LE ROI LOUIS XIII À VINGT ANS

 

CHAPITRE V. — LA RELIGION DU ROI.

 

 

Foi religieuse de Louis XIII. — Les pratiques qu'impose au roi le cérémonial traditionnel ; Louis XIII, au dehors, froid et contenu ; ses sentiments intimes, sa vive piété ; il veut imiter saint Louis ; il protège les ordres religieux, surtout les Jésuites. — Mais, comme saint Louis, il entend, dans les affaires politiques, conserver son indépendance. — Témoignage de cette préoccupation : son altitude vis à vis des protestants : il a adopté à leur égard le principe de la liberté de conscience ; il réprime leurs rébellions, mais les laisse libres de croire ce qu'ils veulent. Il les protège même, subventionne leurs pasteurs et leurs écoles. — Puis, préoccupé de concilier cette politique avec ces propres devoirs religieux, il tente secrètement une entreprise de conversion des réformés au moyen de promesses de titres et d'argent. — Organisation de cette entreprise ; région où elle est essayée : Cévennes, Vivarais, Dauphiné ; les agents. — On cherche surtout les conversions des pasteurs ou de la noblesse. — Pourquoi la noblesse a suivi. — Importance relative des conversions obtenues : elles ne paraissent pas avoir été durables.

 

Interrogé par le gouverneur de Louis XIII, M. de Souvré, sur ce qu'il convenait d'apprendre au prince en matière religieuse, Héroard répondait : il faut lui enseigner que la première sagesse de l'homme c'est de cognoistre, aimer et craindre Dieu, pour le servir, après, selon sa volonté ; et il faut de bonne heure imprimer cette doctrine en l'esprit de ce prince comme la seule qui produise les vertus, règle nos mœurs et nos actions et engendre la paix et la tranquillité de l'âme ; mais il ajoutait : ayant à prendre soigneuse garde de ne point faire un superstitieux au lieu d'un homme pie et vraiment religieux[1]. Elevé pour être le roi très chrétien, au milieu d'une société par elle-même croyante[2], Louis XIII ne pouvait être qu'un prince religieux. Il fut un roi pieux, mais, par certains côtés, d'esprit indépendant.

Publiquement, il n'en faisait pas plus que ce que le cérémonial imposait au roi de France, la messe basse tous les matins, même en voyage, même pendant les campagnes et les sièges ; la grand'messe chantée tous les dimanches, la confession une fois par mois, la communion à quatre ou cinq grandes fêtes de l'année, et des processions du Saint Sacrement à suivre à pied, tête nue[3]. Il remplissait ces devoirs ponctuellement, avec dignité. Dans l'intimité, et pour ceux qui l'approchaient, comme ses aumôniers et confesseurs, il était un objet d'édification. Je puis en parler avec vérité, écrivait son aumônier servant, Guillaume du Peyrat, étant entré en quartier auprès de Sa Majesté dès le lendemain du déplorable décès du roi son père par le commandement de feu Monseigneur le cardinal du Perron : le matin, au sortir de lit, Sa Majesté prioit Dieu en son oratoire avec une telle dévotion qu'il ravissoit ceux qui le voyoient, prenant toujours de l'eau bénite à l'entrée et à la fin de ses prières ; le soir, étant dans son lit, avant que de s'abandonner au sommeil, il appeloit son aumônier servant, lequel, étant à genoux près du lit de Sa Majesté, le voyoit incontinent prier Dieu avec une dévotion incroyable, et, les prières finies, prendre un goupillon d'argent du bénitier, s'en arroser lui-même et le lit, quant et quant, en divers endroits[4]. Le confesseur, le père Arnoux, avouait au nonce avec quel esprit pénétré Louis XIII s'approchait des sacrements, comment il pleurait même de componction[5]. Tout le monde trouvera le prince soumis à la volonté de Dieu[6]. Plus tard Mesdames de La Fayette et de Hautefort faisant allusion à la délicatesse d'âme du roi, diront à Madame de Motteville qu'elles l'ont cru fort scrupuleux[7].

Il ne se contentait pas d'assister à la messe tous les matins ; il disait des heures canoniales, ce que Héroard appelait son bréviaire, un bréviaire fait pour lui, nommé les petites heures du roi, avec des oraisons composées par le P. Cotton, et les fériés consacrées à des dévotions préférées par le prince : le Saint Esprit, saint Louis, le Saint Sacrement, la sainte Croix. Il disait les heures avec son aumônier ou son confesseur. Le P. Cotton relevait son exactitude, la connaissance exacte qu'il avait des rubriques[8].

Autour de lui, dans sa cour le jeune roi tenait à ce que les pratiques religieuses fussent observées. Si un courtisan riait pendant l'office, il l'envoyait prier de se taire[9]. Faisant ses pâques, il désirait que tous les chevaliers du Saint-Esprit, à ce moment près de lui, l'imitassent. En campagne, au moment d'une affaire, il communiait et presque toute la noblesse et les seigneurs de la suite communioient en la même église[10]. En 1622, à Toulouse, il recommandera aux officiers de son armée de mettre ordre à leur conscience en prévision des combats prochains : 600 d'entre eux communieront en un seul jour, s'affilieront à la confrérie des pénitents bleus de saint Jérôme et iront processionner à l'Église du Taur[11]. Au siège de Saint-Jean-d'Angély il prescrivait qu'en toutes les tranchées on fit des oraisons publiques à l'entrée en garde[12].

Il renouvela les vieilles ordonnances contrôles blasphémateurs[13]. Préoccupé des agissements de ceux du cachot athéiste, comme on disait et que le père Garasse dénonçait avec véhémence[14] : — poètes, accusés de ne pas plus croire en Dieu que Vanini et de dépenser tout leur argent au cabaret[15], romanciers à l'imagination licencieuse[16], — il prenait des mesures, chassait Théophile de Viau de sa cour en 1623 comme impie, et faisait condamner le Parnasse satyrique par le Parlement[17]. En vérité depuis saint Louis, on n'avoit jamais vu roi si pieux, si dévotieux et qui abhorrât tant le vice et estimât la vertu ![18]

De l'avis de tous il était un modèle. Le roi n'a aucun vice, disait Fontenay-Mareuil, non pas même ceux auxquels les jeunes gens sont les plus sujets. Les mouvements et les secousses des choses vicieuses, appuyait Héroard, n'auront jamais assez de force pour le faire branler[19]. A en croire ses familiers, sa piété ne pouvait être plus parfaite. Le roi vivoit en la vie unitive : il avoit acquis cet état glorieux de communication entière avec la divinité auquel les religieux les plus purs ne peuvent parvenir qu'après être longtemps demeurés en la voie purgative et illuminative[20]. Nous avons un prince selon le cœur de Dieu, s'écriait Jean-Pierre Camus[21] ! Et nombre de gens disaient que Louis XIII était un saint[22]. On le comparait à saint Louis : On voit renaître en la personne de votre Majesté, lui écrivait le duc de Ventadour le 19 janvier 1619, les grandes, les saintes et généreuses actions de ce bon roi saint Louis, lequel, par ses prières, fera prospérer, un siècle entier, la personne et le règne de votre Majesté ![23] Comme saint Louis, assurait une prophétie, il irait délivrer les lieux saints[24].

Et de fait, parmi tous les saints, celui que Louis XIII préférait était le saint roi du Moyen-âge, son prédécesseur, son patron. Chaque jour il disait une oraison en son honneur[25]. Il avait demandé et obtenu du pape que saint Louis fut honoré d'un office double en France, semi double au dehors[26] et le 25 août 1618, il avait célébré solennellement la première fête du bienheureux à l'église Saint Louis des Jésuites par une grand'messe chantée, avec procession, illumination le soir et feu d'artifice sur la Seine[27]. Il voulait imiter son ancêtre. Comme lui il faisait des vœux de pèlerinage, sinon en Terre Sainte, au moins à Rome, ou à Lorette, puis, il est vrai, ne pouvant quitter le royaume, chargeait le P. Cotton de les exécuter à sa place[28]. Comme lui encore, il était plein de bienveillance à l'égard du clergé, maintenant et confirmant les immunités, franchises, exemptions des ecclésiastiques séculiers et réguliers[29] ; il s'intéressait aux réformes des monastères, aux prêtres et écoliers irlandais réfugiés à Paris[30]. A défaut des Cisterciens, l'ordre blanche, pour lesquels le roi du XIIIe siècle avait eu une prédilection si marquée, il avait accordé ses préférences aux Jésuites ; il les aimait[31] ; il recommandait au pape la canonisation de saint Ignace en lui disant tout ce qu'il devait aux pères de la compagnie : les premières instructions que j'ai reçues en la foi et bonnes mœurs, écrivait-il, ont été des pères Jésuites ; ils ont eu jusqu'à présent la direction de ma conscience dont je demeure très satisfait[32]. Il entendit les réinstaller à Paris, caressa, à cet effet, la Sorbonne et l'Université et, malgré les oppositions les plus vives, les autorisa à reprendre leur enseignement au collège de Clermont par arrêt du conseil du 15 février 1618[33]. Dans le reste du royaume il favorisait l'établissement de leurs collèges qui prendront une vive extension à partir de 1618, les soutenait contre les décisions de l'Université et des Parlements, leur octroyait des privilèges et leur faisait des dons[34].

Mais comme saint Louis, aussi, il entendait, vis-à-vis des ecclésiastiques, conserver son indépendance de roi. Il n'admettait pas que, sous couleur de religion, on lui imposât une idée ou un acte qu'il pouvait croire contraire au bien du royaume. Un contemporain écrivait de lui : il a un zèle religieux sans superstition[35]. Cette absence de superstition se manifestait par une grande liberté d'esprit et de caractère. Nous l'avons vu refusant de demander l'absolution à Rome pour avoir fait arrêter légitimement un cardinal. Lorsque le pape permettait à des religieux ou des religieuses de fonder un couvent dans une ville de France, Louis XIII mandait au gouverneur de la province de tenir la main à ce que l'on n'entreprît rien en l'affaire sans le consentement du corps de ville, auquel, ajoutait-il, vous ferez entendre mes intentions sur ce sujet, et ces intentions étaient défavorables[36]. Jaloux de ses prérogatives, il ne voulait pas qu'un ecclésiastique, confesseur ou prélat, pesât sur ses déterminations politiques[37]. Il ne se laissait pas toucher par les considérations théologiques. L'exemple le plus remarquable de cette attitude de Louis XIII a été sa conduite vis-à-vis des protestants. Il a adopté à leur égard le principe de la liberté de conscience : mot et chose ont été invoqués par lui et compris par lui dans un sens moderne : il est demeuré fidèle à sa pensée malgré toutes les prières et les objections. La fermeté et la fixité de ses idées, dans cette question, ont été remarquables ; les conséquences pratiques qu'a eue l'action personnelle du prince sur ce point, lorsqu'il a environ vingt ans, sont demeurées jusqu'ici peu connues.

 

Au milieu des luttes religieuses, qui ont été vives en France de 1618 à 1624[38], les réformés reprochaient au gouvernement de ne pas faire observer l'Edit de Nantes. Par l'organe de leurs assemblées, ils se plaignaient qu'on leur enlevât des places de sûreté ; qu'on leur défendit de se réunir ; qu'on brûlât leurs temples et massacrât leurs coreligionnaires : qu'on prît des mesures militaires contre eux[39]. Les ministres du roi répondaient que l'Edit de Nantes n'accordait aux réformés aucune place de sûreté ; qu'il tolérait leurs assemblées et leurs unions à condition que celles-ci fussent autorisées par le roi — autorisation dont se passaient les protestants ; — que les excès signalés étaient des crimes individuels lesquels seraient punis, mais dont on ne pouvait rendre le roi responsable ; que quant aux mesures militaires, elles devenaient nécessaires devant l'altitude menaçante des réformés[40].

Les protestants déclaraient alors qu'en fait ce qu'on voulait, c'était détruire leur religion. Il existait, affirmaient-ils, une conspiration universelle contre eux. Dans les provinces on les persécutait ; des magistrats écrivaient des livres sur les moyens de les détruire ; moines et religieux, surtout les Jésuites, crioient en chaire pour les rendre odieux et afin d'émouvoir à la persécution contre eux ; à la cour les violents dominaient dans les conseils ; le roi était contraint par le pape et le roi d'Espagne ta entreprendre de les faire disparaître[41].

Et par précaution ils s'armaient. Les gentilshommes réformés levoient des gens de pied et dressoient des compagnies ; les villes protestantes fermaient leurs portes, donnaient des mousquets à leurs bourgeois, lesquels couraient les champs, tuaient les papistes, attaquaient les bourgs, traînant après eux des canons qu'ils appelaient des chasse-messes[42].

Ils assuraient demeurer fidèles au roi ; ils n'entendaient pas se départir de l'obéissance et service très fidèles dus à Sa Majesté à quoi ils se confessoient obligés par les liens de conscience et de religion[43]. Mais le populaire des petites villes huguenotes, plus franc, ne cachait pas les sentiments réels qu'il éprouvait : il se moquait de Louis XIII, l'appelant dans le midi : Louiset lou charmant, Louiset lou cassayre ; l'injuriant, le traitant en prince étranger : travaillant à remparer leurs murs ils jetoient des mots de gueule parmi leurs travaux contre Sa Majesté, qu'ils appeloient par sobriquet Louis et déchargeant la hotte sur les fossés disoient : voilà pour Louis ! avec plusieurs blasphèmes proférés contre l'oint de Dieu, que je n'ose mettre sur le papier, dit un témoin[44].

A la suite des affaires du Béarn, ils allèrent jusqu'à prononcer, le 10 mai 1621, dans une assemblée générale tenue à la Rochelle, leur séparation du reste du royaume, décidant de constituer un Etat distinct, divisé en huit cercles, gouverné par une assemblée souveraine, ayant ses impôts, ses armées, son sceau. Mais c'est une république minutée à la hollandaise ! s'écria-t-on de toutes parts, un attentat à l'autorité du roi ! Les réformés s'organisaient en démocratie ! ils étaient des républicains ![45]

L'opinion catholique s'exalta. Ils appellent persécution, écrivait Malingre, la demande qu'on leur fait d'obéir, comme si l'obéissance répugnoit à la liberté de leur vie religieuse ! L'effervescence gagna de proche en proche. Il y eut des incidents[46]. A Tours, à l'occasion de l'enterrement d'un religionnaire, une miliace de menue canaille se jeta sur le convoi qui fut dispersé, envahit le temple, l'incendia et manqua massacrer les protestants de la ville. A Poitiers, le cimetière réformé fut défoncé[47]. A Paris, lorsqu'arriva la nouvelle, en 1621, de la mort du duc de Mayenne, tué sous Montauban, ce fut une excitation générale. Quelques jours après devait avoir lieu un prêche solennel au temple de Charenton ; la foule se porta sur le passage des réformés ; les autorités mobilisèrent les forces disponibles, archers montés et sergents, afin de maintenir l'ordre ; il y eut des bagarres, nombre de blessés, trois ou quatre tués ; à la fin la foule se porta sur Charenton et brûla le temple où heureusement il n'y avait plus personne. Le lendemain, au faubourg Saint-Marcel, un protestant était massacré et sa maison pillée[48].

De tous côtés, alors, les catholiques se levèrent. Les gentilshommes, formant des compagnies, couraient aux huguenots, appelaient les bourgeois à leur aide et opposaient les violences aux violences : c'était la guerre civile[49].

Au milieu de ces passions déchaînées, Louis XIII gardait son sang-froid. Certes, il ne pouvait pas admettre, que son royaume fut en proie à l'anarchie, qu'on méprisât son autorité, qu'un pouvoir, rival du sien, érigeât un gouvernement en face de celui du souverain. Au mépris de mes déclarations, disait-il, ceux de la religion prétendue réformée n'ont pas délaissé de tenir des assemblées en plusieurs endroits de mon royaume sous divers titres et prétextes, dans lesquelles ils ont fait des décrets comme d'autorité souveraine, publié des ordonnances pour tenir la campagne en armes, courir sus et prendre, comme par représailles, mes sujets ; élu et nommé des chefs tant pour la campagne que pour la ville ; et y ont pris, pour leur conduite, d'autres résolutions si pernicieuses qu'il s'en est ensuivi des licences, excès et désordres très grands, toutes contraires et préjudiciables à mon autorité et à l'obéissance qui m'est due[50]. Cela, il ne pouvait pas le tolérer. Il prendrait donc les armes afin de châtier les rebelles et de les faire rentrer dans l'ordre. Mais, par ailleurs, il demeurait fermement décidé à laisser les réformés libres de croire et pratiquer la religion de leur choix. Solennellement, il protestoit devant Dieu et devant les hommes n'être porté à cette résolution d'armes que pour punir la révolte de ses mauvais sujets et maintenir son autorité dans son royaume[51]. On invoquait l'Edit de Nantes : nul n'était plus décidé que lui à le respecter ; et c'était précisément parce que les protestants le violaient qu'il marchait contre eux. L'article 82 de l'Edit interdisait les unions des églises entre elles, les levées d'hommes de guerre, les assemblées ; Louis XIII avait maintes fois renouvelé la défense à ses sujets de la religion prétendue réformée de s'assembler sans sa permission. On n'en avait pas tenu compte : c'était cette désobéissance qu'il punissait par la force. Pour la liberté de conscience il n'y porterait aucune atteinte[52]. L'auteur anonyme de l’Apologie en faveur du roi résumait la question lorsqu'il écrivait : Le roi ne fait pas la guerre contre les religionnaires de France, mais se porte à la conservation de son autorité royale, entretenant toujours les édits de pacification, et ne troublant en rien les religionnaires en l'exercice de leur religion et paisible possession de leurs biens[53].

