s'il ne pouvait pas y parvenir, il préviendrait le roi afin que celui-ci put prendre les mesures nécessaires : il ne cachait pas qu'il souhaitait en échange qu'on ne le laissât pas au rang des péchés oubliés ! C'était un marché. Charles Bernard l'explique : l'évêque de Luçon qui n'avoit recherché la faveur du maréchal d'Ancre que par le désir qu'il avoit de faire paraître dans la cour les dons d'esprit qu'il avoit prenoit la résolution de tourner ses soumissions vers son roi comme plus justes et capables de procurer désormais son avancement[10].

Il fut convenu que l'évêque de Luçon écrirait à Déageant au moyen d'un chiffre[11]. Richelieu écrivit régulièrement. Dans ses lettres il multipliait les expressions de sympathie à l'égard d'un correspondant qu'il devait traiter plus tard avec rigueur durant son ministère et avec mépris dans ses Mémoires. Je vous fais connaître, lui disait-il, à l'annonce que Déageant était nommé intendant des finances, la joie que j'ai que vous soyez en une charge en laquelle vous ne doutez point que je ne vous aie désiré[12]. Assurez-vous qu'il ne sera jour que je ne me ressouvienne des offices que vous me rendez et que, si je n'en prends revanche, il en faudra accuser mon impuissance[13]. Pour vous, que je tiens pour un de mes meilleurs amis, je vous en souhaite, du bien, avec plus de passion que vous ne sauriez le désirer vous-même[14]. Il attendait que Déageant le défendit près du roi, plaidât sa cause et parvint à améliorer son sort : Déageant ne devait pas réussir.

En le voyant, en effet, accepter de jouer à Blois un rôle plutôt équivoque, la cour avait conçu de Richelieu une idée défavorable. L'évêque était un intrigant ; il était trop intelligent pour ne pas l'être. Je ne vous tairai point, Monsieur, lui avouait Déageant, qu'à toutes heures on a les oreilles battues de ne se point assurer à la personne à laquelle vous savez que j'ai voué tout service (Richelieu) ; et veut-on persuader qu'elle est du tout portée à la cabale. Il faut, s'il vous plaît, Monsieur, que Luçon continue à veiller[15] ; et huit jours après : les rapports et artifices contre Luçon redoublent tous les jours[16]. Si le prélat trompait Marie de Médicis, disait-on, quelle raison avait-on de croire qu'il ne trompât pas aussi le roi ? On l'accusait de duplicité. Marie de Médicis, prévenue, avait déclaré, après explication de Richelieu, qu'elle était satisfaite de lui[17]. Mais Louis XIII était mal impressionné. N'allait-on pas jusqu'à dire que Richelieu correspondait avec l'Espagne, ce dont l'évêque se défendait avec véhémence[18]. Je suis le plus malheureux de tous les hommes, sans l'avoir mérité, écrivait-il, navré, à Déageant. Si je n'eusse pensé être garanti de l'envie et de la rage par l'appui que vous savez, je ne me fusse pas embarqué au vaisseau où je suis, ayant, comme je vous ai dit, avant que de partir de Paris, bien prévu toutes les difficultés et les obstacles qui se sont rencontrés et rencontrent en l'affaire dont il est question. La rage et l'envie me combattent d'une part, d'autre, une haine qui m'ayant pour objet, en partie, ne laisse pas de porter sur d'autres[19]. Qui donc lui en voulait ? Vitry, d'abord, disait-il : J'ai ouï dire que M. de Vitry est fort animé contre moi ; je ne sais ce qui en est : vous savez si c'est avec sujet et quel prétexte on peut prendre[20]. En réalité ceux qui le jugeaient le plus sévèrement étaient les anciens ministres. Ils ne lui pardonnaient pas d'avoir été une créature de Concini, tout au moins de ne pas s'être opposé aux accaparements de celui-ci. Du Vair paraissait le plus acerbe. Richelieu répondait avec amertume : Si être venu en charge de son temps (de Concini) c'est un crime, qu'a fait le sieur du Vair qui l'en exempte ? Si être sorti de charge en étant ôté contre son gré lui donne cet avantage, en avoir voulu sortir par cinq fois, avec instance, de son propre mouvement, ne doit-il point donner le même à juste titre ? M. le garde des sceaux qui fait profession d'égalité en soi-même, ne devroit pas garder si longtemps une rancune comme celle qu'il a contre lui (Richelieu) et pour un sujet illégitime[21].

Aussi lorsque l'attitude de la cour de Blois excita les soupçons, qu'on eût vent à Paris d'intrigues, d'allées et venues se faisant dans l'entourage de Marie de Médicis, la première personne soupçonnée d'en être l'auteur fut Richelieu. On agita au Conseil la question de savoir s'il n'y avait pas lieu d'écarter Luçon de l'ancienne régente : il avait trop d'esprit disait-on. On ajourna[22]. La lettre d'un informateur qui assurait positivement que Richelieu dirigeait les menées, qu'il écrivait, nouait des intelligences de tous côtés, et même s'assuroit de nombre de gens de guerre pour la reine mère dans le Poitou, acheva de fortifier les mauvaises dispositions du gouvernement à son égard. Les ministres s'assemblèrent : il paraissait indispensable, jugeaient-ils, de proposer au roi le renvoi de Luçon dans quelqu'une de ses terres. On sait comment au sortir du conseil, un des membres, M. de Châteauneuf, rencontrant le frère de l'évêque, M. de Richelieu, et lui annonçant la nouvelle de l'exil de Luçon comme certaine, sans attendre que le roi eut ratifié la proposition, M. de Richelieu écrivit à Blois afin d'avertir l'évêque. Celui-ci fut déconcerté : mieux valait, pensa-t-il, prévenir la mesure que de l'attendre : partant de lui-même il demeurerait libre, n'ayant pas été l'objet d'une disgrâce, et, avec le temps rentrerait quand il le voudrait. Le 12 juin il demandait à la reine mère un congé de huit jours sous prétexte d'aller à son prieuré de Coussay s'occuper d'affaires personnelles, et il quittait Blois précipitamment[23].

En réalité, le roi n'avait pas pris la décision sollicitée. Mais quand on sut à Paris le départ inopiné de l'évêque, le gouvernement décida de profiter de la circonstance pour rendre cet éloignement définitif. Le 15 juin le roi signait une lettre à Luçon dans laquelle il lui disait : J'ai appris que vous vous résolviez de vous en retourner en votre diocèse pour vaquer, selon le dû de votre charge, à exhorter vos diocésains à se conformer aux commandements de Dieu et des miens, ce que j'approuve, et loue grandement votre résolution ; pour vous y confirmer davantage et vous témoigner combien elle m'est agréable, je vous dépêche ce gentilhomme exprès tant pour vous le dire de ma part que pour vous rendre celle-ci ; et aussi que vous n'ayez à partir de votre évêché ou autres vos maisons ou bénéfices sans autre commandement de moi[24]. Richelieu était joué. Nous nous sommes fait le mal à nous-mêmes, lui écrivait Tantucci[25]. Des deux frères, l'un avait parlé trop tôt, et l'autre avait agi trop vite. Je suis au désespoir, écrivait M. de Richelieu à l'évêque de Luçon, de vous avoir donné l'avis de ce que je vous ai mandé, bien qu'il fut vrai et que je l'eusse appris de M. de Châteauneuf qui me dit qu'il avoit été présent à la résolution qui en fut prise[26]. A Blois, Marie de Médicis eut une violente colère. Elle fit écrire par son aumônier M. de Bonzi, évêque de Béziers, à Richelieu, de revenir immédiatement. Il n'y a autre moyen, mandait Bonzi, que votre venue, qui puisse détromper le roi et toute la cour que vous n'avez pas pris congé de la reine pour toujours[27]. L'aumônier se rendit à Paris afin d'arranger l'affaire : on lui fit des réponses dilatoires. Tous les diables sont déchaînés contre nous, mandait-il à Richelieu ; nos ennemis ont profité de votre absence[28]. Alors, Marie de Médicis écrivit à Louis XIII, à M. de Luynes, réclamant avec insistance son surintendant ; elle disait à ce dernier : Je vous ai voulu écrire pour vous dire que M. de Luçon sera demain auprès de moi, vous protestant que je mourrai plutôt qu'endurer qu'après la permission que le roi m'a donnée de le retenir près de moi, mes ennemis eussent le pouvoir de me faire un si grand affront qui me seroit du tout insupportable[29]. Il était trop tard. Richelieu avait reçu la lettre du roi : il ne pouvait plus rentrer.

Il fut accablé. Il avait cru être habile ; il s'était imaginé éviter un danger, et il n'avait réussi qu'à se jeter au devant. Je suis si malheureux ! disait-il à sa sœur mademoiselle de Richelieu[30]. L'effet sur l'opinion fut détestable. Il restait à patienter et à attendre. Richelieu dirait et ferait dire qu'il ne s'occupait plus que des devoirs de sa charge d'évêque. Servant Dieu et mes amis, écrivait-il en août 1617, je suis résolu de couler doucement le temps parmi mes livres et mes voisins et de faire, en vivant de cette façon, que mes ennemis aient toujours plus de lieu d'envier mes actions que de les condamner. A l'archevêque de Tours il mandait : Je m'occupe aux fonctions de ma charge sans penser à autre chose ![31] Etait-il sincère ? Sa préoccupation de tous les instants ne devait-elle pas être, au contraire, de rentrer à Blois, de reprendre ce chemin du pouvoir qu'il avait trop tôt quitté ? Il allait s'arranger en effet pour que Marie de Médicis le réclamât ; puis, de son côté, faire agir en cour, afin de préparer les esprits. Il trouva l'aide qu'il lui fallait dans un capucin habile, le P. Joseph.

Homme intelligent, actif, esprit de feu qui a toujours eu de grands desseins en tête, le P. Joseph devait être de ceux qui professeront pour Richelieu une admiration sans borne et un dévouement aveugle[32]. Richelieu savait qu'il connaissait Déageant. J'ai su, lui écrivait-il, que vous voyez et estimez grandement M. Déageant, que j'ai toujours tenu pour être un de mes amis. Il priait le religieux d'aller voir le confident de M. de Luynes, de lui parler de l'évêque, d'obtenir que Déageant intervint auprès de Louis XIII afin de ramener le souverain à des dispositions plus bienveillantes à l'égard de Luçon ; il protesterait surtout de l'innocence de celui-ci, ainsi que de la pureté de ses intentions[33]. Le P. Joseph se mit à l'œuvre. Aux termes d'une lettre qu'il écrivait au cardinal Borghèse en septembre 1617, il se flattait d'avoir en partie réussi ; il disait qu'il avait obtenu du roi l'autorisation d'aller à Blois calmer les ressentiments de la reine mère et que la condition de cet apaisement serait le rappel de Richelieu auprès de l'ancienne régente : il se trompait[34].

Pendant ce temps, en effet, docile aux suggestions venues de Coussay, Marie de Médicis réclamait à son fils le retour de Richelieu : Louis XIII refusait. Elle revenait à la charge ; on lui répondait en septembre, d'une façon évasive, que le moment n'était pas venu, qu'on verrait dans deux mois[35]. Lorsque Modène avait été envoyé auprès de l'ancienne régente, il avait été prié d'expliquer à la princesse combien il était inutile de redemander ainsi l'évêque de Luçon : que le roi ne voulait pas laisser revenir celui-ci auprès de sa mère : il n'avait aucune confiance en lui : ce n'était qu'un homme faux qui les trahirait tous les deux[36]. Marie de Médicis avait tenu bon, réclamant son surintendant à quelque prix que ce fut[37]. Cette obstination irrita le gouvernement. Le bruit courait que Richelieu guidait la reine, de loin ; que quittant même Coussay, sous des déguisements, il se rencontrait avec des gens de Blois. Ne l'avait-on pas vu en compagnie de madame de Guercheville, la dame d'honneur ? Le nonce mandait à Rome le 11 octobre : l'indignation contre Luçon croit de plus en plus[38]. Imprudemment Marie de Médicis renouvela sa demande. Evidemment Richelieu la conduisait. Il avait proposé à Marie de Médicis de prendre sa propre sœur à son service, et lui avait même offert un de ses affidés comme secrétaire. La cour l'avait su : Modène avait été chargé de signifier à la reine mère que le roi s'opposait à l'acceptation de ces offres[39]. On surveilla. Il n'y eut plus de doute : les allées et venues entre Blois et Coussay étaient certaines, la correspondance aussi. Louis XIII n'y tint plus : le 26 octobre il ordonnait à Richelieu d'avoir à quitter sur le champ Coussay, se retirer à Luçon et n'en plus sortir sans son autorisation expresse : Monsieur l'évêque de Luçon, lui disait-il, je vous ai ci-devant fait savoir mon intention, ensuite de laquelle je vous dirai encore que je désire, pour aucunes considérations qui importent à mon service, lesquelles je ne veux ici exprimer, que vous vous retiriez en votre évêché et vous y acheminiez au plus tôt et y demeuriez jusques à ce que vous ayez sur ce sujet autre commandement de moi, vous y contenant en la fonction de votre charge et rejetant désormais les intelligences, traités et correspondances, et les allées et venues que l'on a voulu, jusques à présent, entretenir avec vous, à quoi je vous ordonne de satisfaire[40]. C'était une nouvelle disgrâce, celle-ci aggravante. Richelieu subit le coup avec une apparente impassibilité. Il répondit le 2 novembre au roi une lettre respectueuse : il obéirait ; il ne protestait pas, il ne murmurait pas[41]. Il écrivait le même jour à Pontchartrain d'un ton attristé, mais résigné : il n'essayait même pas de nier les allées et venues et correspondances qu'on lui reprochait[42]. Peu d'hommes ont eu une sensibilité aussi maladive que Richelieu et plus de capacité à souffrir des moindres déboires ; mais peu aussi ont été maîtres à ce point d'eux-mêmes et n'ont mieux su dérober aux autres les émotions violentes qu'ils pouvaient éprouver. L'attitude extérieure de Richelieu parut irréprochable.

Marie de Médicis fut indignée. Elle n'acceptait pas cette décision du roi. Plus que jamais elle réclamerait avec véhémence le retour de l'évêque près d'elle : quant à admettre que Richelieu ne lui écrivît plus, il n'y fallait pas songer ; et elle commanda à l'exilé de continuer à lui donner ses conseils ; elle insista : Richelieu faisait allusion dans un mémoire de mars 1619 au commandement réitéré qu'on lui avait fait de donner ses avis[43].

En présence de ce ferme soutien, Luçon se reprit à espérer. D'un ton plus confiant, il écrivait à son frère, au début de 1618 : On m'impute que la reine me désire avoir en sa maison ; si elle me fait cet honneur, ce ne sont pas mes sollicitations qui en sont cause, mais bien la fidélité que j'ai au service du roi et au sien. Je ne sais qui m'estimera coupable pour avoir eu cette espérance[44]. Il saisit l'occasion qui s'offrait à lui ; il écrivit à Blois ; on le sut à la cour : On m'a dit, mandait Richelieu à M. de Montbazon, qu'on publie que je donne des conseils à la reine ; elle a daigné quelquefois m'honorer de ses lettres ; je sais trop bien quel est mon devoir pour avoir manqué à lui écrire ; mes lettres consistent en actions de grâces de l'honneur qu'il lui plaît me faire ; il y a grande différence des affaires d'une maison particulière et celles d'un Etat[45]. En fait, il désobéissait ; il bravait le roi : on était convaincu, à Paris, qu'il donnait des conseils de révolte. Il s'en défendra plus tard ; il dira : Quels conseils donnai-je à la reine, si ce n'est qu'elle ne devoit avoir aucun sentiment des choses passées ; que tout ce qu'elle avoit à faire étoit de se gouverner modérément ![46] On sut que malgré la distance et les ordres du roi, il venait déguisé, dans le pays de Blois, s'entendre avec l'entourage de Marie de Médicis[47]. L'exaspération montait à la cour. On se répétait les raisons qu'on avait de lui en vouloir : c'était un personnage suspect, vaniteux, violent, n'offrant aucune sécurité : il avait été la créature de Concini à qui il avait écrit des lettres dont la platitude avait révolté tout le monde ; secrétaire d'Etat, il avait signé des comptants illégaux au profit du maréchal d'Ancre ; il s'était fait la créature aveugle de l'ancienne régente ; il était inféodé à la politique espagnole[48]. La découverte des menées de Barbin fit éclater l'orage.

