LE RHIN DANS L'HISTOIRE

LES FRANCS DE L'EST : FRANÇAIS ET ALLEMANDS

 

CHAPITRE V. — LES REVENDICATIONS DU RHIN PAR LES ROIS DE FRANCE AUX XIV e ET XVe SIÈCLES.

 

 

I

LA GUERRE DE CENT ANS. - LE DUC LOUIS D'ORLÉANS.

 

Après les Croisades, ce fut la guerre de Cent ans qui, à son tour, vint entraver l'expansion naturelle de la Monarchie française dans la région meusienne et rhénane. L'historien rencontre ainsi, dans les annales des peuples, des diversions inattendues, des périls occasionnels qui les détournent momentanément de leur voie traditionnelle et qu'il faut conjurer sur-le-champ ; la crise passée, leur destinée, mystérieuse comme celle des individus, reprend son évolution normale, comparable eu cela à un fleuve qu'un accident passager aurait détourné de son lit.

Durant tout le moyen âge, le principe féodal des apanages princiers, démembrant à chaque génération l'œuvre de la royauté, vient perpétuellement, pour ainsi dire à la traverse de l'instinct national et de l'ambition des rois, qui tendent à l'unité et à la centralisation. Mais en constituant des apanages pour leurs fils, nos rois n'ont jamais abdiqué leur droit de suzeraineté sur les terres et les princes apanages. Il était de l'essence même de la Féodalité que les domaines ainsi concédés fissent toujours partie de la Monarchie ; ils ne pouvaient, autrement que par félonie, devenir indépendants ou mouvoir d'une suzeraineté étrangère. C'est pourquoi les rois de France affirmèrent toujours qu'il était de leur droit strict de revendiquer et de reprendre, même par la force, les provinces qui avaient été du domaine de la Couronne, fût-ce dans le plus lointain passé. Ce sont, pour ainsi parler, des affaires dont les légistes et les chancelleries gardent les dossiers poudreux dans les bureaux et qu'ils reprendront sans relâche, dès que l'occasion leur paraîtra propice. Les droits, les arguments à faire valoir sont enregistrés ; il n'y a point, il ne saurait y avoir aliénation absolue, ni prescription ni transmission successorale qui put être considérée comme trop éloignée dans le temps ou dans l'espace. Toute terre qui a fait partie, à l'origine, de la Monarchie, doit lui faire retour : tous les moyens pour arriver à ce but sont légitimes.

Tel est le droit monarchique. Mais en fait, les princes apanages travaillent à leur indépendance particulière ; ils ne remplissent leurs obligations de vassalité qu'autant qu'ils ne peuvent y échapper, ou ils les rendent illusoires ; ils s'en dispensent dès qu'ils sont assez forts et qu'ils estiment que le Roi ne pourra les y contraindre.

La guerre de Cent ans, l'ébranlement le plus formidable que la France ait éprouvé avant la guerre actuelle, est l'épisode le plus mouvementé de la lutte de ces deux tendances contraires. Durant la première phase de la lutte, Philippe de Valois put se croire sur le point de réaliser, dans le Nord et l'Est, le plan formé par Philippe le Bel et ses conseillers. Il héritait d'une situation prépondérante dans les Flandres ; nul historien ne saurait douter que, sans la guerre anglaise, il eût tourné ses projets de revendications du côté de l'Escaut, de la Meuse et du Rhin. Il s'appuyait, en effet, sur l'alliance du prince-évêque de Liège, de l'archevêque de Cologne, du duc de Juliers, Guillaume IV, qui se fit promettre une pension de 600 livres ; du duc de Gueldre ; du comte de Hollande, Guillaume le Bon qui, en août 1328, combattit pour lui à. Cassel, en même temps que le duc de Lorraine, Ferry le Lutteur, qui y fut tué. Philippe pouvait compter aussi sur la maison de Luxembourg, toujours en étroite union avec la France. Elle avait alors à sa tête le chevaleresque Jean l'Aveugle.

Au mois de juin 1332, Philippe, tenant sa cour à Royallieu, près Compiègne, y reçut la plupart de ces princes, escortés de dix-huit cents chevaliers bannerets et autres, des parties d'Allemagne, qui vinrent grande joie démenant, le choisir comme arbitre de leurs querelles[1].

Malheureusement, le roi d'Angleterre, Édouard III, qui se prétendait, par sa mère, des droits au trône de France, se fit aussi, avec son argent, des alliés dans les Pays-Bas ; il avait épousé une fille du comte de Hainaut ; il était le beau-frère de l'empereur Louis de Bavière et du duc de Gueldre. Il eut dans son alliance le duc de Brabant, l'archevêque de Mayence, le marquis de Brandebourg, et quelques autres seigneurs qui quittèrent Philippe de Valois pour aller au plus offrant, et finalement, les Flamands poussés contre leur comte par Jacques Artevelde. La guerre était devenue inévitable : dans son défi, Édouard qualifie Philippe de Valois de soi-disant roi de France. Mais dès que la crise anglaise aura pris fin, la lutte pour ressaisir la Lotharingie, portion de l'ancien regnum Francorum fondé par Clovis, recommencera. La tradition ne s'en perdra jamais ; en dehors des hommes de loi, les poètes sont là qui agissent sur le populaire et entretiennent la flamme patriotique avec la légende de Charlemagne et de ses preux. L'un d'eux, excitant Philippe de Valois contre les Anglais, lui adresse ces vers :

Fais leur tantost apercevoir

Que Gascoingne est de toy tenue,

Et ne fais seigneur droit clamer

De tout ce qui est deça mer ;

Soit la mer borne et dessevranee

De l'Engleterre et de la France...

Flandre aussi deça soit vostre.

Ainsi, le poète préconise la reprise de la conquête de la Flandre, entamée déjà par Philippe le Bel.

Après les premiers épisodes de la guerre qui eut la Flandre pour théâtre, et où Philippe de Valois eut plutôt l'avantage, c'est à l'extension de la France du côté de l'Est et du Nord que le roi songe toujours. En 1331, il accorde des lettres de protection aux habitants de Verdun ; en 1336, il s'impose comme arbitre entre la ville et le comte de Bar. Inquiet de ces manœuvres, l'empereur Louis de Bavière défend à l'évêque de Cambrai, de laisser construire ou acheter des châteaux dans son diocèse par les Français et de leur en donner l'investiture ; il institue même les comtes de Gueldre et de Juliers, vicaires de l'Empire dans le diocèse de Cambrai. Mais tout de suite, Philippe de Valois s'oppose à l'exécution de ces projets et les bourgeois de la ville appellent dans leurs murs une garnison française[2]. L'empereur finit par vendre à Philippe tous ses droits sur le comté de Bourgogne et l'évêché de Cambrai.

Comme son prédécesseur, Jean le Bon délivre des pensions à maints féodaux et burgraves du Rhin, Ferri de Nassau et son fils ; Ourry de Dambelec ; le comte Humbert et son frère Burkard ; Ferri de Crusbach, etc. L'évêque de Tournai est délégué, en 1350, avec deux autres seigneurs, pour aller recevoir le serment de fidélité de l'archevêque de Cologne. Malheureusement, en même temps, le roi de France, pressé par l'Anglais, ne crut pas payer trop cher l'alliance de pure forme de l'empereur Charles IV, par l'abandon de ses droits de suzeraineté sur Verdun, le Cambrésis et le comté de Bourgogne[3].

Après le désastre de Poitiers (1356), pendant la captivité de Jean le Bon, le dauphin Charles, lieutenant du Roi, se rend à Metz où il rencontre son oncle, l'empereur Charles IV ; il espérait obtenir son alliance contre les Anglais. L'empereur se prête au renouvellement des anciens traités, mais c'est pure courtoisie. Charles IV mit deux ans pour faire mine de rassembler une armée ; il en écrivit aux magistrats de Metz et de Strasbourg, mais il ne passa pas la frontière : il avait trop de sujets de défiance vis-à-vis de la France, si elle venait à être victorieuse de l'Angleterre. N'est-ce pas le moment où Pétrarque écrivait que les limites de la France sont marquées par la rive gauche du Rhin ? et Pétrarque n'était que l'écho de ce qui se répétait partout.

Parmi les fermes appuis et les solides alliances du dauphin Charles, entre la Meuse et le Rhin, il faut citer, au premier rang, les ducs de Lorraine qui restent sans défaillance les fidèles vassaux du roi de France, au milieu même de nos pires désastres. Le fils de Ferri IV, Raoul, avait été tué à Crécy, aux côtés de Philippe de Valois et de Jean l'Aveugle. Le fils de Raoul, Jean Ier, fit aussi en chevalier sans peur, son devoir féodal à Poitiers. Il fut fait prisonnier à Auray, en 1364, avec Du Guesclin. Jean Ier de Lorraine, devait plus tard, donner une preuve nouvelle de son attachement à la France, à la bataille de Rosbecque où Philippe Artevelde fut tué.

Favorisés par le déchaînement de la grande guerre, des partis de pillards allemands, sous des chefs tels que Frank Hennequin et Brocard de Fénétrange, se ruèrent sur les campagnes lorraines ; d'autres se répandirent dans toute la France. Après le traité de Brétigny et la rentrée du roi Jean, en 1360, il fallut s'occuper de bouter hors du royaume ces routiers et les grandes Compagnies. Arnaud de Cervole les conduisit sur terre d'Empire, sous couleur de les emmener en Hongrie faire la guerre aux Turcs. Metz, Strasbourg, Bâle leur fermèrent leurs portes, mais ils vivaient sur le pays et l'Alsace fut dévastée. L'empereur Charles IV refusa de leur laisser traverser le Rhin ; en 1365, ils rentrèrent en France.

