La
victoire de l'Isly avait eu un immense retentissement en Algérie, et avait
valu au maréchal Bugeaud, par décision du 18 septembre 1844, le titre de duc
d’Isly. Le
Maréchal eût voulu faire cesser l’agitation en Kabylie. Au mois d’octobre,
une colonne dirigée par le général Comman contre les Kabyles des environs de
Dellys ayant été ramenée sur ce poste avec des pertes sensibles[1], il alla châtier sévèrement les
coupables[2]. Puis il s’embarqua le 16
novembre pour aller passer deux mois de congé en France, et confia l’intérim
du gouvernement général à La Moricière. Le
Gouverneur par intérim gardait son attention fixée sur la province d’Oran :
il cherchait à arrêter l’émigration des tribus au Maroc provoquée par Abd el
Kader ; il voulait établir un poste à Djemmaa-Ghazaouet, contrairement aux
ordres de Bugeaud qui lui avait recommandé un minimum de postes fixes et un
maximum de troupes mobiles[3]. Aucune agitation sérieuse ne
se manifestait. Cette
période de répit permettait aux postes de s’organiser avec un peu plus de
confort. Les installations y étaient souvent très sommaires, même celles des
commandants d’armes. Saint-Arnaud écrivait, en arrivant à Orléansville à la
fin de 1844 : « J’ai pour maison une espèce de kiosque ressemblant à la loge
du bouc au Jardin des Plantes. Trois petites pièces se commandant les unes
les autres, et entourées d’une mauvaise galerie couverte en toile, composent
ce malentendu séjour[4]. » Il faisait de suite
transformer une porte en fenêtre et ouvrir une autre porte, ce qui était
facile, puisque sa maison était en bois ; il édifiait en face de sa maison un
second bâtiment relié par une galerie couverte. Deux mois plus tard, il
donnait dans cette demeure un bal de plus de 200 personnes, dont « trente
femmes, et quelles femmes ! des femmes de colons travesties en Pompadour,
avec des robes faites en pièces de foulards et des perruques en aloès[5]. » La gaieté française
conservait tous ses droits dans l’armée d’Afrique. Le
calme général fut troublé soudain, le 30 janvier 1845, par un grave incident
: un obscur marabout venu de l’Ouest suscita une agression contre le poste de
Sidi-bel-Abbès. Le commandant supérieur du poste, le commandant Vinoy, était
allé avec son goum et ses deux escadrons de spahis régler un différend entre
tribus, laissant à la garde de la redoute le bataillon du 6e léger aux ordres
du commandant Ponsard. Une soixantaine d’Indigènes, précédés d’enfants,
s’appuyant sur des bâtons de voyage et récitant des prières, se dirigèrent
vers la redoute ; ils en approchèrent sans éveiller la défiance des soldats,
tuèrent le factionnaire qui voulait leur en interdire l’entrée, sortirent
alors des armes dissimulées sous leurs burnous, et se précipitèrent à
l’intérieur avec des cris affreux, en massacrant les militaires sur leur
passage. Après une lutte courte, mais acharnée, ces forcenés, qui
appartenaient à la secte des Derkaoua, périrent tous ; ils avaient tué ou
blessé 32 officiers et soldats de la garnison[6]. Cet
événement isolé ne devait pas être pris au tragique ; il montrait cependant
combien les populations étaient prêtes à se dresser contre les Français, et
symbolisait le mécontentement qui grandissait sourdement. Ce
mécontentement était dû en partie à des erreurs de politique indigène.
Bugeaud avait adopté l’organisation administrative créée par Abd el Kader,
avec la même mission essentielle : percevoir les impôts. Mais, tandis que ces
impôts étaient versés à l’Emir pour la défense de la religion, ils
reprenaient avec les Français le caractère d’un prélèvement au profit des
maîtres du pays, comme sous les Turcs. Les Indigènes semblaient avoir comme
seules raisons d’être le paiement de ces impôts et la fourniture de soldats
ou de travailleurs. Les
bureaux arabes avaient la charge de surveiller et de régulariser
l’administration indigène. Mais les officiers de ces bureaux ne s’étaient pas
toujours adaptés aux fonctions nouvelles imposées par les progrès de la
pacification. Ils conservaient l’attitude et les procédés employés pendant la
guerre contre des ennemis ; ils n’avaient pas tous acquis le sentiment de
leurs devoirs de tutelle bienveillante vis-à-vis des populations soumises. Les
directeurs ou chefs de bureaux agissaient isolément, suivant leur tempérament
et leur caractère, sans que leurs administrés eussent aucun recours en cas
d’arbitraire ou de brutalité. Certains d’entre eux ne faisaient pas assez la
différence entre des tribus insoumises, ne méritant pas d'indulgence, et des
tribus venues à la France, dont il fallait savoir tolérer les habitudes et
les mœurs en cherchant à les améliorer peu à peu. Ils ne tentaient pas de
sauvegarder les intérêts des populations, et, comme l’a remarqué
Walsin-Esterhazy, de « faire la part du vaincu après la victoire » ; ils ne
cherchaient pas à gagner la confiance et l’affection des Indigènes, ni à
réaliser, « après la conquête matérielle, la conquête morale[7]. » Le
choix des officiers chargés de ces fonctions si importantes n’avait pas
toujours été fait avec discernement. Quelques-uns, désignés en raison de leur
grade, ignoraient les mœurs, les traditions et la religion de leurs
administrés, et ne pouvaient donc faire de bonne besogne. Ils traitaient les
chefs indigènes sans ménagements, surtout dans la province d’Oran ; ils
blessaient inutilement leur fierté, au lieu de gagner leur cœur : « Ces actes
de capricieuse autocratie, a écrit le colonel Walsin-Esterhazy, d'inintelligente
rigidité qui se répétaient sur divers points du territoire, irritaient
profondément les populations, et, loin de trouver dans l’autorité supérieure
un blâme qui eût suffi pour les faire cesser, ils n’y rencontraient, au
contraire, qu’encouragement et approbation[8]. » L’inexpérience
du pays et des populations a toujours été, en Afrique du Nord, un écueil pour
ceux appelés à y jouer un rôle quelconque. Aussi
lorsque Bugeaud avait, pendant son séjour en France, démontré au maréchal
Soult la nécessité de l’expédition de Kabylie, avait-il spécifié ne vouloir,
pour l’exécuter, « ni soldats conscrits, ni conscrits généraux[9]. » Il avait l’intention d’en
confier la direction au général Bedeau, commandant de la province de
Constantine. Mais, en raison de la répugnance manifestée par les Chambres et
par la presse, il se borna à envisager pour 1845 des colonnes dans le Sud des
trois provinces. A son avis, ces opérations, organisées respectivement par le
général de la Moricière dans la province d’Oran, par le général Bedeau dans
la province de Constantine, et confiée au général Marey dans la province
d’Alger, auraient pour avantage d’ouvrir au commerce des routes sahariennes ;
elles permettraient surtout d'étouffer dans l’œuf les tentatives
insurrectionnelles toujours à craindre : « Nous allons chercher la guerre,
écrivait-il à Soult le 8 avril, parce qu’elle est à nos portes et que, si
nous n’y allions pas, elle viendrait avec des avantages moraux que nous
voulons lui enlever[10]. » Le
Gouverneur général comptait mettre ainsi en pratique le principe « initiative
des opérations », dont l’excellence n’est pas à démontrer, et le principe « manifestation
de la force pour en éviter l’emploi », dont les campagnes coloniales ont
depuis lors affirmé l’efficacité. Au
moment où il prenait sa décision, une insurrection éclata dans le Dahra, et
prit en peu de jours une grande importance ; elle était fomentée par un jeune
marabout d’une vingtaine d’années, Mohammed ben Abdallah, étranger au pays,
et surnommé Bou Maza (l’homme à la chèvre), en raison d’une chèvre apprivoisée dont il
était accompagné. Le
colonel de Saint-Arnaud, qui commandait à Orléansville, se mit aussitôt en
campagne ; il fut bientôt rejoint par le général de Bourjolly, accouru de
Mostaganem à la tête d’une colonne[11]. Bourjolly se chargea du Dahra
tandis que Saint-Arnaud volait au secours de la faible garnison restée au
camp des Gorges, près de Ténès, et attaquée le 20 avril par les Kabyles[12]. Pendant ce temps, Bou Maza se
portait contre Orléansville, démuni de la majeure partie de sa garnison, et
tentait le 28 avril de l’enlever à la tête d’une horde fanatisée qu’il
précédait un bâton à la main ; il eût peut-être réussi, sans l’intervention
d’un bataillon d’infanterie arrivé en renfort le jour même. Bugeaud
se rendit compte de la gravité du mouvement insurrectionnel. Il prescrivit
les mesures les plus rigoureuses pour en arrêter le développement : les
tribus demandant l’aman devaient payer leurs impôts arriérés et une
contribution de guerre, remettre tous leurs fusils et tous leurs chevaux,
sinon elles étaient punies par la destruction totale de leurs biens.
Néanmoins, l’insurrection se propagea et éclata le 30 avril dans tout l'Ouarenséris. Tandis
que le Gouverneur général partait de Miliana le 6 mai à la tête d’une
colonne, Saint-Arnaud opérait dans le Dahra, et Marey revenait en hâte de
chez les Ouled Naïl réprimer un soulèvement dans le Djebel Dira[13]. Revenu à Orléansville, Bugeaud
en repartait le 25 mai pour opérer de concert avec le général Reveux et le
général de Bourjolly contre les tribus de l'Ouarenséris, et parvenait à se
faire apporter 1.800 fusils[14]. Le
colonel de Saint-Arnaud ne réussissant pas à soumettre le Dahra, deux
nouvelles colonnes, aux ordres des colonels Pélissier et de Ladmirault,
furent organisées pour coopérer avec lui. Saint-Arnaud et Ladmirault
obtinrent plein succès[15]. Pélissier
rencontra, chez les Ouled Riah, une résistance obstinée ; il dut assiéger les
rebelles dans des grottes où ils s’étaient réfugiés avec leurs femmes et
leurs enfants. Pour les obliger à sortir, il fit jeter devant les issues des
fascines enflammées ; puis, les pourparlers restant sans résultats, il fit
entretenir le feu. Lorsqu’au milieu de la nuit les foyers furent éteints, un
émissaire envoyé aux assiégés revint avec quelques hommes haletants qui se
rendirent à discrétion ; une centaine d’autres se traînèrent dehors, dont
plusieurs moururent presque aussitôt. Un courant d’air brûlant s’était établi
entre deux ouvertures de niveau inégal, et avait asphyxié ou brûlé les
malheureux assiégés. Le lendemain, lorsque les soldats purent pénétrer dans
les grottes, ils y trouvèrent plus de 500 cadavres[16]. L’enfumade
des grottes du Dahra laissa une triste impression à ceux qui y avaient
assisté. Pélissier lui-même écrivait le 22 juin à Bugeaud : « Ce sont des
opérations que l’on entreprend quand on y est forcé, mais que l’on prie Dieu
de n’avoir à recommencer jamais ». Cet événement fut commenté dans toute
l’armée d’Afrique. Il émut profondément Soult, qui en cacha les détails à la
presse, et qui demanda des explications au Gouverneur général[17]. Bugeaud
couvrit entièrement son subordonné, et assuma devant le Ministre toute la
responsabilité du drame. Portant la question sur un terrain élevé, il
exposait que les guerres prolongées par l’emploi de moyens peu rigoureux
ruinaient les nations et multipliaient les victimes. Le siège des grottes
était-il plus cruel que celui de capitales européennes réduites par le
bombardement et la famine, ou que la destruction de vaisseaux coulés en mer
avec tout leur équipage ? Le Maréchal se justifiait des moyens de répression
employés, tels la destruction des villages et des arbres, l’enlèvement des
populations et des troupeaux, en montrant que, faute d’agglomérations
urbaines, c’étaient les seuls moyens d’atteindre les intérêts ennemis. Il
affirmait enfin les sentiments d’humanité et de pitié communs à tous les
militaires de l’armée d’Afrique, mais passant après leurs devoirs envers la
patrie[18]. Le
terrible châtiment infligé aux Ouled Riah ne parvint pas à enrayer
l’insurrection. Le colonel de Saint-Arnaud dut organiser des colonnes
convergentes. Il employa lui aussi des moyens cruels : les Mechaïa s’étant
retranchés dans des grottes et refusant de capituler, il eut recours à une
mine dont l’explosion tua une cinquantaine de rebelles, et obtint ainsi la
reddition des autres[19]. Le
maréchal Bugeaud fit meilleure besogne en remaniant le commandement indigène
du Dahra. Les fonctionnaires installés par Cavaignac étaient intelligents et
énergiques, mais de modeste origine et par suite sans grande autorité ; aussi
des hommes influents avaient-ils passé à la dissidence ; la création d’un
nouvel aghalik, à la tête duquel fut placé un chef qualifié, remédia à cet
état de choses[20]. Le
calme paraissant rétabli, Bugeaud crut le moment venu de préparer les essais
de la colonisation militaire qu’il préconisait. Par une circulaire du 9 août
1845, il invita les généraux à dresser des listes de volontaires pour «
colonies militaires », en leur signalant, dans un projet d'organisation,
les avantages accordés aux colons suivant leur grade et les obligations
imposées en échange[21]. Il comptait aller en France et
faire état de ses listes auprès du maréchal Soult, pour faire triompher son
système de colonisation, et ne pas reprendre ses fonctions de gouverneur s’il
n’obtenait pas gain de cause[22]. Il s’embarqua le 4 septembre
1845, laissant l’intérim à La Moricière. Depuis
plusieurs mois La Moricière était, dans la province d’Oran, aux prises avec
une agitation provoquée par le voisinage d’Abd el Kader. Afin de
protéger les tribus soumises contre les incursions des partisans de l’Emir,
il créa au mois d’avril 1845 le poste de Daya, au sud de Sidi-bel-Abbès ; il
en confia le commandement au commandant Charras, en lui donnant un bataillon
de légion, 80 sapeurs du génie, 3 pièces de campagne, des vivres et des
munitions[23]. Charras,
officier d’artillerie, connu pour ses opinions républicaines, avait été,
comme capitaine, chef de bureau arabe auprès du lieutenant- colonel Géry à
Mascara. Du Barail l’a dépeint en ces termes : « Homme de très haute
intelligence, mais trop convaincu de ses mérites pour en admettre chez les
autres. Il ne pouvait tolérer aucune supériorité, pas même celle de Napoléon
Ier , à qui il donna des leçons de tactique dans un opuscule sur Waterloo,
laissant entendre que l’Empereur ne connaissait pas grand'- chose au métier
de général en chef. Il avait un trait dans l’œil ; il louchait. « Voyez-vous,
me disait un jour à propos de lui le général de Martimprey, il ne faut jamais
se fier aux gens qui n’ont pas les yeux droits. Ils louchent du cerveau[24]. » Tandis
que Charras s’installait à Daya, le colonel Géry, parti de Mascara, poussait
dans le Sud une colonne à Stitten[25], puis jusque chez les Ouled Sidi
Cheikh, à Brézina[26]. A peine rentré à Mascara, il
apprit qu'Abd cl Kader était venu razzier Stitten[27]. La
Moricière avait comme adversaires dans ces régions les tribus nomades,
difficilement saisissables, mais obligées de s’approvisionner dans le Tell.
