L’œuvre
accomplie par l’armée d’Afrique de 1830 à 1852, dans tous les domaines,
conquête, pacification, colonisation, hygiène, travaux publics, étude du pays
et des populations, a été considérable. La
conquête a été sa tâche principale ; elle a été longue et difficile, par
suite des erreurs de toute sorte commises dans les opérations militaires
comme dans la politique à l’égard des Indigènes ; mais le mot de conquête,
qu’un certain nombre d’historiens ou de sociologues hésitent à prononcer, est
celui qui convient pour caractériser l’action militaire de la France. L’expédition
de 1830 n’avait cependant pas pour but de conquérir la Régence d’Alger ; elle
devait mettre fin aux actes de piraterie dont les puissances européennes
souffraient depuis longtemps. La lutte s’étendit progressivement : les
troupes, attaquées par les populations insoumises sur les confins des
territoires occupés par elles, furent obligées, pour leur sécurité, de
dominer et d’organiser le pays jusqu’à son occupation totale. C’est un
processus inévitable dans une colonie nouvelle. La
conquête se fit tantôt par les armes, tantôt par les négociations, et fut
toujours suivie de la pacification par des moyens appropriés. Elle était très
avancée en 1852, puisque seules la Kabylie et les régions sahariennes
échappaient à l’autorité de la France. Les
opérations militaires eurent une intensité et une étendue variables suivant
la politique générale du gouvernement métropolitain et les effectifs accordés
à l’armée d’Afrique. Les
méthodes employées pour les mener à bonne fin dépendirent à la fois du
caractère du commandant en chef et de ses subordonnés, des sentiments et des
habitudes des populations rencontrées, et de la nature du pays ; elles ne
pouvaient pas être les mêmes dans les régions cultivées et facilement
accessibles du Sahel, dans les montagnes hérissées de villages fortifiés de
la Kabylie, ou dans les étendues désertiques du Sud. Les
troupes d’Afrique avaient une tâche difficile du fait que leurs adversaires
ne possédaient ni armées régulières, ni capitales, ni places fortes, ni
centres industriels, ni même intérêts matériels réunis. Elles devaient
pénétrer dans des régions inconnues, emmenant à leur suite d’immenses
convois, exposées aux rigueurs du climat et harcelées sans répit par un
ennemi insaisissable. Abd el
Kader au contraire, qui symbolisa et anima la résistance de 1832 à 1848,
était renseigné à tout moment par les Indigènes ; il n’avait pas besoin
d’autres vivres, pour ses troupes, que de la rouïna[1] emportée par chaque homme, et,
pour les chevaux, de l’orge conservée dans les silos ; il pouvait circuler
avec la plus grande rapidité, et être sur les derrières des généraux
français, alors que ceux-ci le croyaient devant eux[2]. Bugeaud
déclarait aux généraux et aux officiers supérieurs que, si la guerre
d’Afrique ne leur apprenait pas l’art de la guerre contre des armées solides
et disciplinées, elle avait néanmoins son utilité : les chefs y étudiaient
les questions relatives au bien-être et à la sécurité de la troupe ; les
officiers et les soldats s’aguerrissaient par des combats incessants, et
s’accoutumaient à la marche et aux privations ; les commandants de petites
unités prenaient l’habitude de la responsabilité. Le grand Africain
n’avait-il pas raison ? Un officier ayant fait campagne hors de France est
mieux préparé qu’un autre aux épreuves physiques et morales de la guerre
européenne ; à valeur intellectuelle égale, il doit donc, s’il travaille,
rendre des services au moins équivalents. La
guerre d’Afrique était, selon Bugeaud, une « école primaire », préparant à
suivre les cours de l’école secondaire[3]. Cette définition est un peu
sommaire, car la guerre d’Afrique a rarement été bien conduite par un chef
n’ayant pas l'expérience du pays, même s’il possédait une parfaite
connaissance de la guerre européenne. Il y a des différences essentielles
entre les deux guerres. En Afrique, les opérations sont constamment liées aux
résultats de la politique ; elles peuvent se fractionner, se compartimenter
dans le temps et dans l’espace. En Europe, les opérations ont des buts et des
moyens essentiellement militaires, et ne peuvent pas se compartimenter aussi
facilement. Les
opérations d'Afrique ont en tous cas abouti à créer une tactique spéciale,
adaptée au caractère particulier des populations et des régions. Cette
tactique a été l’ébauche de celle perfectionnée ultérieurement au cours de la
conquête des diverses colonies françaises[4]. Les
procédés pacifiques destinés à obtenir des arrangements avec les tribus ont
été très variables suivant les divers chefs de l’armée d’Afrique, et suivant
les populations rencontrées. Aux
premiers jours de la conquête, des généraux qui se flattaient de connaître
les populations musulmanes pour avoir combattu en Egypte, comme le général
Pierre Boyer, eurent contre elles des préventions excessives. Boyer déclarait
à Oran dans un ordre du jour du 7 octobre 1831 : « Le lieutenant-général
gouverneur de la province engage MM. les officiers à se mêler peu avec les
chefs qui viennent en ville et à éviter avec eux toute communication et
familiarité. Nous sommes les maîtres du pays, nous devons avoir peu de
fréquentation avec les gens du dehors[5]. » Une telle réserve, inspirée
par le souci d’éviter des déceptions et des trahisons, avait comme effet
d’empêcher toute collaboration avec les populations indigènes ! La
plupart des gouverneurs généraux se préoccupèrent cependant d’amener les
tribus à eux, de les associer à leur œuvre de mise en valeur du pays, et
d’assurer leur bien-être sous l’égide de la France. Ils tentèrent tous plus
ou moins de faire ce qu’on a appelé depuis de la « politique indigène ». Bourmont
eut une excellente idée en créant un « agha des Arabes », chargé des
relations avec les tribus ; mais le choix du Musulman destiné à remplir ces
fonctions fut déplorable, parce qu’un marchand maure d’Alger ne pouvait avoir
aucune influence sur les populations rurales. Le successeur de cet agha fut
choisi par Clauzel : officier supérieur français ignorant la langue, les
usages et la religion du pays, il n’était pas plus qualifié. Berthezène fit
un meilleur choix, en prenant un marabout influent de la campagne, mais il le
rebuta par des maladresses. Ainsi, pendant les deux premières années de
l’occupation, les relations avec les Indigènes firent peu de progrès. En
1832, Rovigo chercha à encourager les relations commerciales avec les tribus
; il fut entravé par la malhonnêteté de ses agents et par l’incapacité de
certains de ses interprètes. Il se heurta par ailleurs, à Bône, à
l’initiative du général Monk d’Uzer, qui voulait agir à sa guise en employant
Yusuf, et, à Oran, à l’intransigeante rigueur du général Pierre Boyer. Il
prit enfin des décisions regrettables, comme celle de transformer, malgré
tous les avis, la plus belle mosquée d’Alger en cathédrale pour le culte
catholique. Le «
bureau particulier des affaires arabes », créé en avril 1833 par le général
Avizard sur l’initiative du général Trézel, et confié au capitaine de la
Moricière, fut le premier organe régulier de politique indigène. Voirol
tenta des efforts sérieux pour collaborer avec les tribus : l’organisation
des troupes indigènes comme les spahis d'El-Fahs, l’envoi au marché de