L'Alsace en était délivrée depuis quelques années à peine, lorsqu'elle vit fondre sur elle comme sur une proie, en 1375, Enguerrand, sire de Coucy, petit-fils du duc Léopold d'Autriche et gendre d'Édouard III, roi d'Angleterre. Ce nouveau ravageur féodal prétendait faire valoir ses droits à l'héritage de son grand-père, sur le landgraviat de la Haute-Alsace. Ce ne fut qu'un ouragan passager, mais à cette époque, les orages étaient fréquents.

En tous temps, l'action des rois de France dans les pays rhénans fut enveloppée de mystère, faite de négociations sourdes, de sommes d'argent données, d'agents secrets envoyés dans le pays. De tout ce travail latent, l'histoire n'entrevoit, de loin en loin, que des épisodes qui ne sont décousus qu'en apparence. C'est l'un de ces incidents que nous saisissons sous Charles V, lorsque en 1368, ce prince envoie à Aix-la-Chapelle et à Cologne deux agents secrets, nominés Arnoul et Hannequin-Lyon, dont la personnalité et le rôle ne peuvent être bien définis ; ils s'installent à demeure dans ces deux villes pour certaines besoingnes grosses et secrètes[4].

Les conseillers du Roi, Arnaud de Corbie, le sire de Châtillon, l'évêque d'Auxerre voyagent aussi pour le roi en pays rhénan et dans les Pays-Bas. Vers le même temps, Charles V reçoit l'hommage, moyennant pension, du sire de Bouquehont (Bouquenon sur la Sarre ?) ; de Godefroy de la. Tour, un Brabançon : de Thierry de Bâle ; de Pierre de Cederich, de Mauque de Louvain, de Clignet de Brabant et de bien d'autres seigneurs des mêmes parages. En 1371, l'évêque de Paris lui-même est député par le Roi, en Allemagne, pour certaines besoingnes touchant le profit de nous et de nostre royaulme.

Charles V renouvelle les alliances de ses prédécesseurs avec l'archevêque de Cologne, les ducs ou comtes de Clèves, Gueldre, Juliers, Berg, la Marck, et d'autres. Pour les enchaîner à la cause française, il les dote de pensions ; il les laisse tranquilles possesseurs de fiefs enclavés bien loin dans l'intérieur de la France, comme le comte de Juliers, par exemple, qui possède Lury et Vierzon, dans le Berry[5]. Toutes ces faveurs n'empêchèrent point le duc de Gueldre, en guerre avec le duc de Brabant, de retourner brusquement au parti d'Édouard III qui, lui aussi, faisait sonner ses écus. Vers 1378, le duc de Gueldre eut l'impertinence d'envoyer à Charles V des lettres de défi, où, empruntant le langage d'Édouard, il le qualifie de soi-disant roi de France. Ce rustre allemand était-il aussi arrogant quand il venait toucher sa pension ? D'ailleurs, sous Charles VI, ce même prince revint sans vergogne à l'alliance française, dès que les agents du Roi voulurent y mettre le prix[6].

L'empereur aurait bien voulu faire comme le roi de France, entretenir sa clientèle de sa bourse, mais il était trop pauvre. En 1376, Charles IV, pour assurer sa succession à son fils Venceslas, promit à chacun des Électeurs, toujours à vendre, cent mille couronnes. Ils étaient sept, que la fameuse Bulle d'or du même empereur compare aux sept chandeliers de l'Apocalypse. L'empereur, tout chamarré d'or qu'il fût, n'était pas en état de payer pareille somme ; il fut obligé d'aliéner, comme jadis les rois mérovingiens concessionnaires de bénéfices, toutes les terres qu'il possédait dans le pays rhénan ; il les abandonna au comte Palatin et aux trois Électeurs ecclésiastiques. On a dit de Charles IV qu'il avait ruiné sa maison pour acquérir l'Empire, et ruiné l'Empire pour élever sa maison. Du moins, il y réussit, et Venceslas fut élu. Mais ce rut un triste empereur et les contemporains chargent sa mémoire de toutes sortes de turpitudes. Les seigneurs de Bohême furent obligés de l'enfermer comme une bête féroce. Venceslas s'échappa. La diète de Lahnstein le déposa, le 20 août 1400, et Robert, duc de Bavière, comte Palatin du Rhin, fut élu à sa place. Mais Venceslas n'était pas homme à accepter sa déposition sans sourciller. Il avait d'ardents partisans. En France, le duc Louis d'Orléans, frère du malheureux roi Charles VI, lia partie avec Venceslas.

Dès lors, on voit le duc d'Orléans, dévoré d'ambition, riche possesseur des immenses seigneuries de Valois et de Coucy, acheter, en 1401, l'alliance du duc de Gueldre pour 50.000 écus d'or et, en 1402, celle du marquis de Bade et du comte de Nassau. Il se fait donner la garde de Toul et profite des embarras de la maison de Luxembourg pour extorquer à Venceslas, moyennant finance, le gouvernement de cette principauté. Puis, accourent à lui tous les possesseurs de fiefs de la région : tels, Jean de Schcenvorst, seigneur de Montjoie, Gérard du Boulai, le comte de Deux-Ponts et celui de Salm ; un peu plus tard, le comte de Linange et Richecourt, puis Rodolphe, comte de Sulz en Haute-Alsace, enfin Gumprecht de Neunar, Frédéric de Veldenz, le marquis de Bade et le fils aîné du comte de Saarwerden[7].

Un chroniqueur allemand rapporte que le duc d'Orléans déclarait que les terres d'Empire sises en deçà du Rhin appartiennent de droit à la Couronne de France ; c'est cette tradition du regnum Francorum de Clovis, qu'il entend exploiter à son profit, comme vassal de son frère[8]. Le voilà devenu tout à coup un danger pour l'Empire. Chacun se demande avec anxiété jusqu'où il portera son ambition inquiète. Louis ne va-t-il pas essayer de greffer ses projets de conquête sur le bouleversement matériel et moral qui est général dans la Chrétienté ? Le grand schisme d'Occident partage l'Europe en deux ou trois obédiences acharnées l'une contre l'autre et que les conciles ne font qu'exacerber.

On se racontait que le duc d'Orléans avait formé le projet de conduire le pape d'Avignon, Benoît XIII, à Rome, et de s'y faire couronner empereur. On le voit se mettre à la tête d'une ligue pour faire la guerre à Metz et au duc de Lorraine. La mort de son oncle et ennemi, le duc de Bourgogne Philippe le Hardi, survenue à Bruxelles, le 16 avril 1405, vient à point pour lâcher la bride à ces intrigues, favorablement accueillies entre Meuse et Rhin, de ce Louis d'Orléans qui nous apparaît comme une sorte de réminiscence lotharingienne, un précurseur passager des ducs de Bourgogne dont nous allons parler. Jean sans Peur, fils et successeur de Philippe le Hardi, étouffa dans l'œuf cette renaissance de la Lotharingie, en faisant assassiner son cousin, à Paris, le 23 novembre 1407.

 

II

LA GUERRE DE CENT ANS. - JEAN SANS PEUR ET PHILIPPE LE BON. - JEANNE D'ARC.

 

Le duc d'Orléans mort, la politique de revendication française dans les pays rhénans trouva tout de suite un nouveau protagoniste dans Jean sans Peur lui-même. Cette politique répondait trop au sentiment des populations pour être abandonnée : tous les partis en subissaient pour ainsi dire l'attraction, l'inéluctable nécessité : elle passa des Armagnacs aux Bourguignons, comme elle passera, plus tard, de la Monarchie à la Révolution. C'est la loi de notre race, la mystérieuse source de vie de notre nationalité française.

Jean sans Peur héritait d'immenses domaines qui, parsemés d'enclaves, se développaient depuis Anvers jusqu'à Nevers et aux deux rives de la Saône et du Rhône : il ne songea qu'à les étendre encore et, dans ce but, il reprit contre l'Empire l'attitude envahissante de son cousin qu'il avait assassiné[9]. Son pacte avec son beau-frère Jean de Bavière, sa victoire sur les Liégeois, en 1408, sa mainmise sur Besançon, ses intrigues dans le Luxembourg avec son neveu Antoine de Brabant, ses alliances avec les ducs de Lorraine et de Clèves, tous ces agissements inquiétèrent au plus haut point l'empereur Sigismond : celui-ci, à la diète de Spire, en juillet 1414, jette le cri d'alarme : Voulez-vous donc être Français !, s'écrie-t-il, en s'adressant aux délégués du Brabant, et la vérité est qu'ils ne répugnaient point à l'être. Les sympathies et les antipathies des peuples entre eux couvent, sous la domination politique, comme le feu sous la cendre. Obscures et inconscientes comme l'instinct, elles sont, de même que celles des individus, la résultante de leur passé, de leur éducation morale, de leurs traditions, de leur habitat. Et voilà pourquoi, en dépit de tout, les populations rhénanes autochtones portent toujours leur affection vers la France, et répugnent à l'association hybride que le régime féodal leur impose avec les peuples d'outre-Rhin.

Sigismond étant l'obstacle à l'ambition de Jean sans Peur, celui-ci, sans hésiter, médite de se débarrasser de lui. L'année de la bataille d'Azincourt, en 1415, l'astucieux duc de Bourgogne complote un coup de main, avec Antoine de Brabant, les ducs de Berg, de Gueldre-Juliers, et quelques autres, sur Aix-la-Chapelle, pour enlever Sigismond, le jour même de son couronnement : l'attentat échoue.

Jean sans Peur change alors d'attitude ; il se rapproche de l'Empereur ; en 1416, il va le trouver à Calais et lui rend hommage pour ceux de ses domaines qui relèvent de l'Empire ; il a, de nouveau, une entrevue avec Sigismond, à Montbéliard, en mai 1418 ; le massacre des Armagnacs à Paris, quelques mois après, rend le duc de Bourgogne trop puissant ; alors, il subit la peine du talion : par raison d'État, il est assassiné sur le pont de Montereau, en 1419.