Et, le comprenant bien, les protestants étaient loin d'être unanimes dans la révolte : une grande partie blâmaient la conduite de leurs coreligionnaires, se prononçaient ostensiblement pour le roi, s'enrôlaient dans les armées de Sa Majesté afin d'aider à la répression des soulèvements[54]. De ces réformés, loyaux sujets, Louis XIII en avait partout autour de lui, à la cour, dans les troupes. Il les traitait avec la même bonne grâce que les catholiques. Vous ne sauriez distinguer par ses caresses, disait un témoin, ceux qui sont de diverses religions, mais comme une heure après que son père Henry le Grand avait gagné quelque victoire signalée, on voyait en sa cour les vaincus avec les vainqueurs, on voit semblablement près de son fils les catholiques et les huguenots traités avec égale faveur[55]. Le jeune roi avait des huguenots jusque dans son intimité la plus proche. Il conservait des valets de chambre protestants ; son médecin, le fidèle Héroard, si estimé, et qui ne le quittait jamais, appartenait à une famille de réformés, membres de consistoires, zélés religionnaires[56]. Grands seigneurs, gentilshommes, courtisans, gardes suisses ou gardes françaises, domestiques de tout ordre et de tous degrés, on ne comptait pas ceux de la religion qui entouraient le roi. Il était même tel protestant illustre que la cour entière s'accordait à suspecter que Louis XIII, mieux informé, appréciait et auquel il maintenait sa faveur : par exemple, le duc de Lesdiguières, invariablement fidèle au roi, type accompli de ce qu'on appelait alors le huguenot d'Etat, mais, qui, en même temps, soucieux de défendre un peu ses coreligionnaires, prenant leur défense auprès des catholiques de la cour, se voyait qualifié de faux frère par les premiers et de traître par les seconds[57]. On tâchait de le rendre odieux au roi : Lesdiguières voulait quitter la cour, se retirer dans son Dauphiné ; et c'était le roi qui, prévenu par un confident, le faisait rester : Je ne suis pas en peine de ce que je lui ai commis, répétait-il, car je sais qu'il aime ma personne et mon Etat ![58]

Louis XIII entendait non seulement laisser libre les huguenots de pratiquer leur religion, mais même défendre cette liberté. Il le disait publiquement. A ceux qui lui invoquaient la formule du sacre dans laquelle il avait promis d'exterminer les hérétiques, il rappelait la déclaration rendue le lendemain de la cérémonie, le 20 juillet 1616, par laquelle il affirmait que les protestants n'étaient pas compris dans cette formule[59]. Il répétait que le premier document qu'il avait signé au moment de sa majorité avait été un acte solennel de confirmation de l'Edit de Nantes[60]. Vingt fois n'avait-il pas déclaré qu'il ne fallait pas forcer les consciences accoutumées à une longue tolérance ; que ce qui avait été bon il y avait soixante ans pour empêcher l'introduction de l'hérésie pendant que la liberté de conscience était encore inconnue, était dangereux maintenant, après qu'on l'avait si longtemps goûtée[61] ? et il écrivait cette belle lettre au duc de Lesdiguières : Je vous laisse en votre liberté, sachant que rien ne doit être plus libre que les consciences que Dieu sait mouvoir quand il lui plaît ; c'est aussi à sa sainte Providence que je remets le secret de votre vocation et celle d'un chacun de mes sujets de la religion prétendue réformée : je ne souffrirai pas que nul d'entre eux soit oppressé ni violenté en sa foi. Il est bien vrai que si sous un voile de religion aucuns veulent entreprendre des choses illicites et contraires à mes édits, je saurai séparer la vérité du prétexte, punir ceux-ci et protéger ceux qui demeureront en leur devoir, à quoi je m'assure que vous ne contribuerez pas seulement de vos bons conseils, mais que vous emploierez votre sang et votre vie à l'exécution d'une justice tant nécessaire au repos de l'État[62].

Et il faisait prêcher par son confesseur jésuite, le P. Arnoux, que le roi doit sa protection à tous ses sujets et même à ceux qui sont d'autre créance que la sienne ; que la seule voie agréable à Dieu pour extirper les hérésies étoit d'avoir de bons pasteurs et que jamais les remèdes violents n'avoient prospéré[63]. M. de Panissaud expliquait au duc de la Force que le roi n'en vouloit pas aux consciences ; qu'il laissoit les réformés en la liberté de leur religion[64]. Quoique le roi soit, par la grâce de Dieu, l'un des plus catholiques souverains de la chrétienté et fils aîné de l'Église, écrivait un libelliste au service du prince, si est-ce qu'il fait paraître par ses édits que son intention n'est pas de forcer personne en sa conscience[65]. Comme l'auteur du Petit avis d'un ferme catholique loyal français, Louis XIII eut pensé qu'il n'y avait que deux partis à prendre à l'égard des hérétiques, où les détruire, où respecter leur liberté, et entre les deux son choix était fait[66]. Le roi, répétait Lesdiguières bien informé par ses conversations avec le souverain, ne veut pas plus toucher à la conscience des protestants qu'à la prunelle de son œil ![67]

Et c'est pourquoi, quelque animé qu'il fût contre les huguenots rebelles, ceux-ci vaincus ou se soumettant, Louis XIII ne portait pas la moindre restriction à leur liberté religieuse[68]. Il se disait même leur protecteur : Ceux de nos sujets de la religion prétendue réformée, déclarait-il, qui sont et demeurent en leur devoir, ensemble, leurs familles et biens, nous avons pris et mis, prenons et mettons en notre protection et sauvegarde spéciale. Couramment les protestants reconnaissaient que Louis XIII les protégeait. Ils avouaient que le roi leur était favorable[69].

Louis XIII allait jusqu'à assurer aux protestants le service matériel de leur culte, en subventionnant leurs pasteurs, leurs écoles, leurs académies. Le synode national protestant, qui s'assemblait tous les trois ans, se faisant envoyer de chaque province la liste des églises du royaume — il y en avait près de 800 : 116 dans le Bas-Languedoc, 96 dans le Haut-Languedoc, 94 dans le Dauphiné et la Provence, pour parler des provinces les mieux pourvues ; et pour celles qui l'étaient le moins, 14 en Bretagne, 11 en Bourgogne, 2 dans le Forez, — transmettait ces listes au roi en indiquant : les pasteurs titulaires des paroisses, ceux qui étaient proposés, les surnuméraires ; puis le détail des écoles et des académies. Louis XIII donnait, de ses deniers, des pensions à tout le monde, pour l’entretènement des ministres. Le total de ce budget du culte s'élevait en 1624 à 225.000 livres[70]. Le roi ne contrôlait même pas la répartition de cet argent. Celui-ci était versé entre les mains du receveur général des églises réformées, à Paris, M. du Candal, et c'était le synode national qui en fixait la distribution. De 225.000 livres, ce budget, que Louis XIII appelait ses crédits de pacification montera jusqu'à 600.000 livres. Le roi consentait encore à payer l'entretien des gouverneurs et des garnisons des fameuses places de sûreté que les protestants avaient reçues lors de la promulgation de l'Édit de Nantes : il y en avait 78, dispersées sur toute la surface du royaume, occupées par des troupes dont le total s'élevait à 3 876 hommes ; Louis XIII donnait pour la solde et l'entretien de ces soldats 320 168 livres par an[71].

Les catholiques étaient indignés : c'était soutenir l'hérésie, disaient-ils. Ils suppliaient le roi de cesser de fournir des subsides à ses adversaires ; ils lui disaient : Cette subvention n'est point de l'Edit (de Nantes) ; Sa Majesté la peut ôter sans l'ébrécher (l'Edit). Quelle raison y avait-il, que le roi payât aux huguenots, comme huguenots, leurs ministres et collèges, leur fournît des lieux de temples et de cimetières, leur permît des assemblées, des cercles, des députés, finalement leur donnât des villes, et qu'il n'octroyât nulle de ces choses aux catholiques comme catholiques ?[72] Des conseillers adressaient des mémoires au prince lui expliquant combien l'ordre adopté était pernicieux. Quelle insigne imprudence de donner au synode national une telle autorité sur les provinces en le laissant maître des cordons d'une bourse, c'est-à-dire maître de récompenser ou de punir ! Un simple ministre pouvait-il parler et agir librement pour le service du roi s'il était menacé de voir supprimer son traitement ? Le synode subventionnant toute espèce de gens et d'entreprises, payant des écrivains qui attaquaient la religion catholique, le roi pouvait-il permettre qu'on fit un tel usage de ses deniers ? Il fallait au moins que le prince fit distribuer ces crédits directement, étant l'ordinaire des hommes de dépendre de qui les nourrit[73] ! Louis XIII ne changea rien à ces résolutions.

Il défendit même la liberté de croyance des protestants contre les décisions dogmatiques de leurs propres synodes. Un synode ayant décrété que tous les religionnaires devaient prêter serment sur un canon porté par une assemblée de Dordrecht fixant un point de foi et contenant une condamnation de la doctrine arminienne, le roi fit défense d'imposer pareille contrainte. Il dit aux députés des protestants qu'il ne voulait pas se mêler de ces questions, qu'il laissoit à ceux de la religion prétendue réformée le jugement de leurs doctrines, mais qu'il n'entendait pas qu'on ôtât à chacun la liberté de croire ce qu'il voudroit. Un peu surpris, le sévère huguenot Elie Benoît ajoute : on donnoit alors une grande étendue à la liberté de conscience ![74]

Or cette conduite libérale de Louis XIII à l'égard des religionnaires n'a pas été seulement chez lui une attitude politique conseillée peut-être par des ministres prudents, elle a été délibérément voulue par lui. De 1617 à 1624 Louis XIII a été soumis, dans son conseil, à des influences nombreuses, diverses. Il s'est trouvé pris entre des secrétaires d'État de l'ancienne école, circonspects, prudents, et tels, comme le prince de Condé, qui eussent souhaité une politique violente contre les huguenots. Entre les deux partis, le jeune roi a gardé ses idées.

Les suivait-il sans scrupule ? Plus d'une fois ses sentiments religieux ne lui reprochaient-ils pas sa bienveillance excessive à l'égard des hérétiques ? Dans le secret de leurs conseils les confesseurs appelant discrètement son attention sur ses devoirs de fils aîné de l'Eglise ne parvenaient-ils pas, tout de même, à troubler cette âme, jeune encore et que le peu d'expérience, l'humilité native rendaient défiante[75] ? Il y a des raisons de le croire. Il en est une surtout : c'est que mis en présence d'intérêts essentiels, contradictoires, dans l'impossibilité où il se trouvait de sacrifier les uns aux autres, Louis XIII a eu l'idée inattendue de les concilier, mais secrètement, par une entreprise difficile, au cours de laquelle il fut amené à user de moyens bizarres que justifiait pour lui la fin tendante au bien. Respecter la liberté de conscience des protestants, empêcher les rebellions dans le royaume et maintenir l'ordre public en assurant la fidélité de chacun au service du roi, cependant, faire œuvre agréable de Dieu, et acquérir des mérites célestes, étaient les termes du problème à résoudre. Il crut trouver la solution en sollicitant les réformés à se convertir, moyennant des témoignages immédiats de sa satisfaction, c'est-à-dire en les achetant. Il réussit, au moins pour un temps. Cette entreprise est demeurée inconnue aux contemporains. Les ministres n'en ont rien su. Aucun écrivain du moment n'y fait allusion : ce fut le secret du roi !

 

Le personnage auquel Louis XIII confia le soin de s'occuper de l'affaire se trouva être un de ses quatre secrétaires intimes — dits secrétaires du cabinet — Louis Tronson[76]. Les correspondants durent s'adresser à celui-ci, n'accepter d'indications que de lui ; Tronson transmettait les volontés du roi ; on lui envoyait les mémoires ; la principale recommandation était faite à tous de garder le secret : tiendra ledit X cette négociation la plus secrète qui se pourra, sans que les uns sachent les traités des autres qu'autant qu'ils y pourroient aider, ni qu'il en soit rien divulgué dans les provinces[77]. M. Tronson recevait les émissaires au Louvre, rédigeait ses instructions sur les avis de Louis XIII : Le roi m'a commandé, écrivait-il, de signer la présente instruction et la bailler au dit sieur V., aujourd'hui, 9e septembre, Sa Majesté étant à Saint-Germain-en-Laye[78]. C'était Tronson qui désignait ceux dont il jugeait utile d'employer les services : J'attends de votre volonté, monsieur, lui écrivait, avec les circonlocutions nécessaires, un correspondant nouvellement désigné dans le Rouergue, M. Desbros, à me donner ordre plus particulier pour la grande affaire dont il fut parlé la dernière fois que j'eus l'honneur de vous voir quand vous m'avez jugé digne de la communication des intelligences. Ne doutez nullement de ma discrétion et fidélité et pour l'exécution, si elle est faisable, j'y mourrai ou je la ferai ![79]

Après avoir pris connaissance des mémoires et dépêches que lui envoyaient ses correspondants, Tronson les classait, les résumait par écrit afin d'en mettre l'essentiel sous les yeux de Louis XIII, puis sollicitait l'avis du prince : savoir ce que j'aurai à répondre[80]. Le roi lisait les notes et, en marge, donnait son opinion : accordé, approuvé : ou bien : y sera avisé ; tantôt : il se rencontre de la difficulté ; quelqu'un demandant une pension de 3.000 livres : 2.000, s'il s'en veut contenter, répondait le prince ; à un autre qui sollicitait l'abolition — l'amnistie — de quelque délit perpétré par lui et dont il n'avait pas encore été puni : l'abolition sera accordée après avoir vu le cas[81].

Tronson indiquait avec soin aux intermédiaires les sentiments qui faisaient agir le roi : zèle religieux, raisons politiques, puis souci de n'employer que des procédés conciliants afin de ménager la liberté de conscience des réformés : Sa Majesté désire de tout son pouvoir aider à la conversion de ses sujets dévoyés du chemin de la vraie Église catholique, apostolique et romaine, les inciter, par des bienfaits et témoignages de sa bienveillance, de s'unir plus étroitement à son service en s'unissant à une même foi et croyance[82].

Sur les moyens mêmes à employer pour convertir les protestants, Louis XIII avait demandé leurs avis aux agents, insistant bien qu'il ne pouvait être question que de voies douces et insensibles. Les agents s'étaient montrés à peu près unanimes : il fallait ramener les petits par des prédications, des missions, l'enseignement ; les grands par des promesses : Pour retirer du schisme les grands et les petits, mandait M. Boucaut, il y a les ouvertures suivantes : les unes qui regarderont à leurs honneurs et biens temporels, les autres la cognoissance de la vraie religion et moyen de les instruire. Pour le populaire : rétablir le culte catholique partout, même là où l'hérésie était la plus numéreuse ; placer dans les églises des ecclésiastiques vertueux, doctes, bien disans, prudents, de bonne vie et douce conversation : fonder des collèges ; surtout surveiller ce que prêcheraient les curés ; leur recommander d'appuyer sur l'antiquité de l'Eglise romaine, la succession des évêques, des conciles, articles au sujet desquels on avait des aveux des hérétiques ; faire voir le bel ordre de la hiérarchie catholique en conformité avec ce qu'elle était aux quatre ou cinq premiers siècles plus proches de l'ascension de Jésus-Christ ; expliquer en langue vulgaire et intelligible le service divin et les cérémonies d'icelui ; insister sur les points communs aux deux religions, Credo, Pater, Sainte-Écriture, commandements de Dieu ; éviter les sujets difficiles tels que la question du pape ; enfin répandre quelques bons livres anciens et modernes ; par là on arriverait à adoucir cette grande contrariété et aversion de l'Eglise romaine[83]. Un autre correspondant insistait sur les prédicateurs : qu'il y en eût en permanence dans les principales villes, d'ambulants durant toute l'année, allant de cotés et d'autres faire résoudre ceux qui avoient de bons sentiments et qui étoient déjà ébranlés[84].

Louis XIII recommanda aux agents qui solliciteraient des prédicateurs, de n'employer que personnes de douce conversation, éloignées de toute violente procédure[85] ; il faisait dire à un de ces prédicateurs, le P. Véron : Veut et entend Sa Majesté que le Père ait à se comporter tant ès conversations particulières qu'actions publiques, avec toute la douceur et modestie bienséante à un homme de sa profession ; il évitera toutes disputes superflues et tumultueuses qui ne servent qu'à aigrir les esprits et endurcir les cœurs ; il s'efforcera de réduire par bonnes raisons, doctrine, mœurs et bon exemple. Il était inutile de dire qu'on venait de la part du roi, il suffisait de déclarer que le seul zèle avait fait entreprendre ce voyage par une vraie et ardente charité[86].

Les principes posés, Louis XIII chercha à préparer le terrain. Une chaire avait été créée en Sorbonne afin de faire discuter les matières controversées par ceux de la religion prétendue réformée, chaire à laquelle avait été nommé le docteur en théologie Nicolas Isambert[87]. Le roi essaya de frapper les esprits par des conversions retentissantes.