Au milieu des informations recueillies après les arrestations opérées au sujet de cette affaire, on crut avoir la preuve que Richelieu, mêlé aux intrigues, s'était rendu sous un déguisement à une abbaye située à six lieues de Blois, que Marie de Médicis était venue l'y voir sous prétexte d'aller faire ses dévotions à un pèlerinage voisin de Notre-Dame et qu'ensemble ils avaient comploté[49]. Richelieu niera, dans ses Mémoires, d'une façon ambiguë, il est vrai, sa participation à l'affaire de Barbin : Ils ne me trouvèrent pas, dira-t-il, dans les papiers de ceux qui manioient les affaires, comme convaincu d'avoir mal fait : Il conteste seulement avoir mal fait[50]. Son frère, M. de Richelieu et son beau-frère, M. du Pont de Courlay, étaient compromis. Le gouvernement prit une décision rigoureuse : ce fut d'exiler les trois personnages hors de France, à Rome, puis, se ravisant, — Rome était trop loin, l'évêque y serait trop libre, — de les envoyer à Avignon, terre étrangère, papaline, mais où on pourrait les surveiller[51]. Par lettre du 7 avril 1618, Louis XIII notifiait à Richelieu sa volonté ; il invoquait les fréquentes visites, les allées et venues de diverses personnes qui se faisoient aux lieux où il étoit[52].

Richelieu prétend dans ses Mémoires que le coup ne l'étonna pas : Je ne fus pas surpris, dit-il, à la réception de cette dépêche, ayant toujours attendu de la lâcheté de ceux qui gouvernoient toutes sortes d'injuste, barbare et déraisonnable traitement[53]. Il répondit au roi le 18 avril une lettre très calme ; il obéirait encore ; il affirmait à nouveau son affection et sa fidélité[54]. Déjà en route, il mandait à Pontchartrain le 19 : J'ai voulu que mon obéissance précédât toute sorte de supplications[55]. En réalité il était désespéré. C'était tomber de plus en plus bas. Les moyens qu'il avait mis en œuvre pour relever sa fortune s'étaient retournés contre lui et n'avaient servi qu'à aggraver sa situation : l'avenir était compromis. Il eut à ce moment une des heures les plus sombres de son existence : il pensa à la mort ; il rédigea une manière de testament[56]. Mais, nerveux et passionné comme il était, s'il pouvait céder un moment à l'abattement produit par une déception, en raison de sa nature combative, de ce besoin d'action qu'il a eu à un si haut degré, il n'allait pas tarder à se ressaisir.

Bien que la cour de Rome n'admit pas volontiers que le roi de France exilât si facilement un évêque, néanmoins elle avait ordonné d'accueillir aimablement Richelieu en terre avignonnaise[57]. Le vice-légat d'Avignon Jean François Bagni, archevêque de Patras, reçut gracieusement les exilés, leur recommanda de ne pas donner ombre de préoccupation aux ministres du roi et se montra des plus prévenants[58]. Je ne puis oublier, lui écrivait plus tard Richelieu, les courtoisies que j'ai reçues de vous durant le séjour que j'ai fait en vos quartiers[59].

Richelieu allait être surveillé, il devait être prudent. Il s'installa avec son frère et son beau-frère et régla sa vie : il verrait peu de monde ; il partagerait son temps entre des travaux théologiques et la fréquentation de quelques religieux augustins ou récollets dont les couvents étaient voisins de sa maison[60]. J'ai vu et su, mandait au gouvernement, le 21 août, un moine indicateur envoyé à Avignon afin d'observer l'évêque, que M. de Luçon, messieurs de Richelieu, son frère et du Pont, son beau-frère, sont en cette ville logés sous le même toit et souvent visités par personnes de diverses conditions ; mais ils se tiennent avec une grande retenue, ayant la plupart de telles visites suspectes, à raison, dit M. de Luçon, que le roi les fait veiller et garder de toutes parts. Ceux qu'ils voient plus confidemment et avec lesquels ils traitent en secret sont deux maisons de religieux auxquelles ils vont souvent de bon matin et n'en sortent que bien tard. Je me suis informé si M. de Richelieu étoit sorti de cette ville pour quelque temps, mais n'en ai rien su apprendre de certain. J'ai, pour l'avenir, personnes qui y prendront soin[61].

Les mois se passèrent ; l'automne vint, puis l'hiver. Combien de temps allait durer cet exil ? En décembre, M. de Richelieu, le frère, perdit sa femme : il écrivit au roi : en considération du dernier malheur qui lui étoit arrivé, il sollicitait l'autorisation d'aller passer huit jours à Paris afin d'arranger la succession : on avait mis les scellés ; il était question d'inventaire et de saisie ; sa présence était nécessaire[62]. M. du Pont de Courlay implorait la même permission[63]. Louis XIII autorisa : Je vous permets bien volontiers, répondit-il aux deux gentilshommes ; il se fiait à leur fidélité[64]. Alors l'évêque de Luçon écrivit aussi le 20 décembre pour demander d'accompagner son frère et son beau-frère : Je ne doute pas, Sire, disait-il, que Votre Majesté ne m'accorde ma très humble requête. On le garderait et surveillerait, s'il le fallait ; il avait à travailler ; il voulait composer certain livre contre les protestants : Ne désirant autre contentement, outre celui d'obéir à vos commandements, qu'être parmi des livres pour faire une réplique à la réponse que quelques ministres de la religion prétendue réformée ont faite au livre que j'eus l'honneur de dédier à Votre Majesté l'année passée. Louis XIII refusa[65].

Les deux frères partis, la vie fut plus triste à Avignon. N'y aurait-il donc aucun moyen de mettre un terme à cette disgrâce ? Une circonstance ne se présenterait-elle pas qui put permettre d'agir, de sortir de cet exil désespérant, de se rapprocher ? Cette circonstance n'allait pas tarder à se produire : ce devait être la fuite de Blois.

Marie de Médicis en révolte, Richelieu comprit tout de suite le parti qu'il pouvait tirer de l'événement. La reine mère serait certainement entourée de gens médiocres et violents qui se disputeraient entre eux et s'arrangeraient pour brouiller de plus en plus les affaires. Le gouvernement, menacé de la guerre civile, se trouverait impuissant à réduire amiablement cet entourage d'agités ; il hésiterait avant d'user de la voie des armes. La question était de lui suggérer que Richelieu était le seul homme capable d'intervenir efficacement pour dénouer la situation. Qu'on le laissât aller à Angoulême ; il évincerait les conseillers de la reine mère, reprendrait auprès de celle-ci une influence que rien ne faisait supposer qu'il eut perdue, et userait de cette influence dans les intérêts du roi afin de calmer l'ancienne régente, la ramener à la soumission et faire conclure une paix honorable.

Le fidèle père Joseph fut encore mis à contribution ; il entra en campagne ; un autre personnage qui devait tenir une place importante dans la vie de Richelieu, Bouthillier, abbé de la Cochère, plus tard évêque d'Aire, s'adjoignit à lui. Ensemble, les deux confidents expliquèrent à Déageant la combinaison : il n'y en avait pas de meilleure[66]. Déageant comprit, parla à Luynes, à Louis XIII. Dans l'état où en étaient les affaires, Béthune n'aboutissant à aucune conclusion à Angoulême, il était évident qu'il en coûtait peu d'essayer de ce moyen : Richelieu serait peut-être moins dangereux auprès de Marie de Médicis que Rucellaï ou d'Epernon : on avait éloigné Luçon afin d'éviter un mal : ce mal s'était produit ; le retour de l'évêque près de la reine mère augmenterait, en tout cas, les brouilles existant autour de celle-ci, ce qui affaiblirait d'autant le parti des révoltés ; et si Richelieu, par hasard, tenait sa parole, écartait les brouillons, accommodait le différend, on arriverait à une solution. Louis XIII se décida. Déageant rédigea la lettre à expédier à Avignon afin de mander à Luçon de se rendre à Angoulême, le roi ajouta quatre ou cinq lignes de sa propre main et le frère du P. Joseph, M. du Tremblay, fut chargé d'aller porter la missive à Richelieu[67].

Il parvint à Avignon le 7 mars 1619. Nous ne savons pas quelle impression dut éprouver Richelieu en recevant la lettre du roi : elle dut être vive : il avait réussi. Deux heures après l'arrivée de du Tremblay, l'évêque montait en carrosse, se mettait en route et malgré un incident en chemin, — le gouverneur de Lyon, M. d'Alincourt, croyant que Richelieu s'enfuyait, l'avait un instant fait arrêter, — l'évêque atteignait rapidement Angoulême[68].

Son arrivée à la petite cour de Marie de Médicis fut accueillie avec des sentiments divers. La reine mère, ravie, le reçut comme un envoyé du ciel. Les autres, décontenancés, se tournèrent contre lui. Ils étaient divisés en deux partis, celui de Rucellaï et celui de d'Epernon. L'ancienne régente ne voulait se livrer à aucun des deux : elle ne savait à qui entendre. L'habile prélat, allait la tirer d'embarras[69]. Richelieu agit avec une prudente circonspection. Il ménagea d'Epernon, alla le voir, affecta de lui demander son opinion, de lui tout dire ; d'Epernon flatté se déclara son ami[70]. Au conseil de la reine, l'avis de Richelieu était que Ion fit la paix : il n'y avait pas moyen d'engager une guerre : cet avis s'imposait. Quand le cardinal de La Rochefoucauld arriva, Richelieu s'aboucha avec lui ; le 30 avril, le traité d'Angoulême était signé : Richelieu avait tenu sa parole[71] !

Puis, peu à peu il écarta Rucellaï. Celui-ci outré de voir la place de confiance qu'il occupait près de Marie de Médicis prise, commettait sottises sur sottises. Marie de Médicis le négligeait ; elle nommait Richelieu son chancelier[72] ; en juillet, sur des racontars colportés par Rucellaï, M. de Thémines ayant provoqué en duel M. de Richelieu, le frère de l'évêque, et l'ayant tué, Rucellaï dut enfin s'en aller : Luçon demeurait le maître[73]. Il était le conseiller écouté, le confident de Marie de Médicis ; il lui rédigeait toutes ses lettres, il la guidait[74].

Alors il lui communiqua la pensée dont il jugeait la réalisation indispensable et pour elle et pour lui : le retour à Paris près du roi. Il fut étonné de se heurter à des préventions et à une résistance auxquels il ne s'attendait pas. Si on lui demande, écrivait-il dans les instructions d'un personnage envoyé à Louis XIII en juillet 1619, ce qu'il estime touchant le voyage de la reine à la cour, il répondra, en général, que tous les gens de bien l'y désirent (la reine) ; si on s'enquiert de savoir ce qu'estime l'évêque de Luçon sur ce sujet, il dira que c'est le lieu où la reine doit être, mais que c'est un conseil qui doit venir d'elle[75]. Marie de Médicis ne voulait pas revenir près de son fils. On accusa Richelieu, autour du roi, d'être l'inspirateur de cette décision : Luynes l'accusera. Ce n'était pas plus exact que de dire, comme on le disait, que Luçon et Luynes étaient d'accord pour empêcher l'ancienne régente de rejoindre Louis XIII[76]. Envoyé par Marie de Médicis au roi quelque temps après, Richelieu s'en expliquait nettement avec le souverain, et celui-ci, rassuré, écrivait à sa mère : Vous ne pouviez me faire recevoir, avant votre arrivée, un plus grand contentement que de m'envoyer l'évêque de Luçon, ayant donné à la confiance que vous avez en lui plus de foi et de créance qu'à tout autre qui fût venu de votre part[77].

Aussi lorsque le roi et Marie de Médicis se virent à Couzières et à Tours en septembre 1619, Richelieu fut-il bien accueilli. Louis XIII et Luynes se montrèrent aimables pour lui[78]. Les ministres, notamment Sillery et du Vair, furent plus froids. Ils n'avaient pas confiance ; ils étaient convaincus que Richelieu ne s'occuperait que d'embrouiller les affaires[79]. Et cependant l'évêque de Luçon faisait ce qu'il pouvait pour résoudre Marie de Médicis à revenir à Paris. En novembre il croyait avoir réussi ; il écrivait au P. Arnoux en lui annonçant la nouvelle : Je ne vous dis point la joie que j'en ai ![80] L'ancienne régente n'était pas décidée. Chanteloube combattait avec efficacité les suggestions de Richelieu, répétant à Marie de Médicis, toute disposée à l'entendre, que Louis XIII était irréconciliable, qu'elle ne reviendrait pas dans des conditions d'autorité suffisantes ; qu'à Paris elle serait méprisée, tenue à l'écart, menacée ; qu'elle devait rentrer prépondérante et n'avait d'autre voie pour s'imposer que les armes. Chanteloube n'était pas le seul à donner ces conseils violents : ils étaient écoutés[81].

Le débat devint vif dans les premiers mois de 1620 : on entraînait sans aucun doute Marie de Médicis vers la guerre. Richelieu, aidé de Marillac et du P. Suffren, s'efforçait de montrer l'absurdité du moyen : l'ancienne régente ne le suivait plus. Le torrent m'emportoit, explique Luçon dans ses Mémoires, de telle sorte que vouloir persuader mon opinion ne servoit à autre chose qu'à me perdre sans avancer le service de la reine. On exploita sa résistance contre lui : Mes ennemis, dit-il, pensèrent ainsi me dérober la confiance de ma maîtresse[82]. Ne se voyant pas le plus fort, Richelieu céda : Je fus, par prudence, contraint de revenir à leurs pensées, et, à l'imitation des sages pilotes, de céder à la tempête. On est souvent obligé de suivre les opinions qu'on approuve le moins ; il y a beaucoup à craindre de la puissance des favoris ; j'aimai mieux suivre les sentiments de ceux qui détournoient la reine d'aller trouver le roi que de faire valoir mes raisons : c'était plus habile que brave ; il marcha[83].

Mais alors, ce fut à la cour, un toile contre lui : il était donc bien l'auteur de la rébellion qui se préparait : Dire au sieur de Luçon, portaient les instructions à M. de Montbazon, qui allait trouver Marie de Médicis en avril 1620, que le roi trouve fort étrange la procédure de la reine et que l'on n'en peut attribuer la cause qu'à lui seul[84] (Luçon). Luynes mandait à Richelieu : Tout dépend de vous, car, pour la reine, nous sommes trop assurés de ses bonnes et saintes intentions, pourvu que les vérités aillent jusqu'à ses oreilles : nous avons jusques à cette heure cru de vous ce que l'on doit d'un homme de bien[85]. Louis XIII menaçait l'évêque ; il chargeait M. de Montbazon de dire à sa mère, qu'elle donnoit trop de créance aux avis de M. de Luçon et que, s'il continuoit, le roi pourroit bien la supplier de l'éloigner d'elle[86]. Aux menaces de Montbazon, Richelieu répondit, d'une façon évasive, qu'il étoit assuré qu'en servant la reine il ne mériteroit jamais que la louange qui est due à ceux qui font leur devoir ; que quant aux menaces, « elles ne lui feroient aucune peur[87]. Il s'était compromis ; il n'avait plus qu'à aller jusqu'au bout, et pousser les choses au pis !