Afin de couper leur ravitaillement et de se couvrir contre les entreprises
d’Abd el Kader, il voulait faire de Tiaret, Saïda, Daya et Sebdou, les bases
d’opération de quatre colonnes[28]. Un
réseau serré de colonnes de couverture comprit : le général Cavaignac aux
environs de Sebdou ; le général Korte et le colonel Morris pour
Sidi-bel-Abbès ; le général de la Moricière à Saïda ; le colonel Géry à
Frenda ; le général de Bourjolly à Tiaret ; le général Reveux à
Teniet-el-Had. Pour
agir contre les objectifs fugitifs qui se présentaient, les colonnes devaient
posséder un entraînement remarquable et pouvoir user de vitesse. Cavaignac,
par exemple, voulant tomber à la fin de juin sur une émigration, partit de
Sebdou avec 600 fantassins, 400 cavaliers et son goum, et en deux jours fit
parcourir 180 kilomètres à ses cavaliers et 90 kilomètres à ses fantassins,
sous un soleil brûlant[29]. De tels
efforts n’auraient pas dû être nécessaires si la victoire de E Isly avait été
convenablement exploitée. Une grande faute avait été commise, de l’avis de
Montagnac, en confiant le soin de traiter à d’autres qu’à Bugeaud, et en «
abandonnant la ligne avant d’avoir obtenu l’exécution de toutes les
conditions du traité ! » Le lieutenant-colonel estimait aussi que les
vainqueurs, « enivrés de leurs exploits, avaient été trop pressés d’aller
recueillir, en France, les ovations qui leur étaient dues. » Ils n’avaient
pas exploité leur victoire : « Chacun a pensé à autre chose : qui à accrocher
un ruban, qui à se couronner d’un titre, qui à filer aux pieds d’Omphale, qui
à raconter ses exploits[30]. » Le
départ de Bugeaud pour la France au début de septembre paraissait cependant
sans grand inconvénient, le calme régnant à peu près partout à ce moment. Il
était motivé par son désaccord avec le Gouvernement au sujet des questions
d’organisation et de colonisation. Le
Maréchal avait été froissé par l’ordonnance du 15 avril 1845. Cette
ordonnance instituait un directeur général des affaires civiles,
intermédiaire officiel entre le Gouverneur et les trois chefs de service :
directeur de l’intérieur et de la colonisation ; procureur général ;
directeur des finances. Le directeur général des affaires civiles et le
directeur central des affaires arabes entraient au Conseil supérieur
d’administration. Un Conseil du contentieux était créé. L’ordonnance
définissait en Algérie trois sortes de territoires ayant des régimes
différents : territoires civils où se trouvaient un nombre d'Européens
suffisant pour justifier l’organisation de services civils ; territoires
mixtes, où les Européens, encore peu nombreux, étaient administrés par les
chefs militaires ; territoires arabes, où il n’existait pas de population
européenne. Le
projet primitif centralisait les services civils entre les mains d’un haut
fonctionnaire et créait un véritable dualisme administratif. A la suite des
protestations de Bugeaud, de larges atténuations lui avaient été apportées,
laissant cependant subsister un rouage nouveau. Bugeaud devait s’en prendre à
lui-même de cette mesure ; car, aimant à intervenir personnellement dans les
opérations, et même à prendre le commandement d’une colonne, il était
fréquemment absent d’Alger, et laissait la présidence du Conseil
d’administration et la signature au lieutenant général de Bar[31]. Il fallait plus d’attention et
de continuité dans l’expédition des affaires civiles. Le
Gouverneur général espérait faire rapporter cette ordonnance, et attendit
plusieurs mois avant de permettre sa publication dans le Moniteur algérien[32]. Il
écrivait à Soult le 27 avril : « Ce n’est pas par des ordonnances plus ou
moins libérales sur l’organisation de l’administration civile que nous
consoliderons notre puissance. J’aimerais mieux un bataillon de plus que le
Conseil du contentieux, le directeur général des services civils et le
rapporteur près du Conseil d’administration[33]. » Quelques
semaines plus tard, l’insurrection s’étant aggravée, il critiquait plus
âprement encore les partisans de « l’extension des institutions civiles », en
lui écrivant : « Si ces utopistes insensés pouvaient participer le sac au dos
avec huit jours de vivres, soixante cartouches dans la giberne, à tout ce que
nous faisons pour maintenir la sécurité, ... ils ne pousseraient pas le
Gouvernement avec tant d’ardeur à annuler le pouvoir militaire[34]. » Pour la
colonisation comme pour l’organisation, Bugeaud préférait aux formules
civiles les formules militaires. Il écrivait à Soult : « Il s’agit de créer
une force attachée au sol, pour rendre l’Algérie indépendante de la politique
de la Métropole en Europe, et débarrasser la Métropole des soucis que lui
cause l’Algérie. La colonisation civile toute seule, je ne saurais trop le
redire, est insuffisante... Il nous faut une population purement rurale et
obéissant à la discipline militaire[35]. » Fermement
attaché à ses idées, le Gouverneur général était décidé à ne pas rester en
Algérie s’il n’obtenait pas gain de cause. Il se confiait le 21 août au
colonel de Saint-Arnaud en ces termes : « Si l’on ne me comprend pas, si l’on
ne veut pas me comprendre, je ne reviendrai pas. Si tout s’arrange comme je
le crois, je serai de retour à Alger dans les premiers ours de novembre[36]. » A peine
Bugeaud embarqué pour la France, l’insurrection reprit à nouveau ; attisée à
la fois par Bou Maza et par Abd el Kader, elle gagna rapidement en intensité
et en surface. Avant la fin de septembre, elle était maîtresse d’une grande
partie des provinces d’Alger et d’Oran, où les diverses colonnes étaient
réduites à la défensive, sans pouvoir communiquer entre elles. Le général de
Bourjolly, commandant par intérim la province d’Oran, parti de Mostaganem
pour opérer chez les Flitta, était aux prises avec des ennemis acharnés ; ni
le colonel de Saint-Arnaud ni le colonel Géry ne pouvaient le rejoindre. La
Moricière très inquiet envoya d’Alger à Mostaganem le colonel Renault avec
deux bataillons du 6e léger. A ce
moment même des événements très graves se passaient dans l’Ouest : une petite
colonne commandée par le lieutenant-colonel de Montagnac était à peu près
anéantie aux environs du marabout de Sidi-Brahim[37]. L'affaire
de Sidi-Brahim a laissé un renom glorieux et sanglant dans l’histoire
algérienne, et est restée le symbole de la vaillance des chasseurs à pied. La
Moricière avait maintenu une garnison à Djemmaa-Ghazaouet, malgré les ordres
de Bugeaud, et avait chargé le lieutenant-colonel de Montagnac d’organiser le
poste[38]. Montagnac
avait servi dans les diverses régions de l’Algérie, et jouissait d’une grande
réputation dans l’armée d’Afrique. Un de ses subordonnés du 61e de ligne, le
lieutenant J. Rémy, le décrivait en ces termes : « Le colonel avait une voix
de stentor, les traits du visage fortement accentués, la moustache épaisse,
le front large, le regard intelligent et sévère ; d’une taille imposante, sa
belle tête s’élevait, de même que celle de Kléber, au-dessus des rangs, comme
un drapeau. D’une instruction profonde et variée, sobre, de mœurs simples et
antiques, s’occupant beaucoup du bien-être matériel des autres, sans aucun
souci du sien, il n’avait, étant officier supérieur, en expédition, qu’une
simple tente-abri, ainsi que le dernier des soldats[39]. » Le commandant d’Exéa, un de
ses amis d’enfance, écrivait : « Il était un vrai type de gentilhomme, de
soldat et d’artiste. Je n’ai pas connu, dans toute ma carrière, d’officier
plus complet que lui ; s’il n’avait pas été tué, il serait certainement devenu
maréchal. Je n’ai vu aucun officier d’Afrique qui fût à sa hauteur[40]. » Les
fonctions de commandant supérieur de Djemmaa-Ghazaouet comportaient
l’administration des populations indigènes. Montagnac usait avec elles d’une
justice prompte et impitoyable ; il employait des procédés rigoureux qui lui
valaient des remontrances de Cavaignac, commandant la subdivision de Tlemcen[41]. La
garnison du poste comprenait, en septembre 1845, le 8e bataillon de chasseurs
d’Orléans aux ordres du commandant Froment-Coste et un escadron du 2e
hussards, aux ordres du commandant Courby de Cognord ; le reste était composé
surtout de malingres et de convalescents, envoyés là pour se rétablir. Cavaignac
ne voulait pas laisser entre les mains de Montagnac un effectif trop
nombreux, craignant que son fougueux subordonné ne l’engageât
inopportunément. Il avait fait nommer à la tête de « l’arrondissement de
l’Ouest », à Lalla-Maghrnia, le lieutenant-colonel de Barral, promu le même
jour que Montagnac, mais plus ancien dans le grade antérieur, parce qu’il le
considérait comme calme et sûr. Montagnac, qui désirait et espérait ce
commandement, avait été très déçu. Piétinant d’impatience dans son poste, il
écrivait : « Je suis un peu trop fatigué de jouer le rôle d’huître dans mon
écaille de Djemmaa, il faut que j'en sorte. L’inaction me tue[42]. » L’occasion
se présenta d’agir. Comme Abd el Kader avait réuni des contingents importants
à la frontière marocaine pour envahir l’Algérie, Cavaignac recommanda à Barral
de « redoubler de surveillance » ... Cette recommandation, transmise à
Montagnac, lui apparut à tort comme un reproche de manque d’activité. Il
quitta Djemmaa-Ghazaouet le 21 septembre à 22 heures, avec tous les hommes
disponibles : 354 officiers et chasseurs du 8e bataillon, 69 officiers et
cavaliers du 2e hussards, et il alla bivouaquer à une douzaine de kilomètres
du poste. Le lendemain 22 septembre, il parcourut encore quelques kilomètres
pour se rapprocher de la route qu’Abd el Kader pouvait suivre. Il reçut alors
de Cavaignac, qui le croyait à Djemmaa-Ghazaouet, l’ordre d’envoyer à Barral
300 chasseurs. Cet ordre lui parvenait avec 30 heures de retard ; des
cavaliers ennemis se montraient en face de lui ; Abd el Kader était annoncé
comme arrivant le soir même à Sidi bou Djenane. Montagnac estima que sa
retraite provoquerait le soulèvement des populations, et décida de rester sur
place pour couvrir les tribus soumises. Il fit prévenir de sa décision le
lieutenant-colonel de Barral, par l’intermédiaire du capitaine du génie
Coffyn resté commandant du poste de Djemmaa-Ghazaouet. Après
une nuit d’inquiétude et d’insomnie, pour les chefs comme pour la troupe,
Montagnac partit le 23 septembre à 6 heures de son bivouac avec Courby de
Cognord et ses hussards, afin de dégager la montagne du Kerkour des cavaliers
indigènes qui s’y montraient ; il était suivi par trois compagnies de
chasseurs sans sacs, aux ordres du capitaine de Chargère. Il laissa au
bivouac le commandant Froment-Coste avec la compagnie Burgard et la compagnie
de carabiniers du capitaine de Géreaux. Les
hussards étant observés et accompagnés de loin par les vedettes ennemies,
Montagnac donna à Courby de Cognord l’ordre de charger ; mais de tous côtés,
cavaliers et piétons indigènes accoururent à la lutte. Montagnac fut blessé
d’une balle au bas-ventre ; le capitaine et le lieutenant de hussards
succombèrent ; le commandant Courby de Cognord ayant eu son cheval tué, un
hussard du nom de Testard renouvela le geste du trompette Escoffier et lui
dit en lui offrant son cheval : « Montez, mon commandant ; à pied que
ferez-vous ? Vous seul pouvez nous sauver tous. Quant à moi, advienne que
pourra ». Le commandant accepta, rallia les hussards survivants sur un
mamelon, et y organisa la défense en attendant l’infanterie. Les
trois compagnies de chasseurs avaient pris le pas de course. Elles arrivèrent
essoufflées, désunies, à quelque distance du mamelon défendu par Courby de
Cognord. Sur l’ordre de Montagnac, qui, assis sur un tertre, continuait
malgré sa terrible blessure à diriger le combat, elles se précipitèrent sur
les cavaliers indigènes pour les charger, au lieu d’essayer de rejoindre les
hussards. Formées en petits carrés, elles furent anéanties après avoir
accompli des prodiges de valeur ; seuls, un certain nombre de retardataires,
sur l’appel de Courby de Cognord, purent le rejoindre. Montagnac
mourant avait envoyé le maréchal des logis chef Barbut porter l’ordre au
commandant Froment-Coste de venir prendre le commandement et d’amener une
compagnie de renfort. Déjà le chef de bataillon était en route, accompagné du
capitaine adjudant-major Dutertre et de la compagnie Burgard. Arrivé à un
kilomètre du mamelon, il assista aux derniers efforts des défenseurs, qui
furent massacrés ou emmenés prisonniers par les Indigènes. Il essaya alors de
battre en retraite vers le camp, où il avait laissé le capitaine de Géreaux
et sa compagnie de carabiniers à la garde des sacs et des bagages. En peu de
temps, il fut entouré : Froment-Coste, Burgard et la plupart de leurs