Il chercha à convertir le vieux Sully. Il lui écrivait : Mon cousin, le désir que j'ai de vous voir uni à la vraie créance aussi parfaitement que je vous tiens affectionné à mon service, me fait employer les moyens qui peuvent y apporter de l'avancement ; à cette fin vous aurez encore près de vous le P. Athanase lequel vous trouvant, comme je l'espère, en la même disposition qu'il vous a laissé, achèvera ce que, par l'assistance divine, il a commencé pour votre conversion. Ne soumettez point au temps, je vous prie, ce qui dépend d'un moment de la grâce, mais donnez à Dieu et à votre roi ce qu'ils demandent de vous pour rendre vos œuvres et vos services plus dignes de récompense. Ce sera le repos de votre esprit et affirmer la confiance que je veux avoir en vous, de laquelle vous recevrez des témoignages aussi favorables que de ma protection en toutes les choses que je vous ai promises par mes précédentes lettres[88]. Le bruit courut même un instant de l'abjuration de l'ancien ministre, mais Sully ne céda pas[89]. A défaut du père, ce fut le fils qui se convertit, le marquis de Rosny. Louis XIII dut annoncer la nouvelle au duc afin d'amortir le coup : Mon cousin, disait le roi, j'envoie Ferrier pour vous faire savoir la résolution qu'à prise mon cousin, le marquis de Rosny, votre fils, de professer dorénavant la foi catholique romaine. Ses intentions étant bonnes, il ne sera point éloigné de vos bonnes grâces ; je vous prie de l'aimer toujours également[90]. Une autre conversion, en 1622, eut un retentissement considérable : celle du duc de Lesdiguières qui gagna à l'affaire l'épée de connétable[91]. D'autres eurent lieu çà et là, par groupes, en nombre variable, et plus ou moins sincères : on eut soin de les faire connaître dans des libelles imprimés. Plus de quatre mille témoins assistèrent à la Conversion publique de quatre personnes de qualité faite en l’église Saint-André-des-Arts à Paris[92] ; à Nérac, par le moyen des doctes enseignements du R. P. Jacques Martineau, de la compagnie de Jésus, deux ministres et vingt-deux protestants abjurèrent[93] ; à Pons, en Saintonge, on compta 58 huguenots convertis en un jour[94] ; à Foix, il y en eut 122, et le ministre prit une fuite honteuse ![95], à Saint-Jean-d'Angély, 8.000, ramenés par les pères capucins de la mission[96] ; sans parler des conversions journalières de seigneurs, chefs et soldats qu'aux armées des religieux zélés, suivant les troupes du roi, catéchisaient[97].

Ne pouvant pas songer à convertir tous les hérétiques de son royaume, Louis XIII décida, au lieu de disperser ses efforts, de les concentrer sur le point qui, politiquement, était un des plus dangereux et où, religieusement, les habitants passaient pour être particulièrement attachés à la Réforme : les pays de Bas-Languedoc, Cévennes, Vivarais, Dauphiné. C'étaient là, lui écrivait-on, les lieux les plus peuplés et remplis d'églises et ministres de la religion prétendue réformée ; c'était là, en tout cas, que les difficultés étaient les plus ardues et les représentants du roi les plus impuissants[98]. On avait envoyé à Louis XIII des mémoires lui donnant des détails sur la situation du pays, les villes, les châteaux, les bourgs, le nombre des feux, l'état des routes, les positions stratégiques ; lui expliquant comment on pouvait isoler les centres protestants, faire le blocus du pays, intercepter les vivres ; quel nombre d'hommes les huguenots étaient en mesure de mettre sur pied. Ces mémoires étaient peu satisfaisants[99] : la liste des gentilshommes réformés, très longue, en regard de celle des catholiques, fort courte, donnait à penser ; et ces gentilshommes tenaient cols, vallées, sommets ; par eux les populations vivant sur leurs terres demeuraient attachées à l'hérésie ; parents, amis, ceux qui les aimaient ou les craignaient suivaient leur exemple : si on parvenait à les convertir, la contrée entière suivrait et, ne restant homme de marque de religion dans la province, le Vivarais et les Cévennes seroient en sûreté[100]. Un de ces gentilshommes, cherchant à se faire payer cher son abjuration, affirmait être prêt à assurer les Cévennes à lui tout seul[101].

Le territoire étant ainsi circonscrit, il fallait trouver un agent particulièrement actif et adroit qui put se charger de recruter les autres : on le rencontra dans la personne de M. Jean-François Visconti.

D'origine italienne, successivement dominicain, soldat, protestant, ministre, professeur, Visconti était un huguenot subtil[102], aiguisé, de caractère emporté et querelleur, qui, ayant été admis dans l'Académie protestante de Die, en 1607, en qualité de professeur de philosophie, avait indisposé ses collègues par ses façons agressives, les avait attaqués dans des libelles diffamatoires, discutant leur enseignement, et s'était aventuré sur des programmes ainsi que certains problèmes fort scandaleux en traitant publiquement ses contradicteurs d'ânes bâtés. Le synode d'Embrun l'avait censuré ; celui de Die, en 1613, l'avait menacé de révocation : il n'avait pas tenu compte de ces avertissements. Le synode de Gap lui avait reproché de jouer aux cartes chez lui ; sa femme et sa fille étant catholiques, au fond, et indifférentes, dans la forme, le même synode l'avait exhorté à ce qu'il fit son devoir à ranger sa femme et sa bonne et sage demoiselle aux fins qu'elles fréquentassent les saintes prédications et conversassent chrétiennement avec édification : Visconti n'en avait rien fait. En 1620, il demandait un congé de huit jours pour se rendre à Grenoble : il y restait plusieurs mois ; après quoi il sollicitait du Sénat académique une augmentation de traitement qui lui était refusée : il réclamait ; le Sénat excédé le révoquait le 4 janvier 1621. Alors il se retirait à Grenoble. Mais son attitude y était si étrange que le consistoire de la ville le suspendait des sacrements et que le synode de Pont-en-Royans de 1622 le menaçait d'excommunication[103]. Ce qu'on ne savait pas, c'est qu'il était catholique romain depuis 1620 et, depuis plus longtemps encore, agent secret de M. Tronson.

A l'époque où il était soldat, ayant été emprisonné par la duchesse de Savoie dans une place du Piémont, et Lesdiguières, au cours d'une de ses campagnes, l'ayant délivré, il s'était attaché à son sauveur. Celui-ci, qui ne visait qu'à conserver le calme dans sa province, lui avait recommandé d'employer ses bons offices à prêcher à ses coreligionnaires protestants la patience. Depuis l'année 1613, jusqu'à l'année 1620, écrivait Visconti à Louis XIII, j'ai toujours combattu contre les factions sous la protection de M. le connétable dedans toutes les assemblées huguenotes où j'ai été député[104]. De ce rôle d'agent de modération à celui d'informateur, il n'y avait qu'un pas ; Visconti l'avait franchi ; de celui d'informateur à celui de convertisseur, il y avait moins encore, du moment que le roi le désirait et qu'il était question d'une pension : M. Visconti ne s'était pas fait prier. Ses convictions étaient légères et ses intérêts, compliqués de la satisfaction vaniteuse de jouer le rôle d'un personnage mystérieux en relation avec le roi, beaucoup plus sérieux. On lui promit 1.000 livres du clergé. Louis XIII n'ayant pas beaucoup d'argent, ou plutôt assez économe, avait obtenu du clergé de France qu'il payât des pensions aux ministres protestants qui se convertissaient. Sûr de son pain, Visconti abjura. Il nous dit lui-même, dans sa lettre à Louis XIII, que ce fut en 1620 qu'il se convertit à la foi catholique. On s'explique qu'à dater de cette époque il en ait agi si légèrement avec ses anciens coreligionnaires. Il n'avait pas divulgué sa conversion : plus tard, réclamant des gratifications, il déclarera au roi que c'est son abjuration qui l'a fait révoquer de ses fonctions de professeur à Die, ce qui était inexact[105].

Il se donna tout entier à l'œuvre entreprise par Louis XIII. Il vint à Paris ; le roi le reçut dans son cabinet[106]. Il affirma ses espérances avec une exubérance méridionale : Je m'assure, disait-il, que, faisant un voyage aux dits pays, j'apporterai un rôle de plus de cinq cents personnes converties avec attestations du clergé et du magistrat !... Il est certain, insistait-il, que je rangerai à l'obéissance de l'Église et du roi une caterve innombrable de huguenots et laisserai le parti si faible qu'il n'aura de quoi lever la tête, ce, à fort petits frais, au prix de ce que les autres font, ou à l'égard d'une guerre civile. Et se doutant que Louis XIII devait sourire : Je supplie très humblement le roi de croire que je ne crois point légèrement, que je parle avec fondement et qu'on verra par la suite le mérite de ce que j'ai proposé[107].

En même temps que ces exagérations, ce qui était pénible chez Visconti étaient ses demandes d'argent ; elles étaient perpétuelles : il mendiait : Souvenez-vous s'il vous plaît et de moi et de mes enfants ; vous savez comme j'ai servi et voyez comme je continue ! Il disait à M. Tronson : Vous êtes très humblement supplié, Monsieur, au nom de Jésus, de vouloir me procurer, par effet du roi, quelque secours ![108] Il est vrai qu'on le payait mal ; il avait nombre de frais de voyage ; il faisait des avances et sa pension du clergé était irrégulièrement comptée. En marge d'une de ses réclamations Louis XIII finira par écrire : Lui sera baillé comptant la somme de 2.000 livres pour les voyages et sera bon de lui donner quelque brevet de 1.500 ou 2.000 livres de pension tant pour récompense des services qu'il a faits que pour lui donner moyen de les continuer. Visconti s'avisa alors de solliciter des lettres de noblesse ! Le roi le nomma gentilhomme de sa Chambre ![109]

En réalité il rendit de grands services. Ne comptant ni ses pas ni ses démarches, il sut procurer les autres intermédiaires : Il faudrait avoir quelques personnages, disait-il, en toutes les villes d'importance et de passage qui prissent soin de savoir tout. Il en trouva et de titrés, bien apparentés : J'ai en Vivarais le sieur de Ravignan, neveu du sieur de la Tour de Poissac, aux Cévennes le sieur Filioli, parent du sieur de Montbourget, en Provence le sieur de Pontis l'aîné, — frère de l'auteur des Mémoires. — Visconti fournit à M. Tronson presque tous ses correspondants[110].

C'étaient des magistrats, présidents de tribunaux, M. Faure, M. Boucaut, le premier président du parlement de Dauphiné, M. Frère ; des nobles, MM. de Saint-Dizier, de Camprieu, de Berjac, de Marcillac ; des religieux, le prieur de Paix ; des marchands ou simples bourgeois, MM. Porthmann, Desbros, Arnaud. Stimulés par Visconti, ils étaient pleins de zèle : Tout pour le service de Dieu et du roi ! s'écriait l'un d'eux, en terminant un de ses mémoires[111]. A les entendre, ils étaient capables de convertir des provinces entières : le sieur de Fresque offrait d'attirer à lui seul douze gentilshommes de ses voisins et deux cents familles ![112]

Le plus éminent par le rang, en dehors du premier président de Grenoble, a été M. de Valençay, un conseiller du roi, chevalier de ses ordres, maréchal de camp, commandant les troupes royales en Languedoc. M. de Valençay était sympathique aux catholiques et aux protestants, lesquels vantaient sa libéralité, sa modération et sa fermeté. Il était le beau-frère du secrétaire d'État, M. de Puisieux, qui le soutenait, et bien vu de Louis XIII[113]. Lui aussi avait grande confiance dans ses moyens : il rédigeait des mémoires sur la situation du pays ; il offrait à connaître tous les secrets des réformés : Si l'on me veut donner un fonds extraordinaire, disait il, pour savoir tout ce qui se passe parmi les huguenots, je le puis faire, depuis Montauban jusqu'à Lyon, dans toutes les villes, [c'est-à-dire] savoir tout ce qui se passe aux consistoires, colloques, synodes ; mais je n'ai quasi possible de le faire à moins de dix ou douze mille francs par an ![114]

De l'argent ! C'était le sujet sur lequel ils revenaient tous ! Il leur en fallait beaucoup, toujours : frais de voyage, avances, justes gratifications : il n'était prétexte qu'ils n'invoquassent. Transmettant les plans d'action de quelqu'un de ses correspondants, Visconti ne manquait pas d'ajouter : Pour avoir moyen de travailler au présent dessein et faire les voyages nécessaires, sera bon lui accorder quelque somme de deniers[115]. Tel venait en Cour et déclarait qu'il ne s'en irait pas si on ne le réglait. Un autre, qui ne disait point son nom et voulait qu'on l'appelât l'homme, avait un procédé pour convertir tout le midi de la France sans engager les finances du roi ; il n'y aurait pas lieu d'employer de violence ; ceux de la religion prétendue ne le sachant empêcher ni s'en garder ; les moyens étoient très justes et ne choqueraient aucunement ; personne ne pourrait se plaindre avec raison ; ils opéreraient puissamment et sans que, au commencement, les réformés s'en aperçussent seulement ! Quel était donc ce système ? On n'en sauroit bien comprendre les particularités, ajoutait l'auteur, que par la bouche même de l'homme, lequel ne pouvait faire le voyage à ses dépens : il lui fallait avancer 900 livres ![116]

En somme on allait acheter les consciences ! Si Louis XIII eut eu des scrupules, un de ses agents, un religieux, le prieur de Paix, en Dauphiné, l'eut rassuré par de pieuses raisons : La réduction au service de Dieu et du roi, disait-il à M. Tronson, des personnes dont il s'agit est très importante. Comme la divine Majesté se sert de divers moyens à convertir ses créatures, de même, s'il vous plaît, représentez à la Majesté de notre roi que son bon plaisir soit de s'aider de ceux que le ciel lui a remis entre les mains pour réduire ses sujets. Et bien qu'il semble que la conversion ne devroit regarder que le ciel et n'avoir d'autre objet que le salut, néanmoins la Providence divine ne défend nullement de procurer ensemblement d'être mis à couvert en ce misérable siècle contre les ennemis de la religion et de l'Etat ; et, en toute occurrence, l'un n'est point contraire à l'autre, pourvu que le principal but soit de servir Dieu et le roi. C'est, comme l'on dit, d'un coq qui regarde de ses deux yeux et en même temps le ciel d'un côté et la terre de l'autre, sans offenser la vue[117].

 

D'après les instructions détaillées données aux correspondants, voici qu'elle était la procédure à suivre afin d'entreprendre une conversion[118]. L'intermédiaire devait commencer par tâter le terrain. Il lui était permis de voir les gens de la part du roi, mais à condition d'user de prudence et ménage en toute la négociation. Il faisait entendre le gré que saurait Sa Majesté à ceux qui seraient fidèles à l'étroite obéissance que tout sujet doit à son prince, la confiance plus grande que le roi prendroit en eux aux occasions qui s'offriroient de les employer ; puis, il expliquerait que l'erreur dans laquelle l'interlocuteur était tombée le séparoit de la fidélité en question due au prince. Si ces premières avances étaient écoutées, l'agent revenait à la charge, devenait explicite sur ce qu'il entendait par le gré du roi et sa confiance. Au bon moment il exhibait une lettre du souverain à l'intéressé, lettre de créance et lui disait que Sa Majesté avoit voulu lui écrire de sa main afin qu'il put avoir plus de confiance et que la négociation fut plus secrète ; que Sa Majesté avoit été informée de ses bonnes intentions, du désir qu'il avoit de lui complaire et s'attacher plus étroitement à son service que par le passé, ce à quoi elle vouloit correspondre par toutes sortes de témoignages de bonne volonté tant envers lui qu'envers les siens, dont il pouvoit tirer des preuves en faisant cognoistre ce qu'il désiroit[119]. Ici commençait la discussion. Recommandation était faite à l'agent de laisser venir les demandes avant d'avouer ce qu'il pouvait offrir. Si les demandes se rapprochaient de ce que le roi avait l'intention d'accorder, on pouvait traiter tout de suite : des brevets signés d'avance étaient remis à l'agent ; il les montrait, mais ne devait les donner qu'après l'abjuration. Si les réclamations s'élevaient trop haut, il fallait tâcher de les réduire, puis en référer à M. Tronson. On devait tenir M. Tronson au courant.

Ainsi chaque agent emportait en mission un paquet de lettres et un paquet de brevets[120]. Quand il y avait à donner de l'argent comptant, circonstance plus délicate, l'opération devait se faire avec des garanties, chez un personnage tel que le premier président de Grenoble, devant témoins et en présence d'un notaire qui dressait quittance[121].

L'argent servit principalement à acheter les ministres protestants. Les abjurations de pasteurs étaient particulièrement précieuses. Le retour à l'Eglise catholique de ces âmes de choix, produisait de l'effet ; puis beaucoup de ces ministres, dissimulant leur changement de religion, demeuraient au milieu de leurs coreligionnaires et servaient activement le roi de plusieurs façons. Les intermédiaires se promettaient merveille de diverses combinaisons. En gagnant, disaient-ils, cinq ministres par synode, on aurait pour les dix-sept synodes du royaume un chiffre considérable[122]. Ces ministres prêcheraient à leurs coreligionnaires l'obéissance au roi ; répéteraient que la Sainte Écriture interdit de prendre les armes contre le prince, même pour cause de religion, ce qui ruineroit la faction ; insinueraient qu'il y avait en somme peu de différence entre les religions catholique et protestante ; aborderaient des doctrines qu'on savait sujettes à diviser les huguenots entre eux, par exemple la question delà célébration du baptême, ou de l'administration de la coulpe par leurs diacres et anciens, ce qui les affaibliroit en les divisant ; ensuite s'entendraient avec les prêtres catholiques pour organiser des rencontres publiques, des conférences, des dialogues, préparés d'avance, dans lesquels les protestants auraient manifestement le dessous, ce qui serait d'un excellent effet sur le public ; enfin gagneraient de proche en proche d'autres ministres de manière à ce qu'il vint un jour où l'ont put finalement poser au synode national la question de la réunion définitive des églises protestantes à l'Église romaine, et l'obtenir : ce jour-là la synagogue serait enterrée ![123]

Mais Louis XIII et M. Tronson ne partageaient pas des espérances aussi hardies. Plus circonspects, ou plus pratiques, ils s'en tenaient à leur double but : la conversion des âmes, la préoccupation du bien de l'Etat. Ils étaient enchantés d'avoir des intelligences dans les assemblées et ils s'en servaient[124]. Ils ne demandaient pas mieux que de voir les ministres appointés, comme on appelait ceux qui étaient gagés, exercer autour d'eux l'action préconisée par les intermédiaires ; mais ils n'y comptaient pas trop, et se trouvaient suffisamment satisfaits des conversions obtenues.