Il prépara la révolte ; il négocia avec les grands, fit main basse, au nom de la reine, sur les impôts. — ce dont Louis XIII sera si indigné qu'il désignera nommément Richelieu dans un document public pour le lui reprocher, — rédigea les manifestes de l'ancienne régente[88]. Mais il était trop fin pour ne pas sentir combien était absurde la cause qu'il défendait. Il eut fallu être aveugle de passion, écrivait-il à l'annonce des premiers succès de Louis XIII en Normandie, pour ne pas voir qu'il n'y pouvoit avoir de si mauvaise paix qui ne valut mieux qu'une guerre civile dont l'événement était incertain[89]. Il chercha à tâter le terrain autour de Marie de Médicis, essaya de parler de conciliation : il fut rabroué : Toute l'espérance de traiter est rompue, mandait-il à l'archevêque de Tours le 2 août 1620, ces messieurs n'en veulent point ouïr parler ; le roi fait état de nous venir épousseter comme il faut[90]. Il ne se faisait pas d'illusion : six jours après, la défaite des Ponts de Cé justifiait ses pronostics.

Conséquence inévitable des jeux trop compliqués, Richelieu qui avait été accusé par la cour d'avoir entraîné Marie de Médicis à la révolte, se vit alors reproché par le parti de l'ancienne régente d'avoir trahi celle-ci ! Il l'avait fait demeurer à Angers, disait-on, sous prétexte d'être prêt à traiter, en réalité pour qu'elle y fut prise : il était complice de Luynes ; il correspondait secrètement avec lui ; il avait amené l'armée royale au moment et à l'endroit voulu : on l'accabla[91]. Il allait sortir de tous ces écueils avec une incomparable dextérité !

Il ne trahissait pas ; Marie de Médicis le savait bien. Il avait proposé à la reine mère, après la défaite, de partir immédiatement au milieu de 600 chevaux, dont elle disposait encore, et de gagner rapidement Angoulême, d'où, hors de la portée du roi, elle traiterait à de meilleures conditions. L'entourage, découragé, s'y était opposé. Il ne restait plus qu'à capituler[92]. Richelieu se fit charger de la négociation. Pour avoir la paix, Louis XIII était décidé à accepter toutes les conditions qu'on voudrait. L'évêque de Luçon le comprit : il en profita. Il demanda et obtint deux choses : la première, que la reine mère aurait la liberté d'approcher du roi son fils, formule atténuée du retour éventuel de l'ancienne régente à la cour ; la seconde, que ceux qui avoient servi la reine mère seroient maintenus dans leurs charges et dignités ; Richelieu était hors de cause : c'était un succès. Marie de Médicis, fut satisfaite[93].

Alors, par un coup hardi, Richelieu demanda à l'ancienne régente de solliciter du roi, en sa faveur, le chapeau de cardinal ! Etre nommé cardinal constituerait pour lui un privilège inappréciable : on ne pourrait plus le traiter à la légère comme un simple évêque et l'exiler ; devenu prince de l'Eglise, il aurait une situation considérable ; le roi l'appellerait mon cousin, le traiterait avec des égards, les ministres aussi ; l'admission au conseil serait plus aisée ; une fois admis Richelieu occuperait, de par sa dignité, une place spéciale. Peut-être le gouvernement refuserait-il de faire aboutir, pour le moment, cette requête inattendue, mais la question serait posée : il ne serait que de revenir à la charge. En attendant, profitant de l'état d'esprit du roi, prêt à tout subir afin de conclure la paix, Richelieu décida Marie de Médicis à faire du cardinalat de l'évêque une condition expresse de son acceptation du traité ; c'était bien joué. Louis XIII se crut obligé de céder : il dira avec colère ensuite, qu'il a vendu la paix au prix de ce cardinalat[94].

Richelieu ne perdit pas de temps. A la prière de Marie de Médicis, Louis XIII dut écrire tout de suite à Rome. L'affaire des Ponts de Cé était des 7 et 8 août 1620 ; la demande officielle du chapeau de cardinal pour Richelieu partait le 22[95]. D'août à décembre Louis XIII écrira cinq lettres au pape, une au cardinal neveu, une autre au cardinal Ludovisio[96]. Richelieu chargera le fidèle Bouthillier de la Cochère de se rendre à Rome afin de suivre de près la négociation[97]. De son côté, Marie de Médicis fera campagne ; elle pressera le nonce avec une étrange insistance, écrivait Bentivoglio, lui rappelant les services qu'avait rendus à la religion Richelieu, au temps de la régence ; le suppliant d'appuyer la requête auprès du Saint Siège. Il apparaissait, écrivait le nonce, que cette demande du cardinalat était poursuivie avec violence[98]. On sait comment le gouvernement, obligé de solliciter le chapeau, fit dire à Rome, en sous-main, qu'il serait heureux qu'on ne l'accordât pas. En octobre, le pape donnait des réponses dilatoires à l'ambassadeur de France, le marquis de Cœuvres[99]. Richelieu ignorant ce qui se tramait, venait voir le nonce, manifestait une grande espérance de devoir être promu, se croyait sûr[100]. Un peu aveuglé même, il faisait demander par Marie de Médicis au roi d'expédier à Rome un ultimatum, aux termes duquel si l'évêque de Luçon n'était pas compris dans la prochaine promotion de cardinaux, l'ambassadeur de France serait rappelé : le gouvernement avait trouvé la proposition tout à fait extravagante et Louis XIII avait répondu qu'il n'était pas de sa dignité de faire une démarche pareille[101]. Extravagante, reprenait le nonce, écrivant au cardinal secrétaire d'Etat, est certainement cette insistance que met la reine mère à poursuivre ce cardinalat ; on voit bien par là l'ambition effrénée de Luçon. Mais Dieu le mortifiera par la honte qu'il aura d'être exclu ![102] Une lettre de l'évêque d'Orléans, en novembre, prévenait en effet Richelieu que son affaire ne marchait pas[103]. Richelieu redoublait d'efforts. Je ne vois pas la reine mère, mandait Bentivoglio, en décembre 1620, qu'elle ne me fasse instance pour Luçon ; Luçon et la reine mère pressent dans cette affaire avec une violence extrême[104]. La prédiction du nonce devait se réaliser. Le 11 janvier 1621 la promotion au cardinalat était officiellement rendue publique. Bentivoglio y figurait : Richelieu n'était pas nommé[105].

Ce fut pour lui une cruelle déception ! Mais il demeura impénétrable. Il conservait l'aide et le soutien de Marie de Médicis ; il attendrait : il attendra deux ans.

Les mois qui suivirent, il s'effaça. Il travaillait à gagner de plus en plus l'esprit de la reine mère. En février 1621 l'envoyé florentin écrivait qu'il jouissait auprès d'elle d'une autorité suprême[106]. Le P. Joseph ne parlait des deux personnages qu'en les appelant la reine et son ami[107]... Les fonctions de surintendant de la maison de la reine comportaient d'infinis détails à régler avec les agents des domaines de l'ancienne régente : le futur ministre de Louis XIII s'appliquait avec zèle à sa tâche, subissant sans se plaindre les impatiences et les rebuffades de Marie de Médicis[108].

A l'égard du public, il affecta de ne s'occuper que de ses devoirs ecclésiastiques et de controverses théologiques : Vous ne laissez de penser à ceux qui, n'ayant autres amis que leur bréviaire et leurs écrits, mandait-il à M. de Blainville en août 1621, ne peuvent autre chose que prier Dieu pour la gloire de vos triomphes[109]. En attendant, il surveillait avec attention.

C'est sur ses conseils que Marie de Médicis adoptait, à partir de 1621, l'adroite politique de lent cheminement, d'instance progressive, suivie par elle vis à vis du roi. Richelieu lui recommandait de ne pas quitter son fils. Il avait voulu qu'elle accompagnât Louis XIII dans la campagne de 1621 contre les protestants du midi[110]. Il faisait ce qu'il pouvait pour se faire bien voir personnellement du gouvernement, informant Pontchartrain des moindres particularités qui pouvaient arriver à sa connaissance, multipliant les formules de fidélité[111]. Le but qu'il avoit, disait-il dans des instructions données à M. des Roches allant trouver le roi en octobre 1621, étoit qu'on ne trouvât rien à redire en ses actions : il ajoutait qu'il n'oublieroit rien de ce qu'il pourrait pour seconder la ferme résolution que la reine avoit de se conduire en sorte que le roi et M. de Luynes en eussent tout le contentement qu'ils en dévoient attendre. Sur le sujet du cardinalat, il témoignait des dispositions les plus conciliantes, et les plus détachées : Il n'en vouloit faire, disait-il, ni pas, ni planche, d'autant qu'il savoit assurément que, si on le voulait, cela seroit et que si on ne le vouloit pas, il ne le vouloit pas lui-même, ne désirant rien qui se fit avec mécontentement[112]. Il écrivait à Marillac le 18 août : Mon ambition n'est pas si grande que je n'en tienne la bride en main[113]. Mais doucement, il faisait solliciter toujours, par Marie de Médicis, auprès de Louis XIII, pour que le prince écrivit à Rome : Sur l'affaire de l'évêque de Luçon, que vous me recommandez, répondait le roi à sa mère, j'en écrirai derechef à mon ambassadeur et vous témoignerai que vos recommandations ont beaucoup de pouvoir sur moi[114]. Le pape, pressé, avait fini par répondre que quelque jour, peut être, il nommerait Luçon cardinal pour faire plaisir au roi et à la reine[115].

Lorsque Luynes fut mort, en décembre de cette année 1621, Richelieu crut qu'un des principaux obstacles qui séparait la reine mère du roi, avait disparu : il fallait maintenant se rapprocher de plus en plus de Louis XIII, et l'envelopper. Marillac, se rendrait auprès du prince et ne le quitterait pas. Luynes était mort le 15 décembre, la lettre accréditant Marillac était signée le 22[116], et l'envoyé était reçu par le roi le 29[117]. Il se mit à l'œuvre : J'ai vu Bassompierre, mandait-il à Richelieu, il m'a parlé et dit qu'il ferait merveilles bien que je ne crois pas son pouvoir grand. Tronson a bonne volonté et fait ce qu'il peut[118]. Louis XIII avait accueilli Marillac, lui avait parlé de sa mère en termes affectueux : Je ne puis dire, écrivait aussitôt Marie de Médicis à son fils, combien j'ai été aise d'apprendre, par la lettre que m'a écrite le sieur de Marillac, les preuves qu'il a reçues de votre affection envers moi[119]. Le 16 janvier 1622 elle lui disait encore : Le témoignage public que vous rendez de l'affection que vous avez pour moi m'a été si particulièrement confirmé par le sieur de Marillac et par la lettre qu'il m'a présentée de votre part, que je ne puis demeurer davantage sans vous dire l'extrême contentement que j'en reçois[120]. Marillac n'était pas auprès de Louis XIII seulement pour défendre Marie de Médicis ; il avait surtout à s'occuper de Richelieu.

Il s'en occupa. Il parlait de l'évêque au roi, à Condé, aux ministres, tâchant de leur donner une bonne impression du prélat, vantant sa réserve ; il rendait compte à Richelieu, communiquant avec lui au moyen d'un chiffre dans lequel, chose étrange pour des personnages si respectueux de l'autorité royale, Louis XIII était désigné du pseudonyme de pantoufle ![121] Auprès des ministres Marillac n'avait aucun succès : J'ai reconnu, écrivait-il à Richelieu, qu'ils vous redoutent et vous veulent faire craindre par le roi comme favori (de la reine mère) et ambitieux[122].

Afin de prendre plus directement contact, Richelieu se fit envoyer par Marie de Médicis en missions occasionnelles auprès de Louis XIII. Si en allant moi-même bien loin au devant de vous, écrivait l'ancienne régente à son fils le 21 janvier 1622, je vous pouvois témoigner davantage mon affection, je vous supplie de croire que la rigueur du temps ne m'empêcheroit pas de me mettre en chemin pour satisfaire en cela mon désir ; attendant que je vous en puisse assurer de vive voix, je vous envoie le sieur évêque de Luçon qui suppléera à ce défaut et vous dira, de ma part, la passion que j'ai pour tout ce qui est de votre contentement et de votre service[123]. Malheureusement Louis XIII continuait à n'éprouver à l'égard de Richelieu que de la défiance et de l'antipathie. La cour répétait que l'évêque de Luçon avait une intelligence remarquable, sans doute, mais aussi une volonté impérieuse. Lorsqu'on le voit près de la reine mère, écrivait le nonce Corsini en janvier 1622, on peut redouter qu'il ne prenne pied trop avant, car sa cervelle est ainsi faite qu'il est capable de tyranniser et la mère et le fils[124]. On le redoutait. On sentait la suggestion puissante exercée par cette nature supérieure qui s'imposait, paralysait les résistances, fascinait chacun ; et tout le monde résistait.

Richelieu assure dans ses Mémoires que ce fut lui qui, allant à Orléans trouver Louis XIII au moment du retour du roi de sa campagne de 1621, décida le prince à laisser entrer Marie de Médicis au Conseil ; il se prête à cette occasion, un discours habile dans lequel il aurait exposé les raisons qu'avait le souverain d'admettre la reine mère dans les délibérations du gouvernement. Cette démarche aurait été bien osée de sa part[125]. Ce qui est plus certain, c'est que si Louis XIII consentit, d'ailleurs non sans peine, à accéder aux désirs de sa mère, pour donner satisfaction à l'opinion publique qui trouvait raisonnable cette mesure, et afin d'empêcher l'ancienne régente de cabaler, disaient les ministres, il ne céda qu'à la condition expresse que Marie de Médicis entrerait seule et qu'elle n'aurait aucun espoir de voir arriver Richelieu, tellement, explique le nonce, on craignait l'esprit trop ardent de l'évêque de Luçon[126]. Marie de Médicis fut satisfaite.

Alors Richelieu chercha à tirer parti de cette situation nouvelle. Inspirant la reine mère dans toutes les discussions du conseil, lui dictant ses avis, ses réponses, il tâcherait d'attirer l'attention du roi sur sa propre valeur. Il n'était pas possible que Louis XIII ne s'aperçut pas à la longue de l'intérêt que présenteraient les opinions émises par sa mère et ne sut pas quelle en était l'origine : par là Richelieu parviendrait à vaincre ses répugnances. Dans les premières séances du conseil, en effet, auxquelles assista l'ancienne régente, furent agitées des questions telles que celle de la Valteline. Richelieu explique dans ses Mémoires ce qu'il fit dire par la reine : si Marie de Médicis répéta la leçon, les auditeurs durent être frappés de la sûreté des informations de la princesse, de la fermeté à la fois et de l'habileté de ses conclusions. Il est vrai, ajoute Richelieu, tous ces conseils furent bien reçus, mais peu ou point suivis[127]. A propos de la guerre à engager contre les protestants, il nous donne aussi les développements qu'il suggéra à la reine mère : Je conseillois à la reine, écrit-il, d'en dire ses véritables sentiments avec courage ; et il énumère ces sentiments : l'exposé révèle les procédés d'esprit du futur cardinal[128]. Richelieu avait-il trouvé la voie qui allait enfin l'amener à être apprécié, puis consulté et enfin appelé au gouvernement ? Il l'espérait ; il y comptait : il se heurta au prince de Condé.