Boufarik de son aide-de-camp le capitaine Pellissier, avec un chirurgien
chargé de donner des soins aux malades, l’installation de nomades avec des
instruments agricoles dans les environs d’Alger, manifestèrent sa volonté
d’attirer les Indigènes dans l’orbite de la France. Le
général Drouet d’Erlon suivit ses traces, et employa le capitaine Pellissier,
spécialisé dans les relations avec les Indigènes, ainsi que de jeunes
officiers très compétents comme Vergé et Allegro ; mais il remplaça le bureau
arabe par un nouvel « agha des Arabes », et déconcerta ainsi les Indigènes ;
du moins confia-t-il les fonctions d’agha à un officier expérimenté, le
lieutenant-colonel Marey. Le
maréchal Clauzel, animé du désir de développer la colonisation et le
commerce, ne put cependant pas faire une large politique ; il fut en effet à
la fois occupé par ses expéditions de 1835 et 1836, combattu par les bureaux
de Paris, et gêné par des dissentiments entre ses subordonnés, tels que le
général d'Uzer, le commandant Yusuf et le lieutenant-colonel Duvivier. Avec le
général de Damrémont en 1837, ce fut le capitaine Pellissier qui permit
d’établir une certaine continuité dans la politique indigène, et de proclamer
la nécessité d’obtenir « une pacification fondée sur l’intérêt des
populations indigènes, sur la justice, mais aussi sur la force. » Le
gouverneur général ne put cependant, entre l’action diplomatique de Bugeaud
dans la province d’Oran, et l’expédition de Constantine, mener une politique
personnelle ; il eut d’ailleurs, comme d’autres, le tort de se laisser
circonvenir par des Juifs, et de les prendre comme intermédiaires ou
informateurs ! Le
maréchal Valée désirait réaliser une pénétration pacifique et progressive du
pays, grâce à des relations confiantes avec les habitants. Mais il se trouva
dès 1838 en lutte avec le Ministère de la Guerre, et même en désaccord avec
le commandant Pellissier, directeur des Affaires arabes à Alger, dont il
favorisa le départ pour la France. Il ne put pas, lui non plus, faire œuvre
durable. La
succession trop rapide en France de Ministres ayant des idées différentes ;
le changement trop fréquent des chefs de l’armée d’Afrique aux divers
échelons et leurs discordes connues ou cachées ; enfin, la mésentente entre
les bureaux de Paris et le gouverneur général, furent les principaux
obstacles à la réalisation d’une politique indigène cohérente et efficace
jusqu’au gouvernement de Bugeaud. Bugeaud,
qui tenait à attacher au sol les éléments français, se préoccupait aussi
d’associer aux colons les masses indigènes et de les éduquer. Léon Roches,
son conseiller et son confident en cette matière, aimait à rappeler les
paroles de son chef : « Soyons justes et cléments vis-à-vis des Arabes,
occupons-nous de leur éducation, de leur bien-être ; admettons-les aux
bienfaits de notre civilisation — je l’entends prononcer emphatiquement cette
phrase avec son fin sourire — ; mais restons toujours forts[6]. » Pour
cette tâche, Bugeaud avait choisi des officiers connaissant la langue et les
mœurs du pays ; il avait su conquérir leur cœur, si bien que les admirateurs
du général de la Moricière eux-mêmes transmettaient aux Indigènes la pensée
du gouverneur général Bugeaud : « Les anciens officiers qui s’occupaient des
affaires arabes, a écrit Léon Roches, et qui s’appelaient entre eux, à cette
époque, les vieux Mokhaznis, comprenaient bien ce sentiment[7]. » Ces
officiers ne se bornaient pas à assurer les relations du Gouverneur avec les
Indigènes ; ils remplaçaient un élément indispensable aux chefs de l’armée
d’Afrique, un bon corps d’interprètes. Ce corps faisait défaut. Lorsqu’il fut
question, en 1843, de fonder un collège franco-arabe à Alger, Léon Roches
souligna, dans une lettre du 10 avril au Gouverneur général, combien il
importait de former des Français connaissant les Indigènes et des Indigènes
connaissant les Français[8]. Le temps seul pouvait
permettre d’obtenir un résultat. En attendant, des officiers instruits grâce
à leur effort personnel, par l’étude persévérante et par l’expérience
pratique, comme La Moricière, Marey, Pellissier, Walsin-Esterhazy, Vergé, et
les officiers des troupes indigènes, élaboraient et mettaient en pratique une
doctrine de collaboration avec les tribus. Les
officiers qui connaissaient et aimaient les Indigènes avaient sur eux une
grande influence ; ils pouvaient scruter la conscience et le cœur de leurs
administrés et trouver les moyens de les amener à la France. La
Moricière sévissait avec rigueur contre les tribus refusant de se soumettre,
mais il ne manquait jamais l’occasion de recommander à ses subordonnés le
rapprochement du lendemain. Dans un ordre du jour du 3 avril 1842, par lequel
il félicitait ses troupes de leur succès sur les tribus de la province
d’Oran, il ajoutait : « Il reste beaucoup à faire pour cimenter l’œuvre de la
force, pour détruire les préjugés, effacer les antipathies, désarmer le
fanatisme. Ce sera le travail du temps[9]. » Rares
étaient les généraux ne comprenant pas qu’à côté ou à la suite de la force,
dont l’emploi est indispensable en certaines circonstances, il y avait place
pour la persuasion. La politique du général de Négrier, dont les rigueurs au
début de 1842 soulevèrent des critiques, inspirait à Pellissier de Reynaud
ces réflexions : « Le premier venu, si on le suppose revêtu d’une autorité
dictatoriale, peut couper des têtes ; ... c’est ce que fait le plus grossier
pacha turc ; mais savoir faire en sorte qu’on ne soit pas obligé d’en couper,
voilà qui n’appartient qu'à un homme supérieur[10]. » Cependant, si dur qu’il fût,
Négrier était aimé des Indigènes, que les manifestations de la force
impressionnent toujours. Le chef
d’escadrons Walsin-Esterhazy, commandant la cavalerie indigène d’Oran,
exposait, dans un travail achevé à la fin de 1843, ses idées sur le problème
indigène. Les tribus, « ruinées par la guerre, fatiguées par des efforts sans
cesse renaissants et sans cesse infructueux, se soumettaient haletantes et
épuisées », écrivait-il[11] ; leur soumission marquait-elle
une simple trêve ? A son avis, la lutte devait reprendre sous l’impulsion du
premier fanatique venu, si la France ne parvenait pas à modifier « l’esprit
d’exclusion et d’antagonisme » des Musulmans. Pour réaliser cette modification,
il envisageait deux sortes de moyens : les uns agissant sur leur formation
intellectuelle, les autres sur leur organisation politique et leurs intérêts
matériels. La
formation intellectuelle des indigènes pouvait être entreprise de plusieurs
manières. La
presse lui paraissait un procédé excellent : un journal de langue arabe
aurait comme effet d’éclairer la partie lettrée de la population, et, à
travers elle, atteindrait les masses. L’envoi
d’Indigènes en France était aussi un bon procédé à ses yeux. Il eût voulu
choisir, parmi les prisonniers faits aux tribus, cinq ou six cents enfants,
les éduquer dans la Métropole, en respectant leurs croyances, mais en leur
inculquant habilement des idées moins étroites. L’organisation de séjours en
France, d’une année au moins, pour les sujets « les plus influents et les
plus capables », devait permettre de les initier graduellement à notre état
social et au mécanisme de nos institutions : cette dépense lui semblait
préférable à celles engagées pour faciliter le pèlerinage de La Mecque.
