LE ROI LOUIS XIII À VINGT ANS

 

CHAPITRE VIII. — FRÈRES ET SŒURS.

 

 

Louis XIII chef de famille, sa sollicitude pour ses frères et sœurs ; son autorité. — Gaston, son caractère léger et peu sympathique : Louis XIII l'aime peu et le tient de court. — Elisabeth, princesse d'Espagne, la sœur aînée, charmante nature ; Louis XIII a une vive affection pour elle ; la correspondance d'Elisabeth, qu'on appelle « Mignonnette », avec madame de Monglat, Louis XIII et ses sœurs : témoignages d'attachement du jeune roi : Elisabeth n'est pas heureuse. — La seconde sœur, Chrétienne ; affection aussi de Louis XIII pour elle : il la marie au prince de Piémont. — Henriette-Marie, troisième sœur, « petite madame » ; le roi l'aime beaucoup, a grand soin d'elle, veut la marier au fils de l'empereur, puis au prince de Galles. — Les fils illégitimes d'Henri IV : ton de Louis XIII à leur égard. — Les Vendôme ; il ne les aime pas et affecte à leur endroit une bienveillance autoritaire. — Les Verneuil ; Louis XIII se montre au contraire affectueux pour eux ; Henri de Verneuil, évêque de Metz, filleul de Louis XIII ; attachement et attention du roi pour lui ; il s'occupe de ses études, protège sa fortune et veut le faire cardinal ; mademoiselle de Verneuil, Louis XIII la marie au fils du duc d'Epernon.

 

Louis XIII, à titre de roi et de frère aîné, est le chef de la famille royale, de ces enfants de France que la mort d'Henri IV et l'éloignement ou l'indifférence de Marie de Médicis ont laissés un peu orphelins. Il exerce sa fonction avec sérieux. Il se considère comme chargé d'une responsabilité à laquelle il ne peut pas se soustraire. Il suit chacun de ses frères et sœurs, s'informe, donne dos ordres pour la moindre modification qu'il convient d'apporter à leur genre d'existence. Si quelque incident se produit, nécessitant de sa part des mesures de rigueur, il les impose. On ne conteste pas. Princes et princesses s'inclinent devant lui. L'aiment-ils ? Peut-être. Ils semblent surtout intimidés par sa puissance : leurs lettres témoignent de leur soumission et sont remplies de marques de déférence qui ne révèlent pas leurs sentiments : peut-être n'en éprouvent-ils pas. Ils n'ont aucune intimité avec le souverain ; pas de jeu en commun : ils lui disent vous ; ils usent envers lui de formules protocolaires. Ce respect est le résultat des manières volontaires du jeune roi. Enfant, Louis XIII avait fait sentir à ses frères et sœurs ses tendances autoritaires ; en grandissant il les leur a de plus en plus marquées.

Au fond, il les aime. Il souhaite infiniment voir régner entre eux une union affectueuse. Il écrit à sa sœur Elisabeth : J'espère que Dieu nous fera la grâce de demeurer tous en la bonne intelligence que j'ai continuellement désirée[1]. Il pense à eux, leur donne des cadeaux : en voyage, passant par quelque ville où se vendent des friandises réputées, il en achète et leur en envoie[2]. Il entend qu'on le tienne au courant de la santé de chacun et c'est lui qui informe sa mère, heureux, s'il y a eu quelque maladie, de prévenir Marie de Médicis des mieux qui se produisent[3]. Lorsqu'il arrête quelque déplacement des petits princes ou princesses, les préoccupations de bien être, d'agrément et de bon air entrent en considération dans son esprit : il a souci d'eux.

Sauf Gaston, le frère, qui est confié à un gouverneur, les autres sont demeurés sous la direction de la gouvernante, qui, depuis leur naissance, ne lésa jamais quittés, la marquise de Monglat. Vieille Mamanga, comme on l'appelait jadis et comme on continue à l'appeler encore, elle paraissait autrefois conduire son petit monde avec une raideur peu capable de lui attirer l'affection des enfants. Où était le temps où Louis XIII encore dauphin, lui disait furieux : Fi la vilaine ! qu'elle est laide ! je vous tuerai ![4] Par reconnaissance pour une éducation sérieuse, par estime à l'égard d'un caractère qui, avec la fermeté nécessaire, a su montrer un dévouement inaltérable, Louis XIII et ses sœurs ont voué à celle qui a remplacé près d'eux la mère bien lointaine, un attachement fidèle. Ils lui écrivent avec abandon, ils garderont son souvenir : ce sera presque la seule personne à qui les lettres adressées par la famille royale témoignent d'un sentiment toujours égal de tendresse[5]. Tant qu'il restera une princesse à la cour, madame de Monglat sera sa gouvernante, surintendante de sa maison[6]. Louis XIII lui manifestera cette confiance qu'Henri IV avait en elle et que sa propre expérience a confirmée. Il est touché de son affection, de sa sollicitude : Mamanga, lui écrit-il, l'on me dit l'affection que vous avez pour moi : je vois ce que vous m'en écrivez ; j'en crois encore davantage et qu'elle vous donne peu de repos, vous représentant les périls de la guerre. Vos prières sont si bonnes que je n'ai rien à craindre. Continuez-les et croyez que je vous aime[7]. Il a de la gratitude pour les soins dont elle entoure ses sœurs : Mamanga, j'ai bien agréable de voir dans vos lettres les témoignages que vous me rendez du soin que vous avez de tout ce que j'affectionne : je crois qu'il est encore plus grand que vous ne me le faites paraître, car je sais comme vous m'aimez et suis fort assuré que vous n'y manquerez jamais. Il sait qu'elle pense toujours à lui : Je me représente que souvent vous parlez de moi. Mamanga, je me recommande à vos bonnes prières[8]. Il ne l'oublie pas : il lui fait des dons généreux[9].

Gaston, futur duc d'Orléans, le seul garçon, après Louis XIII, de la famille légitime, destiné à remplir le règne des agitations de sa nature brouillonne, vit à part. Il lui a été attribué au haut du Louvre un appartement auquel on accède par un escalier en colimaçon, une galerie basse et de peu d'apparence servant d'antichambre[10]. C'est un petit prince de douze ans, vers 1620 : il ne jouit pas d'une santé brillante : constamment atteint de quelque maladie, il a, en 1619, la petite vérole[11] : en 1621, il rend des vers, accident qui s'accompagne de troubles : fièvre intense pendant quinze jours, flux de ventre ; un moment, on craindra pour sa vie — une épidémie décimant à ce moment l'armée royale qui assiégeait Montauban[12]. En 1622 c'est la pierre qu'on découvre chez lui : il rend trois grains comme de têtes d'épingles jointes ensemble, non lisses mais raboteuses[13]. Il n'est pas très robuste.

Son caractère est peu sympathique. Sans doute il est assez agréable de traits : ses yeux bleus, ses cheveux noirs, son teint vermeil contribuent à rendre sa physionomie d'enfant attrayante : plus tard, une bouche constamment ouverte, enlaidie par la lèvre inférieure pendante, un regard court, étonné, lui donneront l'apparence peu intelligente : en attendant, on lui trouve l'air gentil, aimable ; on croit constater chez lui une vivacité d'esprit qui promet. Il est facile ; il aime plaisanter[14]. Mais, de graves défauts le déparent.

D'une légèreté déplorable, il trahit par ses gestes, et ses grimaces, un état d'inquiétude perpétuelle. Il est futile. S'il aime plaisanter, c'est surtout pour railler et il raille sans ménagement, jusqu'à blesser les gens. Fat et vaniteux, conscient de sa grandeur, il entend, sans esprit, qu'on n'oublie pas les moindres égards qui lui sont dus. Il exige les marques les plus fastidieuses de respect. J'ai vu des femmes de qualité, déclare madame de Motteville, se tenir debout dans le lieu où il étoit pour lui rendre le respect qu'elles lui dévoient, sans qu'il eut l'honnêteté de leur ordonner de s'asseoir, et les hommes se plaindre que, dans les saisons les plus rudes, il ne leur commandoit pas de mettre leur chapeau, ce que le roi son frère faisoit toujours. Si au moins, difficile comme il est, il donnait l'exemple de la tenue ; mais il est inattentif, insouciant ; Tallemant assure qu'il part de sa chambre sans avoir achevé de s'habiller et qu'il s'en va en courant, le chapeau sur l'oreille, les deux mains dans ses poches, sifflant comme un gloriot : c'est presque un enfant mal élevé[15].

De caractère, il est médiocre, irrésolu, changeant ; il s'effraie vite, tremble pour peu de chose, recule au moindre danger. Son intelligence est indécise et sa volonté vacillante. Le résultat est qu'on agit aisément sur lui : il se laissera toujours gouverner. Toute sa vie il aura l'esprit un peu page. Les uns, comme son précepteur, M. de Brèves, diront, pour l'excuser, qu'il est bon ; les autres plus justement, ne verront en lui qu'un prince de peu de sens et de discernement, avec des pointes de fougue qui l'excitent aisément et une faiblesse qui craint tout et ne sait résister à rien, toujours, prêt à brouiller et à s'en repentir après[16].

A-t-il quelque sensibilité ? Il ne semble guère. Nous avons des lettres de lui adressées à ses sœurs : elles sont froides ; les billets qu'il écrit à madame de Monglat paraissent secs ; le prince les termine : Je vous renouvelle, avec cette occasion, l'assurance de la bonne volonté, Mamanga, de votre maître. Louis XIII, si réservé, savait trouver d'autres mots[17].

Le gouverneur auquel il a été confié, dès qu'il est sorti des mains des femmes, digne homme, un peu lourd, M. de Brèves, a tâché de lui apprendre à aimer la vertu et la piété, programme ingrat ; il lui a fait lire la vie des hommes illustres : Je lui ai rempli un cabinet de leurs tableaux, explique-t-il lui-même ; et, toute la journée, l'ai entretenu de principes de morale : le soir après coucher, il vient près du lit du prince, une heure durant, le chapitrer : terrible ennui ! L'aumônier choisi par M. de Brèves, chaque matin, sitôt que Monsieur est éveillé, commence de l'entretenir et ne manque pas de faire toujours tomber le discours sur quelque moralité tirée de l'Écriture Sainte ou de quelque autre bon livre[18]. Quelle prise a pu avoir sur un enfant inconsistant cette fastidieuse éducation ? M. de Brèves, homme de confiance de Marie de Médicis, mis auprès de Gaston par la reine mère, est remercié après l'exil de celle-ci à Blois en 1617[19] ; sa place est donnée au bienfaiteur de Luynes, le comte du Lude, qui meurt deux ans après ; le colonel d'Ornano succède, celui-là ennemi de Marie de Médicis[20] : chargé d'une mission auprès d'elle, à Blois, ne lui est-il pas échappé, dit-on, de menacer l'ancienne régente en la touchant, et de lui dire que si elle entreprenoit de faire la moindre chose, elle deviendroit plus sèche que du bois ?[21] Il aura peu d'autorité pour enseigner au prince à aimer sa mère ; mais il lui apprendra à craindre le roi son frère, à lui obéir, à se montrer déférent. Louis XIII est satisfait des services de d'Ornano : Je suis content de votre conduite, en ce qui regarde mon frère, lui écrit-il en juillet 1622 ; continuez, et je vous témoignerai aux occasions le contentement que je reçois de vos services[22]. D'Ornano tiendra le roi et les ministres au courant des faits et gestes de Gaston[23]. Au bout de cinq ans, en 1624, il sera disgracié[24]. Gaston a subi bien des directions diverses : elles ont toutes autant, ou aussi peu, influé sur son caractère : sa nature superficielle a échappé aux suggestions.