Il y en eut bon nombre. Le tarif des conversions de ministres était assez uniforme : 600 livres comptant et une pension annuelle du clergé de 400 livres, pour l'entretien de leurs familles[125]. Monsieur l'évêque de Grenoble, consignait Tronson pour Louis XIII, écrit avoir parole de deux des plus puissants et babiles ministres des montagnes de se convertir et de découvrir des secrets importants au service du roi ; que la nécessité les ayant retenus dans l'erreur, il faut, pour les en retirer, leur faire quelque bien d'une somme notable, et qu'il n'a osé faire plus grandes offres que de 600 livres conformément au pouvoir donné au sieur Visconti. Savoir ce que j'aurai à répondre[126]. L'offre parait-il, était assez tentante, pour qu'on vînt facilement à bout des gens. Le sénéchal de Montélimar se faisait fort de gagner douze ministres au moins[127] ; M. de La Tour affirmait que les ministres viendraient en bien plus grand nombre s'ils étaient assurés de la pension du clergé, celle-ci étant assez mal payée. Pleins de zèle, comme tous les néophytes, les ministres convertis s'offraient à leur tour à donner des indications pour d'autres conversions. Il y en eut quelques-uns qui, en groupe, rédigèrent un long mémoire au roi énumérant les façons dont il fallait s'y prendre afin de ruiner leurs coreligionnaires politiquement et religieusement[128].

Quelques-uns de ces ministres, convertis ont joué un rôle dans l'histoire du protestantisme de leur temps : M. Bragard, par exemple. Une fois gagné au roi, M. Bragard s'employa avec ses trois enfants. Ils servent utilement, écrivait Visconti, comme le roi sait très bien. M. Bragard s'informait, transmettait ce qu'il apprenait, communiquait les lettres confidentielles que le duc de Rohan envoyait du Languedoc ; allait assister aux colloques, écoutait, rapportait les moindres bruits. Un de ses fils, placé par lui dans ce que nous appellerions l'état-major de M. de Rohan, avait mission de lui fournir des renseignements : J'ai baillé un gentilhomme catholique au sieur Bragard, mandait Visconti, pour se tenir au Saint-Esprit, ou autre lieu du Languedoc, afin de recevoir les avis que le fils aîné dudit sieur Bragard, qui est avec le marquis de Montbrun près de M. de Rohan, lui enverra[129].

Jean Dragon, sieur de Choméane, ancien professeur d'éloquence et de philologie à l'académie de Die, nommé pasteur à Crest en 1611 et à Saint-Paul-Trois-Châteaux en 1613, érudit, lettré, qui faisait des vers grecs et latins était un aussi notable personnage[130]. Il y eut discussion avec lui sur le prix de son abjuration. Il eût voulu 400 écus et la pension du clergé ; on lui offrit 400 livres comptant et une pension de 200 livres : ceci vers la fin de 1623 ; en 1626 M. de Choméane était nommé pasteur à Courtbezon. Continuait-il à tromper ses coreligionnaires, ou était-il revenu à sa foi première ? On ne le sait[131].

M. David Durand fut plus consciencieux. Ancien proposant et dogmatisant, c'est-à-dire professeur aussi au collège de Die, puis nommé régent au collège de Nyons, il accepta de se convertir pour 200 livres comptant et cent écus de pension. Il abjura solennellement devant un notaire, M. Claude Froment, entre les mains de l'évêque de Grenoble, donna reçu authentique des 200 livres que Visconti lui versa incontinent en pistoles, quarts d'écu et autres monnaies et tint à faire insérer dans l'acte la promesse qui lui était renouvelée de la pension de 300 livres à payer par le receveur provincial des deniers du clergé. Il eut le courage de son acte, à moins que, celui-ci ayant été connu, M. Durand ne se soit cru obligé d'en prendre son parti : il imprima une Déclaration de M. David Durand, dauphinois, jadis proposant et dogmatisant en la religion calvinique touchant sa conversion à la foi catholique[132]. Selon toute apparence, il ne semble pas être revenu à la confession réformée.

Les protestants ne furent pas sans se douter qu'il y avait des trahisons dans les rangs de leurs pasteurs. Lorsqu'aux assemblées des voix de ministres s'élevaient blâmant la résistance à l'oppression, le soupçon venait à l'esprit des assistants qu'ils étaient en présence de quelques corrompus gagnés par pensions[133]. Les agents de M. Tronson signalaient à celui-ci que les huguenots s'inquiétaient de voir de-ci, de-là, le zèle de leurs ministres fléchir ; qu'ils faisoient des voyages, des allées et venues pour ébranler les refroidis ; mais ils se moquaient de ces efforts, assurant que les réformés finiraient par ne tenir, comme territoire, que l'étendue de la carrelure de leurs bottes[134] !

Le nombre des conversions de ministres a été assez considérable ; les états des pensions accordées aux ministres convertis, que nous avons conservés, en font foi[135]. Les assemblées du clergé eurent souvent à délibérer sur les pensions qu'elles unifièrent à 400 livres[136]. Chaque année le trésorier et receveur général du clergé de France délivrait à chaque ministre converti inscrit sur les contrôles les mandements et rescriptions nécessaires que celui-ci devait présenter au receveur provincial des deniers de chaque pays, lequel payait[137]. Un temps, même, les ministres durent faire le voyage de Paris pour y venir toucher leur pension : on renonça à cette pratique, dispendieuse et trop révélatrice[138].

 

La noblesse fut convertie au moyen de dignités et d'honneurs. On la visa particulièrement. L'effet des conversions de gentilshommes était extraordinairement efficace. Telle conversion, mandait un correspondant donnoit grand coup et rapportoit grand service : X, continuait-il, a autorité sur ses parents et amis, sur tout le pays à douze, quinze lieues à la ronde : on le suivra. Un personnage, comme l'important marquis delà Charce, entraînait avec lui ses deux frères, ces cinq fils, son beau-frère, cinquante gentilshommes, sans parler des quatre places fortes des Cévennes qu'il occupait. Un seigneur avait derrière lui une clientèle nombreuse que son exemple entraînait[139], officiers, soldats, domestiques, paysans, vassaux de tous genres. On donna principalement sur les gentilshommes.

On réussit. La facilité qu'a eue la noblesse protestante à se convertir s'explique par plusieurs raisons.

Le duc de Rohan remarquait avec mélancolie que ce qui perdait la cause réformée en France, était que presque toujours les intérêts particuliers ruinoient les affaires générales[140]. L'appât des brevets d'officiers, de pensions, de gouvernements, fut pour beaucoup dans le succès des agents de Louis XIII. Ensuite, la conversion retentissante du duc de Lesdiguières, avait démoralisé les gentilshommes[141]. Lesdiguières s'était-il décidé en toute rondeur de conscience, suivant un mot du temps ? Ce n'était pas sûr. Faiblesse, ambition sénile, écœurement à l'égard de ses coreligionnaires, besoin de céder aux avances de la Cour qui, depuis si longtemps, l'accablait de faveurs : il y avait eu de tout dans l'abjuration du duc[142]. La noblesse dauphinoise et cévenole ne se crut pas tenue à plus d'héroïsme que son chef : elle se donna pour des raisons bien moins compliquées et en échange de beaucoup moins qu'une épée de connétable. Puis, comme Lesdiguières, les gentilshommes étaient dégoûtés de leurs coreligionnaires : mésintelligences perpétuelles, divisions, jalousies, violences, doctrines disparates mettant constamment aux prises les uns et les autres, défaut de discipline, chacun voulant croire ce qu'il voulait et commander : le parti protestant offrait un spectacle permanent de désordre et d'anarchie[143]. Rohan le connaissait bien, lorsqu'après une série de défaites infligées aux siens, il écrivait douloureusement : quand nous serons plus gens de bien, Dieu nous assistera plus puissamment ![144] Surtout, il y avait opposition presque irréductible entre cette noblesse un peu hautaine, habituée à des idées de caste, et le monde bourgeois des ministres protestants inspirés de sentiments démocratiques de plus en plus avancés. Les gentilshommes ne comprenaient pas que les assemblées et synodes, composés de roturiers, eussent la prétention de leur faire la loi ; ils s'indignaient de se voir tenus pour rien, humiliés à des rôles secondaires[145]. Les meilleurs n'étaient-ils pas ceux qui avaient le plus cruellement à souffrir de cet état d'esprit soupçonneux ? Le duc de Rohan, malaxé sa fidélité, son dévouement, son abnégation et ses services, n'était-il pas constamment blessé de la défiance que les assemblées lui témoignaient, de l'hostilité qu'on lui montrait, des calomnies qu'on répandait sur son compte ? Cependant il se battait quand même, dans des guerres civiles dont il avait désapprouvé l'idée, ne voulant pas se séparer des églises qu'il blâmait, quitte ensuite, à être accusé de vouloir perpétuer la guerre pour demeurer en autorité ![146] Et chacun racontait les disputes violentes qui se produisaient dans les assemblées entre le duc et les ministres ; comme cette scène qui se passa à Nîmes en 1621, lorsque, devant une conférence de vingt-cinq pasteurs, Rohan plaidait pour qu'on fît la paix avec la Cour, les ministres ne voulant pas, sous prétexte que la foule ne comprendrait pas, et disant que, quant à eux, ils ne se chargeaient pas de la convaincre de la nécessité de cette paix : Ne sais-je pas, reprenait Rohan irrité, que votre pouvoir sur la multitude est si absolu qu'il n'y arien que vous ne puissiez lui persuader ?Aucun de nous, répliquait avec hauteur M. Faucher, n'est assez bon marchand pour le débit de telles mauvaises denrées ! Et le duc éclatant s'écriait : Vous tranchez du souverain ; vous n'êtes que des républicains et vos peuples sont des séditieux ! Pour moi, j'aimerais mieux conduire un troupeau de loups, qu'une tourbe de ministres ! Et il s'en allait[147]. Des républicains ! Voilà ce qui choquait ces gentilshommes aux sentiments aristocratiques et royalistes. Et pour comble, cette démocratie protestante n'offrait-elle pas les fluctuations ordinaires aux foules prises, entre Us partis de réaction et les violences démagogiques ? Partout, c'étaient des conflits : dans les villes, ces bourgeois et ministres qui, aux assemblées, tranchaient de haut avec les nobles, étaient attaqués par la plèbe plus avancée. Une fois où, en chaire, à Montauban, le pasteur Cameron dénonçait avec véhémence les partis extrêmes, des protestations bruyantes s'élevaient : Ne me troublez pas, méchants, s'exclamait-il, car si vous continuez, je grossis ma voix comme un tonnerre ![148] A Anduze, à Castres, comme à Montauban. la foule passionnée imposait ses volontés à la bourgeoisie plus pacifique et pour achever, on voyait des nobles, comme les Montbrun à Nîmes, faire alliance avec la plèbe démagogique afin de venir à bout des partis moyens qu'ils détestaient[149].

Les meilleurs noms de la noblesse des Cévennes, du Dauphiné, du Bas-Languedoc, se retrouvent dans les dossiers de conversion de M. Tronson. Tous écoutèrent les propositions qui leur furent faites, beaucoup vinrent au devant ; même les plus fougueux, ceux qui passaient pour les pires adversaires des catholiques, discutèrent le prix de leur abjuration et figurent dans les états envoyés à Paris des seigneurs avec lesquels on a traité pour changer de religion. Ils appelaient ce qu'il faisaient : suivre les commandements de Sa Majesté ![150]

Le plus considérable a été le marquis de Montbrun, descendant d'une illustre famille, devenu lui-même, après Rohan, le personnage protestant le plus en vue du midi. Son autorité sur la province, rivale de celle de Lesdiguières, était prépondérante. La noblesse entière lui obéissait. Les assemblées réformées l'avaient nommé lieutenant-général des églises en Dauphiné ; il avait été le chef du soulèvement de 1621 : c'était un soldat vigoureux, meneur de bandes redouté, qui avait manqué enlever Grenoble d'un coup de main et avait guerroyé jusqu'à Montauban[151]. La discussion fut très difficile avec lui en raison de l'exagération de ses demandes. Il promettait de recevoir instruction, de quitter son parti et de servir fidèlement le roi aux multiples conditions suivantes : lui continuer son titre de capitaine de cinquante hommes d'armes ainsi que les pensions qu'il avait eues autrefois et qu'on lui avait supprimées à cause de ses révoltes ; lui payer même les arrérages de ces pensions non réglées s'élevant à un total de 61.000 livres ; accorder à chacun de ses trois enfants du premier lit 36.000 livres de gratification, et pour lui, le cordon du Saint-Esprit ainsi que le brevet de maréchal de France ! Quelles grandes prétentions ! disait Visconti effrayé, et Tronson ajoutait : les demandes du sieur de Montbrun sont bien grandes ! On essaya, pour l'amadouer, de faire agir auprès de lui sa femme. Madame de Montbrun y était toute disposée : elle aussi était intéressée. Tronson disait à Louis XIII : Visconti fait savoir qu'il seroit très utile de faire quelque présent à la dite dame de Montbrun à cause du pouvoir qu'elle a sur son mari, sur ses enfants et ses gendres : il insinuait : qu'il plaise au roi que les 1.000 livres demandées par madame de Montbrun pour son jeune fils lui soient accordées. Louis XIII acquiesçait à tout[152]. Il écrivit même de sa main à M. de Montbrun une lettre pressante dans laquelle lui parlant des ouvertures que Visconti et autres qui affectionnent votre bien m'ont faites et qui regardent votre salut et mon service, auquel vous vous portez de la sorte qu'on m'a dit, il lui promettait des témoignages particuliers de sa bienveillance tels que vous aurez tout sujet de croire que je fais état de votre personne[153]. La négociation aboutit. M. de Montbrun traita avec M. de Valençay : les signatures furent échangées assez tard, le 7 mars 1625[154]. Mais évidemment les Montbrun, frais catholiques et de bien légère teinture, n'ont pas persisté longtemps, car on les voit dans la suite redevenir chefs de leurs coreligionnaires : les historiens protestants paraissent même ignorer ce moment de faiblesse du grand chef dauphinois.

Le marquis de la Charce, riche, influent, bien apparenté, possédant une clientèle nombreuse, était presque un aussi grand personnage dans la région des Cévennes. Le prieur de Paix s'occupa de sa conversion. Le marquis était surtout inquiet des représailles dont lui et les siens pourraient être victimes de la part des protestants. Afin de se mettre à couvert, il demandait pour lui, le gouvernement de Montélimar et pour un de ses fils la charge de prévôt en Languedoc, office qui lui procurerait le droit de marcher accompagné et de faire contenir au devoir les Cévenaux. Louis XIII se montrait disposé à consentir : Cette conversion, lui disait-on, seroit grandement utile au roi et au public ! Malheureusement les exigences de M. de la Charce ne s'arrêtèrent pas là. Il avait trois enfants, dont deux d'un premier lit ; il réclama pour ces deux des brevets de capitaines et les compagnies afférentes, plus, un brevet de 4.000 livres à valoir sur le premier bénéfice vacant ; pour le troisième fils, 1200 livres de gratification ; et enfin pour l'ensemble de la famille, 60.000 écus, comme indemnité du gouvernement du Buys, qu'on avait autrefois enlevé sans compensation au grand père, M. de Gouvernet. Il écrivit à Louis XIII afin de lui faire part de ses bonnes intentions[155]. J'ai été bien aise d'apprendre par votre lettre que m'a rendue le prieur de Paix, répondait le prince, comme aussi par ce qu'il m'a dit de votre part, la bonne disposition que vous avez à faire ce que j'ai souhaité plusieurs fois de vous : je vous prie de croire que ce sera une action qui n'attirera pas seulement des bénédictions sur votre maison, mais qui vous rendra assuré à la part que vous me demandez de mes bonnes grâces dont, en bref, vous recevrez des témoignages plus particuliers par personne que je dépêcherai exprès[156]. M. de la Charce finit par traiter en 1624.

M. de Montauban-Gouvernet fut entrepris par Visconti avec la lettre suivante d'introduction du roi : Monsieur de Montauban, vous saurez par le sieur Visconti l'estime que je fais de vous : il vous en porte des preuves telles que vous ne serez point en doute de ma bonne volonté. Je m'attends aussi de les recevoir de votre affection à mon service[157]. M. de Montauban réclamait le gouvernement de Montélimar, — comme M. de la Charce, — gouvernement qui lui avait autrefois appartenu et dont on l'avait chassé. Il est vrai qu'il était disposé à se désister moyennant un dédit de 40.000 écus. Il voulait ensuite qu'on lui payai les frais d'une garnison de trente hommes dans sa place de Mevouillon, les frais d'entretien de compagnies d'infanterie qu'il avait levées, le rétablissement, lui aussi, de pensions jadis obtenues et depuis supprimées, avec paiement des arrérages non touchés. Le total était important[158]. Pour commencer, Louis XIII devait donner au fils de M. de Montauban une charge dans sa fauconnerie[159]. Nous ignorons si les pourparlers aboutirent. De toute façon, M. de Montauban était reste ou redevenu bon protestant en 1626.