Son fils Philippe le Bon, poussé par les mêmes mystérieux instincts qui sont le ressort de la vie des peuples, s'engage dans la même politique, accuse les mêmes convoitises dans ce pays d'entre Meuse et Rhin. En 1421, il achète le Namurois ; en 1425, il hérite du Luxembourg ; puis, par des moyens légaux ou autrement, il obtient le Hainaut, la Hollande, la Zélande, le Limbourg, la Basse Lorraine, le Brabant, Louvain, la Haute Alsace. Il entre en compétition avec le duc de Lorraine que soutient l'Empereur, et l'on assiste aux efforts de toute nature que tente Sigismond pour maintenir, sur la rive gauche du Rhin, son autorité précaire, anormale, si insolemment battue en brèche. Quel historien pourrait hésiter à reconnaître que si Louis d'Orléans, Jean sans Peur, Philippe le Bon et bientôt Charles le Téméraire, réussissent aussi rapidement à asseoir leur puissance dans ce pays, c'est que leurs ambitieux desseins correspondent aux tendances des populations ? Ils sont princes français ; toute leur cour est française ; ils instaurent l'influence et le régime français dans un ancien pays franc, foncièrement hostile aux Allemands d'outre-Rhin. Tout ce qui vient de France, la littérature et les arts, aussi bien que les nouvelles politiques, y est accueilli avec la plus grande faveur. Nous en trouvons la preuve la plus éloquente dans l'histoire de Jeanne d'Arc.

Les populations d'entre Mense et Rhin, — disons la Rhénanie, — n'avaient cessé d'être attentives aux événements qui venaient de couvrir la France de sang et de ruines, aux horreurs dont Paris fut le théâtre, au rôle merveilleux de Jeanne d'Arc, née sur leur frontière. Sans doute, les victoires inattendues et si décisives de la Pucelle eurent leur répercussion dans toute l'Europe, depuis l'Écosse jusqu'à Constantinople : on en a fourni maints témoignages ; mais les populations de la rive gauche du Rhin furent celles qui, après la France, s'émurent le plus profondément au récit de ses hauts faits[10].

C'est qu'au-dessous de l'aristocratie féodale, venue d'Allemagne, qui germanisait ce pays, les habitants se délectaient toujours au parfum de France et à ses traditions ; la mentalité et les mœurs populaires y étaient demeurées foncièrement lorraines, austrasiennes ; c'était toujours la France de l'Est, en dépit de la langue allemande parlée dans la moitié du pays. L'habitat le voulait, comme les occupations quotidiennes, les mœurs, les traditions, que dis-je ? la direction des rivières et des montagnes. Nul intérêt économique ou autre ne séparait ces populations passées nominalement dans la vassalité de l'Empire et celles qui étaient demeurées françaises.

Toutes sortes de causes naturelles et latentes, remarque Germain Lefèvre-Pontalis[11], concouraient pour créer un milieu propice à l'expansion du récit de ces émouvants épisodes de l'histoire de Jeanne d'Arc, à leur fixation écrite, à la diffusion et aux progrès d'une légende dont l'aboutissement moderne a eu pour expression dans l'âme germanique, la romantique fiction de Schiller.

Les documents rhénans relatifs à Jeanne d'Arc sont nombreux. Une lettre du 16 juillet 1429, écrite par Jean Dresch, secrétaire de la ville de Metz, montre combien les exploits merveilleux de Jeanne intéressent, captivent les esprits en Lorraine[12]. A la même date, un professeur de l'Université de Cologne, Henri de Gorkum, parle de la merveilleuse mission de Jeanne ; il enregistre avec une curiosité passionnée les récits apportés par les voyageurs ; il nous montre quelle était déjà, avant le sacre, comme le remarque Georges Goyau[13], la popularité de Jeanne d'Arc dans les pays rhénans. Un clerc de Spire écrit aussi sur la miraculeuse mission de la Pucelle. Un Mayençais, Eberhard Windecke, recueille tous les bruits qui lui parviennent et son récit est si rempli de détails, que les historiens modernes ont consacré à ce personnage des études particulières. Windecke fut historiographe de Sigismond, après avoir été négociant et avoir beaucoup voyagé pour ses affaires. Il fit à Paris un séjour de trois ans, de 1396 à 1399 ; il y revint en 1412, cette fois au service de Sigismond dont il administre les finances et dont il est l'ambassadeur. Il eut aussi à diriger, au nom de l'Empereur, des négociations relatives à la succession de Gueldre et de Juliers, en 1423[14]. Enfin, il se fixe à Mayence en 1425 et reçoit en paiement de ses services, la ferme d'une partie des péages sur le Rhin. Dans ses notes il parle de Jeanne avec une particulière sympathie, et les sentiments de l'annaliste mayençais sont si bien, comme le dit G. Lefèvre-Pontalis, le reflet de ceux de ses compatriotes, que le récit de Windecke est copié plusieurs fois, pour être répandu dans ces pays de langue allemande où rien de ce qui se passait en France n'était indifférent. Bien mieux : les Bulletins officiels que le roi Charles VII faisait porter dans les différentes villes du royaume pour agir sur l'opinion publique, parvenaient jusque dans les villes rhénanes ; ils y étaient lus et suivis, au jour le jour, avec autant d'intérêt et de curiosité que dans les villes de France elles-mêmes. G. Lefèvre-Pontalis cite, parmi les documents parvenus à Mayence et que s'arrache le public curieux : les Vers latins sur la Pucelle, presque prophétiques, écrits en mars ou avril 1420 ; la Consultation de la Commission d'enquête de Poitiers ; la Lettre de Jeanne d'Arc aux Anglais, du 23 mars 1429 ; les récits successifs de la Délivrance d'Orléans, du Sacre du Roi, de la Condamnation et du Supplice de la Pucelle, etc. Tous ces libelles ou feuilles volantes, — les premiers essais de journalisme, — sont traduits en allemand, à Strasbourg et à Mayence. Puis on voit, de même, se répandre et s'acclimater dans la littérature rhénane les Dits de la Pucelle, ainsi que les Mystères et les Légendes qui mettent Jeanne d'Arc en action.

Tel est l'enthousiasme excité en pays lorrain par la mission miraculeuse de la Pucelle, que c'est dans ce pays que prend naissance et se développe la singulière mystification de la fausse Jeanne d'Arc, Jeanne des Armoises, de 1436 à 1441. Cette aventurière se présente à des seigneurs rassemblés à Saint-Privat, auprès de Metz, leur déclarant qu'elle est Jeanne, échappée au bûcher de Rouen. Les chevaliers lorrains se cotisent pour l'armer et elle est accueillie avec enthousiasme par les naïfs Messins. Elle fait avec eux un pèlerinage à Notre-Dame-de-Liesse, dans le Luxembourg, au milieu des acclamations de toute la contrée ; on la conduit à Trèves, puis à Cologne. Ainsi enhardie, elle voulut parcourir la France et fut reçue triomphalement à Orléans. Son entrevue avec Charles VII la perdit. Mais ce que nous devons retenir ici, c'est que l'aventurière venait de Lorraine où il lui avait suffi d'évoquer le nom de Jeanne d'Arc, pour soulever les populations de Metz, de Trèves et de Cologne.

 

III

CHARLES VII ET PHILIPPE LE BON APRÈS L'EXPULSION DES ANGLAIS.

 

Frédéric III, de la maison de Habsbourg, élu Empereur en 1440, prince incapable et sans moyens d'action, laissa s'introduire dans l'Empire tous les abus et tous les désordres. Le roi de France profita de sa faiblesse, et bien qu'il eût, lui-même, à réparer dans son royaume d'effroyables désastres, on le vit, aussitôt après l'expulsion des Anglais, manœuvrer pour s'immiscer dans les affaires de la Lorraine, de la Suisse et de la Rhénanie.

Si les limites effectives de la France d'alors sont bien, comme le héraut Berry le constate, à peu près la Meuse et l'Escaut[15], on est d'accord pour réclamer leur élargissement au nom du droit et de la tradition. A la cour de Charles VII, légistes, politiques, écrivains et gens de guerre reviennent à l'idée de la conquête de ces pays de Bourgogne, de Lorraine et du Rhin que la nature a séparés de l'Allemagne et qui tendent les bras à la France. Chacun rappelle qu'ils ont, jadis, relevé de la Couronne, qu'ils ont fait partie du regnum Francorum et qu'il est juste et légitime de les reprendre. Trois ans après le supplice de la Pucelle, en 1434, Guillebert de Metz, exaltant le beau royaume de France, écrit : Je ne parle mie de tous les roys de France ne de leurs colateraux qui estoient roys d'Austrasie, dont le principal siège estoit à Mès (Metz) en Lorraine, qui estoit appelée ès croniques l'ancienne France. Le même chroniqueur évoque la gloire de Charlemagne, le modèle que les rois de France, ses successeurs, doivent imiter, en reprenant tous les pays qu'il a possédés : Liège, Flandres, Haynau, Brabant, Guerles, Juliers, la haulte et la basse Bourgoingne, Provence, Savoie, Lorraine, Luchembourc, Més, Toul, Verdun, Trèves, Couloingne (Cologne), Maience, Strasbourc[16].

Au témoignage d'Æneas Sylvius, chacun répète, dans l'entourage du Roi, qu'il faut profiter des circonstances pour revendiquer les anciens droits de la Couronne de France sur tous les pays situés en deçà du Rhin[17]. Le Roi déclare publiquement, en 1444, que le royaume de France a été, depuis beaucoup d'années, dépouillé de ses limites naturelles qui allaient jusqu'au Rhin et qu'il est temps d'y rétablir sa souveraineté.