Après la disparition du connétable de Luynes, Marie de Médicis et Richelieu n'avaient pas été les seuls à supposer que la place étant vacante auprès du jeune roi, Il n'était que de la prendre. Le prince de Condé s'était mis sur les rangs[129]. Louis XIII avait de la sympathie pour son cousin[130]. On crut, vers le début de 1622, que Condé était prépondérant[131]. Le prestige de Marie de Médicis décrut d'autant. Quelque valeur qu'eussent ses jugements, dictés par Richelieu, celui-ci fut obligé de s'apercevoir qu'on y prêtait à peine attention. La reine mère finit par renoncer à exposer ses idées. Il est vrai, Condé allait se détruire lui-même. Il avait vivement poussé à la guerre de 1622 contre les huguenots. Il était parvenu à se faire nommer lieutenant général en Guyenne, afin de conduire l'armée[132]. Il indisposa Louis XIII par des intrigues et des manœuvres étranges[133], puis l'irrita[134]. Quand il fut question de la paix au siège de Montpellier, il s'y opposa avec violence. A la notification que lui fit Louis XIII de sa volonté définitive au sujet de la pacification, il décida de partir pour l'Italie en répétant de colère : on me le payera ![135] ; et il partit. Seulement l'obstacle avait arrêté l'acheminement de Richelieu vers le pouvoir' : la combinaison était manquée ; l'évêque allait avoir à chercher un autre moyen, lorsqu'à ce moment, arriva une nouvelle qui modifiait la situation et facilitait ses efforts : il était enfin nommé cardinal !

Il n'avait jamais cessé de penser à l'affaire. Après la mort de Luynes, Marie de Médicis avait renouvelé ses sollicitations auprès de Louis XIII et Louis XIII avait recommencé à Rome ses instances. Dès le mois de janvier 1622, le roi écrivait au Saint-Siège et expédiait des courriers spéciaux[136]. Moins sensible que ses ministres aux dangers de cet avancement de Luçon — car il restait le maître, après tout, de prendre qui bon lui semblerait au conseil — il paraissait mieux disposé à contenter sur ce point les désirs de sa mère : du moins le nonce Corsini l'interrogeant et cherchant à pénétrer ses sentiments réels, écrivait acquérir cette certitude et appuyer dès lors la proposition[137]. Les ministres, surtout Puisieux, demeuraient hostiles. Ils étaient convaincus que le cardinalat n'aboutirait qu'à donner à Richelieu plus d'ascendant par cette nouvelle dignité[138] ! Ils avaient proposé pour le chapeau l'archevêque de Lyon, M. de Marquemont et soutenaient celui-ci. Mis en présence des deux candidatures, Louis XIII avait dit préférer Richelieu, mais avec quelle mollesse ! Le roi désire que la préférence soit donnée à Luçon, mandait le nonce en mars, mais sans y insister beaucoup. Marie de Médicis avait été indignée. La reine, écrivait le nonce, a paru fort offensée du bruit répandu à la cour — dont elle accuse M. de Puisieux — que l'archevêque de Lyon pourrait être préféré pour le chapeau à l'évêque de Luçon, vu l'intimité que le premier aurait eu avec le pape lorsqu'il était auditeur de rote à Rome. Je l'ai rassurée à ce sujet[139]. L'ancienne régente avait redoublé ses sollicitations. Considérant, écrivait-elle au roi en juin, le long temps qu'il y a que vous avez voulu faire instance pour la promotion du sieur évesque de Luçon, tant à cause de la promesse qu'il vous a plu m'en faire que parce que vous l'avez jugé un sujet digne de cet honneur, j'ai cru que vous n'auriez point désagréable que je vous fasse souvenir de faire presser de nouveau cette affaire. Ce seroit une chose fort étrange qu'en l'état des affaires de votre royaume, Sa Sainteté vous déniât ce qui vous est justement dû[140]. Elle avait écrit aux ministres, surtout à Puisieux ; il était invraisemblable que se conduisant habilement avec le roi comme elle le faisait, elle ne parvint pas, à la longue, à avoir raison des résistances. Puisieux s'en rendait compte[141]. En juillet, Marillac assurait Richelieu que Louis XIII était sincère dans son désir de le faire nommer cardinal ; il informait l'évêque du moindre mot aimable prononcé par le souverain sur son compte[142]. Quelle attente ! quelle fièvre était celle du prélat ! Il en fut malade.

Depuis longtemps il souffrait de la tête. Je me meurs de ma tête, écrivait-il à Charpentier : Mon mal de tête me tue ! Il eut une crise vers juin 1622[143] On chercha à profiter de sa maladie pour décider Louis XIII à renoncer à la demande du chapeau. Louis XIII ne consentit pas. On a voulu vous débusquer du cardinalat pendant votre maladie, mandait Marillac à Richelieu le 25 juillet, le roi a tenu bon[144].

Non seulement le roi tenait bon, mais il en venait même, maintenant, à souhaiter qu'on en finit avec cette affaire interminable. Apprenant que les ministres, à son insu, combattaient encore la promotion de Richelieu, il avait eu une vive irritation : le roi, écrivait le nonce, a su la manière, dont, sous main, on a, en s'autorisant de ses propres ordres, cherché à empêcher la promotion de Luçon ; alors il s'est mis en colère et a commandé à son ambassadeur, nonobstant tout ce qui a pu être dit au nonce, de faire de vigoureuses instances en faveur de Richelieu[145]. La promotion de l'évêque devenait imminente : l'opinion s'était faite à cette idée. Puisieux était obligé de céder : Il faut donner cela à la voix publique, écrivait-il à l'ambassadeur à Rome, le 28 juillet, et à la réputation de sa Majesté, après ce qui s'est passé, et au contentement de la reine mère qui en écrit souvent et se conduit fort bien[146]. A mesure que le terme approchait, Marie de Médicis redoublait d'instances[147]. Le roi avait hâte d'aboutir. Sa Majesté a parlé au nonce très fortement, disait Marillac à Richelieu le 4 septembre, et en termes plus exprès qu'il n'avoit point encore fait, dont d'Epernon m'a rendu témoignage pour l'avoir entendu distinctement. Il ajoutait : Le roi fait son affaire de celle de Luçon[148]. Dix jours après, elle était terminée : le mercredi 14 septembre, Louis XIII apprenait officiellement que Richelieu était nommé cardinal[149] !

Ce fut sur la route de Lyon, dans une humble auberge de la Pacaudière, où pend pour enseigne le chapeau rouge, que l'évêque de Luçon, en voyage, reçut la nouvelle[150]. Il n'a pas révélé dans ses Mémoires la joie qu'il dut en éprouver, pas plus qu'il ne fait allusion à la longue et patiente campagne que depuis deux ans il avait conduite. Il écrivit aux ministres afin de les remercier : ses lettres dépassaient par leurs termes, ce qu'une équitable gratitude pouvait exiger à l'égard de personnages que le nouveau cardinal savait s'être opposé à sa candidature et qu'ensuite il traitera de façon hautaine dans ses Mémoires : Vous avez fait voir ce que vaut un ami comme vous à ceux qu'il affectionne, disait-il à l'ambassadeur à Rome, Sillery, frère de Puisieux ; la pourpre me sera une éternelle mémoire de votre bienveillance ; je vous donne ma parole d'embrasser vos intérêts comme les miens propres[151]. Il écrivait au chancelier : Je vous supplie de croire que le contentement de l'honneur que je reçois de la bonté du roi ne surpasse point le ressentiment que j'ai de l'obligation que votre maison a acquise sur moi[152]. Il protestait à Puisieux : faites état de moi comme d'un ami et serviteur entièrement assuré[153].

Au roi, en guise de remerciement, il s'offrit, assurant le prince de son dévouement passionné, de son service exclusif et d'un attachement ardent. Bien que je ne puisse satisfaire à la moindre partie de ce que je vous dois, lui disait-il, je me satisferai pourtant moi-même, si j'attache entièrement, comme je fais, non seulement toutes mes pensées, mes désirs et mes actions à vos volontés, mais outre ma propre vie ! Je l'emploierai, Sire, d'autant plus volontiers pour Votre Majesté que la pourpre dont il vous a plu m'honorer m'oblige particulièrement à ne refuser aucune occasion de me rougir de mon sang pour la gloire de Dieu, la grandeur de votre dignité royale et le service particulier de votre personne sacrée, de laquelle je serai, jusqu'au dernier moment de mes jours, aussi certainement le très obéissant et très passionné serviteur et sujet[154].

Louis XIII donna la barrette à Richelieu dans une église de Lyon, le samedi 10 décembre 1622, à dix heures du matin. Le nouveau cardinal prononça un discours par lequel il renouvelait l'offre de ses services. Louis XIII fit semblant de ne pas comprendre et ne répondit pas[155].

Il ne voulait pas répondre. A la fin de septembre, déjà, la place au conseil d'un cardinal se trouvant vacante par suite de la mort du cardinal de Retz, Marie de Médicis l'avait vivement pressé d'y pourvoir et Louis XIII se doutant qu'on voulait lui imposer Richelieu, s'était hâté de nommer le cardinal de la Rochefoucauld afin d'arrêter les intrigues[156]. Ne voulait-il donc à aucun prix de Richelieu ? On pouvait le croire : il le trouvait trop intelligent, disait Gondi, trop peu sincère ; il n'avait pas confiance en lui[157]. Marie de Médicis avait mis deux ans pour faire de son favori un cardinal ; elle mettra deux ans pour en faire un ministre.

Du moment qu'il était inutile de heurter de front les sentiments du roi, mieux valait le circonvenir et gagner progressivement ses entours. Il fut convenu entre Richelieu et Marie de Médicis que l'ancienne régente se mettrait en bons termes avec les ministres, le chancelier Sillery et son fils Puisieux. Docile, Marie de Médicis fit des avances ; les ministres répondirent. Dès la fin de décembre 1622 la cour s'apercevait que la reine mère avait partie liée avec le secrétaire d'état des affaires étrangères, on ne savait trop pourquoi. Des promesses, voire même des serments, disait-on, avaient été échangés entre eux. Marie de Médicis s'était engagée à faire un grand éloge de Puisieux au roi, et Puisieux avait donné sa parole de soutenir les intérêts de la reine mère ; seulement le ministre avait obtenu de l'ancienne régente qu'elle ne confiât rien de cette entente au cardinal de Richelieu[158]. Puis, peu à peu, cette alliance de Marie de Médicis avec Puisieux et son père le chancelier s'était fortifiée : y étaient entrés : le président Jeannin, Schomberg, d'autres : la cour se perdait en conjectures. Il était impossible, déclarait le vénitien Pesaro, que Richelieu, qui inspirait toutes les actions de la reine, fut étranger à cette affaire[159]. Le commencement de l'année 4623 était le moment où Louis XIII, excédé de l'indiscrète façon avec laquelle les ministres le dérangeaient à toute heure, secouait leur joug, allait à la chasse et finissait par leur laisser prendre l'autorité. En s'appuyant sur la reine mère, les ministres espéraient se mettre à l'abri d'un retour offensif du roi ; Marie de Médicis se donnait l'illusion de reprendre la direction des affaires. De jour en jour, les ambassadeurs étrangers notaient que la part prise par l'ancienne régente au gouvernement devenait davantage importante. Les conseils, maintenant, s'assemblaient dans son appartement. On observait aussi que Richelieu se tenait discrètement à l'écart[160]. Le nonce, qui ne doutait pas de l'action occulte du cardinal, signalait qu'il se conduisait avec souplesse, tâchait d'être bien avec tout le monde, de n'éveiller les susceptibilités de personne[161]. En février, Pesaro écrivait : la reine mère a l'apparence de l'autorité[162] ; elle s'imposait de plus en plus. Elle fît décider qu'après le premier prince du sang, le cardinal de la Rochefoucauld aurait la prééminence dans le conseil en raison de sa dignité : on ne se formalisa pas. L'ambassadeur vénitien devinait bien que c'était Richelieu qui avait fait prendre cette mesure[163].

Si Richelieu se tenait sur une telle réserve c'est qu'il sentait bien que les ministres le craignaient toujours, ne pouvaient pas le souffrir et s'opposaient à lui de toutes leurs forces. Ils en arrivèrent à arrêter Marie de Médicis elle-même. Marie de Médicis les avaient utilisés pour avancer ses affaires : elle allait trop loin ; ils résistèrent. Richelieu fut d'avis qu'il n'y avait plus qu'à perdre d'abord Sillery et Puisieux. Pour y parvenir, il proposa de faire revenir Condé à la cour : Marie de Médicis s'unirait à lui ; ensemble ils renverseraient les ministres ; après quoi, étant donné les mauvaises dispositions de Louis XIII à l'égard du prince de Condé, il serait aisé de se défaire de celui-ci[164]. A ce moment, mars 1623, Condé, précisément, revenait d'Italie. Puisieux chercha à l'attirer de son côté en lui envoyant le gouverneur de Montargis pour lui dire qu'il ne serait pas inquiété ; mais, en même temps, le nonce l'avait prévenu par un billet anonyme de l'état de la cour et l'avait engagé fortement à se défier de Puisieux. Condé demeura à Montrond sans rien dire. La combinaison de Richelieu avait échoué[165].

L'opposition des Brulart — le chancelier Sillery et son fils Puisieux — s'accusait. Comment ne pouvaient-ils pas s'opposer à l'ambition sourdement croissante du cardinal ? Etaient-ils en mesure de s'entendre avec un homme qu'on sentait d'une passion effrénée, puis volontaire et absolu ? Depuis longtemps ne soupçonnoit-on pas qu'il vouloit gouverner et qu'on n'auroit point de repos que cela ne fût ?[166] Ne voyait-on pas surtout, ce qu'était son caractère entier ? J'ai été mis au courant, écrivait l'envoyé Florentin à la date du 7 mai 1623, par le moyen des femmes de la reine mère et de son apothicaire, étant très familier avec ces gens qui sont de mon pays ; je les connois depuis longtemps ; ils viennent souvent exhaler confidentiellement avec moi leurs plaintes, celles que fait naître en eux la domination superbe et intéressée du cardinal qui veut tenir bas, soit par ambition, soit par avarice, tous les autres serviteurs de la reine. Etant allé ce matin leur donner quelques lettres de là-bas et, à cette occasion, leur ayant un peu demandé des nouvelles, ils commencèrent à me dire tout d'abord que le cardinal seroit la cause d'une nouvelle ruine pour la reine ; le roi ne pouvoit pas le souffrir ; il lui déplaisoit de voir que sa mère eut un favori alors qu'elle-même lui avoit témoigné toute sa désapprobation quand il avoit eu des gens de cette sorte, maîtres si absolus de sa Majesté. Ils me dirent aussi que le roi avoit, à ce propos, lancé de la belle façon quelque brocard à la reine, mais qu'elle n'avoit pas voulu comprendre[167]. Richelieu, dans ses Mémoires, affecte de croire que l'hostilité qu'on lui manifestait n'était due qu'à la jalousie inspirée par son intelligence : J'ai eu ce malheur, dit-il, que ceux qui on pu beaucoup dans l'Etat m'en ont toujours voulu, non pour aucun mal que je leur eusse fait, mais pour le bien qu'on croyoit être en moi. Ce n'est pas d'aujourd'hui que la vertu nuit à la fortune et les bonnes qualités tiennent lieu de crimes ![168] Peut-être que le désir de garder leur place, l'appréhension instinctive d'un haut esprit qui absorberait tout et reléguerait chacun au rôle de comparse, entrait pour beaucoup dans le sentiment des ministres ; mais il y avait aussi chez eux l'antipathie profonde provoquée par un égoïsme qu'on sentait extrême et une puissance de volonté jugée trop dominante. Louis XIII le comprenait, lui qui n'avait pas à être jaloux, et son éloignement à l'égard de Richelieu était aussi formel.