chasseurs tombèrent sous les coups des Indigènes ; le capitaine Dutertre et
quelques sous-officiers ou chasseurs, dont le clairon Rolland, furent faits
prisonniers. De la colonne partie avec Montagnac, il ne restait que la
compagnie de carabiniers. Le capitaine de Géreaux, informé par le lieutenant
de Chappedelaine, placé en observation avec 15 hommes, du sort des autres
unités, décida d’évacuer le camp, peu propice à une bonne défense ; il se
dirigea vers le marabout de Sidi-Brahim. Grâce à la rapacité des Indigènes,
qui se précipitèrent sur les bagages et les sacs abandonnés, il put gagner
presque sans pertes le marabout et répartir ses 82 carabiniers sur les quatre
faces du petit mur d’enceinte. La
compagnie de Géreaux fut bientôt assaillie par une foule d’Indigènes, à pied
et à cheval, tirant et vociférant ; par des décharges à bout portant, elle en
coucha un grand nombre sur le terrain. Alors ce fut le blocus dans le
marabout de Sidi-Brahim de cette troupe sans eau, sans vivres, et disposant
de peu de munitions. Abd el Kader voulait l’amener à se rendre. Trois
émissaires indigènes apportèrent successivement à Géreaux des billets qui
furent recueillis au bout d’un grand roseau : aux deux premiers, rédigés en
arabe et traduits par l’interprète Lévy, Géreaux répondit par de fiers refus
; au troisième, écrit en français par un prisonnier sur l’ordre d'Abd el
Kader, il refusa de répondre ; le caporal Lavayssière inscrivit au bas une
formule expressive : « M.... pour Abd el Kader ; les chasseurs d’Orléans se
font tuer, mais ne se rendent jamais » ; il le montra à Géreaux qui sourit et
approuva, puis il le retourna à l’envoyeur. L’émissaire
porteur d’un quatrième billet ayant été accueilli à coups de fusil, Abd el
Kader voulut en finir. Il chargea le capitaine adjudant- major Dutertre, déjà
blessé, d’engager les carabiniers à se rendre, le menaçant de mort en cas
d’échec. Dutertre, conduit devant l'une des faces du carré par six Indigènes,
refusa d’abord de parler ; puis, pressé par ses gardiens, il s’écria : «
Camarades, le reste du bataillon est mort ou prisonnier, et Abd el Kader
m’envoie vous demander de vous rendre. Mais moi je vous engage à résister à
nos bourreaux et à vous défendre jusqu’à la mort. » Frappé aussitôt de deux
coups de pistolet, il fut ensuite décapité ; un Kabyle qui brandissait sa
tête en ricanant fut abattu par les carabiniers. Après
un nouvel assaut infructueux et coûteux, Abd el Kader laissa des postes
autour du marabout et alla faire reposer ses hommes. Géreaux, espérant le
secours de la colonne de Barral, qui devait être dans les environs, fit
hisser dans l’après-midi un petit drapeau tricolore de fortune au haut du
marabout. La nuit tomba sans qu’aucune intervention se fût produite. Le 24
septembre au matin, Abd el Kader expédia Courby de Cognord et les autres
prisonniers vers le Maroc, et décida de poursuivre sa route vers l’Ouest ; il
confia aux tribus locales le soin de maintenir le blocus du marabout. Le 25
septembre, les carabiniers étaient enfiévrés par la soif, torturés par la
faim. Ils attendaient toujours anxieusement le secours de Barral. Cependant
un Kabyle, envoyé dès le 23 à cet officier supérieur, avec un billet de
Géreaux, avait été traité d’imposteur parce que deux carabiniers échappés
avaient raconté l’anéantissement complet de la colonne ; il avait reçu
vingt-cinq coups de bâton, était revenu au marabout toucher le prix de sa
mission, mais n’avait plus consenti à recommencer... Le 26
septembre au matin, à un signal donné, les carabiniers, quoique exténués,
franchirent les murs d’enceinte ; ils bousculèrent le poste indigène chargé
de garder la direction de Djemmaa-Ghazaouet, puis, formés en carré, emportant
le petit drapeau tricolore fabriqué par eux, ils se dirigèrent vers leur
garnison. Les Indigènes se précipitèrent au pillage du butin laissé au
marabout de Sidi-Brahim, bagages et animaux, négligeant d’abord la petite
troupe. Les hommes de Géreaux, se croyant sauvés, se mirent à chanter, malgré
leur épuisement, le Chant du Départ. Mais bientôt les Indigènes les serrèrent
de près, de plus en plus nombreux et audacieux. Le
carré resta cependant formé jusqu’au ravin des Ouled Ziri, au fond duquel
coule un ruisseau ; à proximité de l’eau, la tentation de ces malheureux fut
trop forte : ils se débandèrent pour étancher leur soif : n’ayant plus de
munitions, ils se défendirent à l’arme blanche : ce fut le massacre... Trois
coups de canon tirés du blockhaus de Djemmaa-Ghazaouet jetèrent la confusion
chez les assaillants, et permirent à 16 hommes de regagner Djemmaa-Ghazaouet
: deux expirèrent en arrivant. Ainsi, de cette malheureuse expédition,
revinrent en tout 14 hommes, parmi lesquels un seul, le caporal Lavayssière,
avait conservé son arme. L’affaire
de Sidi-Brahim est magnifique pour les chasseurs d’Orléans et les hussards ;
elle est moins brillante pour le chef qui l’a conduite. Montagnac, Africain
expérimenté, a commis les fautes qu’il avait précédemment reprochées à
certains de ses camarades : il est sorti de sa garnison, en pays troublé,
avec une colonne d’effectif insuffisant ; il a engagé sa troupe par petits
paquets successifs : les hussards d’abord, puis les trois compagnies de
Chargère, enfin la compagnie Burgard ; la compagnie de Géreaux s’est trouvée
seule après l’anéantissement des autres et a subi le même sort. Un
échelonnement de ce genre n’avait pas empêché le duc d’Aumale de prendre la
Smala : mais il ne faut pas compter à la guerre sur un hasard heureux. Montagnac
est parti en expédition comme il faisait jadis avec son « bataillon d’élite »
aux environs de Mascara, pour une razzia sur des tribus en place. Les
conditions n’étaient pas les mêmes. S’il avait raisonné, il n’aurait pas
commis cette faute ; mais il était dans un état de nervosité spécial,
provoqué par l’isolement, le dépit, l’inaction. Il y a une foule
d’enseignements tactiques ou psychologiques à tirer du drame de Sidi-Brahim[43]. Au
moment où la colonne Montagnac se battait au Kerkour et à Sidi-Brahim, le
général Cavaignac livrait combat avec 1.600 hommes seulement contre les Trara
et rencontrait chez eux une résistance extraordinaire[44]. Le lieutenant-colonel de Barral,
inquiet, agité, indécis, mal renseigné, restait inutile avec sa colonne entre
Montagnac, qu’il essaya cependant de rejoindre le 23 septembre, et Cavaignac
trop éloigné de lui[45]. Un détachement de 200 hommes
du 15e léger et des zouaves, commandé par le lieutenant Marin, parti de
Tlemcen pour renforcer le poste d’Aïn-Temouchent, était entouré par les
contingents d’Abd el Kader près du marabout de Sidi-Moussa ; son chef, par
une aberration inconcevable, se rendait sans combat[46] ; ce détachement allait
rejoindre au Maroc les prisonniers de Sidi-Brahim. En
exposant au maréchal Soult le 28 septembre la gravité de la situation, La
Moricière lui disait : « Vous jugerez sans doute indispensable que M. le
maréchal Bugeaud et M. le général Bedeau rentrent immédiatement en Algérie. »
Au lieu d’envoyer à Bourjolly les renforts amenés d’Alger, il partit à leur
tête dans l’Ouest, rejoignit Cavaignac, et se porta avec lui contre les
populations insurgées ; il les repoussa vers la mer pour les avoir à sa
merci, mais se montra magnanime : « Je pouvais faire descendre, écrivait-il à
Soult, dans les affreux ravins où elles s’étaient jetées sans avoir le moyen
d’en sortir, des bataillons d’infanterie qui eussent obtenu une sévère
vengeance de cette insurrection... Dans la disposition d’esprit de nos
troupes, cette vengeance eût été trop cruelle peut-être... J’ai accordé le
pardon qui m’était demandé[47]. » Bugeaud
était allé voir Soult dans sa propriété de Soultberg, s’était réconcilié avec
lui, et comptait donc aller reprendre ses fonctions. Mais une campagne
acharnée était menée contre lui, particulièrement dans les colonnes du
journal l’Algérie. Un des principaux reproches faits au Maréchal était
d’employer uniquement la guerre comme procédé de pacification, au lieu de
chercher à réaliser « la conquête morale des populations. » On lui opposait
La Moricière, plus au courant des « grands problèmes de la société nouvelle
», et mieux informé du sens des mots « travail, capital, association,
gouvernement des hommes[48]. » La
campagne de dénigrement contre le Maréchal cherchait avant tout à l’empêcher
de retourner en Afrique : « Pour nous, imprimait l’Algérie le 26
septembre, M. le maréchal Bugeaud ne peut plus être gouverneur général de
l’Algérie. Ses opinions sur les concessions, sur la colonisation, sur la
guerre de Kabylie, sur le gouvernement des Indigènes, sur le gouvernement
civil, sont contraires à celles du Cabinet, du Ministre de la Guerre, des
commissions des Chambres, de la presse algérienne et métropolitaine et même
des officiers généraux et des principaux administrateurs civils qui servent
sous ses ordres en Algérie. Désormais, il ne peut plus ni obéir, ni se faire
obéir[49]. » Ces appréciations, inspirées
et même rédigées par les bureaux du Ministère de la Guerre, cherchaient à
diminuer Bugeaud et à grandir La Moricière. Le
Maréchal, de son côté, n’était pas toujours indulgent pour son subordonné. Il
écrivait à un journaliste qui les avait qualifiés de « grands capitaines »
que l’expression, exagérée pour tous deux, l’était certainement pour La
Moricière. D’après lui, le Gouverneur général intérimaire n’avait rien créé,
rien innové, et était meilleur comme chef de bataillon que comme général : «
Sa réputation a beaucoup baissé dans l’armée d’Afrique... Il entend bien la
conduite des Arabes et leur administration. Il a aussi de bonnes idées pour
l’administration des Européens ; il a des idées vraies et des idées fausses
en colonisation. Son esprit est plus qu’ordinaire, quoique trop porté vers la
controverse. En un mot, c’est un homme distingué, mais à qui il manque les
principales qualités du grand capitaine, c’est-à-dire des idées justes sur la
guerre, une grande résolution et une grande sérénité d’âme dans les
circonstances critiques[50]. » Soult,
au reçu des nouvelles d’Algérie envoyées par La Moricière, engagea le 4
octobre Bugeaud à aller reprendre ses fonctions, et fit envoyer l’ordre à
Bedeau de retourner à Constantine. Le 6 octobre, le chef d’escadrons Rivet
arriva chez Bugeaud, à La Durantie, lui demander de la part de La Moricière
de revenir sans retard en Algérie. Ces démarches pressantes et simultanées
développèrent l’orgueil de Bugeaud, qui signifia à Soult sa décision de
regagner son poste, en raison de la gravité des événements : « J’ai pensé,
lui écrivait-il, qu’étant encore gouverneur nominal de l’Algérie, je ne
pouvais me dispenser de répondre à l’appel que me font l’armée et la
population, que ce serait manquer à mes devoirs envers le Gouvernement et
envers le pays[51]. » Bugeaud
soulignait tous les manquements à ses instructions : Djemmaa-Ghazaouet était
devenu un poste permanent malgré lui ; les forces faisant face à la frontière
marocaine avaient été divisées en petites colonnes ; la cavalerie laissée à
Montagnac ne lui « était pas nécessaire pour garder les murailles » et
l’incitait à sortir malgré les défenses faites. D’après lui, c’était La
Moricière qui avait commis ces fautes. Le jour
même où le Maréchal incriminait ainsi son remplaçant, le journal l’Algérie
opposait la clairvoyance de La Moricière, signalant dès juillet les
préparatifs d’Abd el Kader, à l’imprévoyance du Gouverneur général quittant
son poste au moment critique, et à la présomption du Ministre de la Guerre
voulant tout diriger de Paris[52]. Arrivé
à Marseille, Bugeaud y recevait de nouveaux détails sur les événements de la
province d’Oran. Il donnait son impression au Ministre : dans la malheureuse
reddition du lieutenant Marin à Sidi-Moussa, l’origine de la faute
appartenait à La Moricière, qui avait créé le poste d’Aïn-Temouchent malgré
ses ordres formels, et la faute d’exécution incombait à Cavaignac, qui avait
eu l’imprudence de lancer dans un pays en fermentation un détachement de 200
hommes médiocrement composé. Il approuvait du moins la décision de La
Moricière d’avoir réuni aux colonnes de Korte et de Cavaignac[53], les renforts amenés par lui de
manière à constituer une colonne suffisamment forte. Bugeaud
jugeait ses lieutenants avec un orgueil bourru et parfois choquant, à la
manière d’un instituteur de village distribuant le blâme ou l’éloge à ses
petits élèves ; mais il ne ressentait pas de jalousie à leur égard, comme on
le lui a reproché :« Lui, jalouser ses lieutenants, a écrit Léon Roches. Des
pensées si mesquines pouvaient-elles trouver accès dans son esprit élevé, si
uniquement préoccupé du succès de la grande mission qui lui était confiée ?