L’idée était bonne parce que, dans sa réalisation pratique, les Indigènes
étaient encadrés et surveillés ; elle est devenue détestable lorsque, par
suite de l’ignorance des mœurs et des tendances indigènes, elle a été étendue
à des hommes, lettrés ou non, abandonnés à eux-mêmes dans la Métropole. La
protection des intérêts matériels des Indigènes et leur réorganisation
politique pouvaient, d’après le colonel Walsin-Esterhazy, avoir d’heureux
effets. La
mesure la plus importante était, à ses yeux, la constitution régulière de la
propriété. En outre, la réalisation « des plantations d’arbres, des
constructions de puits ou de fontaines, des abris pour les troupeaux pendant
l’hiver », aiderait à « fixer la population au sol ». La création de douars,
et, un peu plus tard, de villages indigènes, faite en même temps que celle de
villages européens et à côté d’eux, apporterait une aide précieuse à la
colonisation, trop souvent « lente, difficile, et ruineuse pour la France » ;
elle rapprocherait les Indigènes et les Européens, et les rendrait solidaires
grâce à la communauté de leurs intérêts. Une
autre mesure préconisée par lui consistait à multiplier les rapports directs
de l’Administration française avec les Indigènes, en substituant
progressivement des fonctionnaires français aux chefs indigènes locaux, et «
en développant peu à peu le principe de l’égalité chez ce peuple organisé
féodalement ». L’administration directe, et surtout la diffusion prématurée
de l’idée occidentale d’égalité, étaient-elles bien propres, comme se
l’imaginait Walsin-Esterhazy, à favoriser « la sécurité et la stabilité de
l’avenir » ? Il
voulait avec raison chercher à affaiblir l'esprit guerrier chez les
populations, et à orienter leur activité vers l’agriculture et l’exploitation
du sol ; mais, pour affaiblir cet esprit, il se déclarait l’adversaire des
corps indigènes réguliers, sans penser à la force dont il eût privé la France
en les supprimant ; il était sans doute un peu aveuglé par son affection pour
les irréguliers, goums et maghzen. Lorsqu’il
reçut le commandement des tribus maghzen[12], Douairs et Smela, après la
mort de Mustapha ben Ismaël et la démission d’El Mézari, il put encore mieux
connaître ces excellents serviteurs de la France. Il ne cessa jamais de
s’occuper d’eux avec une grande sollicitude. Il adressa, en mars 1847, un
mémoire à Bugeaud, par l’intermédiaire du général d'Arbouville, pour lui
proposer de les rendre propriétaires ; le Maréchal lui répondit avoir déjà
pratiqué ce système à l’égard des Arib de Maison Carrée, et lui fit établir
un projet complet[13]. La transformation des douars
en habitations fixes modifia complètement l’aspect du pays[14]. Le
souci d’une sage administration et d’une prudente évolution des Indigènes
était ainsi dans l’esprit de tous les officiers de l’armée d’Afrique qui
observaient et travaillaient. Mais que de mesures inspirées par la sympathie
et la générosité pouvaient, avec des nuances dans l’application, avoir des
effets néfastes au lieu de résultats salutaires ! Il en a toujours été ainsi
dans l’histoire de l’Afrique du Nord et il en sera ainsi longtemps encore. Le
capitaine Ducrot s’exprimait à ce sujet, dès juillet 1844, dans une lettre à
son grand-père, en des termes à retenir : « Reste
à savoir si, après avoir vaincu et pacifié, l’on saura administrer ! J’en
doute fort, car depuis que je m’occupe d’arabe, j’ai été à même de constater
bien des fautes commises. Mes relations très fréquentes avec les chefs arabes
me permettent de constater l’effet déplorable produit sur eux par certains
actes. « Le
grand malheur ne vient pas des administrateurs, mais des exigences de
l’administration. C’est une absurdité de vouloir appliquer nos idées de
liberté et d’égalité à un peuple dont tout le code religieux et politique est
fondé sur le fatalisme et l’absolutisme. « Mais,
quand on a entendu un député dire en pleine Chambre qu’il était d’autant plus
apte à juger la question d’Afrique qu’il n’y avait pas mis les pieds et par
conséquent ne subissait aucune influence fâcheuse, rien ne doit plus étonner[15]. » Les
mêmes erreurs ont été périodiquement commises depuis lors, et chacune des
phrases du capitaine Ducrot se trouve encore d’actualité : des actes
maladroits produisent de désastreux effets sur les Indigènes ; l’application
prématurée des principes de liberté et d’égalité provoque infailliblement
l’indiscipline et la révolte ; l’ignorance des politiciens devient à leurs
yeux une absence de préjugés et une garantie d’impartialité ! Lorsque
le général de la Moricière devint ministre de la Guerre, en 1848, il chercha
par tous les moyens à développer civilisation et bien-être chez les
Indigènes. Il n’hésitait pas à dire, avec quelque injustice, que les
représentants de la France n’avaient pas fait leur devoir vis-à-vis d’eux ;
il s’exprimait, devant la commission de révision de la législation
algérienne, dont il présidait la séance du 19 décembre, en ces termes sévères
: « Dans
les villes, on a traité les indigènes en peuple conquis ; au dehors, nos
généraux, et je suis le premier à confesser mes torts et mon erreur, ont vu
dans les tribus des ennemis à combattre, à dominer par la force, plus que des
enfants nouveaux à gagner à la patrie par de bonnes institutions et par une
sage administration. La législation spéciale de l’Algérie porte à un haut
degré ce caractère d’oubli des intérêts arabes. » Il
voulait développer l’instruction publique, organiser la justice,
subventionner le culte musulman, établir un statut de la propriété[16]. Ces divers projets de La
Moricière font encore partie des programmes d’aujourd’hui, et sont
certainement, sauf les subventions au « culte » musulman, ainsi nommé par une
fausse analogie avec le culte chrétien, d’une utilité incontestable. Pour
guider l’évolution de populations indigènes, il faut avoir étudié ces
populations dans leur passé, avoir vécu à leur contact, et les suivre dans
leur présent. Les officiers de l’armée d’Afrique, de 1830 à 1852, ont mené de
leur mieux la politique à l’égard des tribus. L’incompréhension trop
fréquente des bureaux de Paris n’a pu être atténuée qu’en incorporant dans
leur sein des officiers ayant longtemps séjourné en Algérie ; seule, en
matière d’administration indigène, l’expérience pratique qualifie les chefs. La
littérature algérienne a été alimentée presque exclusivement, de 1830 à 1852,
par les officiers de l’armée d’Afrique, qui étaient les seuls à pouvoir
recueillir des observations sur place. Au contact de ce pays neuf s’étalant
devant eux, ces officiers ont cultivé avec succès l’histoire, la sociologie,
le genre épistolaire, la géographie, l’archéologie, tandis qu’ils ont à peu
près complètement négligé le roman, l’art dramatique et la poésie. Il faut
un séjour assez long en Afrique du Nord pour écrire sur le pays une œuvre de
valeur. Cette vérité, si évidente aux yeux des Algériens, froisse les
écrivains de la Métropole, parce qu’elle paraît mettre en doute leur
intelligence et leur facilité de travail. Elle s’explique cependant aisément
: un auteur soucieux d’éviter les erreurs, et surtout désireux de saisir et
de rendre des nuances, ne doit pas se borner à acquérir une somme de
connaissances déterminée, par exemple à apprendre l’histoire et la géographie
de l’Algérie ou à se familiariser avec le texte du Coran ; il doit, même s’il
veut écrire un roman, une pièce de théâtre, un poème, transformer sa
mentalité, c’est-à-dire devenir capable de juger les hommes et les faits à la
lueur de principes tout différents de ses principes habituels ; une telle
transformation, ou si l’on veut une telle adaptation, ne peut s’opérer ni en
quelques semaines, ni en quelques mois. Les
officiers, qui par suite de leur métier se trouvaient en contact avec les
Indigènes et parcouraient le pays dans tous les sens, disposaient des moyens
d’information nécessaires pour pratiquer les divers genres littéraires. Tandis
qu’en France le goût d’écrire est parfois l’apanage d’officiers modérément
zélés au point de vue militaire, il a généralement été, dans les pays
d’outre-mer, répandu chez les plus braves au combat, les plus stoïques en
colonne, les plus éclairés dans les hauts échelons du commandement. Un des
combattants de l’armée d’Afrique, le comte Pierre de Castellane, formulait en
1852 une remarque à ce sujet, dans les termes suivants : « Bien des gens en
France ont peine à se figurer des officiers au teint halé, à la longue barbe,
pâlissant sur des livres, se livrant à des recherches scientifiques ou à des
passe-temps littéraires. Rien n’est pourtant plus exact : c’est même l’un des
caractères particuliers à cette armée d’Afrique, où l’intelligence et les
choses de l’esprit ont une part si grande Tous lisaient, et lisaient
beaucoup. Sans doute, ce serait une erreur de croire que l’armée d’Afrique
n’est qu’une armée de savants ; mais il est certain que l’on retrouve souvent
dans son sein des mouvements d’intelligence que l’on ne rencontre point d’ordinaire
à ce degré parmi les gens de guerre[17]. » Castellane en donne la
raison : dans les postes isolés, l’officier, vivant comme « dans une
prison libre avec les mêmes personnes », cherchait auprès des auteurs la
distraction et la causerie qui lui manquaient. Les
militaires de l’armée d’Afrique ont produit, de 1830 à 1852, une œuvre
considérable. Chacun a apporté bénévolement sa pierre au monument littéraire,
scientifique et artistique qui s’édifiait : commandants en chef, généraux,
officiers et sous-officiers des corps de troupe, intendants, médecins, ont
observé et médité, étudié le pays et les populations, établi des systèmes,
proposé des solutions. Du simple récit de leurs marches, travaux et combats,
souvent fort intéressant au point de vue pittoresque et historique, se
dégagent de précieux enseignements. La
seule énumération des principaux ouvrages publiés demanderait de longues
pages[18]. L’analyse des idées qu’ils
contiennent fournirait la matière d’un important volume, et pourrait être
faite sous des formes variées sans épuiser le sujet[19]. Tous
ceux qui ont joué un rôle important dans la conquête ou qui ont été mêlés de
près à certains événements ont tenu à expliquer leur conduite, à justifier
leurs actes, à défendre leurs principes et à discuter ceux des autres. On
peut citer parmi eux : le général de Loverdo ; l’intendant militaire Denniée
; le général Desprez ; le général Berthezène ; le maréchal Clauzel ; le
général Drouët d’Erlon ; le général d’Arlanges ; le général de Brossard ; le
maréchal Bugeaud ; l’intendant Genty de Bussy ; le général Cavaignac ; le duc
d’Orléans ; le duc d’Aumale ; le général Duvivier ; les généraux de la
Moricière et Bedeau ; le général Le Pays de Bourjolly ; le général Herbillon
; le général d'Hautpoul. On ne
peut les énumérer ni par ordre chronologique, ni par ordre d'importance
militaire ou littéraire, parce que la plupart d’entre eux ont écrit à
diverses étapes de leur carrière, dans des grades et des emplois successifs,
et sur des sujets différents. D’autres
généraux ou officiers, moins activement engagés dans les discussions de faits
ou les luttes d’idées, ont publié des ouvrages de valeur. Tels sont :
l’intendant baron Volland ; le général Létang ; le général Oudinot ; le
général Rohaut de Fleury ; le général Marey-Monge ; le général de Martimprey
; le général de Rumigny ; le commandant Pellissier de Reynaud, auteur des
fameuses Annales algériennes ; le général Daumas, si au courant des
mœurs et coutumes des Indigènes ; le général Delort ; l’interprète principal
Féraud ; le général Buisson d’Armandy ; le général Rogniat ; le
lieutenant-colonel Préaux ; le général Jean-Luc Carbuccia ; le capitaine E.