Mal impressionné par cette inconsistance, Louis XIII ne professe pas de vive sympathie pour son jeune frère. Celui-ci a la fâcheuse tendance de contredire son aîné, ce qui impatiente le souverain[25]. Puis, que ne dit-on pas ? Depuis longtemps le bruit ne s'est-il pas répandu que Marie de Médicis préférerait Gaston à Louis XIII ? Avant que Louis XIII n'eut chassé Concini et renvoyé sa mère, ne répétait-on pas que Marie de Médicis n'eut pas été fâchée de voir descendre du trône le jeune roi pour y faire monter Gaston, plus malléable, afin de recommencer avec lui une nouvelle régence ? Les témoignages contemporains s'accordent pour reconnaître chez Louis XIII un vague sentiment de méfiance hostile à l'égard de son frère. Le roi, écrit Arnauld d'Andilly, n'est pas sans quelque petite jalousie de l'inclination particulière que chacun remarque que la reine mère a pour Monsieur[26]. Le roi est jaloux de la tendresse de Marie de Médicis pour Monsieur, relève le nonce Corsini[27] : l'ambassadeur vénitien et Bentivoglio confirment[28]. En 1619 la fuite de Marie de Médicis de Blois, la révolte qu'elle fomente parmi les grands du royaume, ses critiques contre le gouvernement pouvant faire supposer qu'elle tenterait, si elle le pouvait, de changer la direction de l'Etat, ne feront que fortifier les soupçons et les craintes de Louis XIII.

Aussi ne manifeste-t-il guère de tendresse à l'égard de Monsieur. Il lui parle d'un ton d'autorité et de protection qui sent son maître. Il désire que le gouverneur l'informe de tout ce que fait son frère : M. d'Ornano, lui écrit-il, je ne puis rien entendre de plus agréable que le récit des bons déportements de mon frère dont vous m'assurez[29]. De près ou de loin, il règle les pas et démarches du prince, ses allées et venues. Monsieur est-il malade ? Louis XIII qui a l'intention de le faire partir pour Lyon, commande qu'on sache s'il peut effectuer le voyage : Je veux, mande-t-il à d'Ornano, que vous fassiez faire une consultation des médecins Duret, Brie, Riolan, en présence de M. le chancelier ; qu'on envoie le résultat : jusque là, attendez l'ordre que je vous donnerai. La consultation étant défavorable, défense est faite à Gaston de partir[30]. Ornano à l’ordre de tenir de près le jeune homme, de le surveiller étroitement. A quinze ans, l'autre regimbera et, dans un accès de colère causé par quelque interdiction, menacera son gouverneur de lui passer son épée dans le ventre[31]. Louis XIII apprend-t-il par d'Ornano que son frère fréquente des camarades tenant des propos inconsidérés, il exile aussitôt les camarades, fut-ce même un de ses frères naturels. Monsieur prendra en grippe un gouverneur qui le régente d'une façon aussi tyrannique. Mais le roi le veut ainsi[32].

Louis XIII n'a aucune hâte à voir son frère apprendre le métier des armes et monter à cheval. Lorsqu'à quatorze ans Gaston supplie le roi de lui permettre l'équitation et de l'autoriser à posséder quelques petits canons afin de pouvoir tirer, ou de construire un fort dans le jardin des Tuileries, Louis XIII refuse tout à plat[33]. Craindrait-il que son frère n'acquérât une expérience quelconque aux choses delà guerre, ce qui serait préjudiciable à la tranquillité de l'État ? Peut-être. Gaston reviendra à la charge deux mois après, insistera, disant qu'il a quatorze ans accomplis, qu'on ne peut pourtant pas empêcher un prince royal de vivre en gentilhomme ! Et Louis XIII, pressé, finira par consentir, en mai 1622, à ce que les leçons d'équitation commencent[34]. Monsieur, plein de joie, apporte à ces exercices une fougue extrême et le roi fait semblant d'être satisfait : Mon frère, lui écrit-il, le plaisir que vous prenez en vos exercices me contente bien fort. Il le laisse chasser : il espère que les facilités qu'il lui donne, seront une raison de plus, chez Monsieur, de se montrer empressé et dévoué à l'égard du roi. Je suis bien aise, lui mande-t-il, du plaisir que vous prenez à la chasse et d'avoir vu de vos prises. Passez votre temps doucement ; ayez soin de votre santé ; je me promets que vous prendrez toujours peine de me plaire, comme je m'efforcerai de vous faire ressentir les effets de ma bonne volonté. Il lui donne un beau cheval en ajoutant aimablement : Je suis satisfait de vous avoir baillé chose que vous aimez et qui puisse aider à votre contentement et à votre plaisir[35]. C'est qu'au fond, malgré les raisons qu'il a d'éprouver peu de tendresse pour ce frère qu'on a essayé de lui opposer, il ne peut se défendre de ces sentiments d'attachement que lui inspire toute sa famille. Apprend-il que Gaston s'est blessé, il s'inquiète ; il lui écrit : Je ne puis demeurer en repos ayant appris l'accident qui vous est arrivé, sans envoyer savoir l'état de votre santé. Bien que j'ai été assuré qu'il n'y avait nul péril à votre blessure, mon affection vers vous me rend si sensible à vos maux que les moindres me sont de très grande considération : et il signe : votre affectionné frère[36]. Le sentiment est sincère. Louis XIII étant à Paris et Gaston se trouvant malade à Saint-Germain, le roi montera à cheval, ira rendre visite à son jeune frère afin de savoir de ses nouvelles, l'encourager, le consoler[37]. Ce sont ses heures de sollicitude. Cette sollicitude se manifestera encore en laissant les gens autour de lui chercher à le marier, quoique le prince soit encore bien jeune et que la naissance d'héritiers de ce côté, pour le roi qui n'en a pas, puisse devenir un sujet d'inquiétude et d'appréhension[38]. Louis XIII n'est pas aussi indifférent qu'il le paraît.

Mais cet esprit de famille, cette affection fraternelle qu'il ne peut s'empêcher d'éprouver, c'est surtout à l'égard de ses sœurs, ses petites sœurs, qu'il en a fait preuve.

 

Voici l’aînée, Elisabeth, celle qu'on appelait autrefois Madame et qui a été mariée en 1615 à l'infant d'Espagne, futur Philippe IV. Comme on l'aimait, quand elle était petite ! Comme Louis XIII, dauphin, se montrait pour elle gracieux, plein d'attentions et de prévenances, s'amusant à la servir à table en gentilhomme servant, lui répétant : c'est ma petite femme ![39] Lorsqu'il a fallu se séparer d'elle, en 1615, et probablement pour toujours, car en ce temps les visites entre princes régnants sont d'une rareté telle qu'on peut dire qu'elles ne se produisent pas, le jeune roi de France en a eu le cœur déchiré : les adieux se sont faits avec un véritable désespoir : Larmes, sanglots, dit Héroard, cris mêlés avec les baisers et les embrassements, le roi s'en revint tout pleurant ; il fut depuis onze heures et demie jusqu'à deux heures après midi sans pouvoir apaiser son deuil ni ses larmes ![40] C'est qu'elle était si gentille cette petite Elisabeth, maintenant, princesse d'Espagne ; vive, prompte, agile, toujours en mouvement, puis, simple dévouée, complaisante, de bonne humeur, empressée, sympathique à tous[41] ! On l'appelait Mignonnette, princesse mignonnette. Ses lettres révèlent une charmante nature. Elle est tendre et gaie, sans prétention : Mamanga, écrivait-elle, jeune fille, à madame de Monglat, je vous prie de me mander quand je mettrai ma belle robe et quand on m'apportera ma simarre ; ma sœur les appelle des chimares. Griffon (un chien) se recommande à vous, et, princesse et mignonnette, je me recommande de tout mon cœur à vos bonnes grâces et à mamie Vitry et à m a mie Saint-Georges (les filles de Madame de Monglat)[42]. Elle signe les lettres qu'elle écrit de Madrid à la gouvernante : votre bonne amie : elle lui dit : Je vous assure, Mamanga, que vous n'aurez jamais une plus affectionnée amie que moi[43]. Quoique princesse des Asturies et, à partir de 1621, reine de toutes les Espagnes, elle ne veut pas que rien soit modifié dans ses rapports avec le petit groupe si cher à son cœur du Louvre ou de Saint-Germain : elle reste pour lui Mignonnette ; elle entend qu'on lui écrive sans user des formes solennelles usitées a l'égard de Sa Majesté Très Catholique : Mamanga, mande-t-elle à la gouvernante, j'ai reçu les lettres que vous m'avez écrites, ce qui m'a Lien fort réjouie de savoir des nouvelles de mes sœurs ; mais je vous prie de dire à ma sœur qu'elle m'appelle comme elle a coutume et qu'elle ne vive point avec moi en cérémonie[44]. Elle pense si souvent à la France, aux coins où elle a passé les meilleures heures de son enfance, aux amies qu'elle a laissées ! Elle suit de loin les déplacements de la cour ; elle regrette de ne plus en être. Sans doute, ce qu'elle voit autour d'elle est imposant : Il y a huit ou dix jours que nous sommes à l'Escurial, écrit-elle à sa sœur Henriette, c'est un fort beau lieu : Mais ce n'est plus le royaume de son père : il n'y manque que les proumenoirs de Fontainebleau ! L'on m'a dit, ajoute-t-elle, que la cour a été à Saint-Germain depuis peu, je crois que vous y aurez été aussi. Je suis bien aise de savoir que vous passez bien le temps avec la jeune reine (Anne d'Autriche). Je vous prie de lui dire que je lui baise très humblement les mains[45]. Pourquoi n'y est-elle pas aussi ? Pourquoi ne peut-elle s’y transporter afin d'y retrouver l'atmosphère de libre et paisible gaieté qu'on y respirait ! Sa remueuse — la femme qui lorsqu'elle était enfant balançoit son berceau — lui a écrit de Saint-Germain que comme jadis elle confectionnait certain gâteau avec les princesses ses sœurs : Mignonnette est prise d'un mélancolique regret : Je voudrois bien être petit oiseau, écrit-elle gentiment à Henriette, pour pouvoir voler là et aider à le faire ![46]

Louis XIII l'a aimée lorsqu'elle était près ; il continue à l'aimer de loin. Le protocole exige qu'il lui parle en employant les titres nécessaires de ma sœur, quand elle est princesse des Asturies, Madame ma sœur, quand elle est reine régnante. Mais, derrière les formules conventionnelles et malgré la froideur naturelle d'un style royal peu fait pour les épanchements, on saisit chez le jeune roi les témoignages de ce faible qu'il a conservé pour la Madame d'autrefois. Il sait l'attachement qu'elle a pour lui ; il n'ignore pas qu'elle désire avec passion le voir régner heureusement[47] ; il lui rend sa tendresse. Toutes les fois que l'occasion s'en présente, il lui envoie de ses nouvelles, heureux d'apprendre qu'elle s'informe des siennes : Le sieur de Grenelle m'a fort contenté, lui écrit-il, sur le récit qu'il m'a fait du soin que vous avez de moi et d'apprendre de mes nouvelles : cela m'obligera de vous en faire savoir plus souvent. Ma sœur, si vous recevez du contentement à voir de mes lettres, je n'en ai pas moins à vous en faire part, ce que je témoigne, ne laissant passer aucun de ceux qui vont vers vous sans vous écrire[48].