Le baron des Adrets, au nom rendu terrible dans le midi de la France par la manière vigoureuse dont le titulaire de la seigneurie, au XVIe siècle, avait pourchassé les catholiques, capitula pour beaucoup moins. Il fut sollicité par son frère, M. de Saint-Dizier et par Visconti[160]. Il vint à Paris. Mais il était hésitant ; il avait des scrupules. Le baron des Adrets est ici depuis trois semaines, mandait Visconti à Tronson, il n'offre pas de se convertir à présent, mais d'y penser et servir en tout le roi et d'y porter d'autres. Il n'était pas question de grand chose, avec lui : Je l'ai fait contenter d'un brevet de retenue d'une compagnie, disait le convertisseur et le roi, tout heureux, avait ajouté qu'il promettait une compagnie dans l'un des vieux régiments[161]. En 1620, M. des Adrets se décidera et le 2 mai abjurera solennellement entre les mains d'un oratorien, le P. de Gondren : A la gloire de Dieu et de son fils unique Jésus-Christ Notre-Seigneur, à tous ceux qui désireront assurance de la conversion véritable et sincère de Monsieur César de Vausselles, baron des Adrets, je, Charles de Condren, docteur en théologie de la Faculté de Paris, prêtre de la congrégation de l'Oratoire de Jésus, rends témoignage, par cet écrit et seing manuel, de sa profession de foi catholique, apostolique, romaine, et confession sacramentelle du second jour du mois de mai 1625 à Paris[162].

M. de Champoléon, le chef du parti aux montagnes[163], réclama, lui, une compagnie aux gardes françaises, les frais d'entretien d'une garnison de trente hommes dans une de ses places, les arrérages de ses pensions supprimées pour ses rébellions, et que des procès qu'il avait en cours fussent évoqués par le roi au Conseil, à Paris, — avec espérance implicite sans doute, d'une solution favorable à ses intérêts, — tout au moins qu'on lui accordât une surséance pour quatre mois. A la compagnie aux gardes près, c'était peu de chose[164]. Louis XIII écrivit au personnage une lettre aimable, l'assurant de toute sa reconnaissance en raison des dispositions qu'il marquait de se séparer de tout ce qui pourroit le distraire de lui rendre service[165] et M. de Champoléon traitait en août 1624 en même temps que M. de la Charce et quelques autres.

On eut l'abjuration de M. Antoine de Montmorin pour une pension à son profit et une compagnie entretenue au compte de son fils. Ce devait être un assez tiède huguenot ; il avait toujours refusé de prendre les armes contre la cour ; il avait laissé un de ses fils se faire catholique, avait marié ses deux filles à deux catholiques et avouait avoir été facilement convaincu par quelques conversations avec Visconti, ce qui était peu[166]. Il abjura le 3 novembre 1624 dans l'église de Bruis, une de ses terres, par devant Jean Arnaud, vicaire général du diocèse de Gap, le P. Marc-Antoine, gardien des capucins, délégués de l'évêque, et Pierre Léotaud, lieutenant du juge du lieu qui dressa l'acte. Il y avait foule. Les chantres entonnèrent le Veni Creator ; M. de Montmorin lut l'acte d'abjuration à genoux, à l'entrée du chœur, d'une voix haute ; le vicaire général prononça la formule d'absolution ; puis le père capucin menant le nouveau converti dans un confessionnal lui fit faire sa confession générale ; après quoi messire Arnaud chanta la messe à laquelle M. de Montmorin communia. Au milieu de l'office le P. Marc-Antoine montait en chaire où il déduisait les enseignements qui se dégageaient de la cérémonie du jour : la messe finie, tout le monde se rendit au château : les félicitations s'échangèrent : Visconti, glissa dans la main de M. de Montmorin les brevets de sa pension et d'une compagnie au régiment d'Estissac, plus, cent livres pour bâtir une chapelle au château ; après quoi on alla déjeuner[167].

M. de Gerjaye, nom bien connu des historiens protestants du pays, se contenta d'une compagnie dans un vieux régiment ; son frère, M. Jean de Houx, seigneur de Sicotières, d'un brevet de capitaine ; M. de Pontis, l'aîné de celui qui est aux gardes, fut nommé maître de camp et fit abjurer sa femme[168].

Il y eut une extrême variété dans les demandes faites au roi comme témoignages de sa bienveillance. M. de Saint-Sauveur eut 3.000 livres de pension, le titre de capitaine de chevau-légers, une lieutenance pour son fils aine, un drapeau d'enseigne pour le cadet. M. de Nyons était satisfait avec une pension de 3.000 livres, à condition, ajoutait-il, qu'elle fût payée. M. de Camprieu voulait une rente de 100 livres de blé que le roi prélevait sur sa seigneurie de Camprieu, un brevet de gentilhomme de la Chambre, et une pension de 4.000 livres. Plus modeste, M. d'Alons implorait quelque don, étant pauvre et chargé d'enfants, pour loger deux filles dans des monastères ; et un certain La Roze, criminel fieffé, pauvre aussi, noirci d'assassinats et de méfaits, quémandait l'amnistie de ses crimes, bien aise qu'il étoit de se mettre à couvert et de s'acquérir du repos pour le reste de sa vie ![169]

La majorité des demandes concernèrent des charges militaires. On voulait être maître de camp, capitaine, surtout capitaine dans un vieux régiment, les vieux régiments étant permanents et les autres risquant d'être licenciés à la fin de l'été. On voulait être gouverneur de place, ou, si on l'était, en voir augmenter la garnison. M. de Saint-Estève postula un commandement maritime ; il demandait un vaisseau sur mer et, comme il n'entendait rien au métier, il bailleroit la conduite du dit vaisseau au sieur de Pontis, le cadet, écuyer de Malte qui était bien versé[170]. Quelques-uns, mal assurés, sans doute, de leur gentilhommerie, désiraient des lettres de noblesse[171].

Tous demandaient de l'argent. M. de Camprieu, venu des Cévennes, écrivait Tronson, dit avoir parlé aux gentilshommes contenus en la liste qu'il a baillée ; que ceux de la religion se feront catholiques, pourvu qu'il plaise à Sa Majesté les faire ressentir de ses grâces et libéralités qui consistent en quelques pensions dont il demande que les brevets soient envoyés à tel qu'il plaira au roi. M. de Saint-Estève, celui qui voulait un vaisseau, arrivé depuis quelques jours en cour, notait Tronson, s'est fait catholique : il lui faut rien à présent que son voyage : payer les frais de déplacements[172].

Apprenant, par quelque indiscrétion, que le roi donnait, nombre de nobles protestants gênés accoururent. Tous les jours s'en présente, mandait Visconti, comme les sieurs de Brison et de Chabrille, son frère, qui m'ont assuré et fait assurer par madame de Montbrun et de bouche et par lettres ; et autres du Vivarais et des Cévennes ![173] Cet empressement était bien suspect : Plusieurs gentilshommes, écrivait Visconti, tendent la main pour leur conversion, qui n'ont église ni instruction ! S'il plaisoit au roi leur donner un peu d'argent pour ce faire et les assister du commencement et quelques places de capitaines entretenus aux plus fameux qui ont des charges, et mortes paies aux autres, on verroit un fruit incroyable ! Visconti avait une triste idée de ces malheureux : il y a quantité de pauvre noblesse en Provence et au Briançonnais, affirmait-il, que pour peu de chose on attireroit ![174]

Louis XIII n'était pas dupe des raisons qui faisaient revenir à l'Eglise trop de protestants si subitement touchés de la grâce. Il savait bien que l'intérêt était le mobile de ces conversions : M. du Fargis, écrivait-il à un agent, celui qui vous rendra la présente vous dira ce qu'il m'a fait savoir touchant le secrétaire de Saint-André de Vélasque qui offre de me servir ; si vous reconnaissez qu'il en ait la volonté et le moyen, comme il semble sur les propositions écrites de sa part, il ne faut négliger cette occasion ; ne faites difficulté de l'assurer d'une pension telle que vous le jugerez le pouvoir mériter et lui donnez par avance quelque argent pour l'engager. Mandez-moi ce que vous en avez appris et adressez à Tronson votre dépêche[175].

Il discutait. Assez facile pour les dignités et les honneurs, il l'était moins pour l'assistance de deniers, en raison de son esprit d'économie. Il avait des mouvements d'impatience quand on lui réclamait des sommes élevées et presque toujours il baissait les chiffres. Les intermédiaires, sentant cette disposition, appuyaient sur la précarité des bonnes dispositions des candidats et insistaient pour que Sa Majesté cédât : Payez, ou vous n'aurez personne, disaient-il, M. de Valençay assurait qu'il n'y avait rien à faire si on ne mettoit la main à la bourse ; il ajoutait hardiment : il faut jeter de l'argent ![176]

Alors Louis XIII cédait, mais il insistait sur la nécessité qu'il y avait au moins à s'assurer que les conversions étaient réelles, — dans la mesure ou des changements de religion obtenus de telle manière pouvaient l'être, — en tous cas authentiques. Il prescrivait qu'on envoyât au personnage disposé à se convertir un religieux, jésuite ou capucin, pour l'instruire des principes de la religion[177] ; parfois il était d'avis d'organiser des conférences contradictoires entre prêtres catholiques et ministres protestants, par devant le néophyte, avec un ministre choisi à dessein, d'avance stylé, l'exercice se trouvant ainsi avoir d'excellents résultats.

En tous cas, il ne consentait à délivrer argent ou brevet que contre attestation que l'intéressé avait abjuré. C'était devant l’évêque du diocèse qu'il fallait procéder, ou devant les délégués de celui-ci, régulièrement autorisés par lui. L'évêque, — ainsi M. Pierre Scarron, évêque et prince de Grenoble, — dressait un acte en latin, contresigné de son secrétaire, où il indiquait le nom du religieux qui avait procédé à l'instruction du converti et le fait de l'abjuration[178]. A défaut de l'évêque, un vicaire général accompagné de deux ecclésiastiques servant de témoins établissait le document. Un acte notarié constatait l'abjuration[179]. Si pour une cause quelconque il fallait se contenter d'un acte écrit seulement par la personne qui avait converti le protestant, cette personne, — prêtre séculier ou religieux, — devait faire certifier authentique sa signature par un magistrat[180].

Il n'est pas possible de fixer, le chiffre des conversions qu'a ainsi obtenues Louis XIII[181]. Elles furent moins importantes par le nombre que par les personnalités des convertis. Elles ne semblent pas avoir été durables[182]. Nous l'avons dit, on retrouve la plupart des gentilshommes, soi-disant revenus au catholicisme, dans les rangs des huguenots peu d'années après, au cours des guerres religieuses qui suivirent.

 

 

 



[1] Jean Héroard, De l'Institution du prince, Paris, 1609, in-8°, p. 31 et 88 ; Héroard insiste sur ce qu'il entend par superstition : Elle transforme l'homme, dit-il, en une beste brute, pleine de félonie, de cruauté, de lâcheté.

[2] Voir le livre de F. Strowski, Histoire du sentiment religieux en France au XVIIe siècle : Pascal et son temps ; 1re partie, de Montaigne à Pascal, Paris, 1907, in-8°.

[3] Cf. la lettre du P. Cotton au duc de Bavière, Bibl. nat., ms. Moreau 1278, fol. 140 v°. Héroard fournit dans son Journal d'amples renseignements sur les pratiques religieuses du roi. Pour la description d'une procession de la Fête-Dieu à laquelle assiste le roi, voir Chaulnes, Relation exacte, éd. Michaud, p. 479.

[4] Guillaume du Peyrat, Histoire ecclésiastique de la cour, Paris, H. Sara, 1645, in-fol., p. 478. Voir aussi : J. Danès, Toutes les actions du règne de Louis XIII, p. 298 ; la Lettre de Cléophon à Polémandre, 1618, p. 9, et le P. Cotton (op. et loc. cit.) qui confirment les déclarations de l'aumônier.

[5] Lettres du nonce du 13 septembre 1617 : Lettere, t. I, p. 492 ; t. II. p. 65.

[6] Louis XIII écrivant à ceux de sa cour qui venaient de perdra un des leurs leur disait : Les événements étant à la disposition de Dieu, il les faut prendre comme il lui plaît les envoyer (lettre au comte de Soissons de janvier 1624, Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 73 v°). On lui avait fait écrire cette pensée dans ses exercices scolaires (Quædam ex lectionibus christianissimi francorum regis Ludovici XIII ex gallicis latina facta, Lutetiæ, 1612, in-12°, p. 13).

[7] Madame de Motteville, éd. Michaud, p. 43. Cf. Héroard, Journal, Bibl. nat., ms. fr. 4020, fol. 52 v°.

[8] Ibid., fol. 230 v° ; lettre du P. Cotton au duc de Bavière (Bibl. nat., Moreau 1278, fol. 141 v°) ; Archon, Histoire ecclésiastique de la chapelle des rois de France, in-4°, t. II, p. 706. Ces heures de Louis XIII furent plus tard imprimées sous le titre de : Parva christianæ pietatis officia, per christianissimum regem Ludovicum XIII ordinata, Paris, S. Chappelet, 1640, 1 vol. in-16°.

[9] Lettre du P. Cotton, op. et loc. cit., fol. 141 r°.

[10] Bassompierre, Journal, éd. Chantérac, t. III, p. 1 ; Récit véritable du siège de Saint-Jean-d'Angély, Paris, 1621, in-12°, p. 4.

[11] Mercure français, t. VIII, p. 654.

[12] J. Danès, op. cit., p. 302. Louis XIII en campagne allait assister aux offices dans les églises du pays qu'il traversait et chantait au lutrin. Danès ajoute que Louis XIII composait des motets qu'il faisait exécuter par les musiciens qu'il rencontrait ; il attribue au roi la prose rythmée Veni Sancte Spiritus (p. 303).

[13] Ordonnance du roi portant défenses très expresses à tous ses sujets et autres estant en ce royaume de ne blasphémer ni jurer le nom de Dieu, Orléans, 1617, in-8°.

[14] Le P. Garasse, la Somme théologique, p. 19. L'expression cachot athéiste se retrouve dans un libelle où l'on lit (Apologie en faveur du roi, Paris, 1622, in-12°, p. 85) : Maître François Rabelais qui, en son temps, fut homme de conscience, a failli être vendiqué par ceux du cachot athéiste.

[15] C. Sorel, Histoire comique de Francion, 1641, p. 344.

[16] Comme roman du temps très libre, voir : Sorel, l'Orphize de Chrysante, Paris, 1626, in-12°.

[17] Nous ne pouvons que faire allusion à cette affaire de Théophile de Viau et du Parnasse : on trouvera les documents dans le livre de P. Lachèvre, le Procès du poète Théophile de Viau, Paris, Champion, 1908 2 vol. gr. in-8°.

[18] Bibl. nat.. ms. fr. 20742, fol. 59 v. dans une lettre de 1619.

[19] Fontenay-Mareuil, Mém., éd. Michaud, p. 120 ; Héroard, De l'Institution du prince, p. 61.

[20] J. Danès, op. cit., p. 298.

[21] J.-P. Camus, Premières homélies diverses, Rouen, in-8°, p. 9.

[22] J. Danès, op. cit., p. 319 ; Balzac, le Prince, dans Œuvres, éd. L. Moreau, Paris, 1854, t. I, p. 37 ; le Manifeste de la reine mère, Blois, 1618, in-12°, p. 21.

[23] Bibl. nat., ms. Clairambault 375, fol. 182 r°.

[24] D'après une prophétie trouvée à Rome en l'an 500 (Livre de raison de Bertrand Lespervier, dans Bull. de la Soc. de l'hist. de Paris, 1905, p. 136, à la date de 1621).

[25] Le mercredi l'office tout entier (Bentivoglio, Lettere, t. II, p. 395).

[26] Le bref du pape est du 5 juillet 1618 (Mercure français, t. V, p. 271).

[27] Bentivoglio, Lettere, t. II, p. 565 : Héroard, Bibl. nat., ms. fr. 4025, fol. 305 r°. La fête fut célébrée dans toute la France, par ordre du roi publié à son de tambour (P. Le Verdier, le Livre de raison de Jacques Susenne, dans Rev. des quest. hist., 1908, t. I, p. 218).

[28] Le P. Cotton envoyait le P. Arviset (Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 107 r° et 110 v°), avant d'y aller lui-même (sa lettre au roi du 25 novembre 1619, publiée par E. Griselle dans Revue du monde catholique, 1er septembre 1909, p. 549). Louis XIII donnait de l'argent pour réparer les lieux saints et faisait cadeau au Saint-Sépulcre de riches ornements (lettre du roi à M. de Césy, ambassadeur à Constantinople, du 26 mai 1620, Bibl. nat., ms. fr. 16156, fol. 76 r°).

[29] Lettres patentes dans ce sens : Paris, 1624, in-8°. En février 1623, Louis XIII fit ériger Paris en archevêché (L'Erection de l'évêchê de Paris en archevêché à la réquisition du roi avec les lettres patentes de Sa Majesté et l'arrêt de la cour du Parlement (du 8 août 1623), Paris, 1623, in-8°).

[30] Lettres patentes du roi pour l'exécution des règlements faits pour les ordres S. Benoît, S. Augustin, Citeaux et Cluny, Paris, 1623, in-8° ; Lettres patentes accordées aux prêtres et écoliers irlandais réfugiés à Paris, (16 sept. 1623), in-4°.