Ainsi, les plus grands malheurs de la Monarchie n'avaient pas réussi à imposer la prescription à cette tradition constante des limites naturelles de la France, héritière de la Gaule antique. La voix des ancêtres sort de la tombe, toujours et sans relâche. Ces visées sur le pays rhénan étaient encouragées par l'état d'anarchie dans lequel se trouvait l'Empire germanique.

L'intervention de Charles VII fut sollicitée, à la fois, par l'empereur Frédéric III contre les Suisses, et par le duc de Lorraine, René Ier d'Anjou, contre les villes impériales. Le Roi se hâta de promettre sa double assistance armée. Il y trouvait l'avantage d'employer à ces expéditions simultanées les bandes guerrières, débris des Grandes Compagnies, qui tenaient garnison en France, dans diverses provinces où elles se rendirent célèbres sous le nom d'Ecorcheurs. C'était le moyen de s'en débarrasser. Il fallait un exutoire à ces soudards dont on n'avait plus l'emploi, depuis la fin des hostilités et qu'on ne voulait plus continuer à payer. Comment licencier cette soldatesque ? Il ne suffisait pas de châtier, de temps à autre, quelques chefs de bandes, comme ce terrible Robert de Sarrebruck que Charles VII, en 1441, contraignit à crier merci[18].

L'alliance avec Frédéric et le roi René permettait de se débarrasser des brigands de toute espèce, en les utilisant. Elle avait, en outre, pour le roi de France et pour René, l'avantage de tenir en échec la puissance si redoutable du duc de Bourgogne, Philippe le Bon. Ce dernier, essayait en ce moment, de mettre la main sur le Luxembourg et la principauté de Liège où il avait réussi à introniser comme évêque, son neveu, Louis de Bourbon, âgé de 17 ans. Philippe disait à qui voulait l'entendre, que son but était de se constituer un royaume pareil à celui du roy Lothaire, fils de l'empereur Charles le Grand. Il voulait restaurer l'ancien royaume de Lotharingie. Mais ce projet qui ravivait dans le pays, des souvenirs de grandeur et d'indépendance, ne pouvait être du goût de son suzerain, l'empereur Frédéric III. Ce dernier offrit à Philippe de lui constituer un petit royaume de Brabant. Le duc de Bourgogne dédaigna le présent : il formait d'ailleurs, en ce moment même, avec l'archevêque de Trèves, un complot pour détrôner l'Empereur. Plus tard, Philippe pourra dire aux ambassadeurs du roi de France Louis XI : Je veux que chacun sache que si j'eusse voulu, je feusse roy[19].

Contre ce redoutable vassal, Frédéric pouvait s'entendre avec Charles VII. D'autre part, le roi René, duc de Lorraine, avait besoin de son beau-frère Charles VII, contre la ville de Metz. René avait emprunté aux Messins une somme d'argent qu'il refusait de rendre, par la bonne raison qu'il était à peu près insolvable. Charles VII qui venait de conclure avec les Anglais la trêve du 28 mai 1444, fut d'autant plus heureux d'intervenir qu'il caressait avec son fils — le futur Louis XI — des projets d'annexion territoriale. Le dauphin Louis conduisit en Suisse une armée de routiers et d'Écorcheurs avec laquelle il battit les confédérés suisses auprès de Prateln, à la maladrerie de Saint-Jacques. Mais, après la paix qui fut signée, à Ensisheim, avec les Bâlois et les délégués des autres cantons, le Dauphin répondit sans détour, aux ambassadeurs de l'Empereur venus pour le complimenter, mais qui en restèrent stupéfaits, qu'il était venu non point pour leur maître, mais pour revendiquer les droits du royaume des Gaulois qui s'étendait jusques au Rhin, et pour recouvrer certaines terres soumises anciennement à la Couronne de France, qui s'étaient soustraites, volontairement et frauduleusement, à l'obéissance de cette Couronne.

Malheureusement, les terribles ravageurs qui composaient l'armée française avaient indisposé les populations, si bien que lorsque le dauphin Louis réclama au duc d'Autriche, landgrave d'Alsace, les places fortes qui lui avaient été promises pour caserner ses soldats, ce dernier refusa net de les livrer. Alors, Louis installa les Écorcheurs en Alsace, de force. Malgré les résistances des villes, il les établit en quinze quartiers d'hiver, de Montbéliard jusqu'aux environs de Strasbourg. Ils commirent là, pendant six mois, les plus épouvantables méfaits[20]. En avril 1445, l'Alsace les vit partir avec joie ; elle avait trouvé crue l'occupation française n'était guère préférable pour elle à la domination autrichienne détestée.

Pendant ce temps, Charles VII, en personne, s'était porté avec une armée sur les marches de Lorraine, pour reconquérir — il ne s'en cache point — les pays de la rive gauche du Rhin qui, jadis appartenaient à la France : Scavoir faisons, déclare-t-il le 14 septembre 1444, à tous présents et à venir, que comme puis naguère nous nous soions transportés vers les marches du Barrois et de Lorraine et vers les Alemaignes pour aucuns grants affaires touchans nous et nostre Seigneurie, et meismement pour donner provision et remède à plusieurs usurpations et entreprises faites sur les droitz de noz royaume et couronne de France, en plusieurs païs, seigneuries, citez et villes estons deça la rivière du Rein, qui d'encienneté souloient estre et appartenir à nos prédécesseurs roys de France[21].

Mais l'armée du Roi n'était pas composée d'éléments plus disciplinés que celle du Dauphin. Les populations, françaises de cœur, virent venir avec terreur ces régiments de pillards. Pourtant, la ville d'Épinal accueillit bien le Roi (4 septembre 1444) qui lui garantit ses franchises. Metz opposa, au contraire, aux Écorcheurs la résistance la plus vigoureuse. En vain, un légiste habile, le conseiller du roi, Jean Rabateau, expose avec fermeté aux ambassadeurs messins : Le Roi prouvera suffisamment, si besoin est, par les chroniques et par l'histoire, que les Messins ont été, de tout temps, sujets du Roi, de ses prédécesseurs et du royaume. — Le dit roy de France et ceux de son Conseil, rapporte le chroniqueur Mathieu de Coucy, entendoient quant à eux, faire guerre à bon titre, disant qu'icelle ville et cité, de très longtemps et d'ancienneté, estoit et devoit estre tenue soubs la souveraineté de la Couronne de France. Ce fut peine perdue ; les Messins tinrent bon : amis des Français, exécrant les Allemands, Français eux-mêmes par la langue, les mœurs, leurs traditions, mais par dessus tout, jaloux de leur autonomie politique.

Il en était de même, au fond, de toutes les petites souverainetés des pays rhénans. Désorientées, depuis tant de générations, par le particularisme féodal, ne sachant plus à quel saint se vouer, on les voit, finalement, invoquer tour à tour l'appui du Roi contre l'Empereur et l'appui de l'Empereur contre le Roi, ne cherchant, en réalité, qu'à se rendre indépendantes, comme le firent les Cantons suisses, à l'abri de leurs montagnes. Le Roi, dit Jean Rabateau, estoit bien adverti qu'ils estoient coustumiers de faire et trouver telles cantelles et cavillation, et comment quand l'empereur d'Allemagne estoit venu... à grande puissance et intention de les vouloir contraindre d'obéir à luy, pour leur défense, ils se disoient lors estre dépendants du royaume de France et tenants de la Couronne ; semblablement, quand aucuns roys des prédécesseurs du roy de France estoient venus pour les faire obéir à eux, ils se disoient lors estre de l'Empire et subjects de l'Empereur. (Mathieu de Coucy[22].)

Le 28 février 1445, Charles VII renonçant à séduire ou à réduire les Messins, signa avec eux un accord par lequel ils .s'engagèrent notamment à abandonner les créances qu'ils avaient sur le bon roi René. Ils donnèrent quittance à leur duc, de cent mille florins sur la somme qu'ils lui avaient prêtée et ils rentrèrent dans le devoir, en conservant leurs libertés qu'ils achetèrent toutefois moyennant 200.000 écus d'or payés au roi de France. La plupart des autres villes de Lorraine, Saint-Nicolas-de-Port, Toul et Verdun, moins fortes que Metz, acceptèrent la protection du roi de France et se mirent sous sa sauvegarde, dont elles promirent de payer les avantages par une redevance annuelle[23].

Si, au point de vue militaire et des agrandissements territoriaux, cette campagne de 1444 fut d'un médiocre résultat, elle n'en eut pas moins une énorme influence morale sur les populations rhénanes. La Monarchie française, comme on l'enseignait, remontait à Clovis qui avait possédé toute la Gaule, y compris l'Austrasie franque ; son domaine ainsi fixé, restait inaliénable ; seules, l'usurpation, la force ou la fraude en avaient distrait certaines parties que les. rois de France devaient chercher à recouvrer, inlassablement et par tous les moyens. L'expédition rhénane de Charles VII et du dauphin Louis montra au peuple rhénan que, libéré des Anglais, le roi de France n'abandonnait rien de ses revendications séculaires sur le Rhin. La bannière du roi de France, écrit justement Petit-Dutaillis, avait été promenée victorieusement jusqu'au Rhin, dans les pays mêmes que le duc de Bourgogne convoitait. Enfin, l'alliance avec les Suisses avait été amorcée.