Ambassadeurs, gentilshommes, particuliers, tous ceux qui partent pour l'Espagne emportent en effet une lettre du roi, destinée à renouveler à la jeune princesse les assurances de l'affection de son frère[49]. Je vous prie de continuera m'aimer, lui répète-t-il. L'affection que je vous porte vous doit tenir assurée d'être toujours présente à ma pensée[50]. Vous désirez comme moi l'accroissement de notre commune affection et bonne intelligence ; ma pensée est aussi de maintenir la bonne amitié et correspondance qui a été et doit être entre nous. Elisabeth est-elle restée quelque temps sans lui écrire ? Il ne lui en veut pas : Ma sœur, je suis fort aise de savoir de vos nouvelles et serai toujours fort content d'en apprendre de bonnes comme je le désire et telles que vous me le mandez : le long temps que j'ai été sans recevoir de vos lettres n'a point diminué l'affection que je vous porte : rien ne la peut faire changer, car je sais que vous m'aimerez toujours[51]. Elisabeth, de son côté, lui garde une affection fidèle.

Et c'est entre eux un échange continuel de témoignages d'attachement. Ils participent aux joies et aux tristesses l'un de l'autre ; ils se font part de leurs espérances ou de leurs craintes mutuelles : Ma sœur, écrit Louis XIII, après une convalescence du roi d'Espagne, Philippe III, votre bon naturel me fait facilement croire le déplaisir que vous avez eu de la maladie du roi mon beau-père, et juger de la consolation que vous recevez maintenant par sa meilleure disposition : j'ai eu part à vos ennuis, je participe à votre joie ![52] Apprenant qu'elle a des espérances d'être mère : Je ne pouvais recevoir nouvelles qui m'apportassent plus de contentement que celle de votre grossesse. Je loue Dieu de cette bénédiction qu'il lui a plu de donner à votre mariage, et le prie de tout mon cœur qu'il la continue toujours à l'accomplissement de vos bons désirs. Le sieur de Bassompierre vous fera entendre plus particulièrement la joie que, j'ai reçue lorsque j'ai appris cette nouvelle[53]. Et un accident étant venu dissiper les espérances, Louis XIII enverra exprès M. de Chaudebonne pour dire à la pauvre Mignonnette tout le chagrin qu'il en éprouve : Il faut vouloir ce qu'il plaît à Dieu, écrit-il mélancoliquement à sa mère Marie de Médicis, et espérer qu'il en arrivera mieux une autre fois ![54] Il disait un jour à sa petite sœur : Je sais aimer qui je dois et ne me faut point d'autre conseil ni d'autre persuasion que ma seule inclination : il pensait à elle : L'affection que vous avez pour moi, ajoutait-il, ne peut m'être plus agréable que celle que j'ai de vivre[55] : l'expression révélait la profondeur de son sentiment. Que de fois le fidèle valet de chambre d'Elisabeth, Drapier, a-t-il fait le voyage de Madrid à Paris et de Paris à Madrid pour porter au roi et à la princesse les lettres qu'ils s'écrivent ou les cadeaux qu'ils se font l'un à l'autre[56] ! Louis XIII se sent d'autant plus porté à marquer à sa sœur son affection qu'il sait qu'elle n'est pas heureuse.

Dans cette cour d'Espagne, en effet, solennelle, austère, la petite nature primesautière d'Elisabeth s'est trouvée à l'étroit. Les vieilles duègnes, offusquées de sa vivacité, lui ont fait comprendre qu'une reine d'Espagne devait garder de la réserve et faire preuve de froideur. On ne lui a épargné aucun ennui. La décision prise par Louis XIII de renvoyer d'auprès de sa femme Anne d'Autriche le personnel de dames espagnoles, a eu son contrecoup dans la vie d'Elisabeth. L'ambassadeur du roi très catholique à Paris, Fernando Giron, a menacé, comme représailles, du renvoi d'Espagne de tous les Français qui pouvaient approcher de la princesse des Asturies[57] ; et en effet, peu à peu, on a écarté d'Elisabeth ceux qui, dans sa langue maternelle, lui parlaient de son pays. On a multiplié les tracasseries ; on l'a privée de la disposition de ses joyaux, sous prétexte qu'elle en faisait cadeau à des étrangers, — elle avait envoyé un bijou à sa sœur Chrétienne ! — On a été jusqu'à lui interdire d'expédier qui que ce fut hors du royaume, sans permission[58]. Il n'a pas été jusqu'à des sous ordres qui en aient pris à leur aise avec elle : Excusez-moi, disait-elle un jour à Louis XIII, si la lettre n'est mieux écrite, et si je ne vous mande davantage de nouvelles, car c'est que le courrier ne veut point attendre[59]. La cour de France a l'impression qu'Elisabeth est maltraitée. Seulement la petite princesse n'ose pas se plaindre ; elle ne révèle rien de ses souffrances dans ses lettres.

 

Les deux autres sœurs, Chrétienne et Henriette, Louis XIII les a près de lui.

Mince, fluette, délicate, n'ayant que la peau sur les os et les veines des filets, Chrétienne — ou Christine : elle signe Chrestienne, — a 13 ans en 1619[60] : c'est une enfant ; mais elle est résolue, volontaire, pas toujours facile : ce qu'elle ne veut pas, il faut longtemps le débattre avec elle pour la décider[61] : avec cela, gentille et gaie. Comme elle aime aussi Mamanga, ma bonne Mamanga, ainsi qu'elle lui écrit, se disant sa bien affectionnée amie ![62] Et comme elle aime Louis XIII, qui l'appelle la petite Madame, pour la distinguer d'Elisabeth, Après la chute de Concini et le départ de Marie de Médicis pour Blois, en 1617, elle est demeurée à Paris, ce que le roi a exigé, sans doute, mais elle a pris parti pour son frère avec une vivacité singulière. Marie de Médicis en a été piquée. De Blois, sous prétexte de s'occuper de l'éducation de sa fille, l'ancienne régente écrira à Chrétienne des lettres de remontrances sévères, la morigénant sur tout : Je ne suis pas contente de ce que vous allez si souvent à cheval ainsi que l'on me le fait entendre, lui dit-elle ; d'autant qu'étant jeune comme vous êtes, cet exercice vous pourroit à la longue gâter la taille. Prenez-y donc garde[63]. Lorsque Chrétienne s'est mariée en 1619 au prince de Piémont, celui-ci est venu à Angoulême présenter ses hommages à sa belle-mère : Marie de Médicis lui a dit : Votre altesse est bienvenue et moi très contente de vous voir et me tarde que je voie votre femme ! Elle a ajouté : On me dit qu'elle fait tant la suffisante que je ne sais si, la voyant, en cette façon, je me pourrais tenir de lui bailler sur la joue. C'est tout son désir, répond le prince en souriant, de rendre à votre Majesté son devoir, et je souhaiterais qu'elle fut ici pour recevoir l'honneur et le fruit de celte correction, car il est vrai qu'elle fait quelquefois bien la résolue[64].

Aussi quand la mère et la tille se sont revues en septembre 1619, à Couzières, au moment de la réconciliation de la famille, leur rencontre a été plutôt froide. Tandis que la petite Henriette-Marie, tendre et émue, couvrait de baisers la main de sa mère, pleurait à chaudes larmes et tenait Marie de Médicis si étroitement embrassée que l'ancienne régente avait peine à se dégager, l'autre demeurait immobile et muette, comme stupide, disait un témoin[65].

Au Louvre, Chrétienne vit avec sa sœur Henriette ; elles demeurent toutes deux ensemble, sous la direction de madame de Monglat. De même que pour Gaston, Louis XIII règle leur existence, décide de leurs déplacements. Elles figurent dans les cérémonies de la cour, habillées de bleu[66]. Chrétienne est sensée avoir la direction du petit monde qui les sert, donnant les signatures nécessaires pour la comptabilité au trésorier général de la maison, M. François d'Argouges, régentant, au moins nominalement, les femmes de chambre, valets, domestiques de tous genres attachés à leurs personnes[67]. Elles vivent un peu isolées, ne se mêlant guère à la vie quotidienne du roi leur frère, passant le temps dans leur appartement, entr'autre à lire des livrets de bonne aventure, des recueils d'histoires[68].

Louis XIII veille attentivement sur elles. Sont-elles malades ? Il convoque nombre de médecins afin de les entourer de soins[69]. De loin comme de près, il s'inquiète, demande de leurs nouvelles. Il aime beaucoup Chrétienne, laquelle en personne vive, le lui rend : Il aimoit fort Madame, écrit Fontenay-Mareuil, laquelle a aussi toujours eu une telle passion pour lui, qu'elle ne s'en est point démentie, quoiqu'il soit arrivé, ce que n'ont pas fait ses autres sœurs[70]. Il la verra partir avec regret, au moment de son mariage avec le prince de Piémont. Je veux croire, que vous l'aurez bien chère, écrira-t-il de sa petite sœur au duc de Savoie, parce qu'elle emporte avec elle une partie de mon cœur. Il mandera à Chrétienne : Vos actions d'une bonne sœur m'obligent à vous aimer davantage, ce sera de tout mon cœur[71].

Ce mariage avec le prince de Piémont a été une affaire que Louis XIII a menée diligemment. Il en avait été question déjà du temps d'Henri IV. Henri IV, il est vrai, destinait à la couronne ducale de Turin sa fille Elisabeth que Marie de Médicis avait ensuite donnée à l'infant d'Espagne[72]. La tension des rapports avec la Savoie, en 1617, ayant obligé le gouvernement à envisager les moyens de les améliorer, on avait repris le projet au nom de Chrétienne. Les négociations avaient suivi un cours favorable[73] et, en novembre 1618, le cardinal de Savoie venait à Paris demander la main de la princesse[74]. Le vendredi 11 janvier 1619, les deux jeunes gens, étaient fiancés, le contrat de mariage signé[75]. Le futur, Victor Amédée de Savoie, prince de Piémont, arrivait un mois après, le 6 février ; les cérémonies étaient célébrées rapidement, le mariage béni le 19, sans apparat, dans la petite chapelle de la tour au Louvre, après une messe basse. C'était Louis XIII qui avait voulu cette absence d'éclat[76].

Richelieu assure dans ses Mémoires que Marie de Médicis ne fut pas consultée sur ce mariage, et qu'elle tint ce traitement plus cruel qu'aucun qu'elle eut reçu jusqu'alors. Il ajoute que le mariage fut fait par Luynes qui avoit traité sans en donner aucune part à la reine mère, espérant, par cette alliance, se fortifier contre elle. Recevant un peu plus tard le prince de Piémont à Angoulême, Marie de Médicis, d'après Richelieu, faisait allusion à ce manque d'égards : Qui vit jamais, disait-elle, qu'une fille ait été mariée sans sa mère ! On n'eut pas fait ce déplaisir à la moindre demoiselle de France et je n'eusse jamais cru que vous eussiez regretté la peine de me venir voir devant que de vous marier ![77] Ces assertions ne paraissent pas exactes. Lorsque le cardinal de Savoie vint à Paris faire sa demande, le roi envoya Cadenet à Blois pour prévenir sa mère de cette démarche et obtenir d'elle l'agrément nécessaire : Cadenet rapporta cet agrément[78]. Lorsque le contrat fut dressé, le colonel d'Ornano se rendit auprès de Marie de Médicis afin de le lui soumettre et la prier d'y apposer sa signature : Marie de Médicis signa : elle pleurait, on ne sait pas au juste, disait l'ambassadeur vénitien, si c'était d'émotion ou de douleur[79]. Quelques jours après la cérémonie, elle écrivait à Chrétienne : Ma fille, étant mariée, comme vous êtes, à mon entière satisfaction[80]... Il est difficile de dire qu'elle n'ait rien su du mariage de Chrétienne.