Carette et le chirurgien-major Périer, collaborateurs de la remarquable
publication intitulée Exploration scientifique de l'Algérie pendant les
années 1840, 1841, et 1842 ; le capitaine Saint-Hypolite ; le colonel
Walsin-Esterhazy ; le docteur Baudens ; l’ancien secrétaire de Clauzel,
Adrien Berbrugger ; le docteur Warnier ; le docteur Sédillot. Pour
n’oublier aucun des écrivains notoires, il faudrait en mentionner bien
d’autres encore. De nombreux médecins militaires ont laissé des livres
intéressants ; tels sont : Maillot, auteur de recherches sur les fièvres
intermittentes ; Jean-Pierre Bonnafont, qui pendant douze ans de séjour
recueillit tant de scènes pittoresques ; Guyon ; Tesnière ; Catteloup ;
Bertherand, qui étudia le choléra ; Quesnoy ; Jacquot. Des militaires de tout
grade, ayant rempli les emplois les plus divers, ont publié leurs impressions,
opinions et souvenirs : Juchereau de Saint-Denys ; capitaine de frégate
Kerviler ; de Bartillat ; Barchou de Penhoën ; Fernel ; de Quatrebarbes ;
Rozet ; Pélissier ; Leblanc de Prébois ; de Mont Rond ; Roguet ; Blanc ;
Hugonnet ; Aucapitaine et interprète Federmann ; officier de l’intendance
Gaillard ; colonel Edouard Lapène ; colonel Pétiet ; prince de la Moskowa ;
Auguste Dugat ; capitaine Walewski ; A. de France ; sous-intendant militaire
P. Duverger ; de la Tour du Pin ; Abinal ; colonel de Tournemine ; général de
Bellonnet ; comte Pierre de Castellane ; capitaine Fabar ; colonel Robin ;
capitaine Charles Richard ; chef de bataillon Jannin ; capitaine Azéma de
Montgravier ; capitaine Lapasset ; etc. De
telles énumérations, sèches et fastidieuses pour qui n’a pas feuilleté les
livres de ces auteurs, évoquent au contraire pour leurs lecteurs une riche
succession d’anecdotes, de portraits, de scènes, et font scintiller à leurs
yeux une gerbe formée de descriptions, de critiques et de réflexions, aussi
variées que colorées. Aucune autre épopée militaire n’a produit pareille
floraison. Des
publications postérieures ont apporté une contribution précieuse à cette
première littérature algérienne. Les souvenirs ou les lettres du
lieutenant-colonel de Montagnac, des généraux Montaudon, du Barail, Ducrot,
Desvaux, de Martimprey, des maréchaux de Saint-Arnaud, de Mac-Mahon, Bosquet
et Canrobert, de l’ancien interprète Léon Roches, imprègnent leurs lecteurs
de l’état d’esprit de l’époque et les aident à comprendre le pays, les
populations et surtout l’armée d’Afrique. Des
auteurs assez nombreux n’ont pas signé leurs ouvrages. On trouve d’ailleurs,
parmi les brochures oubliées et les travaux inédits, des études de valeur,
tel ce document anonyme de 1845 intitulé : De l’organisation militaire des
Arabes, qui embrasse en quelques pages les grandes questions algériennes,
et dont la lecture serait encore aujourd’hui profitable à ceux chargés
d’administrer et de diriger les Indigènes[20]. Ce sont
surtout les aspects militaires, géographiques, sociologiques et historiques,
qui ont passionné les officiers. Les
recherches archéologiques ont été assez négligées pendant les premières
années de la conquête ; on doit même regretter la disparition à cette époque
de beaux vestiges du passé, qui auraient pu et dû être conservés. L’armée
d’Afrique a détruit des monuments romains respectés jusque-là, auprès
desquels les Musulmans avaient passé pendant des années sans apporter aucune
attention à leur ensevelissement progressif. L’exemple de Lambèse, que les
troupes françaises saccagèrent pour y installer un établissement pénitencier,
est typique. L’excuse
des officiers qui ont laissé ou même fait détruire des monuments de l’époque
romaine se trouve dans les préoccupations pratiques avec lesquelles ils
étaient aux prises. Lorsque Saint-Arnaud arriva à Orléansville à la fin de
1844, il y trouva des colonnes en marbre, des tombeaux, toute une ville : «
Pour faire des fouilles sérieuses, écrivait-il à son frère, il faudrait du
temps et de l’argent ; mais nous n’en avons que pour les travaux de première
et urgente nécessité. Avant d’exhumer les morts et les ruines, il faut
abriter et conserver les vivants[21]. » Et cependant,
Orléansville est une des villes où, grâce à Cavaignac, les œuvres d’art
antiques furent le mieux protégées ! C’est
seulement lorsque la conquête et la pacification de l’Algérie furent très
avancées que naquit le souci de la conservation des vestiges du passé ; mais
il était bien tard pour beaucoup des plus belles cités ! Le
dessin et la peinture, fort en honneur dans l’armée d’Afrique, ont du moins
permis de conserver l’aspect de monuments et de paysages que le développement
des villes algériennes a profondément modifiés depuis, de fixer des scènes
observées dans les combats et dans les bivouacs, des types de guerriers
indigènes amis ou ennemis, des portraits de généraux, d’officiers et d’hommes
de troupe, connus ou inconnus. Ce sont des documents historiques précieux. Un
grand souci de vérité a marqué la plupart des œuvres artistiques exécutées
pendant la conquête algérienne. Des peintres civils comme Isabey et Gudin ont
accompagné l’expédition d’Alger ; plus tard, Horace Vernet est allé sur
place, à Constantine en 1837, ou dans la province d’Oran en 1846, voir les
lieux où s’étaient déroulés les combats et les hommes qui y avaient joué des
rôles. Ce
souci n’était pas moindre chez les militaires. Un officier d’état- major qui
dessinait fort bien, le commandant Langlois, a accompagné l’expédition
d’Alger, et a laissé une œuvre importante. Tout
officier sachant dessiner avait son album sur lui. Le
capitaine du génie Claude-Théodore Leblanc, qui mourut de blessures reçues à
l’assaut de Constantine, doué d’un réel talent, a exécuté nombre de tableaux
et de croquis intéressants ; quelques-uns sont au musée de Versailles, mais
la plupart ont dû être envoyés à sa veuve, née Bentham, qui habitait Londres. Le
prince de Joinville, lorsqu’il est allé à Constantine en 1837, a pris des
croquis de la ville qui venait d’être enlevée et des troupes qui avaient
participé à l’assaut. Le
capitaine de hussards Maréchal, quoique assez inexpérimenté dans l’art du
dessin, a, pendant les années héroïques de la conquête, rempli les pages de
son album de dessins en couleurs ayant la plus grande valeur au point de vue
historique : il a en effet représenté des personnages qui ont acquis par la
suite une grande renommée comme les héros de Sidi- Brahim ; il a peint des
uniformes peu connus, comme celui des gendarmes maures, ou des tenues
habituellement portées par les officiers au lieu des tenues réglementaires.