Il identifiait, au contraire, l’œuvre de ses lieutenants avec la sienne, et
était fier de leur succès[54]. » Des intrigants ou des
flatteurs étaient toujours prêts, comme il arrive en pareil cas, à envenimer
les rapports du chef avec ses subordonnés, en rapportant des paroles vraies
ou fausses ; mais le commandant Fourichon, confident du Maréchal, et « son
pays », comme il l’appelait, remplissait auprès de lui un rôle utile de
conciliation[55]. Les
articles de journaux et les racontars malveillants faisaient croire à un
différend profond entre Bugeaud et La Moricière, et produisaient mauvaise
impression sur les officiers. Montagnac
écrivait dès juillet 1845 : « Tiraillements partout. Nos généraux ne
s’entendent pas. Les deux hommes sur qui les yeux de la France sont
constamment tournés deviennent des feuilletonistes et traînent dans les
journaux des discussions ridicules. Pendant ce temps, Abd el Kader vient nous
mettre des points et virgules, et le Maroc nous renvoie à la ligne[56]. » Le
colonel de Saint-Arnaud définissait un peu plus tard la situation respective
de Bugeaud et La Moricière en ces termes : « Il n’y a pas deux camps dans
l’armée d’Afrique, frère. Mais il y a deux hommes : l’un grand, plein de
génie, qui par sa franchise et sa brusquerie se fait quelquefois des ennemis,
lui qui n’est l’ennemi de personne ; l’autre capable, habile, ambitieux, qui
croit au pouvoir de la presse et la ménage, qui pense que le civil tuera le
militaire en Afrique et se met du côté du civil. L’armée n’est pas divisée,
pour cela, entre le maréchal Bugeaud et le général La Moricière ; seulement,
il y a un certain nombre d’officiers qui espèrent plus d’un jeune général
ayant de l’avenir, qu’en un vieillard illustre dont la carrière ne peut plus
être bien longue[57]. » Soult,
Bugeaud et La Moricière, en réalité d’accord sans s’être concertés,
envisageaient de la même façon les mesures à prendre pour venir à bout de
l’insurrection ; l’ordre de réunir les petites colonnes, donné par Bugeaud,
était exécuté par La Moricière avant d’être arrivé à destination ; les
demandes de renforts formulées par Bugeaud et par La Moricière étaient
satisfaites par Soult avant d’être parvenues à Paris[58]. Les
partisans de chacun des chefs étaient plus ardents et plus violents que ceux
dont ils croyaient servir la cause. Au moment même où Bugeaud se trouvait à
Marseille, prêt à s’embarquer pour rejoindre son poste, l’Algérie se
démasquait entièrement dans un suprême effort contre lui : « Qu’une dépêche
télégraphique, écrivait ce journal, arrête M. le maréchal Bugeaud à
Marseille, que le Ministère confie le gouvernement de l’Algérie à un
personnage éminent par sa position, populaire auprès des Indigènes par sa
justice et sa prudence, déjà illustre par de glorieux faits d’armes, et le
Ministre de la Guerre aussi bien que les braves officiers généraux qui
servent le pays avec tant de dévouement et d’éclat depuis quinze ans,
pourront prêter leur concours au nouveau gouverneur général, sans faire le
sacrifice de leur dignité[59]. » Bugeaud
était en mer le lendemain du jour où paraissaient ces lignes. A bord
du Panama, il écrivait son admirable circulaire relative aux postes
permanents et aux colonnes mobiles, destinée aux généraux d’Algérie. Il
s’élevait contre la multiplicité des postes permanents. Ces postes n’étaient
capables d’assurer ni les communications, ni l’administration du pays, ni la
surveillance des populations. Par contre, ils absorbaient non seulement leur
garnison, mais aussi les troupes chargées de les ravitailler, de satisfaire à
leur relève, et d’aller à leur secours, diminuant d’autant les effectifs
disponibles pour les opérations. Il
considérait les postes-magasins, qui permettaient aux colonnes de se
ravitailler sans revenir à leur base, comme indispensables à la mobilité de
ces colonnes. Mais ces postes devaient se borner à assurer leur propre
défense, sans jamais tenter à l’extérieur d’autres opérations que des mesures
de police à courte distance. Les troupes tenant la campagne constituaient,
d’après le Maréchal, « la véritable puissance », bien supérieure à celle
d’une multitude de postes. « La réunion en une seule colonne, écrivait-il, de
tous les postes qu’on échelonnerait d’après la routine sur une communication,
l’assurera beaucoup mieux, si cette colonne manœuvre convenablement, que ne
le ferait la division des forces en postes permanents[60]. » Bien
des événements malheureux eussent été évités, bien des vies humaines sauvées,
si, au cours des campagnes de l’armée d’Afrique, les principes posés par
cette circulaire avaient toujours été observés. Le
Gouvernement, en présence de la gravité de la situation, avait décidé l’envoi
en Algérie de renforts importants : six régiments d’infanterie à trois
bataillons et deux régiments de cavalerie à quatre escadrons[61]. Avant
même que ces renforts fussent tous arrivés, de multiples colonnes agissaient
pour étouffer la rébellion. La Moricière, Cavaignac, Korte et Géry
s’appuyaient sur Sidi-bel-Abbès, Tlemcen et Mascara pour interdire le pays à
Abd el Kader ; Bugeaud et Bourjolly menaçaient les Flitta ; Comman et
Saint-Arnaud étaient aux prises avec B ou Maza ; d'Arbouville et Marey
agissaient dans le Dira ; Camou rayonnait de Miliana ; et Gentil surveillait
le khalifa Ben Salem[62]. L’armée
d’Afrique mena, pendant les mois suivants, une campagne faite d’alertes
incessantes, de courses épuisantes, d’engagements inopinés, qui mirent les
troupes à de rudes épreuves. Abd el
Kader apparaissait soudain, disparaissait dans une direction, revenait par
une autre, faisait agir ses khalifas, tandis que Bou Maza, secondé par de
nombreux agitateurs parés du même nom, semblait un personnage multiple et
insaisissable. Bugeaud écrivait le 24 novembre au Ministre de la Guerre : «
Il faudrait être sorcier pour deviner les manœuvres de l’Emir, et que nos
soldats eussent des ailes pour l’atteindre. Peut-on courir partout à la fois
? Peut-on parer tous les coups d’aiguillon ? Peut-on mettre 100.000 hommes à
la poursuite d’Abd el Kader ?[63] » Le
Gouverneur général était amené à pratiquer une tactique cruelle, mais
indispensable, consistant à frapper durement les tribus chez lesquelles
l’Emir puisait des cavaliers et des ressources. En tuant peu à peu dans les
combats leurs principaux guerriers, en leur enlevant leurs armes et leurs
chevaux, en détruisant leurs approvisionnements, il comptait les annihiler,
et obliger son adversaire à s’enfoncer dans le Sahara ou à rentrer au Maroc[64]. Une
colonne légère pouvait seule avoir quelques chances de surprendre l’Emir.
Elle fut organisée et confiée à Yusuf ; malgré toute l’activité et l’énergie
déployées, elle rentra à Teniet-el-Had le 14 décembre 1845 et rejoignit
Bugeaud le 16, sans avoir obtenu le résultat cherché. Les troupes avaient
cependant fait preuve d’une endurance exceptionnelle. « Pendant ces longues
marches de nuit, écrivait Yusuf, dans un pays presque complètement dépourvu
de bois, par la pluie et la neige, je les ai constamment trouvées pleines
d’ardeur et de dévouement. Officiers et soldats ont été admirables ; aussi,
Monsieur le Maréchal, ne fais-je aucune mention particulière, car je serais
obligé de citer tout le monde[65]. » Yusuf
était parvenu à quelques kilomètres d’Abd el Kader, mais n’avait pas pu
l’atteindre. Aussi Bugeaud écrivait-il le 17 décembre au Ministre : « Il est
presque chimérique de prétendre forcer Abd el Kader à un combat dans lequel
il pourrait perdre la vie ou la liberté. Ce résultat ne peut être obtenu que
par l’effet d’un hasard heureux, qui ferait qu’une de nos colonnes, dont il
aurait ignoré la marche, rencontrerait la sienne dans un de ces crochets qui
lui sont si familiers[66]. » Poursuivi
dans le Sud, Abd el Kader vint audacieusement s’établir dans le Tell, sur le
Riou, entre les cinq colonnes françaises du maréchal Bugeaud, du général
Yusuf, du général Comman, du colonel de Saint- Arnaud et du colonel
Pélissier. Il s’exposait ainsi à être cerné. Bugeaud saisit cette occasion :
après avoir fait garder toutes les issues, il lança Yusuf avec la cavalerie
sur le camp de l’Emir, dans la nuit du 18 au 19 décembre. Ce fut encore en
vain. Yusuf, contrarié par une pluie glaciale, marcha pendant vingt heures
sans même pouvoir engager le combat avec l’arrière-garde d’Abd el Kader[67]. Un
engagement fortuit eut lieu par contre le 23 décembre dans la vallée de
l’oued Temda, où Yusuf découvrit les traces du convoi de l’Emir et de ses
cavaliers ; à la tête de ses 450 chasseurs, spahis et gendarmes, il atteignit
le convoi, mais il eut aussitôt affaire à 700 cavaliers de l’Emir ; en les
chargeant sur trois positions successives, il perdit 10 morts et 20 blessés,
et eut soixante chevaux tués, d’où un nouvel affaiblissement de sa cavalerie,
sans résultat pratique. Bugeaud tirait de ce combat la leçon que la
cavalerie, en pays hostile, ne devait pas rester longtemps séparée de
l'infanterie[68]. Cette
guerre pénible et sans gloire exigeait une résistance physique, une
expérience du pays et un effort intellectuel difficiles à imaginer. Bugeaud
écrivait au Ministre : « Beaucoup de militaires de France la traitent avec
légèreté, parce qu’on n’y rencontre pas de grosses batailles. Plût au ciel
que nous eussions à en livrer. Ce serait bien plus tôt fini, et nous
n’aurions pas à exténuer les troupes comme nous le faisons, par des marches
et contre-marches que les intempéries et souvent les privations viennent aggraver.