Bien qu'après la fuite de Blois, l'ancienne régente, en état de rébellion à Angoulême, se trouvât dans une situation délicate, Louis XIII ne voulut pas que sa sœur quittât la France sans aller embrasser sa mère : Sachant que vous avez agréable, mandait-il à Marie de Médicis, de voir ma sœur, la princesse de Piémont, je ne veux pas qu'elle diffère davantage à vous aller rendre à Angoulême ses très humbles devoirs, auparavant son parlement pour le Piémont. Elle a été très désireuse de vous voir et moi, je suis très content qu'elle fasse le voyage[81]. Le prince de Piémont devait se rendre seul à Angoulême ; Chrétienne allait attendre la paix entre sa mère et son frère pour revoir Marie de Médicis à Couzières, en même temps que le roi, on sait dans quelles conditions : les relations manquaient de confiance entre la mère et la fille ! Peu de jours après, la nouvelle princesse de Piémont partait pour l'Italie[82].

Elle pleura beaucoup. Louis XIII cherchait à la réconforter, simulant une gaieté qui dissipât un peu son chagrin ; il lui donnait une magnifique chaîne de diamants : il priait la fille de madame de Monglat, madame de Saint-Georges, de la suivre, disant à celle-ci qu'il comptait sur elle pour que la princesse reçut les bons conseils qu'elle jugeroit aux occasions lui être nécessaires. Il devait garder à sa sœur un souvenir fidèle[83].

Il le lui répétait : Ma sœur, vos lettres ne me sont pas nécessaires pour vous conserver en mon souvenir ; mais elles servent beaucoup à mon contentement. L'affection que je vous porte vous doit tenir assurée d'être toujours présente en ma pensée et que vous en recevrez des preuves, s'il s'en présentait occasion. Ma sœur, je n'avais pas moins d'impatience d'apprendre de vos nouvelles que vous des miennes, à ce porté d'amitié et d'inclination. J'attribue votre désir aux mêmes raisons dont je demeure si satisfait que je ne le saurois exprimer : cela ne diminuera mon affection ou, au contraire, en l'augmentant, me donnera mille déplaisirs de ne vous pouvoir témoigner, à chaque moment, comme je suis, véritablement, votre bien bon frère[84].

Chrétienne, non plus, ne devait pas être heureuse. Dès la fin de 1619, elle écrivait : Je n'ai pas ici tous les contentements que je pouvais espérer ; Je me suis toujours comportée avec plus de patience que personne de ma qualité ne devoit : et elle demandait quelque remède pour sa consolation[85]. Malheureusement, à défaut des bons conseils de madame de Saint-Georges, des exemples de Louis XIII, ou des observations des ambassadeurs de France[86], elle allait finir par chercher des consolations dans une voie où elle ne pouvait que se perdre. Dès 1627, elle commencera à donner quelques soupçons de faire brèche à son honneur. Ses aventures seront la fable de l'Europe ; de tous côtés se passeront sous le manteau nombre de récits ou de relations des amours de madame Christine, duchesse de Savoie[87] : des enfants d'Henri IV, c'était elle qui avait hérité de l'humeur volage, légère et ardente du père.

Si elle ne devait pas être heureuse combien devait l'être moins encore la troisième sœur de Louis XIII, cette Henriette-Marie, future épouse du roi Charles Ier d'Angleterre, destinée à voir son mari monter sur l'échafaud, à fuir elle même, exilée, abandonnée, loin de ses enfants et de tout ce qu'elle aimait.

Encore plus mince, fluette et gracile que Chrétienne, Henriette était, étant petite, la plus gentille des trois princesses. Priuli la trouvait charmante, gracieuse, gaie. Je vous dirai sans cajolerie, écrivait Malherbe à son cousin M. du Bouillon, le 13 mars 1623, que c'est une des plus gentilles princesses qui soit au monde et que je ne crois point qu'il y ait, non une personne de sa qualité, mais une demoiselle en France, de qui l'esprit ne perdit sa cause, s'il étoit mis en comparaison avec le sien[88]. Sensible, aimante, elle souffrira plus que tous de l'éloignement de la reine sa mère à Blois et la retrouvera à Couzières, nous l'avons dit, avec émotion. Son cœur était ardent. Que ne riait-on de la voir toute enfant s'essayer à des sentiments heureusement encore peu dangereux pour elle. Sa sœur Elisabeth lui écrivait de Madrid : Mamanga m'a mandé toutes vos petites amours avec le comte de Soissons ; je voudrois bien les pouvoir voir. Mamanga veillait, puis Louis XIII[89].

Le roi l'aimait beaucoup, cette petite sœur délicate et frêle. Les lettres qu'il lui adresse sont pleines d'attentions caressantes. Il est le grand frère soucieux. Il s'informe de la santé d'Henriette. Il recommande à madame de Monglat de ne pas quitter la petite princesse. Il assure celle-ci de ce qu'il appelle son affection aimable[90]. Partant pour une campagne dont il ignore la durée, il écrira à Henriette : Voici un long voyage pour vous et qui vous durera beaucoup étant éloignée de moi : mais deux choses vous peuvent bien consoler : le lieu où vous êtes et l'assurance que vous devez avoir que je ne vous aime pas moins pour l'absence. Si je ne vous écris pas plus souvent, je ne laisse de penser à vous et d'être dans ce désir de vous rendre les preuves de mon affection. Et pendant le siège de Montauban : Je ne suis point plus content que lorsque j'apprends de vos nouvelles et que je sais que vous vous portez bien[91]. Il la tient au courant, lui envoie des gentilshommes afin de lui conter le détail de ses exploits, lui dire les nouvelles conquêtes qu'il a faites[92]. Est-il sur le point de rentrer ? Vous me verrez à Paris, lui dit-il, presque aussitôt que mes lettres : c'est la réponse que je ferai à la vôtre que j'ai été bien aise de voir et de reconnaître votre souvenir Continuez-moi votre bonne affection, vous y serez incessamment obligée par la ferme résolution que j'ai de vous aimer. Et il a hâte de la retrouver ; il la prie de venir au devant de lui : il faut vous mettre en chemin pour me venir voir et vous tenir en état de partir avec ma sœur (Chrétienne) ; je crois que vous en serez bien aise : c'est pour vous ôter l'ennui que vous avez d'être éloignée de moi : venez donc[93]. Il l'accueille avec joie.

Le mariage d'Henriette lui a tenu à cœur autant que celui de Chrétienne. Il avait rêvé pour elle de hautes destinées. Puisque la sœur aînée était reine d'Espagne pourquoi la petite Madame n'épouserait-elle pas le fils même de l'empereur germanique ? Il fut question de ce projet au printemps de 1623 : les négociations n'aboutirent pas[94] : un autre devait réussir qui allait mettre la princesse sur le trône d'Angleterre.

On avait parlé de cette idée dès 1619. A cette date, la cour de Londres songeant à marier le fils du roi d'Angleterre avec une infante d'Espagne, le gouvernement de Louis XIII avait redouté l'éventualité possible d'un appui apporté par l'Espagne et l'Angleterre unies aux protestants français révoltés. Pour conjurer le danger, il n'était que de substituer au projet d'un mariage anglo-espagnol celui d'un mariage franco-anglais. En octobre 1619, Louis XIII chargeait le frère de l'ambassadeur anglais à Paris, sur le point de partir pour l'Angleterre, de dire à Londres que si l'on sollicitait la main de sa sœur pour le prince de Galles, la demande serait accueillie. Cette suggestion n'avait pas produit d'effet[95]. Quelques mois plus tard on se décidait à envoyer Cadenet à Londres en ambassade extraordinaire, afin de reprendre la tentative. Le second essai ne réussissait pas mieux[96]. Mais l'attention de la cour anglaise était attirée[97]. L'année suivante, en 1622, de nouvelles ouvertures étaient faites. Un lord anglais, Hay, s'en allant en Angleterre, était prié de parler à nouveau à la cour de Londres d'Henriette-Marie. Lord d'Hay n'aboutissait pas[98]. Encore en 1623 le roi revenait à la charge sans être plus heureux[99]. En 1624, il réussissait : plus tard on attribuera le mérite de ce succès à Richelieu !

Nul ne fut plus heureux que Louis XIII du mariage de sa sœur. Il écrivait au prince de Galles, la demande officielle faite : Je vous assure que je vous aime comme mon frère et qu'avec ce nom je vous dédie les affections qui le doivent accompagner[100]. Il participait à l'élaboration des longs articles du traité de mariage, traité compliqué, en raison de la différence de religion[101]. Il approuvait que Marie de Médicis chargeât le P. de Bérulle de rédiger des instructions détaillées sur la façon dont la future reine devait se conduire en Angleterre[102]. Il voulut que madame de Saint-Georges accompagnât aussi Henriette à Londres, afin de la conseiller, de la guider[103]. Qui eût prévu que cette union commencée sous de si heureux auspices devait se terminer si tragiquement ; et lorsque madame de Saint-Georges suivait en Angleterre la petite princesse qu'elle avait élevée, se doutait-elle qu'elle serait une des premières à recevoir le cri de douleur de la reine débarquant en Hollande, après les catastrophes de sa famille, et s'épanchant en une touchante lettre qui révélait la fine sensibilité de son âme : Mamie Saint-Georges, priez Dieu pour moi, car croyez qu'il n'y a pas une plus misérable créature au monde que moi, éloignée du roi mon seigneur, de mes enfants, hors de mon pays et sans espérance d'y retourner sans danger, délaissée de tout le monde ! Dieu m'assiste et les bonnes prières de mes amis dont vous êtes du nombre ![104]

La petite cour de Saint-Germain, où Henriette-Marie avait grandi, n'avait pas compris seulement jadis que les fils légitimes d'Henri IV. Le feu roi avait voulu que ses enfants naturels fussent élevés à côté des autres. Devenu roi et jeune homme quelle sera l'attitude de Louis XIII à l'égard de cette partie irrégulière de sa famille ?

Il est, à vingt ans, ce qu'il a été à sept. Un jour où, enfant, il maltraitait M. de Vendôme et que madame de Monglat le reprenant, lui expliquait que le petit était fils du roi : Eh bien, mais ! répliquait dédaigneusement le prince, il n'est pas fils de maman ![105] La distinction constituait dans son esprit la marque de l'infériorité. Cette infériorité, il la ressent identique quinze ans après. Evidemment il sait que ces êtres sont ses frères ; il les appelle mes frères naturels ; il comprend qu'il a des devoirs envers eux : il les remplira. Mais il parait éprouver comme une certaine impatience à leur égard : dans ses relations avec eux, il affecte un air de commandement ; il les rudoie, comme il les rudoyait autrefois.

Il y a lieu pourtant de distinguer. Contraste bizarre, ce sont les fils de la douce et gracieuse Gabrielle d'Estrées, les Vendôme, qui sont les moins sympathiques : ce sont les enfants de l'altière Henriette d'Entraigues, marquise de Verneuil, qui sont les plus doux. Louis XIII est pour les uns et les autres en 1620 ce qu'il était en 1607.

Les Vendôme, il est vrai, — César duc de Vendôme, Alexandre et Henriette de Vendôme — se sont un peu émancipés. César, qui a 26 ans en 1620, a épousé la fille du duc de Mercœur, gouverneur de Bretagne, une des plus riches héritières de France, est devenu lui-même gouverneur de cette province, se trouve être un opulent et puissant personnage, grand du royaume. Louis XIII le surveille. Il accepte bien en 1617, d'être le parrain de son fils, baptisé au Louvre[106] ; mais il se défie de lui, le tient pour un esprit inquiet, perfide, ambitieux[107]. L'autre a des prétentions inquiétantes : ne voudrait-il pas prendre rang immédiatement après les princes du sang ? Le public s'inquiète. Messieurs les bâtards de France, dit l'auteur d'un libelle, se font accroire qu'étant reconnu s enfants du roi, on ne leur peut opposer qu'ils ne soient princes et par conséquent nécessairement les premiers après les légitimes[108]. Plus tard, en 1629, Louis XIII se décidera à faire un règlement pour les rang et séance des princes enfants naturels[109]. En attendant qu'il réprime durement les premières tentatives de révolte de César par quatre années d'emprisonnement et la perte du gouvernement de la Bretagne, il le tient de court. Lorsque M. de Vendôme essaie de l'inviter à dîner dans son bel hôtel du faubourg Saint-Honoré — où il habite et non au Louvre — Louis XIII refuse[110]. Les lettres qu'il adresse à mon frère de Vendôme révèlent une bienveillance d'un ton protecteur. Elles sont froides, courtoises cependant : le roi assure Vendôme de sa bonne volonté envers lui et pour toute sa famille[111]. Bien que l'autre soit riche, s'il est pressé de dettes, le roi, le cas échéant, consentira à en acquitter une partie, afin de lui venir en aide et de lui faire plaisir[112]. Mais il le maintiendra à distance et attendra de lui des marques d'obéissance. Il n'y a aucune intimité entre eux.