Charles VII continua à flatter et à subventionner les petits souverains rhénans, menacés par l'ambitieux duc de Bourgogne. En 1445, ses émissaires concluent des traités d'alliance avec l'archevêque de Trèves, Jacques de Sierck, ancien conseiller du roi René ; avec l'Électeur Palatin Louis de Bavière, naguère allié de Philippe le Bon ; avec l'archevêque de Cologne, alors en guerre avec le duc de Clèves, beau-frère de Philippe le Bon : Charles VII envoie même à l'archevêque 400 hommes d'armes et 1.200 archers. D'autres traités sont signés avec le duc de Juliers ; le comte de Bankenheim ; Frédéric, Électeur de Saxe ; Guillaume, duc de Saxe, compétiteur de Philippe le Bon pour le Luxembourg[24]. Ces féodaux allemands ne feront pas longtemps honneur à leur signature.

Ils continuaient d'ailleurs leur vie de brigandage. L'Électeur Palatin, Frédéric le Victorieux, étant en insurrection contre Frédéric III, celui-ci envoya Louis le Noir, duc de Deux-Ponts, ravager le Palatinat. En 1461, dix-huit princes étaient coalisés contre lui ; l'Électeur vainquit tous ses ennemis. Mais les campagnes furent pillées et incendiées jusqu'à la dernière grange et au dernier moulin.

De ces affreuses misères, il ressortait, pour les populations affamées et bouleversées, que le roi de France seul, était leur véritable protecteur, le premier monarque d'Occident : l'Empereur n'ayant, comme les Mérovingiens fainéants, qu'un prestige de majesté vaine. Dans la réalité des faits comme dans la tradition, il était patent qu'en dépit du protocole, le véritable successeur de Charlemagne n'était pas l'empereur allemand, mais le roi de France. Dans le Débat des hérauts d'armes de France et d'Angleterre, rédigé vers 1455, le héraut de France invoque, comme toujours, Charlemagne, ses exploits, l'étendue de son empire franc : Charlemagne, le modèle des guerriers et des chevaliers français[25].

 

IV

LOUIS XI ET CHARLES LE TÉMÉRAIRE.

 

Les dix années de règne de Charles le Téméraire, comme duc de Bourgogne (de 1467 à 1477), ne sont qu'un nouvel épisode de la grande et éternelle Question d'Occident ; mais la vigueur et la puissance des champions en présence donnent à la lutte un caractère particulièrement dramatique. La maison de Bourgogne y succomba ; la France s'y trouva menacée d'un démembrement et d'un abaissement comparables à ceux qu'elle avait subis durant la guerre de Cent ans, car, si le Téméraire eût réussi à créer un grand royaume dans la France de l'Est, la monarchie capétienne eût été dans un péril aussi grave que lorsque les rois d'Angleterre possédaient la Normandie et la Guyenne.

Charles, que ses contemporains surnomment le hardi, le guerrier, le terrible, le téméraire, avait 34 ans à la mort de son père ; il voulut, plus ambitieux encore que lui, reconstituer le vieux royaume carolingien de Lotharingie, en lui donnant pour limites, au sud, la Méditerranée et au nord le Pas de Calais, en l'appuyant, d'une part, aux Alpes et au Rhin, et d'autre part, aux Cévennes et jusqu'à la Somme. A la vérité, cette vaste contrée n'était homogène ni par l'habitat, ni par le climat, les traditions et les mœurs. On y parlait plusieurs dialectes de la langue d'oc et de la langue d'oïl, ainsi que des dialectes tudesques, l'allemand, l'alsacien, le hollandais, le flamand. Mais le régime féodal ne tenait aucun compte de ces différences et il rapprochait ou dissociait, suivant le hasard des héritages, des mariages, des partages de famille, les principautés, souverainetés ou seigneuries les plus disparates.

Louis XI, après avoir racheté les villes de la Somme, ses terres et seigneuries de Picardie, et pour cela, renoncé à tous ses droits sur le Luxembourg, reprit la politique d'intervention de son père dans les affaires de Liège. A cette époque, les villes du pays wallon étaient, comme celles de la Flandre, des centres d'industrie très florissants ; le parti démocratique, très ardent, s'y était développé au détriment de l'autorité féodale du prince-évêque, de même qu'en Flandre au préjudice du comte. L'évêque de Liége étant soutenu par le duc de Bourgogne, les démocrates, qui formaient le parti vrai liégeois ou national, s'appuyèrent sur le roi de France. Dès 1461, Louis XI promit de les protéger et favorisa leur révolte contre Louis de Bourbon[26].

Le duc Charles soutint l'évêque et se montra ainsi, dès le premier jour, pour le roi de France un vassal terriblement dangereux. Voulant acquérir, de gré ou par force, les terres qui formaient des enclaves au milieu de ses domaines ou dont la possession devait arrondir ses frontières, les Liégeois subirent ses premiers coups ; sans égard pour leur alliance avec Louis XI, ou peut-être à cause d'elle, le duc Charles les força à lui remettre les clefs de leur ville, et au début de novembre 1467, il fit son entrée à Liège en conquérant ; Tongres et le duché de Gueldre subirent un sort semblable. On sait comment en 1468, Charles eut avec Louis XI, à Péronne, une entrevue à la suite de laquelle il retint, dans la vieille prison où mourut Charles le Simple, le roi de Franco lui-même qu'il ne relâcha qu'après lui avoir fait signer un traité humiliant.

L'année suivante, Charles le Téméraire fut assez adroit pour se faire remettre en gage le comté de Ferrette et les autres possessions autrichiennes d'Alsace, en payant les dettes de l'archiduc Sigismond. A cette occasion, les commissaires du duc de Bourgogne étant venus à Thann, furent reçus par Sigismond qui, le 21 juin 1469, leur offrit un souper maigre, — car c'était jour d'abstinence, — dont on a longtemps gardé le joyeux souvenir dans le pays. Les chroniques nous en ont conservé l'assiette. On se mit à table à 4 heures de l'après-midi ; parmi les convives, on distinguait le margrave de Bade, assis à côté du duc d'Autriche. Sur le banc où étaient assis lesdits duc et marquis, et au plus près dudit duc, fut mise une petite serviette, et sur laquelle deux grosses coupes d'argent doré, couvertes, pesant huit ou dix marcs, toutes pleines de vin. On servit, d'abord, des œufs pochés, puis, entre autres, un plat de vairons, des chaffots frits, lesquels mondit seigneur a répandus sur la table ; des raves cuites découpées bien menu ; des truites ; deux écuelles pleines de vinaigre pour toute la compagnie ; un plat de soupe de cerises fortes ; après, des truites mises en sauce jaune ; après, des pois en cosse ; après, des truites rôties, et des beignets en façon de poires. Après, fut apporté à laver à mondit seigneur d'Autriche seul ; et après, à messieurs les marquis de Bade et de Rothelin (Rudelin). Le service était fait par un écuyer tranchant et d'autres trancheurs. Quand monseigneur d'Autriche voulait boire, un écuyer le servait d'une desdites coupes ; tandis qu'il buvait, il lui tenait la couverte de ladite coupe dessous. Le margrave de Bade buvait ferme aussi, mais on ne lui tenait pas la couverte dessous. Sur tous les mets il y avait de la poudre (sans doute de safran), et sur les bords des plats, bien largement. Les chevaliers, notaires et autres gens de peu faisaient ripaille à d'autres tables et dans les salons voisins.

Sigismond avait un besoin dévorant d'argent pour soutenir la guerre qu'il faisait aux Cantons suisses ; Charles le Téméraire ne demandait pas mieux que de lui en prêter. Moyennant 500.000 florins, résume Petit-Dutaillis[27], Charles le Téméraire acquit les droits que Sigismond avait conservés dans le comté de Ferrette, le landgraviat de la Haute-Alsace, les villes forestières de Rheinfelden, Sœckingen, Laufenbourg et Waldshut, et le comté de Hauenstein ; il pouvait notamment y racheter les terres engagées par les ducs d'Autriche : il devait tout abandonner le jour où Sigismond lui rembourserait, en une fois, et les 500.000 florins, et les dépenses que Charles aurait faites pour le bien de l'Alsace. Une clause secrète promettait l'assistance de Charles le Téméraire au duc d'Autriche, s'il était attaqué par les Suisses. Il était bien évident, pour le duc de Bourgogne, que Sigismond ne serait jamais en état de le rembourser et par conséquent de recouvrer ses domaines rhénans.

Le landgraviat de la Haute-Alsace avait eu beaucoup à souffrir des Suisses, après le départ des Écorcheurs. Les montagnards y avaient fait de fréquentes incursions pour ravager les terres de leur ennemi, le duc d'Autriche. Ce fut un noble alsacien, Pierre de Hagenbach que Charles le Téméraire chargea, avec le titre français de grand bailli, de rétablir l'ordre et la sécurité dans le pays. Mais lorsqu'Hagenbach voulut introduire la domination bourguignonne dans les grandes républiques de Mulhouse, de Bâle et de Colmar, ces villes, aussi jalouses de leurs libertés et de leur indépendance que les Cantons suisses, se révoltèrent, comme Metz s'était dressée en face de Charles VII. Par le traité du 14 mars 1473, appelé la Basse Union, Bâle, Colmar, Mulhouse, Strasbourg, Schlestadt, le margrave de Bade conclurent une alliance de dix ans contre Charles le Téméraire. Partout on prit les armes. Hagenbach que Charles, occupé en Lorraine, ne put secourir à temps, fut jeté en prison, traduit devant une haute cour de justice, condamné à mort et décapité le 9 mai 1474. La domination bourguignonne en Alsace disparut avec lui[28].