On se trouve avec lui dans l’atmosphère quotidienne de l’armée d’Afrique. Des
tableaux et des dessins de tout genre sont conservés par les descendants des
officiers de l’époque de la conquête. Il faudrait des pages pour établir la
liste de ceux qui sont connus, et dont un certain nombre ont été reproduits[22]. Mais il serait intéressant de
faire appel aux familles, souvent obscures, des officiers qui ont dessiné,
pour dresser un inventaire complet de ces richesses historiques. La
colonisation a été la grande préoccupation des officiers de l’armée d’Afrique
sous la monarchie de Juillet, dès que les opérations militaires leur
laissaient quelque répit. C’était une préoccupation idéaliste, digne de purs
soldats ne possédant généralement pas d’intérêts matériels en Algérie.
Quelques généraux comme Clauzel et Monk d’Uzer, qui exécutèrent dans le pays
des achats immobiliers parfaitement corrects, furent sévèrement critiqués par
les officiers ; est-ce parce que des comptables de l’armée, dont la probité
n’était pas exempte de soupçons, achetaient des propriétés avec le produit de
leurs malversations ? C’est probable ; et cependant, il n’y avait aucune
analogie. Tandis
que la grande discussion entre auteurs civils, pendant les premières années
de l’occupation d’Alger, fut : « La nouvelle conquête doit-elle ou non être
conservée ? », ce fut, entre auteurs militaires : « Comment coloniser la
Régence ? » L’armée d’Afrique ne pouvait en effet supposer qu’elle soumettait
le pays, au prix de sacrifices importants en hommes et en argent, dans un
autre but que la colonisation. Malheureusement, les colons faisaient défaut ;
il fallait donc en amener. Les
premiers Français qui suivirent le corps expéditionnaire étaient des
marchands, désireux de gagner de l’argent en vendant des denrées diverses aux
officiers et à la troupe. Les suivants furent des aventuriers, des déclassés,
des spéculateurs, mais pas des paysans connaissant la culture, si bien que le
Ministre de la Guerre dut décider le 4 août 1831 de ne plus laisser de colons
s’établir jusqu’à nouvel ordre. Comment
pouvait-on attacher des cultivateurs au sol africain ? Beaucoup
de généraux et d’officiers de l’armée d’Afrique ont fourni leur solution de
la question dans des ouvrages ; la plupart ont participé aux efforts
pratiques fournis pour développer la colonisation. L’intendant
militaire baron Volland fut le premier, dès 1831, à publier sur ce sujet une
étude pleine de bon sens[23]. Clauzel, un peu plus tard,
estima que ni le climat ni les indigènes ne pouvaient faire obstacle à la
colonisation, dont il était un ardent partisan[24]. Par contre Berthezène, en
partie par hostilité à l’égard de Clauzel, avec qui il entretenait des
polémiques, montrait peu de confiance dans l’avenir de la colonisation[25]. L’ancien lieutenant de police
de 1830, d’Aubignosc, estimait que les Indigènes devaient collaborer avec les
Français à l’organisation du pays, et être représentés dans le gouvernement,
dans l’armée, et dans les organes administratifs[26]. D'après le commandant
d’état-major Sol, la colonisation devait se faire sous l’autorité d’un
gouvernement militaire, mais la population civile avait à fournir des efforts
et à consentir des sacrifices, pour participer effectivement à son propre
établissement dans le pays et à sa défense[27]. Tous
ceux qui appartenaient à l’armée d’Afrique ou y avaient appartenu
recherchaient ainsi les moyens de mettre en valeur la nouvelle colonie. Par
contre des incompétents, n’ayant aucune expérience pratique de l’Afrique du
Nord, des députés surtout, mais aussi des avocats et des jurisconsultes,
demandaient à la tribune de la Chambre ou par brochures s’il fallait
conserver Alger ; ils s’attiraient de vives ripostes des officiers. Les
premiers colons, qui travaillaient leurs terres tout en luttant contre les
dissidents, suivaient ces discussions avec anxiété. L’un d’eux, le baron
Vialar, écrivait dans une brochure : « Ce ne sont pas les armes de l’ennemi
qui nous ont le plus effrayés, ce sont les discours prononcés d’une tribune
française, ces conseils d’abandon sur notre conquête, ces paroles de blâme et
de calomnie déversées contre des Français, laborieux artisans d’une nouvelle
France[28]. » Ces lignes, restées vraies
depuis plus de cent ans, sont à retenir comme un sage avertissement à ceux
qui prétendent régler le sort de la France d’outre-mer sans l’avoir étudiée
sur place. Dans
les nombreux volumes publiés se trouvent exposés tous les systèmes. Un ancien
officier, Estienne, imaginait une sorte de protectorat dans lequel les
Indigènes auraient leurs beys, et une armée commandée par des Français[29]. Après
le traité de la Tafna, Bugeaud commença, dès 1838, à prendre une part active
à ces discussions. Peu partisan, à l’origine, de l’établissement de la France
en Afrique, il voulait du moins qu’elle y fît œuvre utile en colonisant, non
avec les rebuts de la société, mais avec de bons éléments ! Pour cela il
préconisa une colonisation militaire, réalisée grâce à des camps formés de
soldats libérés ; il recommandait d’ailleurs une meilleure utilisation des
Douairs et Smela, et proposait l’expulsion des Juifs[30]. Il présenta son projet au
gouvernement et aux Chambres, en précisant comment pourrait se faire
l’installation des légions de colons militaires et en l’accompagnant d’un
projet d’ordonnance[31]. En
1840, une éclosion de volumes vint renouveler le sujet. Le général Létang,
qui avait commandé la division d’Oran en 1836 et 1837, était partisan des
colons militaires et des tribus maghzen ; mais il ne faisait pas fi des
colons civils, même de médiocre valeur morale, et écrivait : « Quand a-t-on
vu des colonies naissantes se peupler tout à coup de gens purs et sans tache ?[32] » Ce fut plus tard le mot
du maréchal Lyautey. Leblanc de Prébois, critiquant l’incapacité, au point de
vue de la mise en valeur de l’Algérie, des divers gouverneurs depuis 1830,
sauf Rovigo, voyait le salut de la colonisation dans la substitution du gouvernement
civil au gouvernement militaire et dans la construction de larges routes[33]. Duverger déduisait du fait que
les Indigènes étaient encore à un état de civilisation moyenâgeux, l’utilité
pour l’Algérie d’une organisation féodale, avec châteaux-forts, et de centres
de colonisation française faciles à défendre[34]. Le général Rogniat, voyant
moins large, recommandait l’occupation d’une zone restreinte, dans laquelle
la sécurité de la colonisation serait assurée par un obstacle continu,
analogue en fait à la muraille de Chine[35]. Le
général Duvivier entra lui aussi dans l’arène, où son expérience lui
permettait de parler à bon escient. D’après lui, la guerre faite aux
Indigènes était sauvage, et ne tenait pas compte des résultats pouvant être
obtenus par une bonne politique à leur égard. La construction d’un
retranchement continu était une erreur. La colonisation, trop négligée,
pouvait se développer si elle n’était plus laissée aux mains de spéculateurs[36]. Bugeaud
restait fermement attaché à son projet de colonisation militaire, et au
maintien d’un gouverneur militaire ; en 1842, il estimait que la présence
d’une forte armée était nécessaire pendant longtemps encore en Algérie, car,
avant de coloniser, il fallait être maître du pays[37] ! Duvivier lui répliqua par un
petit livre acerbe : il rejetait la colonisation militaire parce que le
soldat, étant au service de la Patrie, n’avait pas d’après lui à travailler
au profit de l’Etat ou des colons ; il ne voulait pas non plus des grands domaines
; il préconisait des colons civils, ayant de petites propriétés, de manière à
développer le peuplement français, et proposait des ateliers formés « avec
les hommes valides de la mendicité en France[38]. » Le
recrutement des colons était en somme le grand problème à résoudre. Henri
Dugat en 1844 proposait de les prendre parmi les condamnés, les prisonniers
libérés et les pauvres[39]. Le général Bedeau par contre,