Il n'y en a pas davantage avec l'autre frère, Alexandre, chevalier de Vendôme, qui, d'ailleurs, suit César et fait cause commune avec lui. On le considère comme une méchante nature, aussi dangereuse que celle de son frère, antipathique, fausse, dissimulée, portée au mal plus qu'au bien. Louis XIII veut qu'il soit encore plus à l'écart ; celui-ci, qui n'est pas marié, appartient à l'ordre de Malte ; il est grand prieur de l'ordre, pourvu d'abbayes. Sa situation est moins considérable que celle d'un gouverneur de Bretagne, héritier de l'ancienne fortune des Mercœur ; il est plus facile à négliger : il mourra en prison, en 1629, enfermé en même temps que son frère[113].

Louis XIII met plus de nuances dans ses rapports avec la sœur, mademoiselle de Vendôme, jeune fille gaie et rieuse, ne complotant pas, n'ambitionnant rien. Moins sévère à son égard, il la chargera d'accompagner la Princesse de Piémont qui va quitter la France : Le choix que je fais de votre personne, lui écrira-t-il, pour être près de ma sœur, ne vous peut que beaucoup contenter, puisque c'est vous témoigner l'estime que je fais de vous[114]. Il la mariera en janvier 1619, magnifiquement, avec un prince de Lorraine, Charles de Lorraine, duc d'Elbœuf et, au contrat, lui donnera 300.000 livres[115]. En toutes occasions il lui témoigne une sympathie qui, sans être très grande, n'en est pas moins réelle : Ce que je pourrai apporter d'aide et de secours à votre soulagement, écrit-il à ma sœur de Vendôme, un jour où celle-ci est atteinte d'un deuil douloureux, je le ferai de toute mon affection désirant vous témoigner que j'aime votre bien, votre repos et votre maison[116]. Des trois Vendôme, c'est celle-ci qui est la mieux vue.

Mais quelle différence, avec les Verneuil, et surtout avec le frère préféré, Henri de Bourbon marquis de Verneuil, doux et obéissant enfant, gêné de sa situation fausse, et qui s'applique à vivre modestement[117] ! Il ne s'impose pas : prudent et réservé, il se montre plein de prévenances, empressé, attentif. Aussi l'aime-t-on. Louis XIII est son parrain : il se considère comme tenu de le conseiller, bien qu'ils soient tous deux du même âge, de s'occuper particulièrement de lui : il a une charge morale, et il s'en acquitte. Le marquis de Verneuil est d'un caractère si aimable ! Ne les jugeant pas, lui et sa sœur, assez intéressés, la mère, la marquise de Verneuil, les traite des plus sots enfants du monde[118]. Ce n'est pas le jugement du roi. Louis XIII sait gré à Henri de Verneuil de toutes ses attentions : J'ai cette créance, lui écrit-il, que vous affectionnez toujours ce que j'aime et que vos pensées ne sont qu'à me plaire[119].

Il s'occupe de ses études, le met au collège des Jésuites de Clermont, en 1618. Venant de faire rétablir l'enseignement des Jésuites, malgré une opposition ardente, il a voulu donner ce témoignage de sympathie aux religieux de leur confier son frère. Il suit les progrès de l'écolier : Mon frère, lui écrit-il, j'ai tant d'affection à votre bien que vous le connaîtrez en tout ce qui regardera votre honneur et avancement. J'aurai soin de la prière que vous m'avez faite par votre secrétaire : laissez-moi cette pensée et ne donnez cependant à votre esprit que l'entretien nécessaire pour faire le progrès que je vous désire en vos études, autant que j'ai de soin de vous élever aux honneurs convenables à votre condition. Je souhaite de vous voir d'autant plus capable de les posséder avec mérite[120]. Aux vacances, Henri de Verneuil, n'a pas de plus grande joie que d'aller rejoindre le roi son frère ; il sollicite la permission de venir et Louis XIII la lui accordé volontiers : J'estime le dessein que vous avez pris pour passer le temps de vos vacations, lui répond le roi. Vous n'en pouvez avoir un meilleur ni qui me fut plus agréable. Je trouve bon que vous veniez où je serai lorsque vos leçons finiront et aurai à plaisir de vous voir, comme je crois que votre plus grand contentement sera de vous approcher de moi qui vous rendrai en toutes occasions des témoignages de ma bonne volonté[121]. Louis XIII cherche à lui être agréable : surtout il s'occupe de sa fortune.

De très bonne heure, Henri IV a destiné l'enfant aux honneurs ecclésiastiques. Dès 1607 — le petit n'ayant encore que six ans, — il a demandé au pape pour lui l'évêché de Metz[122]. Les contemporains s'élèvent bien contre ces façons d'appeler à de pareilles charges des titulaires si jeunes : La France, déclare Philippe Cospéan, est remplie d'évêques et d'abbés qui sont entre les bras de leur nourrice ; l'abus devance même leur naissance ; ils sont pères avant que d'être enfants et chargés de mitres avant que l'on sache s'ils seront mâles ou femelles ![123] Le pape a cédé. En février 1608 le chapitre de la cathédrale de Metz est venu à Saint-Germain saluer son nouvel ordinaire[124]. Celui-ci, il est vrai, n'a encore que le titre. Mais Louis XIII s'occupera, dès qu'il sera le maître, en 1617, de faire accorder à son frère les droits, au moins temporels, que comporte la situation. Il sollicitera du Saint-Siège la faculté pour Henri de Verneuil, d'administrer son diocèse : en raison de la jeunesse du prélat, une dispense est nécessaire : ce n'est qu'en août 1618 qu'elle sera accordée[125]. Louis XIII s'intéresse à ce que fait le petit évêque, le gratifie de toutes sortes de faveurs. Il l'exempte d'une partie des décimes que tout titulaire ecclésiastique doit payer[126] ; il le comble d'abbayes et de revenus[127], puis veut le faire nommer cardinal.

Il y a pensé de bonne heure. Dès 1617, il en parlait au nonce en même temps qu'il sollicitait les dispenses pour l'administration temporelle du diocèse de Metz et le nonce transmettait ces premières insinuations au secrétaire d'état du Saint-Siège, le cardinal Borghèse. Mais, au conseil, les ministres se prononçaient contre l'idée : Villeroi faisait remarquer que c'était une tradition en France de ne pas élever outre mesure les fils naturels des rois. Rome refusait, sous prétexte que si le Saint-Siège, disait le cardinal Borghèse, nommait des enfants naturels cardinaux, tous les princes souverains de l'Europe voudraient remplir le Sacré-Collège de leurs bâtards[128]. La marquise de Verneuil, la mère, suivait avec âpreté le projet. Ardente, impérieuse, elle désirait passionnément la pourpre pour son fils. Elle assiégeait le nonce, lui attribuait le refus du pape, l'accablait de sottises : — Cette femme est une diablesse ! mandait Bentivoglio. — La marquise s'en prenait ensuite à Luynes qu'elle croyait aussi cause de l'échec : elle lui répétait qu'il avait manqué de parole, qu'il ne serait pas toujours favori du roi, tandis que l'évêque de Metz serait toujours son frère[129]. Louis XIII insistait. Le nonce mandait au pape : Je répéterai au roi les raisons du refus, prudemment et à une heure propice pour qu'il ne persiste pas à vouloir de cette nomination, le mécontentement qu'il éprouverait de l'échec devant être plus grand ; il est très sensible, il tient beaucoup à ne pas être méprisé. En décembre de la même année 1617, arrivait de Rome la réponse définitive que Verneuil était écarté du cardinalat. Louis XIII en prit son parti ; madame de Verneuil fit une querelle au nonce ; puis il n'en fut plus parlé[130].

Ne pouvant obtenir pour l'évêque de Metz le chapeau de cardinal, Louis XIII voulut, au moins, qu'il fut prélat instruit, éloquent, bon théologien. Il l'encourageait : Mon frère de Metz, lui écrivait-il, votre bonne résolution à vous rendre toujours plus recommandable par vos études, me contente si fort qu'ayant appris par le rapport du P. A. les dernières actions que vous avez faites en public et comme vous avez depuis peu très doctement soutenu et emporté avec honneur et louange d'un chacun une énigme exposée aux disputes de votre classe, j'ai voulu vous témoigner par la joie que j'en reçois, combien j'affectionne l'avancement de vos études. En les continuant de la sorte, vous acquerrez par vos labeurs la gloire que je désire être jointe à votre qualité. Je vous donnerai toutes occasions de le faire ; même étant à Paris, je veux assister aux premières disputes que vous ferez et, par ma présence, vous rendre encore plus assuré de mon affection[131]. Et Louis XIII faisait l'honneur à son frère de venir l'écouter au collège de Clermont. Lorsqu'en janvier 1624 le marquis de Verneuil se disposera à passer ses thèses théologiques, ce sera à son royal parrain qu'il les dédiera. La soutenance aura lieu solennellement au collège des Jésuites : le roi y assistera accompagné d'une brillante suite de princes, de cardinaux, d'évêques, de seigneurs. Le Mercure français, publication officieuse, mentionnera l'événement[132].

Tandis que, dans son collège, l'évêque de Metz mène une existence laborieuse et modeste, — il ne paraît guère aux fêtes de cour — sa sœur, mademoiselle de Verneuil, au contraire, figure au Louvre en un rang brillant, celui des princesses, après les enfants de France, entre la princesse de Condé et la comtesse de Soissons[133]. Sans être méchante, mademoiselle de Verneuil est une personne un peu inconsidérée. Liée avec Anne d'Autriche et la duchesse de Luynes, elle fait partie, nous l'avons vu, de ce petit groupe des amies de la reine frivoles, gaies, hardies, et assez imprudentes. On sait comment Louis XIII finira par éloigner mademoiselle de Verneuil : il la confiera à la surveillance de la duchesse d'Angoulême[134]. C'était une disgrâce ! ces mauvaises dispositions ne dureront pas. Louis XIII en voudra si peu à mademoiselle de Verneuil, qu'il s'occupera de la marier de façon brillante. Dès 1619 il a été question pour elle d'un seigneur italien, le duc Orsini di Bracciano. Le projet n'a pas eu de suite[135]. En 1622 mademoiselle de Verneuil trouvera un des plus grands partis de France, Bernard de Nogaret, marquis de la Valette, fils du duc d'Épernon. Il ne déplaira pas à Louis XIII de voir entrer sa sœur naturelle dans une telle famille ; il pouvait se rappeler le temps où son père voulant donner un de ses enfants illégitimes à un Montmorency, s'attirait du vieux connétable cette verte réponse : qu'il y avait assez de bâtards comme cela dans sa maison[136]. Le roi célébrera les fiançailles du jeune couple le 13 décembre 1622, à Lyon, dans la chambre de la reine[137]. Par un brevet daté du même jour, il permettra à sa sœur de conserver à la cour son rang de princesse. Par le contrat, signé la veille, Louis XIII donnera à la fiancée 600.000 livres et une pension annuelle de 30.000 livres[138].