Pendant que se déroulaient ces tragiques événements, Charles travaillait le faible Frédéric III. Il venait d'imposer, le 15 octobre 1473, au duc de Lorraine, un traité qui lui donnait, à lui et à ses armées, le droit de passage dans toute la Lorraine et lui livrait les principales places fortes du duché. Frédéric III vint à Trèves conférer avec l'astucieux duc de Bourgogne qui, passant tour à tour des flatteries aux menaces, s'enhardit jusqu'à demander à l'Empereur le titre de Roi des Romains. Il offrit, en échange, la main de sa fille Marie pour Maximilien, le fils de Frédéric[29]. Après cela, Charles se chargerait de chasser les Turcs et de réduire à l'impuissance le roi de France, le perfide Louis XI, l'empoisonneur, le fratricide, l'éternel perturbateur de la paix entre les fidèles[30].

Ces propositions grandioses effrayèrent le timide Frédéric qui recula ; dès lors, Charles en fit de plus modestes. Il se contenta de demander, en échange de la main de sa fille pour Maximilien, que la Bourgogne fût érigée en un royaume qui comprendrait, outre ses domaines, les évêchés d'Utrecht, de Tournai, de Cambrai, de Toul et de Verdun, la Lorraine et la Savoie. L'empereur parut si bien se prêter à cette combinaison, que le Téméraire fit préparer à Trèves la cérémonie de son couronnement[31].

Mais Frédéric se trouva tout à coup mis en défiance par les Princes électeurs qui ne se souciaient point d'avoir en Lorraine un voisin aussi redoutable ; Louis XI, informé par ses agents de ce qui se tramait à Trèves, fit secrètement des ouvertures à Frédéric, lui demandant pour le dauphin de France la main de sa fille Cunégonde. Charles s'irrita ; il paraissait tenir l'Empereur sous sa griffe. Qu'allait-il advenir ? Soudain, le 23 novembre, Frédéric III quitta Trèves sans prévenir et rentra en Allemagne. Le duc de Bourgogne furieux et déçu, se dédommagea en jetant son dévolu sur le riche Électorat ecclésiastique de Cologne. Il fut appelé dans ce pays par l'archevêque, Robert de Wittelsbach, qui, criblé de dettes, comme tous les féodaux allemands, avait voulu pressurer par trop ses sujets ; ceux-ci se révoltèrent et le Chapitre déposa l'archevêque qui ne trouva rien de mieux à faire, pour se venger, que d'appeler sur son pays la domination bourguignonne. Charles le Téméraire accourut, ravagea la contrée et mit le siège sous les murs de Neuss.

Louis XI qui soutenait par sa diplomatie et de son argent les ennemis du duc de Bourgogne, épiait, lui aussi, le moment d'intervenir. En 1474, il réussit à conclure contre Charles le Téméraire une alliance qui comprenait les Suisses, René II de Lorraine, le duc d'Autriche, Sigismond et l'Empereur.

Tandis que le Téméraire était encore occupé au siège de Neuss, où, pendant un an il usa inutilement ses forces, les Suisses osèrent envahir la Franche-Comté et la Savoie ; Louis XI envoya des armées en Picardie, en Bourgogne, en Franche-Comté, eu Luxembourg. Bref, la bataille de Grandson, sur la rive méridionale du lac de Neufchâtel, est du 2 mars 1476 ; celle de Morat, du 22 juin ; enfin, celle de Nancy où Charles le Téméraire trouva la mort, du 5 janvier 1477. Le lion était abattu. Quatre jours après, le 9 janvier, Louis XI écrit au sire de Craon : Maintenant, est temps d'employer tous vos cinq sens de nature à mettre les duché et comté de Bourgogne en mes mains[32].

Les historiens, après avoir raconté en détail ce grand drame de l'histoire de l'Europe occidentale, faisant un retour sur les événements, ont recherché les causes des échecs successifs de celui qu'on appelait comme son père, le Grand Duc d'Occident, et ils se sont demandé si le hardi projet, conçu par les ducs de Bourgogne, de la restauration du royaume de Lotharingie était réalisable. On ne peut douter qu'il répondit aux aspirations des habitants pour lesquels l'intrusion des Allemands d'outre-Rhin dans leur pays était aussi insupportable que, jadis, celle des Germains d'Arioviste. Mais au XVe siècle, remarque Petit-Dutaillis, aux desseins de Philippe le Bon et de Charles le Téméraire s'opposaient la nature elle-même, puis l'existence de petits États déjà constitués, la Lorraine et la Savoie, qu'il fallait absorber, et surtout l'inévitable résistance de la Royauté française et des Allemagnes, qui, malgré la faiblesse de l'empereur, étaient, dit Commynes, si grandes et si puissantes qu'il est presque incroyable[33].

Louis XI, sans perdre haleine, rassembla une armée, appela Commynes et le bâtard de Bourbon et il leur bailla pouvoirs nécessaires pour mettre en obéissance tous ceux qui s'y voudroient mettre. Ses conseillers légistes lui fournirent des arguments, variés suivant les pays, pour justifier ses reprises. C'est ainsi qu'à Abbeville, il fit déclarer que ces terres baillées par Charles VII, en 1435, devoient retourner en deffaut d'hoir masle ; à Arras, que le Roy prétendoit la ville sienne par le moyen de confiscation. En Bourgogne, il invoqua la garde noble. Il occupa le Hainaut et des territoires d'Empire à titre de nantissement préalable, sauf à les restituer ensuite, après jugement, s'il le fallait. Dans les Flandres, il fit appel au sentiment national ; il dit aux habitants Si ma cousine était bien conseillée, elle espouseroit le Dauphin ; vous autres Wallons, vous parlez françois, il vous faut un prince de France, non pas un Allemand[34].

La fille de Charles le Téméraire, Marie de Bourgogne, était fiancée, lorsque son père mourut, à Maximilien d'Autriche, le fils de l'empereur Frédéric III. Comment pourrait-elle maintenir l'intégrité de ses États incohérents, entourée qu'elle était, d'ennemis qui les voulaient dépecer ?

Outre Louis XI, le plus avide et le plus redoutable et, reconnaissons-le, le mieux justifié devant l'histoire, puisque ces États n'étaient que des démembrements de la Couronne de France, d'autres seigneurs de moindre importance se ruaient à la curée. Le duc de Lorraine, René II, réclamait un morceau ; Sigismond d'Autriche et les Suisses jetaient leur dévolu sur des portions de la Franche-Comté ; le comte Palatin et le duc de Bavière voulaient faire valoir d'anciens droits sur le Hainaut, la Zélande, la Hollande, la Frise. Louis XI, enfin, était bien résolu à défaire et destruyre ceste maison et en départir les seigneuries en plusieurs mains[35]. Il projetait de faire épouser l'héritière de Bourgogne par le dauphin Charles ou quelque autre seigneur français, afin de recouvrer sans débat ce qu'il prétendoit estre sien. En attendant et pour plus de sûreté, il continuait à annexer. Après les villes de la Somme et de l'Artois, ce furent la Flandre, le Hainaut et les deux Bourgognes, duché et Franche-Comté. Pour se ménager des alliés, il consentait à abandonner, au moins provisoirement, le Brabant, la Hollande et aultres grandes pièces, à aucuns seigneurs d'Almaigne, qui seroient ses amys et qui lui aideroient à executer son vouloir[36]. L'amplitude des ambitions du Roi est formellement exprimée dans cette déclaration des bourgeois de Lyon : Le Roi a voulu et veult tosjours soubstenir et maintenir que le royaume s'extend d'une part jusques ès Alpes, où est encloz le pays de Savoye, et jusques au Rhin, où est encloz le pays de Bourgoigne[37].

Mais l'héritière de Bourgogne, hélas ! épousa Maximilien, le 21 avril 1477. La rivalité de la maison de France et de la maison d'Autriche en fut l'inévitable conséquence. Elle éclata tout de suite. La mort de Marie de Bourgogne, le 27 mars 1482, fit entrer la lutte dans la voie diplomatique. Le traité d'Arras, du 23 décembre 1482, reconnut l'héritage de Bourgogne aux deux enfants de Maximilien, Philippe le Beau et Marguerite ; les Pays-Bas restèrent à l'Autriche qui garda aussi la Franche-Comté, le landgraviat d'Alsace et le comté de Ferrette.

Le grand succès, pour Louis XI, fut la réintégration dans le domaine de la Couronne de France, de la Picardie, de l'Artois, du Charolais et du duché de Bourgogne. Mais l'installation définitive de la Maison d'Autriche dans les Pays-Bas devait fatalement rallumer la guerre. C'était la question rhénane toujours posée, jamais résolue. Quoi qu'il en soit, Louis XI avait lieu d'être satisfait. Il avait travaillé à reconstituer la monarchie de Clovis et de Charlemagne qui restait l'idéal rêvé par nos rois. Si, sur la fin de sa vie, Louis XI manifesta une dévotion toute particulière pour Charlemagne, ce fut sans doute à cause de ses succès dans les efforts qu'il fit pour rétablir la Monarchie franque dans toute son ampleur carolingienne. Il fit exécuter un reliquaire en forme de bras, en or massif, qu'il envoya à Aix-la-Chapelle, et dans lequel on plaça l'humérus droit de l'Empereur[38].

Pour ce, en 1482, les chanoines furent dotés par le roi de France d'une rente annuelle de 4.000 livres tournois, et l'on peut bien supposer que, — Louis-XI n'étant guère prodigue de pareilles libéralités, — celle-ci cachait une arrière-pensée politique, comme les pensions payées aux princes rhénans. Les chanoines ne manquèrent pas de faire renouveler leur allocation annuelle, sous chaque règne, jusqu'à la Révolution[39].

Ce n'est pas tout. Louis XI donna à l'Université de Paris pour patron saint Charlemagne et il instaura le culte de saint Charlemagne dans toute la France. Il ordonna, dit un contemporain, Robert Gaguin, de rendre à Charlemagne les honneurs dus aux saints, et il envoya dans les villes des messagers pour indiquer au peuple le jour de la fête[40]. Le Parlement de Paris décida qu'en l'honneur de saint Charlemagne, le 28 janvier serait jour férié.