faisant en 1846 des propositions à Bugeaud pour la colonisation de la
province de Constantine, était d’avis d’essayer, sans refouler les indigènes,
les divers systèmes de colonisation, sauf toutefois celui des pauvres[40]. Les
polémiques devinrent particulièrement ardentes en 1847, dernière année du
gouvernement de Bugeaud. Le
général de la Moricière, pour développer la colonisation, proposait de mettre
en adjudication la construction des villages par des entrepreneurs qui y
installeraient des habitants à leur guise ; c’était mettre la colonisation
entre les mains des gros capitalistes[41]. Bugeaud par contre faisait
imprimer son mémoire adressé aux deux Chambres : De la colonisation en
Algérie. Il y exposait que la colonisation individuelle serait longue et
difficile, non pas dans les villes où il était facile d’attirer les hommes,
mais dans les campagnes ; il concluait une fois de plus que l’Etat seul
pouvait se charger de trouver, dans les rangs de l’armée d’Afrique, des
paysans vigoureux qu’il établirait, en prenant soin de les laisser aller se
marier en France[42]. La
plupart des officiers qui publiaient le fruit de leurs études étaient
partisans de la colonisation militaire, sous des formes diverses. Pellissier
de Reynaud la préconisait en raison de l’impossibilité de recruter des colons
civils, et était convaincu qu’en moins de vingt ans, on obtiendrait avec elle
une population civile ayant perdu sa marque d’origine[43]. Fabar, apologiste de Bugeaud,
défendait les théories du Maréchal[44] et exposait l’organisation à
donner aux camps agricoles[45]. Le général Le Pays de
Bourjolly, soucieux de coloniser le pays sans diminuer l’attachement des
Indigènes à la France, souhaitait collaborer avec eux grâce à la constitution
de tribus maghzen[46]. Bugeaud
crut bon de répondre au Mémoire de La Moricière, qui était très bien
accueilli par les Chambres ; à son avis, le système de son lieutenant
imposait des dépenses élevées, comportait l’exécution des travaux
d'installation après l’arrivée des immigrants, fournissait des colons de
qualité très incertaine, et ne favorisait en aucune façon le peuplement ; il
aboutissait d’ailleurs à un injuste refoulement des Indigènes[47]. Malgré
l’âpreté avec laquelle le Maréchal défendit ses propositions, il eut
l’amertume de voir triompher le système de La Moricière, et se décida alors à
quitter son commandement. Ce fut une grande perte pour l’Algérie. Après
le départ de Bugeaud, l’idée d’une politique indigène aidant, la colonisation
fit encore des progrès. Lapasset, chef des affaires arabes du cercle de
Ténès, citait comme preuve des possibilités pratiques dans ce sens le village
indigène fondé par lui ; il n’excluait d’ailleurs pas la colonisation
européenne, mais il était partisan d’un travail en commun aboutissant, à la
fin de la troisième année, à un partage[48]. Azéma de Montgravier, ardent
partisan des bureaux arabes, voulait aussi réaliser la colonisation par les
Indigènes en les fixant au sol, et multiplier les tribus maghzen. Seule à son
avis l’autorité militaire était capable de mener cette tâche à bonne fin[49]. Bugeaud
revenu en France restait fidèle à sa doctrine, sauf cependant sur un point
qu’il crut devoir rectifier : le travail en commun. Avec sa franchise
habituelle, il exposa dans une courte notice : Les socialistes et le
travail en commun, que les essais faits par ses soins dans les colonies
militaires fondées en 1842 à Mahelma, Fouka et Mered avaient donné de piètres
résultats, les plus travailleurs s’étant mis au niveau des plus paresseux[50]. Enfin
le général Le Pays de Bourjolly critiquait en 1849 les erreurs commises
l’année précédente dans les tentatives de colonisation, tant au point de vue
de la qualité des colons que du choix des centres à installer[51]. Puis, à la veille du coup
d’Etat de 1851, il montrait à la lueur du passé combien l’autorité militaire
continuait à être nécessaire en Algérie ; l’armée y avait rendu d’immenses
services, par les travaux accomplis, par les administrateurs formés au contact
des populations, en particulier par les bureaux arabes ; elle devait
continuer son œuvre[52]. Les
chefs et les officiers de l’armée d’Afrique attachaient ainsi à la
colonisation un intérêt primordial. Dans
quelle mesure sont-ils parvenus à atteindre le but poursuivi d’un élan
unanime ? La plupart disposaient d’un champ d’action assez restreint, sur
lequel ils étaient en outre limités dans leurs initiatives par la discipline
militaire. Un certain nombre même n’ont exposé leur système qu’après leur
départ d’Afrique. Les théories formulées sur la colonisation n’ont donc pas
toujours pu être mises en pratique[53]. Un seul
homme a disposé à la fois d’une expérience consommée de l’agriculture, du
commandement en chef et du temps nécessaire, pour pouvoir suivre et
développer ses efforts : c’est Bugeaud ; mais il n’a pas pu obtenir l’appui
du Parlement. Bugeaud
savait comment on fait valoir une terre, puisque son enfance s’était écoulée
au milieu des paysans et qu’il avait plus tard cultivé pendant quinze ans, de
1815 à 1830, ses propriétés du Périgord[54]. Pendant son commandement de
six années en Algérie, il eut comme constante préoccupation de mettre le pays
en valeur et fut secondé par des officiers zélés, comme le colonel Randon[55]. Voulant réaliser la
colonisation et le peuplement par l’armée, il employa successivement des
procédés différents. Il payait de sa personne afin de les faire réussir :
ainsi, en 1842, ayant adressé une allocution aux militaires libérables pour
les engager à rester en Algérie comme colons, il obtint 63 adhésions[56]. Cependant ses efforts ne
furent pas toujours couronnés de succès[57]. Au moment où il quitta le
gouvernement général, il aurait probablement pu, instruit par ses diverses
tentatives, arriver à des résultats pratiques, si ses projets avaient été
approuvés. C’est
l’opposition du général de la Moricière, souple, intelligent, séduisant,
habile à conquérir des sympathies dans les cercles politiques et des appuis
dans la presse, qui empêcha l’adoption du principe de la colonisation
militaire ; mais c’est aussi la rudesse de Bugeaud dans ses relations avec
les parlementaires et les journalistes. Bugeaud
avait cependant des idées justes. A ses yeux, la petite culture était
indispensable pour assurer le peuplement français, par un quadrillage
géographique suffisamment dense. Or le petit colon ne pouvait pas se tirer
d’affaire, dans ce pays neuf, par ses propres moyens ; il avait besoin de
toutes façons du secours de l’État. Aller recruter des paysans en France
était difficile et aléatoire. Mieux valait utiliser les militaires, qui,
robustes, disciplinés, moraux, pour la plupart paysans, remplissaient les
conditions voulues pour faire des colons : redevables d’un certain nombre
d’années de service à l’Etat, ils pouvaient consacrer les dernières à la
colonisation, et se préparer ainsi à se fixer en Algérie ; connaissant le
pays et ses mœurs, ils étaient assez vigoureux et assez entraînés pour se
défendre contre des agresseurs éventuels, et faire régner la sécurité ;
possédant l’habitude de la discipline, ils étaient capables de réaliser des
travaux d’utilité publique pour lesquels l’Etat n’eût pas pu faire venir
d’ouvriers civils. Bugeaud,
loin de rejeter la colonisation indigène, préconisait la collaboration des
colons avec les Indigènes ; il entendait réaliser l’association de leurs
intérêts par la fixation au sol des Indigènes, traités avec justice, bonté et
fermeté. La
Moricière au contraire, en voulant faire appel aux capitalistes, se faisait
le défenseur de la grande culture ; les capitalistes avaient entre leurs
mains une sorte d’entreprise de peuplement. Ce système théorique, aléatoire
et dangereux, fut préféré à celui de Bugeaud, inspiré par la pratique et le
bon sens. Malgré
les querelles, les rivalités et les intrigues qui entravèrent la réalisation