Quoique devenue marquise de la Valette, mademoiselle de Verneuil ne cessera pas de subir l'autorité que Louis XIII fait éprouver à toute sa famille. Le roi continuera à la diriger, à se réserver le droit de lui permettre de se déplacer : Mon cousin, écrira-t-il au duc d'Epernon, ma sœur de la Valette m'a demandé permission de vous aller voir : je le lui ai accordé à la charge qu'elle vous assurera de la continuation de ma bonne volonté et qu'elle demeurera aussi en cette assurance que je l'aimerai toujours comme une bonne sœur et que je témoignerai toujours, par les effets, l'affectionner bien fort. Je vous prie de l'aimer étant ce qu'elle m'est : je vous saurai bon gré des témoignages que vous lui donnerez de votre affection et vous ferai paraître en avoir du ressentiment[139]. La note paraît presque tendre : Louis XIII aime aussi la petite Verneuil, comme son frère et conserve pour elle cette préférence qu'il a montrée à son égard dès son enfance.

Il n'a abandonné aucun des enfants de son père. Il en est une avec laquelle il a conservé des relations sympathiques : une religieuse de Fontevrault, coadjutrice du monastère : Jeanne-Baptiste de Bourbon, fille de Charlotte des Essarts, comtesse de Romorantin. Lorsqu'elle a voulu se faire religieuse, le jeune roi l'a félicitée et fortement encouragée. Il lui écrit de temps en temps des mots aimables, lui demande de prier pour lui. Il a soin de sa santé ; une épidémie se déclare-t-elle à Fontevrault, il lui commande de quitter la maison pour se mettre en lieu plus sain. A elle comme aux autres il témoigne de cet attachement attentif, autoritaire, à la fois, et dévoué, qui caractérise sa sensibilité particulière et son caractère[140].

 

 

 



[1] Sans date, Bibl. nat., ras. fr. 3722, fol. 25 r°. Nous allons principalement utiliser pour ce chapitre les lettres de Louis XIII à ses frères et sœurs et les réponses de ceux-ci. Le recueil auquel nous les empruntons et qui contient près de 600 lettres de Louis XIII des années 1617 à 1625 environ, a été formé par le secrétaire du roi Tronson, qui les copiait au passage. Il existe un double de ce recueil à la Bibliothèque Mazarine (ms. n° 2126) présentant quelques lettres en plus. Nous avons déjà eu souvent l'occasion de citer ce recueil.

[2] Lettre de Louis XIII à madame de Monglat, datée d'Orléans, 10 juillet (sans doute 1620) : Mamanga, envoyant à mon frère et à mes sœurs des confitures de cette ville, je les vous ai voulu adresser afin que vous les départissiez entre eux. Bibl. nat., ms., fr. 3798, fol. 28 r°.

[3] Lettre de Louis XIII à Marie de Médicis de 1621 : Mon frère a, Dieu merci, recouvert la santé. Bibl. nat., Cinq Cents Colbert 98, p. 100. Voir, à ce propos : la Santé du prince, ou le soin qu'on y doit observer, (s. l.), 1616, in-12° (attribué par Barbier à Raoul le Maistre.

[4] Voir notre livre Au temps de Louis XIII, p. 47, 48.

[5] Nous avons conservé une partie de la correspondance de madame Monglat avec les enfants d'Henri IV : Bibl. nat., ms. fr. 3798, 3815, 3818.

[6] En 1623, Françoise de Longuejoue, Marquise de Monglat porte le titre de gouvernante d'Henriette-Marie et surintendante de sa maison et finances, Arch. nat., X1a 8650, fol. 37 r°.

[7] Lettre de Louis XIII à madame de Monglat de 1622, conservée à la Bibliothèque de Saint-Pétersbourg et publiée par H. de la Ferrière dans Arch. des missions scientifiques et littéraires, 2e série, t. III, 1866, p. 21.

[8] Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 96 v°, 97 r°. Voir ce que nous avons déjà dit plus haut de l'affection de Louis XIII pour madame de Monglat.

[9] Par lettres patentes du 3 mars 1623 Louis XIII donne à madame de Monglat la faculté de nous nommer et présenter personnes capables aux bénéfices dont la collation et provision nous appartient, ensemble aux offices royaux ordinaires et extraordinaires des aides estant aux bailliage et prévôté de la ville de Provins, pendant neuf ans, ce qui rapporte de bons bénéfices : Arch. nat., X1a 8650, fol. 37 r°. Madame de Monglat a beaucoup de peine à se faire payer les dépenses des princesses dont elle est gouvernante (arrêt du conseil du 10 novembre 1617. Arch. nat., E. 57, fol. 200 r°).

[10] Visite du cardinal légat Barberini à Louis XIII, 1625, dans Bullet. de la Soc. de l'hist. de Paris, 1875, p. 174.

[11] Le roi, en train de voyager, est obligé de le laisser à Amboise. Lettre de Bassompierre au comte de Tillières du 2 octobre 1019, Bibl. nat., nouv. acq. fr. 3538, fol. 3 r° ; Pontchartrain, Mém., éd. Michaud, p. 408.

[12] Arnauld d'Andilly, Journal de 1621, éd. Halphen, p. 82.

[13] Des experts viennent en consultation. Lettre de Marillac à Richelieu du 3 juillet 1622, Arch. des Aff. Étrang., France 775, fol. 177 r°.

[14] Dépêche de Priuli du 14 septembre 1621, Bibl. nat., ms. ital. 1777, p. 26 ; Madame de Motteville, Mém., t. I, p. 372 ; Tallemant, Historiettes, t. II, p. 284. M. de Brèves, gouverneur de Gaston a écrit un éloge optimiste du prince dans son Discours véritable fait par le sieur de Brèves du procédé tenu lorsqu'il remit entre les mains du roi la personne de Monseigneur le duc d'Anjou, Paris, 1618, in-4°, p. 30.

[15] Madame de Motteville, op. et loc. cit. ; Tallemant, Historiettes, t. II, p. 291.

[16] Saint-Simon, Parallèle des trois premiers rois Bourbons, p. 19.

[17] Lettre de Gaston à madame de Monglat du 3 décembre 1622 : Bibl. nat., ms. fr. 3815, fol. 35 r°.

[18] Discours véritable fait par le sieur de Brèves, p. 29, 31. Cf. Mém., de Gaston d'Orléans, éd. Michaud, p. 564-5. M. de Brèves fait enseigner la cosmographie à Gaston sous forme de nomenclature de toutes les parties du monde connues aux hommes, et lui fait apprendre, en guise d'histoire, la liste des batailles gagnées ou perdues dans l'univers depuis trois ou quatre cents ans.

[19] On avait trouvé une correspondance de Marie de Médicis entre les mains de Gaston (dépêche de Contarini du 8 mai 1618, Bibl. nat., ms. italien 1772, p. 67) M. de Brèves a raconté toute sa disgrâce dans son Discours véritable. Le précepteur du prince se nommait Claude Dupont (E. Charavay, Collection de lettres autographes du règne de Louis XIII, p. 30).

[20] Pontchartrain, Mém., éd. Michaud, p. 409 ; Fontenay-Mareuil, Mém., même édition, p. 142 ; arrêt du conseil du 26 septembre 1620, Arch. nat., E. 64A, fol. 196 r°.

[21] Brienne, Mém., éd. Petitot, t. I, p. 337.

[22] Lettre de Louis XIII à d'Ornano du 21 juillet 1622, Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 162 r°.

[23] Lettres de d'Ornano à Louis XIII et à Puisieux, de 1622, Bibl. de l'Institut, collection Godefroy, vol. 269, n° 33, 34, 40.

[24] Pour beaucoup de raisons : son attitude trop impertinente à l'égard de Marie de Médicis ; des soupçons au sujet de ses tendances espagnoles ; des rapports concernant certains faits fâcheux de sa famille. Journal d'Arnauld d'Andilly, de 1624, Bibl. de l'Arsenal, ms. 5181, fol. 71 v° et suiv. Cf. le Prince de Corse, 1624, in-12°, libelle écrit contre d'Ornano (le père d'Ornano avait tué son neveu ; un ascendant avait étranglé sa femme).

[25] La Santé du prince ou le soin qu'on y doit observer, p. 133.

[26] Arnauld d'Andilly, Mém., éd. Michaud, p. 446.

[27] Dépêche de Corsini du 22 mars 1622, Arch. nat., L 397, fol. 332 v°.

[28] Dépêches de Contarini du 24 avril 1619, Bibl. nat., ms. italien 1773, p. 103 ; du nonce du 19 décembre 1617, Bentivoglio, Lettere, t. II, p. 119.

[29] Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 208 v°.

[30] Lettres de Louis XIII au colonel d'Ornano datées de Castelnaudary, 5 juillet, et Béziers, 21 juillet 1622, Ibid., fol. 160 r°, 161 v°, 162 r°.

[31] Dépêche de Pesaro du 2 octobre 1623, Bibl. nat., ms. italien 1781, p. 113 : lo ha minacciato di causargli la propria spada nel ventre.

[32] Dépêche du même du 20 novembre 1623, Ibid., p. 171.

[33] Lettre de Puisieux à Sillery du 23 mars 1622, Arch. des Aff. Étrang., France 776, fol. 38 r°.

[34] Lettre de Sillery à Puisieux du 2 mai 1022 et réponse de Puisieux le 16, Ibid., fol. 105 r°, 121 r°. L'écuyer Benjamin apprend au prince à monter à cheval ; il est suppléé par M. de Pontrincourt (fol. 146 r°).

[35] Lettres de Louis XIII à Gaston des 2 mai 1623, 2 avril et 1er juin 1624, Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 57 r°.

[36] Lettre de Louis XIII à Gaston, datée d'Avignon, 19 novembre 1622, Ibid., fol. 57 v° et 58 v°.

[37] Héroard, 23 avril 1619, Bibl. nat., ms. fr. 4026, fol. 164 r°.

[38] Lettre de Luca Fabbroni degl'Asini à Marie de Médicis du 6 janvier 1624 concernant un projet de mariage entre Monsieur et la princesse Anne de Toscane : Bibl. de l'Institut, collection Godefroy, vol. 269, n° 96.

[39] Voir notre livre Au temps de Louis XIII, p. 42-43.

[40] Journal d'Héroard, éd. Soulié et Barthélemy, t. II, p. 183.

[41] Lettre du P. Cotton au duc Maximilien de Bavière, Bibl. nat., Moreau 1278, fol. 141 v° ; lettre de Malherbe à Peiresc du 28 mars 1015, dans Œuvres de Malherbe, éd. Lalanne, t. III, p. 493. Il existe à la Pinacothèque de Munich un joli portrait d'Elisabeth par Rubens.

[42] Sans date, Bibl. nat., ms. fr. 3798, fol. 42 r°.

[43] Lettre d'Elisabeth, alors reine d'Espagne, à Madame de Monglat, datée de Dax, 28 octobre 1625, Ibid., fol. 50 r°. Toutes les lettres de la princesse à son ancienne gouvernante (par exemple Bibl. nat., ms. fr. 3815 fol. 8 r° et suiv.) témoignent de cette nature simple, bonne et gentille.

[44] Bibl. nat., ms. fr. 3798, fol. 19 r° ; de Madrid 22 janvier, sans indication d'année.

[45] Lettre d'Elisabeth à Henriette datée de l'Escurial, 1er août (sans indication d'année), Bibl. nat., ms. fr. 3818, fol. 46 r°.