C'est peut-être l'occasion, dirons-nous ici, avec le savant auteur de l'Histoire poétique de Charlemagne, de mentionner le respect dont les rois de France, depuis le XVe siècle, ont entouré la mémoire de celui qu'ils appelaient même leur progéniteur. Un usage singulier en est la preuve : à chaque sacre, le nouveau roi de France envoyait à Aix-la-Chapelle le drap mortuaire qui avait servi aux funérailles de son prédécesseur, pour être étendu sur le tombeau de Charlemagne[41]. Cet usage fut respecté jusqu'à la mort de Louis XV, en 1775.

 

V

CHARLES VIII ET LOUIS XII (1483-1498).

 

Au traité d'Arras, en 1482, le roi de France n'avait reçu l'Artois, la Franche-Comté et le Charolais qu'en nantissement de la dot de Marguerite de Bourgogne, fille de Maximilien, qui n'avait alors que quatre ans : cette princesse fut promise au dauphin Charles. Mais lorsque celui-ci, devenu le roi Charles VIII, jugea plus conforme à ses intérêts d'épouser Anne de Bretagne, en 1491, Maximilien mécontent réclama la dot de sa fille éconduite. Il prétendit même exercer son droit de reprise sur tout l'héritage de Charles le Téméraire, et sans attendre, dès le 5 novembre 1492, il rentra dans Arras ; le mois suivant, ses troupes envahirent la Franche-Comté. A la cour de France, raconte H. Lemonnier, les anciens conseillers d'Anne de Beaujeu, comme Graville et Gié, étaient d'avis de pousser la guerre contre Maximilien, et même de garder sa fille en otage. Graville disait assez aigrement aux envoyés de Maximilien : Si le Roy mon maistre voulait croire mon conseil, il ne vous rendroit jamais fille ne fillette, ville ne villette. Mais Charles VIII n'écouta pas Graville ; il restitua à Maximilien, l'Artois, le Charolais et la Franche-Comté[42].

Le Roi avait hâte de faire la paix dans le Nord, pour marcher sur les traces des preux de Charlemagne, en entreprenant sa campagne d'Italie, à la, sollicitation de Ludovic le More. Le duc de Milan lui répétait : Je vous aiderai à vous faire plus grand que ne fut jamais Charlemagne[43]. Il s'agit donc toujours d'atteindre l'Empire allemand. Mais Philippe de Crèvecœur, l'un des conseillers de Charles VIII, trouve que c'est prendre une voie détournée ; en vain, il représente au Roi que c'est dans les Pays-Bas qu'il doit frapper la maison d'Autriche. Charles VIII est persuadé qu'il atteindra mieux son but, et plus aisément, par l'Italie. Il est curieux de remarquer à la suite d'Albert Sorel, que c'est également en Italie, avec Bonaparte, que la Révolution attaquera et vaincra la Maison d'Autriche, en 1796[44].

Depuis le haut moyen âge, les empereurs allemands avaient la prétention de dominer en Italie. A cause de l'origine germanique des Lombards, ils prétendent que la Lombardie est terre allemande. Ils vont en Italie se faire couronner ; ils y descendent, appelés par les papes ou pour leur faire la guerre ; ils possèdent jusqu'à la Sicile, où, dès le mir siècle, ils se heurtent aux Français. Les rois de France estiment qu'il est habile de les suivre dans ce pays, pour les atteindre plus sûrement. Ils sont appelés par les Italiens ; ils connaissent la haine de l'Italien pour l'Allemand. Combien de fois, observe M. Henri Cochin, les Italiens n'ont-ils pas vu descendre chez eux l'Allemand, flatteur d'abord, puis brutal, grossier, gagneur, rapace, qui s'en retournait ensuite, couronné et repu, dans sa tanière, comme a dit Pétrarque, au milieu du XIVe siècle[45].

Pétrarque ne cesse d'exhaler sa colère et son mépris à l'égard des odieux larrons allemands, qui pillent et ravagent l'Italie : Jadis, dit-il[46], les Germains, pour la plupart, se livraient à la chasse et au brigandage ; c'est à ce dernier exercice qu'ils aiment maintenant encore à se livrer, quand on les laisse faire ; et après allusion à mains forfaits : Ne serez-vous pas convaincus, après tant de preuves, ajoute-t-il, du mensonge de l'Allemand.

Un autre poète italien, contemporain de Pétrarque, Fazio degli Uberti, s'écrie, plein du désir de vengeance, que les Allemands ont réduit les Italiens en esclavage, que l'aigle impérial est profané par eux : Ô Jupiter, dit-il emphatiquement[47], pourquoi n'arraches-tu pas l'oiseau sacré des mains de ce Charles IV et de celles de ses sales ivrognes allemands, qui d'aigle en ont fait un hibou !

Quelle ironie dans ce titre de Roi des Romains porté par les rois de Germanie avant leur couronnement impérial ! Quelle haine et quel mépris dans ce mot tedesco, jeté par les Italiens à la face des Allemands ! Dante dit plus énergiquement encore, tedesci lurchi, expression qui, d'après Henry Cochin signifie : Allemands, goinfres, goulus, buveurs crapuleux. On croirait lire Jordanès sur les Huns d'Attila.

Bien d'autres témoignages attestent que les Allemands étaient exécrés en Italie aussi bien qu'en France ; leurs mœurs étaient demeurées barbares et partout ils sont méprisés : il n'y a qu'une voix contre eux en Italie, durant tout le moyen âge. Charles VIII et ses successeurs, appelés et aidés par les Italiens, purent donc croire qu'ils abattraient la puissance impériale en Italie plus facilement que dans les Pays-Bas où l'hydre allemande cramponnait ses bras tentaculaires. Les Italiens paraissaient des alliés plus sûrs que les principicules rhénans.

Les Allemands tenaient surtout à dominer en Italie, à cause de la tradition impériale : n'étaient-ils pas l'Empire romain ? Charles-Quint déclarera que l'Italie est le siège et le fondement de sa puissance[48]. C'est là ce qui explique toute la politique de ces expéditions d'Italie entreprises par nos rois, qui, à première vue, paraissent si inconsidérées. Ainsi, qu'on ne s'y trompe point : quel que soit l'aspect que revête la lutte implacable de la France contre l'Empire ; quel que soit le terrain sur lequel s'en déroulent les multiples épisodes diplomatiques ou militaires, nos rois ne perdront jamais de vue, même en Italie, la lutte contre l'Empire pour l'unité territoriale de la Monarchie, pour les limites naturelles de la Gaule qui doivent être celles de la France, comme le répètent à l'envi, les légistes, les chroniqueurs et les poètes.

Quand Philippe le Beau, fils de Maximilien, eut épousé en 1496, Jeanne la Folle, héritière des couronnes de Castille, de Léon et d'Aragon, la France se trouva encerclée d'ennemis ; partout et pour de longs siècles, elle va rencontrer les Autrichiens et les Espagnols coalisés contre elle, sur le Rhin, en Flandre, en Franche-Comté, dans les Pyrénées, en Italie. Était-il donc si maladroit et si impolitique d'intéresser à cette lutte fatale, nécessaire, le Pape, Venise, le duc de Milan ?

D'ailleurs, Charles VIII lui-même, puis Louis XII, ne renoncèrent nullement, comme nous le verrons, à s'occuper directement des Pays-Bas, tout en dirigeant leurs armées sur l'Italie.

Dès 1495, Maximilien, effrayé des progrès des armées françaises et se sentant menacé au cœur même de son empire, convoqua une Diète, à Worms, sous couleur de paix universelle, mais dans le but évident d'arrêter Charles VIII. On y dressa une sorte de code de la paix qui fut promulgué avec une solennité particulière. Cette constitution célèbre fut tout aussi vaine que les billevesées débonnaires des pacifistes de tous les temps. D'ailleurs, ô ironie du sort ! les délibérations de la diète pacifiste de Worms furent troublées par un incident qui rappelait même les guerres privées féodales, depuis si longtemps condamnées par l'Église. Tandis que l'assemblée délibérait sur l'abolition du droit de défi, on vit arriver à Worms un gentilhomme français, Claude de Battré, qui venait défier, lui tout seul, tous les Allemands. L'empereur pensa que l'honneur de punir une telle audace était réservé au chef de l'Empire ; Maximilien, espèce de géant de huit pieds de haut, entra tout de suite en champ clos avec Battré, et en présence de toute la Diète, un combat singulier s'engagea dont l'Empereur sortit victorieux. Son triomphe athlétique fut célébré comme un fait d'armes éclatant qui vengeait l'Empire.

Mais ce qui le vengea d'une façon plus efficace, ce furent les revers de Charles VIII. Son successeur, Louis XII, se heurta, lui aussi, en Italie, à la rivalité jalouse des autres souverains. Heureusement, la France n'avait nul besoin de l'Italie pour former, dès cette époque, un État compact, unifié, le plus redoutable de l'Europe. Elle a déjà ses frontières naturelles sur la Méditerranée, sauf le Comtat Venaissin ; sur les Pyrénées, sauf le Roussillon ; sur l'océan Atlantique ; sur la Manche, sauf Calais ; sur les Alpes, jusqu'à la Savoie ; sur le Jura, sauf la Franche-Comté. Au nord-est seulement, elle porte à son flanc une plaie ; elle a une vaste échancrure, des limites incertaines qui la découvrent et la rendent vulnérable, depuis l'Artois jusqu'aux Cantons suisses. Mais si cette région est le chemin des invasions, elle est aussi la porte ouverte aux revendications légitimes et nécessaires. C'est une terre d'origine gauloise et franque ; elle a fait partie du regnum Francorum de Clovis, le fondateur de la Monarchie Française. Louis XII ne l'oublie pas plus que ses prédécesseurs. Il y a des amis fidèles ; il y envoie ses agents pour y entretenir son étrange clientèle de princes rhénans. Son seul appui solide était le duc de Lorraine, Antoine le Bon, qui le suivit en Italie. Dans le Palatinat et les Électorats ecclésiastiques, c'étaient des féodaux barbares, presque indépendants, qui perpétuaient entre eux les guerres privées, aussi haineuses et farouches qu'au ixe siècle. Tel, l'évêque de Liée, Louis de Bourbon, qui ne fut rien d'autre qu'un forban crossé et mitré ; il mourut assassiné. Son successeur, Guillaume de la Marck, fut surnommé le sanglier des Ardennes, à cause de sa férocité ; il eut la tête tranchée. Son compétiteur au siège épiscopal, Jean VIII de Horn, affichait tous les vices.