Le temps travaillerait. Richelieu attendrait. Son silence, sa réserve, ajouteraient à l'impression produite par sa valeur[169]. Les affaires de l'État, d'ailleurs, n'allaient pas. L'opinion était excitée contre les ministres. La Vieuville, nouveau surintendant, n'était-il pas venu trouver Marie de Médicis pour lui demander de proposer au roi qu'il réunit un grand Conseil de princes afin d'en délibérer ? Il la prioit de m'en communiquer, écrit Richelieu, comme très capable de secourir l'Etat et dont les autres ministres appréhendoient extrêmement la suffisance. On appréciait donc son mérite ? Par une espèce de fascination inconsciente, il s'imposait donc sans que personne put entraver sa marche vers le pouvoir ?[170]

Les rapports se refroidissant de plus en plus entre les Brulart et Marie de Médicis, l'ancienne régente chercha à mettre le plus possible Richelieu en contact avec Louis XIII ; pour le moindre motif elle l'envoyait à son fils avec un mot aimable d'introduction[171]. En octobre 1623, se trouvant près d'Orléans, Richelieu recevait avis que le roi avait écrit à sa mère afin de la prier de venir le voir à Saint-Germain parce qu'il voulait examiner avec elle la résolution à prendre concernant la situation politique. Était-ce la disgrâce des Brulart, qui s'annonçait ? Richelieu revint précipitamment auprès de Marie de Médicis. La question fut discutée à Saint-Germain, dit l'ambassadeur Vénitien, de savoir qui devait rester maître, ou du roi ou des ministres. Sans aucun doute le dénouement approchait[172]. On remarqua que les trois derniers mois de 1623 l'inquiétude du cardinal de Richelieu devenait plus ardente, son désir de pouvoir semblait augmenter, comme si, approchant du but, l'ambition redoublait : La reine mère ne travaille que pour lui, écrivait Pesaro le 22 décembre ; le cardinal ne peut pas souffrir plus longtemps de ne pas être au gouvernement[173]. Richelieu faisait tous ses efforts pour se rapprocher du roi, l'assurer de son affection, lui témoigner la passion qu'il avait au sujet de la gloire et de la grandeur de sa couronne ; puis il faisait attaquer les ministres[174]. Par ses soins, Marie de Médicis renouvelait au roi les critiques que comportait la conduite égoïste de ses conseillers et, en même temps, le cardinal la chargeait d'esquisser au prince le programme de ce qu'il convenait de faire. Un soir où Louis XIII revenait de la chasse, Marie de Médicis entreprit le souverain pour le supplier, s'il renvoyait les Brulart, de ne pas les remplacer sans la consulter ; cela était important, disait-elle ; il y allait de la dignité et de la sûreté de l'État ; elle ajoutait que pour elle, elle n'avoit personne à lui nommer, mais que c'étoit à lui d'y bien penser, s'étant toujours aperçue que quand il se vouloit donner le loisir d'agir de lui-même, il n'y avoit rien à redire dans son choix. L'insinuation était claire. Louis XIII ne répondit pas[175].

Au début de 1624, la passion de faire admettre Richelieu au gouvernement parut de plus en plus ardente chez Marie de Médicis : elle espérait être entièrement prédominante par ce moyen : Richelieu, sa créature, au conseil, disait Gondi, l'envoyé Florentin, elle se rendrait peu à peu tout à fait la maîtresse[176]. Nul ne contestait la valeur de l'esprit du cardinal, jugée sans égale, ajoutait le même Gondi[177]. Des libelles, inspirés par Richelieu, vantaient au publie les qualités du prélat, son habileté, sa prudence, son expérience, le seul souci qu'il avait des intérêts du roi[178]. On savait que le cardinal était plus homme d'Etat qu'homme d'Eglise, disait Pesaro[179]. Par une étrange et mystérieuse suggestion, il semblait que son génie politique s'imposât de plus en plus et devint inévitable.

Aussi lorsqu'en février l'orage depuis si longtemps attendu éclata et que les Brulart furent chassés, il n'y eut personne qui ne crut que l'heure de Richelieu était arrivée : elle ne l'était pas : il restait une dernière résistance à vaincre, celle du roi !

 

Chez Louis XIII, l'antipathie contre l'ambitieux prélat semblait irréductible. Un jour où, se trouvant à une fenêtre du Louvre, il voyait passer Richelieu dans la cour, il disait au maréchal de Praslin : Voilà un homme qui voudrait bien être de mon conseil, mais je ne m'y puis résoudre après tout ce qu'il a fait contre moi ![180] On racontait qu'autrefois le pape avait dit du cardinal : Cet homme sera un grand fourbe[181]. Louis XIII reprenait l'expression à son compte : Ayant connu le cardinal dans les affaires qui se passèrent devant et après la mort du maréchal d'Ancre, et dans celles d'Angoulême et d'Angers, écrivait Mathieu de Morgues, le roi appréhendoit cet esprit qui lui sembloit être plus fin que prudent ; il en avoit une grande aversion. Ce grand prince s'en défendoit avec toutes les armes que son bon esprit lui pouvoit fournir et ne le nommoit jamais sans lui donner la qualité de fourbe[182]. Louis XIII détestait ce qu'il appelait l'esprit altier et dominateur du cardinal[183]. Aux instances de sa mère, il répondait qu'elle ferait beaucoup mieux de renvoyer Richelieu à Rome, de le remplacer auprès d'elle : le prélat était un obstacle à leur entente plus étroite ; elle gagnerait en autorité en le faisant disparaître[184]. Insensible à ces raisons, Marie de Médicis persistait. Alors Louis XIII lui présentoit familièrement les justes sujets de sa défiance, et cette bonne princesse assuroit que tout ce qu'on avoit dit contre le cardinal étoit des inventions de ses ennemis. Se voyant trop pressé, le roi étoit contraint de se retrancher dans un défaut que nous ne voulons point publier, ajoute de Morgues[185]. Marie de Médicis alors faisait appel au ministre prépondérant du moment, le surintendant la Vieuville ; mais le marquis de la Vieuville ne voulant point avoir pour compagnon le cardinal, de peur qu'il ne devint son maître, répliquait à l'ancienne régente qu'elle lui demandait un service par lequel il prévoyoit qu'il seroit ruiné dans peu de temps et que Sa Majesté (la reine) en recevroit un jour du déplaisir[186]. En désespoir de cause, Marie de Médicis employoit toute son industrie et celle de tous ceux qui dépendoient d'elle et qui avoient quelque crédit auprès du roi[187]. Elle invoquait des arguments qu'on imprimait ensuite dans des libelles afin d'agir sur l'opinion : Richelieu ne servirait que le roi, ne s'appuierait que sur lui : c'était un homme habile et prudent qui n'aurait en vue que la bonne conduite des affaires publiques et les seuls intérêts de l'Etat : il serait un autre cardinal d'Amboise[188]. Impatientée des irrésolutions de Louis XIII, Marie de Médicis finit par ne plus venir au Louvre et se tint enfermée au Luxembourg[189]. Une crise menaçait : la résistance ne pouvait pas durer.

Ce fut la Vieuville qui proposa à Louis XIII de céder ; de ne céder il est vrai que dans des conditions restreintes : Richelieu assisterait seulement au Conseil des dépêches ; on dirait que le cardinal de la Rochefoucauld étant tombé malade, il avait été jugé utile de se servir de M. le cardinal de Richelieu que Sa Majesté avoit reconnu capable et très affectionné à son service ; on répéterait que le roi avait adjoint à son Conseil, en vue seulement des grandes affaires extérieures et pour assister les autres conseillers un peu nouveaux dans le gouvernement, le cardinal, personnage de grande valeur, doué d'un esprit vif, d'une perspicacité et d'une habileté singulières, d'une expérience acquise par lui au temps où, évoque de Luçon, il avait été quelque temps secrétaire d'État. Informé de la façon, à son sens insuffisante, dont on voulait l'admettre dans le Conseil, Richelieu fit dire qu'il n'accepterait pas. Louis XIII, au reste, avait répondu de lui-même à la Vieuville qu'il ne falloit pas faire entrer le cardinal dans le conseil si l'on ne vouloit point se fier en lui entièrement, parce qu'il étoit trop habile homme pour prendre le change[190]. La question mûrissait ; la résolution devenait prochaine.

Richelieu assure dans ses Mémoires que la Vieuville sollicita son admission au Conseil parce qu'il prévoyait sa propre disgrâce et qu'il trouvait là une invention pour se maintenir. Cependant la Vieuville disait à Marie de Médicis qu'il savait très bien préparer sa chute en faisant appel à la collaboration du cardinal. Richelieu ajoute que lui-même refusa, non pas l'entrée au Conseil des dépêches, mais toute participation aux affaires publiques, pour plusieurs considérations et par plusieurs raisons qu'il énumère et qui sont des raisons telles que : débilité de corps, faiblesse de complexion, fatigue de quantité de visites qui le tuoient ; et pourtant il allait fournir durant dix-neuf années un labeur énorme que l'état de sa santé ne paraît guère avoir contribué à modérer beaucoup. Mais toutes ces raisons, continue-t-il, furent inutiles, car comme cet homme (la Vieuville) étoit violent en ses passions, il poussa cette affaire si vivement qu'il n'y eut pas moyen de résister aux mouvements du roi et de la reine mère qu'il fit intervenir en cette occasion ! Richelieu répétait à l'ambassadeur vénitien le 9 mai : le roi m'a obligé par force à subir ce poids ![191]

Ce fut le lundi 29 avril 1621, à Compiègne, que le roi se rendant le matin dans la chambre de Marie de Médicis, encore au lu, et causant seul avec elle, lui déclara enfin sa décision de laisser entrer Richelieu dans son Conseil. Ce qu'il en faisait, disait-il, était uniquement pour elle, afin que le monde sut que réellement et non d'apparence, il vouloit vivre avec elle sur le pied d'une entière confiance[192]. Le cardinal ne serait admis qu'à titre de conseiller du premier état, c'est-à-dire donnerait son avis dans les délibérations, mais en dehors ne s'occuperait d'aucune affaire, ne recevrait les visites de personne, ne s'entretiendrait de rien avec qui que ce fut : la restriction était désobligeante. Richelieu en fut très affecté. Je considère comme une confirmation de cette restriction, écrivait le 10 mai l'envoyé Florentin, un discours que voulut bien me tenir le cardinal sur son nouvel emploi ; sa façon de parler, ses gestes, montraient évidemment une grande contrariété intérieure. Il me représenta que cet honneur (d'être admis au Conseil) lui était arrivé sans qu'il l'eut recherché, ni désiré, mais du propre mouvement de Sa Majesté ; il disait être satisfait des limites fixées à ces attributions : il aimait mieux une vie facile et tranquille que les travaux et dangers auxquels les jalousies et la malignité des hommes exposent ceux qui entrent dans les grandes affaires[193]. Dans ses Mémoires, Richelieu va plus loin et prétend que c'est lui qui a demandé qu'on restreignit ses fonctions, à cause toujours, dit-il, de son état de santé. L'envoyé florentin n'était pas dupe : Quiconque, concluait-il, sait que le cardinal n'est pas aussi mal portant et qu'il est d'un caractère profondément ambitieux, jugera que cette prétendue préférence pour un genre de vie tranquille est une nécessité qui provient d'autres causes[194].

Le soir même du jour où il avait annoncé à Marie de Médicis sa décision, Louis XIII, à deux heures de l'après midi, ouvrait la séance du conseil, faisait appeler le cardinal de Richelieu et l'installait : c'était une date de l'histoire ![195]

La place qui était dévolue au nouveau ministre était donc modeste. Il est inexact que Richelieu ait été nommé premier ministre en avril 1624. Il n'a jamais été nommé premier ministre. Des pièces officielles constateront seulement, quelques années plus tard, qu'il est, en fait, le principal ministre du roi, et c'est cette expression qui est devenue officielle pour le désigner[196].

Mais, dès avril 1624, il n'était personne qui ne prévit son avenir : C'est le personnage estimé le plus intelligent du royaume, écrivait l'ambassadeur vénitien le 1er mai ; il est capable des plus grandes choses ; ambitieux, il désirera être seul à commander ; on peut croire que dans peu de temps il sera le seul timonier du vaisseau pour toutes les affaires[197]. Le résident florentin écrivait de son côté le 10 mai : il doit lui suffire d'avoir été porté là ; avec le temps, on acquiert beaucoup, surtout quand on a son esprit. Sur ce sujet voici ce que l'on pronostique : ou le cardinal de Richelieu trouvera le joint de devenir le maître de tous les autres ministres ; ou, resté exclu de toutes choses, il sera bientôt ruiné. Le plus grand nombre est du premier avis, que l'on fonde sur la bonne intelligence qui est établie maintenant entre le roi et sa mère, sur ce fait qu'il est cardinal et qu'ainsi la succession du cardinal de la Rochefoucauld lui est dévolue d'avance ; mais, par dessus tout, sur la valeur de son esprit qui est jugée sans égale[198]... Un libelle, daté de Compiègne du 20 mai 1624, émanant, il est vrai, de l'entourage de Richelieu, disait : Tout Paris a reçu avec applaudissements la nouvelle de l'élection judicieuse que le roi a faite de M. le cardinal de Richelieu. Il semble que la fortune eut été comme honteuse d'avoir laissé une vertu si éminente sans la faire monter sur le théâtre où nous la voyons en son lustre. Chacun jette donc maintenant les yeux sur ce grand cardinal comme sur un astre naissant[199].

Marie de Médicis fut radieuse : c'était son triomphe, du moins elle le croyait : en bons termes avec le roi, et son confident étant au conseil, elle se considérait à nouveau comme maîtresse du royaume. Elle éprouvait, disait l'envoyé florentin, un contentement indicible, non pour le cardinal, mais pour elle-même[200]. Vivant dans l'esprit de Richelieu, ajoutait Pesaro, elle se réjouissait avec une incroyable allégresse de voir finalement toutes les affaires dans sa main. Mais, concluait l'ambassadeur vénitien, on dit que le cardinal servira le roi et qu'il ne s'occupera pas d'autre chose que de la grandeur du règne[201]. Il avait raison. Marie de Médicis s'en apercevra bientôt à ses dépens.

Mieux avisé, la Vieuville avait vu juste en prédisant que Richelieu au Conseil ne chercherait qu'à le renverser. Le cardinal a laissé une page curieuse dans ses Mémoires, où il explique comment, au cours des délibérations du gouvernement, le médiocre et vacillant ministre se ruinait lui-même par les hésitations contradictoires de son esprit incertain ; il dit qu'il allait comme un ivrogne. Il l'aida à tomber[202]. Usant du procédé qui lui avait déjà si bien servi et qu'il utilisera dans son ministère, Richelieu fit attaquer la Vieuville par la presse. Des libelles parurent ; ils étaient l'œuvre ou de parents du cardinal, ou de folliculaires à ses gages, comme Fancan[203]. Malmené, la Vieuville ne se faisait pas d'illusion sur l'origine de cette campagne. Ses imprudences, ses inconséquences, la façon légère dont il traitait les affaires à l'insu du roi, ou en changeant ce qui avait été décidé en conseil, allaient le perdre encore plus sûrement. On sait comment Louis XIII indigné de ses manières, le chassa en déclarant qu'il entendait être le maître, ne pas tolérer que ses ministres agissent en dehors de lui et sans lui, ni supporter qu'on le mit en tutelle.

Le jour même où le roi annonçait à son conseil qu'il avait fait arrêter la Vieuville parce que ce ministre avait essayé de le dominer, Richelieu prenait la parole et, dans un discours étudié, mesuré, circonspect, tout en protestant de ne vouloir nommer au roi personne, ains, au contraire, le vouloir avertir seulement d'y penser de bonne heure, de peur de s'y tromper par précipitation, il s'offrait pour principal conseiller : connaissance exacte des affaires, vue nette des nécessités politiques, jugement précis et ferme, imagination active contenue par une volonté vigoureuse, ce discours plein et complet révélait une maîtrise intellectuelle de premier ordre et constituait virtuellement le programme de gouvernement d'un grand ministre[204].