[46] Bibl. nat., ms. fr. 3798. Elle commençait ainsi sa lettre : Vincenze m'a apporté une de vos lettres, par laquelle j'ai su de vos nouvelles ; je voudrois qu'il se présentât tous les jours occasion pour vous faire savoir des miennes, croyant que vous êtes bien aise quand vous en recevez, car je reçois un si grand contentement quand j'ai des vôtres qu'il n'est pas possible de plus.

[47] Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 26 v°. Lettre de Louis XIII à Elisabeth.

[48] Ibid., fol. 27 r° et 28 r°.

[49] Lettres, par exemple, confiées au P. Joseph, à M. de Marsillac, à M. du Fargis, ambassadeur en Espagne. Bibl. nat., ms. fr, 3722 fol. 25 v°, 26 r°.

[50] Lettre de Louis XIII à sa sieur Elisabeth du 20 février 1622, Ibid., fol. 31 r° à 32 v°.

[51] Ibid., fol. 24 v°, 27 v°, 29 v° : voir aussi fol. 31 v°. Louis XIII envoie à sa sœur son portrait : Je ne sais de quelle façon, répond Elisabeth, remercier très humblement votre Majesté du beau présent qu'il lui a plu m'envoyer par le sieur Ribère. Je suis la plus contente du monde bonnes nouvelles qu'il m'a apportées de votre Majesté et d'avoir son portrait que j'estime et aime comme je dois, estant de votre Majesté. (Avant 1621). Catalogue of the collection of Morrison, t. II. p. 70.

[52] Lettre de 1619, Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 26 r°.

[53] Lettre de Louis XIII à Elisabeth datée de Saint-Germain, 14 mars 1621, Ibid., fol. 28 r°.

[54] Lettre de Louis XIII à Marie de Médicis, d'octobre 1621, Bibl. nat., Cinq Cents Colbert 98, p. 97. Marie de Médicis, à ce propos, envoie au roi d'Espagne, son gendre, une lettre de condoléances (datée de Blois, 11 octobre 1621, Arch. nat., K. 1478, n° 133 a.). Louis XIII écrivit également au roi, son beau-frère, une lettre que devait porter M. de Chaudebonne et qui est datée du camp devant Montauban, 30 octobre 1621. (Ibid., 155 a). La jeune reine d'Espagne se retrouvera dans une situation intéressante en 1624. Louis XIII lui renouvellera, par lettre du 24 septembre, ses vœux (Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 32 r°).

[55] Lettre de 1619, Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 26 r°.

[56] Ibid., fol. 32 r°, 47 v°.

[57] Il l'a notifié aux ministres du roi : dépêche de F. Giron du 21 octobre 1618. Arch. nat., K. 1475, n° 94.

[58] Dépêche de Pesaro du 15 mars 1622, Bibl. nat., ms. italien 1778, p. 56. Louis XIII fit des observations à l'ambassadeur d'Espagne : Il re ha parlato risentito con l'ambasciator di Spagna per li disgusti che riceve la regina sua sorella. Sur le renvoi des Français d'Espagne, voir encore la dépêche du marquis de Mirabel à Philippe IV du 30 septembre 1623, Arch. nat., K. 1479, n° 80 a.

[59] Lettre d'Elisabeth à Louis XIII, Bibl. nat., ms. fr. 3818, fol. 42 r°. Elisabeth n'avait pas que ces raisons là d'être peu heureuse ; le nonce écrivait le 3 septembre 1621 (dans Zeller, le Connétable de Luynes, p. 225) : le roi d'Espagne donne grand sujet de jalousie à sa femme ; elle a su qu'il sort la nuit pour se divertir, ce qui a hâté ses couches ; elle a mis au monde un petit garçon qui est mort.

[60] La Santé du prince, 1616, in-12°, p. 16. Pour sa signature, nous avons un certain nombre d'autographes d'elle, voir par exemple Bibl. nat., ms. fr. 3798, fol. 14 r° et 17 v°.

[61] La Santé du prince, p. 14.

[62] Bibl. nat., ms. fr. 3798, fol. 57 r°.

[63] Lettre de Marie de Médicis à Chrétienne, datée de Blois le 7 octobre 1617, Bibl. nat., ms. fr. 3649, fol. 56 r°.

[64] J.-B. Matthieu, Histoire de Louis XIII, dans P. Matthieu, Histoire de Henri IV, t. II, p. 101.

[65] Dépêche de Contarini du 10 septembre 1619, Bibl. nat., ms. italien 1773, p. 241.

[66] De Chaulnes, Relation exacte de la mort du maréchal d'Ancre, éd. Michaud, p. 480.

[67] Arrêt du Conseil du 31 décembre 1620, faisant allusion au rôle de Chrétienne dans la direction de la maison de Mesdames, sœurs du roi, Arch. nat., E. 63A, fol. 464 r°.

[68] Bibl. nat., ms. Dupuy 661, fol. 127 v°.

[69] Reçu d'Abel Brunier, médecin du roi, de 600 livres, pour les frais de deux voyages faits pour le secours de Mesdames, sœurs de Sa Majesté, estant lors malades. (E. Charavay, Collection de lettres autographes du règne de Louis XIII, p. 28.)

[70] Fontenay-Mareuil, Mém., éd. Michaud, p. 172, à la date de 1622.

[71] Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 39 v° et 46 r°.

[72] Richelieu, Mém., éd. Michaud, t. I, p. 15.

[73] V. Siri, Memorie recondite, 1677, in-4°, t. IV, p. 380. Dépêches de l'ambassadeur vénitien des 13 juin et 15 novembre 1617, Bibl. nat., ms. italien 1771, p. 193, 493.

[74] Mercure français, t. V, 1618, p. 277 ; Pontchartrain, Mém., éd. Michaud, p. 402.

[75] Héroard, Bibl. nat., ms. fr. 4026, fol. 128 v°. Louis XIII donnait à sa sœur 400.000 écus. Nous avons le texte du contrat de mariage : Bibl. nat., Cinq Cents Colbert 82 ; Clairambault 378, fol. 473 r° ; Dupuy 98, fol. 252.

[76] Héroard, Bibl. nat., ms. fr. 4026, fol. 138 r°, 139 r° et v° ; Fontenay-Mareuil, Mém., éd. Michaud, p. 130, 132 ; Gaspart, Thrésor de l'histoire générale de notre temps, Paris, 1623, in-8°, p. 224. Le public accueillit avec plaisir ce mariage (La Trompette française sur le mariage de Son Altesse le sérénissime prince Victor Amédée de Savoie, avec Madame Chrestienne de France, Paris, 1619, in-12° ; Matthieu, Alliances de France et de Savoie, Paris, 1619, in-4°) ; on le célébra dans les provinces (Montsabert, Relation des fêles données à Toulouse en 1619 à l'occasion du mariage de Madame, sœur du roi, avec le prince de Savoie, dans Bulletin de la Société archéologique du midi de la France, Toulouse, 1881, t. VIII, p. 10). Ce mariage fut assez à charge au trésor ; il fallut trouver des expédients pour en payer les frais (Lettres patentes du 12 mars 1619, Arch. nat., X1A 8649, fol. 175 v° et arrêt du Conseil du 17 août 1619, Arch. nat., E. 62B, fol. 111 r°).

[77] Richelieu, Mém., éd. Michaud, t. I, p. 187, 191, et J.-B. Matthieu, Histoire de Louis XIII, dans P. Matthieu, Histoire de Henri IV, t. II, p. 101.

[78] Pontchartrain, Mém., éd. Michaud, p. 402.

[79] Dép. de Contarini du 5 février 1619, Bibl. nat., ms. italien 1772, p. 316.

[80] La lettre fut publiée dans : Lettres de la reine-mère à Monsieur le prince de Piémont, Loches, 1619, in-12°, p. 7.

[81] Lettre de Louis XIII à Marie de Médicis de 1619, Bibl. nat., Cinq Cents Colbert 98, p. 150.

[82] Héroard, lundi 23 septembre 1619, Bibl. nat., ras. fr. 4026, fol. 216 v°.

[83] Lettre de Louis XIII à madame de Saint-Georges, Bibl. nat.. ms. fr. 3722, fol. 95 bis r° ; dépêche de Contarini du 2 octobre 1619, Ibid., ms. italien 1773, p. 254 ; Matthieu, Alliances de France et de Savoie, p. 66. Le P. Pierre Monod dans ses Recherches historiques sur les alliances de France et de Savoie (Lyon, P. Rigaud, 1621, in-4°, p. 80-82) fait un grand éloge de Chrétienne.

[84] Lettres de Louis XIII à Chrétienne du 10 mars 1624 (Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 50 r°) et de 1621 (Ibid., ms. fr. 3818, fol. 2 r°).

[85] Lettre de Chrétienne à Marie de Médicis du 6 octobre 1619, Bibl. nat., nouv. acq. fr. 7797, fol. 341 r°.

[86] Voir les lettres des ambassadeurs de Louis XIII en Savoie à partir de l'arrivée de Chrétienne à Turin. Bibl. nat., ms. fr. 16917-16919.

[87] Arch. des Aff. étrangères, France 364, fol. 213 r° et suiv. Sur les Amours de madame Christine, duchesse de Savoie, voir aussi : bibl. de l'Arsenal, ms. 3308, fol. 1-6 ; 34072 ; 353, fol. 94 et suiv. ; Bibl. nat., ms. fr. 16077 ; 17470, fol. 288 et suiv. ; nouveau acq. fr. 4443.

[88] Malherbe, Œuvres, éd. Lalanne, t. IV, p. 61 ; dépêche de Priuli du 5 novembre 1621, Bibl. nat., ms. italien 1777, p. 80 (Priuli allant à Montauban prendre congé du roi avant de partir pour Venise, s'arrête à Blois où il voit Marie de Médicis et Henriette). Nous avons des lettres autographes d'Henriette-Marie enfant à madame de Monglat et à madame de Saint-Georges (Bibl. nat., ms. fr. 3798, fol. 5 et 17).

[89] Lettre d'Elisabeth à Henriette-Marie, datée de Madrid, 15 avril (sans indication d'année), Bibl. nat., ms. fr. 3818, fol. 14 r°.

[90] Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 30 r°, 96 v°.

[91] Lettres de Louis XIII à Henriette-Marie de 1621, Bibl. nat., ms. fr. 3818, fol. 3 r°, 4 r°.

[92] Ibid., fol. 1 r°. Lettre du 25 mai 1622.

[93] Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 35 v°, 36 r°.

[94] Dépêches de Pesaro du 4 mai 1623 (Bibl. nat., ms. italien 1780, p. 239) ; de Rosso du 2 juin (Ibid., p. 272).

[95] Dépêche de Contarini du 2 octobre 1619, Bibl. nat., ms. italien 1773, p. 258. Les documents abondent sur le mariage d'Henriette-Marie avec Charles Ier : voir : Bibl. nat., ms. fr. 13767, 21006-7, 25105-25110 ; nouv. acq. fr. 60, 7799 ; Dupuy, 143-146 ; Bibl. Mazarine, ms. 2128, 2129. Voir aussi : Mémoires inédits sur la cour de Charles Ier et son mariage avec Henriette de France, du comte Leveneur de Tillières, recueillis par C. Hippeau Paris, 1862, in-12°.

[96] Richelieu, Mém., t. I, p. 235.