[31] Societatem nostram diligit : amat eos qui de Jesuitis bene dicunt (lettre du P. Cotton, Bibl. nat., Moreau, 1278, fol. 141 v°).

[32] Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 7 r°. Cf. Revue du monde catholique, du 1er septembre 1909, p. 553 et suiv.

[33] Voir sur cette affaire : Bibl. Mazarine, ms. 2427 ; les lettres du nonce (Bentivoglio, Lettere, t. II, p. 256, 267) ; le Mercure français (t. V, 1618, p. 12) ; Arch. des Aff. Étrang., France 772, fol. 3 r° et suiv. ; Malingre (Hist. du règne de Louis XIII, Paris, 1646, in-12°, p. 242) qui donne le détail de la rentrée du collège de Clermont le 20 février 1618. Cf. le P. Prat, Recherches historiques sur la compagnie de Jésus en France au temps du P. Cotton, 5 vol. in-8°, 1878, A. Douarche, l'Université de Paris et les Jésuites (XVIe et XVIIe siècles), Paris, 1888, in-8°, et E. Griselle, Louis XIII et les Jésuites, dans Revue du monde catholique, 1er septembre 1909, p. 529-537.

[34] Arrêts du Conseil du 28 avril 1618, (Arch. nat. E. 1685, fol. 23 r°), du 30 décembre 1619 (E. 62C, fol. 170 r°) ; E. Charavay, Collection de lettres autographes du règne de Louis XIII, Paris, 1873, p. 36-40. Consulter G. Gandy, les Jésuites au temps d'Henri IV et de Louis XIII, dans Rev. des quest. hist., t. XXI, p. 225.

[35] Récit véritable de ce qui s'est fait et passé à la ville de Metz, Paris, 1619, in-12°, p. 6.

[36] Lettre de Louis XIII au maréchal de Souvré à propos de l'édification d'un couvent de Capucines à Tours (Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 205 r°).

[37] Le nonce s'en plaignait assez : voir sa dépêche du 14 octobre 1622, dans Zeller, Richelieu et les ministres, p. 139. Le P. Arnoux sera disgracié parce qu'il s'occupera de politique et son successeur, le P. Séguiran, sera prié de demeurer circonspect.

[38] Nous rappelons sur la question, les ouvrages de A. Anquez : Un nouveau chapitre de l'histoire politique des réformés de France (1621-1626), Paris, 1865, in-8° et Histoire des Assemblées politiques des réformés de France (1375-1622), Paris, 1859, in-8°. Pour l'état des protestants en France au début du XVIIe siècle, voir : Arch. des Aff. Étrang., France 243 ; Bibl. Mazarine, mss. 2598, 2616, 2618 ; Bibl. nat., ms. fr. 7605, fol. 85 ; nouv. acq. fr. 4026, 7189 : Dupuy 187, fol. 8 et suiv. ; et spécialement pour les synodes : Bibl. nat., ms. fr. 17815-18 ; Bibl. Mazarine, ms. 2601, 2608-2614 : Bibl. de l'Arsenal, ms. 5411, p. 325 et Recueil Conrart, ms. 4108, p. 995 à 1551. Consulter aussi : Breve relatione degli Ugonotti di Francia (1619), dans Relationi del cardinal Bentivoglio, Cologne, 1646, in-8°, p. 244.

[39] Nous résumons des textes nombreux : Mémoire envoyé au roi pur le duc de Rohan, 1623 (Bibl. nat., ms. fr. 4102, fol. 70) ; Lettre de ceux de l'Assemblée de La Rochelle, 1621 (Ibid., nouv. acq. fr. 7798, fol. 214 r°) ; lettre de M. Frère au roi, 1621 (ibid., ms. Clairambault 377, fol. 824 v°) ; Prosopopée de l'Assemblée de Loudun aux pieds du roi, 1620, in-12° ; Lettres de l'Assemblée de Loudun envoyées aux provinces, 1620, in-12° ; Dunan, Journal manuscrit de Jacques Merlin, pasteur de l'église réformée de La Rochelle de 1589 à 1620 (dans Mém. lus à la Sorbonne dans les séances du Comité des travaux historiques, 1866, p. 381) ; Excès commis en violation de l'Edit de Nantes (Bull. de la Soc. de l'hist. du prot. français, 1860, p. 409). Les protestants se défendaient en faisant appel aux tribunaux (arrêts du Conseil de 1617 et 1618, Arch. nat., E. 58A, fol. 120 r° ; E. 58B, fol. 444 r° ; E. 59A, fol. 285 r°).

[40] Louis XIII avait commis et député des commissaires ès provinces de notre royaume, pour l'exécution de l'Édit de Nantes (Bibl. nat., ms. fr. 18192, fol. 164 r° ; Arch. nat., X1A 8650, fol. 114 r°).

[41] La Milletière, Discours des vraies raisons pour lesquelles ceux de la religion en France peuvent et doivent résister par les armes, 1622, in-12°, p. 28, 49 ; Discours des églises réformées de la souveraineté de Béarn, Londres, 1618, in-12°, p. 4.

[42] Daniel Manceau, Mém., dans Arch. hist. de la Saintonge, 1874. t. I, p. 195 ; Arch. des Aff. Étrang., France 778 : la Revue hist. du Tarn, 1881, p. 30 ; les Mémoires de J. Burel, bourgeois du Puy, Le Puy, 1875, in-4°, p. 517 : lettres au roi de M. d'Alincourt (Bibl. nat., ms. Clairambault 372, fol. 78 r°), de M. de Sourdis (fol. 80 r°), de M. de Cornusson (377, fol. 625) ; C. Sorel, les Nouvelles françaises, 1623, in-8°, p. 28. Les protestants sollicitaient et obtenaient des armes de l'Angleterre (Bibl. nat., Moreau 724, fol. 193, 225 ; ms. Clairambault 372, fol. 263 r°).

[43] Les Antipodes pour et contre rassemblée tenue à Loudun, 1620, in-12°, p. 18 ; Résolution de l'Assemblée générale de ceux de la religion réformée, 1620, in-12°, p. 5. Rohan écrivant au roi d'Angleterre en 1622, lui expliquait qu'il demeurait fidèle à son souverain (Bibl. nat., Moreau 724, fol. 223 r°). Levant des troupes contre le roi en 1621, les protestants disent dans leurs commissions qu'ils lui restent inviolablement obéissants (Bibl. nat., nouv. acq. fr. 7798, fol. 346 r°).

[44] C. Bernard, Hist. de Louis XIII, t. I, p. 259 ; G. Malingre, Deuxième tome de la rébellion excitée en France, 1623, in-8°, t. II, p. 11 ; texte des archives de Milhau, cité par A. de Cazenove, Campagnes de Rohan en Languedoc, Toulouse, 1903, in-8°, p. 28 ; narration d'A. Rulman, citée par Anquez, Un nouveau chapitre de l'histoire politique des réformés, p. 13.

[45] Les documents abondent sur cette affaire : voir actes de l'assemblée, Bibl. nat., ms. fr. 23488, 23490, Dupuy, 100, fol. 14-27, 141-2 ; Bibl. de l'Arsenal, ms. 5411, p. 44 ; A. de Barthélemy, Actes de l'Assemblée générale des églises réformées de France, 1620-1622, dans Arch. hist. du Poitou, t. V, p. 1-473, t. VIII, p. 161-369 ; Règlement général fait en l'Assemblée de La Rochelle, le 10 mai 1021, in-8° ; Pouvoirs et commissions de l’Assemblée de La Rochelle décernés sur le département des provinces de France, 1621, in-12° ; pour la commission de lever des impôts et des troupes, voir : Bibl. nat., nouv. acq. fr. 7798, fol. 313 r°, 314 r°, 346 r°. Sur le sentiment qu'ont eu les contemporains du caractère républicain du mouvement, cf. Mercure français, 1621, p. 321, 323 ; Fontenay-Mareuil, Mém., éd. Michaud, p. 156 ; Lettre de M. le nonce du pape à la reine mère du roi, Paris, 1620, in-12°, p. 9 : Apologie en faveur du roi, Paris, 1622, p. 113, 132 ; Crosilles, l'Hérésie suspecte à la monarchie, Paris, 1624, in-8° ; C. Malingre, Hist. de la rébellion, 1622, p. 145. On remarquait que partout à ce moment les esprits se portaient à haïr les rois et en leurs places substituer des gouvernements populaires, former des républiques (Mercure français, t. VI, 1619, p. 348). Les réformés protestaient (d'Aubigné, Libre discours sur l'état présent des églises, 1619, in-12°, p. 8).

[46] C. Malingre, op. cit., p. 166 ; Cf. du même, Deuxième tome de la rébellion, 1623, p. 18. Sur le ton violent des catholiques contre les protestants à ce moment, voir : Auvray, Satyres sérieux sur les affaires de ce temps, 1622. in-12°. p. 20 ; le Revers du faux masque de la prosopopée des frères Frelots, 1620, in-12° ; la Défaite de plusieurs rebelles sortis en armes hors de la ville de La Rochelle, Paris, 1622, in-12°, p. 11 : la Prière du gascon ou lou diable soit des houguenaux (Bull. de la Soc. de l'hist. de France, t. I, 1834, p. 167).

[47] Les auteurs contemporains sont pleins de détails sur ces incidents. Le roi fit faire une enquête à propos de l'affaire de Tours, Lettre de Sa Majesté escrite à M. le premier président de Verdun touchant le désordre arrivé en la ville et faubourg de Tours, Paris, 1621, in-12°.

[48] Pour l'affaire de Charenton, voir Priuli (dépêche du 28 septembre 1621, Bibl. nat., ms. ital. 1777, p. 41) qui, de ses fenêtres de la place Royale, apercevait les fumées du temple en feu ; la lettre du marquis de Mirabel du 30 septembre (Arch. nat., K. 1478, n° 146) ; la Lettre envoyée par M. le duc de Montbazon à M. le premier président du Parlement de Normandie sur le tumulte arrivé à Charenton, Rouen, 1621, in-12°. Sur le temple lui-même, consulter le Bull. de la Soc. de l'hist. du prot. français, t. III, p. 418, 540, t. IV, p. 66, 78, t. V, p. 162, t. XVIII, p. 65.

[49] Lettres de M. de Noailles à Pontchartrain de septembre 1621, Bibl. nat., ms. Clairambault 378, fol. 40 r°, 42 r°. Les villes s'imposaient pour lever des gens de guerre (Bibl. nat., ms. fr. 18191, fol. 190 r°, 205 v°, 209 v°). Cf. Mila de Cabarieu, Charges imposées aux habitants de Castillon pendant les guerres de religion sous Louis XIII, dans Bullet. périodique de la Soc. ariégeoise des sciences, 1894, p. 369.

[50] Déclaration du roi en faveur de ses sujets de la religion prétendue réformée, Paris, 1621, in-12°, p. 5.

[51] Cf. C. Malingre, Histoire de la rébellion, Paris, 1622, in-8°, p. 137.

[52] Lettres patentes du roi portant très expresses inhibitions et défenses à tous ses sujets de la religion prétendue réformée de faire aucunes assemblées illicites (21 mai 1618), Paris, 1618, in-8° : Déclaration du roi par laquelle il défend à ses sujets de la religion prétendue réformée de s'assembler (22 octobre 1620), Paris, 1620, in-8° : Voir sur cette question les développements de V. Cousin dans le Journal des Savants, 1861, p. 443.

[53] Apologie en faveur du roi, Paris, 1622, in-8°, p. 127.

[54] Voir entre autres, Les Antipodes pour et contre en l'assemblée tenue à Loudun (1620, in-12°, p. 30), dont l'auteur, protestant, se plaint vivement (p. 38) qu'on engage tous les religionnaires de France dans la guerre pour une affaire de deniers en Béarn ; Lettre d'un gentilhomme de la religion à un sien ami, 1619, in-12° ; Copie de la lettre d'un pasteur aux fidèles des églises réformées de Béarn, 1618, in-12° ; La Milletière, Discours des vraies raisons..., p. 6, 17 ; etc. Voir ce que dit aussi Besly dans ses lettres (lettres de juillet 1621 à Dupuy, Arch. hist. du Poitou, 1880, p. 136). Les témoignages abondent : nous abrégeons.

[55] Lettre de Cléophon à Polémandre, 1618, in-4° p. 9 ; Le Congé donné par le roi à ses serviteurs et domestiques de la religion prétendue réformée (s. l.), 1622, in-8°, p. 4. Marillac écrivait à Richelieu le 29 avril 1622 (Arch. des Aff. Étrang., France 775, fol. 140 r°) : Si tous les huguenots qui suivent le roi voulaient se retirer d'eux-mêmes ils feraient plaisir à la compagnie.

[56] Sur les attaches protestantes de la famille d'Héroard, voir le Bullet. de la Soc de l'hist. du protestantisme français, t. III. p. 227 : t. IV p. 194, t. XII, p. 245.

[57] Bentivoglio, Lettres, 1680, in-12°, p. 321. Sur l'importance de Lesdiguières à cette date voir les lettres que lui écrivent les plus grands seigneurs : Bibl. nat., nouv. acq. fr. 7797 fol. 2 et suiv. Il est un des sept grands chefs des protestants (Bentivoglio, Relations, Paris, 1642, in-4°, p. 308). Pour les instances qu'il fait auprès de ses coreligionnaires afin de les empêcher de s'engager dans la guerre, cf. ses lettres (Arch. des Aff. Étrang., France 773, fol. 265 r° ; 776, fol. 154 r° ; Lettre de M. le maréchal de Lesdiguières envoyée le 9e décembre 1620 aux rebelles du pays de Béarn, Paris, 1620, in-12° ; Lettre et dernier avis de M. le maréchal Dédiguières aux rebelles et partialistes de Mautauban, Languedoc..., Paris, 1622, in-12°, et en général tout le tome II des Actes et correspondance du connétable de Lesdiguières, éd. J. Roman, Grenoble, 1881, in-4°). Pour la défense que prend Lesdiguières de ses coreligionnaires, cf. Actes et correspondance, t. II, p. 247 ; Lettre et avis envoyé au roi par M. le maréchal de Lesdiguières, 1619, in-12°. Sur les attaques des protestants contre lui, voir Dufayard, le Connétable de Lesdiguières, p. 466.

[58] L. Videl, Hist. de la vie du connétable de Lesdiguières, 1666, in-12°, t. II, p. 198 ; Déageant, Mém., éd. de 1668, p. 285. Lesdiguières aimait beaucoup Louis XIII (Déageant, Mém., p. 286) qui le lui rendait (lettre du roi au connétable, Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 160 r°).

[59] Mercure français, 1616, p. 134. Les catholiques traitaient Louis XIII de parjure, d'homme manquant à sa parole (Bibl. nat., ms. ital. 1770, p. 235) : les protestants continuèrent à lui reprocher son serment (Prosopopée de l'assemblée de Loudun, 1620, in-12°, p. 14).

[60] Mercure français, 1614, p. 580. Il rassura encore les protestants le lendemain de la mort de Concini (Réponse du roi aux lettres de M. du Plessis Mornay, Rouen 1617, in-12°, p. 4).

[61] Dans les déclarations royales publiées au début des campagnes militaires, cf. E. Benoît, Hist. de l'Edit de Nantes, t. II, p. 340.

[62] Lettre du 19 janvier 1621, Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 125 r°, publiée dans Actes et correspondance, t. II, p. 296. A. M. de la Trémoille, devant Saint-Jean-d'Angély, Louis XIII disait qu'il ne vouloit forcer la conscience de personne qu'autant qu'il le pourroit faire par la vérité de la doctrine et par les bons exemples des ecclésiastiques. (Mercure français, 1621, p. 521).

[63] Lettre de Cléophon, 1618, p. 10 ; E. Benoît, op. cit., t. II, p. 351.

[64] J. B. Matthieu, Hist. de Louis XIII, t. II, p. 153.

[65] Apologie en faveur du roi, Paris, 1622, in-12°, p. 23.

[66] Petit avis d'un ferme catholique, loyal français, Paris, 1622, in-12°.

[67] Actes et correspondance, t. II, p. 321-2. Voir aussi : Rohan, Mém., éd. Michaud, p. 585 ; Agrippa d'Aubigné, Libre discours sur l'état présent des églises réformées, 1619, in-12°, p. 78 ; le Pèlerin huguenot, 1622, in-12° p. 1. Dupiney dit à Louis XIII : (Panégyrique présenté au roi, p. 67). Il y a bien de la peine à juger si vous êtes plus saint que libéral.

[68] Il insistait n'en vouloir qu'aux rebelles et non aux religionnaires (mots du chancelier Sillery à un ambassadeur, dans Zeller, le Connétable de Luynes, p. 310 ; de Puisieux à L'ambassadeur d'Angleterre, Arch. nat., L. 397, fol. 2 v°) ; Lesdiguières s'en portait caution (de Frauville, Le fidèle historien des affaires de France, 1623, p. 297). Après la reddition de Saint-Jean-d'Angély, S. M. entend, comme elle a toujours fait, qu'ils (les protestants) jouissent de la liberté de conscience suivant les édits (Hist. journalière de tout ce qui s'est fait et passé en France depuis le départ du roi de Fontainebleau, Rouen, 1621, p. 46).