Sous ces derniers rapports, je ne crois pas qu’aucune armée ait jamais plus
mérité du pays[69]. » Au
début de janvier 1846, le général de la Moricière ayant réussi à rejeter Abd
el Kader dans le Sud, jugea inutile de le poursuivre et se borna à lui fermer
les lignes d’accès du Tell[70]. La
cavalerie était très fatiguée, par suite de ses longues courses et des
rigueurs de l’hiver. Bugeaud décida de la laisser reposer jusqu’au printemps,
à l’exception de quelques cavaliers indispensables dans chaque colonne. Il
prescrivit à Bedeau d’inquiéter sans relâche l’Emir par de petites colonnes
d’infanterie, de manière à lui créer « une existence intolérable », et de ne
pas s’user sans profit[71]. Abd el
Kader par contre, avec ses 400 cavaliers réguliers et ses 1.200 ou 1.500
cavaliers de goums, ne prenait pas de repos et se déplaçait avec une
incroyable rapidité. Alors que Bugeaud voulait le traquer dans le Sud grâce
aux colonnes Bedeau et Marey, il s’était porté vers l’Est, menaçant le centre
de la province d’Alger et même la province de Constantine. Toutes les troupes
étaient réparties dans les colonnes, et la seule réserve disponible était, à
la fin de janvier 1846, la colonne Gentil, rentrée depuis peu à Alger. Aussi
Bugeaud, craignant une pointe de l’Emir dans la Mitidja, décida d’organiser
deux bataillons de la milice d’Alger et de constituer une unité avec les
condamnés[72]. L’annonce
de ces mesures provoqua une émotion profonde parmi la population civile
d’Alger[73], jusque-là fort indifférente
aux difficultés de l’armée. Bugeaud s’indigna de l’égoïsme révélé par cet
état d’esprit, et écrivit au général de Bar : « Serait-ce pour notre plaisir
que nous ferions endurer à nos braves soldats des fatigues sans nombre, la
pluie, le froid, la neige ?... Faut-il attendre les scènes de 1839 pour
songer à compulser les listes de la milice afin de savoir qui peut et doit
être mobilisé ? Vous ne voyez rien autour de vous à Alger ; mais nous voyons,
nous, et savons ce qu’il en coûte à l’armée, pas beaucoup de sang, il est
vrai, mais des fatigues énormes, des efforts inouïs. » Il maintint sa
décision, dont le retrait eût dénoté, à ses yeux, « inconséquence d’esprit et
faiblesse de caractère », et en prit l’entière responsabilité[74]. Pour
couvrir la banlieue d’Alger, Bugeaud prescrivit encore au général de Bar de
réunir toute la cavalerie disponible et de la mettre aux ordres de Yusuf, à
qui il envoya en outre deux bataillons, afin de constituer la colonne de
Blida[75]. Un
événement imprévu démontra l’opportunité de ces mesures. Le général Gentil,
parti d’Alger pour faire relever la garnison de Dellys, tomba inopinément
dans la nuit du 6 au 7 février 1846 sur le camp du khalifa Ben Salem,
dispersa ses troupes, et constata par des indices qu’Abd el Kader devait s’y
trouver[76]. Bugeaud courut se joindre à
Gentil pour compléter ce succès et châtier les tribus kabyles qui avaient
accueilli l’Emir[77]. Alors
que le Gouverneur Général rentrait à Alger, il reçut une lettre du Ministre
de la Guerre lui représentant « l’impression pénible produite dans le Conseil
du Roi » par les mesures relatives aux bataillons de milices et aux condamnés
militaires et le priant d’en suspendre l’exécution[78]. Il
répondit aussitôt avec indignation : « Je suis sincèrement affligé qu’une
mesure aussi simple, aussi naturelle, aussi légitime, aussi opportune, eût pu
produire de pareilles impressions. Je savais très bien, en la prenant, que je
provoquerais les clameurs de la presse, écho fidèle de toutes les mauvaises
passions, même de la peur, et qu’elle s’empresserait d’exagérer les plaintes
de quelques spéculateurs d’Alger, qui croient que tout, même la sécurité,
doit être sacrifié à leurs intérêts financiers. Mais, je l’avoue, j’étais
loin de présumer que le Gouvernement tout entier se laisserait impressionner
dans le même sens. » Il avait fait mieux, ajoutait-il, que rapporter la
mesure consistant pour lui à « préparer la mobilisation sur la papier » ; il
avait rendu la sécurité aux environs d’Alger, grâce à l’action vigoureuse de
ses troupes[79]. L’émoi
de la population d’Alger et le désaveu du Gouvernement métropolitain
caractérisent bien les difficultés rencontrées par les chefs chargés de
gouverner les pays d’Outre-Mer. Ils mèneraient généralement avec aisance leur
action contre les ennemis de la France, s’ils n’avaient pas en même temps à
se défendre contre les attaques de leurs administrés français locaux et
contre la méfiance des bureaux parisiens. Bugeaud
avait la qualité, précieuse entre toutes, et déjà mise en lumière par la
campagne de l’Isly, de savoir prendre ses responsabilités. Il avait autorisé
par exemple, au mois de janvier 1846, le général Cavaignac à tenter d’enlever
en territoire marocain la Déïra d’Abd el Kader, et même d’attaquer Bou Hamidi
dans Oudjda, si ce khalifa d’Abd el Kader s’y installait. Son autorisation ne
comportait aucune ambiguïté : « Il n’y a pas la moindre équivoque dans mes
instructions, avait-il écrit à son subordonné, je couvre entièrement votre
responsabilité par la mienne[80]. » L’opération n’avait pas pu
réussir ; mais Cavaignac avait eu du moins toute liberté d’action. Les
colonnes au Sud de Médéa avaient été disposées de telle façon qu’Abd el
Kader, installé sur les pentes sud du Djurdjura, devait passer à proximité de
l’une d’elles en quittant sa position. Le
colonel Camou put l’atteindre le 7 mars, avec sa cavalerie commandée par le
lieutenant-colonel de Noué, et lui infliger des pertes sensibles[81]. Le
général Yusuf, s’étant joint à Camou, découvrit le 12 mars au soir les traces
de l’Emir ; il partit avec 600 cavaliers aux ordres du lieutenant-colonel de
Nouë et 400 fantassins montés sur mulets, aux ordres du colonel Renault,
suivit les traces au clair de lune, mais trouva le bivouac de l’Emir évacué.
Le 13 mars, à l’aurore, il aperçut le nouveau bivouac, mais constata qu’Abd
el Kader s’enfuyait, abandonnant tentes et bagages. Lançant en avant sa
cavalerie, Yusuf le poursuivit ; le capitaine Ducrot, avec ses goums et un
escadron de spahis, atteignit le premier l’ennemi. La plupart des réguliers
furent tués ou faits prisonniers ; mais Abd el Kader, serré un moment de très
près, s’échappa grâce à la vitesse de son cheval avec 14 cavaliers[82]. Pendant cette poursuite, les
cavaliers de l’Emir blessèrent de coups de feu deux officiers français
prisonniers, pour ne pas les laisser délivrer : l’interprète Lévy, pris à
Sidi-Brahim, qui expira bientôt, et le lieutenant de bureau arabe Lacotte,
pris dans un guet-apens, qui mourut un peu plus tard[83]. Yusuf
croisa encore, le 5 avril dans la nuit, Abd el Kader et sa petite troupe,
mais ne le sut que le lendemain ; il exécuta du moins le 6 une razzia
considérable sur une émigration d’Ouled Naïl[84]. Pour
permettre à Yusuf d’agir plus rapidement encore, le général Marey fut
spécialement chargé d’organiser un service de l’arrière, et constitua à cet
effet une base à Boghar, avec une colonne aux ordres du colonel de
Ladmirault. Le duc
d’Aumale, commandant la province de Constantine, vint le 1er mai 1846 faire
sa jonction avec Yusuf, afin d’étayer ses arrières pendant sa campagne contre
Abd el Kader dans le Djebel Amour. Le jeune prince ayant donné à Yusuf des
instructions un peu sévères à l’égard des tribus, le maréchal Bugeaud crut
bon de lui envoyer quelques conseils ; il lui expliqua comment, dans le
Sahara, une rigueur excessive à l’égard d’une tribu empêchait les autres de
venir se soumettre et faisait perdre le bénéfice des marches et des combats ;
« comme je reconnais l’impossibilité du châtiment partout étendu,
concluait-il, je fais de la politique et je satisfais en même temps mes idées
d’humanité[85]. » Yusuf
ne rencontra pas de difficultés dans le Djebel Amour, Abd el Kader ayant
passé chez les Ouled Sidi Cheikh et s’étant installé à Stitten ; il se borna
à recevoir les soumissions des tribus et à leur infliger de fortes amendes. Le duc
d’Aumale, chargé par Bugeaud de reconnaître un emplacement destiné à établir
une base de ravitaillement et un poste de liaison entre les provinces d’Alger
et de Constantine, choisit la position de Sour Ghozlan, sur le revers Nord du
Djebel Dira. Bugeaud ayant approuvé ce choix, le Ministre décida la création
d’un poste, qui reçut le nom d’Aumale ; le colonel Mollière y resta à partir
du 30 mai avec trois bataillons. Dans le
Nord, Bou Maza, traqué dans le Dahra par le lieutenant-colonel Canrobert,
commandant la colonne de Ténès, et le colonel de Saint-Arnaud, commandant la
colonne d’Orléansville, avait eu le 15 mars le bras fracassé par une balle.
Obligé de se réfugier dans l'Ouarenséris, il dut fuir devant les colonnes de
Bugeaud, et rejoindre Abd el Kader à Stitten. A la
fin de mai 1846, la province d’Alger se trouvait donc à peu près pacifiée. Les
efforts principaux de l’armée d’Afrique, toujours dirigés vers la région où
se tenait Abd el Kader, allaient être donnés au printemps de 1846 dans la
province d’Oran, commandée par La Moricière. Dans le
nord de cette province, le général Cavaignac avait à réprimer des tentatives
isolées, comme au mois de mars celle d’un marabout, Sidi el Fadel, se disant
Jésus ressuscité, dont les partisans furent mis en pièces à quelques
kilomètres de Tlemcen[86]. Il surveillait la frontière
marocaine, non loin de laquelle étaient établies la Déïra d’Abd el Kader et
les tribus algériennes émigrées auprès d’elle. C’est à
la Déïra qu’étaient gardés les 280 prisonniers français faits à Sidi-Brahim
et à Sidi-Moussa. Malgré les appels émouvants, mais très dignes, du
commandant Courby de Cognord à Cavaignac et à La Moricière, le Gouverneur
général se refusait à tout pourparler d’échange avec Abd el Kader, pour ne
pas sembler traiter d’égal à égal avec son adversaire mis « hors la loi ».
Les vivres se faisaient rares à la Déïra, et quoique, distribués peu
largement aux prisonniers, manquaient aux contingents de l’Emir ; les refus
dédaigneux de discuter un échange exaspéraient Abd el Kader et ses partisans.