des projets élaborés, il faut rendre hommage à l’aide immense apportée à la
colonisation par l’armée d’Afrique. Cette
armée fit d’abord régner la sécurité, sans laquelle aucun établissement
agricole n’est possible ; elle assura les communications grâce à ses routes ;
elle édifia des hôpitaux, des casernes, des magasins, premiers éléments des
villes futures ; elle fertilisa des régions entières par des irrigations ;
elle dessécha, au prix de milliers de morts, des marais insalubres comme ceux
de la Mitidja pour les livrer à la culture ; elle fit vivre, par ses besoins,
les premiers commerçants ; elle construisit les maisons et prépara les
terrains des colons ; elle fournit du travail aux ouvriers civils qui
créèrent par la suite les diverses industries. Elle favorisa, enfin,
l’établissement dans le pays d’un grand nombre d’officiers, de sous-officiers
et de soldats qui y firent souche et qui ont largement contribué au
peuplement désiré par Bugeaud. Le
peuplement français en Afrique du Nord reste d’ailleurs, aujourd’hui encore,
le principal souci des hommes qui comprennent où est l’avenir du pays ; les
publications et les discours de Bugeaud peuvent être relus avec le plus grand
profit[58], car le but à poursuivre est
toujours de faire de l’Algérie, comme le voulait le Maréchal, une « province
française ». L'armée
d’Afrique a accompli sous Louis-Philippe une tâche difficile et rude, qui ne
s’est pas bornée à des opérations militaires. Bugeaud
en a réalisé la plus large part, et l’a définie dans sa proclamation d’adieux
à l’armée en 1847. Après avoir rappelé à ses soldats comment ils avaient «
trouvé glorieux de savoir manier tour à tour les armes et les instruments de
travail », il concluait en ces termes : « Il
est des armées qui ont pu inscrire dans leurs annales des batailles plus
mémorables que les vôtres ; il n’en est aucune qui ait livré plus de combats,
ni exécuté plus de travaux[59]. » Dans
l’accomplissement de ces rudes labeurs, généraux, officiers et hommes de
troupe ont rivalisé de zèle et de dévouement. Au
cours des marches et des combats, et surtout à partir de l’arrivée de
Bugeaud, s’établit progressivement une camaraderie simple et cordiale entre
tous les militaires de l’armée d’Afrique, du général en chef au simple
troupier. Cette camaraderie, née des souffrances et des dangers communs, ne
portait pas la moindre atteinte au respect dû aux supérieurs hiérarchiques ni
à la discipline ; elle s’est perpétuée jusqu’à nos jours, avec un caractère
spécial de cordialité qu’on ne retrouve ni dans l’armée métropolitaine, ni
même dans l’armée coloniale ; elle ne s’est modifiée qu’à la suite des pertes
de la guerre 1914-1918, et en raison de l’arrivée d’un flot d’officiers
ignorants des traditions et de l’esprit de la vieille armée d’Afrique. Cette
camaraderie d’ensemble n’a pas empêché des rivalités individuelles, surtout
entre généraux, mais aussi entre candidats à l'avancement pour les hauts
grades, ou entre officiers exerçant des fonctions particulières comme celles
des affaires arabes. Le duc de Rovigo avait des relations tendues avec le
général Pierre Boyer et le général Monk d’Uzer ; Drouët d’Erlon ne pouvait
s’entendre avec Desmichels ; Bugeaud était en désaccord avec La Moricière ;
La Moricière l’était avec Cavaignac ; Changarnier détestait Bugeaud ;
Pellissier haïssait Yusuf ; Montagnac ne pouvait pas admettre l’autorité de
Barrai. Mais c’étaient là des inimitiés toutes personnelles qui ne
changeaient rien au caractère des liens unissant tous les « Africains »,
grands et petits. Les
officiers, abandonnant la vie facile et gaie des garnisons de France, sont
venus mener en Afrique une existence pénible et austère : ils ont bivouaqué
et combattu dans un pays sauvage ou grelotté de fièvre dans des postes
déshérités. Pénétrés de l’esprit de sacrifice naturel à tout homme ayant la
vocation militaire, ils se sont profondément attachés au dur apostolat qu’ils
s’étaient imposé. Le lieutenant-colonel Bosquet écrivait en janvier 1846 à un
de ses amis : « C’est une vie d’enfer que cette Afrique, et cependant il ne
m’est plus permis de la quitter... Je vis exactement comme un chef de bande
proscrit, rêvant la nuit à un coup à faire... Mais cette guerre interminable
d’Afrique m’a saisi dans ses griffes pour ne plus me lâcher, et je suis lié
comme un damné[60]. » Ils
n’ont jamais pensé aux avantages matériels qui pouvaient être retirés de la
conquête du pays ; mais ils ont pour la plupart ardemment désiré recueillir,
comme prix de leurs sacrifices, un peu de gloire, la vraie richesse du
soldat. Les
hommes de troupe ont marché, peiné, lutté, souffert, sans envisager la
possibilité d’une récompense, sans même avoir la perspective d’être
convenablement soignés s’ils étaient malades ou blessés. Beaucoup sont morts
de fièvre dans des postes insalubres ; d’autres sont tombés obscurément sous
la balle ou sous le yatagan des dissidents. Les cris d’angoisse des
malheureux dont les Indigènes coupaient la tête ont retenti au travers des
plaines et des montagnes incultes, où aujourd’hui agriculteurs et bergers
chantent joyeusement au milieu de riches moissons. Les
Algériens de toute origine ont contracté une dette sacrée de reconnaissance
vis-à-vis de l’armée d’Afrique, qui a fait de leur pays une contrée heureuse
et prospère. Si tous sont unis aujourd’hui sous les plis du drapeau
tricolore, s’il n’y a plus en Algérie que des Français, citoyens ou non,
c’est grâce à cette armée et à ses efforts. La
prise d’Alger en 1830 a marqué pour les indigènes algériens le commencement
de leur affranchissement ; et cependant, lorsqu’a été célébré son centenaire,
il a fallu parfois triompher de piètres idéologues, ignorant l’histoire de
l’Algérie et les sentiments intimes de ses populations, pour donner à l’armée
une place convenable dans cette célébration, sous prétexte que les indigènes
pourraient « en être froissés » ! Les
populations algériennes doivent avoir à cœur de conserver précieusement le
souvenir de ceux qui ont souffert et qui sont morts pour elles. Les officiers
et les soldats de l’armée d’Afrique revenus en France ont terminé leurs jours
dans des foyers généralement pauvres, tandis que s’édifiaient de magnifiques
fortunes sur le sol pacifié par eux. D’autres, Français ou Indigènes, suivant
les conseils de Bugeaud, ont créé des exploitations agricoles qui ont
contribué à développer la prospérité du pays. D’autres enfin, frappés par le
fer ou emportés par la maladie, ont été hâtivement ensevelis dans des
terrains que la charrue retourne aujourd’hui, et font ainsi partie intégrante
du sol fécondé par leur sacrifice ; ou bien ils reposent dans les tombes de
vieux cimetières, pieusement entretenues par leurs héritiers de l’armée
d’Afrique, et devant lesquelles viennent s’incliner chaque année des
représentants des populations, sans connaître toujours les raisons profondes
de cet hommage. Sur les
rives méridionales de la Méditerranée grandit un jeune peuple dans lequel
viennent peu à peu se fondre, comme en un puissant creuset, les divers
éléments jadis juxtaposés ou hostiles. Puissent les générations françaises
dont se prépare l’épanouissement se rappeler toujours le rôle glorieux et pur
joué dans la formation de leur captivante Algérie par la première armée
d’Afrique. FIN DE L'OUVRAGE
|
[1]
Farine faite de grains de blé cuits, puis moulus avec quelques grains de sel.
[2]
Léon Roches, Trente-deux ans à travers l'Islam, Paris, 1887, tome II,
pages 440-443.
[3]
Léon Roches, Trente-deux ans à travers l'Islam, tome II, pages 346-347.
[4]
Les opérations de 1830 à 1852 et les observations à leur sujet ont été exposées
dans : Général Paul Azan, Conquête et Pacification de l'Algérie.
[5]
Ordre du jour n° 10, en date du 7 octobre 1831. Imprimé dans : Colonel
Walsin-Esterhazy, Notice historique sur le Maghzen d'Oran, 1849, page
299.
[6]
Léon Roches, Trente-deux ans à travers l’Islam, tome II, page 425.