L'archevêque de Mayence, Thierry d'Erspach, sous lequel l'imprimerie fut inventée par Gutenberg, n'avait d'évêque que le nom. Après lui, Diéthère d'Isembourg et Adolphe de Nassau se battent avec un acharnement de sauvages pour se ravir le siège archiépiscopal. Un autre, Uriel, dont on vante pourtant les vertus, assomma d'un coup de maillet son sommelier, un jour qu'il le surprit buvant son vin dans sa cave d'Aschaffenbourg.

Quant aux princes laïques, leur vie de rapines, de meurtres et de complots rappelle les drames des temps mérovingiens. Les rois de France sont attentifs à entretenir leurs querelles, à acheter leurs concours. L'un des fils naturels du duc de Clèves, Jean Ier le Belliqueux, qui s'appelait Herman, fut un des agents de Louis XII, qui le combla de cadeaux et le fit seigneur de Saint-Germain-au-Bois. Jean II, qui succéda à Jean Ier comme duc de Clèves, était déjà père de soixante-trois enfants avant son mariage ; on le surnomma Kindermacher.

La succession des duchés de Berg et de Juliers ayant allumé la guerre entre Charles d'Egmont, duc de Gueldre, et Guillaume VIII, duc de Juliers, Louis XII fut choisi comme arbitre par les deux compétiteurs qui vinrent le trouver à Troyes, puis à Orléans. Le roi ne laissa pas Guillaume VIII s'éloigner sans lui faire présent de 4.000 écus d'or et lui promettre une pension. Le duc de Gueldre fut aussi comblé de libéralités ; plus tard, en 1504, il reçut des troupes que lui envoya Louis XII pour le soutenir dans sa révolte contre Maximilien et Philippe le Beau. Toutes ces manœuvres du roi de France exaspéraient Maximilien. A la diète de Constance, au mois de mai 1507, on l'entendit plein de colère s'écrier : Le roi de France veut ravir la couronne impériale à la nation allemande !

En 1509, l'Empereur et le roi de France concluent à Bruxelles un arrangement relatif au duché de Gueldre. Mais Louis XII n'en continua pas moins à entretenir la révolte dans ce pays, si bien qu'en 1514, il envoya aux Gueldrois une armée commandée par le comte d'Oyen. C'était là une bien maigre compensation pour les revers qu'il venait d'éprouver en Italie ; en 1512, il dut abandonner le Milanais et demander la paix. Il réussit du moins, en négociant, à couper court aux intrigues de Marguerite d'Autriche qui gouvernait les Pays-Bas au nom de son fils Charles, le futur Charles-Quint. L'ambitieuse régente réclamait la Bourgogne, sans oublier de faire expresse mention des comtés de Mâconnais, Auxerrois et Bar-sur-Seine, usurpés par le roi de France.

 

 

 



[1] A. COVILLE, dans LAVISSE, Hist. de France, t. IV, 1re partie, p. 9.

[2] ALFRED LEROUX, Recherches critiques sur les relations politiques de la France avec l'Allemagne de 1292 à 1378, p. 248.

[3] ALFRED LEROUX, Recherches critiques..., pp. 252 et 256.

[4] ALFRED LEROUX, Recherches critiques..., p. 275.

[5] Voir au sujet des fiefs français possédés par des seigneurs allemands : ALFRED LEROUX, Nouvelles recherches critiques sur les relations politiques de la France avec l'Allemagne de 1378 à 1461 (1882), p. 81 ; aussi p. 111.

[6] ALFRED LEROUX, Nouvelles recherches critiques sur les relations politiques de la France avec l'Allemagne de 1378 à 1461, p. 111 et suivantes.

[7] ALFRED LEROUX, Nouvelles recherches..., p. 102.

[8] Le continuateur de la Chronique de Kœnigshoven : Der Herzog von Orient : sprach, das tüsche Land gehorte hievor an die Krone zu Franckreich und gap dem Marggrafen von Baden und ettelichen endern Herren gros Gnet daz sie ime gelobent und swurent beholfen zu finde. ALFRED LEROUX, Nouvelles recherches..., p. 105.

[9] ALFRED LEROUX, Nouvelles recherches..., p. 153.

[10] Voir : GERMAIN LEFÈVRE-PONTALIS, les Sources allemandes de l'histoire de Jeanne d'Arc : Eberhard Windecke, Paris, 1903, in-8°.

[11] G. LEFÈVRE-PONTALIS, les Sources allemandes de l'histoire de Jeanne d'Arc : Eberhard Windecke, préface, p. 3.

[12] GEORGES GOYAU, Jeanne d'Arc devant l'opinion allemande, p. 16 ; cf. QUICHERAT, Procès, L. V, p. 355.

[13] G. GOYAU, Jeanne d'Arc devant l'opinion allemande, p. 20.

[14] G. LEFÈVRE-PONTALIS, les Sources allemandes de l'histoire de Jeanne d'Arc : Eberhard Windecke, op. cit., p. 11.

[15] AUG. LONGNON, Revue des Questions historiques, t. XVIII, p. 445.

[16] La Description de la ville de Paris et de l'excellence du royaume de France. Paris et ses historiens, pp. 144 et 146. Cité par ALBERT SOREL, l'Europe et la Révolution française, t. I, p. 254.

[17] HENRI MARTIN, Histoire de France, t. VI, p. 413.

[18] PETIT-DUTAILLIS, Étude sur la vie et le règne de Louis VIII, p. 95.

[19] ALFRED LEROUX, Nouvelles recherches..., p. 208 et s. ; PETIT-DUTAILLIS, Étude sur la vie et le règne de Louis VIII, p. 308.

[20] PETIT-DUTAILLIS, Étude sur la vie et le règne de Louis VIII, p. 305.

[21] Ordonnances des rois de France, t. XIII, p. 408 ; cf. A. SOREL, l'Europe et la Révolution française, t. I, pp. 255-256.

[22] ALBERT SOREL, l'Europe et la Révolution française, t. I, p. 256.

[23] PETIT-DUTAILLIS, Étude sur la vie et le règne de Louis VIII, p. 306.

[24] PETIT-DUTAILLIS, Étude sur la vie et le règne de Louis VIII, p. 307.

[25] A. SOREL, l'Europe et la Révolution, t. I, p. 254.

[26] PETIT-DUTAILLIS, dans LAVISSE, Hist. de France, t. IV, 2e partie, pp. 310-341 ; 353, 355 à 360.

[27] PETIT-DUTAILLIS, Hist. de France, t. IV, 2e partie, p. 371.

[28] Voir surtout sur ces événements : CH. NERLINGER, Pierre de Hagenbach et la domination bourguignonne en Alsace, 1891, in-8°.

[29] PETIT-DUTAILLIS, Hist. de France, t. IV, 2e partie, p. 372.

[30] PETIT-DUTAILLIS, Hist. de France, t. IV, 2e partie, p. 372.

[31] PETIT-DUTAILLIS, Hist. de France, t. IV, 2e partie, p. 372.

[32] PETIT-DUTAILLIS, Hist. de France, t. IV, 2e partie, p. 386.

[33] PETIT-DUTAILLIS, Hist. de France, t. IV, 2e partie, p. 383.

[34] Cf. GUIZOT, Hist. de France, t. I, p. 432 ; ALBERT SOREL, l'Europe et la Révolution française, t. I, p. 257.

[35] PETIT-DUTAILLIS, Hist. de France, t. IV, 2e partie, p. 385.

[36] PETIT-DUTAILLIS, Hist. de France, t. IV, 2e partie, p. 385.

[37] Texte cité par H. SÉE, Louis XI et les villes, p. 25 (1891) et par PETIT-DUTAILLIS, Hist. de France, t. IV, 2e partie, p. 386.

[38] ARENDT, dans le Bull. de l'Acad. royale de Belgique. Classe des Lettres, 1861, p. 337 et suivantes.

[39] G. PARIS, Histoire poétique de Charlemagne, p. 62.

[40] DU BOULAY, Hist. de l'Université de Paris, t. II, p. 344.

[41] ARENDT, loc. cit. ; G. PARIS, Histoire poétique de Charlemagne, p. 62.

[42] H. LEMONNIER, dans LAVISSE, Hist. de France, t. V, 1re partie, p. 23.

[43] PHILIPPE DE COMMINES, VII, 6.

[44] ALBERT SOREL, l'Europe et la Révolution française, t. I, p. 258 et suivantes.

[45] PÉTRARQUE, De vita solitaria, liv. II, sect. IV, ch. III ; HENRY COCHIN, Discours à la Soc. de l'Hist. de France, 1915, p. 10.

[46] PÉTRARQUE, De viris illustr., cité par HENRY COCHIN, Discours cité.

[47] Cité par HENRY COCHIN, p. 17.

[48] LEMONNIER, Hist. de France, t. V, 2e partie, p. 76.