Louis XIII finira par accepter Richelieu. L'histoire raconte qu'il l'a même subi et qu'il n'est devenu entre ses mains qu'un instrument docile, un jouet inerte. Ce jeune roi, que nous venons de voir à vingt ans, entier, jaloux de son autorité, susceptible sur les égards dus à sa souveraine volonté, se serait, dans les années qui vont suivre, à ce point métamorphosé sous l'influence altière et dominatrice du cardinal, qu'il aurait abdiqué sa personnalité propre pour ne plus être qu'un roi débile, tyrannisé par le despotisme d'un serviteur omnipotent ! La réalité a-t-elle été vraiment telle ? C'est ce que seule l'étude patiente et objective des documents contemporains pourrait permettre d'établir.

 

FIN DE L’OUVRAGE

 

 

 



[1] Richelieu, Mém., éd. Michaud, t. I, p. 239. Richelieu ajoutait : En l'assiette où je me vois, je n'ai autre support que celui de la bonne volonté de la reine qui n'a autre puissance que celle de sa qualité. (Ibid.)

[2] Il les fera retirer le 2 novembre 1617 lorsque Louis XIII l'aura invité à regagner son diocèse : Bibl. nat., ms. Clairambault 372, fol. 280 r°.

[3] Richelieu avoit de véritables amis et des créatures qui ne lui eussent jamais manqué. Tallemant, Historiettes, éd. P. Paris, t. II, p. 40. Le P. Joseph écrivait à des Capucins : tenez pour vrai que le bon personnage duquel vous me parlez (Richelieu) est in visceribus meis ad convivendum et commoriendum (Bibl. Mazarine, ms. 2301, p. 1047).

[4] Par exemple, dans une lettre de 1617, Arch. des Aff. Étrang., France 771, fol. 315 r°.

[5] Madame de Motteville, Mém., éd. Michaud, p. 27.

[6] Il a été écrit beaucoup de pamphlets sous le titre d'Histoire des amours du cardinal de Richelieu (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 7302 : Bibl. de l'Arsenal, ms. 3560, p. 35-115 : 4163). Le Coq à l'âne ou le pot aux roses adressé aux financiers, 1623 (dans E. Fournier, Variétés hist. et litt., t. IV. p. 350), semble faire allusion au fait que Richelieu courtisoit la mère afin de pouvoir parvenir.

[7] Bibl. nat., Cinq Cents Colbert 91, fol. 112 r°.

[8] Lettres du nonce du 19 décembre 1617 et 2 février 1618 : Bentivoglio, Lettere, t. II, p. 119 et 229. Pour les restituer, Marie de Médicis demandera au roi, en décembre 1617, de faire cadeau d'une somme égale à Richelieu, ce qui étonnera beaucoup la cour.

[9] Avenel, Lettres de Richelieu, t. VII, p. 384. Richelieu reproduit dans ses Mémoires à peu près les mêmes mots (Mém., éd. Michaud, t. I, p. 171-2). Déageant qui rédige ses Mémoires pour Richelieu écrit au contraire : Le roi désira qu'il (Richelieu) résidât auprès de la reine, ce que Son Éminence accepta, à condition que l'on n'attendit de lui qu'il dût épier ses actions ni rien mander de ce qui se passeroit auprès d'elle. Mém., éd. de 1668, p. 72.

[10] C. Bernard, Hist. de Louis XIII, t. I. p. 79.

[11] Déageant écrivait à Richelieu le 10 mai 1617 : Vous trouverez ci-enclos le chiffre que vous me commandâtes à votre départ. Avenel, Lettres de Richelieu, t. VII, p. 391.

[12] Avenel, Lettres de Richelieu, t. VII, p. 394. Lettre du 21 mai 1617.

[13] Lettre de Richelieu à Déageant du 18 mai 1617, Avenel, t. VII, p. 393.

[14] Lettre du début de juin 1617, Ibid., p. 398.

[15] Lettre de Déageant à Richelieu du 10 mai 1617, Avenel, t. VII, p. 384.

[16] Lettre de Déageant à Richelieu du 10 mai 1617, Avenel, t. VII, p. 395.

[17] Lettre de Déageant à Richelieu du 10 mai 1617, Avenel, t. VII, p. 393.

[18] Dans une lettre à Déageant du 2 mai 1617, Avenel, t. VII, p. 396.

[19] Lettre de Richelieu à Déageant du début de juin 1617, Avenel, t. VII, p. 397-8.

[20] Lettre de Richelieu à Luynes du 12 juin 1617, Ibid., p. 408.

[21] Ibid., p. 417. Richelieu fait allusion à ce que du Vair, comme lui, est entré en charge du temps de Concini ; mais que si du Vair a été remercié, Richelieu a voulu, lui, cinq fois quitter ses fonctions. Richelieu était en termes froids avec du Vair (Cf. la lettre cérémonieuse qu'il lui écrit le 15 octobre 1617, Ibid., p. 414).

[22] Pontchartrain, Mém., éd. Michaud, p. 292-3 ; lettres du nonce du 16 mai et 4 juin 1617, (Bentivoglio, Lettere, t. I, p. 223, 272).

[23] Déageant, Mém., éd. de 1668, p. 104 ; lettre de Richelieu à Luynes du 12 juin 1617, Avenel, Lettres de Richelieu, t. VII, p, 409. Dans une lettre à Marie de Médicis d'avril 1619, M. de Richelieu fait allusion au rôle qu'il a joué dans cette circonstance : Ibid., t. I, p. 585-6. Coussay est aujourd'hui dans le canton de Mont-sur-Guesnes, arrondissement de Loudun, Vienne. Voir sur ce prieuré, le Bullet. de la Soc. des antiquaires de l'Ouest, t. IX, p. 282, t. XI, p. 61, et L. Lacroix, Richelieu à Luçon, Paris, 1890, in-8°, p. 231.

[24] Arch. des Aff. Étrang., France 244, fol. 2 r°, original de la lettre de Louis XIII. Le gentilhomme envoyé était M. de Frontignac (dépêche de l'ambassadeur vénitien du 13 juin 1617, Bibl. nat., ms. italien 1771, p. 200). Louis XIII fait semblant de croire que Richelieu va se retirer à Luçon tandis qu'en fait le prélat se rend à Coussay.

[25] Lettre de Tantucci à Richelieu du 22 juin 1617, citée dans Avenel, Lettres de Richelieu, t. VII, p. 406. Cf. Arch. des Aff. Étrang., France 771, fol. 58 v°.

[26] Lettre de M. de Richelieu à son frère l'évêque de Luçon du 14 mai 1617, Arch. des Aff. Étrang., France 771, fol. 117 r°.

[27] Lettre de Bonzi à Richelieu du 17 juin 1617, dans Avenel, Lettres de Richelieu, t. VII. p. 405. La reine en est en une extrême colère contre lui (M. de Richelieu), Arch. de la maison de Richelieu, citées par G. Hanotaux, Hist. du cardinal de Richelieu, t. II, p, 222.

[28] Avenel, Lettres de Richelieu, t. VII, p. 405. L'expression diables déchaînés se retrouve dans toutes les lettres du moment écrites par Bonzi, Luynes, Richelieu.

[29] Avenel, Lettres de Richelieu, p. 404 et Richelieu, Mém., éd. Michaud. t. I, p. 172.

[30] Avenel, Lettres de Richelieu, t. I, p. 543.

[31] Avenel, Lettres de Richelieu, t. I, p. 551 et 500.

[32] Tallemant, Historiettes, éd. P. Paris, t. Il, p. 132. Sur le P. Joseph voir : Dedouvre, Le P. Joseph devant l'histoire, dans Revue des Facultés catholiques d'Angers, 1892 et surtout G. Fagniez, Le P. Joseph et Richelieu, 1577-1638, Paris, Hachette, 1894, 2 vol. in-8°.

[33] Lettre de Richelieu au P. Joseph de septembre 1617, Avenel, Lettres de Richelieu, t. VII, p. 413.

[34] Lettre du P. Joseph au cardinal Borghèse du 13 septembre 1617, citée par Fagniez, le P. Joseph et Richelieu, t. I, p. 78.

[35] Bentivoglio, Lettere, t. I, p. 499 ; lettre du nonce du 14 septembre 1617.

[36] Bentivoglio, Lettere, p. 525, lettre du 27 septembre 1617.

[37] Lettre de Tantucci à Richelieu, Arch. des Aff. Étrang., France 771, fol. 59 v°. Cf. la dépêche de l'ambassadeur vénitien du 13 octobre 1617, Bibl. nat., ms. italien 1771, p. 435.

[38] Lettre du nonce du 11 octobre 1617, Bentivoglio, Lettere, t. II, p. 7.

[39] Bentivoglio, Lettere, t. I, p. 395.

[40] Lettre de Louis XIII à Richelieu du 26 octobre 1617, Bibl. nat., ms. Clairambault 372, fol. 271 r°. Cette lettre ne parait pas avoir été connue jusqu'ici.

[41] Nous avons le texte original de la réponse de Richelieu datée de Coussay, 2 novembre 1617 (Ibid., fol. 278 r° et 279). Avenel qui la donne d'après des copies non datées, l'attribue inexactement au mois de septembre 1617 (Avenel, t. I, p. 551). Bentivoglio parle de cette nouvelle disgrâce de Richelieu dans une lettre du 8 novembre, Lettere, t. II, p, 67, et l'ambassadeur vénitien dans une dépêche du 10 novembre 1617, Bibl. nat., ms. italien 1771, p. 483.

[42] Lettre de Richelieu à Pontchartrain du 2 novembre 1617, Bibl. nat., ms. Clairambault 372, fol. 280 r°. Monsieur, je vous envoie la réponse à la lettre qu'il a plu à Sa Majesté de m'envoyer... Je ne manquerai point de me rendre incontinent à Luçon...

[43] Avenel, Lettres de Richelieu, t. I, p. 581.

[44] Avenel, Lettres de Richelieu, t. I, p. 563.

[45] Lettre à M. de Montbazon du début de 1618, Ibid., t. I, p. 562. Richelieu fait allusion dans le dernier membre de phrase aux lettres qu'il écrit à Marie de Médicis relativement à l'administration des biens de la reine dont il a toujours la charge.

[46] Richelieu, Mém., t. I, p. 181, plaidoyer qu'esquisse Richelieu au moment de son exil à Avignon.

[47] Dépêche de Contarini du 21 avril 1618, Bibl. nat., ms. ital. 1772, p. 63. Nous allons revenir sur cette dépêche.

[48] Richelieu répond à chacune de ces accusations dans son Caput apologeticum d'avril 1618, Avenel, Lettres de Richelieu, t. VII, p. 416. Cf. ses Mém., t. I, p. 181. Il n'est que de prendre le contre-pied des défenses de Richelieu pour avoir les reproches articulés.

[49] Dépêche de Contarini du 21 avril 1618, Bibl. nat., ms. ital. 1772, p. 63. Tenendo il vescovo di Luçon un abbadia a sei leghe da Bles, ove la reina madre dimora, sendo ella uscita questi di santi ad una devotione di Nostra Signora quivi vicina, il vescovo, mutatosi d'habiti, vi si trovo egli ancora et ragiono con la Maesta Sua in quel luogo, buon pezzo.

[50] Richelieu, Mém., éd. Michaud, t. I, p. 180.

[51] Dépêche de Contarini du 8 mai 1618, Bibl. nat., ms. italien 1772, p. 68.

[52] Nous avons l'original de la lettre du roi (Arch. des Aff. étrange France 244, fol. 3 r°). Avenel (Lettres de Richelieu, t. I, p. 568) en donne seulement quelques extraits d'après une copie.

[53] Richelieu, Mém., éd. Michaud, t. I, p. 180.

[54] Nous avons également l'original de cette lettre, Bibl. nat., ms. Clairambault 374, fol. 77 r°. Avenel qui n'en a eu qu'une copie, la date inexactement du 16 avril (Lettres de Richelieu, t. I, p. 568).

[55] Il demande à Pontchartrain d'obtenir du roi en sa faveur des lettres de surséance pour des procès qu'il a encours ; Bibl. nat., ms. Clairambault 374, fol. 81 r°.

[56] Avenel, Lettres de Richelieu, t. VII, p. 425.

[57] Lettre du cardinal Borghèse, secrétaire d'État du Saint-Siège, au nonce à Paris, du 30 mai 1618, dans Bentivoglio, Lettere, t. II, p. 428. Sur le mécontentement de Rome au sujet de l'exil de l'évêque, cf. la dépêche de l'ambassadeur à Rome, Marquemont, du 17 mai 1G18 et la réponse de Puisieux du 5 juin, Bibl. Mazarine, ms. 1826, cité par L. Lacroix, Richelieu à Luçon, p. 238 et 239.

[58] Bentivoglio, Lettere, t. II, p. 429 : puis, lettre de l'archevêque de Patras, vice-légat d'Avignon, à Louis XIII, datée d'Avignon, 12 mai 1618, par laquelle il accuse réception au roi de France de la lettre que Sa Majesté lui a adressée le 23 avril afin de lui annoncer l'arrivée des exilés, et se met aux ordres du roi, Bibl. nat., ms. Clairambault 374, fol. 95 r°.

[59] Avenel, Lettres de Richelieu, t. I, p. 641.

[60] Fontenay-Mareuil, Mém., éd. Michaud, p. 138. Pour les frais de son séjour, Richelieu, gêné à ce moment, aurait été aidé par M. Mulot, chanoine de la Sainte-Chapelle de Paris. Lorsqu'il (Richelieu) fut rélégué à Avignon, Mulot vendit tout ce qu'il avoit et lui porta trois ou quatre mille écus dont il avoit fort grand besoin. Tallemant, Historiettes, éd. P. Paris, t. II, p. 45.

[61] Lettre datée d'Avignon, 21 août 1618, Bibl. nat., ras. Clairambault 174, fol. 253 r°. L'emplacement de la signature a été intentionnellement déchiré. D'après le texte, le correspondant est bien un religieux. Il restera à Avignon jusqu'à la fin de septembre. Nous avons une autre lettre de lui du 27 août 1018 (Ibid., fol. 261 r°).

[62] Lettres de M. de Richelieu au roi datées d'Avignon, des 15 et 18 décembre 1618, Bibl. nat., ms. Clairambault 375, fol. 121 r°, 125 r°. Madame de Richelieu était morte le 15 octobre, au château de Richelieu, de suites de couches ; l'enfant nouveau-né était mort au début de décembre. Cf. Bonneau-Avenant, la Duchesse d'Aiguillon, Paris, 1882, in-18°, p. 66.

[63] Lettres de M. du Pont de Courlay au roi et à Pontchartrain, datées du 20 décembre 1018 (Bibl. nat., ms. Clairambault 375, fol. 127 r° 129 r°).

[64] Minutes des deux lettres, de la main de Pontchartrain (Ibid., fol. 140 r°).

[65] Richelieu avait écrit en même temps à Pontchartrain pour faire appuyer sa demande. Nous avons les originaux de ces lettres qui portent la date du 20 décembre 1618 (Ibid., fol. 130 r° et 132 r°). Avenel qui donne le texte de la lettre au roi d'après la minute non datée, l'attribue inexactement à la seconde quinzaine d'octobre (Avenel, Lettres de Richelieu, t. VII, p. 423). Pour le refus de Louis XIII, voir Richelieu, Mém. éd. Michaud, t. I, p. 182.