[7]
Léon Roches, Trente-deux ans à travers l'Islam, tome II, page 428.
[8]
Léon Roches, Trente-deux ans à travers l'Islam, tome II, pages 469 et
suivantes.
[9]
Ordre du jour n° 115, de Mascara, 3 avril 1842. Imprimé dans : Colonel Walsin-
Esterhazy, Notice historique sur le Maghzen d’Oran, 1849, page 349.
[10]
E. Pellissier de Reynaud, Annales algériennes, tome III, Alger, 1854,
page 50.
[11]
Considérations générales sur l’Algérie, Oran, 20 décembre 1843. Inséré dans La Sentinelle
de l'Armée du 8 janvier 1844. Imprimé dans : Colonel Walsin-Esterhazy, Notice
historique sur le Maghzen d'Oran, 1849, pages 293-298.
[12]
Maghzen veut dire gouvernement. Le mot s’emploie adjectivement pour
désigner ce qui appartient au gouvernement, les troupes à son service.
[13]
Le maréchal duc d’Isly au colonel Walsin-Esterhazy, d’Alger, 15 mars 1847.
Imprimée dans : Colonel Walsin-Esterhazy, Notice historique sur le Maghzen
d'Oran, 1849, pages 398-400.
[14]
Colonel Walsin-Esterhazy, Notice historique sur le Maghzen d'Oran, pages
231-232.
[15]
Le capitaine Ducrot à son grand-père, de Miliana, 22 juillet 1844. La vie
militaire du général Ducrot, tome I, page 135.
[16]
Discours imprimé dans : Colonel Walsin-Esterhazy., Notice historique sur le
Maghzen d'Oran, 1849, page 292.
[17]
Comte Pierre de Castellane, Souvenirs de la vie militaire en Afrique,
Paris, 1852, page 384.
[18]
La Bibliographie militaire des ouvrages et articles de revues relatifs à
l'Algérie, de 1830 à 1926, publiée par le Service historique de l’armée,
comprend, dans ses deux gros volumes, 4.193 ouvrages, succinctement analysés.
Les auteurs ne sont pas tous militaires, et appartiennent en partie seulement à
la période 1830-1852 ; on peut néanmoins se rendre compte, en la consultant, de
l’effort intellectuel donné par les officiers dans les 21 premières années de
l’armée d’Afrique.
[19]
M. Charles Tailliart, vice-recteur de l’Académie d’Alger, a publié deux
excellents volumes : L'Algérie dans la littérature française, de 676
pages ; Essai de bibliographie méthodique et raisonnée jusqu'à l'année 1924,
de 466 pages, Paris, Champion, 1925. Ces volumes, fruit de recherches
approfondies, par un auteur ayant une parfaite connaissance du sujet, donnent
une vue d’ensemble de la question.
[20]
Colonel Paul Azan, Un document de 1845 sur l'armée indigène, Oran, imp.
L. Fouque, 1923. Extrait du Bulletin de la Société de géographie et
d'archéologie de la province d'Oran.
[21]
Le colonel de Saint-Arnaud à son frère, avocat à Paris, d’Orléansville, 20
décembre 1844. Lettres, tome II, page 5.
[22]
Voir : Gabriel Esquer, Iconographie de l'Algérie, Plon, 1930. Ce
magnifique ouvrage renferme des documents de premier ordre.
[23]
Baron Volland, intendant militaire, Sur la colonisation d'Alger, Paris,
1831.
[24]
Maréchal Clauzel, Nouvelles observations sur la colonisation d'Alger,
Paris, 1833.
[25]
Baron Pierre Berthezène, lieutenant-général, Dix-huit mois à Alger,
Montpellier, 1834.
[26]
D’Aubignosc, Nouveau système d'occupation et d'exploitation, Paris,
1835.
[27]
Commandant d’état-major Sol, Du système à suivre pour la colonisation
d'Alger ; Spectateur Militaire, Paris, 15 août et 15 septembre 1835.
[28]
Baron Vialar, Simples faits exposés à la réunion algérienne du 14 avril 1835,
Paris, 1835.
[29]
Estienne, ancien officier supérieur, Gouvernement modèle pour la
colonisation d'Alger et la civilisation de l'Afrique du Nord, Paris, 1837.
[30]
Général Bugeaud, Mémoire sur notre établissement dans la province d'Oran,
Paris, 1838.
[31]
Général Bugeaud, De l'établissement de légions de colons militaires dans les
possessions françaises de l’Afrique du Nord, suivi d'un projet d'ordonnance
adressé au gouvernement et aux Chambres, Paris, 1838.
[32]
Général Létang, Des moyens d'assurer la domination française en Algérie,
Paris, 1840, page 197.
[33]
Leblanc de Prébois, De la nécessité de substituer le gouvernement civil au
gouvernement militaire pour le succès de la colonisation d'Alger, Paris,
1840.
[34]
P. Duverger, La féodalité comme moyen de conserver ou de civiliser l'Algérie,
Paris, 1840.
[35]
Général Rogniat, De la colonisation en Algérie et des fortifications propres
à garantir les colons des incursions des tribus africaines, Paris, 1840.
[36]
Général Duvivier, Solution de la question de l'Algérie, Paris, 1841.
[37]
Général Bugeaud, L'Algérie. Des moyens de conserver et d'utiliser cette
conquête, Paris, 1842.
[38]
Général Duvivier, Quatorze observations sur le dernier mémoire du général
Bugeaud, Paris, 1842 (7e observation).
[39]
Henri Dugat. Des condamnés, des libérés, et des pauvres. Prisons et champs
d'asile en Algérie, Paris, 1844.
[40]
Projets de colonisation pour les provinces d'Oran et de Constantine,
présentés par MM. les lieutenants-généraux Lamoricière et Bedeau, Paris,
1847.
[41]
Projets de colonisation... par Lamoricière et Bedeau, cité.
[42]
Général Bugeaud, De la colonisation en Algérie, Paris, 1847.
[43]
Pellissier de Reynaud, Quelques mots sur la colonisation militaire en
Algérie, Paris, 1847.
[44]
Fabar, L'Algérie et l'opinion, Paris, 1847.
[45]
Camps agricoles de l'Algérie, ou colonisation civile par l’emploi de l'armée,
Paris, 1847.
[46]
Le Pays de Bourjolly, Projets sur l'Algérie, Paris, 1847.
[47]
Maréchal Bugeaud, Observations de M. le Maréchal gouverneur général sur le
projet de colonisation présenté pour la province d'Oran par M. le
lieutenant-général de Lamoricière, Alger, 1847.
[48]
Ferdinand Lapasset, Mémoire sur la colonisation indigène et la colonisation
européenne, Alger, 1848.
[49]
Azéma de Montgravier, Deux lettres au Président de la République, Oran,
1849.
[50]
Maréchal Bugeaud, Les socialistes et le travail en commun, Lyon, 1849.
[51]
Général Le Pays de Bourjolly, Colonies agricoles de l'Algérie, Paris,
1849. — L’Assemblée de 1848 avait voté cinquante millions pour l’établissement
de colons, afin de remédier au chômage ; malgré les efforts des chefs
militaires, la tentative fut déplorable.
[52]
Général Le Pays de Bourjolly, Colonisation et mode de gouvernement en
Algérie, Paris, 1851.
[53]
Voir au sujet des tentatives faites : Jules Maguelonne, Les essais de
colonisation militaire de 1830 à 1848, Paris, Imprimerie Nationale, 1906.
[54]
Voir : Général Paul Azan, Bugeaud et l’Algérie, Paris, 1930.
[55]
Voir : E. Pellissier de Reynaud, Annales algériennes, tome III, Alger,
1854, pages 95, 96, 98, 252 à 259.
[56]
La Sentinelle de l’Armée, 1842, page 6.
[57]
Voir : Victor Démontés, La colonisation militaire sous Bugeaud, Paris,
1917.
[58]
Le Comité Bugeaud, à Tunis, a repris les idées et les buts du Maréchal ;
il a fait paraître un volume intitulé : Le Peuplement français de l'Algérie
par Bugeaud, dans lequel sont reproduits les écrits ou discours du
Maréchal.
[59]
Ordre du jour du maréchal Bugeaud, Alger, 5 juin 1847.
[60]
Maréchal Bosquet, Lettres à ses amis, 1837-1860, Paris, 1879, tome I,
pages 117-118.