[97] Dans les Instructions for our right trusty cousin and councellor James earle of Carlile and our right trusty Henry L. Kensington, our ambassadors extraordinary to the french King (Bibl. nat., collection Moreau 724, fol. 215 et suiv.), la cour anglaise reconnaissait que ce mariage était of a high nature and deepe conséquence (fol. 215 v°). Il y avait il est vrai des difficultés : pour Louis XIII, la différence de religion. Le pape ne permettrait pas le mariage. On enverra plus tard le P. de Bérulle à Rome. Le roi écrira au cardinal Barberini afin de lui recommander d'appuyer auprès du pape la démarche du général de l'Oratoire et on finira par obtenir gain de cause (lettres de Louis XIII au pape et au cardinal Barberini du 3 août 1624, Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 11 r° et 20 r°). Le nonce s'opposait vivement au mariage (dépêche de Corsini du 22 janvier 1624, Arch. nat, L. 397, fol. 406 r° et de Priuli, de décembre 1620, Bibl. nat., ms. italien 1775, p. 245).

[98] Dépêche de Corsini du 22 mars 1622, Arch. nat., L. 397, fol. 332 v°.

[99] Dépêche de l'ambassadeur vénitien du 17 août 1623, Bibl. nat., ms. italien 1781, p. 37.

[100] Lettre de Louis XIII au prince de Galles, (s. d.), Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 35 r°.

[101] Articles dressés en novembre 1624, Bibl. nat., nouv. acq. fr. 7799, fol. 103 r°.

[102] On n'était pas sûr que ces instructions fussent du P. de Bérulle. Nous en avons retrouvé le texte avec l'attribution : Bibl. nat., Cinq Cents Colbert 98, p. 219 et suiv.

[103] Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 197 r°.

[104] Cette lettre est datée de la Haye, 28 mai (sans indication d'année) Bibl. nat., ms. fr. 3818, fol. 48 r°). Ce gentilhomme, dit Henriette-Marie, s'en va si bien informé des raisons que j'ai eues de sortir bois d'Angleterre que quand vous les saurez, vous vous étonnerez de ce que je ne l'ai fait plus tût ; car à moins que de me résoudre à la prison, je n'y pouvois pas demeurer. Mais encore s'il n'y eut eu en cela que moi à souffrir ! Je suis si accoutumée aux afflictions que cela eut passé comme le reste, car leur dessein étoit de me séparer du roi Monseigneur : et ils ont dit publiquement qu'il le falloit faire et ensuite qu'une reine n'étoit qu'une sujette et estoit pour passer par les lois du pays comme les autres ; ensuite de cela ils m'ont accusée publiquement, en me nommant, que j'avois voulu renverser les lois et la religion du royaume et que c'étoit moi qui avois causé les Irlandois à se révolter ; ils ont fait venir des témoins jurer que cela estoit, et sur cela disoient que tant que je serois auprès du roi, que l'État étoit en danger ; avec beaucoup d'autres choses trop longues à écrire. Venir à ma maison, lorsque j'étois à la chapelle, enfoncer mes portes, menacer de tout tuer, mais cela, j'avoue, ne m'a pas fait grand peur ; mais il est vrai que d'être sous ta tyrannie de ces gens là n'est pas a être recommencé. El durant ce temps, assistée de personne ! Jugez en quel état j'estois ! Voir une autre lettre a la même Mme de Saint-Georges (Ibid., fol. 51 r°). Henriette-Marie écrira a l'évêque de Mende : Ayez pitié d'une pauvre princesse au désespoir. (Catalogue of the collection of autographe letters of Morrison, t. II, p. 79).

[105] Voir notre livre Au temps de Louis XIII, chapitre Ier et notre Vie intime d'une reine de France, p. 286 et suiv.

[106] Héroard, Bibl. nat.. ms. fr. 4025, fol. 451 r°.

[107] Non e dubio che il re non si fida di Vendôme, tenendolo per quello ch'egli e, cioe per uno spirito inquieto, perfido e sommamente ambizioso. (Bentivoglio, Lettere, t. I, p. 490, 13 septembre 1617).

[108] Libre et salutaire discours des affaires de France, Paris, 1618, in-12°, p. 38.

[109] Bibl. nat., Cinq Cents Colbert 486, fol. 262 v°.

[110] Héroard, Bibl. nat., ms. fr. 4025, fol. 435 v°.

[111] Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 74 r° et v° ; lettre du 8 septembre 1623.

[112] Arrêt du conseil, dans ce sens, du 7 octobre 1017, Bibl. nat., ms. fr. 18192, fol. 4 r° : Arch. nat., E. 57, fol. 11 r°.

[113] Richelieu écrira de lui plus tard : le grand prieur, méchant pour l'État, pour le roi et pour tout. (Avenel, Lettres de Richelieu, t. III, p. 218).

[114] Lettre de Louis XIII à ma sœur de Vendôme, Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 74 v°.

[115] Nous avons le texte du contrat, daté du 19 janvier : Bibl. nat., ms. Clairambault 375, fol. 186 r° ; Arch. des Aff. Étrang., France. 772, fol. 64 r°. Cf. E. Charavay, Collection de lettres autographes du règne de Louis XIII, p. 37 ; ordre de payer les 300.000 livres, 19 janvier 1619. Nous avons vu plus haut à quoi servit ce mariage dans l'histoire du ménage de Louis XIII.

[116] Lettre de Louis XIII datée de Saint-Germain-en-Laye du 8 septembre 1623, Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 75 r°.

[117] Sur Henri de Verneuil, voir J. Chautard, Notice sur Henri de Bourbon marquis de Verneuil, évêque de Metz, Vendôme, 1897, in-8°. Tristan l'Hermite, dans son roman le Page disgracié (Paris, A. Moutonne 1667, in-12°, t. I, p. 16 et suiv.), met en scène, sous un nom supposé, Henri de Verneuil et nous renseigne sur le caractère ainsi que l'éducation du jeune personnage. Le page disgracié est placé auprès de l'évêque de Metz.

[118] Tallemant, Historiettes, éd. P. Paris, t. II, p. 9.

[119] Lettre de Louis XIII à Henri de Verneuil, datée de Barbezieux, 5 janvier 1622, Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 77 v°.

[120] Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 76 r°. Voir Bellemaure, le Portrait du roi, 1618, p. 83 ; J.-B. Matthieu, Histoire de Louis XIII, dans P. Matthieu, Histoire de Henri IV, 1631, t. II, p. 91.

[121] Ibid., fol. 77 r°. Néanmoins Louis XIII sait rappeler à la raison son frère, quand il le faut : Mon frère de Metz, lui écrit-il, encore que Bourlon, qui vous rendra la présente, m'ait assuré du contraire de ce que l'on m'a dit, que vous chassiez aux lieux où j'ai accoutumé d'aller, je ne veux laisser de vous faire savoir le rapport qui m'en a été fait et le mécontentement que j'en recevrais, cela étant, ainsi que j'ai commandé audit Bourlon de vous faire entendre de ma part. Vous pouvez prendre votre plaisir à la plaine de Villejuif comme je vous ai permis et pour les autres, aider à les faire conserver, selon que vous savez être de mon intention (Ibid., fol. 78 v°).

[122] Lettre d'Henri IV au pape du 7 février 1608 lui rappelant sa demande dans Lettres missives d'Henri IV, éd. Berger de Xivrey, t. VII, p. 486.

[123] Cité dans Revue de Gascogne, t. XL, 1899, p. 336.

[124] Journal d'Héroard, éd. Soulié et Barthélemy, t. I, p. 316.

[125] Lettre du cardinal Borghèse, secrétaire d'État du Saint-Siège, du 27 août 161 S, confirmant le fait, dans Bentivoglio, Lettere, t. II, p. 579. Cf. p. 578, t. III, p. 48. Sur l'évêché de Metz sous l'épiscopat de Henri de Verneuil. voir Bibl. nat.. ms. Dupuy 334-335.

[126] Lettre de Louis XIII au cardinal de Sourdis le priant d'appuyer dans l'assemblée du clergé l'exemption de décimes accordée à M. de Metz, Bibl. nat.. ms. fr. 3722. fol. 23 v°, exemption de 700 livres précédemment consentie au cardinal de Retz.

[127] Estat des abbayes que possède Monsieur le duc de Verneuil. Bibl. nat., ms. fr. 18113, fol. 102 bis. Henri de Verneuil prit à cœur ses fonctions épiscopales : voir la lettre qu'il écrivait en 1628 au duc de Lorraine, lettre publiée dans le Journal de la société d'archéologie et du comité du musée lorrain, 1852-3, p. 64.

[128] Lettres du nonce du 7 juin, 13 septembre, 22 novembre 1617 ; du cardinal Borghèse du 22 juillet 1617, dans Bentivoglio, Lettere, t. I, p. 293, 435, 489 ; t. II, p. 84.

[129] Ibid., t. II, p. 175, lettre du nonce du 17 janvier 1618.

[130] Lettres du nonce des 19 et 26 décembre 1617, Bentivoglio, Lettere, t. II, p. 117, 136.

[131] Lettre de Louis XIII à Henri de Verneuil (de vers 1623), Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 76 r°. Le P. A. dont parle le roi, est peut-être Le P. Ignace Armand, recteur des jésuites à Paris, dont le nom est mêlé aux disputes du début du XVIIe siècle entre les jésuites et le Parlement ou l'Université.

[132] Mercure français, 1623, t. X, p. 878. La thèse ne sera imprimée qu'en 1626. Les positions figureront sur une belle planche gravée offrant le portrait du roi. Louis XIII soutint Henri de Verneuil dans les discussions de celui-ci avec sa mère, la marquise de Verneuil, au sujet de la gestion de ses biens. Après la mort d'Henri IV, l'administration de la fortune d'Henri de Verneuil avait été confiée à un certain Bernard Maire. Madame de Verneuil voulut exiger la jouissance de cette fortune. Elle cita Maire devant le Parlement. Par arrêt du conseil du 15 octobre 1613 le roi défendit au Parlement de connaître du litige. Voir des arrêts du conseil concernant cette affaire : Arch. nat., E. 58A, fol. 247 r° ; E. 1685, fol 24 r° ; 66A, fol. 219 r°.

[133] Chaulnes, Relation exacte, éd. Michaud, p. 480.

[134] Lettres de Louis XIII au duc et à la duchesse d'Angoulême (s. d.), Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 90 v°.

[135] Lettre du nonce du 25 août 1619, Bentivoglio, Lettere, t. III, p. 458, 462, 475.

[136] Sur ce mariage de mademoiselle de Verneuil, voir les lettres de Sillery à Puisieux de 1622, Arch. des Aff. étrangères, France 777, fol. 23 r° et suiv. Cf. le vicomte de Noailles, le Cardinal de la Valette, Paris, Perrin, 1906, in-8°, p. 70. Nous avons la lettre par laquelle Louis XIII annonce le mariage à sa mère, Bibl. nat., Cinq Cents Colbert 98, p. 162.

[137] A deux heures du matin : Héroard, Bibl. nat.. ms. fr. 4027, fol. 132 v°. Voir aussi Bassompierre, Journal, éd. Chantérac, t. III, p. 101 ; Fontenay-Mareuil, Mém., éd. Michaud, p. 172.

[138] La marquise de Verneuil assurait à sa fille 12.000 livres de rentes payables après sa mort ; Henri de Verneuil promettait d'abandonner, au moment de la liquidation de la future succession de sa mère, 3.000 livres de rente à sa sœur (texte du contrat, Arch. des Aff. Étrang., France 777, fol. 208 r° et suiv.). Pour le brevet dont nous parlons, voir ibid., fol. 212 r°.

[139] Lettre de Louis XIII à M. d'Epernon datée de Paris 1er juin 1625 : Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 195 r°.

[140] Lettres de Louis XIII à madame de Romorantin, sa sœur naturelle, coadjutrice de Fontevrault, Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 204 r°, 209, r°, 216 v°. En 1618 un individu, se faisant appeler Henri de Bourbon, parcourait le midi se disant fils d'Henri IV. Louis XIII le fit enfermer au château de Tarascon (Bibl. nat., ms. Clairambault 375, fol. 54 r°).