[66] C'est Richelieu qui nous raconte comment l'affaire a été engagée (Mém., éd. Michaud, t. I, p. 193). Il ne nous dit pas si c'est lui qui a suggéré au P. Joseph et à Bouthillier la démarche ; mais Mathieu de Morgues, plus tard confident de Marie de Médicis, nous affirme que c'est bien Richelieu qui a eu l'idée de se faire envoyer à Angoulême (M. de Morgues, Lumières sur l'histoire de France, 1643, in-12°, p. 61). Richelieu et son entourage ne l'ont pas nié (Harlay de Sancy, Réponse au libelle intitulé Très humble remontrance au roi, 1632, in-12°, p. 43). Voir aussi la biographie du P. Joseph de Lepré-Balain, citée par Fagniez, le P. Joseph et Richelieu, t. I, p. 81.

[67] Déageant, Mém., éd. de 1668, p. 209 et suiv. Cf. Brienne, Mém., éd. Petitot, t. I, p. 340. Fontenay-Mareuil observe (Mém., éd. Michaud, p. 138) : M. de Luynes n'avoit pas la vue trop longue. Au dire de Rohan (Mém., éd. Michaud, p. 514), Richelieu aurait fait des promesses par Pont du Courlay, son beau-frère, de porter la reine à la paix.

[68] Lettre du cardinal Borghèse au nonce à Paris, du 25 mars 1619, dans Bentivoglio, Lettere, t. III, p. 261. Sur l'arrestation momentanée de Richelieu par M. d'Alincourt, voir Mém. de Richelieu, éd. Michaud, t. I, p. 193, et le récit que fait d'Alincourt dans une lettre au roi du 11 mars 1619, Avenel, Lettres de Richelieu, t. VIII, p. 18. On donne généralement à cette méprise de d'Alincourt plus d'importance qu'elle n'en a.

[69] Fontenay-Mareuil, Mém., éd. Michaud, p. 137, 138.

[70] Girard, Histoire de la vie du duc d'Epernon, p. 339-340.

[71] Richelieu, Mém., éd. Michaud, t. I, p. 194.

[72] Lettres du nonce du 16 juin et 2 juillet 1619, Bentivoglio, Lettere, t. III, p. 356, 381, 382, 385, 386.

[73] Sur ce duel et la mort de M. de Richelieu, voir Fontenay-Mareuil, Mém., éd. Michaud, p. 139 ; Arnauld d'Andilly, Journal, éd. Halphen, 1857, p. 435 ; la dépêche de Contarini du 16 juillet 1619, Bibl. nat., ms. ital. 1773, p. 205 ; les Mém. de Richelieu, t. I, p. 200. Louis XIII écrivit à Marie de Médicis une lettre de condoléance au sujet de cette mort ; il ajoutait : Je vous accorde bien volontiers la confiscation qui en peut eschoir. (Bibl. nat., Cinq Cents Colbert 98, p. 50).

[74] Les brouillons des lettres de Marie de Médicis, par exemple au roi ou à Luynes, à cette date, sont de la main de Richelieu (Arch. des Aff. Étrang., France 772, fol. 199 r° et suiv.).

[75] Avenel, Lettres de Richelieu, t. VII, p. 464.

[76] Lettre du nonce du 30 juillet 1619 (Bentivoglio, Lettere, t. III, p. 421) rapportant une conversation qu'il a avec Luynes. Luynes proteste vivement contre l'entente qu'on lui prête avec Luçon et il accuse Richelieu de tenir la reine mère éloignée de son fils.

[77] Lettre de Louis XIII à Marie de Médicis sans date, mais à placer un peu avant l'entrevue de Couzières, Bibl. nat., Cinq Cents Colbert 98, p. 54.

[78] C'est ce que dit l'ambassadeur vénitien (dépêche de Contarini du 3 septembre 1619, Bibl. nat., ms. italien 1773, p. 235).

[79] Dépêche de Contarini du 17 septembre 1019, Ibid., p. 247, et lettre de Marie de Médicis à Luynes, Arch. des Aff. Étrang., France 771, fol. 333 r°.

[80] Avenel, Lettres de Richelieu, t. I, p. 638.

[81] Richelieu, Mém., éd. Michaud, t. I, p. 206.

[82] Richelieu, Mém., t. I, p. 218 et 227. Par l'intermédiaire de l'abbé de la Cochère, Richelieu cherchait à s'entendre avec l'entourage du roi. Au nom de Dieu, écrivait-il à la Cochère, prenez le temps de représenter à M. de Luynes combien il lui est honorable de faire que la reine soit contente... Il est fort aisé d'accommoder toutes choses... Si j'étois cru, elles le seraient ; mais entre vous et moi j'ai bien connu depuis peu que je suis suspect, ce que je puis dire être sans cause, vu que vous savez, dans le service de la reine, quelles sont mes intentions. (Catalogue of the collection of Morrison, t. V, p. 261). M. de Morgues écrira (Avis d'un théologien sans passion, 1626, in-8°, p. 23) : Tout l'effet du cardinal en cette guerre estoit de porter de l'eau où les autres auroient apporté le feu.

[83] Richelieu, Mém., t. I, p. 207.

[84] Avenel, Lettres de Richelieu, t. VII, p. 482.

[85] Avenel, Lettres de Richelieu, t. VII, p. 483. Cf. la lettre du nonce du 6 septembre 1620, Bentivoglio, Lettere, t. IV, p. 410. Luçon e stato tenuto per autore principale dei consigli turbolenti seguiti dalla regina madre in questo rivoluzioni.

[86] Journal d'Arnauld d'Andilly, 1620, éd. Halphen, p. 12, en avril 1620, dans la mission dont nous venons de parler.

[87] Richelieu, Mém., t. I, p. 213.

[88] Lettre du roi aux Parlements du royaume : La reine a ordonné par le sieur évesque de Luçon un commandement verbal aux commis de nos fermes, de ne délivrer les deniers d'icelles destinés au public et à la conservation de la monarchie que par ses ordonnances... Avec douleur nous ressentons toutes ces choses. Document daté du 16 juillet 1620 (Bibl. nat., ms. Dupuy 92, fol. 178 v° ; Mém. de M. Molé, éd. Champollion, t. I, p. 241). M. de Luçon traitoit de tous côtés (Mém. de Fontenay-Mareuil, éd. Michaud, p. 144). La minute de la lettre aux Parlements par laquelle Marie de Médicis leur envoie son manifeste de 1620, est de la main de Richelieu (Arch. des Aff. Étrang., France 773, fol. 183 r°).

[89] Richelieu, Mém., éd. Michaud, t. I, p. 222.

[90] Avenel, Lettres de Richelieu, t. I, p. 653. Le combat des Ponts de Cé est des 7 et 8 août. Cf. Fontenay-Mareuil, Mém., éd. Michaud, p. 150.

[91] Dépêche de Contarini du 22 août 1620, Bibl. nat., ms. italien 1774, p. 222. L'ambassadeur rapporte ce qu'on dit des causes de la défaite de Marie de Médicis. Cf. Rohan, Mém., éd. Michaud, p. 516 ; M. de Morgues, Lumières pour l'histoire de France, 1643, in-12°, p. 39.

[92] Richelieu, Mém., éd. Michaud, t. I, p. 227.

[93] Richelieu, Mém., éd. Michaud, t. I, p. 228.

[94] Lettre du nonce du 6 septembre 1620, Bentivoglio, Lettere, t. IV, p. 409 ; dépêche de Contarini du II septembre 1620, Bibl. nat., ms. italien 1774, p. 249. La paix, dit M. de Morgues (Lumières pour l'histoire de France, 1636, in-4°, p. 70), fut faite avec la promesse secrète d'un bonnet de cardinal pour l'évêque de Luçon. Voir sur la question, Avenel, le Connétable de Luynes et l'évêque de Luçon, dans Revue des quest. historiques, 1870, t. IX, p. 110 et suiv. Nous différons sur nombre de points de cet exposé.

[95] Nous avons le texte de cette lettre importante que ni Avenel ni M. Hanotaux ne paraissent avoir connue : Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 5r°. (Avenel discute à quelle époque la lettre de demande du cardinalat a bien pu être écrite, Lettres de Richelieu, t. I, p. 655, t. VIII, p. 20). Louis XIII parle dans sa lettre de demande du parfait amour qu'il porte à la reine Madame ma mère ; il explique comment il veut récompenser ceux qui ont aidé à la bonne intelligence qui est entre nous, comme a fait le sieur évesque de Luçon. A cette fin, ajoute-t-il, j'ai promis à ladite reine Madame ma mère de m'employer de toute mon affection envers Votre Sainteté à ce que son bon plaisir soit qu'à la prochaine promotion qu'elle fera, le sieur archevesque de Toulouse et lui (le sieur évesque de Luçon) soient promus à la dignité de cardinal. M. de Chazan, secrétaire des commandements du duc d'Anjou, était chargé de porter cette lettre.

[96] Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 6 r° et v° ; 8 r°, 9 r°, 16 r°.

[97] Il trouva le moyen de faire envoyer la Cochère ù Rome par Louis XUI, Avenel, Lettres de Richelieu, t. I, p. 655. Cf. la lettre du nonce du 6 septembre 1620, Bentivoglio, Lettere, t. IV, p. 410.

[98] Bentivoglio, Lettere, p. 411, 415.

[99] Lettre du nonce du 21 octobre 1620, Ibid., p. 447.

[100] Lettre du nonce du 13 octobre 1620, Ibid., p. 439.

[101] Lettre de Puisieux au nonce, datée d'Arsac, 14 octobre 1620, Ibid., t. IV, p. 449 et 402.

[102] Lettre du nonce du 21 octobre 1620, Bentivoglio, Lettere, t. IV, p. 448.

[103] Lettre de Charles de l'Aubespine, évêque d'Orléans, à Richelieu, du 12 novembre 1620, Avenel, Lettres de Richelieu, t. VII, p. 450.

[104] Avenel, Lettres de Richelieu, t. IV, p. 495, 510.

[105] Lettre du cardinal Borghèse au nonce à Paris, du 11 janvier 1621, annonçant la promotion, Ibid., t. IV, p. 547.

[106] Dépêche de l'envoyé florentin Gondi du 26 février 1621, citée dans Zeller, le Connétable de Luynes, p. 342.

[107] Lettre du P. Joseph à une religieuse du Calvaire, d'août 1621, citée par Fagniez, le P. Joseph et Richelieu, t. I, p. 99.

[108] Nous avons les nombreuses lettres d'affaires que les agents et comptables de Marie de Médicis adressent, à cette date, à Richelieu, lequel règle jusqu'aux menues questions de dépenses : Arch. des Aff. Étrang., France 776, 777. Sur les petites disgrâces, comme dit Richelieu, que la reine lui inflige, voir sa lettre à l'archevêque de Sens du 27 juillet 1621, Avenel, Lettres de Richelieu, t. VII, p. 302.

[109] Avenel, Lettres de Richelieu, t. I, p. 685.

[110] Dépêches de Gondi, envoyé florentin, des 10 mars et 7 avril 1021, dans Zeller, le Connétable de Luynes, p. 343.

[111] Lettre de Richelieu à Pontchartrain du 28 juin 1621, Bibl. nat., ms. Clairambault 377, fol. 783 r°.

[112] Instruction à M. des Roches du 22 octobre 1621, dans Avenel, Lettres de Richelieu, t. VII, p. 510 et 512.

[113] Avenel, Lettres de Richelieu, t. VII, p. 503.

[114] Lettre de Louis XIII à Marie de Médicis de 1621, Bibl. nat., Cinq Cents Colbert 98, p. 88.

[115] Lettre du cardinal Ludovisio au nonce Corsini, 1621, Arch. nat., L. 397, fol. 340 r°.

[116] Lettre de Marie de Médicis à Louis XIII du 22 décembre 1621, lui envoyant Marillac, Bibl. nat., ms. fr. 3811, fol. 50 r°. Marillac était capitaine des gardes de l'ancienne régente (Girard, Hist. de la vie du duc d'Épernon, p. 339), qui le fera nommer maréchal de camp en février 1622 (Bassompierre, Journal, éd. Chantérac, t. III, p. 14).

[117] Lettre de Marillac rendant compte à Richelieu de son audience, Arch. des Aff. Étrang., France 775, fol. 83 v°.

[118] Ibid., fol. 86 v°, 87 v°. Lettre du 29 décembre 1621. Marillac ajoute qu'il néglige les saints qui ne guérissent de rien.

[119] Lettre de Marie de Médicis à Louis XIII du 7 janvier 1622, Bibl. nat., ms. fr. 3708, fol. 45 v°.

[120] Bibl. nat., ms. fr. 3811, fol. 64 r°.

[121] Lettres de Marillac à Richelieu des premiers mois de 1622, Arch. des Aff. Étrang., France 775, fol. 130 r° et suiv. (pour le mot pantoufle, par exemple, fol. 148 r°).

[122] Lettre du 29 décembre 1621, ibid., fol. 88 r°. A l'occasion, Marillac était chargé de rédiger des récits officieux de la campagne. Le roi m'a commandé, écrit-il à Richelieu le 20 avril 1622 (Ibid., fol. 141 r °), de faire une relation de ce qu'il a fait depuis Nantes, mécontent que celle qui a été envoyée à Paris n'ait été faite sur mes mémoires, ainsi qu'il l'avoit ordonné. Vous en aurez une copie.

[123] Lettre de Marie de Médicis à Louis XIII du 21 janvier 1622, Bibl. nat., ms. fr. 3817, fol. 7 r°. Réponse de Louis XIII à Marie de Médicis du 23 janvier, lui disant qu'il a vu Richelieu, Bibl. nat, Cinq-Cents Colbert 98, p. 140.

[124] Lettre du nonce Corsini du 10 janvier 1622, Arch. nat., L. 397, fol. 348 r°. Cf. Zeller, Richelieu et les ministres, p. 8.

[125] Richelieu, Mém., éd. Michaud, t. I, p. 257. Richelieu aurait dit au roi que tous les princes les plus avisés ont toujours tenu le timon du vaisseau, mais se sont servi de bons pilotes pour les aider à le conduire. L'insinuation était transparente.

[126] Tout ceci est extrait de la dépêche du nonce Corsini du 9 février 1622, Arch. nat., L. 397, fol. 344 v°.

[127] Richelieu, Mém., t. I, p. 271 et 272.

[128] Richelieu, Mém., t. I, p. 260.

[129] Il parut bientôt que lui et l'ancienne régente se disputaient l'influence du roi (dépêche de l'envoyé florentin du 12 mars 1622, dans Zeller, Richelieu et les ministres, p. 307). Le nonce trouvait Condé négociateur adroit, éloquent, prompt, vif, spirituel, véhément, mais léger, libertin, paresseux et timide (dépêches de Corsini des 30 janvier et 23 février 1622, Arch. nat., L. 397, fol. 357 r°, 367 v° ; cf. Rohan, Mém., éd. Michaud, p. 513 et Tallemant, Historiettes, t. II, p. 434 et suiv., qui est sévère pour le prince ; le duc d'Aumale est en revanche trop indulgent, Hist. des princes de Condé, t. III, p. 108 et suiv.).

[130] Mon cousin, je ne vous dis point si je vous aime..., etc. Lettre de Louis XIII à Condé de 1622, Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 60 v°. Voir aussi fol. 62 r°.

[131] Voir les Caquets de l'accouchée, éd. Fournier, p. 67. Condé le pensait aussi, mais néanmoins n'était pas sans inquiétude (dépêche de Pesaro du 14 février 1622, Bibl. nat., ms. italien 1777, p. 248).

[132] Le 2 avril ; les provisions sont du 6 mai, Arch. nat., K. 113, n° 4. Il se montrait très ardent contre les huguenots (lettre de Marillac à Richelieu des 27 et 29 avril 1622, Arch. des Aff. Étrang., France 775, fol. 97 r° et 140 r°).