[69] Déclaration du roi en faveur de ses sujets de la religion prétendue réformée qui sont et demeurent en leur devoir et obéissance, Paris, 1621, in-8° ; lettre de Louis XIII à M. de Cossé, du 10 juillet 1621, dans Bullet. Acad. de Brest, 1884, p. 317. Sur le sentiment des protestants au sujet de la bonne volonté du roi, voir : Manifeste de M. de Chastillon contre les articles et procédés faits contre lui, 1622, in-12°. p. 8 et 10. Harangue des dépuités de la religion avec celle qui s'est faite par ceux de Montpellier au roi, 1622. in-12°, p. 3 : Lettre et avis envoyé au roi par M. le Maréchal de Lesdiguières, 1619, p. 4.

[70] Le traitement de chaque pasteur était appelé portion ; en Normandie il y avait 54 portions : 44 pasteurs exerçant, 2 églises à pourvoir, 6 ministres proposés, 2 surnuméraires ; plus 14 collèges qui recevaient 400 livres de subvention. Le Haut-Languedoc qui comptait 96 églises, recevait 108 portions. En tout pour les 750 à 800 églises du royaume, 938 portions.

[71] Sur tous ces faits, voir un mémoire de vers 1621 : Bibl. Mazarine, ms. 2127, fol. 71 r° ; surtout C. Malingre, Hist. de la rébellion exciter en France par les rebelles de la religion prétendue réformée, 1622, in-8°, p. 155, 162 ; du même Troisième tome de l'histoire de notre temps, 1624, p. 505 et suiv. ; Bentivoglio, Relations, 1642, in-4°, p. 305. Le terme officiel de ce budget était deniers ordonnés par S. M. à ses sujets de la religion prétendue réformée (Arch. nat., E. 59A, fol. 576 r°) : les protestants disaient l'État ecclésiastique et sollicitaient son augmentation (Les Demandes des églises réformées du royaume, 1618, p. 26). Il était interdit de poursuivre le trésorier, Isaac du Candal, pour le maniement de ces deniers (Arch. nat., E. 57, fol. 139 r°). M. du Candal était aidé d'un commis, M. Jean Pallot (Arch. nat. E. 58B, fol. 434 r°). Sur l'augmentation donnée par Louis XIII, cf. Exhortation à l'assemblée de la Rochelle, in-12°, p. 3.

[72] Bibl. Mazarine, ms. 2127, fol. 72 r° ; Petit avis d'un ferme catholique, 1622, in-12°, p. 7. Voir aussi : Remontrance salutaire à Messieurs de la religion prétendue réformée, 1618, p. 6, et Avis d'importance présenté nu roi touchant les affaires de son État, 1621, p. 7. Jamais argent ne fut plus mal employé ! dit l'auteur de ce dernier écrit.

[73] Mémoire cité plus haut, Bibl. Mazarine, ms. 2127, fol. 71 r°, 123 v°. Voir une lettre de Maillard à Duplessis-Mornay sur l'utilité, pour les protestants, de ces subsides royaux (E. Charavay, Collection de lettres autographes du règne de Louis XIII, Paris, 1873, p. 7). Les catholiques s'élevaient surtout contre les soldes des garnisons protestantes (La Cabale des ministres huguenots intendans, par un bourguignon converti, Paris, 1618, in-12°, p. 28). Impatientés des critiques, les réformés obtinrent du roi, en 1619, la nomination d'une commission pour vérifier les comptes de Pallot (Arch. nat., E. 61\ fol. 405 r°). Pallot fournit les justifications nécessaires (Bibl. nat., ms. fr. 18202, fol. 327, r°). Rome chargeait le nonce de réclamer contre les faveurs accordées par le roi aux hérétiques : dép. de Corsini du 10 août 1621 (Arch. nat., L. 397, fol. 427).

[74] E. Benoît, Hist. de l'Édit de Nantes, t. II, p. 422. Les protestants présentèrent alors le canon comme émanant d'un synode d'Alais (Canon des Eglises réformées de France conclu et arrêté au synode national tenu à Alès ès Cévennes le 6 d'octobre 1620, avec le serment d'approbation, 1621, in-8°). Cf. Considérations sur le canon et serment des églises réformées, 1622, in-8°. II s'agissait de la querelle théologique entre Arminius et Gomar (Richelieu, Mém., éd. Michaud, t. I, p. 296). Les protestants tâchaient d'expliquer leurs doctrines à Louis XIII (Le Protestant français contre les faux titres qui sont imposés aux protestants de France par les ennemis de la vérité de leur religion, Paris, 1617, in-12°) ; mais Louis XIII refusait d'entrer dans leurs discussions religieuses (de Bellemaure, le Portrait du roi, 1618, p. 75.

[75] Dans ses lettres, le nonce écrit qu'il insiste auprès des confesseurs pour que ceux-ci remplissent sur ce point leurs devoirs auprès du roi.

[76] Tronson a gardé tous les papiers de cette affaire : il a laissé le dossier à son fils qui fut supérieur de Saint-Sulpice : des archives du séminaire de Saint-Sulpice le dossier est passé à la Bibliothèque Mazarine ; c'est le ms. 2127 dont nous allons nous servir pour ce qui va suivre ; nous le désignerons de la forme abrégée Maz. 2127. Il porte pour titre : Divers états, mémoires, instructions, avis et procédures touchant la ruine du parti huguenot ès provinces de Dauphiné, Languedoc, Cévennes, Vivarais, Haute-Guyenne et pays de Rouergue, envoyés par diverses personnes à M. Tronson... suivant l'ordre et commandement qui en avoit été donné par Sa Majesté. Il a été écrit sur ce dossier une brève note par M. J. Roman dans le Bullet. de la Soc. de l'hist. du prot. français, 1890, p. 367-72.

[77] Instructions à Visconti, Maz. 2127, fol. 20 r°.

[78] Ibid. Avis qu'il importe de faire voir à M. Tronson et non à autre (fol. 125 r°). État de la dépense que j'ai faite pour le service du roi suivant l'ordre qu'il lui a plu de me faire donner par M. Tronson (fol. 108 r°). Pour servir de mémoire à M. Tronson (fol. 40 r°). Pour venir à la fin du dessein qui a été proposé à M. Tronson (fol. 23 r°, mémoire de M. de Sicotières).

[79] On se servait de M. Tronson pour se faire, le cas échéant, présenter aux ministres. Le président Faure lui demandait de lui ménager l'accès de M. de Pontchartrain (fol. 50 v°).

[80] Fol. 21 r°, 163 r°, 164 v°.

[81] Fol. 10 et suiv. Lorsque les réponses tardaient, les correspondants supplioient qu'il leur fut donné résolution sur les négociations qu'ils avoient commencées (fol. 24 v°).

[82] Instructions à Visconti, de 1624, Ibid., fol. 18 r°. Bentivoglio signale dans une de ses lettres le goût qu'avait Louis XIII à voir se convertir des huguenots (Bentivoglio, Lettere, 1865, t. II, p. 133).

[83] Maz. 2127, fol. 94 r0, 95 r° et v°. Que les prédicateurs prêchent et enseignent la doctrine sacrée avec discrétion et modestie, se tenant sur la positive et confirmative, sans plus, sans réveiller les esprits des différends de la religion qui ne servent de rien à l'édification du salut. (Ouverture de l'Assemblée générale de ceux de la religion prétendue réformée, Paris, 1619, in-12°. p. 13).

[84] Maz. 2127, fol. 3 v°.

[85] Instructions à Visconti, Ibid., fol. 20 r°.

[86] Instructions au P. Véron, Ibid., fol. 22 r°. Le P. Véron recevait 1.200 livres pour faire son voyage dans le Midi (fol. 12 v°). Les prédicateurs prièrent Louis XIII d'appeler l'attention des évêques sur la nécessité de visiter plus soigneusement leurs diocèses, de contraindre les bénéficiers à résider, d'expulser les faux prêtres ignorants. Louis XIII se contenta de fonder quelques couvents de Capucins à Gap, Alais, le Vigan, de Jésuites à Mairueis (Ibid., fol. 10 v°, 65 r°). Des lettres patentes furent données au P. Irénée, capucin pour l'établissement d'un séminaire de son ordre aux Cévennes (fol. 25 v°). Sur l'établissement des capucins à Gap, voir Actes et correspondance du connétable de Lesdiguières, t. II, p. 5-56 ; à Crest, J. Chevalier, Essai historique sur l'église et la ville de Die, Valence, 1909, t. III, p. 349 ; sur celui des jésuites à Grenoble, Dufayard, le Connétable de Lesdiguières, p. 586 ; à Die, J. Chevalier, op. cit., p. 350.

[87] En 1617, aux appointements de 900 livres (Arch. nat., E. 55A, fol. 199 r°). Nous avons le texte des lettres patentes portant création de la chaire (Bibl. de Sainte-Geneviève, ms. 961, fol. 81). Le docteur Isambert est nommé syndic de la faculté de théologie de la Sorbonne en avril 1617 (Bentivoglio, Lettere, t. I, p. 197).

[88] La lettre est datée de Fontainebleau, 9 avril 1623, Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 168 v°.

[89] Lettre du maréchal de la Force à sa femme du 23 janvier 1623, dans Mém. du duc de la Force, éd. La Grande, t. III, p. 271. On tient que Monsieur et Madame de Sully se sont faits catholiques... Cf. dépêche de l'envoyé florentin du 10 mai 1624, dans Zeller, Richelieu et les Ministres, p. 319. Le bruit coïncida avec celui de la rentrée de l'ancien ministre aux affaires. Depuis longtemps Sully cherchait à revenir au gouvernement (Bentivoglio, Lettere, t. II, p. 8, 26, 66, 286). On ne voulut pas de lui à cause de sa religion et de son caractère difficile (Bentivoglio, op. et loc. cit.).

[90] Lettre de Louis XIII à Sully, Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 109 r°.

[91] Nous ne pouvons que l'indiquer. Voir : le récit de Déageant, Mém., éd. de 1668, p. 230 et suiv. ; une lettre de Puisieux du 24 juillet 1622 (Arch. des Aff. Étrang., France 776, fol. 239 r°) ; la Conversion de Monseigneur le duc d'Esdiguières à la religion catholique, Paris, 1622, in-8° ; Récit véritable de toutes les cérémonies observées dans la ville de Grenoble à la protestation de foi de Monseigneur le duc de Lesdiguières, Paris, 1622, in-8°. D'Alincourt remit à Lesdiguières le cordon du Saint-Esprit de la part du roi (Bibl. nat., ms. ital. 1778, p. 281 ; dép. de Pesaro du 29 juillet 1622).

[92] En présence de plus de quatre mille assistants, le dimanche 17 novembre, Paris, 1619, in-8°.

[93] Le 22 mars 1620, Miracle nouvellement arrivé à la conversion de deux ministres et de vingt-deux personnes de qualité, Paris, 1620, in-8° ; Métayer, Conversions signalées, survenues depuis peu de jours par l'entremise des Pères capucins de la mission du Poitou, d'un des plus anciens ministres et autres notables personnes de la religion prétendue réformée, Paris, 1620, in-8°.

[94] Récit véritable des processions générales faites en la ville de Pons en Saintonge au mois d'août dernier, Paris, 1625, in-8°.

[95] Le P. Villate, L'Heureuse conversion de tous les prétendus religionnaires de la ville de Foix, Bordeaux, 1622, in-8°.

[96] Le Nouveau rétablissement de la ville de Saint-Jean-d'Angély, avec la conversion de plus de huit mille personnes, Paris, 1623, in-8°.

[97] Le P. Texier, Récit des miraculeux effets qui sont arrivés en l'armée du roi, en présence de S. M. avec la conversion de plusieurs seigneurs, chefs et soldats, Paris, 1621. in-8°. Voir aussi : Revue hist. du Tarn, 1878, p. 15.

[98] Maz. 2127. fol. 97 v°. En août 1621, dans une lettre au roi, le marquis de Saint-Chamond exposait la situation difficile de ces pays (Bibl. nat., ms. Clairambault 378, fol. 21). Sur l'importance du Vivarais dans les guerres religieuses, voir C. Bernard, Hist. de Louis XIII, t. I. p. 190 ; la dépêche de Pesaro du 7 nov. 1622, Bibl. nat., ms. ital., 1777, p. 10. Les meilleurs soldats huguenots étaient ceux fournis par les Cévennes (Bentivoglio, Relations, Paris, 1642, in-4° p. 307).

[99] Mémoires envoyés au roi et à Tronson par M. de Berjac et un auteur qui signe D. A. C. (Maz. 2127, fol. 3 r° et 63 r°). Cf. : E. Arnauld, Histoire des protestants du Vivarais et du Velay, Paris, 1888, 2 vol., in-8° ; Brun-Durand, le Président Charles Ducros et la société protestante en Dauphiné au commencement du XVIIe siècle, Valence, 1906, in-8°.

[100] Maz. 2127, fol 85 r° et aussi, 39 r°, 66 v°.

[101] C'est M. de Sicotières, Maz. 2127, fol. 23 r°.

[102] Philosophe subtil, dit Videl, Vie de Lesdiguières, 1666, in-12°, t. II, p. 145.

[103] Nous résumons sur ce personnage les notices que lui ont consacré : E. Arnaud, Histoire de l'académie protestante de Die en Dauphiné au XVIIe siècle, Paris, 1872, in-8°, p. 38 et suiv. ; M. Nicolas, l'Académie de Die et quelques-uns des professeurs qui y ont enseigné, dans Bullet. de la Soc. de l'hist. du prot. français, 1857, p. 179 et 299 ; Long, la Réforme et les guerres de religion en Dauphiné, 1856, in-8°, p. 307. Voir aussi : Bullet. de la Soc. de l'hist. du prot. français, t. III, p. 514 et suiv., t. V. p. 183, 309. On trouvera la liste des œuvres imprimées de Visconti dans E. Arnaud, Bibliographie huguenote du Dauphiné, Grenoble, 1894, in-8°, p. 92. Les contemporains appellent Visconti M. Visconte, Vicomte ou le Viconte.

[104] Lettre de Visconti à Louis XIII du 27 juin 1625, Maz., 2127, fol 151 v°.

[105] Maz. 2127, fol. 105 r°. Il fut mêlé à la conversion de Lesdiguières, D'après Videl (Hist. de Lesdiguières, 1666, in-12°, t. II, p. 145), Lesdiguières aurait demandé à Déageant, qui cherchait à le convertir, de discuter devant lui avec un ministre protestant. Déageant aurait amené Visconti que Lesdiguières aimoit beaucoup parce qu'il avoit pris autrefois sa défense contre les censures des synodes. La victoire de Déageant avait été facile. Lesdiguières ne connaissait donc pas la conversion secrète de Visconti.

[106] Maz.. 2127, fol. 36 r°.

[107] Maz. 2127, fol. 39 v°, 153 r°.

[108] Maz. 2127, fol. 102 r°, 7 v°.

[109] Maz. 2127, fol. 12 r°, 151 v°, 176 r°.

[110] Maz. 2127, fol. 3 v°, 152 v°. L'un deux s'offrant à Visconti se disait apparenté aux principales maisons de la province. (fol. 43 v°.)

[111] Le prieur de Paix en Dauphiné, Maz. 2127, fol. 8 r°.

[112] Maz. 2127, fol. 11 v°.

[113] Narration d'Anne Rulman, citée par Anquez, Un nouveau chapitre de l'histoire politique des réformés de France, p. 18 et 91 : Maz. 2127, fol. 100 et 107 ; Richelieu, Mém., éd. Michaud, t. I. p. 285 ; Lettre de Louis XIII à M. de Valençay du 30 novembre 1624, Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 189 r°.

[114] Maz. 2127, fol. 113 r° et suiv., 122 v°. Pontis raconte dans ses Mémoires (éd. Michaud, p. 501), comment il fut chargé par M. de Valençay d'aller dans les petits bourgs et villages situés dans les montagnes (des Cévennes) et habités par les huguenots, afin de se pouvoir assurer s'ils ne pensoient point à de nouveaux troubles.

[115] Maz. 2127, fol. 12 r°.

[116] Maz. 2127, fol. 28 r°.

[117] A propos des conversions de MM. de Montbrun et de la Charce, Maz. 2127, fol. 7 r°, juin 1024.

[118] Nous allons résumer les Instructions baillées au sieur Viconte sur le voyage qu'il va présentement faire es provinces de Dauphiné, Vivarais et Cévennes en conséquence des ouvertures tant par lui que par autres faites pour la conversion d'aucuns seigneurs, gentilshommes et autres des dites provinces. Septembre 1624. Maz. 2127, fol. 18 r° et suiv.

[119] Voir par exemple la lettre par laquelle Louis XIII envoie à M. de Marcillac le pli qu'il pourra présenter au baron d'Anduze (Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 214 r°).

[120] Il en donnait reçu : Je reconnois que M. Tronson, secrétaire du cabinet du Roi, m'a, ce jourd'hui, baillé la présente instruction et mis en main tant de dépêches et de brevets, savoir, etc. Une fois, Visconti emporta : cinq brevets de pension, de 1.800 a 4.000 livres, six brevets de maîtres de camp entretenus, six de capitaines de chevau-légers et soixante de capitaines à morte paye. Maz. 2127, fol. 20 r°, 151 r°.

[121] Maz. 2127, fol. 187 r° et suiv.

[122] L'auteur du mémoire que nous suivons (Maz. 2127, fol. 98 v°) dit : Il les faut retirer du schisme (les ministres) en leur procurant une condition meilleure et plus certaine pour eux et leur famille et y laisser les plus doctes et politiques appointés. Il estime à 300 le nombre des ministres protestants existant en France.

[123] A la fin de son mémoire, le donneur d'avis désire être excusé de s'être tant avancé au discours d'un si grand poids, étant peu expert aux affaires d'État (fol. 99 r°). C'est M. Boucaut. Il y avait des gens qui attendaient de Louis XIII la réunion des églises romaine et protestante (de Bellemaure, le Portrait du roi, 1618, p. 68).