Le khalifa Mustapha ben Thami prit une décision atroce : celle de faire
égorger les malheureux prisonniers, sauf les officiers et leurs ordonnances,
qui furent conduits à l’écart. Ce crime fut consommé dans la nuit du 24 au 25
avril 1846. Parmi
les épargnés étaient Courby de Cognord, promu pendant sa captivité officier
de la légion d’honneur et lieutenant-colonel, ainsi que son ordonnance le
hussard Testard, qui lui avait sauvé la vie[87]. Le clairon Rolland parvint à
s’échapper et à rejoindre Lalla-Maghrnia, après quelques vicissitudes[88]. Ainsi tombaient, massacrés
lâchement, presque tous les survivants des glorieux combats du Kerkour et de
Sidi-Brahim. Les
colonnes qui avaient forcé Abd el Kader à se réfugier à Stitten avaient
supporté de dures épreuves ; elles étaient revenues délabrées, avec des
hommes dépourvus d’effets et des chevaux fourbus. Comme La Moricière se
plaignait de l’état de la colonne Renault, à la suite de la campagne dirigée
par Yusuf, Bugeaud lui répondait que Yusuf avait eu raison d’utiliser les
troupes mises à sa disposition jusqu’à leur limite d’usure, et de conserver
ensuite tous les chevaux valides : « C’est bien joué, écrivait-il, et je
jugerais ainsi lors même qu’il n’aurait pas gagné la partie... Si nous
chassons et ruinons Abd el Kader, notre infanterie et notre cavalerie auront
tout le temps de se remettre[89]. » Le
colonel Renault repartit d’ailleurs bientôt de Frenda pour le Sud ; il reçut
la soumission de Stitten ; puis à la tête de ses cavaliers et de 1.000
fantassins sans sacs, il se mit à la poursuite d’Abd el Kader et de Bou Maza,
les poussant au-delà de Chellala. Il reçut alors la soumission des Ouled Sidi
Cheikh, qui lui dirent : « Nous sommes les supports de la tente que vous
voulez planter ; nous voici ; nous soutiendrons l’édifice[90]. » Le
colonel Roche, commandant la colonne d’observation de Daya, voulut empêcher
éventuellement Abd el Kader de gagner le Maroc, et se porta dans le Chott. Sa
colonne éprouva les 15 et 16 juin, au retour, de cruelles souffrances par
suite du manque d’eau ; le troupeau, n’ayant pas bu, ne pouvait plus avancer
; les barils contenant l’eau avaient fui ; les hommes tombaient suffoqués,
plusieurs se suicidèrent, d’autres disparurent pour être allés isolément dans
la nuit à la recherche d’eau[91]. Ces
pénibles efforts des troupes de la province d’Oran furent du moins couronnés
de succès : Abd el Kader, repoussé par les habitants des divers ksour qui
s’étaient soumis à la France, se décida à passer au Maroc[92]. Il arriva à sa Déïra le 18
juillet 1846, le jour même où Bugeaud s’embarquait pour la France, laissant
l’intérim au lieutenant général de Bar. Abd el
Kader, quoique fugitif, disposait dans les Beni-Snassen et au Rif d’une
influence qui le rendait dangereux à la fois pour le Sultan du Maroc et pour
l’Algérie. Il désirait négocier avec Bugeaud le retour de Courby de Cognord
et des quelques prisonniers épargnés. Le Maréchal refusait de discuter avec
un adversaire qu’il avait mis hors la loi ; cependant, par l’intermédiaire de
Cavaignac, il allait consentir à l’échange des prisonniers français contre
des prisonniers musulmans, lorsqu’une négociation menée par l’entourage de
l’Emir, en dehors des autorités françaises, aboutit au rachat de Courby de
Cognord et de ses compagnons contre une rançon de 6.000 douros espagnols,
environ 33.000 francs. Les prisonniers arrivèrent le 25 novembre 1846 sur la
côte, près de Melilla[93]. La
politique indigène, basée sur l’entente directe des chefs français avec les
chefs indigènes et les tribus, jouait un rôle chaque jour plus important, et
étendait l’influence française sans que les troupes eussent à l’imposer au
prix de leurs fatigues et de leur sang. Dans la
province de Constantine, les négociations furent particulièrement
fructueuses. Le
colonel de Ladmirault, installé dans le nouveau poste d’Aumale, et aidé par
le capitaine Ducrot, chef de bureau arabe, avait entamé des pourparlers avec
le khalifa d’Abd el Kader, Ben Salem ; il l’avait amené à correspondre avec
Bugeaud. Une entrevue solennelle eut lieu entre le Gouverneur général et le
Khalifa à Aumale, en février 1847. Ben Salem refusa le pouvoir avec dignité ;
mais il accepta d’organiser le pays, sous le contrôle de chefs désignés par
les tribus, suivant les usages locaux. Il alla faire une visite à Bugeaud à
Alger, où il fut reçu avec les plus grands égards. Cette
excellente politique, menée par des officiers connaissant bien le pays et ses
populations, était étayée par la présence de troupes solides, et devait être
complétée ultérieurement par l’occupation de la Kabylie. Elle était définie
par Bugeaud en ces termes : « Lors même que toutes les tribus entre Sétif et
Bougie auraient fait un semblant de soumission, il serait encore de la plus
haute importance militaire et politique de nous montrer dans ces contrées
avec des forces imposantes ; c’est dire tacitement aux montagnards : Vous le
voyez, si vous ne tenez les engagements faits avec nous, nous pouvons par
deux routes arriver chez vous avec des forces tellement imposantes que toute
résistance est impossible[94]. » N’est-ce pas le principe
formulé plus tard par Lyautey dans les termes : « manifester la force pour en
éviter l’emploi ? » Les
colonnes expéditionnaires étaient d’ailleurs, grâce à l’expérience acquise
dans les campagnes précédentes, mieux préparées et mieux approvisionnées.
Lorsque Cavaignac partit de Daya pour le Sud en avril 1847, avec 3.400
hommes, il emmenait un convoi de 1.950 chameaux, avec des approvisionnements
pour 50 jours ; il emportait 400 tonnelets, contenant 20.000 litres d’eau,
des toiles imperméables pour l’abreuvoir des animaux, deux norias destinées à
extraire l’eau des puits ; il avait même muni ses soldats de petits voiles en
gaze verte, pour les protéger contre la poussière et le soleil. Le général
Renault, parti de Saïda à la même époque, avait l’aide d’une colonne de
ravitaillement. Toutes ces prévisions rendaient la tâche des troupes moins
pénible[95]. Yusuf,
l’animateur des poursuites acharnées, allait sans difficulté, au même moment,
régler des différends entre tribus dans le Djebel Amour. Pendant le séjour de
la colonne dans la région, le commandant Féray, officier d’ordonnance de
Bugeaud, lit une visite au grand chef religieux Tedjini à Aïn-Mahdi ; il
déposa à la mosquée, où il fut exceptionnellement autorisé à entrer, les
offrandes du Gouverneur. Tedjini, qui n’était jamais allé voir aucun
Chrétien, ni même aucun Musulman, se rendit le soir au bivouac du commandant
Féray, consentit à réciter la prière pour le Roi des Français et le Maréchal,
et fit remettre trois autruches en cadeau[96]. Une transformation profonde
s’opérait dans l’état d’esprit des populations et de leurs chefs. Les
agitateurs étaient abandonnés par les tribus soumises et par les chefs
dévoués à la France. Pour se
débarrasser d’eux, il fallait néanmoins employer parfois des procédés un peu
rudes. Saint-Arnaud avait nommé caïd un ancien lieutenant de Bou Maza venu à
lui ; ayant eu la preuve de son projet de trahir et d’assassiner l’agha, il
envoya l’ordre à l’agha « de le tuer comme un chien » ; l’ordre fut exécuté «
avec une rare vigueur et beaucoup d’à-propos », pour le plus grand prestige
de l’agha. «
Quelles mœurs, quel pays, ajoutait Saint-Arnaud en racontant cet épisode à
son frère ; quels hommes et quelle force il faut avoir, quel empire sur
soi-même pour ordonner froidement des exécutions nécessaires, et ne pas se
gâter à cette tyrannie facile, à cette omnipotence dangereuse. J’ai compris
toutes les horreurs de l’histoire, souvent si triste, des proconsuls romains
en Afrique... Pour nous, l’histoire des chefs français en Afrique sera pure,
belle, instructive et bien intéressante à connaître. Il est à regretter que
personne n’y pense, ni ne s’en occupe[97]. » Bou
Maza, qui avait quitté la Déïra d’Abd el Kader, était arrivé par le Sahara
jusqu’à la province de Constantine ; il avait été repoussé en janvier 1847
par le général Herbillon parti de Batna, puis par le khalifa installé par les
Français à Laghouat. Poursuivi en mars dans l'Ouarenséris par le lieutenant
Margueritte, alors en tournée avec une trentaine de spahis et goumiers, il
avait failli être pris et avait fui en abandonnant burnous et sandales ! Il
n’avait plus d’influence sur les populations, qui restaient sourdes à ses
appels ; partout il se heurtait à l’indifférence ou à la crainte de
représailles. C’est
au colonel de Saint-Arnaud que Bou Maza décida d'offrir sa soumission, le 13
avril 1847, à la suite d’une dernière déception : « Il arrive, a écrit le
colonel à son frère, chez un de ses affidés, le caïd des Ouled Younès, nommé
El Hasseni, qui, s’il eût été seul, se serait prosterné devant lui ; mais il
y trouve quatre de mes mokhazenis. Cela a été le dernier coup. Il a de suite
pris sa détermination, et a dit : « Menez-moi à Orléansville au colonel
Saint-Arnaud lui-même », ajoutant que c’était à moi qu’il voulait se rendre,
parce que c’était contre moi qu’il s’était le plus battu. Les autres ont obéi
; ils tremblaient encore devant Bou Maza, qui a gardé ses armes et ne les a
déposées que chez moi, sur mon ordre... deux pistolets chargés de huit balles.
En amenant Bou Maza, mes quatre mokhazenis étaient effrayés de leur audace.
D’un signe, Bou Maza les aurait fait fuir... Il a compris que son temps était
passé, et qu’il ne pouvait plus soulever des populations fatiguées de lui et
domptées par nous[98]. » Saint-Arnaud
se réjouissait du coup de fortune qui allait sans doute lui valoir le grade
de maréchal de camp ; comme il le remarquait, les soumissions de Ben Salem et
de Bon Maza étaient « de grands pas pour la pacification de l’Algérie ». La
situation politique en France et la campagne menée contre Bugeaud
fournissaient matière à critiques à beaucoup d’officiers de l’armée
d’Afrique. Saint-Arnaud,
ayant reçu d’un des siens une lettre où il était qualifié de « vieil
aristocrate », reconnaissait le bien-fondé de l’épithète ; il l’expliquait en
disant : « C’est la liberté que j’ai vue qui est cause de cela ; c’est la
presse, c’est la Chambre, ce sont vos inutiles révolutions qui ont tué les
gens et laissé vivre les abus ; enfin, c’est tout ce que je vois tous les
jours avec un grand dégoût[99]. » Il
était particulièrement écœuré de l’hostilité entretenue contre le maréchal
Bugeaud, et exprimait son sentiment en ces termes : « On est toujours mal
disposé à Paris, à Alger et partout pour ce pauvre maréchal, qui s’en
tourmente et y perd son repos et sa santé. As-tu vu les épiciers et
bonnetiers de la Chambre avec leur protestation contre l’expédition de
Kabylie ? S’ils veulent dicter la guerre, qu’ils viennent conduire nos
colonnes. Dans six mois, nous aurons des représentants du peuple à l’armée
d’Afrique. Cela ira bien, je demande à m’en aller[100]. » Il ne
cessait d’ailleurs de conseiller au maréchal Bugeaud de quitter l’Algérie. A
la suite des soumissions de Ben Salem et Bou Maza, il lui écrivait « que le
moment était opportun, bien choisi, et on dirait fourni par sa bonne étoile
pour se retirer noblement[101]. » Bugeaud
ne voulait pas s’en aller sans avoir fait l’expédition de Kabylie, préparée
par ses soins. Le 6 mai, il donna l’ordre de départ aux troupes. Le
lendemain, « au moment de monter à cheval », il reçut une lettre du Ministre
qui considérait le Djurdjura comme entièrement soumis et qui envisageait
l’ajournement de l’expédition. Il lui répondit : « Je dois prendre sur moi la
responsabilité de l’achèvement de l’œuvre dans toute la chaîne du Djurdjura.
Je la prends en entier ; il le faut bien d’ailleurs, puisqu’elle m’est
laissée. Mais cela ne m’effraye pas ; seulement je vous prierai de remarquer
qu’on serait bien mal fondé de me répéter encore que je redoute la presse et
l’opinion. Je monte à cheval pour rejoindre mes troupes[102]. » L’expédition
fut confiée à deux colonnes parties, l’une de Bordj Hamza le 12 mai aux
ordres de Bugeaud, l’autre de Sétif le 14 mai aux ordres de Bedeau. Ces
colonnes firent leur jonction le 21 mai et arrivèrent le lendemain à Bougie,
où l’investiture solennelle des chefs eut lieu le 24 mai devant la tente de
Bugeaud. Tandis
que le Maréchal menait à bonne fin son expédition en transgressant les ordres
reçus, le colonel de Saint-Arnaud s’indignait de l’attitude prise par le
Gouvernement. A son avis, la question était simple : les tribus soumises
demandaient protection contre les insoumises ; il était indispensable de la
leur accorder : « Il n’y avait pas à hésiter, écrivait-il à son frère. Les
ministres savent cela, et au lieu de répondre aux attaques, ils ont préféré
se taire et attendre les résultats pour dire : « Nous avons autorisé ou nous
n’avons pas permis », selon que l’on aura réussi ou non. Est-ce là du
gouvernement, de la dignité ? Et tu veux que le Maréchal n’abandonne pas la
partie ! Si, pardieu, et je vais le lui conseiller encore. Je l’estime trop
pour ne pas être sûr qu’il se retirera, et il fera bien[103]. » Bugeaud
avait pris sa décision. Lorsqu’il revint à Alger le 26 mai, il la fit
connaître à Saint-Arnaud qui s’y trouvait. Son confident estima que c’était «
une révolution africaine » ; il écrivait : « c’en est une réelle pour tous,
pour le pays et pour nous surtout, vieux soldats qui avons vieilli et grandi
avec l’homme que nous regretterons toujours[104]. » L’œuvre
de pacification n’était pas terminée ; mais elle pouvait, de l’avis du
Maréchal, être poursuivie pacifiquement, grâce à une sage politique, surtout
en Kabylie où il était impossible d’assurer matériellement la garde de la
contrée. Pour
développer la colonisation, la meilleure méthode consistait à évoluer
progressivement, sans vouloir importer prématurément en Algérie les
institutions de la métropole : « Demandez d’abord à la Mère- Patrie, disait
Bugeaud aux colons dans sa proclamation du 30 mai, qu’elle maintienne
l'effectif de l’armée ; qu’elle adopte un large système de colonisation
civile et militaire ; qu’elle augmente les allocations pour vos travaux
publics de première urgence, et enfin qu’elle ôte à la centralisation de Paris
tout ce qui peut lui être ôté sans compromettre la responsabilité
ministérielle[105]. » L’ordre
du jour adressé le 5 juin 1847 par Bugeaud à ses troupes était émouvant : «
Officiers, sous-officiers et soldats de l’armée d’Afrique, ma santé et
d’autres motifs puissants m’ont obligé à prier le Roi de me donner un
successeur... Comment me séparer de vous sans éprouver de profonds regrets.