[133] Sur de prétendues prédictions, il prépara son accession au trône en écartant Gaston : lettre du nonce Corsini du 23 février 1622, Arch. nat., L. 397, fol. 355 v° ; Fontenay-Mareuil, Mém., éd. Michaud, p. 171 ; lettre de Marillac à Richelieu du 3 juillet 1622, Arch. des Aff. Étrang., France 775, fol. 102 r°.

[134] On voit par les lettres de Marillac que Condé peu à peu se ruine dans l'esprit du roi (Arch. des Aff. Étrang., France 775, fol. 102 r°, 103 v°, 105 v°, 109 r°, 176 v°).

[135] Dépêches de Pesaro du 11 octobre 1622, Bibl. nat., ms. ital. 1778, p. 379 ; du nonce Corsini du 14 octobre, dans Zeller, Richelieu et les ministres, p. 133 ; Bassompierre, Journal, éd. Chantérac, t. III, p. 149. Voir les lettres écrites par Condé durant son voyage en Italie dans le duc d'Aumale, Histoire des princes de Condé, t. III, p. 499 et suiv.

[136] Dépêche de Pesaro du 19 janvier 1622, Bibl. nat., ms. italien 1777, p. 212 ; Journal d'Arnauld d'Andilly de 1622, Bibl. de l'Arsenal, ms. 5181, fol. 1 v°.

[137] Dépêche du nonce Corsini de janvier et du 9 février 1622, Arch. nat., L. 397, fol. 345 r°, 346 r°.

[138] Lettre de Marillac à Richelieu du 2 janvier 1622, Arch. des Aff. Étrang., France 775, fol. 94 r°, et dépêche de Corsini du 10 janvier 1622, Arch. nat., L. 397, fol. 347 r°.

[139] Dépêches de Corsini des 7 et 12 mars 1622, ibid., fol. 326 r° et 336 r°. Cf. B. Zeller, Richelieu et les ministres, p. 19.

[140] Lettre de Marie de Médicis à Louis XIII datée de Poitiers 11 juin 1622, Bibl. nat., ms. fr. 3811, fol. 80 r° et 3708, fol. 55 r°.

[141] Lettre de Puisieux à Sillery, ambassadeur à Rome, du 30 mai 1622, dans Aubéry, Mémoires pour servir à l'histoire du cardinal de Richelieu, Paris, 1660, in-fol., t. I, p. 181.

[142] Lettres de Marillac à Richelieu des 7 et 15 juillet 1622, Arch. des Aff. Étrang., France 775, fol. 105 r°, 182 v° et 183 r°.

[143] Avenel, Lettres de Richelieu, t. I, p. 697, 698, 710, 712. Richelieu parle à M. de Blainville, en avril 1622, des continuelles indispositions qui m'ont travaillé jusques à en être jugé en péril.

[144] Arch. des Aff. Étrang., France 775, fol. 106 r°.

[145] Dépêches du nonce Corsini des 16 juillet et 28 août 1622, dans Zeller, Richelieu et les ministres, p. 119. Cf. Harlay de Sancy, Réponse au libelle intitulé Très humble remontrance au roi, 1632, in-12°, p. 47.

[146] Dans Aubéry, Mémoires, t. I, p. 217.

[147] Era si appassionata per gl' ingradimenti della fortuna del vescovo di Lusson, che faticava incessamente per la sua promotione, importunandone il papa, il nipote, il nuntio, il re et i ministri. V. Siri, Memorie recondite, 1679, in-4°, t. V, p. 405.

[148] Arch. des Aff. Étrang., France 775, fol. 110 r° et 202 r°.

[149] Journal d'Arnauld d'Andilly de 1622, Bibl. de l'Arsenal, ms. 5181, fol. 29 v° : Richelieu avait été nommé le 5 septembre, Aubéry, Histoire du cardinal de Richelieu, Paris, 1660, in-fol., p. 20.

[150] M. de Morgues, Lumières pour l'histoire de France, 1643, in-12°, p. 87. La Pacaudière, aujourd'hui chef-lieu de canton de l'arrondissement de Roanne (Loire), est située entre cette ville et La Palisse. Richelieu y passait allant retrouver Marie de Médicis à Lyon.

[151] Lettre de Richelieu au commandeur de Sillery, du 22 septembre 1622, Avenel, Lettres de Richelieu, t. I, p. 725.

[152] Lettre au chancelier, de la même date, ibid., p. 726.

[153] Lettre à Puisieux, même date, ibid., p. 727.

[154] Lettre de Richelieu à Louis XIII du 12 décembre 1622, après la remise de la barrette, Avenel, Lettres de Richelieu, t. I, p. 746.

[155] Héroard, Bibl. nat., ms. fr. 4027, fol. 131 r° ; Journal d'Arnauld d’Andilly, Bibl. de l'Arsenal, ms. 5181, fol. 37 v°. C. Bernard nous a conservé le discours de Richelieu (Hist. de Louis XIII, t. I, p. 447) ; le texte est identique à celui de la lettre au roi du 12 décembre que nous venons de citer. Richelieu a-t-il, deux jours après la cérémonie, envoyé à Louis XIII sa harangue sous forme de lettre, afin que le prince la conservât ?

[156] Dépêche de Pesaro du 30 septembre 1622, Bibl. nat., ms. italien 1778, p. 364.

[157] Dépêche de Gondi citée par V. Siri, Memorie recondite, t. V, p. 597.

[158] Dépêches de Pesaro des 20 et 21 décembre 1622, Bibl. nat., ms. italien 1779, p. 64 et 109. E passato poi sagramento tra la regina et Puisieux et di fedelta et di nulla dover confidare al cardinal di Richelieu delquale ha Puisieux somma gelosia.

[159] Bibl. nat., ms. italien 1779, p. 110.

[160] Toutes ces observations sont relevées par Pesaro dans ses dépêches des 21 janvier et 21 mars 1623, Bibl. nat., ms. ital. 1779, p. 148 et 1780, p. 93.

[161] Mais, la reine mère dépendait tout à fait de ses conseils, ajoutait-il. Arch. nat., L. 397, fol. 391 r°.

[162] Dépêche de Pesaro du 4 février 1623, Bibl. nat., ms. italien 1779, p. 188.

[163] Bibl. nat., ms. italien 1779, p. 230 et 261, dépêches des 10 et 20 février 1623.

[164] Dépêches de Pesaro du 20 février 1623, Bibl. nat., ms. italien 1779, p. 258 et 259 ; Richelieu, Mém., t. I, p. 282.

[165] Dépêches de Pesaro du 12 mars 1623, Bibl. nat., ms. italien 1780, p. 73 et suiv. ; pour la lettre du nonce, voir : Zeller, Richelieu et les ministres, p. 205.

[166] Fontenay-Mareuil, Mém., éd. Michaud, p. 140. Cf. Tallemant, Historiettes, éd. Ire Paris, t. II. p. 2.

[167] Dépêche du résident florentin du 7 mai 1623, dans Zeller, Richelieu et les ministres, p. 212. Je veillerai attentivement, ajoutait le résident, sachant quel empire exerce sur la reine l'esprit du cardinal et connaissant surtout l'étroite union qui, pour des raisons politiques, existe entre elle et Puisieux.

[168] Richelieu, Mém., t. I, p. 270.

[169] Richelieu se croyait assez sûr de l'avenir pour se démettre vers ce moment de l'évêché de Luçon. En mai 1623 il le transmettait à Émery de Bragelogne (Avenel, Lettres de Richelieu, t. I, p. 764, et t. VII, p. 531). Depuis 1620 il ne remplissait plus les fonctions ; il les avait passées à un suffrageant, créé évêque in partibus, messire Jacques de Flavigny, prêtre, docteur en théologie, grand archidiacre et chanoine en son église (de Luçon) (Bibl. nat., ms. Clairambault 377, fol. 131 r°).

[170] Richelieu, Mém., t. I, p. 284.

[171] Voir par exemple la lettre de Marie de Médicis à Louis XIII du 9 août 1623, envoyant Richelieu au roi (Bibl. nat., ms. fr. 3811, fol. 104 r°) et la réponse de Louis XIII du 15 août, disant qu'il a vu le cardinal (ibid., Cinq Cents Colbert 98, p. 143). Sur les rapports de plus en plus froids entre les Brulart et Marie de Médicis, consulter les dépêches de Pesaro des 23 juin et 3 juillet 1623, Bibl. nat., ms. italien 1780, p. 298, 315, 316.

[172] Dépêches de Pesaro des 2 et 16 octobre 1623, ibid., 1781, p. 111, 123.

[173] Ibid., 1781, p. 215.

[174] Bibl. nat., ms. italien 1780, p. 182, dépêche du 28 novembre 1623 traduite dans Zeller, Richelieu et les ministres, p. 267.

[175] Richelieu, Mém., t. I, p. 276. On voit dans les Mémoires de Richelieu avec quelle âpreté le cardinal poursuit tous ces ministres de 1621 a 1624. Aucun ne trouve grâce devant lui. Il est aussi sévère pour eux que pour Luynes. Il va jusqu'à admettre sur le droit d'intervention des parlements (p. 280), des théories qu'il n'acceptera guère plus tard lorsqu il sera lui-même au pouvoir.

[176] Dépêches de Gondi citées par V. Siri, Memorie recondite, t. V p. 597.

[177] Dépêche du même du 10 mai 1624, dans Zeller, Richelieu et les ministres, p. 318.

[178] La Voix publique au roi, 1624. p. 17.

[179] Dépêche de l'ambassadeur vénitien du 6 juin 1024, Bibl. nat., ms. italien 1782, p. 283.

[180] Ce que le maréchal de Praslin redit à l'heure même au maréchal de Bassompierre et à moi, écrit Fontenay-Mareuil (Mém., éd. Michaud, p. 175), ceci, en 1624.

[181] Tallemant, Historiettes, éd. Paris, t. II, p. 2.

[182] M. de Morgues, Lumières pour l'histoire de France, 1643, in-12°, p. 93.

[183] Dépêche du résident florentin du 16 février 1624, dans Zeller, Richelieu et les ministres, p. 244.

[184] Dépêche du résident florentin du 16 février 1624, dans Zeller, Richelieu et les ministres, p. 244.

[185] M. de Morgues, op. cit., p. 93. Nous ignorons à quoi fait allusion le confident de Marie de Médicis.

[186] M. de Morgues, op. cit., p. 93.

[187] Fontenay-Mareuil, Mém., éd. Michaud, p. 175.

[188] Ces raisons sont développées dans la Voix publique au roi, 1624.

[189] Dépêche du résident florentin du 10 mai 1624, dans Zeller, op. cit., p. 317.

[190] Voir le récit de Brienne, Mém., éd. Petitot, t. I, p. 380 ; la note de Richelieu du 1er ou du 2 mai 1624, publiée par Avenel, Lettres de Richelieu, t. VII, p. 537 ; la dépêche de Gondi à Picchena du 10 mai 1624, citée par V. Siri, Memorie recondite, t. V, p. 597 (éd. de 1679, in-4°) ; les Mém. de Fontenay-Mareuil, éd. Michaud, p. 175 ; Mercure français, 1624, t. X, p. 669.

[191] Richelieu, Mém., t. I, p. 286, 287 ; dépêche de l'ambassadeur vénitien du 9 mai 1624, Bibl. nat., ms. ital. 1782, p. 193. L'ambassadeur félicite Richelieu de son entrée au Conseil : Mi disse (Richelieu), ajoute-t-il, che il re lo havea obligalo per forza a questo pezo.

[192] Marie de Médicis raconte elle-même les détails à Pesaro : Sua Maesta (la reine mère) mi raconto che il re ando a ritrovarta al letto a dargli parte di questa risolutione (l'entrée de Richelieu au conseil) ; che gli disse, etc., (dépêche de Pesaro du 1er mai 1624, Bibl. nat., ms. ital. 1782, p. 182). Cf. la dépêche de Gondi à Picchena du 10 mai 1624, dans V. Siri, Mémorie recondite, t. V, p. 597.

[193] Même dépêche du résident florentin, Ibid., t. V, p. 597-8 et dans Zeller, Richelieu et les ministres, p. 317. Richelieu habitait à ce moment rue des Mauvaises paroles (procuration donnée par lui le 24 février 1624 à titre de comte de Limours, afin de rendre aveu en son nom à la comtesse de Soissons pour diverses seigneuries, Catalogue des livres, brochures, autographes de la librairie E. Dumont, 1908, n° 158, p. 71).

[194] Dépêche de Gondi, loc. cit. ; Richelieu, Mém., t. I, p. 283.

[195] Héroard, Journal, Bibl. nat., ms. fr. 4027, fol. 203 r° ; Journal d'Arnauld d'Andilly de 1624, Bibl. de l'Arsenal, ms. 5181, fol. 70 v°. Ce fait se passe à Compiègne. Tous les témoignages varient sur la date du jour où Richelieu est admis au conseil : les uns disent le 24 avril, les autres le 26, les autres le 28 ou le 30. Mais tous sont d'accord pour affirmer que c'est un lundi. Or, d'après les lettres dominicales de 1624 (G. F.) le lundi est le 29. C'est le quantième que donne V. Siri.

[196] L'article 61 de l'ordonnance de janvier 1029 (dit code Michaud) avait prescrit que seraient révoqués les trop nombreux brevets de conseillers du roi existant et que les personnes maintenues dans le titre recevraient de nouvelles lettres en commandement. C'est ainsi que Richelieu recevra le 21 novembre 1629 des lettres patentes où il sera reconnu conseiller en nos dits conseils et principal ministre de notre État. (Aubéry, Mém. pour l'histoire du cardinal de Richelieu, t. I, p. 309). En annonçant l'entrée de Richelieu au conseil le Mercure français (1624, t. X, p. 669) porte, en marge, le cardinal de Richelieu, chef du conseil. Cela veut dire qu'en l'absence du cardinal de La Rochefoucauld, Richelieu prend cette attribution honorifique qui équivaut à celle de doyen d'honneur du conseil et qui doit revenir de droit a un cardinal s'il y en avait un présent.

[197] Dépêche de l'ambassadeur vénitien du 1er mai 1624, Bibl. nat. ms. ital. 1782, p. 182.

[198] Dans Zeller, Richelieu et les ministres, p. 317.

[199] Lettre du sieur Pelletier à un gentilhomme de ses amis, (de Compiègne, 20 mai 1624), in-12°.

[200] Dans Zeller, op. cit., p. 318.

[201] Dépêche de Pesaro du 1er mai 1624, Bibl. nat., ras. ital. 1782, p. 181.

[202] Richelieu, Mém., t. I, p. 298-300.

[203] On attribue la Voix publique au roi à Daniel Duplessis, évêque de Mende, parent de Richelieu (Avenel, Lettres de Richelieu, t. VIII, p. 24). Geley, (Fancan et la politique de Richelieu de 1617 à 1627, Paris, 1884, in-8°) met sur le compte de Fancan, d'une façon un peu hypothétique à notre avis, une douzaine de pamphlets parus de 1621 à 1626. (Cf. T. Kükelhaus, Zur Geschichte Richelieus. Unbckannte Papiere Fancans, dans Historische Vierleljahrschrift, 1899, p. 18-38. Avec la Voix publique, les plus importants pamphlets du moment sont : la France mourante (qui serait de Fancan, d'après Kükelhaus), le Mot à l'oreille, la France en convalescence, le Pasquil touchant les affaires de ce temps, etc. Il est à remarquer qu'à peine Richelieu au pouvoir, la publication des libelles cesse.

[204] Richelieu, Mém., t. I, p. 301.