[124] Apprenant par exemple que des huguenots entraient en relation avec les pays étrangers, Tronson écrivait dans un de ses sommaires destinés au roi : faire querelle d'allemand aux assemblées, assurant que les religionnaires tirent d'Angleterre deux mille sterlings par mois : qu'un nommé Durand, de Languedoc, fait des voyages et que le ministre nommé Espagne fait les voyages des Pays-Bas. Maz. 2127, fol. 163 r°.

[125] Maz. 2127, fol. 11 v°. N'abjurant pas ostensiblement, les ministres convertis continuaient à bénéficier, par surcroît, de certains privilèges d'exemptions d'impôts et décharges spéciales dont jouissaient leurs confrères protestants. (Sur ces exemptions, voir l'arrêt du Conseil du 29 décembre 1617, Arch. nat., E. 57, fol. 489 r : Bibl. nat., ms. fr. 18192, fol. 253 r°).

[126] Maz. 2127, fol. 164 v°.

[127] C'est un homme de considération. Il peut encore en gagner beaucoup d'autres. Maz. 2127, fol. 11 v°.

[128] Maz. 2127, fol. 162 r°, 105 r°, 67 et suiv.

[129] Maz. 2127, fol. 105 r°, 163 r°, 152 v°.

[130] Voir sur M. de Choméane la notice de B. Arnaud, Hist. de l'académie protestante de Die, 1872, p. 50 ; celle de Haag, la France protestante, 2e édition, t. V, p. 482 et en général, sur ces académies protestantes dont nous parlons, le livre de P. Bourchenu, Etude sur les académies protestantes en France au XVIe et au XVIIe siècle, Paris, 1882, in-8°.

[131] Maz. 2127, fol. 85 r°, 162 v°, 168 v°.

[132] Grenoble, 1625, in-8°. Ce Durand était de Briançon. Cf. Maz. 2127, fol. 168 r°, 186 r° et suiv.

[133] La Milletière, Discours des vraies raisons pour lesquelles ceux de la religion en France peuvent et doivent résister par armes, 1622, p. 17 ; personnes suspectes et corrompues qui sont aux gages de la cour (Les Actes de l'assemblée nouvellement tenue à Nîmes par les députés des églises réformées contre M. de Chastillon, 1622, in-12°, p. 7).

[134] Maz. 2127, fol. 9 r°.

[135] Nous avons un état datant de 1619 (Bibl. de Sainte Geneviève, ms. 366, fol. 89 et suiv.) ; un autre de 1628 (Bibl. nat., ms. fr. 20602, fol. 52). Voir aussi : B. Hauréau, Un pensionnaire de la cour de Louis XIII, quittance du ministre apostat Jérémie Ferrier (1621), dans Bullet. de la Soc. de l'hist. du prot. français, 1856, p. 475 ; G. Rahlenbeck, Un pensionnaire du clergé catholique romain sous Louis XIII, Josué Barbier, ministre converti du Dauphiné (1629), dans le même recueil, 1855, p. 564.

[136] Procès verbal de l'assemblée du clergé de l’année 1625, Paris, 1625, in-4°, p. 632 et 654.

[137] Il y avait un receveur provincial du clergé par généralité (Édit portant création en hérédité de 17 offices de receveurs généraux provinciaux des décimes et subventions du clergé ès 17 anciennes généralités de ce royaume, vérifié en Parlement le 21 octobre 1594, Poitiers, 1628, in-8°). Louis XIII, pour accroître les ressources appliquées à ce chapitre des dépenses, eut même l'idée de demander au Saint-Siège l'autorisation de prendre sur les abbayes vacantes du royaume la moitié d'une annate, à cet effet ; Le Saint-Siège refusa, sous prétexte que ces deniers seraient administrés par des laïcs ; en réalité il pensait qu'on emploierait ensuite cet argent pour usages plus séculiers. Le roi proposa de faire administrer ces deniers par une commission d'ecclésiastiques ; l'affaire n'eut pas de suite. Bentivoglio, Lettere, t. III, p. 318 : Lettre du 15 septembre 1619.

[138] Maz. 2127. fol. 3 f et 188 r°.

[139] Maz. 2127, fol. 7 v°, 8 r°, 10 v°, 173 r°. Louis XIII expliquait à Bassompierre que moyennant ce (la conversion de Lesdiguières), il acquerroit sans coup férir toute la province du Dauphiné pour notre religion (Bassompierre, Journal, éd. Chantérac, t. III, p. 88, juillet 1622).

[140] Rohan, Mém., éd. de 1756, t. I, p. 128.

[141] La duchesse de Rohan mandait à Duplessis-Mornay : Je prie Dieu de tout mon cœur de n'en voir jamais faire autant à aucun de ceux qui sont sortis de moi. (Actes et correspondance du connétable de Lesdiguières, t. III, p. 430).

[142] Voir les raisons que donne G. Dufayard pour expliquer cet acte (Le Connétable de Lesdiguières, p. 517). Rohan juge sévèrement le connétable (Rohan, Mém., éd. de 1756, t. II, p. 2).

[143] Lettre de Cléophon à Polémandre, 1618, p. 24 et suiv. ; Bentivoglio, Relations, 1642, in-4°, p. 308. Lesdiguières écrivant à M. de la Force se félicitait de ne pas aller aux assemblées pour se trouver parmi les divisions qui s'y rencontrent à notre honte (E. Charavay, Collection de lettres autographes du règne de Louis XIII, 1873, p. 7).

[144] Rohan, Mém., éd. du 1756. t. I, p. 267. Rohan est en général sévère sur ses coreligionnaires (Cf. ses Mém., éd. Michaud, p. 564, 606).

[145] Voir : G. Schybergson, le Duc de Rohan et la bourgeoisie protestant de 1622 à 1625, dans Bullet. de la Soc. de l'hist. du prot. français, t. XXIX, p. 97-115 ; Chauffour-Kestner, De l'esprit démocratique du protestantisme français, dans Libre recherche, décembre 1859. A Montauban, dit C. Bernard (Hist. de Louis XIII, t. I, p. 271), la noblesse, comme en un état populaire et de république, n'étoit pas en grande considération. A la Rochelle la noblesse faisoit pitié à tous ceux qui la regardoient, estant gourmandée par la défiance (Mercure français, 1622, p. 777). Voir aussi D. Manceau, Journal, dans Arch. hist. de la Saintonge, 1874, p. 241.

[146] Rohan se plaint avec une douleur très digne : Mém., éd. Michaud, p. 539, 542, 604, 608 ; lettre de lui à Lesdiguières du 7 juin 1622 (Arch. des Aff. Étrang., France 776, fol. 147 v°, 163 r° ; Bibl. de l'Institut, Collect. Godefroy, t. 269, n° 42). Sur la situation difficile de Rohan dans son parti, cf. Balzac, le Prince, dans Œuvres, 1854, t. I. p. 24 ; H. de la Garde, le Duc de Rohan et les protestants sous Louis XIII, Paris, 1884, in-8°, p. 31, 57. Voir sur Rohan les ouvrages de A. Fauvelet du Toc, Hist. de Henry duc de Rohan, Paris, 1666, in-12° ; G. Schybergson, le Duc de Rohan et la chute du parti protestant en France, Paris, 1880, in-8° ; A. Laugel, Henry de Rohan, son rôle politique et militaire sous Louis XIII, Paris, 1889, in-8°.

[147] Narration d'Anne Rulman, citée par Anquez : Un nouveau chapitre de l'histoire politique des réformés de France, p. 11. Partout la noblesse était débordée. M. de Lacger, de Toulouse, écrivait à ses amis de Castres le 18 juin 1621 : C'est un malheur que vous n'ayez pu retenir la mutinerie du peuple et en être les maîtres (dans Mém. de l'Acad. des sciences de Toulouse, 1883, p. 145). M. Ch. Weiss explique comment cette situation humiliante a entraîné les nobles à se convertir (Bullet. de la Soc. l'hist. du prot. français, t. I. p. 46-50, 231-234.

[148] Histoire d'une ville protestante, p. 175-185, citée par Anquez, op. cit., p. 113. Ce Cameron était un écossais de Glasgow, il a écrit un Traité auquel sont examinés les préjugés de l'Église romaine contre la religion réformée, La Rochelle, 1618, in-8°. Il eut une affaire devant le Parlement de Bordeaux et fut condamné (Mercure français, 1616, p. 132 : 1617, p. 54). Avec lui était un autre ministre écossais nommé Primerose. Ils furent ensemble l'objet de poursuites (arrêts du conseil de 1617-1619 : Arch. nat., H. 55a, fol. 292 r° ; E. 61b, fol. 103 r°. Ce n'étaient pas les seuls pasteurs étrangers qu'il y eut en France. Louis XIII était très hostile à leur présence dans le royaume et n'en voulait plus (E. Benoît, Hist. de l'Édit de Nantes, t. II, p. 422).

[149] Rohan, Mém., éd. de 1756, t. I, p. 261 ; J.-P. Hugues, Hist. de l'église réformée d'Anduze, 1864, in-8°, p. 405. Les protestants se divisaient en zélés, pacifiques, moyens (C. Agrippa d'Aubigné, Libre discours sur l'état présent des églises réformées, 1619, in-12°, p. 261).

[150] Nous avons plusieurs listes avec les détails des gratifications, l'une de 23 gentilshommes (Maz. 2127, fol. 84 r°), l'autre de 35 (fol. 30 r°), une troisième d'une soixantaine (fol. 103 r°). Cf. Rôle des apostats et déposés protestants, Bibl. nat., ms. fr. 15822, fol. 112 r°.

[151] Il avait été élevé avec Henri IV lequel avait voulu faire élever un fils de Montbrun avec le futur Louis XIII (Lettre d'Henri IV à Montbrun publiée par la Marquise de Monspey, Lettres royales inédites extraites des archives de la maison de Monspey, dans Bullet. de la Soc. des sciences et arts du Beaujolais, 1907, p. 25 du tirage à part). Pour la nomination de Montbrun comme lieutenant général des protestants en Provence, voir : Bibl. nat., ms. Clairambault, 377, fol. 825 r° ; nouv. acq. fr. 7798, fol. 298 r° ; Mercure français, 1621, p. 330. Sur sa campagne de 1621, consulter : la lettre de M. de Saint-Chamond à Pontchartrain du 29 août 1621, Bibl. nat., ms. Clairambault 378, fol. 33 r° ; Entreprise faite sur la ville de Grenoble, Paris, 1621, in-12° ; le Récit véritable de la seconde trahison et sanglante intelligence faite sur la ville de Grenoble, Paris, 1621, in-8° ; la Lettre de Monseigneur le duc d'Esdiguières au sieur de Montbrun lui enjoignant expressément de la part du roi d'avoir à désarmer, Paris, 1621, in-8° ; la Fuite donnée au régiment du sieur de Montbrun, Paris, 1621, in-12° : puis, C. Révillout, Une page de l'histoire des guerres de religion sous Louis XIII, dans Mém. lus à la Sorbonne dans les séances du comité des travaux historiques, histoire, 1866, p. 177. Pour les affaires de 1022, moins importantes, voir Richelieu, Mém., t. I, p. 203 : la Défaite du sieur de Montbrun, de sa cavalerie et infanterie, Paris, 1622, in-8° ; la Réduction des villes du Pousin et Bay, Paris, 1622, in-12°.

[152] Maz. 2127. fol. 8 r°, 104 r°, 151 r°, 164 v°. Madame de Montbrun était fille de Lesdiguières qui, par lettre du 16 août 1622, avait demandé à Puisieux de faire dissoudre le mariage de son gendre (Bibl. de l'Institut, collect. Godefroy, 269, n° 59).

[153] Lettre de Louis XIII à Montbrun du 22 septembre 1624, Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 186 r°.

[154] Maz. 2127. fol. 101 r°. Dès la fin de 1622, Montbrun avait pour un de ses fils un précepteur catholique : le synode de Pont en Royans lui avait écrit pour le prier de congédier ce précepteur (Bibl. de Grenoble, ms. U. 893, fol. 39 ; Cf. Dufayard, le Connétable de Lesdiguières, p. 506.)

[155] Maz. 2127, fol. 7 r°, 109 v. Sur l'importance du marquis de la Charce aux Cévennes, voir E. Benoît, Histoire de l'Édit de Nantes, t. II, p. 352.

[156] Cependant je remettrai au dit prieur de Paix à vous faire entendre le soin que je veux avoir de vous et des vôtres. Lettre de Louis XIII au marquis de la Charce du 18 septembre 1624, Bibl. nat.. ms. fr. 3722, fol. 183 r°.

[157] Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 186 v°.

[158] Maz. 2127. fol. 84 r°. Gouvernet avait pris part au soulèvement du Dauphiné de 1621 avec Montbrun (C. Dufayard, le Connétable de Lesdiguières, p. 479). Voir sur ce personnage. J. Chevalier, Essai historique sur l'église et la ville de Die, t. III, p. 375.

[159] Lettre de Louis XIII à M. de Montauban pour lui faire connaître sa décision, Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 214 v°.

[160] Louis XIII le dit dans la lettre qu'il écrit au baron des Adrets le 11 septembre 1624, Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 181 r°.

[161] Maz. 2127, fol. 102 v° et 19 v°.

[162] Maz. 2127, fol. 183 r°.

[163] On disait les gentilshommes des montagnes (Actes et correspondance du connétable de Lesdiguières, t, II, p. 257). Confident de Montbrun, Champoléon prit part aux soulèvements de 1621 et 1622 (Bibl. nat., ms. ital., 1777, p. 281 : C. Dufayard, op. cit., p. 479.).

[164] Maz. 2127, fol. 84 r°, 162 r°.

[165] Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 184 r°.

[166] La lettre que lui écrit Louis XIII est datée du 22 septembre 1624, Ibid., fol. 184 r°. Voir aussi Maz. 2127, fol. 176 v°.

[167] Procès-verbal de la cérémonie dressé par Pierre Léotaud, lieutenant du juge ordinaire de Bruis, Ibid., fol. 170 r° et suiv. Visconti écrivait ensuite, [unir Tronson, dans ses comptes : plus, le 3 novembre (1624) pour la dépense du grand vicaire de Gap et deux pères capucins faits venir a Bruis pour l'abjuration du sieur de Montmorin, 40 livres, et 100 livres payés pour l'érection d'une chapelle audit Bruis, comme appert par acte public envoyé à M. Tronson (fol. 168 r°).

[168] Ibid., fol. 11 r°, 171 r°, 164 r°, 184 r°, 168 v°, 104 v°, 162 r°. Sur l'abjuration de madame de Pontis, voir le Bullet. de la Soc. de l'hist. du prot. français, t. II, p. 411.

[169] Maz. 2127, fol. 103 r°, 162 r°, 11 r°, 12 r°, 104 v°, 114 v°.

[170] Maz. 2127, fol. 103 v°.

[171] Maz. 2127, fol. 11 v°.

[172] Maz. 2127, fol. 24 r° et suiv.

[173] Pour lesquels, ajoute-t-il, S. M. ordonnera la gratification convenable à leur qualité et capacité (fol. 152 r°). Sur le baron de Brison dont nous parlons, qui se rendit odieux à Nîmes dont il fut le gouverneur protestant, nommé par les assemblées, voir Ménard, Hist. de la ville de Nîmes, t. V, p. 423.

[174] Maz. 2127, fol. 162 r°, 164 v°. L'auteur de Manifeste anglais adressé aux reformés de France sur les troubles et divisions de ce temps (Paris, 1621, in-12°, p. 7), écrivait : Pour la noblesse, hélas ! ne savez-vous pas que depuis quinze ans il y en a plus de dix mille qui ont quitté notre créance... il y en a fort peu qu'une riche pension, qu'une charge et gouvernement ne fit aller à la messe plus vite que le pas. Enfin, messieurs, la religion de la plupart est aux enchères ! Voir aussi : Avis d'un vieil conseiller d'État, (s. l.), 1620, in-12°, p. 6.

[175] Bibl. nat., ms. fr. 3722, fol. 191 r°.

[176] Maz. 2127, fol. 114 r°. On ne peut rien faire sans argent, dit-il encore. Les correspondants voulaient qu'on leur donnât de l'argent en provision (fol. 3 r°). En réalité ils étaient obligés de faire des avances et passaient leur temps à réclamer le remboursement de ce qui leur était dû. Nous avons nombre de réclamations de M de Valençay (fol. 114 v°, 123 r° et v°) surtout de Visconti (fol. 24 v°, 39 v°, 85 r°, 103 r°, 151 v°, 168 r°).

[177] Maz. 2127, fol. 176 r°.

[178] Maz. 2127, fol. 192 r° et 193 r°.

[179] Acte d'abjuration, daté du 26 octobre 1624, d'Aubert de la Villette, Ibid., fol. 173 r°.

[180] A Grenoble, le magistrat qui légalisait était M. Bon de la Baulme, juge royal et épiscopal, civil et criminel de la Cour commune de Grenoble (Ibid., fol. 181 r°).

[181] De Bellemaure écrit (le Portrait du roi, 1618, in-12°, p. 72). Je ne doute point que de la moitié des plus clairs deniers de son Épargne le roi ne voulut avoir acheté la réunion sincère des plus grosses têtes de Charenton à l'Église.

[182] Sur la confiance un peu naïve qu'on avait dans la solidité de ces conversions, voir une lettre du P. Arnoux à Richelieu du 18 octobre 1620, Arch. des Aff. Étrang., France 773, fol. 138 v°.