Vous n’avez cessé de m’honorer pendant six ans et demi d’une confiance qui
faisait ma force et la vôtre. C’est cette union entre le chef et les
troupiers qui rend les armées capables de faire de grandes choses. Vous les
avez faites. » Le
Maréchal retraçait à grands traits l’œuvre victorieuse de ses colonnes. Il
félicitait ensuite ses soldats d’avoir su travailler pour utiliser leur
conquête : « Vous
avez trouvé glorieux de savoir manier, tour à tour, les armes et les
instruments de travail ; vous avez fondé presque toutes les routes qui existent
; vous avez construit des ponts et une multitude d’édifices militaires ; vous
avez créé des villages et des fermes pour les colons civils ; vous avez
défriché les terres des cultivateurs trop faibles encore pour les défricher
eux-mêmes ; vous avez créé des prairies, vous avez semé des champs, et vous
les avez récoltés. Vous avez montré, par-là, que vous êtes dignes d’avoir une
bonne part dans le sol conquis et que vous sauriez aussi bien le cultiver que
le faire respecter de vos ennemis[106]. » Bugeaud
s’embarqua le 5 juin 1847, laissant le gouvernement général par intérim au
lieutenant général de Bar. Ce dernier ayant reçu un commandement en France,
le lieutenant général Bedeau fut désigné le 29 juin pour prendre ces
fonctions. Qui
allait succéder à Bugeaud ? On avait parlé de Bedeau, ou de Baraguey d’Illiers,
ou du duc d’Aumale avec l’un de ces deux généraux pour commander les troupes[107]. Bugeaud
avait le duc d’Aumale en haute estime et en grande affection. Léon Roches
raconte que, dès la fin de 1843, il s’exprimait ainsi à son sujet : « Je
place très haut les talents militaires et administratifs de mes trois
lieutenants préférés, Changarnier, La Moricière et Bedeau. Eh bien, si
j’avais à faire le choix de mon successeur au gouvernement de l’Algérie, je
n’hésiterais pas à désigner le duc d’Aumale, dans lequel se trouvent réunies
les qualités qui constituent le chef d’armée et l’administrateur. Il a la
décision prompte, le courage entraînant, le corps infatigable et l’amour du
travail, le tout dirigé par une haute intelligence et un ferme bon sens.
Joignez à cela le prestige dont l’entoure, aux yeux de tous et des Arabes
surtout, son titre de fils du sultan de France, et vous aurez en lui le
gouverneur qui fera de l’Algérie un royaume prospère[108]. » Le duc
d’Aumale fut nommé gouverneur général le 11 septembre 1847. « Cette
nomination, a écrit du Barail, fut acclamée à la fois par l’armée et par la
population civile, comme une promesse de bonheur et de prospérité. Le Roi, en
confiant à l’un de ses fils le gouvernement de l’Algérie, témoignait à la
colonie sa sollicitude et sa résolution de la développer. Le Prince, qui
connaissait à fond l’Algérie, y avait révélé des talents de premier ordre,
comme administrateur et comme homme de guerre[109]. » Le
nouveau gouverneur général arriva à Alger le 5 octobre. Dans son ordre du
jour à l’armée d’Afrique, il rappelait qu’il avait à cinq reprises servi dans
ses rangs et il exprimait bien le sentiment général à l’égard de Bugeaud : «
L’armée, disait-il, qui vient d’accomplir tant de grandes choses, a salué
d’universels regrets l’illustre chef à qui elle doit tant de gloire, et sous
les ordres duquel j’aurais tant aimé à me retrouver encore. Qu’il reçoive ici
la nouvelle expression du bien vif et bien reconnaissant souvenir que lui
conservera toujours l’armée d’Afrique[110]. » Sa
proclamation aux Indigènes tirait parti de l’expérience acquise et formulait
des sentiments capables de les toucher : « Vous avez compris, ô Musulmans,
leur disait-il, combien le bras de la France était puissant et redoutable, et
combien son Gouvernement était juste et clément. Vous avez obéi à l’immuable
volonté de Dieu qui donne les Empires à qui bon lui semble sur la terre... Le
Roi des Français m’a envoyé au milieu de vous comme son représentant sur
cette terre qu’il aime à l’égard de la France. J’ai déjà vécu parmi vous ; je
connais vos lois et vos usages et tous mes actes tendront à augmenter votre
prospérité et celle du pays. » La
tâche essentielle à réaliser par le duc d’Aumale, au point de vue militaire,
était d’en finir avec Abd el Kader, installé au Maroc près de la frontière
algérienne. Abd el
Kader, pris entre les caïds du Sultan du Maroc, à qui La Moricière
fournissait des munitions, était dans une situation de plus en plus critique.
Il fut abandonné par ses deux frères eux-mêmes, qui obtinrent l’aman de La
Moricière ; le colonel de Montauban alla les chercher, le 21 décembre 1847,
pour les amener au camp français avec leur suite. Acculé
à la mer par les forces marocaines, Abd el Kader fut obligé de passer en
Algérie ; il se rendit à La Moricière dans des circonstances dramatiques, le
23 décembre, après avoir reçu la promesse, donnée par La Moricière au nom du
duc d’Aumale, d’être transporté à Alexandrie ou à Akka. C’est à Sidi-Brahim,
lieu de son plus sanglant exploit, qu’il se présenta au bivouac du colonel de
Montauban ; dirigé sur Djemmaa-Ghazaouet, déjà baptisé du nom de Nemours, il
rencontra bientôt La Moricière et Cavaignac ; il fit route avec eux. Le duc
d’Aumale, débarqué le matin même à Nemours, l’y attendait ; il confirma les
engagements pris par La Moricière[111]. Les
troupes d’Afrique étaient alors dans un magnifique état d’entraînement, sans
être fatiguées par des expéditions trop pénibles. Lorsque Montauban avait, au
bivouac de Sidi-Brahim, fait rendre les honneurs par ses cavaliers à Abd el
Kader, ce dernier avait fait une seule remarque : « Si j’avais eu des hommes
comme les tiens, je serais actuellement à Fez. » L’embarquement de l’ancien Emir, de sa famille et des fidèles désireux de l’accompagner s’effectua le 25 décembre à Nemours. L’impression produite en Algérie par cet événement fut immense. Le calme complet s’y établit, de telle sorte que, au début de 1848, la Kabylie seule restait à soumettre. |
[1]
Le maréchal de camp Comman au maréchal duc d’Isly, du camp d'Aïn-el-Arba, 18
octobre 1844 (original).
[2]
Le maréchal Bugeaud au maréchal Ministre de la Guerre, du camp de Larbi, 28
octobre 1844 (original).
[3]
Le maréchal Bugeaud au lieutenant général de la Moricière, commandant la
province d’Oran, d’Alger, 12 octobre 1844 (original).
[4]
Le colonel de Saint-Arnaud à son frère, avocat à Paris, d’Orléansville, 25
novembre 1844. Lettres du maréchal de Saint-Arnaud, tome II, 1855, page 2.
[5]
Le colonel de Saint-Arnaud à son frère, avocat à Paris, d’Orléansville, 1er
février 1845. Lettres, tome II, page 9.
[6]
Le chef de bataillon Vinoy, commandant supérieur de Sidi-bel-Abbès, au général
Thiéry, commandant la subdivision à Oran, du camp de Sidi-bel-Abbès, 30 janvier
1845 (extrait).
[7]
Colonel Walsin-Esterhazy, Notice historique sur le Maghzen d’Oran, page
203.
[8]
Colonel Walsin-Esterhazy, Notice historique sur le Maghzen d’Oran, page
207.
[9]
Le maréchal duc d’Isly, gouverneur général de l’Algérie, au maréchal Ministre
de la Guerre, Président du Conseil, d’Excideuil, 5 janvier 1845 (original).
[10]
Le maréchal duc d’Isly au maréchal Ministre de la Guerre, Président du Conseil,
d’Alger, 8 avril 1845 (original).
[11]
Le maréchal de camp Le Pays de Bourjolly, commandant la subdivision de
Mostaganem, au lieutenant général de la Moricière, du bivouac sur l’oued
Oudoukhr, 24 avril 1845 (original).
[12]
Le colonel de Saint-Arnaud au maréchal de camp de Bourjolly, de Bal, le 23
avril 1845 (original).
[13]
Voir le détail des opérations dans : Général Paul Azan, Conquête et
Pacification de l'Algérie, pages 333 à 339.
[14]
Le maréchal duc d’Isly au maréchal Ministre de la Guerre, Président du Conseil,
du bivouac sur l’oued bou-Zegzag chez les Béni Tighrin, 5 juin 1845 (original).
[15]
Le colonel de Saint-Arnaud, commandant la subdivision d'Orléansville, au
maréchal duc d’Isly, du bivouac de Sidi-bel-Kassem, 20 juin 1845 (original). —
Le colonel de Ladmirault au maréchal duc d’Isly, du bivouac sur l’oued Delfa,
21 juin 1845 (copie).
[16]
Le colonel Pélissier, sous-chef d’état-major général, commandant la colonne
expéditionnaire de l’ouest du Dahra, au colonel de Saint-Arnaud, de
Ghar-el-Frachich, 20 juin 1845 (copie). — Le même au maréchal duc d’Isly, du
bivouac de Ghar-el-Frachich, 22 juin 1845 (original de 14 pages).
[17]
Le Ministre de la Guerre au maréchal duc d’Isly, gouverneur général de
l’Algérie, de Paris, 5 juillet 1845 (minute).
[18]
Le maréchal duc d’Isly au maréchal Ministre de la Guerre, d’Alger, 14 juillet
1845 (original).
[19]
Le colonel de Saint-Arnaud, commandant la subdivision d’Orléansville, au
maréchal duc d’Isly, d’Aïn-Meran, 15 août 1845 (original).
[20]
Le maréchal duc d’Isly, gouverneur général, au maréchal Ministre de la Guerre,
d’Alger, 23 août 1845 (original).
[21]
Circulaire imprimée du gouverneur général de l’Algérie, maréchal duc d'Isly,
signée pour ampliation par le colonel faisant fonctions de chef d’état-major
général, Pélissier. — Projet d’organisation des colonies militaires, imprimé au
verso.
[22]
Le maréchal Bugeaud au colonel de Saint-Arnaud, 21 août 1845, citée par le
comte d’Ideville, Le maréchal Bugeaud, tome III, pages 37-38.
[23]
Le lieutenant général de la Moricière, commandant la province d’Oran, au
maréchal Ministre de la Guerre, de Sidi-bel-Abbès, 24 avril 1845 (original).
[24]
Général du Barail, Mes souvenirs, tome I, page 159.
[25]
Le colonel Géry, commandant la colonne expéditionnaire du Sud, au lieutenant
général de la Moricière, de Stitten, 25 avril 1845 (original).
[26]
Le colonel Géry au lieutenant général de la Moricière, de Goutifa, 9 mai 1845
(copie).
[27]
Le lieutenant général de la Moricière, commandant la division d’Oran, au
maréchal duc d’Isly, gouverneur général de l’Algérie, du bivouac sous Frenda,
18 mai 1845 (original).
[28]
Le lieutenant général de la Moricière au maréchal duc d’Isly, de Saïda, 28 mai
1845 (copie).
[29]
Le maréchal de camp Cavaignac, commandant la subdivision de Tlemcen, au
lieutenant général de la Moricière, commandant la province d’Oran, 17 juin 1845
(original).
[30]
Le lieutenant-colonel de Montagnac à Bernard de Montagnac, de
Djemmaa-Ghazaouet, 21 août 1845. Lettres d’un soldat, pages 498-499.
[31]
E. Pellissier de Reynaud, Annales algériennes, tome III, page 226.
[32]
E. Pellissier de Reynaud, Annales algériennes, tome III, page 228.
[33]
Le maréchal Bugeaud, gouverneur général de l’Algérie, au maréchal Ministre de
la Guerre, Président du Conseil, d’Alger, 27 avril 1845 (original).
[34]
Le maréchal Bugeaud au maréchal Ministre de la Guerre, du bivouac de l’oued
bou-Zegzag, chez les Béni Tighrin, 6 juin 1845 (original).
[35]
Le maréchal Bugeaud au maréchal Ministre de la Guerre, d’Alger, 27 avril 1845
(original).
[36]
Le maréchal Bugeaud au colonel de Saint-Arnaud, d’Alger, 21 août 1845. Imprimée
dans : Comte Henry d’Ideville, Le maréchal Bugeaud, tome III, page 38.
[37]
Le lieutenant-général de la Moricière, gouverneur général par intérim, au
maréchal duc de Dalmatie, 28 septembre 1845 (original). Imprimée dans :
Lieutenant Paul Azan, Sidi-Brahim, 1re édition, 1905, pages 437 à 442.
[38]
Montagnac à son oncle Bernard de Montagnac, de Djemmaa-Ghazaouet, 9 avril 1845.
Lettres d'un soldat, page 466.
[39]
Eugène-J. Rémy, officier d’infanterie. Biographie du colonel de Montagnac,
Paris, Dumaine, 1847.
[40]
Général d’Exéa, Mémoires inédits.
[41]
Voir : Lieutenant Paul Azan, Sidi-Brahim, 1re édition, pages 65 à 70. —
Voir aussi : Le lieutenant-colonel de Montagnac à Bernard de Montagnac, 31 mai
1845. Lettres d'un soldat, pages 481 à 484.
[42]
Le lieutenant-colonel de Montagnac à Elizé de Montagnac, de Djemmaa-Ghazaouet,
16 mai 1843. Lettres d'un soldat, page 481.
[43]
Voir : Lieutenant Paul Azan, Sidi-Brahim, 1re édition, 1905.
[44]
Le lieutenant général de la Moricière, gouverneur général par intérim, au
maréchal duc de Dalmatie, d’Oran, 28 septembre 1845 (original). Imprimée dans :
Lieutenant Paul Azan, Sidi-Brahim, pages 437 à 442.
[45]
Voir : Lieutenant Paul Azan, Sidi-Brahim, chapitre : La colonne de
Barral.
[46]
La Moricière à Soult, d’Oran, 1er octobre 1845, 10 heures du soir. Lieutenant
Paul Azan, Sidi-Brahim, page 475.
[47]
La Moricière à Soult, du bivouac sur l’oued Tleta, près Nédroma, 17 octobre
1845. Imprimée dans : Lieutenant Paul Azan, Sidi-Brahim, page 563.
[48]
L'Algérie, courrier d’Afrique, d’Orient et de la Méditerranée, 22
septembre 1845, n° 122.
[49]
L'Algérie, 26 septembre 1845, n° 123.
[50]
Lettre du 30 septembre 1845, imprimée dans L’Echo de la Dordogne et de
Vésone, à Périgueux, 18 septembre 1865.
[51]
Bugeaud à Soult, d’Excideuil, 6 octobre 1845, confidentielle (original).
Imprimée dans : Lieutenant Paul Azan, Sidi-Brahim, pages 515 et
suivantes.
[52]
L’Algérie, 6 octobre 1845, n° 125.
[53]
Le maréchal Bugeaud au maréchal Soult, de Marseille, 11 octobre 1845
(original).
[54]
Léon Roches, Trente-deux ans à travers l'Islam, Paris, 1887, tome II,
page 436.
[55]
Léon Roches, Trente-deux ans à travers l'Islam, Paris, 1887, tome II,
page 437.
[56]
Le lieutenant-colonel de Montagnac à Elizé de Montagnac, de Djemmaa-Ghazaouet,
22 juillet 1845. Lettres d'un soldat, page 492.
[57]
Le colonel de Saint-Arnaud à son frère, avocat à Paris, d'Orléansville, 10
janvier 1846. Lettres du maréchal de Saint-Arnaud, Paris, 1855, tome II,
page 71.
[58]
Voir : Lieutenant Paul Azan, Sidi-Brahim, 1re édition, pages 305 à 307.
[59]
L'Algérie, numéro du 12 octobre 1845, n° 126.
[60]
Circulaire, à bord du Panama, 14 octobre 1845. Imprimée dans :
Lieutenant Paul Azan, Sidi-Brahim, 1re édition, pages 313 à 318.
[61]
Le Ministre de la Guerre au maréchal duc d'Isly, gouverneur général, de Paris,
22 octobre 1845 (minute). Imprimée dans : Paul Azan, Sidi-Brahim, 1re
édition, pages 568-570.
[62]
Voir : Général Paul Azan, Conquête et Pacification de l'Algérie, page
357.
[63]
Le maréchal Bugeaud, duc d’Isly, au Ministre de la Guerre (lieutenant général
de Saint-Yon), du quartier général d’Ammi-Moussa, 24 novembre 1845 (original).
[64]
Le maréchal Bugeaud, duc d’Isly, au Ministre de la Guerre (lieutenant général
de Saint-Yon), du quartier général d’Ammi-Moussa, 24 novembre 1845 (original) ;
et le même au même, de Ben-Athia sur l’oued Menasfa, 30 novembre 1845
(original).
[65]
Le maréchal de camp Yusuf, commandant la colonne détachée de celle du
Gouverneur général, d’Aïn-Toukeria, 16 décembre 1845 (copie).
[66]
Le maréchal duc d’Isly, gouverneur général, au Ministre de la Guerre, du
bivouac d’Aïn-Toukeria, 17 décembre 1845 (original).
[67]
Le maréchal duc d’Isly au colonel Mellinet, de l’oued Kramis, près d’El-Bouïb,
sur le Riou, 22 décembre 1845 (original).
[68]
Le maréchal duc d’Isly au lieutenant général Ministre de la Guerre, du bivouac
au confluent de Téguignest et du Riou, 24 décembre 1845 (original).
[69]
Le maréchal duc d’Isly, gouverneur général, au Ministre de la Guerre,
d'Aïn-Toukeria, 16 décembre 1845 (original), dans le P. S.
[70]
Le lieutenant général de la Moricière, commandant la province d’Oran, au
lieutenant général Ministre de la Guerre, du bivouac des Matamores de Kalib,
dans la vallée de l’oued el-Tat, 6 janvier 1846, 10 heures du soir (original).
— Le même au maréchal Gouverneur général de l’Algérie, du bivouac au pied du
Djebel-bou-Maïz, entre l’oued el-Tat et l’oued el-Abd, 9 janvier 1846, 1 h. du
matin (copie).
[71]
Le maréchal duc d’Isly, gouverneur général, au lieutenant général Bedeau, à
Médéa, de l’oued Kramis, rive droite du Biou, chez les Keraïch, 14 janvier 1846
(copie).
[72]
Le même au lieutenant général de Bar, de Nahr-Ouassel, dépêches télégraphiques
des 3 et 4 février 1846. — Le même au même, sous Boghar, 5 février 1846.
[73]
Le lieutenant général de Bar au maréchal duc d’Isly, 5 février 1846, 9 heures
du matin.
[74]
Le maréchal duc d’Isly au lieutenant général de Bar, de Boghar, 5 février 1846,
particulière (copie).
[75]
Le maréchal duc d’Isly au lieutenant général de Bar, d’Oued-Chaïr, 7 février
1846, 6 heures du soir (copie).
[76]
Le maréchal de camp Gentil, commandant la colonne de l’Est, au lieutenant
général de Bar, commandant la division d’Alger, du camp de Hadjer-Djouala, 7
février 1846 (copie).
[77]
Le maréchal duc d’Isly au Ministre de la Guerre, du revers nord du Djurdjura,
chez les Guechtoula, 20 février 1846 (original).
[78]
Le Pair de France, ministre secrétaire d’État de la Guerre, au maréchal duc
d’Isly, gouverneur général de l’Algérie, de Paris, 16 février 1846 (minute).
[79]
Le maréchal duc d’Isly au Ministre de la Guerre, d’Alger, 24 février 1846
(original).
[80]
Le maréchal duc d’Isly au général Cavaignac, commandant la subdivision de
Tlemcen, du bivouac d’Aïn-Kebira, pointe est de Djebel Sidi-Marouf, entre le
Riou el Tiaret, 19 janvier 1846 (duplicatum).
[81]
Le colonel Camou, commandant la colonne du Sud, au général Marey-Monge,
commandant la subdivision de Médéa, d’Aïn-Cussera, 8 mars. 1846 (copie).
[82]
Le général Yusuf au maréchal Gouverneur général de l’Algérie, de Gouiga, 15
mars 1846 (copie).
[83]
Voir : Général du Barail, Mes souvenirs, tome I, pages 289 et 290.
[84]
Le maréchal duc d’Isly au Ministre de la Guerre, d’Alger, 13 avril 1846
(original).
[85]
Le maréchal duc d’Isly au duc d’Aumale, du bivouac de l’oued Tixal, 12 mai 1846
(copie).
[86]
Le maréchal de camp Cavaignac, commandant la subdivision de Tlemcen, au
lieutenant général de la Moricière, commandant la province d’Oran, de Tlemcen,
26 mars 1846 (copie).
[87]
Voir en particulier les Mémoires inédits de Courby de Cognord (Archives
du général Paul Azan).
[88]
Voir : Capitaine Paul Azan, Le clairon Rolland, Paris, Fournier, 1914.
[89]
Le maréchal duc d’Isly au lieutenant général de la Moricière, sous Miliana, 9
mai 1846 (copie de 8 pages signée par le Maréchal).
[90]
Le colonel Renault, commandant la colonne expéditionnaire du Sud, au général
Thiéry, de Sidi-Hadj-ben-Ameur, 9 juin 1846 (copie).
[91]
Le colonel Roche, du 5e de ligne, commandant la colonne expéditionnaire du Sud,
au lieutenant général de la Moricière, commandant la province d’Oran,
d’Oglat-Kersouta, 18 juin 1846 (original).
[92]
Le colonel Renault au général Thiéry, lettre citée du 9 juin 1846.
[93]
Voir : Colonel Paul Azan, Les prisonniers de Sidi-Brahim au Maroc, Bulletin
de la Société de Géographie d’Alger, 1925, pages 408-420 ; 1926, pages
38-58. — Voir aussi : Général Paul Azan, Conquête et Pacification de
l'Algérie, pages 380-381.
[94]
Le maréchal Bugeaud au lieutenant-général Ministre de la Guerre, 30 avril 1847
(original).
[95]
Voir : Général Paul Azan, Conquête et Pacification de l'Algérie, page
386. — Journal des opérations militaires, 1847. Colonne expéditionnaire
du Sud, sous les ordres de M. le général Cavaignac. Note préliminaire. — Le
maréchal de camp d’Arbouville, commandant la division d’Oran par intérim, au
maréchal duc d’Isly, gouverneur général, d’Oran, 13 mars 1847 (original).
[96]
Voir : Général Paul Azan, Conquête et Pacification de l'Algérie, pages
385-386.
[97]
Le colonel de Saint-Arnaud à son frère, avocat à Paris, d'Orléansville, 16 mars
1847. Lettres du maréchal de Saint-Arnaud, Paris, 1855, tome II, page 139.
[98]
Le colonel de Saint-Arnaud à son frère Leroy de Saint-Arnaud, avocat à Paris,
d’Orléansville, 17 avril 1847. Lettres du maréchal de Saint-Arnaud, tome
II, page 144.
[99]
Lettres du maréchal de Saint-Arnaud, tome II, page 145.
[100]
Le colonel de Saint-Arnaud à son frère, avocat à Paris, d’Orléansville, 24
avril 1847. Lettres du maréchal de Saint-Arnaud, tome II, pages 146-147.
[101]
Lettres du maréchal de Saint-Arnaud, tome II, page 147.
[102]
Bugeaud au Ministre de la Guerre, d’Alger, 7 mai 1847 (original).
[103]
Le colonel de Saint-Arnaud à son frère, avocat à Paris, d’Orléansville, 21 mai
1847. Lettres du maréchal de Saint-Arnaud, tome II, page 149.
[104]
Le colonel de Saint-Arnaud à son frère, avocat à Paris, 26 mai 1847. — Le même
au même, d’Alger, 28 mai 1847. Lettres du maréchal de Saint-Arnaud, tome
II, Paris, 1855, pages 150 et 151.
[105]
Proclamation aux « colons de l’Algérie », en date du 30 mai 1847. Reproduite
dans : Comte H. d'Ideville, Le maréchal Bugeaud, tome III, pages 160 à
164.
[106]
Ordre du jour du maréchal Bugeaud, du quartier général d’Alger, 5 juin 1847.
Reproduit dans : Comte H. d'Ideville, Le maréchal Bugeaud, tome III,
pages 164-166.
[107]
Le colonel de Saint-Arnaud à son frère, avocat à Paris, d’Alger, 28 mai 1847. Lettres
du maréchal de Saint-Arnaud, tome II, page 151.
[108]
Léon Roches, Trente-deux ans à travers l'Islam, tome II, pages 438-439.
[109]
Général du Barail, Mes souvenirs, tome I, pages 321-322.
[110]
Ordre du jour du 6 octobre 1847, au quartier général à Alger (imprimé).
[111]
Voir : Colonel Paul Azan, L’émir Abd el Kader, Paris, 1925, pages 226 à
235.